Masarykova univerzita Filozofická fakulta

Ústav románských jazyků a literatur Francouzský jazyk a literatura

Dana Tvarůžková

La comparaison du joual et de l’acadien dans les œuvres Les Belles sœurs de Michel Tremblay et La Sagouine d’Antonine Maillet

Bakalářská diplomová práce

Vedoucí práce: Mgr. Petr Vurm, Ph.D.

Brno 2013

Prohlašuji, že jsem bakalářskou práci vypracovala samostatně a že jsem uvedla veškerou použitou literaturu.

V Brně dne 30.4. 2013 Dana Tvarůžková

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Prohlašuji, že tištěná a elektronická verze bakalářské práce jsou shodné.

V Brně dne 30.4. 2013 Dana Tvarůžková

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Je voudrais remercier Mgr. Petr Vurm, Ph.D. pour ses corrections et conseils précieux, pour son temps et sa patience. TABLE DES MATIÈRES

Introduction ...... 3 1. La société francophone au à travers les siècles ...... 5 1.1. Le français des premiers colons ...... 5 1.2. Histoire de la société francophone dès les premiers colons jusqu’à la Révolution tranquille 5 1.3. L’Acadie du point du vue historique et culturel ...... 7 1.4. La Révolution tranquille ...... 8 1.5. Le joual ...... 10 1.6. La représentation du français québécois et du joual ...... 12 2. Le français québécois ...... 13 2.1. Les principales particularités du français québécois ...... 14 2.1.1. La phonétique ...... 14 2.1.2. La morphologie ...... 15 2.1.3. La syntaxe ...... 16 2.1.4. Le lexique ...... 17 3. Le français acadien ...... 18 3.1. Les sources de la singularité du français acadien ...... 19 3.2. Les principales particularités du français acadien ...... 20 3.2.1. La phonétique ...... 20 3.2.2. La morphologie ...... 21 3.2.3. La syntaxe ...... 22 3.2.4. Le lexique ...... 22 4. Le français québécois versus le français acadien ...... 23 5. Étude du corpus ...... 24 5.1. Les Belles-sœurs Ŕ de l’auteur et de l’œuvre ...... 24 5.2. Les Belles-sœurs Ŕ analyse ...... 27 5.2.1. Les particularités phonétiques ...... 27 5.2.2. Les particularités morphologiques ...... 29 5.2.3. Les particularités syntaxiques ...... 32 5.2.4. Les particularités lexicales ...... 34 5.3. La Sagouine Ŕ de l’auteur et de l’œuvre ...... 37 5.4. La Sagouine Ŕ analyse ...... 40 5.4.1. Les particularités phonétiques ...... 40 5.4.2. Les particularités morphologiques ...... 41 5.4.3. Les particularités syntaxiques ...... 45 5.4.4. Les particularités lexicales ...... 46 Conclusion ...... 52 Bibliographie ...... 55 Annexes ...... 57

INTRODUCTION

Le français au Canada diffère du français utilisé en France. Il s’agit d’un mélange des traits spécifiques qui forment sa singularité. Depuis l’époque moderne, les colons français s’y établissaient dans le territoire de la Nouvelle-France et même s’ils se trouvaient longtemps sous la domination britannique, la communauté française s’est conservée. La langue française avec la foi catholique est devenue une identité fondamentale pour les habitants francophones dans la région du Québec et de l’Acadie. Néanmoins, la colonisation de la Nouvelle-France et l’encerclement des Francophones par le monde anglais dans le passé du Canada avaient pour conséquence la formation des traits spécifiques du français canadien qui, à cause de ces empêchements, a survécu surtout dans la langue colorée appartenant au peuple qui s’efforçait depuis longtemps de garder sa nationalité et son identité. Le but de ce mémoire de licence est donc d’obtenir une image historique et sociale de la situation du français au Canada pendant les siècles et de présenter les particularités de deux variantes du français canadien Ŕ le joual et le français acadien. Nous nous orienterons surtout vers l’influence des circonstances historiques sur l’état du langage des habitants francophones au Canada. Nous nous appuierons également sur les travaux linguistiques pour que nous soyons capables de comparer ces dialectes du français. Dans la partie théorique, nous présenterons brièvement l’histoire du Canada en mentionnant les faits les plus importants puisque c’est indispensable de s’orienter bien dans la problématique du français canadien et de saisir l’essentiel de notre intérêt. Nous déterminerons également les circonstances qui accompagnent l’utilisation du joual, la problématique de la politique linguistique et l’aspect socioculturel du peuple québécois et acadien. Ensuite, les deux chapitres suivants nous tiendront au courant des particularités du français québécois, dont le joual fait partie, et aussi du français acadien. Nous apprendrons les sources de leur singularité et ensuite, nous décrirons leurs caractères distincts généralement admis par rapport au français de France. Notre intérêt sera porté surtout sur les changements dans la prononciation, dans la morphologie, dans la syntaxe et finalement dans le lexique. Ce chapitre touchera également les interférences entre l’anglais et le français et l’influence des anglicismes. La deuxième partie de notre mémoire de licence sera consacré à l’analyse du langage et de l’identité francophone dans deux pièces de théâtre canadiennes du XX siècle Ŕ exemples

3 explicites du joual et du français acadien : Les Belles-sœurs de Michel Tremblay et La Sagouine d’Antonine Maillet. La méthodologie consistera en l’observation de quelques passages dans toutes les deux œuvres, voir les annexes. Premièrement, nous présenterons les auteurs en mentionnant leurs intentions artistiques et surtout la fonction de la langue utilisée dans leurs œuvres. Nous esquisserons également l’action des pièces et, à l’aide d’un court extrait du texte, nous imaginerons des caractères intéressants de la langue. Deuxièmement, nous feront des recherches sur les expressions substandard concrètes dans les corpus étudiés et, selon la classification présentée dans la partie théorique, nous tenterons enfin de décrire et de comparer ces deux variantes du français canadien.

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1. La société francophone au Canada à travers les siècles

Dans ce chapitre, nous décrirons le statut historique et sociolinguistique des Francophones au Canada. Tout d’abord, nous mentionnerons la langue des premiers colons français, ensuite nous présenterons leur histoire en dirigeant notre attention surtout sur les circonstances de la Révolution tranquille et du joual et également sur l’histoire de la société acadienne.

1.1. Le français des premiers colons

Selon le linguiste Barbaud, à l’époque de la colonisation du Canada par la France, le nombre non négligeable de colons français ne parlent que le patois. Nous pouvons signaler les statistiques : plus de 60% des colons provenaient des provinces où se parlaient et s’écrivaient des dialectes distincts du français central (Poitou, Angoumois, Aunis, Saintonge : 28% ; Normandie : 23% ; Lorraine, Franche-Comté, Lyonnais, Bourgogne : 3% ; Artois, Flandre et Picardie : 3%)1. Toutefois, les variétés du français ont dû coexister également avec le français central ou bien parisien qui était utilisé dans les affaires administratives. Nous pouvons donc demander l’intercompréhension entre les francisants et les patoisants. De plus, Barbaud suppose que la Nouvelle-France, à l’époque de son peuplement, a passé « le choc de patois » car le français diversifié est devenu très rapidement homogène2. Ce processus de normalisation des pratiques langagières s’accomplit à partir des années 1680. Cependant, il est vrai que certaines variations sociales ont pu être conservées. Voilà pourquoi, le départ du français d’élite était favorisé parce qu’en France, ces variations continuaient à évoluer.

1.2. Histoire de la société francophone dès les premiers colons jusqu’à la Révolution tranquille

Dès les premières colonies, l’histoire de la société francophone au Canada est marquée par des luttes avec l’Angleterre qui déploie, ainsi que la France, tous les efforts pour s’emparer des territoires canadiens. Néanmoins, nous devons constater que les Anglais étaient

1 MOUGEON, Raymond.; BENIAK, Edouard. Les origines du français québécois. Sainte-Foy: Presses de l'Université Laval, 1994, p. 9. 2 Ibid., p. 79.

5 plus conquérants. En 1623, dans la région de l’Acadie, les Anglais fondent leur première colonie, La Nouvelle-Écosse, qui remplace l’Acadie française. Le traité de Paris en 1763 décide la domination anglaise en Amérique du Nord et le statut de la langue française devient peu à peu dévalué. Pour les Francophones a été constitué Province of Québec et, en 1774, le gouvernement londonien publie l’Acte de Québec, grâce auquel la population francophone obtient la permission d’utiliser la langue française et de se conformer au catholicisme et aux lois françaises. L’Acte d’union en 1840 stipule la langue anglaise comme une seule officielle, le bilinguisme n’est pas donc admis. De plus, en raison de l’immigration intense des Anglais, le nombre des Anglophones dépasse celui des Francophones ce qui entraîne le changement de la notion le Canadien : auparavant, cela signifiait des descendants des habitants français, mais à la moitié du XIXe siècle, les Britanniques sont considérés comme les Canadiens, tandis que les Français sont appelés Canadiens-français. Sous le régime anglais, les Francophones deviennent donc minoritaires. Quand l’Union s’est transformée en La Confédération canadienne, la langue française regagne finalement le statut officiel bien que les provinces anglophones essayent d’empêcher la mise en valeur par tous les moyens. En 1910, le gouvernement adopte la Loi Lavergne3 qui dicte aux entreprises de l’Etat de communiquer avec leurs clients en anglais et en français ; il s’agit d’une première loi québécoise concernant la langue française.4 A cette époque-là, la radio et la télévision française commencent à diffuser et la presse française représente 71% des périodiques québécois. La fin du XIXe siècle fait naître la littérature canadienne francophone: de nouveaux romans historiques se focalisent sur les valeurs traditionnelles des Canadiens francophones qui représentent la source de leur bonheur : l’agriculture, la campagne, la famille et la nature. Peu à peu, les romans deviennent plus réalistes et naturalistes en décrivant la vie de l’individu, de la famille et l’éducation des enfants ; leurs protagonistes utilisent souvent la langue parlée. Avec le temps, les auteurs contemporains, par exemple Philippe Panneton, s’absorbent dans ses réflexions pessimistes en posant la question si les Francophones seront capables de gagner leur vie à la nouvelle époque. Les années 40 du XXe siècle sont considérées comme la renaissance de la littérature canadienne car le nombre des œuvres romanesques s’accroît. Dans les années 50, les auteurs, comme par exemple André Langevin ou Robert Charbonneau, écrivent des œuvres sur la crise des valeurs traditionnelles des Francophones. A ce temps-là, poète et journaliste Gaston Miron avec des autres poètes

3 Pour l’adoption de la loi s’efforçait Armande-Renaud Lavergne (1880-1935). 4 ŠRÁMEK, Jiřì. Úvod do dějin a kultury frankofonnìch zemì : (Belgie, Lucembursko, Švýcarsko, Kanada). 1. vyd. Brno : Masarykova univerzita, 1995., p. 68-78.

6 québécois fonde Les Editions de l’Hexagone et publie le nouveau dictionnaire québécois. Les activités de pareils groupes des intellectuels francophones préparent ainsi la voie pour les changements importants pendant la Révolution tranquille. Dans les années 70 du XXe siècle, les Acadiens, des descendants des colons français, commencent à s’imposer dans la vie sociale et culturelle. En 1992, ils ont organisé le premier congrès acadien, c’est-à-dire la plus grande réunion des Acadiens depuis leur déportation violente dans les années 1755-1762.5

1.3. L’Acadie du point du vue historique et culturel

Comme nous l’avons déjà évoqué, en 1623, les Anglais fondent leur première colonie La Nouvelle-Écosse, qui remplace l’Acadie française. Le traité d’Utrecht met fin à toute autorité française dans l’Acadie. Dès lors, les Anglais obligent les Acadiens de signer un serment d’allégeance à l’Angleterre, de renier leur foi catholique et de prendre les armes contre les Français en cas de guerre. Par rapport à l’insoumission des Acadiens à ce contrat, ils sont expatriés de leur pays. Le « Grand Dérangement » dans les années 1755-1763 représente des transportations violentes des habitants de l’Acadie qui en fait mourir des milliers. Ceux qui ont survécu, sont déportés vers les colonies anglophones, le long de la côte atlantique, jusqu’à la Géorgie, chez leurs ennemis jurés.6 Les Anglais voulaient les distribuer en petits groupes ailleurs pour ne pas se ressembler de nouveau car ils avaient des vues sur leurs fermes vastes et fertiles. Chassés par la déportation, les Acadiens viennent se réfugier même au Québec. A cause d’une mauvaise orthographe du mot Acadie « la Cadie », les Québécois ont commencé à appeler les Acadiens réfugiés « Les Cadiens », et utiliser le mot « cadie » pour désigner les endroits où « les Cadiens » se sont concentrés. Rappelons que le peuple acadien ainsi que celui québécois part des meilleures familles catholiques de l’ouest de la France. De plus, le milieu salubre, où les Acadiens s’établissaient, et leurs bonnes relations avec les aborigènes en Amérique du Nord ont fait naître un peuple vigoureux vivant en harmonie avec la vie libre et autonome7. Voilà pourquoi, leur décision de vivre était très forte, malgré des années de la persécution. En fait, l’histoire émue des Acadiens a pour conséquence le caractère spécifique du français et de la littérature acadienne.

5 KADLEC, Jaromìr. Francouzština v Kanadě. 1. vyd. Olomouc : Univerzita Palackého v Olomouci. Filozofická fakulta, 2005, p 57-62. 6 CORMIER, Yves. Dictionnaire du français acadien. Québec : Fides, 1999, p. 30. 7 HÉBERT, Pierre-Maurice. Les Acadiens du Québec. Montréal : Éditions de l’Écho, 1994, p. 21, 90, 95.

