1/14

c .-o c .::- :;) lA C uo C CI) f .-c -C- E CI) w>< 2/14 L'ŒUVRE DE LURÇAT 3/14 A MAUBEUGE Bataille de la 'Reconstruction

Lurçat à Il convoque les maubeugeois à LE PROBLÈME DE MAUBEUGE participer à « la Bataille de la A la fin de 1944, André Lurçat reconstruction » et les invite à s'ex­ CAUSERIE par l'Architecte-Urbaniste• est nommé urbaniste et architecte primer dans des « meetings d'urba­ en chef de la reconstruction de la nisme ». Puis il crée le Comité local André' LURÇAT zone sud du département du , chargé de la ~ion de la Ville d'urbanisme, constitué à parité par et plus particulièrement de Mau­ SOUS LE PATRONAGE DU COMITE DE RECONSTRUOION DE MAUBEUGE des représentants des corps de ET LA PRESIDENCE DE beuge, par Raoul Dautry, ministre MONSŒUR LEULffilt, 'j)cUüIoJ dt la DI~ali". ~ du Gouvernement Provisoire du métiers, de syndicats, d'associa­ Général de Gaulle. tions, et des sinistrés. Avec ce LE 1.3 AVRIL 1.9~5 Maubeuge est le site idéal pour une comité, il engage la réflexion à 20 heures intervention urbanistique radicale. urbaine de fond. Le programme SALLE DU CINÉMA DE LA BOURSE La ville intra-muros incendiée par d' urbanisme mis au point sera celui ENTRÉE GRATUITE les troupes allemandes le 6 mai attendu par Lurçat et, malgré le 1940 n'existe pratiquement plus grand nombre de maubeugeois qui et l' arasemen t des décombres militent pour la destruction des entrepris dès juillet 1940 a remparts de Vauban, Lurçat obtient parachevé la «table rase ». leur protection par le Ministère des Beaux-Arts. La bataille de la Reconstruction Le pari de la mission de Lurçat à Le projet architectural et urbain LEGENDE Maubeuge est de concevoir un pro­ La reconstruction des 651 loge­ jet urbain à l'échelle d'une ville, de ments et 230 commerces sinistrés D ·I.D.T (immeubles à destination transitoire) prendre en compte des revendica­ s'engage à partir de 1948 pour tions militantes et de n'avoir, pour s'achever dix ans plus tard. C'est Le « morceau de ville » reconstruit jeu subtil de registres qui accompa­ D .Eglise St-Pierre St Paul engager les prémices de sa réalisa­ un fragment d'un plan d'ensemble porte témoignage de la déconcen­ gnent et soulignent le déroulement tion, que le strict financement de plus vaste qui visait à créer une tration urbaine qui va de pair avec de la promenade urbaine. Dix ce principe de décentralisation dispositifs d'installation des reconstruction sur dommages de nouvelle composition urbaine dont Il.Résidence du Parc fonctionnelle, même s'il se trouve immeubles peuvent être repérés : guerre des propriétés privées et le principe est un « parcours » (ce des commerces des habitants de être amputé des édifices publics quinconce, épis, rotonde, corol­ Il.Immeubles qui emportera l'adhésion des com­ l'ancien centre ville. projetés par Lurçat. La reconstruc­ laires, îlot ouvert, barre, rotule, merçants) ponctué d'édifices de Son arrivée sur le terrain, dès avril tion met en place de nouvelles redan, peigne, îlot fermé. Trois services décentralisés, capables ligatures, - le mail, le boulevard de types d'immeubles se conjuguent: H -Caisse de Sécurité Sociale 1945, donnera à Lurçat la possi­ d'en donner le sens à la fois phy­ l'Europe - entre les différents l'immeuble de logements sur socle et d'Allocations Familiales bilité, en devançant de quelques sique et symbolique. « morceaux de ville » qu'étaient commercial; l'immeuble résiden­ mois la miSe en place des orga­ l'ancien «centre» et les quartiers tiel sur une composition spatiale m .Mail de la Sambre nismes d'encadrement administra­ jusqu'alors «périphériques ». libre; l'immeuble-édifice à voca­ tif, d'instaurer une démarche parti­ L'architecture est à l'unisson de tion résidentielle (avenue de la Il.Immeubles de Logements et Commerces cipative afin de mobiliser un public l'étirement des parcours, non seule­ Gare) ou d'équipement public ou plus large que celui des seuls ment par la conformation linéaire privé (Caisse de Sécurité Sociale, sinistrés. Couverture: Le Mail des immeubles, mais aussi par le Eglise, Garage Saint-Eloi). 4/14 La plastique architecturale est mum standard d'habitabilité» ; d'abord'f1? roduite par la mise en l'équivalent d'un ratio de prix au exergue des éléments fonctionnels: mètre carré d'une construction les porches, les cages d'escalier neuve dont les caractéristiques ont saillantes en façade, les balcons, été précisément décrites. loggias et terrasses, les auvents, les Concernant l'évaluation foncière, galeries piétonnes ou coursives qui Lurçat fait réaliser un double font l'objet d'un traitement diffé­ référendum : la situation des rencié d'un immeuble à l'autre ; immeubles de la ville détruite est ensuite par le soulignage des acci­ cotée de 0 à 20, l'opération est dents topographiques: perrons, répétée pour l'emplacement des socles à degrés, épannelages