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Cap-aux-Diamants La revue d'histoire du Québec

Place aux livres

La guerre de la conquête Numéro 99, 2009

URI : https://id.erudit.org/iderudit/6718ac

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Éditeur(s) Les Éditions Cap-aux-Diamants inc.

ISSN 0829-7983 (imprimé) 1923-0923 (numérique)

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Citer ce compte rendu (2009). Compte rendu de [Place aux livres]. Cap-aux-Diamants, (99), 52–57.

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Ainsi, l'auteur ne manque pas de souligner à propos des tableaux repré­ sentant la mort de et de Louis-Joseph de Montcalm que « la grandiloquence des gestes et la confor­ mité aux règles de l'art et aux goûts de l'époque prennent le pas sur la vérité historique ». Allons au-delà du propos le début du XXe siècle. En fait, 101 an­ de l'auteur. L'œuvre d'art commemora­ nées de vedettariat au Québec ressem­ tive n'échapperait pas à la dialectique ble à un album de photographies de nos du réel tel qu'il est et du réel tel qu'on vedettes passées et récentes. Or, là où voudrait qu'il soit. On pourrait même les admirateurs de tous âges voudraient pousser l'audace jusqu'à affirmer que, reconnaître leurs célébrités préférées, plus que toute autre création, elle l'historien du XXIe siècle trouvera au n'échappe pas à l'idéologie. contraire un intérêt peut-être plus Un dernier mot sur la qualité ar­ grand à identifier ces vedettes d'antan, tistique de cette publication dont la autrefois célèbres, en se demandant à conception graphique a été faite par quel point furent-elles importantes et À défaut de n'avoir pu nous offrir l'agence de création Bleuoutremer. pourquoi, dans certains cas, les a-t-on une reconstitution de la bataille des Le format inhabituel - presque carré oubliées si rapidement? Autrement dit, plaines d'Abraham, la Commission des - de l'ouvrage, la disposition du texte si ce livre nous montre les personnali­ champs de bataille nationaux s'est asso­ dans la page, le dialogue dynamique tés les plus connues du Québec depuis ciée au Musée national des beaux-arts et cohérent que celui-ci entretient avec plus de 100 ans, comment se fait-il que du Québec pour la présentation, cet l'image, l'utilisation alternée du pa­ certaines soient si rapidement retom­ été, d'une modeste mais intéressante pier mat comme support aux textes et bées dans l'anonymat? exposition intitulée La prise de Québec. du papier glacé pour donner tout leur La première moitié de l'ouvrage Les deux organismes ont aussi eu l'heu­ éclat aux reproductions des œuvres est la plus intéressante du point de vue reuse idée de matérialiser la réflexion retenues pour l'exposition font de La iconographique et la plus instructive des deux commissaires de l'exposition, prise de Québec/The Taking of Québec sur le plan historique. Plusieurs vedet­ Hélène Quimper et Daniel Droùin, un agréable coffee table book que tout tes montréalaises des années 1920 et dans une publication qui est l'indispen­ « québécophile » se doit de posséder. 1930 y apparaissent dignement : Julien sable complément de l'événement. Daoust, fondateur du Théâtre National Hélène Quimper est historienne à Serge Pallascio Français, mais aussi des comédiens : la Commission des champs de bataille Eugénie Verteuil, Pierre Durand et Ju­ nationaux à Québec. Son texte, « Qué­ liette Béliveau (p. 10). En plus de nom­ bec, 1759-1760 : au cœur de la guerre ••• breuses photographies, on rencontre de Sept Ans » reconstitue avec pré­ quelques documents d'époque, comme cision le fil des événements qui, du Philippe Laframboise et al. cette affiche présentant trois salles et 12 janvier au 13 septembre 1759, ont 101 années de vedettariat au Québec. leurs programmes de spectacles à Mon­ mené à la prise de Québec tout en re­ Outremont. Éditions du Trécarré et tréal : le Cristal, le National, le Palais plaçant