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En ce qui concerne la littérature acadienne, dès ses débuts, elle est marquée par le traumatisme de la déportation. Elle prend son essor au XXe siècle, qui va de pair avec la publication d’un roman d’Antonine Maillet Pointe-aux-Coques et avec un recueil de poèmes de Ronald Després Silences à nourrir de sang. La parution de ces deux œuvres fortement contrastées et la fondation de l’Université Moncton dans les années 60 font naître des tensions dans la question de la condition de la culture acadienne. En fait, un envol de la littérature acadienne arrive dans les années 70 où Les Éditions d’Acadie sont fondées. Et même si le poète Herménégilde Chiasson représente un grand personnage d’une modernité littéraire en Acadie, Antonine Maillet reste la figure la plus connue car elle proclame assidûment le retour de la langue et de la population acadienne malgré la déportation violente. Néanmoins, la culture populaire dans ses œuvres représente la bête noire des élites acadiennes. Leur aveuglement devant le destin collectif critique Michel Roy dans L’Acadie perdue où il propose d’établir les liens entre l’Acadie et la société québécoise. Ainsi, les écrivains Gérard Leblanc ou France Daigle s’adonnent à exprimer l’identité acadienne moderne, saisie dans ses rapports à la mémoire et surtout à la langue. Quant au métissage linguistique des Acadiens, Jean Bobinaux publie plusieurs romans expérimentaux où le choc des langues joue un grand rôle.8 En dépit de beaucoup d’obstacles dont la société acadienne a dû faire face au passé, sa littérature prouve la viabilité et l’envie de montrer son identité francophone particulière.

1.4. La Révolution tranquille

Nous pouvons considérer la période de la Révolution tranquille comme l’essor de la vie intellectuelle et culturelle. Le Québec se tire peu à peu de l’isolation du monde anglais et la vision de l’indépendance démarrent l’activité des mouvements comme Rassemblement pour l’indépendance nationale ou Mouvement Souveraineté-Association. Les événements en Algérie, au Cuba et la lutte des Noirs pour leurs droits aux Etats-Unis font naître le Front de libération du Québec qui exige l’autonomie plus grande. De Province de Québec devient l’Etat du Québec qui institue de nouveaux projets pour améliorer le système éducatif, les services sociaux ou les infrastructures. Le Ministère de l’éducation, fondé en 1964, établie des institutions de formation appelées cégeps (pour imaginer, dans les années 60, un adulte sur deux n’avait pas terminé ses études primaires). La situation linguistique est déplorable,

8 De l’article « La littérature acadienne », disponible sur : http://id.erudit.org/culture/qf1076656/qf1095144/1817ac.pdf (consulté le 30/3/2013).

8 surtout dans la question de l’éducation car des immigrés envoient de plus en plus leurs enfants aux écoles protestantes où la langue d’enseignement est l’anglais. Aucune des lois adoptée sur la langue officielle du Québec ne prouve clairement l’amélioration de la position du français. Néanmoins, après la victoire du Parti Québécois, en tête avec René Lévesque, la Charte de la langue française (La Loi 101) est adoptée avec le but d’empêcher l’assimilation de la population française et d’établir le français comme une seule langue officielle du Québec. La Loi 101 refuse le bilinguisme et la promotion sociale de l’anglais au Québec. La langue française devient donc une langue supérieure dans tous les domaines de la vie. Dès lors, toutes les informations pour les consommateurs doivent être en français : des prospectus, des catalogues, des commandes, des cartes aux restaurants, des inscriptions sur des bâtiments, etc. Des informations bilingues sont autorisées seulement dans des communes où vit la majorité de la population anglophone. De plus, une partie intégrante de la Charte de la langue française est également la fondation des organisations pour contrôler le respect de nouvelles lois langagières. De telle francisation soulève une vague d’indignation chez les habitants anglophones. Beaucoup d’eux quitte le Québec parce qu’ils ne sont pas capables de s’accommoder de la perte de leurs droits et leurs privilèges. Le monde anglophone considère les Québécois francophones même comme des fanatiques qui violent des droits de l’homme et la démocratie. A l’inverse, les Francophones supposent que la défense de la population française est nécessaire et que les Anglophones disposent de beaucoup de droits. Néanmoins, nombreuses décisions de La Loi 101 ont pour la tâche de décourager la minorité anglophone. En effet, cela entraîne l’approfondissement du désaccord entre les deux communautés langagières. Depuis la moitié du XXe siècle, la mentalité des Francophones change. C’est aussi grâce à Jean Lesage qui est élu au poste du Premier ministre du Québec. Par son slogan « C’est le temps que ça change ! » commence non seulement la Révolution tranquille, mais encore la période de la croissance socioculturelle du Québec et de la stabilisation de leur identité. Les mots la nation et le Québec deviennent les synonymes et l’appellation le Canadien-français est remplacée par le Québécois. Cette époque-là fait naître de nouvelles activités artistiques (télévision, littérature, théâtre, film, musique) qui reflètent la nouvelle mentalité des Québécois. Quant à la littérature, dans les années 60, des romanciers prêtent l’attention plutôt à la forme d’une œuvre que la structure narrative traditionnelle. Ils

9 tentent de scruter toutes les possibilités du roman et d’expérimenter avec des manières de la présentation de la langue parlée9.

1.5. Le joual

Nous pouvons définir le joual comme une variante basilectale du français québécois. Cette variante était véhiculée par des agriculteurs québécois au début du XXe siècle qui ont abandonné la campagne et se sont déplacés en villes, surtout à Montréal, afin de chercher le travail dans des entreprises anglophones. Le joual est donc né sur la base du compromis entre le français rural et l’anglais industriel. C’était une seule façon de communication dont les Francophones pouvaient s’intégrer dans le nouveau milieu. L’origine du joual /ʒwal/ est liée à la prononciation familière du mot cheval /∫val/. Parler cheval signifiait baragouiner, s’exprimer d’une manière inintelligible. Selon Le Trésor de la langue française au Québec, le joual « désigne les différences ou écarts phonétiques, grammaticaux, syntaxiques et lexicaux (y compris les anglicismes) du français populaire canadien, soit pour les stigmatiser, soit pour en faire un symbole d’identité».10 Au début de la Révolution tranquille, les Francophones d’élite, parlant le français standard, critiquent la mauvaise qualité du joual qui devient un certain élément d’exclusion parce que son utilisation témoigne de l’appartenance sociale au groupe qui n’était pas très désirable. Là, Michel Tremblay, un des défenseurs du joual, dit : « On va arrêter d’avoir honte et on va faire parler le monde comme il parle dans la vraie vie. »11 Il était critiqué par des intellectuels de l’époque parce qu’il présentait non seulement la pièce en joual mais encore le milieu des hommes de la rue. Claude Poirier, directeur du Trésor de la langue française, constate : « À travers ce langage, Tremblay rend compte d’une société qui est vraiment la nôtre. Des snobs ont levé le nez devant la pièce mais si l’auteur avait utilisé un français standard, la pièce n’aurait aucun sens.»12 Depuis le milieu du XIXe siècle, les intellectuels québécois comme André

9 KADLEC, Jaromìr. Francouzština v Kanadě. 1. vyd. Olomouc : Univerzita Palackého v Olomouci. Filozofická fakulta, 2005, p. 167-174. 10 Disponible sur : http://www.tlfq.ulaval.ca/axl/francophonie/-lex-joual.htm (consulté le 9/3/2013). 11 De l’article « La langue chez nous » de René Larochelle, disponible sur : http://www.lefil.ulaval.ca/articles/langue-chez-nous-9302.html (consulté le 29/3/2013). 12 Ibid. (consulté le 29/3/2013).

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Laurendeau13 et Jean-Paul Desbiens 14 propagent le joual comme l’un de pires maux de la société québécoise. Les cibles de la critique consistaient selon eux surtout dans la prononciation, dans l’utilisation des archaïsmes, dans le lexique peu développé et dans l’emploi des anglicismes. Le joual est donc depuis longtemps perçu comme le synonyme d’une sous-éducation des Québécois car il exprime tout ce que les Québécois refusent : une domination de l’anglais et bas niveau d’intelligence (l’ignorance de la syntaxe et du lexique du français standard). Voilà pourquoi, les Québécois ressentent de la honte de leur langue. Néanmoins, en même temps et en réaction inverse, les écrivains québécois réunis autour de la revue Parti pris15 ont une opinion subversive : ils commencent à utiliser le joual dans leurs romans, dans leurs pièces de théâtre, à la radio ou dans les chansons populaires. Selon eux, l’utilisation du joual représente aussi bien un symbole rassembleur de l’identité québécoise que l’action purificatrice qui pourrait contribuer à la conscience nationale. Par contre, des adversaires du joual soulignent le fait que l’emploi de cette langue non-cultivée est sans perspective et qu’une seule solution du problème langagier au Québec réside dans la maîtrise du français de France. Le mouvement joual reste donc sujet à controverse. C’est pour cette raison que Michel Tremblay met en scène la pièce Les Belles-sœurs, une de premières pièces québécoises à employer le joual. Ainsi, il a tenté de dépasser la rigidité langagière. Au milieu des années 70, les Québécois s’éveillent en s’efforçant de se débarrasser de l’image négative de leur culture. Les professeurs même exigent enseigner le français d’ici au lieu du français de France. Les Québécois deviennent donc les « propriétaires » de leur langue, et dès lors, les linguistes commencent à utiliser de plus en plus le terme français québécois standard à la place du joual qui, malgré tout, demeure très présent dans la culture québécoise. Au cours du temps, les Québécois commencent à participer à la fondation des institutions francophones et au développement de la Francophonie qui pourrait atténuer une domination de la culture anglo-américaine au Québec. Néanmoins, la lutte contre une pénétration des anglicismes dans le français québécois continue jusqu’à aujourd’hui. En effet, des traits spécifiques du français québécois étaient appelés les canadianismes, cependant avec le nombre croissant de ces expressions, ils ont été remplacés par les termes québécismes

13 LAURENDEAU, André (1912-1968), romancier, journaliste et homme politique canadien (Kadlec : 2005, p. 188). 14 DESBIENS, Jean-Paul (1927-2006), écrivain, enseignant et philosophe québécois, plus connu sous le pseudonyme de Frère Untel (l’auteur des Insolences du frère Untel où il déplore la qualité de la langue parlée et écrite au Québec) (Kadlec : 2005, p. 186). 15 PARTI PRIS : revue politique et culturelle québécoise de gauche fondée 1963 par André Major, Paul Chamberland, Pierre Maheu, Jean-Marc Piotte et André Brochu, disponible sur : http://www.thecanadianencyclopedia.com/articles/fr/parti-pris (consulté le 9/3/2013).

11 et acadianismes qui ont pris en considération une existence de deux variantes différentes du français au Canada.16 Aujourd’hui, de jeunes Québécois ne considèrent plus leur français comme le symbole de la chute de la culture québécoise. Pourtant, si nous consultons le terme joual dans des dictionnaires modernes, Le Petit Robert dit : « variété populaire du français québécois, caractérisée par certains traits, notamment phonétiques et lexicaux (anglicismes), considérés comme incorrects »17, mais il y a une abréviation péj. qui précède cette définition. Selon Larousse, le joual veut dire « parler populaire à base de français fortement contaminé par l’anglais, utilisé au Québec »18. Comme nous venons de voir, le terme joual fait toujours allusion à une certaine pointe péjorative.

1.6. La représentation du français québécois et du joual19

Le linguiste Jean-Marie Salien juge que le joual est aujourd’hui tellement éloigné du français international qu’il ne peut pas être compris que par les Québécois. Selon sa vision, le parler québécois devrait comporter aussi bien le joual et le français du Québec que le français de France, selon le groupe de locuteurs. Par cela, nous abordons la problématique de la langue et de sa représentation. En général, le terme langue réfère à un moyen de communication doublement articulé que partagent les membres d’un groupe donné. Néanmoins, ces membres partagent non seulement un système langagier au niveau phonologique, morphologique ou lexical, mais encore une certaine vision du monde qui est formée par leurs propres expériences. C’est-à-dire, la même langue peut varier d’une région à autre ce que témoigne de l’existence de divers dialectes d’une langue. Ainsi, les Québécois et les Français se rangent à une même communauté linguistique, mais ils n’appartiennent pas à une même communauté socioculturelle. La langue française contient diverses catégories des variétés dialectales de français : variétés continentales (français d’Europe et français d’Amérique), variétés nationales (français de France, de Belgique, de Suisse, du Canada, des Etats-Unis) et variétés régionales

16 KADLEC, Jaromìr. Francouzština v Kanadě. 1. vyd. Olomouc : Univerzita Palackého v Olomouci. Filozofická fakulta, 2005, p. 167-174. 17 REY-DEBOVE, Josette; REY ,Alain. Le Petit Robert : dictionnaire alphabétique et analogique de la langue française. Nouv. éd. millésime. Paris : Le Robert, p.1394. 18 Disponible sur : http://www.larousse.fr/dictionnaires/francais/joual/45003 (consulté le 31/1/2013). 19 De l’article « Français international, français québécois ou joua l : quelle langue parlent donc les Québécois ? », disponible sur : http://www.erudit.org/livre/CEFAN/2000-1/000583co.pdf (consulté le 5/4/2013).

12 ou locales (français du Québec, de l’Acadie ou de la Louisiane). Considérant que le terme « nation » réfère à un groupe humain qui partage un certain héritage historique, social et culturel, et également la détermination de vivre en commun, nous pouvons légitimement considérer les variétés régionales - le français québécois ou acadien - comme nationales. Néanmoins, dans les grammaires ou dictionnaires faits en France, l’image du français québécois est très réduite : ses particularités sont souvent qualifiées comme familières ou populaires, et voire celles des personnes sans formation. Une telle réduction tordue ne contribue pas du tout à montrer la société québécoise sous son véritable jour. Il en résulte que le français de Québec ne se compose pas de trois couches indépendantes les unes des autres, comme déclare Salien, au contraire, le québécois représente une variété unique et fonctionnelle de français, qui est comparable avec celle de France.

2. Le français québécois

Le Glossaire du parler français au Canada, publication maîtresse de la Société du parler français au Canada, nous apprend que le grand nombre de canadianismes a des sources gallo- romaines. A l’appui de cette affirmation, le linguiste Rivard juge que le dialecte normand a influencé profondément le français québécois parce que c’était le peuple normand qui dominait sur les pionniers dans la colonie laurentienne. Toutefois, d’après le linguiste Hull, le français québécois s’est élaboré du français mésolectal qui était intermédiaire entre le patois (basilecte) et la langue standard (acrolecte). Les colons français ont dû être donc mésolectaux car les patois comportaient beaucoup de traits distinctifs qui les rendaient inaptes à la communication entre eux-mêmes. Selon lui, des particularités du français québécois ou acadien proviennent du français mésolectal parlé dans l’Ouest et le Nord-Ouest de la France d’oïl. C’est le cas de la réalisation palatale de /k/ et de /g/ (par exemple gueule ([(g)jœl]), un trait typique non seulement pour la prononciation québécoise mais encore pour la région de Poitou-Charentes. Ainsi, l’affrication des consonnes /t/ et /d/ devant les voyelles hautes (par exemple tu dis [tsy dzi]) est originaire d’un mésolecte parlé au XVIIe siècle dans la région de Nantes. Il ajoute que l’utilisation québécoise de la particule interrogative tu [tsy] à toutes les personnes provient d’un même français mésolectal20.