à res­ immeubles sur le plan de recons­ sauts et par un traitement particulier truction. des fonds d'axialité des voies: log­ Cette cotation, croisée avec le stan­ gias profondes et groupées, rupture dard d'habitabilité, permet aux d'épannelage, creusement ou sur­ sinistrés de reconstituer leur patri­ épaisseur en façade. moine avec une grande liberté de choix de surface comme d'empla­ Standards cement. Lurçat a confié aux vingt archi­ tectes de la reconstruction maubeu­ Œuvre geoise une originale procédure de André Lurçat ne réalisera que trois création architecturale et urbaine. bâtiments en dommages de guerre: Elle a consisté à définir avec eux un immeuble de logements et bou­ les différents types d'installation des tiques avenue Mabuse, l'église et le immeubles, à établir la liste mail, partiellement hors remembre­ des matériaux à utiliser à l'exclusion ment. de tout autre: acier pour les menuise­ Il réalisera en revanche la « tranche ries extérieures, marbre du Boulon­ de démarrage » de la reconstruction nais pour les escaliers communs, financée par l'Etat : ce sont les céramique émaillée pour le parement immeubles de l'avenue de la Gare des porches, grés-cérame et parquet et les maisons individuelles avenue pour les revêtements de sol des loge­ Jean Jaurès. Hors reconstruction, il ments, brique et enduit de ciment réalisa les immeubles H.L.M. de la pour les façades, glaces de grandes résidence du Parc, la Caisse de dimensions, saillantes en façade, les Sécurité Sociale et l'école mater­ balcons, loggias et terrasses, briques nelle du Pont Allant. Il concevra et pavés de verre ; à leur imposer également l'ensemble des espaces enfin l'utilisation d'une série d'élé­ publics: planta:ions, mobilier, ments de second-œuvre et surtout des éclairage, bassins, fontaines, encadrements de baies qui consti­ maçonneries d'accompagnement et tuent la gamme des« standards ». revêtements de sol. Ces éléments, dessinés par Lurçat D'autres projets seront dessinés lui-même, permirent de créer le lien pour exécution, mais ne seront entre tous les bâtiments reconstruits pas réalisés (hôtel de ville, écoles, de la ville. logements). En périphérie maubeugeoise, à Remembreilient Boussois, il réalisera un groupe de logements H.L.M. et une école Pour débloquer les procédures maternelle avec piscine disparue. classiques d'évaluation des biens sinistrés, Lurçat invente le Plan de l'église S[/;nt Pierre-Saillt Paul par « Remembrement en trois dimen­ Lurçat sions ». Il met au point le «mini- Le Mail, vue en perspective. De la même façon, en assemblant 5/14 Maisons individuelles, route de avec grande subtilité cinq types de Valenc~nnes logements individuels, Lurçat tient Face aux remparts, et donc hors du au défi de réaliser ce gn:JUpement périmètre de la ville intra-muros sous la forme de petits immeubles. sinistrée, est paradoxalement où l'unité architecturale du groupe posée, le 26 mai 1946, la première ou de la séquence est privilégiée pielTe de la reconstruction maubeu­ par rapport à l'individualisation du geoise. Le groupe de 50 logements logement. Il est ainsi caractéris­ individuels qu'André Lurçat étire tique que les « décrochements » sur une étroite bande de ten'ain uti­ des façades ne correspondent pas à lise en fait un programme financé la mise en scène de la mitoyenneté. par l'État, appelé « I.D.T. » . Ces Pour marquer celle-ci, Lurçat « Immeubles à Destination Transi­ invente le discret et étonnant détail toire » devaient permettre « le relo­ de la corniche interrompue et gement des personnes dont la pré­ retournée perpendiculairement sur sence sur place est indispensable la façade. pour le bon déroulement des opéra­ Par son mode d'occupation du sol tions de reconstruction ou pour la et sa volumétrie, le groupement relance économique ». Localement, préfigure les conceptions urbanis­ leur programmation fut surtout tiques directement apparentées à appréciée comme une aide directe celles du Mouvement Moderne, de l'État pour constituer la fameuse que Lurçat tendra à mettre en « tranche de démarrage » d' une œuvre pour la reconstruction: reconstruction dont les délicates toitures-terrasses, maçonneries opérations de remembrement lisses uniformément passées à l'en­ seront longues. duit (la construction est en briques), Première réalisation de l'architecte prépondérance des lignes horizon­ en chef de la reconstruction, c'est tales, absence de décor. par celle-ci qu'il va donner à voir En fait, le groupe des I.D.T. mau­ les conceptions urbanistiques et beugeois témoigne d'un bascule­ archi tecturales qu'il a décri tes ment dans l'œuvre de Lurçat. Au quelques mois plus tôt dans un purisme d'une volumétrie moderne débat direct avec les maubeugeois : s'associe désormais la déclinaison « la ville sera moderne, claire, d'éléments issus de la codification verte, aérée