L'HISTOIRE DE BOUSSAC

PREFACE

« Connaissez-vous Boussac ? » C'est la question que je posais, il y aura bientôt 50 ans, à des employés de la gare de Carcenac-Peyralès qui, très mal informés, ne me firent qu'une réponse très évasive sur la direction à prendre. Jeune instituteur, je me proposais de demander ce poste pour m'y installer au moins provisoirement avec celle qui devait devenir mon épouse. A bicyclette, je parcourus les 7 kilomètres de route, désagréablement semée de fondrières sur la dernière partie du trajet. Et, à mi-côte d'un vallon commandant la vallée du Lézert, je découvris le village, sa vieille église et son école dominant un magnifique paysage. A mon insu, Boussac s'était déjà emparé de moi. Revenus nous installer quelques mois plus tard, nous ne savions pas que cette prise de possession devait être définitive, mais elle devait être annoncée à notre jeune ménage par une vénérable personne du village qui nous dit à peu près : « Ceux qui viennent ici, ils y restent... » : Emprise d'une nature vigoureuse et saine, emprise d'une population généreuse qui a enfoncé ses racines dans ce terroir en y puisant des traditions séculaires conservées avec intelli- gence et avec foi. Ma question de 1924, je la répète aujourd'hui en 1972 : « Connaissez-vous Boussac ?... » Monsieur Garric, curé de la paroisse, a voulu répondre à cette question qu'il pose lui aussi, car on aime mieux ce que l'on connaît bien. Grâce à un labeur persévérant, fouillant les archives fami- liales, paroissiales, communales, départementales, il a levé le voile sur le passé. Il nous apprend sans fard mais avec réalisme, références documentaires à l'appui, ce que fut ce territoire habité dès les premiers siècles et sans doute très anciennement dans la pré- histoire. Après 3 années de recherches, des nombreux documents consultés, parfois des grimoires difficiles à déchiffrer, il a extrait l'essentiel de cette lente construction qui a abouti, il y aura bientôt 100 ans, à une entité communale modeste, fortement structurée et glorieuse de son passé. Il faut lire ces pages avec la préoccupation d'y découvrir l'effort patient et prolongé des générations qui se sont succédées; on y trouvera la détermination résolue d'hommes de bonne volonté qui, dans les vicissitudes et les joies, avec leurs qualités et leurs faiblesses mais toujours à la lumière de l' « Esprit », ont voulu transmettre à leurs fils le flambeau reçu de leurs pères. Après nous être penchés sur ce long passé, ne trouverons- nous pas dans ces pages, malgré les remous du monde actuel, une confiance inébranlable dans l'avenir de ce beau pays qui ne peut pas mourir tant que les hommes le voudront ? Boussac, le 11 novembre 1972. Paul BOSCUS, maire de Boussac, conseiller général de l' BOUSSAC, LIEU DE TOURISME

Boussac, minuscule village du Ségala, étalé à mi-pente d'une petite colline qui s'abaisse jusqu'au ruisseau du Lézert, est pourtant chef-lieu de commune et de paroisse, dans une région fortement accidentée. Il n'aurait rien d'original sans sa merveilleuse église. On peut y accéder par quatre routes goudronnées. L'une vient de Gramond, les trois autres de la nationale 111, à partir soit de la tournée de Membre, soit de celle de Courbenac, soit surtout de celle dite « tournée de Vors » où une plaque signale le site et l'église de Boussac. Le touriste allant de vers la rencontre à 1,500 km de Baraqueville, sur sa gauche. Boussac est à 5 km de là.