20 MOUGEON, Raymond; BENIAK, Édouard. Les origines du français québécois. Sainte-Foy : Presses de l'Université Laval, 1994., p. 27-28.

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2.1. Les principales particularités du français québécois

Dans ce chapitre, nous nous familiariserons avec les principaux traits qui appartiennent au langage québécois et à la fois au joual par rapport à la norme française. Nous ferons un inventaire des québécismes du point du vue phonétique, morphologique, syntaxique et lexical.21

2.1.1. La phonétique

En comparaison du français de France, la prononciation québécoise représente beaucoup de différences. Tout d’abord, nous prendrons la prononciation du groupe /wa/ (oi). Dans certaines conditions, on prononce /we/ (moi → moé, toi → toé, soif → soèf, poil → poèl), tandis que dans d’autres conditions, on prononce /è/ (croire → crère, droit → drète, froid → frète). Ensuite, nous rencontrons souvent des transformations des voyelles :

/e/ → /a/ par exemple chercher → charcher, derrière → darrière, fermer → farmer, merci → marci /i/ → /é/ devant une consonne (mille → mélle, pipe → pépe, vite → véte) /u/ → /eû/ devant une consonne (brune → breûne, il fume → feûme) /ou/ → /ô/ devant une consonne (courte → côrte, il pousse → pôsse) /ou/ → /u/ (tout de suite → tussuite, tout seul → tusseul.

Le phénomène suivant est représenté par la disparition des voyelles /i/, /u/ et /ou/ qui donne l’impression que les Québécois ont la prononciation relâchée, par exemple arriver → arver, mes idées → mézdées, etc. La diphtongaison des voyelles peut parfois empêcher l’intercompréhension entre les Québécois et les non-Québécois comme on peut le voir dans les exemples mort → mâort, père → paèr, fleur → flaeur). Quant à la prononciation différente des consonnes, nous devons mentionner l’affrication qui est représentée par la transformation de /d/ et de /t/ devant /i/ et /u/ en /dz/ et /ts/, par exemple dimanche → dzimanche, disque → dzisque, maladie → maladzie, etc. Remarquons aussi la prononciation de la consonne « t » à la fin de certains mots. Ensuite, pour le français québécois est typique la chute de la consonne /l/ entre deux

21 Ce chapitre a été puisé dans le travail de Lionel Meney (Dictionnaire québécois-français : mieux se comprendre entre francophones. 2e éd., rev. et corr. Montréal (Québec): Guérin, 2003, p. 9-20).

14 voyelles (je la regarde → j’a regarde), la chute de la consonne finale /r/ (mouchoir → mouchoé), la chute de la consonne /v/ devant le groupe /wa/ (avoir → a’oaèr) et finalement, la chute de certaines consonnes à la finale des mots (arbre → arb, livre → liv). Nous pouvons rencontrer également la transformation du groupe /re-/ en /ar-/ (reculer → arculer, remonter → armonter) et la transformation de /g/ en /j/, par exemple baguette → bayette.

2.1.2. La morphologie

Les différences morphologiques entre le québécois et le français de France sont également remarquables car le québécois a exploité certains préfixes et suffixes du français de France. Par exemple, le préfixe re- a une valeur augmentative en québécois (rempirer = devenir pire, empirer). Quant aux suffixes typiques, les plus nombreux sont:

/-able/ (valeur évaluative) : parlable, marchable /-age/ (action, résultat) : fumage, magasinage, sucrage /-eux/ (valeur évaluative, péjorative) : menteux, astineux, chieux /-oune/ (valeur féminine et dépréciative) : bisoune, poupoune, gougoune /-eur/ : soit pour désigner un produit (nettoyeur), soit pour désigner un appareil (transformeur), il s’agit des calques de l’anglais.

Ensuite, nous pouvons rencontrer des terminaisons –eure de certains noms de métiers et de titre de fonctions au féminin (auteure, professeure). En ce qui concerne la morphologie des verbes, le français québécois dispose de nombreuses distinctions, surtout de la conjugaison des temps verbales, par exemple des écarts au subjonctif (être → qu’il soye, avoir → qu’il aye, etc.). Les particularités des pronoms personnels sont également considérées comme des traits typiques pour les parlers québécois :

l’emploi de « i » ainsi pour le féminin « elles » que pour le masculin « ils » l’emploi des formes « nous autres », « vous autres », « eux autres » l’emploi de « tu » au lieu de « vous » (au cas du vouvoiement) l’emploi de « tu » au lieu de « on » (Quand t’es fatigué, t’as pas le goût de travailler)

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l’emploi de « ça » au lieu de « on » (Ça frappe à la porte au lieu de On frappe à la porte) l’emploi de « i(ls) » au lieu de « on » (En France, i(ls) jouent au soccer)

2.1.3. La syntaxe

En ce qui concerne les relations entre les mots et leurs formes, nous pouvons observer des changements au niveau des adjectifs, des verbes, des relatifs et même des prépositions. En français québécois, nous pouvons rencontrer l’emploi généralisé de « toute » pour « tout » quelle que soit la fonction, comme on peut le voir dans la phrase J’ai rencontré toute mes amis au lieu de J’ai rencontré tous mes amis. De plus, certains adjectifs sont, à la différence du français de France, employés comme des adverbes, par exemple compter correct, répondre bête, etc. En ce qui concerne des particularités syntaxiques des verbes, nous devrions mentionner que l’emploi de l’infinitif peut avoir une valeur conditionnelle (avoir su au lieu de si j’avais su) et que le conditionnel lui-même peut être utilisé extraordinairement après « si » (Si on écrirait comme on parlerait). Ensuite, le futur est souvent remplacé par l’infinitif passif (Le catalogue à être distribué demain au lieu de Le catalogue sera distribué demain). L’utilisation des auxiliaires « avoir » et « être » n’est pas tout à fait respectée ainsi que l’utilisation du subjonctif après « bien que », etc. Les relatifs dans le français québécois contiennent aussi de nombreux écarts: nous pouvons remarquer tout d’abord l’emploi de « que » qui est souvent utilisé au lieu de « dont » par exemple La fille que je te parle au lieu de La fille dont je parle. De plus, « que » est employé au lieu de « qui » et « lequel » avec postposition de la préposition (avec, pour, sans, sur → dessus, dans) : par exemple La fille que je sors avec pour La fille avec qui je sors ; La chaise que j’étais assis dessus pour La chaise sur laquelle j’étais assis. Ensuite, le relatif « qui » peut être utilisé au lieu de « lequel » (c’est une question qui n’est pas facile à répondre) et nous pouvons également observer l’emploi de « qu’est-ce que » et « que c’est que » au lieu de « ce que » (Je sais pas qu’est-ce qu’il va dire au lieu de Je ne sais pas ce qu’il va dire). Si nous observons les autres traits spécifiques de la syntaxe dans la phrase québécoise, nous remarquerons sans doute une substitution de la particule interrogative « est-ce que » par

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« -tu » (Tu viens-tu ? au lieu de Est-ce que tu viens ?). De plus, les Québécois emploient la forme négative pas concurremment avec aucun, jamais, personne ou rien.

2.1.4. Le lexique

Sur le champ lexicologique, il y a aussi beaucoup de différences entre le français québécois et celui de France. En fait, beaucoup de Français considèrent la langue des Québécois comme une variante archaïque de leur français car comme nous l’avons déjà dit, elle contient des archaïsmes et des dialectismes du français régional qui n’existent plus en français standard d’aujourd’hui. Des linguistes les appellent parfois archaïsmes-dialectismes parce que dans beaucoup de cas, il est difficile de déterminer s’il s’agit d’un archaïsme ou d’un dialectisme. L’autre grande différence consiste en l’utilisation des jurons. En général, des jurons en français québécois se rapportent à la religion, néanmoins, leur utilisation n’a pas le rapport avec le sens originel d’un mot. On emploie des blasphèmes comme crisse, câlice, ciboire, ostie, calvaire, tabarnak, baptême, vierge, seigneur. Entre les combinaisons des jurons, il existe des différences en intensité : si nous employons crisse de tabarnak, nous sommes moins fâchée que si nous disons tabarnak de crisse. En outre, nous pouvons même rencontrer des verbes dérivés des jurons : crisser, tabernaquer, câlisser, etc. Comme nous l’avons déjà évoqué dans le chapitre sur l’histoire des Francophones au Canada, la domination anglaise et la coexistence de la population francophone avec des habitants anglophones ont influencé sans doute l’état du français canadien. Cependant, nous ne pouvons pas prétendre que l’influence de l’anglais représente la plus grande cause des différences entre le français québécois et le français de France car nous pouvons rencontrer également un grand nombre des anglicismes prouvés au Québec chez jeunes Français en France. Toutefois, des emprunts à l’anglais dans le français de France sont acceptés plus ou moins positivement et leur emploi est considéré comme une expression d’un snobisme, en général, tandis qu’au Québec, la pénétration des anglicismes fait susciter une crainte de la qualité du français sur le continent nord-américain. Et, comme nous l’avons déjà mentionné, la lutte des Québécois contre leur utilisation dans le français québécois continue jusqu’à aujourd’hui. Des anglicismes utilisés en français québécois peuvent être divisés en deux groupes : des emprunts directs et des expressions calquées. Pour la meilleure orientation dans cette problématique, nous avons crée le tableau suivant :

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SANS anyway, all right, coat, comics, game, flat ADAPTATION PHONETIQUE club, cheddar, storage EMPRUNTS AVEC PHONETIQUE ET badloque (bad luck), bébé doll ADAPTATION ORTHOGRAPHIQUE (baby doll), boulé (bully) MORPHOLOGIQUE checker, checkage, backer qq agenda (ordre du jour), amphithéâtre (enceinte sportive), SEMANTIQUES change (monnaie), diète (régime), arrêt (stop), carton (cartouche de cigarettes) MOTS SIMPLES surtemps (overtime) LOCUTIONS ami de fille (girlfriend), chien CALQUES NOMINALES chaud (hot dog) DE FORME LOCUTIONS tomber en amour (fall in love), VERBALES prendre action (to take action) LOCUTIONS être dans le même bateau (to be PHRASEOLOGIQUES in the same boat)

Le dernier élément du lexique québécois est représenté par les amérindianismes, c’est-à-dire les emprunts des langues des autochtones de la Nouvelle-France. Nous pouvons remarquer par exemple des expressions manitou, tomahawk, squaw, wigwam ou sachem pour vieillard sage. Cependant, il s’agit d’un groupe lexical minoritaire.

3. Le français acadien

Comme nous l’avons déjà dit, le français acadien représente avec le français québécois l’une de deux variétés d’origine du français canadien. Le territoire de l’ancienne Acadie française n’existe plus, mais le foyer des Acadiens est aujourd’hui la Nouvelle-Écosse, le Nouveau-Brunswick, l’Île-du-Prince-Édouard, la Terre Neuve, le Québec, Louisiane en Amérique du Nord et même les îles françaises de Saint-Pierre et Miquelon.22 Nous venons de

22 CORMIER, Yves. Dictionnaire du français acadien. Québec : Fides, 1999, p. 15.

18 voir que la population acadienne d’aujourd’hui est répandue en agglomérations francophones sans frontières politiques. Ainsi, leur langue demeure sans aucune gestion politique établie. Ces communautés dites acadiennes sont notablement différentes des provinces d’origine québécois ou laurentien ayant une évolution historique et sociolinguistique distincte. Ils représentent une diversité linguistique et culturelle, prenons pour exemple la ville de Moncton où nous pouvons rencontrer le français acadien fortement anglicisé qui s’appelle le .23 Tandis que cette ville est caractérisée par un mode de vie nord-américain, la péninsule acadienne est plus unifiée d’un point de vue linguistique et incline plutôt vers la culture québécoise. De surcroît, le sud de la Nouvelle-Écosse cultive les relations avec la Louisiane. La société acadienne représente donc une communauté plus ouverte aux influences extérieures que celle du Québec. En conséquence, cette situation langagière disloquée profère des menaces à l’existence du français acadien.24 Comme nous l’avons déjà dit, la société acadienne a affronté la défaveur dans le passé, mais malgré tout, les Acadiens font profession de son identité francophone. Comme d’exemple traditionnel de cette variété du français nous sert la langue utilisée dans la pièce La Sagouine que nous avons choisie à analyser dans la deuxième partie de notre mémoire de licence. Dans ce chapitre, nous essayerons d’expliquer la singularité du français acadien - ses sources et ses particularités principales.

3.1. Les sources de la singularité du français acadien

Le caractère particulier de l’acadien est le résultat de nombreux faits historiques comme nous avons déjà dit plusieurs fois. En effet, dès 1713, l’Acadie est coupée de la Nouvelle-France, le contact de nombreux Acadiens avec les autres Français venus de France est donc limité. A cause de l’isolation des communautés acadiennes, il existe de grandes différences dans le langage de leurs parlers, voilà pourquoi le français acadien est plus varié que le français québécois. Quant aux origines du français acadien, les recherches de Geneviève Massignon mettent en évidence que les premières familles en Acadie, pendant le peuplement du Nouveau Monde, se sont venues de l’ouest de la France, surtout de Poitou et Saintonge.25 Selon Yves Cormier, « les acadianismes répertoriés tirent leur origine de trois

23 Par exemple J’ai watché un fun movie (KADLEC : 2005, p. 290). 24 De l’article « La littérature acadienne », disponible sur : http://id.erudit.org/culture/qf1076656/qf1095144/1817ac.pdf (consulté le 30/3/2013). 25 CORMIER, Yves. Dictionnaire du français acadien. Québec : Fides, 1999, p. 14.