l'événement dans le contexte Montréal. Le Journal de Montréal, Royal (p. 11). On revit la période du beaucoup plus large des intérêts géo­ 2000, 160 p. burlesque des années 1940 avec Oli­ politiques des deux grandes puissances vier Guimond (le premier de ce nom) coloniales, l'Angleterre et la France, À l'ère des études savantes sur (p. 17), des personnages de la radio qui s'affrontent à ce moment-là sur tous la fabrication des célébrités (celebrity comme Mimi D'Estée (p. 19), le com­ les terrains disponibles. La synthèse culture) analysant les impacts sociaux positeur Ernest Lavigne, des chanteurs historique est brève mais efficace, bien de la culture de masse, principalement légendaires comme Lionel Daunais et appuyée par des témoignages, voire des dans le monde anglo-saxon, on trouve Raoul Jobin (p. 21). confidences, des principaux acteurs. par ailleurs au Québec un album assez Ouvrage richement illustré, le tex­ Daniel Droùin est conservateur de unique présentant chronologiquement te y est toutefois minimal. En fait, 101 l'art ancien avant 1850 au Musée na­ des portraits de plusieurs de nos gran­ années de vedettariat au Québec n'a que tional des beaux-arts du Québec. Son des vedettes de la chanson, de la radio, deux défauts : celui de se concentrer texte, « La prise de Québec : 250 ans de la littérature, de la télévision, depuis beaucoup trop sur la scène montréa-

52 CAP-AUX-DIAMANTS. N° 99 Q laise, à une époque où chaque région à Québec, première école de filles de François Rivard [photographies] ft avait ses propres vedettes créées par les langue française en Amérique du Nord. et Yves Ouellet [textes]. Les saisons de stations de radio locales (comme Saint- Elle rédige plusieurs ouvrages sur les Charlevoix. Montréal, Les Éditions de n Georges Côté à Québec). De plus, les langues amérindiennes. l'Homme, 2006, 238 p. Q dates de plusieurs photographies sont Son œuvre spirituelle, en parti­ souvent inexactes, par exemple dans culier les deux Relations de Tours et le cas des photos de Denise St-Pierre de Québec (1677) et son abondante (plutôt en 1970 qu'en 1954) et de De­ Correspondance (1681) en firent une nise Filiatrault (probablement en 1967, personnalité majeure de l'histoire reli­ i mais non en 1960) (p. 42-43). Cet al­ gieuse de la Nouvelle-France, qualifiée bum rare n'a pas d'équivalent au Qué­ de « Thérèse du Nouveau Monde » par bec : il est en outre un symptôme de la Jacques-Bénigne Bossuet. disproportion flagrante entre les archi­ Depuis le 22 juin 1980, « elles est ves iconographiques d'avant 1950 (très considérée comme bienheureuse par limitées en nombre) et la surabondance l'Église catholique ». d'images d'après 1980. On le parcourt Cette biographie, en trois parties, avec plaisir. trace un portrait saisissant de cette pionnière qui a contribué à l'explora­ tion et à la construction du Nouveau Yves Laberge Monde : L'Aventure (p. 9-95) Entre deux mondes, l'Atlantique ••• des pirates et des icebergs; les Amé­ Prenant part à la lignée de ces rindiens, ceux pour qui le voyage a été beaux livres, livres table à café, le Françoise Deroy-Pineau. Marie de fait; la mode de Paris doit-elle préva­ présent album est d'une facture irré­ l'Incarnation. Femme d'affaires, mys­ loir à Québec?; la Nouvelle-France en prochable. L'éditeur, qui n'est plus à tique et mère de la Nouvelle-France. construction; si la France nous man­ ses premiers faits d'arme dans ce type Montréal. Bibliothèque Québécoise, que : quitter ou mourir. d'ouvrage, propose cette fois Charle­ 2008, 335 p. A Tours au bord de la Loire (p. 99-208) voix comme région à admirer. Cette Une femme s'éveille dans une ville muse d'artistes est présentée ici dans qui s'endort; aux sources de l'énergie; do­ l'alternance de ses saisons. Nul suspen­ mestique dans une entreprise d'import- se ni de cinquième saison à l'horizon : export; femme d'affaires philanthropi­ le printemps ouvre le bal, suivi de