LA LYRE D’IVOIRE HENRY-PIERRE PICOU (1824-1895) ET LES NEO-GRECS 21 février – 18 mai 2014 MONTAUBAN – Musée Ingres

Jean-Léon Gérôme : Un combat de coqs, 1846 © RMN-Grand Palais (Musée d'Orsay) / Hervé Lewandowski

Musée Ingres Horaires d’ouverture : 1er novembre - 30 mars : 19, rue de I'Hôtel de ville tous les jours sauf lundi et dimanche matin 82000 Montauban 10h-12h / 14h-18h Tel : 05 63 22 12 91 www.museeingres.com 1er avril au 31 octobre : tous les jours sauf le lundi 10h-12h / 14h-18h

Un dossier pédagogique est en préparation. Il sera présenté aux enseignants dans le cadre d'une rencontre autour de l'exposition mercredi 26 février 2014 à 14h au musée Ingres.

Informations et inscriptions : [email protected] 06.26.22.65.43

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COMMUNIQUE DE PRESSE

Le musée Ingres de Montauban s’associe au musée des Beaux-Arts de Nantes pour organiser la première exposition consacrée au peintre et dessinateur nantais Henry-Pierre Picou, et plus largement au mouvement néo-grec qui marqua le XIX° siècle durant une vingtaine d’années (1847-1865). L’exposition rassemble des peintures, notamment certaines œuvres essentielles de Picou ainsi que des dessins préparatoires à des tableaux dont la plupart sont aujourd’hui perdus. Des sculptures et des objets d’art témoignent de l’influence des néo-grecs sur les arts déco- ratifs. Des portraits, en passant par les scènes de genre et la peinture d’histoire, l’exposition bénéficie de prêts exceptionnels venus de collections particulières et de grands musées fran- çais, dont le musée d’Orsay, du ou encore de Rennes et Montpellier. Henry-Pierre Picou (1824-1895), est issu d’une famille nantaise d’artistes. Dès l’âge de 12 ans, il entre dans l’atelier de Paul Delaroche où il se lie d’amitié avec ses camarades Gérôme, Hamon, Aubert. Ces jeunes artistes vivent et travaillent ensemble dans un phalanstère à Pa- ris, rue de Fleurus. Bénéficiant du double enseignement de Delaroche puis de Gleyre, Henry- Pierre Picou et ses camarades, désireux de faire revivre le raffinement et l’harmonie an- tiques, élaborent ensemble le style dit « néo-grec ». En 1847, ils débutent au Salon parisien où Gérôme s’y fait connaitre le premier avec son tableau Le Combat de coqs. Le succès inat- tendu de cette œuvre fait de lui le chef de file du groupe. Gérôme, Hamon, Boulanger élargissent les thèmes de leur peinture avec pour ambition commune le renouvellement de la peinture d’histoire. La référence à l’Antiquité est avant tout un prétexte pour traiter de nouveaux sujets anecdotiques. Ils retranscrivent des scènes de la vie contemporaine dans un décor antique. Cette Antiquité idéalisée, complètement revisitée, est le théâtre dans lequel évoluent des corps harmonieux et sensuels, où se dérou- lent des scènes non dénuées d’humour. Dès 1848, le public est séduit par la grâce de ces représentations néo-grecques. Les artistes bénéficient d’achats de l’Etat ou de collectionneurs privés, la gravure facilite une large diffu- sion de leurs œuvres. La critique est cependant mitigée. Champfleury et Baudelaire, défen- seurs de l’Ecole réaliste de Courbet, qualifient le style néo-grec d’«Ecole du calque » ou d’ «Ecole des pointus». Selon eux, les artistes manquent parfois d’imagination et affirment une certaine prétention à l’exactitude archéologique. A l’inverse, Théophile Gautier adhère plei- nement au style néo-grec dont il devient le défenseur aux côtés de Théodore de Banville et Leconte de Lisle. Le titre de l’exposition fait ainsi référence aux relations étroites entre poé- sie et peinture dans le mouvement néo-grec. C’est Théophile Gautier qui, évoquant le monde antique, dans son recueil de poèmes « La Comédie de la mort » (1843) fait allusion à la lyre d’ivoire, instrument des poètes et des muses. « Je t'aime, ô doux sommeil ! Et je veux à ta gloire, avec l'archet d'argent, sur la lyre d'ivoire…. ». Le courant néo-grec eut une belle influence et un succès important dans le domaine des arts décoratifs, notamment en ce qui concerne la céramique. L’exposition montre quelques beaux exemples sortis des ateliers de la Manufacture de Sèvres (Vase de Lesbos, assiettes du service du Prince Napoléon). Le salon de 1857 marque la fin du mouvement. La critique reproche aux artistes un manque de souffle nouveau. Gérôme se tourne vers l’orientalisme, tout comme Boulanger, Hamon part à Capri. Picou est l’un des seuls artistes du groupe à poursuivre au-delà de 1865 une carrière néo-grecque.