19 principales sources : les langues gallo-romanes (comprenant les parlers de France et le parler de l'Île-de-France – 90%), la langue anglaise – 6%, et les langues amérindiennes - 3% (notamment le micmac). Elle ajoute que sur l’ensemble des acadianismes d’origine française, 55% proviennent des dialectes régionaux de France et 45% sont tirés du français général de l’époque (archaïsmes).26

3.2. Les principales particularités du français acadien27

Il n’est pas possible de faire un seul résumé des particularités du français acadien car, comme nous l’avons déjà dit, cette langue est très diversifiée et pour cela, des linguistes se focalisent parfois sur un territoire où cette langue demeure. Nous essayerons donc de présenter les acadianismes et ses traits les plus intéressants et les plus spécifiques.

3.2.1. La phonétique

Quant aux voyelles, les nasales acadiennes sont moins stables qu’en français de France. De plus, les parlers acadiens connaissent seulement trois voyelles nasales / /, /ã/, et /õ/, le phonème vocalique / / n’existe pas. Comme le phénomène acadien spécial est considéré l’ouïsme. Il s’agit d’un changement des voyelles devant les nasales ou devant /z/ et /s/, par exemple /bun/ bonne, /um/ homme, /ʃuz/ chose, /grus/ grosse, etc. Ainsi, la prononciation du groupe /wa/ peut être modifiée, prenons l’exemple du verbe avoir dont nous pouvons rencontrer sous la forme aouère. De plus, nous pouvons remarquer la disparition des certaines voyelles, par exemple les pronoms démonstratifs qui sont représentés seulement par les formes c’te ou c’ (c’te pays- là ou c’pays-là). La diphtongaison n’est pas tellement pratiquée que chez les Québécois parce que les Acadiens utilisent plutôt une fermeture des voyelles /ɛ/, /ɔ/ et /œ/ dans la syllabe accentuée et terminée par /r/, par exemple /me :r/ mère ou /mo :r/ mort. En ce qui concerne des consonnes, la palatalisation de /k/, /g/ et /t/, /d/ représente le trait typique du français acadien :

26 Ibid., p. 30. 27 KADLEC, Jaromìr. Francouzština v Kanadě. 1. vyd. Olomouc : Univerzita Palackého v Olomouci. Filozofická fakulta, 2005, p. 291-303.

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/k/ → /tʃ/ : par exemple /tʃi/ qui, /tʃulɔt/ culottes, etc. /g/ → /dʒ/ : par exemple /dʒɛr/ guerre, /badʒɛt/ baguette, etc. /tj/ → /tʃ/ : par exemple /tʃɛd/ tiède, /tʃ d/ tiendre ou /amitʃe/ amitié, etc. /dj/ → /dʒ/ : par exemple /dʒø/ dieu, /dʒab/ diable ou /akadʒ / acadien, etc.

L’autre trait spécifique est l’emploi du phonème /h/. Son existence est basée sur des oppositions phonologiques des expressions comme haler - aller ou haut - eau. Le caractère distinct concernant les consonnes est également l’emploi de /r/ apicale, tandis que /r/ à la fin du mot n’est pas souvent prononcé. Nous pouvons aussi rencontrer la prononciation de « t » à la fin du mot (/but/ = bout) et la transformation du groupe /re-/ en /ar-/ (reculer → arculer).

3.2.2. La morphologie

Les particularités morphologiques les plus remarquables sont les terminaisons de la troisième personne du pluriel – ont (I savont au lieu de Ils savent) et –iont (I veniont au lieu de Ils venaient). De plus, la terminaison – ons apparaît chez la première personne du singulier (Je parlons). Quant aux autres distinctions, nous pouvons les chercher chez les auxiliaires avoir et être. L’auxiliaire avoir s’emploie dans tous les temps passés composés, aussi bien chez les verbes de mouvement que les verbes pronominaux (I aviont venu au lieu de Ils étaient venus), tandis que l’auxiliaire être s’utilise seulement dans le passif et comme le verbe attributif. Le français acadien, ainsi que le français populaire de France, a tendance à simplifier des formes verbales, il s’agit surtout des formes irrégulières qui deviennent régulières, par exemple Faisez au lieu de Faites, I faisons au lieu de Ils font, Je save au lieu de Je sache, Il a ouvri au lieu de Il a ouvert, etc. En ce qui concerne des substantifs, ils sont souvent formés à l’aide du suffixe –ance, par exemple accoutumance pour habitude ou souvenance pour souvenir. Quant aux pronoms personnels, il devient /i/ et ceux de la troisième personne du pluriel sont remplacés par /i/, /j/ ou /il/ sans acception de leur genre et, le pronom elle est remplacé par /a/ ou /al/. Voilà pourquoi, on ne pratique pas l’enchaînement à l’aide de /z/, par exemple I’ont tout’signé au lieu de Ils ont tous signé. Et enfin, la dernière différence concernant les pronoms est la forme zeux du pronom eux. De plus, le français acadien dispose des formes qui en français de France n’existent pas du tout, par exemple viande crute pour viande crue.

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3.2.3. La syntaxe

La plupart de règles syntaxiques acadiennes ne diffère pas de celles du français de France, sauf quelques constructions qui proviennent du français archaïque ou populaire. Aujourd’hui, la syntaxe est influencée de l’anglais jusqu’à la mesure où il est difficile de découvrir l’origine des particularités. Par exemple, la préposition à qui s’emploie en français acadien au lieu de la préposition de pour exprimer la possession ou la parenté (le livre à Paul pour le livre de Paul, la fille à Paul pour la fille de Paul, etc.). Ainsi, la préposition à s’utilise anormalement au cas des expressions temporelles (à chaque fois pour chaque fois, à tous les jours pour tous les jours, etc.). Ensuite, la préposition de apparaît dans certaines constructions comme par exemple aimer de faire quelque chose et la conjonction à cause que s’utilise au lieu de parce que. Le conditionnel après « si », les pronoms interrogatifs dans des phrases indirectes et l’emploi de « que » au lieu de « dont » forment les mêmes traits spécifiques de toutes les deux variantes du français canadien. Nous devons aussi mentionner que les deux variétés du pronom indéfini tout (/tu/ ou /tut/) sont utilisées sans acception de leur genre.

3.2.4. Le lexique

Comme nous avons évoqué dans le chapitre sur des sources du français acadien, sa structure contient en premier lieu un nombre majeur des expressions du français archaïque ou dialectal. Beaucoup d’expressions particulières acadiennes concernent la flore (ragornure = restes de petits fruits à cueillir), la faune (cochon de mer = espèce de baleine) ou le temps (éloise = éclair d’orage). Certains acadianismes expriment le comportement des hommes (vaillant = personne laborieuse, face de picasse = personne laide ou malpropre). En deuxième lieu, nous pouvons rencontrer des anglicismes : des emprunts directs sans aucune adaptation (typique pour le langage appelé chiac) et des emprunts avec une adaptation phonétique et orthographique (béler = vider, de l’anglais to bail ou feeder = nourrir, de l’anglais to feed ; etc.). Nous pouvons également nous heurter aux calques à l’anglais, prenons l’exemple de surveiller la télévision de l’anglais watch au lieu de regarder la télévision ; ou aller sur voyages de l’anglais go on trips au lieu de partir en voyages. Finalement, le français acadien dispose des emprunts des langues amérindiennes (par exemple couimou pour oiseau plongeon, warwari pour grand bruit ; taweille pour femme acariâtre) qui sont cependant utilisés rarement ainsi qu’en français québécois. Néanmoins, en conséquence que les Acadiens n’ont pas encore déterminé aucune

22 gestion linguistique concernant leur langue, nous devons constater que leur lexique n’est pas si unifié que celui du français québécois.

4. Le français québécois versus le français acadien

Après avoir expliqué les particularités du français acadien et celles du français québécois dont le joual fait partie intégrante, nous sommes capables de faire le bilan entre eux. Si nous partons du fait que les Québécois et les Acadiens sont des descendants des colons français, plus exactement, des descendants des familles de l’ouest de France, il est clair que leurs langages comprennent des caractères semblables. D’un autre côté, comme nous avons appris, leurs évolutions historiques plus ou moins détachées et des influences extérieures ont pour conséquence aussi des caractères dissemblables. Tout d’abord, concernant des différences phonétiques (et souvent orthographiques aussi), nous avons pu le voir, que le québécois ainsi que l’acadien implique de nombreuses singularités. Parmi les cas dans lesquels ils concordent, nous pouvons mentionner par exemple la prononciation atypique du groupe /wa/, des transformations de quelques voyelles et la prononciation de « t » à la fin de certains mots (au boute). Néanmoins, nous avons pu remarquer les phénomènes phonologiques tout à fait divers : tandis que le français acadien est significatif par l’ouïsme, le français québécois se caractérise par la diphtongaison des voyelles et l’affrication de certaines consonnes. Ensuite, du point de vue morphologique, les écarts concernant les pronoms personnels sont presque pareils : il devient /i/, elle devient /a/ ou /al/, ils devient /i/, même si l’acadien également utilise au lieu des pronoms de la troisième personne encore /j/ ou /il/. L’autre trait qui lie partiellement nos deux variantes est représenté par la conjugaison irrégulière voire simplifiée des temps verbales : en québécois, il s’agit par exemple des écarts au subjonctif ou à l’indicatif, tandis qu’en acadien, nous pouvons rencontrer les terminaisons anormales de la troisième personne du pluriel du présent et de l’imparfait –ont (I savont au lieu de Ils savent) et –iont (I veniont) et la terminaison –ons qui apparaît chez la première personne du singulier (Je parlons). Quant aux traits compatibles sur le plan syntaxique, le français québécois est conforme avec le français acadien par exemple aux formes interrogatives redondantes, l’utilisation de « si » après le conditionnel ou l’emploi de « que » au lieu de « dont ». Cependant, l’acadien recourt à l’emploi particulier des prépositions « de » et « à » qui est prouvé dans la littérature

23 française du XVIe et XVIIe siècle. En revanche, le québécois se distingue par l’utilisation de la particule interrogative « -tu ». Le lexique représente une partie très spécifique de toutes les deux variantes du français. La majorité des québécismes ainsi que des acadianismes est représentée par des archaïsmes-dialectismes français qui n’existent plus en français standard d’aujourd’hui. Ensuite, l’apport des anglicismes influence considérablement le lexique de toutes les deux variantes : nous pouvons rencontrer des emprunts directs à l’anglais (adaptés ou non-adaptés) et des expressions calquées. Quant aux emprunts amérindiens (les langues des habitants autochtones), ils représentent un groupe lexical minoritaire.

5. Étude du corpus

Dans la partie pratique de notre mémoire de licence, nous nous occuperons du corpus choisi : les passages des œuvres Les Belles-sœurs de Michel Tremblay et La Sagouine d’Antonine Maillet. Nous pourrons voir que toutes les deux œuvres sont marquées par une certaine contamination du français. Par l’intermédiaire de la langue, Michel Tremblay tente d’exprimer la lutte nationale dans les années 60 car pour lui, parler joual signifiait une action purificatrice de la population québécoise. Quant à Antonine Maillet, la fonction de sa langue est de manifester la viabilité et la résistance de la population acadienne dispersée. Et puisque tous les deux auteurs veulent révéler ainsi l’identité problématique par une certaine stylisation littéraire, nous essayerons d’analyser des traits spécifiques dans leurs œuvres Les Belles-sœurs et La Sagouine et de prouver ainsi les nuances langagières entre eux. Tout d’abord, nous présenterons brièvement le personnage de l’auteur, ensuite nous esquisserons l’action de la pièce en s’appuyant sur une scène représentative de l’œuvre qui nous servira d’illustration de la langue. Puis, nous passerons à l’analyse du texte étudié. Nous commencerons par Les Belles-sœurs de Michel Tremblay.

5.1. Les Belles-sœurs – de l’auteur et de l’œuvre

Michel Tremblay est né 25 juin 1942 à Montréal. Son métier originel de typographe, il le combinait avec la passion pour l’écriture. Sa première œuvre, Le Train, remporte le prix de Concours des jeunes auteurs de la société Radio-Canada et dans les années 1965-1968 est

24 présentée au Théâtre de la Place Ville-Marie. C’est le début de sa longue carrière du dramaturge et du romancier aussi. Comme boursier du Conseil des arts au Canada, il voyage au Mexique où il écrit un roman fantastique La Cité dans l’œuf et la pièce La Duchesse de Langeais. Dans la pièce de théâtre Les Belles-sœurs, il dépeint l’enracinement dans la culture des Québécois à travers la langue caractéristique pour des milieux populaires Ŕ joual. La pièce est montée pour la première fois le 28 août 1968 au Théâtre du Rideau-Vert à Montréal et grâce à elle, il gagne une place considérable sur la scène littéraire au Québec.28 Cependant, comme nous l’avons déjà évoqué, le joual représentait le sujet à controverse à cette époque-là, voilà pourquoi la pièce a soulevé une tempête de mauvaises critiques du côté des intellectuels. L’action des Belles sœurs tente de présenter l’image impitoyable de la société québécoise : le milieu ouvrier montréalais (le Plateau Mont-Royal) et la vie quotidienne des femmes de l’époque. Germaine Lauzon est une femme de ménage qui gagne un million de timbres-primes dans un concours lui permettant de meubler sa maison en neuf par divers objets présentés dans le catalogue de la compagnie. Dans la circonstance de cela, elle invite toutes ses proches et ses voisines à une soirée afin de coller les timbres dans les livrets. Lors de leur rencontre, les femmes se bavardent, racontent leurs soucis quotidiens à cause de leurs enfants et de leurs maris. Il semble que toutes les femmes ont de commun de mener « une maudite vie plate ». Tout le temps, Germaine ne cesse pas laisser voir sa joie et son orgueil ce que déchaîne l’envie des femmes présentes. Voilà pourquoi, l’atmosphère de « la soirée de timbres » dégénère avec le temps parce que les femmes cherchent querelle et disent des méchancetés les unes les autres. Enfin, elles volent les timbres à Germaine. Ainsi, l’auteur veut nous montrer la vacuité de leur existence et la faiblesse morale dans cette époque-là. L’action se déroule par le moyen des dialogues, des monologues et du chœur. Voilà, l’extrait de l’œuvre :