l'été, que; mère monoparentale; la vie chez qui poursuit son cours vers l'automne les Ursulines quand on a été femme pour finir avec l'hiver. À travers cet d'affaires; rêves d'aventure insolite et écoulement du temps, l'album fait état négociations serrées; comment traverser de manifestations naturelles, de chan­ la France en se faisant des amies. gements dans ses paysages agricoles, Installation dans un nouveau pays dans son patrimoine bâti, dans l'écla­ (p. 211-308) tement de ses couleurs et des modes Dangers dans trois directions : de vie qui s'adaptent au climat. Ainsi Iroquois, Anglais, calomnies françai­ paré de ses plus beaux atours, ce coin ses; alcool, fourrure et tremblement du Québec s'offre à l'égérie du chasseur de terre; cela sonne gros et commence d'images. Photographe de profession, bien; l'Amérique du Nord devient-elle François Rivard est né à Trois-Riviè­ française?; la mère fondatrice dresse res en 1952. De sa Mauricie natale, il son bilan; vie d'une vie. est initié par son père Harvey Rivard, Une très imposante bibliographie photographe portraitiste. Il se retrouve complète ce volume (p. 309-323), suivie donc avec un appareil photo au cou dès des repères chronologique : 1534-1676. son jeune âge et, à dix-sept ans, il dé­ L'auteure, canadienne et française, cide de devenir photographe et s'inscrit montréalaise et tourangelle est journa­ à l'École des métiers de Trois-Rivières. Marie Guyart (Marie de l'Incar­ liste et sociologue, spécialisée en socio- Par la suite, il entreprend une carrière nation) est née en 1599 et baptisée le histoire. professionnelle, posant son œil de mé­ 28 octobre à Tours. À dix-neuf ans, Ce livre très intéressant est écrit tal notamment sur les grandes centra­ elle devient veuve. C'est une femme à partir des textes de dom Claude les syndicales du Québec et le monde d'exception. D'abord femme d'affai­ Martin, fils de Marie de l'Incarnation, artistique. En 1981, il largue les amar­ res prospère, elle est attirée par la vie et de nombreuses bibliographies. res et s'installe dans son nouveau port mystique et entre chez les Ursulines d'attache, à Baie-Saint-Paul. Visible­ à 31 ans, puis elle s'embarque pour la Laval l,avnie ment amoureux de cette région, c'est Nouvelle-France à l'âge de 40 ans. le parcours du photographe de nature Quelques années plus tard, elle que réunit ce livre qui s'étale sur plus implante le monastère des Ursulines ••• de 25 ans de travail et d'observation. Ce

CAP-AUX-DIAMANTS, N° 99 53 ï recueil photographique s'ouvre par un gées de souvenirs cache partiellement texte d'introduction, suivi d'une biogra­ le caractère désordonné de ce livre et X phie sur François Rivard, pour ensuite nous empêche d'être plus sévère. 3 laisser s'exprimer totalement les saisons 3 dans ce qui les fonde de l'intérieur. Yves Laberge Les quatre chapitres s'amorcent donc U d'abord par les mots, entreprise assurée 3 par le journaliste et auteur Yves Ouel­ ••• let. Ses textes peignent, par petits coups de pinceau, le portrait subtil de chacu­ Peter MacLeod. La vérité sur la ba­ ne d'elles : le printemps la festive, l'été taille des plaines d Abraham. Montréal, la pastorale, l'automne la flamboyante Les Éditions de l'Homme, 2008, 491 p. et l'hiver l'éclatante. Comme transition entre les textes et les photographies couleur, les auteurs ont choisi d'offrir à l'œil du lecteur quelques photos noir et blanc. Cette technique met à l'avant- scène la richesse du travail visuel de Thériault, jusqu'aux téléséries encore Rivard qui s'exprime ici dans toute sa récentes, avec une multitude de téléro­ force et sa beauté, notamment avec le mans (comme La pension Velder), sans magnifique portrait d'un cultivateur de oublier ces moments où l'histoire d'une Baie-Saint-Paul. Le lecteur poursuit nation se fait à la télévision : soirées dans une féerie de couleurs, où la pré­ d'élections, référendums, crises et ca­ sence de personnages croqués sur