Yod, 19 | 2014, « Aharon Appelfeld, Cinquante Ans D'écriture » [En Ligne], Mis En Ligne Le 12 Avril 2014, Consulté Le 08 Juillet 2021
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Yod Revue des études hébraïques et juives 19 | 2014 Aharon Appelfeld, cinquante ans d'écriture Masha Itzhaki (dir.) Édition électronique URL : https://journals.openedition.org/yod/1942 DOI : 10.4000/yod.1942 ISSN : 2261-0200 Éditeur INALCO Édition imprimée Date de publication : 30 mai 2014 ISBN : 978-2-85831-214-6 ISSN : 0338-9316 Référence électronique Masha Itzhaki (dir.), Yod, 19 | 2014, « Aharon Appelfeld, cinquante ans d'écriture » [En ligne], mis en ligne le 12 avril 2014, consulté le 08 juillet 2021. URL : https://journals.openedition.org/yod/1942 ; DOI : https://doi.org/10.4000/yod.1942 Ce document a été généré automatiquement le 8 juillet 2021. Yod est mis à disposition selon les termes de la Licence Creative Commons Attribution - Pas d’Utilisation Commerciale 4.0 International. 1 En 2012, le célèbre auteur israélien Aharon Appelfeld a fêté son quatre-vingtième anniversaire et cinquante ans d’écriture : son premier recueil de nouvelles ‘Ashan (« Fumée ») a paru en 1962. Pour lui rendre hommage, un colloque international a été organisé à Paris par l’INALCO, en collaboration avec le Mémorial de la Shoah, l’Université Ben Gourion et celle de Tel-Aviv. Ce numéro de Yod est le fruit de cette manifestation prestigieuse avec quinze articles consacrés à une œuvre littéraire unique. Yod, 19 | 2014 2 SOMMAIRE Éditorial Avant-propos Masha Itzhaki Autour de la narration de soi Les secrets de la mémoire et l’art de la transmission L’histoire et l’histoire de l’histoire Masha Itzhaki « Des grands malheurs, on peut parler en murmurant » : l’esthétique de la réticence dans Histoire d’une vie d’Aharon Appelfeld Anne Prouteau Histoire d’une vie, Histoire de silences : une poétique de la mémoire Danièle Sabbah De l’écriture comme vêtement Myriam Ruszniewski Dahan Littérature et génocide : l’écriture testimoniale des enfants Frosa Pejoska-Bouchereau L’art poétique d’Appelfeld Le’at (Slowly): The Orchestration of a Motif in Appelfeld’s Fiction Yigal Schwartz Aharon Appelfeld et Philip Roth : le réel, l’imaginaire, le double et le fantastique Orly Toren Disability as Metaphor in Two Novellas of Aharon Appelfeld Yitzhak Ben-Mordechai A Journey to Poland – A Return to the Self in Poland, a Green Country by Aharon Appelfeld Shoshana Ronen Language and Silences in two of Aharon Appelfeld’s Coming-of-age Tales Tamar S. Drukker L’immortel Bartfuss, un récit lazaréen ? Marie-Christine Pavis From Excess to Origin: Traversing Time Zones as an Act of Redemption in The Man who Never Stopped Sleeping by Aharon Appelfeld Rina Dudai Yod, 19 | 2014 3 La symbolique des langues de la nature dans les nouvelles d’Aharon Appelfeld Michèle Tauber L’œuvre d’Appelfeld dans son contexte israélien Aharon Appelfeld et quelques contemporains Helena Shillony Les rescapés de la Shoah en Israël dans l’œuvre d’Aharon Appelfeld Lily Perlemuter Yod, 19 | 2014 4 Éditorial Yod, 19 | 2014 5 Avant-propos Masha Itzhaki 1 En 2012, le célèbre auteur israélien Aharon Appelfeld a fêté son quatre-vingtième anniversaire et cinquante ans d’écriture : son premier recueil de nouvelles ‘Ashan (« Fumée ») a paru en 1962. Pour lui rendre hommage, un colloque international a été organisé à Paris par l’INALCO, en collaboration avec le Mémorial de la Shoah, l’Université Ben Gourion et celle de Tel-Aviv. Ce numéro de Yod est le fruit de cette manifestation prestigieuse avec quinze articles consacrés à une œuvre littéraire unique et il est divisé en trois parties. 2 La première porte sur l’une des questions majeures relatives à l’écriture appelfedienne, les liens entre la narration de soi, l’autofiction et l’autobiographie. « Tous mes livres sont bien, en effet, des chapitres de mon vécu le plus intime ; pour autant ils ne sont pas l’histoire de ma vie », dit-il dans un entretien avec Philippe Roth1 et son ouvrage le plus autobiographique, du moins en apparence, est intitulé Histoire d’une vie et non pas de ma vie. Anne Prouteau, Danièle Sabbah et Myriam Ruszniewski-Dahan étudient la question, chacune sous un angle différent, tandis que Frosa Pejoska-Bouchereau traite du témoignage des enfants. 3 La deuxième partie, intitulée « L’art poétique d’Appelfeld », constitue un ensemble d’études analytiques et stylistiques d’œuvres choisies. Yigal Schwartz étudie pour la première fois le sens même de l’expression « prose lyrique » si souvent utilisée à propos de la narration d’Appelfeld, en mettant en évidence une organisation rythmique qui crée la musicalité lyrique de son style. Yitzhak Ben-Mordechai consacre son texte au sens symbolique de l’invalidité dans plusieurs romans ; une nouvelle lecture de L’immortel Bartfuss comme récit lazaréen est proposée par Marie-Christine Pavis ; Orly Toren compare Le Temps des prodiges d’Appelfeld et Opération Shylock de Philip Roth ; Rina Dudai propose une nouvelle lecture du roman Le garçon qui voulait dormir tandis que Shoshana Ronen présente Pologne, terre verte comme un récit de repentance ; Michèle Tauber traite des symboles de la nature dans les premières nouvelles d’Appelfeld et Tamar Drucker compare deux récits de jeunesse, « Kitty » et La chambre de Mariana. 