LE CHŒUR DES QUATRE FEMMES : « J’me lève, pis j’prépare le déjeuner. Toujours la même maudite affaire ! Des toasts, du café, des œufs, du bacon… J’réveille le monde, j’les mets dehors. Là, c’est le repassage. J’travaille, j’travaille, j’travaille. Midi arrive sans que je voye venir pis les enfants sont en maudit parce que j’ai rien préparé pour le dîner. J’leu fais des sandwichs au béloné. J’travaille toute après-midi, le souper arrive, on

28 Disponible sur : http://www.thecanadianencyclopedia.com/articles/fr/michel-tremblay (consulté le 24/3/2013)

25 se chicane. Pis le soir, on regarde la télévision ! Mercredi ! C’est le jour de mégasinage ! J’marche toute la journée, j’me donne un tour de rein à porter des paquets gros comme ça, j’reviens à la maison crevée ! Y faut quand même que je fasse à manger. Quand le monde arrivent, j’ai l’air bête ! Mon mari sacre, les enfants braillent… Pis le soir, on regarde la télévision ! Le jeudi pis le vendredi, c’est la même chose ! J’m’esquinte j’me désâme, j’me tue pour ma gang de nonos ! Le samedi, j’ai les enfants dans les jambes par-dessus le marché ! Pis le soir, on regarde la télévision ! Le dimanche, on sort en famille : on va souper chez la belle-mère en autobus. Y faut guetter les enfants toute la journée, endurer les farces plates du beau-père, pis manger la nourriture de la belle-mère qui est donc meilleure que la mienne au dire de tout le monde ! Pis le soir, on regarde la télévision ! Chus tannée de mener une maudite vie plate ! »29

….comme nous venons de voir, ce texte est émaillé par des traits extraordinaires du joual. Tout d’abord, nous notons la contraction des mots (surtout l’ellipse de e caduc ou de voyelle : pis au lieu de puis). Ensuite, nous pouvons trouver des emprunts anglais: des toasts, du bacon, des sandwiches, le souper et des expressions terminées par le suffixe typique pour la langue québécoise – age : repassage et mégasinage. Remarquons aussi le genre féminin du pronom « tout » dans l’expression toute après-midi. Nous trouvons sans doute la conjugaison un peu bizarre (quand le monde arrivent) et même quelques formes verbales anormales (sans que je voye, chus tannée). Probablement, nous devinons que dans l’expression Y faut que je fasse à manger, il s’agit d’un changement du pronom personnel. De plus, nous pouvons également nous nous heurter au lexique proprement québécois. En effet, la pièce est considérée comme un éloge du joual parce que c’est pour la première fois que cette variante populaire du français est présentée au public. La langue chez Tremblay est caractérisée par le lexique familier, voire vulgaire, et l’action de la pièce tragi- comique servent à dépeindre la société de l’après-la Révolution tranquille qui représente, comme nous l’avons dit dans la partie théorique, le tournant concernant la mentalité des Québécois. Selon Tremblay, la langue est non seulement l’outil de communication, mais encore la manière détournée dont on peut exprimer la vie réelle des personnages, leurs attitudes et leurs sentiments mitigés. Par cela, il laisse voir que le joual peut être un véhicule de la culture québécoise et qu’il n’y a pas de quoi avoir honte. Et ainsi, il tente d’esthétiser la langue de la pièce par rapport à la situation de cette époque-là, il s’agit donc d’une stylisation

29 TREMBLAY, Michel. Les Belles-sœurs. Montréal : Leméac, 1972, p. 23.

26 littéraire. La langue devient l’instrument scénique car l’auteur porte son attention plutôt sur le langage des personnages que sur les personnages eux-mêmes.

5.2. Les Belles-sœurs – analyse

Après avoir ébauché la fonction de la langue dans notre œuvre, nous pouvons nous mettre à une propre analyse des particularités concrètes du point de vue phonétique, morphologique, syntaxique et lexical, c’est-à-dire dans le même ordre que nous l’avons présenté dans la partie théorique. Quant au langage employé dans Les Belles-sœurs, l’explication ou l’origine des expressions trouvées, nous avons cherché dans le Dictionnaire québécois-français de Lionel Meney, dans le Dictionnaire de la langue québécoise de Léandre Bergeron, dans la Grammaire québécoise d’aujourd’hui de Jean-Marcel Léard et aussi dans Les origines du français québécois de Mougeon et de Beniak. Pour la meilleure orientation dans des expressions trouvées, nous créerons des tableaux (sauf les particularités phonétiques).

5.2.1. Les particularités phonétiques

Les expressions transformées par la contraction des mots représentent un grand groupe concernant les particularités phonétiques. Même si nous ne l’avons pas mentionné dans la partie théorique, un rôle important y joue le e caduc qui est fortement supprimé (r’mettre pour remettre ; v’nir pour venir ; p’tit pour petit ; j’s’rais pour je serais ; d’dans pour dedans ; c’que ; tu r’gardera ; ça s’ra pour ça sera ; r’monter pour remonter ; t’nez pour tenez ; etc.). De plus, nous n’avons pas trouvé l’adjectif démonstratif cette qu’à la forme c’te (c’te chaise- là, c’te femme-là ou c’te chance-là). Quant à la prononciation différente du groupe /wa/, nous n’avons pas trouvé que les exemples cités dans la partie théorique : moé (qui peut influencer même la prononciation du pronom qui suit : promets-moé-lé), toé, je cré pour je crois, creyable pour croyable et tout dret pour tout droit. Néanmoins, il y avait un cas où le groupe /wa/ est tout omis : il s’agit d’une expression voilà qui est réduite à v’là. Ensuite, nous avons rencontré la disparition de la voyelle (‘coute au lieu de écoute) et beaucoup de cas de la transformation des voyelles (les écarts sont en caractère gras):

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/e/ → /a/ : service → sarvice, servante → sarvante, fermer → farmer, perdre → pardre, énervé → énarvé, merci → marci /ou/ → /u/ : tout de suite → tu-suite ; toutes-seules → tu-seules ; toutes sortes → tu-sortes /a/ → /e/ : parler → perler, magasiner → mégasiner, magasinage → mégasinage, patates → pétates, ballonné → béloné /a/ → /o/ : maman → moman. /i/ → /e/ : minute → menute

Dans notre texte analysé, nous nous sommes heurtée à la chute de certaines consonnes. Premièrement, la chute de la consonne /l/ n’était pas présentée entre deux voyelles, comme nous l’avons dit dans la partie théorique, mais plutôt entre une voyelle et une consonne, par exemple pus au lieu de plus, cependant, le plus souvent par rapport à l’expression quelque : quequ’chose pour quelque chose, quequ’menutes pour quelques minutes, quequ’un, pour quelqu’un ; quequ’s’unes pour quelques unes. Deuxièmement, nous avons trouvé également la chute de la consonne /r/ : leu’ pour leur, cependant, elle était parfois renforcée par la chute de /l/ dans l’article qui suivait, par exemple su’a mienne pour sur la mienne ou su’es épaules pour sur les épaules. De plus, la chute de /re/ à la finale du mot représentait le phénomène assez fréquenté dans notre œuvre : pauv’ fille pour pauvre fille ; vot’ histoire pour votre histoire ; l’aut’ jour pour l’autre jour ; not’soir ; à l’aut-boute pour à l’autre bout ; dans not’temps pour dans notre temps ; d’aut’chaises pour d’autres chaises ; vot’langue pour votre langue ; etc. Comme d’autres exemples de la phonétique différente, nous pouvons considérer la prononciation de la consonne « t » à la fin du mot qui se rapportait le plus souvent à l’expression française bout : au boute, à l’aut’boute d’la maison. Néanmoins, nous avons remarqué la prononciation du « t » final également dans d’autres mots : litte au lieu de lit et icitte30 au lieu de ici. Nous avons rencontré aussi la transformation de certaines consonnes :

/g/ → /j/31 : catalogue → cataloye, gueule → yueule /g/ → /q/ : fatiguant → fatiquant /d/ → /j/ : bon dieu → bonyeu.

30 Le trait typique pour la région de Touraine. 31 Le trait typique également pour la prononciation dans la région de Poitou-Charentes.

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Et finalement, parmi les dernières expressions remarquables du point de vue phonétique et orthographique, il faut mentionner des formes amalgamées astheur au lieu de à cette heure, pantoute au lieu de pas du tout, pis au lieu de puis, ben au lieu de bien, entéka au lieu de en tous cas et ceuses au lieu de celles. Quant à la diphtongaison et à l’affrication, nous n’avons trouvé aucune occurrence.

5.2.2. Les particularités morphologiques

Quant aux écarts morphologiques dans l’œuvre Les Belles-sœurs, nous avons remarqué l’emploi de quelques articles différents de ceux utilisés en français de France, par exemple le radio, une amour, un espèce, la gang. Cependant, nous avons vu que les articles étaient souvent tout à fait supprimés : à’porte, dans’maison, sors à’soir, dans’face. L’autre grande différence était représentée par des changements dans l’ utilisation des pronoms. Outre l’emploi des formes nous autres ou eux autres, nous avons rencontré des formes anormales des pronoms personnels :

Tableau des pronoms particuliers

Joual Français standard Y’aurait pu y parler.32 (T16) Il aurait pu lui parler. Si j’y ai dit marci. (T16) Si j’ai lui dit merci. Y’va continuer dans’journée. Il va continuer dans la (T17) journée. Il ou lui → « y » J’y souhaite ben du bonheur. Je lui souhaite bien du (T30) bonheur. Y’reste couché, y’est Il reste couché, il est chômeur. (T22) chômeur. Y faut en prendre soin. (T34) Il faut en prendre soin. Dis-y de v’nir tu-suite. (T35) Dis-lui de venir tout de suite. A me conte toute. (T26) Elle me conte tout. Elle → « a » A l’a quatre-vingt-treize Elle a quatre-vingt-treize ans. ans33. (T33)

32 Si le verbe qui suit possède une initiale vocalique, la prononciation recourt à la palatalisation du /i/ en /j/. 33 Si après le pronom « a » suit une voyelle, on insère /l/.

29

A l’agit comme un bébé. Elle agit comme un bébé. (T34) A m’avait promis de rester. Elle m’avait promis de rester. (Elle → « a ») (T35) A dit qu’a l’a cœur trop Elle dit qu’elle a le cœur trop tendre. (T37) tendre. Y vont servir à tout le Ils vont servir à tout le monde. (T17) monde. Y m’ont donné un cataloye. Ils m’ont donné un (T19) catalogue. Ils ou elles → « y » C’qu’y ont pour les chambres Ce qu’ils ont pour les d’enfants. (T21) chambres d’enfants. Y’ont pris des poissons. Ils ont pris des poissons. (T29) Y volent un peu partout Ils volent un peu partout dans dans’maison. (T37) la maison.

Concernant la dérivation des mots qui consiste à ajouter un morphème suffixal, nous avons découvert tous les types de suffixes cités dans la partie théorique. Et même si quelques- uns sont utilisés en français de France, en québécois ont une valeur particulière :

Tableau des suffixes particuliers

Suffixe Expression trouvée Explication Valeur

parlable à qui ont peut parler évaluative -able34 sans difficultés battable (T47) qui peut être évaluative surpassé -age mégasinage (T24) faire des achats action

repassage (T24) répéter qch sans arrêt action -eux niaisseux35 (T17) espèce de crétin péjorative

34En français de France, le suffixe –able a des emplois lexicalisés qui diffèrent de ceux du français québécois. 35 Dérivé de niais.

30

-oune36 nounoune (T17) qui manque dépréciative d’intelligence -eur, -euse strapeuse (T18) femme qui colle des métier semelles

Quant à l’analyse de la conjugaison des temps verbaux, nous avons rencontré de nombreuses particularités. Dans beaucoup de cas, nous n’avons pas trouvé par exemple la construction française c’est : il s’agit probablement d’une ellipse du verbe être qui était représentée seulement par la forme c’t’ (c’t’une vraie bonne idée, c’t’écœurant, c’t’à dire, c’t’un vrai charivari). En ce qui concerne d’autres cas divergents, voilà le tableau :

Tableau des formes verbales particulières

Joual Français standard Que j’aye gagné le million de Que j’aie gagné le million de timbres-primes. (T16) timbres-primes. Écarts au J’aurais aimé que ton père soye J’aurais aimé que ton père soit là. subjonctif là. (T16) Pour qu’y m’envoye des enfants Pour qu’il m’envoie des enfants bouchés. (T18) bouchés. C’est mes timbres (T15) Ce sont mes timbres. C’est les mots mystérieux (T44) Ce sont les mots mystérieux. J’vas37 répondre. (T15) Je vais répondre. Écarts à Chus38 pas une sarvante, moé. Moi, je ne suis pas une servante. l‘indicatif (T17) On n’est pas venues icitte pour On n’est pas venu ici pour se se chicaner. (T26) chicaner.

36 Ce phénomène s’est manifesté dialectalement au XVe siècle en France, mais il a été refusé à Paris (nous en trouve des traces en acadien, par exemple douner au lieu de donner) (Léard : 1995, p.49). 37 Cette différence est causée par les faits historiques car les formes en vais sont une innovation récente du français parisien du XVIIe siècle. Auparavant, les formes en vas étaient employées aussi bien à la cours qu’à la campagne. (Mougeon, Béniak: 1994, p. 20).

38 Comme en français de France, le je peut être absorbé par suis → / ʃɥi /, en français québécois je suis peut devenir chus /ʃy/ (Léard : 1995, p.79).

31

(Écarts à Assisez-vous.39 (T21) Asseyez/assoyez-vous. l‘indicatif) Le monde ne se lavent pas. Le monde ne se lave pas.

5.2.3. Les particularités syntaxiques

Sur le champ syntaxique, nous avons trouvé deux ellipses : premièrement, il s’agit d’une ellipse de ne dans la négation qui est néanmoins habituelle concernant le français parlé en général. Deuxièmement, nous avons rencontré l’ellipse des pronoms personnels dans la position du sujet (sont allés en bateau pour ils sont allés en bateau ; est habituée pour elle est habituée ; y’a un autel pour il y a un autel). Ensuite, l’emploi généralisé de « toute » pour « tout » quelle que soit la fonction, comme nous l’avons lancé dans la partie théorique, était le phénomène assez fréquenté dans le texte. Au Québec, ce trait est considéré comme parisien car au XVIIe siècle, tout était prononcé /tut/ devant une pause et une voyelle à Paris40 :

Tableau de l’emploi particulier de « toute »

Joual Français standard Y faudrait toute répéter vingt fois. (T18) Il faudrait tout répéter vingt fois. J’vas toute meubler. (T19) Je vais tout meubler. Toute le cataloye. (T21) Tout le catalogue. A fait toute pour me contrarier. Elle fait tout pour me contrarier. Y’ont toute reviré à l’envers. (T38) Ils ont tout reviré à l’envers. J’vas toute vous dire. (T26) Je vais vous tout dire.