le vif tastrophes (comme la tempête de ver­ ponctue çà et là le paysage. Sur fond de glas de 1998). En outre, on revoit l'âge mer et de montagne, le piégeur d'ima­ d'or des téléthéâtres : Des souris et des ges s'abreuve à cette vie charlevoisienne hommes d'après John Steinbeck (p. 80) faite de pittoresques traces du passé et Au retour des oies blanches de Mar­ avec ses granges, ses croix de chemin cel Dubé (p. 82). Plusieurs pages témoi­ et de regards plus contemporains avec gnent des moments forts de notre his­ le tendre printemps des enfants du toire tels que rendus par la télévision; photographe. La visite des lieux se ter­ d'autres exemples illustrent simplement mine par une courte bibliographie. On de grands moments de télévision. note cependant l'absence d'une filmo­ Pourtant, le livre Ici Radio- Demeurer objectif est le défi de graphie, même si le travail du cinéaste est loin d'être parfait. La faible organi­ tout historien. Peter MacLeod, lui, va Pierre Perrault est évoqué dans le texte. sation des sections montre la difficulté plus loin en nous proposant la « vérité » Ouvrir ce livre, c'est poser son regard, de faire de l'histoire avec la télévision sur ce qui s'est réellement passé lors de à la suite des auteurs, sur une région en transposant de l'écran au livre : on la bataille des plaines d'Abraham. Ce coup de cœur, et ce, dans l'alternance n'y trouve aucune chronologie, mais projet ambitieux, l'auteur souhaite le de ses saisons. plutôt une présentation thématique peu réaliser par l'entremise des témoins justifiée où l'ancien côtoie sans cesse les plus humbles de cet affrontement. Pascal Huot l'actuel. Les textes très brefs manquent Des hommes comme William Hunter, souvent d'approfondissement et res­ Joseph Trahan et Ouiharalihte dont les tent trop en surface. La mise en pages récits nous rappellent « qu'une campa­ ••• laisse également à désirer : certaines gne militaire engage d'abord et avant photographies sont inexplicablement tout des êtres humains ». En dépit de Jean-François Beauchemin, en col­ petites sur une page de grand format son titre, cet ouvrage va bien au-delà de laboration avec Gil Cimon. Ici Radio- et presque vide (La reine morte, p. 79; la journée du 13 septembre que l'auteur Canada : 50 ans de télévision française. Premier Plan, p. 127). De plus, certai­ replace dans le contexte du siège de Montréal, Les Éditions de l'Homme, nes de ces images sont mal choisies et Québec et de la guerre de la Conquête. 2002, 255 p. s'apparentent trop à des photos promo­ S'il reprend ce procédé convention­ tionnelles d'animateurs, au lieu de les nel, MacLeod se démarque toutefois Au cours des dernières années, montrer dans le feu de l'action. Néan­ de ses prédécesseurs sur la question nous avons à quelques reprises signalé moins, il reste un fait rare à souligner : du « front intérieur » que doit mener dans nos pages l'ouvrage Ici Radio-Ca­ l'ouvrage comporte un index très utile. l'armée française afin d'assurer son ra­ nada : 50 ans de télévision française en Le résultat général laisse perplexe : vitaillement. Il s'intéresse également à guise de référence sur l'histoire de la on devine que les archives de Radio- l'impact de la barque à fond plat sur les télévision au Québec (voir le n° 38 de Canadasont d'une richesse infinie, mais opérations amphibies menées par les Cap-aux-Diamants). Presque toute la cet ouvrage à la présentation soignée Britanniques au cours de l'été de 1759. télévision du réseau pancanadien s'y ne parvient pas à organiser ces ima­ Entrant dans le vif de son sujet, l'auteur retrouve évoquée par des images : de­ ges d'une manière logique ou efficace. nous présente enfin son interprétation puis les émissions pour enfants comme Pourtant, notre plaisir de découvrir tant de la bataille des plaines d'Abraham. Monsieur Surprise, incarné par Pierre de belles images, si évocatrices et char­ Captivant, le récit impressionniste de