Vieille légende Une petite halte avant la descente rapide sur le village, au lieu dit « la Croix de pierre », permettra de jouir d'un vaste panorama, par temps clair. Tout près, vers le sud, on aperçoit le village du Fraysse qui, à la Révo- lution, perdit son Seigneur dont le château n'a même pas laissé de ruines. C'est ici, à cette croix, que faillit être construite l'église de Boussac, si on en croit la légende. Car Boussac, comme tout village qui se respecte, possède sa légende, que voici : « Il y avait aux Cayrelets (au sud de Boussac) sur le dernier mamelon qui surplombe le Lézert une église primitive, peut-être un ermitage. On voit en ce lieu des fondements de bâtiments très anciens, en fouillant la terre. Ce sont peut-être les restes de la chapelle dont parlent les Anciens que le poids des ans avait précipitée dans le gouffre et qui fut remplacée par une église bâtie à Boussac, comme lieu plus agréable et plus commode que les Cayrelets. Cet ermitage possédait une cloche en vénération dans la contrée. Lorsque la chapelle s'écroula, la cloche roula dans le gouffre dit « le gouffre noir ». Le vulgaire superstitieux croit entendre encore le son argentin de la cloche aux nuits de Noël et de la Saint-Jean d'été. Lorsqu'on voulut rebâtir l'église, on songea à un lieu élevé, d'où on découvre un vaste horizon, appelé « la croix de pierre ». On dit qu'une main invisible détruisait toutes les nuits l'ouvrage des maçons et qu'on ne put jamais y faire rester les reliques qui s'en revenaient à Boussac. Alors, voyant que Boussac était le lieu où voulaient être honorés les saints, on s'empressa d'y bâtir l'église. Dans les bons vieux temps, on attribuait facilement aux esprits les choses les plus naturelles » (1) C'est ce qu'a écrit l'abbé Picard, curé de Boussac en 1850. Mais cette légende est encore bien vivace à Boussac. Si elle a quelque fonds historique, elle est peut-être l'écho de quelque rivalité entre le Seigneur de Boussac et celui du Fraysse, lors de la construction de l'église. Quant aux Cayrelets, d'accès difficile au sud de Boussac, personne ne les visite. Le mamelon en question est isolé par une tranchée qui semble bien artificielle. Les broussailles et les bruyères ont tout recouvert. On n'y a jamais fait de fouilles. Les ruines de ce qui fut peut-être le berceau de Boussac restent à découvrir. Avis aux amateurs.

Une forteresse massive On aperçoit en bas le clocher trapu de l'église « où les saints veulent être honorés ». Il nous faut donc descendre à cette église fortifiée, de style roman influencé par le gothique. La plupart des spécialistes la font remonter au XIV siècle. « Néanmoins, son allure romane devrait permettre de lui attri- buer une origine antérieure, peut-être du XII siècle... Ces forti- fications furent certainement retouchées au XV siècle » (2)

(1) Picard, p. 7, 13 et 25. (2) R. Noël, T. I, p. 165. « La plupart des églises fortes, élevées d'un seul jet et avec dispositif militaire permanent, appartiennent à la période qui va du XII siècle au XIV La plupart sont groupées dans le Midi » (3). Mais laissons les érudits discuter et suivons les peintres et les photographes. Ils se placent généralement dans l'allée qui traverse le gracieux enclos, cet ancien cimetière classé « site pittoresque » avec son portail typique et sa vieille croix de pierre, naïvement sculptée et mal conservée. Levons les yeux et admirons. Voici comment la voit un écrivain : « C'est une importante église-forteresse, masse romane, courte, haute, où les cinq pans de l'abside... n'ont d'autre lucarne qu'un œil de bœuf tout rond, au-dessus des croix du petit cimetière. Au sommet des murs, un chemin de ronde à créneaux bien couverts et un clocher-tour de toute la largeur de la croisée, servant de donjon et de poste de guet » (4) L'ensemble des fortifications est bien conservé, sauf sur un pan du côté du presbytère. C'est un encorbellement harmonieux avec créneaux, meurtrières, machi- coulis, le tout supporté par de robustes corbeaux. Le clocher rectangulaire est agrémenté de 24 fenêtres romanes. Un mâchi- coulis dont il ne reste que les corbeaux défendait le portail de l'église qui ne possédait pas le porche actuel; un autre protégeait l'œil de bœuf à l'ouest du côté de la route. La sacristie actuelle, d'un si malheureux effet, n'existait pas, pas plus que la porte extérieure du clocher où on accédait de l'intérieur à l'église. On était en sûreté dans l'église quand on avait barricadé de l'intérieur le portail en faisant glisser contre lui la grosse poutre enfoncée dans la logette que l'on voit derrière le battant de gauche. Pour communiquer avec les défenseurs des étages supé- rieurs, on avait le téléphone de l'époque : dans le chœur, au plafond du placard de gauche, on voit le départ du tuyau acoustique qui aboutissait à la voûte. Pour terminer la visite du système de défense, grimpons l'escalier à vis qui conduit au chemin de ronde, aux salles et au clocher. Une déception nous attend : les salles superposées ont perdu leurs planchers et une partie des poutres, le chemin de ronde est incomplet et d'accès dangereux. Mais, avec un