Quant aux relatifs, nous avons trouvé quelques écarts :

- au niveau des formes interrogatives directes, nous nous sommes très souvent heurtée à l’emploi de « que c’est que » au lieu de « qu’est-ce que », voilà des exemples dans le tableau :

39 L’infinitif est s’assir. 40 Ibid., p. 131.

32

Tableau des formes interrogatives particulières

Joual Français standard Que c’est ça, les caisses dans’cuisine ? (T15) Qu’est-ce que c’est, les caisses dans la cuisine ? Que c’est que ça vous rapporte ? (T17) Qu’est-ce que ça vous rapporte ? Que c’est qu’a l’a tant faite41 pour mériter Qu’est-ce qu’elle a tant fait ? ça ? (T22) Que c’est qu’a disait ? (T15) Qu’est-ce qu’elle disait ? Que c’est qui passe donc ? (T31) Qu’est-ce qui se passe donc ?

- l’utilisation de la forme interrogative « c’est que » formait aussi l’ensemble avec d’autres pronoms interrogatifs :

Où c’est qu’y sont allés ? (T27) Où sont-ils allés ?

Quand c’est que vous l’attendez ? (T19) Quand l’attendez-vous ?

Où c’est qu’a l’a fourré c’te radio-là ? (T30) Où a-t-elle fourré cette radio-là ?

Où c’est que vous prenez ces histoires-là ? Où prenez-vous ces histoires-là ? (T50)

Nous avons rencontré également l’emploi de l’interrogation indirecte avec « que c’est » au lieu de « ce que », par exemple Moé, j’savais pas que c’est dire. (T16) au lieu de Moi, je ne savais pas ce que dire. Ensuite, nous avons remarqué l’emploi de la particule –tu qui ne représente pas ici un pronom personnel mais un outil qui sert à transformer une phrase affirmative en interrogative. Il s’agit d’une dérivation de la forme française –ti utilisée dans l’inversion du sujet à la troisième personne du singulier (par exemple Où va-t-il ?). Cette forme appartient plutôt au registre familier.42 Dans notre texte, la particule remplaçait le plus souvent la forme « est-ce que » :

41 L’utilisation de l’auxiliaire « avoir » n’est pas tout à fait respectée. 42 Disponible sur : http://www.entouscas.ca/2012/01/du-tu-interrogatif-en-francais-quebecois-deboulonnage-de- mythe/ (consulté le 11/4/2013).

33

Tableau de l’emploi de la particule -tu

Joual Français standard J’peux-tu y dire de v’nir coller des timbres Est-ce que je peux lui dire de venir coller des avec nous-autres ? (T18) timbres avec nous ? A vient-tu elle itou ? (T21) Est-ce qu’elle vient aussi ?

On peut-tu commencer à coller ? (T26) Est-ce qu’on peut commencer à coller ? Est-tu folle, elle, hein ? (T39) Est-ce qu’elle est folle, hein ?

Nous avons aussi trouvé des cas où la particule –tu avait une fonction plutôt explétive, néanmoins nous pouvons constater qu’elle supporte toujours la question, voilà l’exemple : J’ai-tu l’air de quequ’un qui a déjà gagné quequ’chose ! (T41) au lieu de J’ai l’air de quelqu’un qui a déjà gagné quelque chose !

5.2.4. Les particularités lexicales

Du point de vue du lexique, le texte analysé contient de nombreuses expressions extraordinaires. Outre des archaïsmes-dialectismes, emprunts et calques à l’anglais que nous avons présenté dans la partie théorique, nous avons également trouvé le lexique et locutions proprement québécoises. Dans cet ordre, nous les avons rangés dans un tableau :

Exemples trouvés Français standard + commentaires agacée, en avoir assez, (fam.) ; Chus donc tannée ! (T17) du français moyen : estre tanné = être fatigué L’autre était toute magané (T19) maltraiter, malmener ; du français ARCHAÏSMES- moyen et ancien DIALECTISMES Assisez-vous. (T21) asseoir, du français ancien

Les p’tits s’garrochent après les se précipiter, se jeter sur, (fam.) ; de oiseaux. (T 37) parlers de Vendôme et d’Anjou

34

Aide-moi au lieu d’aller niaiser perdre le temps, traînasser, (fam.) ; (ARCHAÏSMES- (T17) en français classique : s’occuper des DIALECTISMES) niaiseries

Jasez, en attendant, jasez ! (T26) parler, bavarder ; du français classique taquiner, faire enrager ; du français Vous savez ben que j’dis ça rien moyen et ancien (estriver = que vous étriver ! (T51) rivaliser)

pommes de terre, de l’anglais potato, A l’épluchait les pétates (T39) adaptation phonétique et orthographique

Des toasts, du bacon (T23) lard, adaptation phonétique J’leu fais des sandwichs43 (T24) adaptation phonétique

Ça m’aide à garder ma shape. forme, sans adaptation (T46) EMPRUNTS J’vas faire un party de collage de soirée, adaptation phonétique DIRECTS timbres. (T16) A L’ANGLAIS O.K., c’est ça, bye ! (T21) bien, au revoir, adaptation phonétique Après ma journée à shop (T19) magasin, sans adaptation Toute la gang ! (T37) bande, sans adaptation Manon les trouvait ben cute (T37) joli, mignon, bien faite (femme), adaptation phonétique Tu t’es checqué ! (T29) surveillé, de l’anglais to check = vérifier, adaptation morphologique T’es donc smatte ! (T47) de l’anglais smart = malin, futé, adaptation ortohographique Le boss m’a même dit (T18) chef, sans adaptation

43 Nous pouvons rencontrer aussi les expressions comme sandouitche ou sanouiche.

35

Quand elle reçoit ses chums petit ami, adaptation phonétique (T28) (EMPRUNTS Y’a pus moyen d’la décrinquer ! arrêter, de l’anglais to crank = DIRECTS (T25) remonter un mécanisme, adaptation A L’ANGLAIS) orthographique J’ai acheté des pinottes. (T16) de l’anglais peanuts = cacahuètes, adaptation phonétique et orthographique A vient-tu elle itou ? (T21) aussi, de l’anglais me too = moi aussi ; adaptation phonétique et orthographique des vraies belles fancies (T51) élégant, de l’anglais fancy = fantaisie ; adaptation phonétique et orthographique On a toujours eu du fun dans les s’amuser, de l’anglais have fun ; avec parties, avec elle ! (T39) l’adaptation concernant l’article partitif CALQUES C’est le jour de mégasinage! achats, de l’anglais shopping A L’ANGLAIS (T24) Le rouleau de papier de toilette papier hygiénique, de l’anglais toilet (T38) paper Y’gagne même pas soixante dollar, prononciation populaire du mot piasses par semaine ! (T17) piastre C’est pas un fifi, ton Robert ! homme efféminé, homosexuel ; (T18) dépréciatif, abrégement du mot fifille Y’est pas si nono que ça, vous bête, imbécile, niais ; dépréciatif LEXIQUE savez ! (T18) PROPREMENT Tout ça vous coûtera pas une centième partie du dollar QUÉBÉCOIS cenne (T42) La p’tite bougraise (T26) coquine, polissonne

Désâmez-vous pour élever exaspérer qq, se décarcasser ça (T17) On n’est pas icitte rien que pour discuter, parler beaucoup, (fam.) placoter ! (T35) bonyenne interjection, marque de la surprise ; euphémisme de « bon Dieu »

36

C’est pus des farces ! (T18) c’est vrai, sans rire ; farce = blague J’vous en passe un papier ! (T33) assurer, garantir Ton mari se fend le cul en quatre se démancher, se casser pour te payer des fourrures (T48) LOCUTIONS Je mange d’la marde (T21) être dans la misère ; marde = merde PROPREMENT J’ai mon voyage ! (T15) en avoir assez QUÉBÉCOISES Moé, je sors, c’est pas c’est bien simple, ce n’est pas mêlant !(T37) compliqué, (fam.) J’commence à en avoir plein le en avoir assez, (fam.) casque de vous servir ! (T17)

En ce qui concerne les jurons et les vulgarismes, nous n’avons pas trouvé ceux que nous avons énumérés dans la partie théorique. En revanche, nous nous sommes heurtée aux vulgarismes qui se rapportaient aux mots maudit et verrat (= filou, coquin), par exemple maudite verrat de bâtard ! (T17) ; a va être en beau verrat ! (T20) ; la p’tit maudit ! (T28) ; ses verrats de timbres ! (T47). Le français québécois est le résultat du français populaire et des dialectismes régionaux transférés à l’Amérique du Nord. Depuis longtemps, il a été exposé à un influence de l’anglais, néanmoins, il a crée également beaucoup de nouvelles expressions. Voilà pourquoi il représente une variété indépendante de la langue française qui lie et à la fois désunit les Québécois et les Français.

5.3. La Sagouine – de l’auteur et de l’œuvre

Antonine Maillet est née 10 mai 1929 à Bouctouche (Nouveau-Brunswick). En 1970, elle a obtenu un doctorat en littérature de l’Université Laval et y enseignait la littérature et le folklore. Elle travaillait aussi pour la Radio-Canada à Moncton. Elle a écrit plus de douze pièces de théâtre (la première s’appelle Poire-Acre) et une vingtaine de romans. Comme nous avons déjà évoqué dans le chapitre sur l’histoire de l’Acadie, elle célèbre la langue des Acadiens dans son écriture, voilà pourquoi elle est souvent estimée comme « l’âme de la littérature acadien ». La pièce La Sagouine et le roman Pélagie-la-Charrette sont considérées comme ses livres les plus connus. Tous les deux mettent en évidence le retour de la

37 population acadienne en vue de son expulsion violente pendant le Grand Dérangement.44 La Sagouine a fait des vagues d’émotions chez le public québécois car certains ont entendu du français et du peuple acadien pour la première fois. Nous pouvons qualifier cette œuvre de la manifestation de la résistance du peuple acadien et de sa langue qui, malgré la défaveur dans l’histoire du Canada, tentent de porter la fierté de leurs survivants. Le personnage principal et à la fois seul sur la scène est la Sagouine. La pièce est caractéristique par le recours à la pure parole. Une vieille femme de ménage acadienne interprète la classe populaire de l’Acadie et raconte sans intrigue des histoires de son pays dans sa langue maternelle Ŕ le français acadien, qui peut être pour certaines personnes difficile à comprendre. Elle est d’origine humble et sans formation, mais elle sait bien raconter en évoquant ses expériences vécues en cherchant un vrai sens de la vie de l’homme. La Sagouine est moraliste, tout événement est l’impulsion de réflexion pour elle. Et même si elle n’est pas très intelligente, sa parole est marquée par le gros bon sens. Elle s’adresse de temps en temps à son mari Gapi dont nous ne connaissons que ses commentaires indirects rapportés par sa femme. La pièce est divisée en plusieurs chapitres, par exemple Le métier, Les bancs d’église, La jeunesse, Le printemps, La boune ânnée, La loterie, Les cartes, Les prêtres, etc. A travers ses monologues souvent comiques, la Sagouine révèle sa sagesse des nations. Par exemple, dans le chapitre Le métier, elle peint des avantages et des désavantages de sa profession, elle dit par exemple : J’ai peut-être la face nouère, pis la peau craquée, ben j’ai les mains blanches, Monsieur !45 Ou dans le chapitre Nouël, elle évoque ses souvenirs des coutumes au temps de Noël dans son enfance : Et des animaux partout pour boucher les trous : des borbis, des bargers, pis une boune demi-douzaine de Roi-mages qui portiont des présents : de l’or, pis de la cire, pis de l’encens…J’ai jamais compris qu’on pouvait apporter de l’encens à un enfant nouvellement-né pour y faire un présent… ».46 Nous voudrions présenter l’extrait du chapitre appelé La jeunesse :

« Ah ! j’ai été jeune dans ma jeunesse, moi itou, jeune et belle, comme les autres. Ben, c’est ce qui contiont. Et quand c’est que je me mirais dans le miroué – j’avais un miroué à tcheue dans le temps – je me faisais pas zire… Ah ! non, apparence que je faisais pas zire à parsoune de mon temps. Pis le temps finit par passer, et vous autres avec. Mais quand c’est que ça dure, la jeunesse, c’est le meilleur temps. Pour ça oui, le meilleur temps.

44Disponible sur : http://www.thecanadianencyclopedia.com/articles/fr/antonine-maillet (consulté le 25/3/2013).

45 MAILLET, Antonine. La Sagouine. Toronto : Simon & Pierre Publishing, 1979, p. 13. 46 Ibid., p. 33.

38

La jeunesse d’asteur sait pas ça. A’ regimbe, pis a’ renâcle, pis a’ se rebiffe. A’ sait pas ce qu’a’ veut. Nous autres je le savions. Je savions juste exactement ce que je voulions : c’est ben simple, je voulions toute. Je pouvions pas toute aouère, ben j’en voulions le plusse possible. Ah ! j’étions pas du monde à nous contenter de la petite motché. Non-non-non !... Pas une motché de crêpe, ni une motché de cabane, ni une motché d’houme non plus. Non, la jeunesse, c’est point le temps des motchés. C’est le temps des grands idéals, coume le prêtre disait. Ben, j’ai eu les miens, mes idéals.47 »

…comme nous avons pu le voir, la Sagouine utilise sans prétentions les mots colorés et substandard. Nous remarquons sans doute quelques expressions que nous avons déjà vues chez Michel Tremblay, par exemple itou, ben, pis, asteur. Ainsi, il paraît que des pronoms se singulariseront ainsi qu’en français québécois. Beaucoup de traits extraordinaires nous pouvons trouver au niveau phonétique : prononciation anormale du groupe /wa/ (miroué), le soi-disant l’ouïsme (parsoune) ou la palatalisation des certaines consonnes (tcheue). Ensuite nous avons également dû apercevoir des terminaisons irrégulières de la première personne du singulier : je voulions et de la troisième personne du pluriel : ils (qui est omis) contiont. Nous pouvons aussi remarquer l’utilisation du mot apparence au lieu de il apparaît et des expressions qui sont proprement acadiennes. En fait, la Sagouine parle une langue pure de l’Acadie pour prouver l’originalité et l’identité problématique du français acadien. Pour cette raison, ce n’est pas encore le chiac car on y trouve peu d’anglicismes. A travers la langue riche en mots anciens de sonorités diverses, l’auteur veut mettre l’accent sur la frustration, la souffrance mais également sur la vivacité du peuple acadien. « Comme l'auteure le dit elle- même, la reconnaissance de son œuvre est la reconnaissance du peuple auquel elle appartient ». 48 A l’aide d’une certaine esthétisation langagière, Maillet tente de redonner ainsi une image authentique de l’Acadie. Après avoir lu notre extrait, probablement beaucoup de questions surgissent. Nous essayerons donc d’expliquer les traits remarquables qui nous aideront à comprendre le français acadien.