54 CAP-AUX-DIAMANTS. N° 99 Q MacLeod souffre toutefois d'une su­ bec avant de Gaulle, mentionnant la ses contacts à pour étoffer la ft restimation de la valeur défensive des présence du navire la Capricieuse et le coopération franco-canadienne aurait n Buttes-à-Neveu dont il compare le ver­ séjour d'Adolphe Chapleau en France pu être approfondie (p. 96) (sujet abor­ Q sant ouest aux escarpements retranchés dans le but de créer le poste d'agent dé dans le chapitre 2). C de Carillon et de Montmorency. Ce général (poste qu'occupera Hector Fa­ Le chapitre 2 est consacré au gaul­ X parallèle étonnant l'amène d'ailleurs bre). Il relate aussi cet incident de 1960 lisme sans de Gaulle à la suite du ré­ à blâmer sévèrement Louis-Joseph de qui fait dire au colonel Martin, l'aide sultat négatif du référendum d'avril Montcalm dont il relève le manque de camp du -gouverneur 1969. L'auteur relate aussi les relations d'expérience à titre de général. À l'op­ Onézime Gagnon, en référence à la de Georges Pompidou, puis de Maurice i posé, le gouverneur Pierre de Rigaud bataille de 1759, « c'est alors que vous Schumann, qui effectue une mission au U) de Vaudreuil est pourtant dépeint en autres, maudits Français, vous nous Québec, en septembre 1971. Le chapi­ « militaire de carrière [...] doté d'une avez abandonnés ». Cette déclaration tre 3 s'intéresse à la question québécoi­ vaste expérience », et ce, bien qu'il en et celle dans laquelle François Flohic se sous Valéry Giscard d'Estaing. Cette soit à son baptême du feu lors du siège convainc le chauffeur de de Gaulle période confirme que les échanges en­ de Québec. de poursuivre son élan vers l'hôtel de tre la France et le Québec, consécutifs Voilà donc un ouvrage qui aurait ville de Montréal, le 24 juillet 1967 aux accords signés après la visite du gé­ bénéficié d'une analyse tactique un peu (p. 51), font partie des citations célè­ néral de Gaulle, ont permis une ouver­ plus approfondie. L'espace nécessaire à bres qu'aime rappeler François Flohic ture de la France vers la position na­ cette fin aurait pu être gagné à même la lorsqu'il évoque le sujet. Si la politique tionaliste des Québécois, diluant pour sixième partie du livre où l'auteur phi­ étrangère de de Gaulle est décisive au ainsi dire les réactions hostiles vis-à-vis losophe longuement sur l'évolution de cours de la V République, c'est qu'elle du Québec libre de 1967. Le chapitre 4 la société québécoise, de James Wolfe tente de maintenir le rayonnement de traite de la continuité sous la présiden­ à Shane Doan. Malgré ces quelques son pays dans tous les domaines. En ce ce de François Mitterrand, notamment défauts, le récit de Peter MacLeod sens, il fera du Québec son allié. Les des tractations qui se font en vue de la n'en demeure pas moins une excellen­ circonstances du voyage du général, en création du Sommet de la francopho­ te synthèse d'un siège et d'une bataille 1967, sont donc relatées avec des détails nie, problème qui sera résolu par Brian dont les échos se font toujours enten­ pertinents, justes et parfois nouveaux. Mulroney. Le chapitre 5 s'intéresse à la dre, 250 ans plus tard. Il en va de même pour les réactions de période après Mitterrand, celle qui voit son gouvernement, à commencer par notamment la nomination controversée Dave Noël celles de Xavier de la Chevalerie et de Wilfrid-Guy Licari. Certains Qué­ de Maurice Couve de Murville. Si de bécois pensaient que Licari ne pouvait Gaulle sympathise tant avec la cause pas défendre les intérêts du Québec du ••• québécoise, c'est qu'elle s'inscrit de fait de son passé de fonctionnaire fédé­ manière cohérente au sein d'une vo­ ral. Cette position nous semble absurde Frédéric Bastien. Le poids de la lonté de combattre la bipolarisation du si l'on réduit la défense des intérêts du coopération : le rapport France-Québec. monde entre deux blocs et particuliè­ Québec aux intérêts du Parti québécois Montréal, Québec