(3) R. Rey. (4) Gazave, p. 178. peu d' imagination, on peut se représenter les paysans-guerriers de Boussac, sous la direction de leur Seigneur, faisant le guet au donjon ou versant du plomb fondu et de l'huile bouillante sur les assaillants par les trappes des machicoulis, ou encore avec leurs arbalètes faisant siffler des flêches à travers les meurtrières. « L'église était toujours considérée comme un lieu d'asile et de forteresse. En cas d'alerte, les paysans abandon- naient leurs maisons pour se réfugier à l'église. Le long des murs de la nef, ils rangeaient leurs coffres qui contenaient leurs hardes, leurs provisions et leur lard salé (lou bocou). Pour se défendre, ils se tenaient sur la voûte et dans le clocher, d'où ils pouvaient lancer sur l'ennemi toutes sortes de projectiles, quand ils approchaient des portes ou des fenêtres pour les enfoncer ou les escalader » (5)

Chute et libération de la forteresse « Durant le demi-siècle qui suivit la défaite des Anglais en 1370, l'histoire du pays se confond avec celle des sinistres exploits des Routiers qui, fortement retranchés dans quelques forteresses, en sortaient pour dévaster les campagnes, piller les bourgs, ruiner les églises et menacer les populations. En vain, les communautés s'imposèrent de lourds sacrifices pécuniers : on ne parvint pas à s'en débarrasser. Famines et épidémies s'en suivirent : ce fut la désolation en Rouergue. Devant la carence de l'autorité centrale, s'organisa la protection individuelle ou en groupes restreints dans des forts privés ou des églises fortifiées, comme Orlhaguet, Sainte-Radegonde et Boussac » (6) Boussac fut pris par les Routiers comme le prouve le texte suivant : « Sur la représentation qui fut faite par les Etats des Provinces de toute l'Auvergne, du Quercy, du Velay, des Sénéchaussées de Toulouse, de Beaucaire et de Carcassonne, qui s'étaient mis sous la protection du Comte d'Armagnac, le plus puissant du pays, le seul capable de réduire les Compagnies de Routiers, celui-ci convoqua à , le 6 juillet 1381, une Assemblée de leurs députés. Et là, il fut fait avec les principaux capitaines des Routiers, un traité solennel par lequel on s'engagea à leur

(5) R. Rey. (6) Louis Bousquet, p. 62 et 63. donner, pour l'évacuation des places fortes qu'ils occupaient dans le pays, la somme de 250.000 francs-or, dont l'Assemblée fit la répartition avant de se séparer. Moyennant cette somme, les Capitaines des Compagnies et plusieurs autres Anglais pré- sents à l'Assemblée promirent avec serment de vider et aban- donner les lieux, places et forteresses de... (suit une énumération dans laquelle figure Boussac) » (7) Plus tard, l'église cessa son utilisation comme forteresse. Charles VII organisa les francs-archers, ancêtres de nos gen- darmes, vers 1450. Et l'emploi généralisé de la poudre à canon rendit ces sortes de forteresses inefficaces et inutiles. Les salles du clocher servirent de grenier ou de refuge aux indigents. Le Prieur en percevait la location (8)