47 Ibid., p. 23. 48 Disponible sur : http://www.thecanadianencyclopedia.com/articles/fr/antonine-maillet (consulté le 25/3/2013).

39

5.4. La Sagouine – analyse

En ce qui concerne des particularités trouvées dans La Sagouine, nous avons cherché l’explication en premier lieu dans le Dictionnaire du français acadien d’Yves Cormier. Quand nous n’avons pas trouvé le mot chez lui, nous avons cherché également dans le Dictionnaire québécois-français de Lionel Meney ou dans Les origines du français québécois de Mougeon et de Beniak.

5.4.1. Les particularités phonétiques

Au niveau phonétique et phonologique, nous nous sommes persuadée que l’ouïsme, c’est-à-dire la réalisation différente des voyelles (/ɔ/ devient /u/), est vraiment un trait acadien fortement fréquenté, comme nous pouvons voir dans nombreux exemples (les écarts sont en caractère gras) : houme pour homme, boune pour bonne, estoumac pour estomac, parsoune pour personne, s’adouner pour s’adonner, grous pour gros, coummission pour commission, recounnaître pour reconnaître, coumencement pour commencement, noumer pour nommer, etc. Nous avons rencontré également d’autres réalisations différentes : foumer pour fumer, chouse pour chose ou ous pour os. Ensuite, nous devons constater, que la prononciation anormale du groupe /wa/ est utilisée en français acadien aussi : nouère pour noir, souère pour soir, miroué pour miroir, étouèle pour étoile, histouère pour histoire. Nous avons trouvé ce phénomène également chez certains verbes : aouère pour avoir, ouère pour voir, voulouère pour vouloir, pouère pour pouvoir, etc. Néanmoins, nous nous sommes heurtée au cas où nous avons pu observer un phénomène inverse de l’ouïsme (/u/ devient /ɔ/) : jornée au lieu de journée, retorner au lieu de retourner, forbir au lieu de fourbir ou forneau au lieu de fourneau. Quant à la palatalisation de certaines consonnes, nous avons rencontré deux changements remaquables : • /k/ → /tʃ/ : quai → tchai, inquiétant → intchetant, quelqu’un → tchequ’un, aucun → autchan, écureuil → étchureau, coquille → cotchille, queue → tcheue, curieux → tchurieux, paquet → patchets.

• /tj/ → /tʃ/ : moitié → motché, pitié → pitché, chrétien → chrétchen, tiendre → tchendre.

40

Parmi des traits phonétiques qui ressemblaient à ceux du français québécois, nous pouvons y ranger la transformation de certaines voyelles. Bien souvent, nous avons trouvé celle où /e/ devient /a/, par exemple différence → diffarence, derniers servis → darniers sarvis, gouvernemant → gouvarnement, opération → oparation, téléphône → taléphône, éléctrique → aléctrique, etc. Concernant d’autres transformations, nous pouvons mentionner pleyer au lieu de ployer, peteau de taléphône au lieu de poteau de téléphône, travorser au lieu de traverser ou borceau au lieu de berceau. Nous avons également rencontré la chute de la consonne /l/ (queques pour quelques) et de la consonne /r/ (leu parenté pour leur parenté, pêcheux pour pêcheur ou toujou’ pour toujours). En ce qui concerne d’autres écarts communs avec le québécois, nous devrions remarquer également la prononciation de la consonne « t » à la fin des mots : icitte, au boute, après toute, deboute ; néanmoins le texte comprend également la prononciation de la consonne « s » à la fin du mot : genses au lieu de gens ou ceuses-là au lieu de ceux-là. L’autre trait remarquable était représenté par l’occurrence particulière du circonflexe (qui sert à ouvrir la voyelle), par exemple ânnée, gâgner ou mênuit. Finalement, nous nous sommes heurtée aux expressions extraordinaires trouvées aussi dans Les Belles-sœurs : pantoute pour pas du tout, astheur pour à cette heure, pis pour puis, ben pour bien et pus pour plus. D’autres exemples que nous avons trouvés étaient : sacordjé pour sacré Dieu, rien de plusse pour rien de plus. Quant à e caduc, nous n’avons trouvé que quelques cas où il était supprimé, ainsi, la présence de la contraction de l’adjectif démonstratif cette était minoritaire.

5.4.2. Les particularités morphologiques

Du point de vue morphologique, nous nous sommes convaincue que le phénomène le plus fréquent est représenté par des particularités des terminaisons de la troisième personne du pluriel et aussi des terminaisons de la première personne du singulier. Néanmoins, notre tableau ne peut recevoir tous les exemples trouvés, voilà pourquoi nous n’en présenterons que quelques-uns :

41

Tableau des terminaisons verbales particulières

Français acadien Français standard Ils pouvont49 ben nous Ils peuvent bien nous trouver. (M13) trouver.

Les prêtres leur avont dit. Les prêtres leur ont dit. (M14) Ils faisiont rien qu’un péché Ils ne faisaient rien qu’un de plusse. (M14) péché de plus. Terminaison – ONT dans la Tandis qu’ils allont à Tandis qu’ils vont à l’église. 3e pers. du pluriel l’église. (M14)

Ils mettont leux tchas de Ils mettent leur tas de gomme gomme dans la place. (M18) dans la place. Ils ouèront pas la Sagouine Ils ne verront pas la Sagouine couchée sus une salle couchée sur une salle d’oparation. (M19) d’opération.

Tous les riches en faisont et Tous les riches en font et ils ils pouvont faire ça. (M20) peuvent faire cela. Je passons notre vie. (M13) Je passe ma vie. J’y allons des fois sus la J’y vais des fois en semaine. semaine. (M14) Terminaison – ONS dans la Je finissons par les Je finis par les recevoir. 1e pers. du singulier receouère. (M13) J’avons jamais de vacances. Je n’ai jamais de vacances. (M15) Nous autres, je le savions50. Nous autres, nous le savions. (M23)

49 Le radical est souvent identique avec celui de la 1e et de la 2e personne du pluriel. 50 Parfois, nous pouvons avoir un sentiment que le pronom je représente le pronom sujet de la première personne du singulier… « Ce je pluriel est attesté chez tous les informateurs sauf deux…Nous pronom sujet est virtuellement absent. On le retrouve, par contre, régulièrement comme pronom objet (elle nous enseignait) » (Mougeon ; Béniak : 1989, p.193).

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Quant aux autres formes verbales, nous avons trouvé des irrégularités à l’indicatif ainsi qu’au subjonctif et au conditionnel :

Tableau des formes verbales particulières

Français acadien Français standard Je sons mal attifée. (M14) Je suis mal habillée. Je pognons51 les amygdales Je prends les amygdales. (M14) Tu ouas pas le tableau. (M15) Tu ne vois pas le tableau. Y en ara jamais une seule qu’ara Il n’y en aura jamais une seule qui Écarts à les mains pus blanches. (M21) aura les mains plus blanches. l‘indicatif Je m’assisais à côté de lui. Je m’asseyais à côté de lui. (M26) C’est l’étention qui comptit. C’est l’intention qui compte. (M36) Je compornions rien (M38) Je ne comprends rien. Je m’en vas vous dire (M39) Je m’en vais vous dire.

Ils voulont pas que nos enfants Ils ne veulent pas que nos enfants s’asseyissent. (M15) s’assoient/asseyent. Sans que tu seyis obligé à rien. Sans que tu ne sois obligé à rien. Écarts au (M17) subjonctif Saye malade riche pis saye Soit malade riche puis soit malade malade pauvre. (M20) pauvre. Faut que ça faise des maniéres Il faut que cela fasse des manières au au monde. (M31) monde. J’arions point haï ça, nous Nous n’aurions point haï cela, nous Écarts au autres itou (M16) autres aussi conditionnel J’arrivions à nous parler tous Nous arriverions à nous parler tous les deux. (M26) les deux. Pis i’rireriont (M40) Puis ils riraient.

51 Le verbe pogner, attesté aussi au Québec, provient du moyen français argotique qui a conservé le nom « pogne » (= main) → pogner = saisir à pleins mains (MENEY : 2003, p. 1330).

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En ce qui concerne des écarts des pronoms, outre l’emploi des formes nous autres et eux autres, nous avons rencontré un cas avec la forme zeux pour le pronom eux : Les goélands zeux-mêmes avont pus jamais crié coume avant (M27). Nous nous sommes également heurtée à la forme anormale du pronom possessif leur : leux maisons ou leux voyages. Ensuite, le texte analysé comprend aussi la forme yelle pour le pronom elle, par exemple : C’était tant mieux pour yelle, qu’elle avait beau…(M30). Quant aux autres écarts des pronoms personnels, nous avons crée le tableau suivant :

Tableau des pronoms particuliers

Français acadien Français standard Y viendra tout le temps Il viendra tout le temps. (M25) I chantait tout le temps la Il chantait tout le temps la Il ou lui → « y » ou « i » même chanson. (M26) même chanson. C’est ça qu’i’ m’a espliqué52. C’est cela qu’il m’a expliqué. (M26) J’y ai dit (M28) Je lui ai dit.

I’ me r’semble que la mer a Il me resemble que la mer a changé. (M27) changé. A’ s’enrôle dans l’âge d’or Elle s’enrôle dans l’âge d’or. (M17) Elle → « a » Pis a’prend le chemin. (M17) Pis elle prend le chemin. A’sait pas ce qu’a veut. Elle ne sait pas ce qu’elle (M23) veut. Des vieux jours de vaches Des vieux jours de vaches, Ils → « i »53 grasses, coume i’contont. comme ils content.

Comme le dernier trait morphologique trouvé, nous voudrions remarquer deux expressions qui sont formées par un morphème suffixal –eux : forbisseux54 (laveur de plancher) et badgeuleux55 (rouspéteur).

52 Nous avons rencontré quelques cas où la consonne /x/ était remplacée par la consonne /s/, par exemple esposition. 53 Ce cas était minoritaire, la forme du français du France « ils » était plus fréquentée.

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5.4.3. Les particularités syntaxiques

Ainsi que dans Les Belles-sœurs, nous avons souvent rencontré une ellipse de ne dans la négation et une ellipse des pronoms personnels dans la position du sujet (comme nous avons pu nous apercevoir dans le tableau sur les formes verbales particulières). De plus, concernant la négation, la particule pas était souvent remplacée par point, prenons pour l’exemple la phrase Il avait point besoin d’aouère peur pour sa robe blanche (M38). Ensuite, l’emploi généralisé de toute pour tout représente un autre phénomène en commun avec le joual, prenons l’exemple de Je voulions toute (M23) ou Je pouvions pas toute aouère (M23). Pendant notre lecture, nous nous sommes parfois heurtée aux constructions prépositionnelles particulières, par exemple J’y allons des fois sus la semaine (M14) au lieu par la semaine, Je gardions sus les autres (M14) au lieu les autres ou Je travaillons parmi les maisons (M15) au sens de nettoyer dans les maisons. Nous avons rencontré aussi l’expression chus, néanmoins pas comme la substitution de la construction verbale je suis, mais comme le substitut de la préposition chez, par exemple chus nous (=chez nous). En fait, nous avons trouvé nombreux écarts concernant la répartition des relatifs :

- utilisation de « c’est que » après « quand », « où » et « pourquoi »:

Français acadien Français standard Quand c’est que Gapi a vu ça (M14) Quand Gapi a vu cela Quand c’est que t’as pas le droit (M15) Quand tu n’as pas le droit Quand c’est que ça dure, la jeunesse (M23) Quand cela dure, la jeunesse Quand c’est que tu coumences à vieillzir56 Quand tu commence à vieillir (M28) Un manteau où c’est qu’ils avont louté57 les Un manteau où ils ont ôté les boutons. boutons. (M14) Leux places de bois franc où c’est que tu Leurs places de bois franc où tu t’agenouilles t’agenouilles dessus (M18) dessus

54 Dérivé du verbe français fourbir. 55 Dérivé du verbe badgeuler (ou badjeuler)= bavarder, discuter ou rouspéter, qui est relevé du mot français gueule. 56 La prononciation est marquée par l’affrication de /l/ devant /i/. 57 Le verbe louter pourrait provenir de l’agglutination du l’ dans la séquence l’outer, il s’agit d’une variante du verbe ôter qui était relevée chez les parlers du Nord-Ouest, de l’Ouest et du Centre de France (Cormier: 1999, p. 262).

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Il vient un temps où c’est qu’une parsoune a Il vient un temps où une personne n’a plus pus rien que ses ous. (M20) rien que ses os. Pourquoi c’est que t’apportes pas ta Pourquoi tu n’apportes pas ton balai ? moppe ? (M28)

- utilisation de « quoi c’est que » au lieu de la forme interrogative directe « qu’est-ce que » ou au lieu de la forme indirecte « ce que » :

Français acadien Français standard Quoi c’est qu’ils faisiont entre les Qu’est-ce qu’ils faisaient entre les chemins ? (M25) chemins ? Quoi c’est que tu vas faire à la ville ? Qu’est-ce que tu vas faire à la ville ? (M28) C’est malaisé de saouère quoi c’est dire. C’est malaisé de savoir ce que dire. (M15)

Finalement, nous avons remarqué des cas où l’utilisation de certaines transitions n’est pas tout à fait courante, par exemple coume d’accoutume au lieu de comme d’habitude, apparence au lieu de il paraît ou asseurement au lieu de même.