Amérique, 2006, rement l'omnipotence états-unienne. alors que de nombreux sympathisants 275 p. Mais en même temps, il craignait que de René Lévesque, sinon du Québec cette politique du « Québec libre » comme Eric Kierans, Clément Vincent, Professeur d'histoire, Frédéric nuise à la cohésion du Canada anglo­ Gilles Lamontagne, Marcel Masse, ont Bastien est spécialisé en relations in­ phone face aux Américains (p. 60). eu des postes dans la haute administra­ ternationales. Il publie ici son deuxiè­ Cependant, plusieurs trouvent que de tion fédérale (les deux derniers comme me ouvrage composé de six chapitres, Gaulle en fait trop même si son ob­ ministre de la Défense). De toute ma­ essentiellement basés sur les relations jectif va de pair avec un Québec in­ nière, n'est-il pas évident que, vis-à-vis entre ces deux représentants de la fran­ dépendant. Il procède également à la de la France comme du Canada, les cophonie après 1960. nomination de Pierre de Menthon au Québécois ont su et savent favoriser Si l'auteur signale que la plupart consulat de France à Québec, en 1968. les alliances et éliminer les adversaires des livres sur le général Charles de N'empêche qu'au bout du compte les dans les contextes de concurrences et Gaulle traitent des relations entre ce­ échanges connaissent, après le voyage de réussites politiques? Il suffit de bien lui-ci et le Québec, c'est qu'au Québec de de Gaulle, une nette accélération, relire Claude Morin et de se rappeler la bibliographie de l'Institut Charles- fait qui est peut-être également impu­ les propos de John Turner à cet effet de-Gaulle est peu connue du public. table, ce dont ne fait pas état l'auteur, à pour comprendre. Un des faits relatés Elle fait montre, dans une plaquette la nouvelle loi qui crée le ministère des dans ce chapitre et qui surprend est de quelques dizaines de pages, des Relations internationales, aux investis­ la célébration du 400' anniversaire du nombreux mémoires et études portant sements économiques de la France par Canada en 2004, comme quoi les da­ sur plusieurs aspects de la carrière du le ministère de la Défense ou des Affai­ tes de découvertes changent au gré des général de brigade Charles de Gaulle, res étrangères dans les opérations que prises de position des décideurs poli­ autant militaire (celle que les Québé­ conduisait alors le Québec, évoquées tiques (évocation ici de l'installation à cois n'ont jamais considérée) que poli­ sans trop de précisions par Claude l'île Sainte-Croix en 1604...). Le cha­ tique (que les Québécois ont retenue). Morin dans l'Affaire Morin. En effet, la pitre 6 est consacré aux « Perspectives Le chapitre 1 est intitulé « De Gaulle présence de l'ex-ministre de la Défense sur les relations franco-québécoises ». et le Québec ». L'auteur fait état des du Canada, Léo Cadieux, alors ambas­ Il commente à rebours notamment les prémisses des relations France-Qué­ sadeur du Canada à Paris, qui utilise positions de Pierre-Elliott Trudeau sur

CAP-AUX-DIAMANTS, N° 99 55 le bilinguisme. Il est intéressant d'ob­ Et dire que j'écrivais sur ces mêmes server les analyses de Bastien qui font sujets au milieu du XXe siècle. Ainsi va V voir les divergences entre Mitterrand et l'histoire! 3 de Gaulle, celles entre de Gaulle et son 3 gouvernement. L'ouvrage de Frédéric Fernand Grenier •y Bastien synthétise ce vent de renou- \j veau qui a caractérisé la politique mi- 3 litaire de de Gaulle entre 1966 et 1970. ••• Il se base sur de nombreux entretiens (environ une cinquantaine) faits avec Stéphane Lemire [photographies], des témoins de l'époque dont certains, Gilles Dallaire [légendes] et Richard interviewés il y a maintenant dix ans, Séguin [texte de présentation]. Les che­ sont décédés. Reste cependant de nom­ mins des Cantons-de-l 'Est. Québec, Les breux points à éclaircir sur les dimen­ Publications du Québec, 2007, 175 p. sions purement économiques de l'im­ (Coll. « Coins