4 Enfin, les deux derniers articles placent l’œuvre d’Appelfeld dans son contexte israélien : Helena Shillony examine la place de l’écrivain parmi ses contemporains et Yod, 19 | 2014 6 Lily Perlemuter décrit le protagoniste rescapé dans l’ensemble de la narration d’Appelfeld. 5 Certes, de nombreux travaux de recherche sur l’écriture d’Appelfeld ont paru, essentiellement en Israël, depuis la tenue de ce colloque. Cependant, il nous semble que la spécificité de ce recueil d’études réside dans son caractère international et plus encore, européen. Le fait que la plupart des auteurs soient européens et pas nécessairement hébraïsants contribue à mettre en évidence la nature universelle de l’œuvre d’Appelfeld et son importance pour un lectorat en dehors d’Israël. NOTES 1. Aharon Appelfeld, Parlons travail, entretien avec Philippe Roth, Paris, Gallimard, 2004. Yod, 19 | 2014 7 Autour de la narration de soi Yod, 19 | 2014 8 Les secrets de la mémoire et l’art de la transmission L’histoire et l’histoire de l’histoire Secrets of Memory and Art of Transmission על סודות הזיכרון ואמנות המסירה Masha Itzhaki מחבואים בחצר אחורית בעולם שחקנו , הוא ואני כסיתי עיני , התחבא אחת,שתיים , שלוש, לא מלפני , לא מאחורי, לא בתוכי. מאז אני מחפש כל כך הרבה שנים. אז מה אם אני לא מוצא אותך. צא כבר , צא, אתה רואה שנכנעתי. Le jeu de cache-cache Dans l’arrière-cour du monde On jouait, lui et moi, Je fermais les yeux, il se cachait : Un, deux, trois, Pas devant moi, pas derrière, Pas en moi. Depuis, je cherche Depuis tant et tant d’années. Et si je ne te trouve pas… Sors, allez sors, Tu vois, je me rends1. Yod, 19 | 2014 9 Les secrets de la mémoire 1 Le sous-titre de cet article, « L’histoire et l’histoire de l’histoire », exprime d’une certaine façon la double trame qui constitue l’ensemble de la narration d’Aharon Appelfeld, celle qui englobe une mémoire, personnelle et collective à la fois, et celle qui cherche perpétuellement la meilleure façon de la transmettre. Le quoi et le comment, l’histoire et l’histoire de l’histoire. 2 Dans son ouvrage le plus autobiographique, Histoire d’une vie2, Appelfeld évoque la nature floue de la mémoire humaine. En fait, l’auteur lui-même, dans son préambule, considère son ouvrage comme l’histoire conflictuelle de sa propre mémoire à travers laquelle on pourrait dessiner les étapes principales d’un processus psychologique caractéristique des survivants de la Shoah et en particulier de ceux parmi eux qui effectuent un travail de transmission. Tout d’abord, l’oubli du pire par la création de « trous noirs », résultat direct d’un refoulement, acte inconscient de défense par lequel le moi rejette des épisodes douloureux de son passé afin de reprendre la vie, une étape ,le sommeil de l’oubli3. Puis, des accès soudains , תמדרת חכשה que l’auteur dénomme provoqués inconsciemment pour des raisons indéterminées, à des souvenirs occasionnels qui se bloquent de nouveau par la suite ; cela constitue une lutte à laquelle participent toutes les composantes de l’âme. Enfin, la quête du sens et de la cohérence dans une tentative de relier ces fragments isolés de la mémoire selon telle ou telle logique pour rendre la transmission possible4. 3 Pour surmonter le mutisme et trouver le chemin vers une écriture qui ne soit pas falsificatrice et parvienne malgré tout à exprimer l’inconcevable et le silence, il fallait accomplir un long parcours, déchiffrer les secrets de la mémoire de l’enfance et les traduire en un mode d’emploi qui garde l’essentiel en évitant le compulsif. Et tout cela, dans une langue nouvelle, acquise, l’hébreu. 4 À plusieurs reprises, Appelfeld soutient que le seul véhicule de la mémoire capable d’empêcher la falsification est de caractère corporel et non pas intellectuel. Noms, dates et lieux pourraient facilement tomber dans l’oubli, pourtant c’est le corps qui se souvient du passé à travers une sensation de froid, la pluie, une odeur, une voix. Survivre à la guerre est, avant tout, de nature physique : cela se traduit par une quête de pain, d’eau, d’un abri pour les nuits glaciales, d’un peu de chaleur. Ce ne sont donc pas les mots qui restent gravés dans la mémoire, mais les sensations. Ainsi, c’est à travers les fragments où les déclencheurs physiques mènent aux souvenirs de sensations que le point de vue de l’enfant se forme. L’auteur adulte avoue avoir emmagasiné uniquement la mémoire de l’enfance, celle qui ignore les détails de nature historique pour conserver seulement des images ponctuelles, des sentiments forts, mais non verbalisés, typiques plutôt du dynamisme obscur qui constitue les rêves.