L'église N.-D. de l'Assomption « La porte d'entrée datant du XV siècle est surmontée d'un petit écusson à deux fleurs de lys » (9) L'architecture intérieure de l'église constitue un bel ensemble avec ses piliers engagés, ses arcs et ses voûtes. Très audacieuse la voûte qui soutient la tribune a dû être étayée par deux piliers de fonte. Sa balustrade de pierres blanches est finement sculptée. L'œil-de-bœuf au- dessous de la tribune est une addition assez récente. La cuve des fonds baptismaux est une pierre massive. Les fenêtres sont romano-gothiques. La chapelle de gauche est ornée d'un retable du XVII siècle (colonnes torses à feuillage). Le chœur est fermé par un appui de communion en bois très ouvragé. Un ambon, reste d'une ancienne chaire, présente l'intérêt de quatre évan- gélistes sculptés dans le bois. Comme dans les vieilles églises, à droite de chaque autel, une niche est pratiquée dans le mur avec un petit creux aménagé dans la pierre de base pour per- mettre les ablutions de la messe. L'ensemble de tout l'intérieur de l'église a été restauré en 1967 (sauf le retable). L'église est dédiée à N.-D. de l'Assomption, patronne de la paroisse. Elle possède aussi des reliques de saint Blaise et de saint Roch qui donnent lieu à deux pèlerinages : 3 février

(7) Bosc, p. 105 et suiv. (8) 2 E 178-27 et Liasse P.R. 3 à 12. (9) R. Noël, p. 165. et 16 août. Ce dernier attire en groupe les paroisses de Gramond, de Lardeyrolles et de Jouëls, ainsi que des isolés de toute la région.

Le retable C'est une œuvre d'art classée par les Beaux-Arts, comme toute l'église d'ailleurs; il mérite long examen et contemplation. « D'après la tradition, ce retable aurait été offert par Guillaume de Séveyrac, seigneur du Fraysse. Les statues des apôtres et de la Vierge auraient été tirées d'un seul noyer provenant de Boutescur. D'après les connaisseurs, ce noyer devait avoir au moins 7 mètres de fûtaie et deux(?) de diamètre. Il est prouvé par l'inspection des bois que les six blocs qui composent les personnages du retable sont sortis du même noyer » (10) Le nom de l'artiste est inconnu, mais pas complè- tement les sources de son inspiration, ni l'époque de sa compo- sition. Cette œuvre est de la Renaissance finissante et peut être datée entre 1550 et 1600. Elle représente la Vierge emportée au ciel sous le regard des Apôtres et son couronnement au ciel, iconographie que l'on retrouve fréquemment dans les tableaux de peintres, mais très rarement en sculpture sur bois doré. Dans un tableau, Le Titien a représenté la Vierge, grave et triste, quittant à regret ses enfants de la terre et, les mains jointes dans un geste de supplication et de tendresse, intercède déjà pour eux, tandis que Thomas, l'apôtre incrédule, reçoit dans ses mains la ceinture de la Vierge. Sans être une copie du tableau, la même inspiration est évidente dans la facture du retable. Autre source possible, la chapelle du Saint-Sépulcre dans la cathédrale de Rodez, sculptée dans la pierre par Gaillard Roux, en 1523. « Au-dessus, sont représentées trois petites scènes de la vie du Christ durant sa résurrection. A gauche, par l'ouverture d'une tour d'où s'échappent des flammes, le Christ à demi nu, le corps encore enveloppé du linceuil, fait sortir des hommes et des femmes. Il saisit la main de l'un d'eux; il ouvre les portes de la mort. Le cartouche placé au-dessus de la scène est explicite : « Porta mortis Salvator disrupit » (le Sauveur a brisé la porte de la mort).