5.4.4. Les particularités lexicales

Nous pouvons constater que le lexique dans La Sagouine était très riche ainsi que celui dans Les Belles-sœurs. Nous avons même rencontré beaucoup d’expressions attestées au Québec. Le plus grand groupe des termes trouvés est représenté par des archaïsmes- dialectismes. A part cela, nous avons aussi trouvé des anglicismes et du lexique proprement acadien (québécois) :

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Exemples trouvés Français standard + commentaires donner ; on dit aussi bayer, héritage Ils te bailleront ta paye. (M21) des parlers du Nord-Ouest, du Centre et de l’Est de France Ils pouvonst ben nous trouver mal vêtu ; on dit aussi déguenilloux, guénilloux. (M13) attesté également au Québec,

ARCHAÏSMES- héritage des parlers de France DIALECTISMES Le monde met ses pus belles vêtements : attesté aussi au Québec, hardes. (M14) considéré comme vieux en français standard

bosseler ; du français moyen Il coumence à cobir (M14)

(cobbir)

J’avons pas de quoi gréyer pour s’habiller ; on dit aussi gréer, attesté

une église de dimanche. (M14) également au Québec

cornemuse : on dit aussi vèze ou

Soldar en jupe carottée qui joue vèse, attesté également au Québec,

de la veuze. (M17) héritage des parlers du Nord-Ouest,

du Centre et de l’Est de France

bouche ; on dit aussi gueule Tu te farmeras la goule (M15) (connotation nég.), héritage des parlers du Nord-Ouest, du Centre et de l’Est de France content, heureux, magnifique ; Ça ferait bénaise (M17) héritage des parlers franco- provençaux En plein mitan de la place (M18) centre, milieu ; provient du dialecte en Bourgogne et en Franche-comté

T’envales (= tu avales) la fumée ; attesté aussi au Québec, boucane de tout le monde (M19) héritage des parlers de France (fumer de la viande)

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nuque, partie postérieure du cou ; La tête fendu jusqu’au cagouette relevé dans l’Ouest de France sous (M19) les formes chagouet, gagouet, cacouet) (ARCHAÏSMES- Traîne tes galoches, ton bréyant torchon, guenille ; on dit aussi DIALECTISMES) pis ton siau (=seau) (M20) (relevé en Anjou au sens d’instrument qui broie le chanvre)

Tu gratteras la gomme avec une lame de couteau ; attesté aussi eu allumelle (M21) Québec, du moyen français

Il avait ragorné une petite affaire cueillir, ramasser ; héritage des d’anglais (M26) parlers de France de l’Est (relevé de la forme raguerner) Ils avont les yeux rouverts sourcils ; d’origine dialectale (Nord- jusqu’aux usses (M28) Ouest, Ouest et Centre de France)

gros tonneau de bois ou de fer ; on Les jambes enflées coume des dit aussi ponchon ; héritage des pontchines (M30) parlers dans la Normandie (d’abord sous la forme poinçon)

J’avions acoutume de varger sur donner des coups, forcer ; attesté les enfants pour les envoyer se aussi qu Québec, forme dialectale (la coucher (M37) « verge » était une baguette avec laquelle on corrigeait les enfants

Une vraie crise de courte-haleine asthme ; héritage des parlers d’Anjou (M37) confiance ; les Canadiens aussi dit : I’met point sa fiance dans le il n’y a pas de fiat ; héritage des monde (M40) parlers du Nord-Ouest et du Centre de France

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de l’anglais buckwheat=sarrasin ; on dit

aussi bocouite ou buckouite ; adaptation Une crêpe de boqouite (M14) phonétique et orthographique

Ça sent le mucs (=musc) et la dentifrice ; adaptation orthographique EMPRUNTS dentifreeze (M19) DIRECTS de l’anglais mop = toile à laver ; Tu forniras ta moppe (M20) A L’ANGLAIS adaptation phonétique et orthographique

Y viendra tout le temps des bateau à vapeur ; adaptation phonétique

goélettes et des steamers (M25)

Il fallit (= faillit) pas quitter les de l’anglais loose = libre, lâche ;

méchants lousses et nuire au adaptation orthographique ; attesté aussi

monde (M25) au Québec

dévergondage ; peut être de l’anglais to Elle avait la farlaquerie pis la frolic=to make merry (ou du mot français fripounerie (= dérivé du mot fripon) (M29) forligner=fauter)

Des borbis (= brebis), des de l’anglais camel = chameau ;, camulles (M33) adaptation phonétique et orthographique

Les donuts (M34) les beignets ; adaptation phonétique

de l’anglais peanuts = cacahuètes, Les enfants qui s’achetiont des pinottes (M34) adaptation phonétique et orthographique, attesté aussi au Québec Des chars aléctriques de l’anglais car = voiture, adaptation (= électrique) (M34) phonétique et orthographique de l’anglais to crank = remonter un Je crinquions (M37) mécanisme ou le morale, adaptation orthographique

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le choix ; calque sémantique ; attesté aussi Ils aviont un stock de bebelles et CALQUES de butin (M34) au Québec A L’ANGLAIS disque ; calque sémantique ; attesté aussi Je sortions les récords (M37) au Québec

J’avons pas de quoi gréyer pour s’habiller, on dit aussi gréer, attesté une église de dimanche. (M14) également au Québec

LEXIQUE Je pognons les auripiaux. (M14) oreillons ACADIEN Une orange d’enfarmée dans le gorge, gosier ; on dit aussi gargoton, gorgoton. (M17) attesté également au Québec A mettre ses tchas (=tas) de gomme dans sa spitoune (M18) crachoir Les docteurs appelont ça des équivalent ; on dit également équipelent, artrisses ou l’équipolent (M20) attesté aussi au Québec Tu t’attoques sus un peteau de s’appuyer taléphône (M24) A pas eu le temps de s’aouindre sortir de la baie (M25) Il doit en aouère l’estoumac plein (= estomac) paouaisé (M28) T’as beau te désâmer à mâcher s’épuiser ; du lexique québécois tes trois tchas d’encens (M28) Tu happes la bus58 (M28) attraper Ça pas d’allément, ce monde-là et jugement pas autchun respect (M30) Y’a des docteurs qui mettont au monde jusqu’à deux paires de jumeaux ; attesté aussi au Québec bessons par nuit (M31)

58 Ainsi qu’en joual, le genre de l’article peut être différent qu’en français de France.

50

Des cloches, des étouèles, des jouets (terme enfantin) ; attesté aussi au bebelles (M33) Québec

Ragorner des bebelles de porte en (LEXIQUE réparer ; attesté aussi au Québec porte pis à les ramancher (M36) ACADIEN) Barrer ses portes (M36) fermer à clef ; attesté aussi au Québec

Une belle couvarte de soie bleue couverture, attesté aussi au Québec (M38)

Netteyer (=nettoyer) la place, et grenier déniger (=dénicher) un borceau dans le gornier (M39)

J’arions toute de paré, ben paré prêt ; attesté aussi au Québec (M39)

être particulièrement beau (= ne pas faire LOCUTIONS Je me faisais pas zire (M23) zire) ; provoquer le dégoût (= faire zire) ACADIENNES

Nous avons pu observer la parenté entre certains écarts du langage dans La Sagouine et celui dans Les Belles sœurs. Néanmoins, les traits singuliers sont représentés par l’ouïsme, la palatalisation des consonnes ou des terminaisons verbales particulières. La structure du lexique est marquée non seulement par le français archaïque et par l’influence de l’anglais, mais encore par la pénétration abondante des québécismes.

51

CONCLUSION

Les chapitres présentés dans notre mémoire de licence avaient le même but : d’obtenir l’image complète de l’évolution du français au Canada et de présenter et d’analyser les particularités de ses deux dialectes : du joual et du français acadien. Nous les avons appuyées sur les travaux linguistiques ainsi que sur les deux œuvres canadiennes qui nous ont servi d’exemples explicites du joual : Les Belles sœurs de Michel Tremblay, ainsi que celui du français acadien : La Sagouine d’Antonine Maillet. L’évolution de la situation langagière au Canada était causée non seulement par le « choc de patois » des premiers colons de la Nouvelle France venus des différentes régions françaises, mais encore par des luttes perpétuelles entre la France et l’Angleterre, avide de territoire au Nouveau Monde aussi. La première colonie anglaise, la Nouvelle-Écosse, a remplacé l’Acadie française, dont ses habitants francophones étaient violemment expatriés de leur pays. Lorsque le Traité de Paris en 1763 a décidé de la domination anglaise en Amérique du Nord, la langue française est peu à peu devenue indésirable et son utilisation était limitée, par l’Acte de Québec, seulement dans la Province of Québec. L’infériorité du français s’est terminée au début du XIXe siècle grâce à l’adoption de la Loi Lavergne. Ainsi, la langue française a regagné le statut social dans la vie culturelle canadienne. En ce qui concerne les Acadiens, leur destinée était un peu différente que celle des Québécois. Par rapport à la déportation dans les années 1755-1763 (le Grand Dérangement), ils étaient transportés vers des colonies anglophones, certains se sont réfugiés au Québec ou dans d’autres coins de l’Amérique du Nord. Malgré des années de leur persécution, l’identité et la langue acadiennes ont survécu ce que prouve la littérature acadienne du XXe siècle dont la place la plus importante est occupée par Antonine Maillet, qui chante la singularité de la langue acadienne et du peuple acadien dispersé. Le souffle de la liberté de la population québécoise et des désordres éclatés en Algérie, au Cuba ou aux Etats-Unis ont fait naître la Révolution tranquille qui représentait un processus de l’augmentation graduelle de l’autonomie de la société francophone au Québec impliquant l’amélioration du système éducatif et surtout de la situation linguistique lamentable du français. En 1977, la Loi 101 a été adoptée pour défendre l’unicité québécoise de l’influence de l’anglais car elle a établi la langue française comme une seule officielle du Québec. Une telle vague de la francisation intense a eu pour conséquence l’approfondissement du désaccord avec la population anglophone. En fait, avec telle

52 croissance socioculturelle, la mentalité des Québécois changeait car ils sont devenus des citoyens de la nation québécoise autonome. Pendant ce temps-là, les Francophones d’élite commençaient à critiquer la mauvaise qualité du joual, la variante du français canadien qui s’est répandue grâce à l’arrivée des villageois francophones dans les villes. A cause de l’utilisation des archaïsmes, des anglicismes et de nombreux écarts phonétiques, grammaticaux et lexicaux, le joual avait d’un côté ses opposants qui le dédaignaient mais de l’autre, il avait ses défenseurs qui le considéraient comme le symbole qui devrait cimenter des Québécois. Grâce à ces défenseurs, dont un d’eux était Michel Tremblay, le joual douteux s’est peu à peu transformé en français québécois standard et le terme canadianisme était remplacé par les termes québécisme et acadianisme qui ont pris en considération une existence de deux variantes différentes du français au Canada. De plus, nous en sommes venue à croire que toutes les deux représentent les variétés uniques et fonctionnelles de français, voilà pourquoi nous pouvons les mettre sur la même ligne que le français de France. Selon des linguistes, le français québécois ainsi que le français acadien proviennent du français mésolectal parlé dans l’Ouest et le Nord-Ouest de la France d’oïl. Pour cette raison, ils contiennent des dialectismes et des archaïsmes du français de France qui se sont maintenus au niveau phonétique, morphologique, lexical et même syntaxique. De nombreux anglicismes font aussi une partie intégrante des parlers québécois et acadiens car le français canadien était longtemps noyé dans la langue anglaise et son influence dure même jusqu’à aujourd’hui. A cause de la même origine, nous pouvons noter non seulement des caractères semblables mais encore beaucoup de traits divergents en conséquence de la séparation de ces deux communautés langagières causée par le Grand Dérangement. Ces connaissances théoriques nous ont permis la mise en œuvre l’analyse du corpus de nos œuvres, choisies par rapport à la stylisation littéraire de la langue montrant l’identité problématique des Francophones au Canada : Les Belles sœurs de Michel Tremblay qui considérait parler joual comme l’action purificatrice du peuple québécois dans les années révolutionnaires et La Sagouine d’Antonine Maillet qui voulait ainsi redonner une image authentique du peuple acadien dispersé. Après avoir fait la connaissance de l’auteur et de l’œuvre, nous avons cité l’extrait pour illustrer la langue utilisée. En comparaison du français de France, tous les deux corpus étudiés ont contenu beaucoup de cas de la prononciation différente : des voyelles et des consonnes transformées, la prononciation de « t » à la fin du mot (deboute), la prononciation anormale du groupe /wa/, la chute de certaines consonnes (queques), ou les expressions déformées comme pantoute,

53 astheur, pis ou sacordjé. De plus, dans La Sagouine, nous avons trouvé beaucoup de cas de l’ouïsme (parsoune) et de la palatalisation des consonnes (tchequ’un). Au niveau morphologique, nous avons rencontré de nombreux cas de l’utilisation des pronoms et des formes verbales particulières dans tous les deux textes étudiés. Quant aux écarts syntaxiques, ils concernaient l’ellipse des pronoms personnels dans la position du sujet, l’emploi généralisé de « toute » et les formes interrogatives distinctives. De surcroît, nous avons remarqué l’utilisation de la particule interrogative « tu » au lieu « est-ce que » dans Les Belles-sœurs tandis que le langage dans La Sagouine prouvait des constructions prépositionnelles et certaines transitions anormales. Concernant les particularités lexicales, outre des archaïsmes- dialectismes provenant des régions nord-ouest de France et des empruntes et des calques à l’anglais, Les Belles sœurs ainsi que La Sagouine comprenaient le lexique ou les locutions propres et même souvent semblables. Voilà pourquoi, ils représentent les variétés uniques de la langue française. Pour conclure, nous espérons que nous avons bien expliqué au lecteur l’évolution du français en Amérique du Nord ainsi que le fonctionnement de ses deux variantes. Peu de linguistes se sont adonnés à leur confrontation, voilà pourquoi nous avons essayé de les comparer sur le corpus de ses vulgarisateurs convaincus pour prouver l’hétérogénéité de la langue française.

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BIBLIOGRAPHIE

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55

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Trésor de la langue française du Québec, http://www.tlfq.ulaval.ca/ (consulté le 9/3/2013).

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Annexes

Annexe n°1: Les Belles-sœurs

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Annexe n°2 : La Sagouine

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