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EXTRAITS DU CATALOGUE

CYRILLE SCIAMA : HENRY-PIERRE PICOU (1824-1895), UN NEO-GREC OUBLIE (EXTRAITS)

Comme de nombreux artistes proches de l’esthétique de Jean-Léon Gérôme (1824-1904) qui attendent encore réhabilitation -Gérôme lui-même, son maître et Alexandre Cabanel ayant reçu les honneurs d’expositions récentes -Henry Pierre Picou (1824-1895) demeure systématiquement relégué au rang de peintre mineur. Jean-Louis Hamon (1821- 1874) ou Auguste Toulmouche (1829-1890) sont dans un cas identique. De nos jours, tous ces peintres, qualifiés facilement de « pompiers » au cours du XXe siècle, ne doivent leur renommée qu’à leur appartenance, souvent passagère, au mouvement néo-grec, qui suscite un renouveau des recherches depuis quelques années. Le débat s’est longtemps cristallisé sur l’aspect rétrograde de ces peintres face à la « modernité » incarnée par les impression- nistes menés par Monet. La revanche du XXe siècle, louant les audaces des réalistes, puis des impressionnistes, fauves et cubistes, remisèrent au rang des réserves des musées les œuvres de la génération précédente. Le style des néo-grecs, qualifié de fade, maniéré, académique, aux couleurs lisses, au dessin parfait, loin des réalités économiques et sociales de l’époque fut d’autant plus vilipendé que leur succès fut immense, notamment par la gravure, largement diffusée dans les espaces privés des demeures bourgeoises et populaires.

HELENE JAGOT : LES NÉO-GRECS, DES IDÉALISTES ANTI-ACADÉMIQUES (EXTRAITS)

Nés dans les années 1820 et entrés sur la scène artistique à la fin de la Monarchie de Juillet, les Néo-Grecs sont de parfaits exemples d’une génération frondeuse qui cherche à s’émanciper des modèles et des valeurs artistiques de leurs aînés, mais aussi des institutions d’enseignement académique telles que l’Ecole des Beaux-arts et l’Académie de à Rome, pour suivre une voie plus en accord avec les attentes d’une société bourgeoise et sé- cularisée. Formés par les promoteurs d’un romantisme du « juste-milieu » que l’on a tant décrié par le passé avant d’en percevoir la modernité et les innovations artistiques, la génération mon- tante des années 1840 se défie autant de l’austérité du néoclassicisme davidien que des ou- trances gothiques des derniers feux du romantisme. Leur maturité artistique intervient à un moment particulièrement critique pour l’école française. Le mécontentement des artistes face à l’administration du Salon s’amplifie et les critiques s’interrogent sur l’avenir de cette manifestation dans le nouveau contexte d’un marché de l’art capitaliste, tandis que la fin de la bataille romantique signe à la fois le délitement du débat critique et l’abandon des écoles artistiques au profit d’un éparpillement des artistes dans de multiples et éphémères cha- pelles stylistiques, communément qualifié d’éclectisme. (…)