(10) Picard, p. 20 et 68. Au centre, le Christ, enveloppé dans un ample manteau, tenant dans ses mains une bêche, apparaît devant Marie-Madeleine agenouillée. Le cartouche dit : Noli me tangere (ne me touche pas). A droite, seule l'inscription : Noli esse incredulis sed fidelis (ne sois pas incrédule mais fidèle) nous permet de donner un sens au personnage : c'est Thomas l'incrédule agenouillé » (1 1). L'artiste de Boussac a pu connaître cette œuvre. « Le retable de Boussac offre une particularité iconogra- phique notable parce que exceptionnelle, sinon unique au moins en , et passée jusqu'ici inaperçue. Au-dessous de la Vierge, emportée au ciel par les anges, les douze apôtres, groupés trois par trois, contemplent son ascension. Rien ne les individualise; cependant, l'un d'entre eux tient une longue banderole terminée en pointe à son extrémité. Nul doute que ce ne soit l'apôtre saint Thomas venant de recevoir la ceinture de Marie. Des récits apocriphes recueillis par la Légende dorée racontaient en effet que, avant la mort de la Vierge, les Apôtres furent mira- culeusement transportés des lieux divers où ils prêchaient pour assister à sa mort et à son envol vers les cieux. Mais l'apôtre Thomas n'arriva pas à temps. Doutant du récit qu'on lui fit de l'Assomption, il demanda que la tombe soit ouverte : il la trouva pleine de lys et de roses. Il vit la Vierge montant au ciel qui, pour affermir sa foi, dénoua sa ceinture et la laissa tomber dans ses bras. Ce retable est sans doute la transposition dans le bois de quelque estampe italienne du XVI siècle qu'il serait piquant de retrouver » (12) — Cette estampe aurait pu être apportée par Guillaume de Séveyrac qui avait voyagé en Italie. En 1951, la Vierge et les Apôtres de Boussac furent trans- portés à Rodez, à l'occasion de l'ostension des Madones. Et ceci fut écrit : « Témoignage de l'acceptation par les artistes rouergats des formules de la Renaissance, l'Assomption de Boussac est magnifiquement encadrée par pilastres sculptés à candélabre, médaillons à l'antique aux encoinçons et fronton triangulaire portant le couronnement de la Vierge par la Trinité. La facture des petits anges avec leurs joues gonflées et leurs longues robes est encore toute gothique. Celles des apôtres qui