de pays », 6). plication du ministère de la Défense de France entre 1966 et 1970 et du recours potentiel, pour cette même période, au Fonds monétaire international. En somme, payer la dette de Louis XV déboucher sur le présent, favoriser est une chose, mais encore faut-il com­ chez les élèves le développement de prendre comment elle peut être prou­ compétences diverses : tous ces sujets vée et mise en contexte à l'époque où le sont traités. Au fond, cette querelle de Québec connaît des remous importants spécialistes, les uns de tendance plus sur le plan militaire. Comme beaucoup historienne, les autres d'affinité plus d'auteurs, Bastien focalise sur la visite didacticienne, ne contribue guère à du général de Gaulle sans suffisam­ éclairer le seul sujet approprié, fonda­ ment relater, avec clairvoyance et dis­ mental dans toutes ces matières, soit : Héritier de ses prédécesseurs dans cernement, les étapes qui ont permis l'histoire comme outil d'apprentissage la collection « Coins de pays », laquelle par la suite à une génération de répon­ pour les élèves du Québec. fait voir des images couleur d'une ré­ dre à son appel. Toute histoire, écrite, racontée, gion du Québec, rien ne détonne dans enseignée, est le résultat d'une en­ la facture du présent ouvrage. Celui-ci Jean-Nicolas De Surmont quête. L'étymologie nous apprend porte sur les Cantons-de-1'Est, un coin que l'historien est un enquêteur, qui d'Amérique qui a conservé la trace des veut savoir, un apprenti en somme immigrations loyaliste, irlandaise et ••• qui travaille pour apprendre. Qui en­ écossaise. C'est au cœur de ces monta­ seigne l'histoire, se fiant aux travaux gnes bleues que Stéphane Lemire pose Félix Bouvier et Michel Sarra- sans cesse renouvelés des historiens son regard de photographe pour en ré­ Bournet (dir.). L'enseignement de l'his­ et en tirant ses propres conclusions, véler la diversité visuelle, où se côtoient toire au début du XXT siècle au Québec. doit donc aider l'élève à enquêter pour architecture, nature, saison et industrie. Québec, Les éditions du Septentrion, apprendre. Pour y réussir, il faut des Suivant le cours des pages, le lecteur 2008, 178 p. indices, des outils (documents, textes, visite notamment le sommet du mont illustrations) se rapportant à l'épo­ Pinacle, un gigantesque caillou sculpté Cet ouvrage collectif rassemble une que, au lieu et à la question étudiée. par un glacier, ainsi qu'une vieille gran­ douzaine d'exposés présentés en octo­ Comment s'y prendre pour intéresser ge construite en rond pour empêcher bre 2007 lors du 45e congrès annuel de les élèves québécois à l'histoire? Voilà Satan de se cacher dans un coin, lui qui la Société des professeurs d'histoire l'enjeu essentiel. se plaît à tourmenter les bêtes. L'auteur du Québec. Enseignants, historiens L'histoire du pays se loge au sein capte également l'image contemporaine et didacticiens sont très loin de s'en­ de l'histoire universelle, et il n'existe du recyclage d'un pont ferroviaire sur tendre sur presque tous les aspects de pas de version unique ni pour l'une la rivière Massawippi. Il fixe dans l'ins­ l'enseignement de l'histoire au cours ni pour l'autre. Leur enseignement tant l'étonnement des bovins d'Eaton, secondaire, en particulier sur la place ne présente aucun risque s'il est fait lorsqu'ils voient sortir du bois un de et le rôle de l'histoire dite « nationale » dans une perspective d'objectivité tout leurs lointains cousins. Ancien artisan mais que certains préfèrent qualifier autant que d'actualité. Faut-il cepen­ au quotidien La Tribune de Sherbrooke, d'histoire « du Québec », concept qui dant rappeler que, dans l'ensemble du le photographe emprunte les chemins traduirait mieux la réalité présente de cours secondaire, l'histoire n'est pas de Saint-Armand jusqu'au lac Mégan- la société québécoise et permettrait la seule discipline apte à former des tic, de Danville jusqu'à la frontière