Dans un premier temps, les œuvres néo-grecques vont emporter l’adhésion des critiques inquiets de la montée en puissance du Réalisme de Courbet, comme Théophile Gautier, Claude Vignon, Louis Peisse, en apportant au public un art facile d’accès, moralisant les codes de la scène de genre par le recours à l’Antique et à un classicisme formel gracieux. Pourtant, sous les apparences d’une facture classicisante, leur peinture est délibérément anti-académique. Loin d’être les sauveurs du classicisme, ils se révèlent des fossoyeurs de la

3 peinture d’histoire et de ses idéaux d’exempla virtutis. Leur peinture penche trop du côté de la fantaisie pour entrer dans les critères d’appréciation des œuvres académiques, aux sujets sévères et aux références antiques et renaissantes traditionnelles. Les néo-grecs manient l’ironie et l’irrévérence pour offrir au public une vision ironique de l’Antiquité, comparable à celle des opéras-bouffe d’Offenbach, contemporains de leurs œuvres.

FLORENCE VIGUIER-DUTHEIL : INGRES, UN GREC EGARE A PARIS ?

« Mais nous nous sommes Gaulois, nous sommes barbares, et ce n’est qu’en nous efforçant de nous rapprocher des Grecs, ce n’est que par eux, ce n’est qu’en procédant comme eux que nous pouvons mériter obtenir le nom d’artistes » Ingres Quand Ingres, à un moment de sa vie, pense à la construction de sa légende, il va chercher parmi ses croquis de jeunesse une petite tête de Niobé d’après une ronde bosse et, d’un trait de crayon affirmatif mais anachronique, il déclare que cette œuvre est son « premier dessin » ; il la date de 1789. Ainsi prétend-il être né à l’art, au contact d’une œuvre antique présentant le visage souffrant d’une mère ayant la douleur de voir ses enfants massacrés sous ses yeux2. Il n’est alors âgé que de neuf ans et la révolution qui tonne alors à Paris lui donnera bientôt l’envie de la faire dans la peinture, selon ses propres mots. Pourtant de cette passion précoce pour l’antique ne naîtra aucun voyage en terre hellène, car comme le soulignait très justement Pascale Picard « Si Ingres apprend Rome à Paris, c’est à Rome qu’il apprend la Grèce». Celle-ci restera pour lui le rêve d’un petit coin de terre sur le globe « où, sous le plus beau ciel, chez des habitants doués d’une organisation intellectuelle unique, les lettres et les beaux-arts ont répandu sur les choses de la nature comme une se- conde lumière pour tous les peuples et pour les générations à venir ». Une utopie dont on retrouve les louanges semés çà et là dans ses écrits sur l’art réunis par Henri Delaborde en 1870 et réédités très récemment. En cela Ingres est un homme de son temps, admiratif de cette antiquité qu’on redécouvre depuis la fin du XVIII° siècle, à la lumière des fouilles ar- chéologiques et de la redécouverte des marbres du Parthénon qui en donnent une idée plus précise. Son amitié avec François Mazois, auteur des célèbres Ruines de Pompéi, première publication architecturale offrant des restitutions du site et des décors antiques a laissé quelques traces dans le fonds de Montauban qui conservent deux dessins de l’architecte préféré de Caroline Murat, préparant les frontispices de ses volumes.

Le samedi 22 février 2014 à 10h30 Petit déjeuner en compagnie de Florence Viguier, Conservateur en chef du patrimoine, Di- rectrice de musée Ingres et de Cyrille Sciama, Conservateur du Patrimoine, chargé des col- lections du XIXe siècle au musée des Beaux-arts de Nantes. Le public aura la possibilité, le temps d’un petit déjeuner, d’échanger avec les historiens d’art qui ont pensé et conçus l’exposition La lyre d’ivoire, Picou et les Néo-grecs. Les per- sonnes présentes pourront ainsi mieux saisir les enjeux de l’exposition. Entrée libre sur réservation au 05.61.22.12.91

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