(11) Revue R., n° 92, p. 343. (12) Revue R., 1951. assistent à la montée de la Vierge, avec tuniques simplement plissées, annonce le nouveau style du XVII siècle, troisième grande époque de l'art rouergat. Les imagiers du Moyen-Age tendent ici la main aux facteurs de retables du grand siècle » (13) Il reste à regarder et à contempler. Dans le triangle supé- rieur, la Vierge, assise entre le Père et le Fils, reçoit la couronne de reine du ciel et de la terre. L'encadrement est typiquement Renaissance : triangle, anse de panier, médaillons à l'antique. On a voulu voir dans ces médaillons l'effigie des Seigneurs du Fraysse et de Boussac. Picard y voyait Guillaume de Séveyrac, sa femme, son fils et sa fille. Il ignorait qu'il mourut sans postérité. D'autres y voient ce seigneur et sa femme et Claude II de Morlhon, seigneur de Boussac et sa femme. Disons que c'est possible mais peu vraisemblable. Il apparaît que l'artiste a cédé à la mode de l'époque, à moins qu'il n'ait tout simplement reproduit l'estampe qu'il avait sous les yeux. Il a donné vie aux Apôtres en évitant les attitudes stéréo- typées. Cinq tiennent un livre à la main : 4 ouverts, un fermé. Deux sont à genoux dont un sans barbe, sans doute saint Jean. Trois lèvent une main vers le ciel et trois ont les mains jointes. Deux ne regardent pas la Vierge : un, mains jointes, l'autre, bras croisés sur la poitrine. Tous ont des figures d'extase et il se dégage de l'ensemble une extraordinaire impression de vie. La Vierge fixe avec douceur les lointains de la terre et semble s'envoler plutôt qu'être portée par les anges qui l'accompagnent. Le panneau inférieur de gauche représente le Christ ressuscité apparaissant à Marie-Madeleine : il est en jardinier avec une bêche à la main et Marie est à genoux avec un vase de parfum devant elle : scène inspirée de l'évangile. Sur le panneau de droite, le Christ est descendu aux limbes pour délivrer les élus qui attendaient sa venue. Le démon s'exécute avec une grimace horrible et obscène, tandis que s'avancent vers le Christ trois personnages qui pourraient bien être Adam, Eve et Abel. Derrière Jésus, les âmes du purgatoire lui tendent des mains suppliantes du milieu de leurs tourments : elles ne seront délivrées que plus tard. Le tabernacle, d'un style différent, n'est pas d'origine. D'ailleurs, un texte de 1635 dit qu'il était dans le mur . (13) N.D., p. 27. (14) G 107, fol. 147 et Liasse F.B. 6. Enfin, au pied du pilastre de droite, on trouve David avec sa harpe : le prophète de la Vierge. Au fond de celui de gauche, c'est Moïse avec des éclairs sur le front comme à la descente du Sinaï : c'est le chef de la Délivrance. Tout le retable est un hymne à la Résurrection et à la Délivrance chrétienne. Après avoir contemplé ce tableau, le croyant ne le quitte pas sans un sentiment d'espérance et une prière à la Sainte Vierge Marie. Renseignements divers Le château de Boussac touchait l'église à l'angle nord, du côté de la place. Il était flanqué de plusieurs tours et ressemblait à celui de Cadars sur la paroisse de Jouëls. Ils appartenaient tous deux au même seigneur au moment de leur construction. Celui de Boussac, intact à la Révolution, disparut au cours du XIX siècle. Il n'en reste plus qu'une base informe de tour en bordure de la place publique. La fontaine publique se trouve à 30 mètres de là sur la route de Membre. C'est là que tout le village puisait l'eau jusqu à l'amenée d'eau par la commune à une date assez récente. Ce vestige du passé mérite d'être conservé et peut- être classé. La pêche aux ruisseaux. — Le Lézert et ses petits affluents sont très poissonneux : truites et écrevisses. La route de Boussac à Membre enjambe le Lézert au pont de Membre. C'est un joli site pour la pêche et le pique-nique. On en trouve un autre sur la route de Gramond, au pont du ruisseau de Couffinhal. Il serait possible d'établir ici où là un plan d'eau très attrayant. Enfin, Boussac possède un café et un café-restaurant, tous deux doublés d'une épicerie.

PREMIÈRE PARTIE BOUSSAC SOUS L'ANCIEN REGIME

I. — LES SEIGNEURIES DE LA PAROISSE

1° La Seigneurie de Boussac Cette Seigneurie remontait au moins au XII siècle, puisque, en 1220, le seigneur de Malemort, c'est-à-dire de Villelongue, était aussi seigneur de Gramond, de Cadars et de Boussac. En 1272, Bringuier de Malemort rend hommage au Comte de Rodez pour le château de Boussac et ses dépendances (l) En 1285, Guillaume de Malemort en fait autant (2) En 1483, la seigneurie est passée à la Maison de Béranger (3) En 1500, Pierre de Rossignol est coseigneur de Panat, seigneur de Druelle, de Cadars et de Boussac (4) Il marie sa fille à Claude de Morlhon-. Ce de Morlhon appartenait à une illustre famille du Rouergue. La branche qui vint à Boussac y vécut au château pendant 150 ans, jusqu'à la vente de 1670. Le nom de Morlhon ne disparut de Boussac qu'en 1850, mais il reste encore des descendants sur la paroisse sous un autre nom. Claude I de Morlhon-Boussac (5) né au château de Auti- gnac de Lunac, épousa la fille de Rossignol vers 1530 et, de ce fait, devint seigneur de Boussac. Il semble que ce soit lui

(1) T.-et-G. A 322. (2) 2 E 178-27. (3) 2 E 178-28. (4) De Barreau, T. I, p. 650. (5) De Barreau, Picard et Arch. par. IMPRIMERIE P. CARRERE 1 2 - R O D E Z

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