des d'esquiver la fastidieuse ambiguïté du citoyens cultivés et compétents! Les États-Unis pour partager les beautés nationalisme. Finalité de cet enseigne­ langues et la géographie, notamment, du paysage et les gestes de ceux qui ment, découpage du programme offi­ peuvent épauler l'histoire pour étudier l'habitent. Cet album donne à voir, au ciel par « périodes » ou par « thèmes », le milieu où vivent les élèves. Ceux-ci détour de l'errance, une maison solide formation à la citoyenneté ou forma­ découvriront alors tous les ingrédients aux dépendances fragilisées à Birchton, tion tout court, partir du présent ou de la durée et de l'espace. une grange à douze côtés bâtie en 1882

56 CAP-AUX-DIAMANTS, N° 99 à Mystic, en passant par le voisinage Le photographe québécois Claudel Q ft de l'église Union et l'église anglicane à Huot a réuni dans cet album une cen­ Way's Mills et les murales créées par taine de ses plus beaux clichés de la a Serge Malenfant à Sherbrooke. ville de Québec parmi ceux réalisés de­ Q Deux auteurs apportent leurs mots puis 40 ans. Fin connaisseur et prome­ C aux clichés, un artiste engagé et un neur intuitif, il a su éviter les endroits X ancien journaliste de La Tribune. Le trop connus pour mettre en valeur des premier, Richard Séguin, ayant fixé sa rues moins fréquentées, des façades demeure à Saint-Venant-de-Paquette, que l'on n'avait pas remarquées, des I signe le texte de présentation, une nar­ perspectives originales, comme une L'âme de ration personnelle sur son amour de jolie vue de la ruelle des Ursulines cette terre foulée. Les légendes, quant (p. 180-181). La belle couverture mon­ Québec à elles, sont assurées par Gilles Dallai- tre le croisement oblique des rues Mon­ re. Sa plume, qui accompagne chacune seigneur-De Laval et Hébert, tout près des photos, vient préciser le lieu de des bureaux de la revue Cap-aux-Dia­ prise de vues en plus d'y révéler tour à mants. L'artiste explique brièvement sa années; en outre, quelques pages se tour un détail architectural, historique démarche photographique : « le but de déplient pour offrir une perspective ou anecdotique. L'ensemble est com­ ma démarche est de capter l'éphémère plus vaste. Dans certains cas, on de­ plété par une carte des endroits pho­ pour le transposer en images intempo­ vine que le photographe s'est parfois tographiés, une biographie des auteurs relles » (p. 11). rendu chez des gens, dans leurs mai­ et une petite bibliographie du lieu. Les sujets choisis sont dans quatre sons, afin de profiter d'une perspec­ L'ouvrage, qui fait également office de catégories : la nature en ville, l'archi­ tive peu fréquente. promoteur touristique pour la région, tecture, le fleuve Saint-Laurent, mais On regarde L'âme de Québec avec offre un assemblage de représentations aussi la vie urbaine. Les scènes de rue un grand plaisir. Même les familiers du évocatrices des contrastes qui font la sont parmi les plus réussies : on peut Vieux-Québec découvriront des lieux force et la richesse tant de l'agriculture voir une foule surprise par une averse splendides et apprécieront le talent de que de la villégiature dans le charme qui s'est rassemblée sous la porte Saint- Claudel Huot. C'est un livre qui durera de ce terroir. Jean (p. 19), des canotiers sur la rivière longtemps et qui ne se démodera pas. Saint-Charles (p. 72-73), le domaine de En soi, il est à la fois un beau livre sur Pascal Huot (p. 58-61), la rue Couillard Québec et une œuvre d'art d'un artiste (p. 144-145,182-183), une très belle vue talentueux. en plongée de l'archevêché (p. 150-151). ••• Les dernières pages témoignent des Yves laaherge inondations annuelles dans la rue Dal­ Claudel Huot et al. L'âme de Qué­ housie (p. 200-203). Ces photographies bec. Montréal. Les Éditions de L'Hom­ panoramiques ne sont pas toutes en me, 2007, 204 p. couleurs et datent des 30 dernières •••

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