et insolée » avait­ architecturale classique. il annoncé, «une cité-jardin Ce nouveau langage se traduit par urbaine ». l'adoption de « standards » qu'il Sur l'argument d'une exposition impose aux équipes de maîtrise maximale des façades au Sud, Lur­ d'œuvre. çat organise son projet en deux lignes d'immeubles placé en fort retrait par rapport au chemin dépar­ temental. La linéarité du groupe­ ment, qui fait écho à celle des rem­ parts, suggère le choix d'un « bornage » de l'urbanisation du secteur No~d de la commune. Le jeu sur la profondeur est l'occasion de désanctuariser l'espace privatif, de se détacher des registres de front de rue et, en fait, de dématérialiser les traces de la structure foncière. Immeubles à destination transitoire. 6/14 lieu d'une spectaculaire composi­ Église Saint Pierre-Saint Paul 'Ii tion frontale. Les conéeptions intellectuelles, Elle est marquée par la silhouette idéologiques et urbanistiques d'An­ élancée du clocher culminant à dré Lurçat lui font privilégier le 43 m. de hauteur, flanqué d' une · « civil » et le « culturel » comme tour cylindrique contenant l'esca­ facteurs prééminents de la nouvelle lier d'accès au carillon. Cette tour­ composition urbaine, mais celui-ci clocher dont les arrêtes ourlées ser­ ne négligera rien de la valeur sacrée tissent des pans de briques de verre, de l'édifice qu'il a, par décret du se détache de façon dissymétrique Conseil Municipal, été chargé de du plan frontal. Sur celui-ci vien­ reconstruire. Hormis la Caisse de nent glisser, à la façon d'une étoffe, Sécurité Sociale et la petite école en sur-épaisseur, les retours galbés maternelle du Pont-Allant, pro­ des parois des longs pans. Ils enca­ grammes hors reconstruction, drent en partie supérieure une large l'église sera le seul bâtiment public baie de briques de verre. reconstruit par Lurçat à Maubeuge. Posée sur une stèle en attique, les Dans ces années d' après-guerre, statues (2,5 m de hauteur) des l'église est traversée par un profond apôtres Pierre et Paul, sculptées par renouvellement. Elle se veut alors Félix Roulin, découpent dans le ciel plus « engagée » à l'image de ceux une silhouette qui rééquilibre éton­ des siens qui ont combattu dans la namment la composition dissymé­ Résistance ou militent dans les trique de la façade monumentale. mouvements comme la J.O.C. ou Le porche est créé par un large l'A.C.O. auvent en accolade à la sous-face Cet état d'esprit créera les condi­ peinte en bleu « ciel » et dont les tions d' une fructueuse collabora­ trois cintres, évoquant la trilogie tion entre le doyen Fiévet et André sacrée, protègent les portes de Lurçat. L'église est leur œuvre chêne clair. La plus grande ouvre commune. Elle cristallisera les pas­ directement sur la nef. Les voûtes sions et se trouve encore aujour­ sont prolongées pour recouvrir un d'hui l'objet de vives controverses, narthex éclairé par des lanterneaux ce dont l'aménagement intérieur percés dans les voûtes. eut à souffrir. Le tympan du porche est décoré Une première localisation fut envi­ d' une mosaïque réalisée par sagée extra-muros. Finalement, par Schmidt-Chevallier d'après les car­ contrecoup du déplacement sur ce tons du peintre et tapissier Jean même site, l'église est implantée Lurçat, frère aîné de l'architecte. intra-muros. Mais non plus comme Elle représente l'histoire de Pierre ­ dans la ville ancienne sur une «pêcheur d'hommes» - et de Paul grand'place, mais sur le linéaire - « persécuteur converti » -. d'une avenue (Franklin Roosevelt) La conjugaison créative des Lurçat et dans l'axe d'une simple rue témoigne de l'importance et de la (Georges Paillot). sincérité de l' œuvre réalisée. Enchâssé dans les nouveaux îlots, l'édifice est inscrit dans un enclos en maçonnerie de briques et posé sur une plate-forme au-dessus du sol du domaine public sacralisant le site du sanctuaire. Eglise Saint Pierre-Saint Paul L'église se présente sous la forme Le clocher Les apôtres Pierrelet Pa.ul d'une vaste coque de béton brut Détail du porche dont la partie évasée au sud est le Vue depuis l'Est 7/14 André dessinera le maître-autel, veau pour la ville en se dégageant l'autel ~ s chapelles, le jubé et la du cadre (linéaire) que les commer­ chaire que Jean décorera de çants sinistrés imposent ailleurs. mosaïques. La communion frater­ Les immeubles, situés en' bordure nelle est peut être le paradigme de du Petit-Bois; qui deviendra Parc ' cette église au plan non convention­ zoologique en 1958, marquent l'en­ nel : il comprend une vaste nef trée ouest de la cité et dominent la unique dont le « ciel » est soutenu vallée de la Sambre. par dix colonnes à section en croix Ils sont installés en épi, de part et de Saint André, dont les parois inté­ d'autre du boulevard qui doréna­ rieures sont plissées comme une peau. Sur cette nef s'ouvrent deux vant ceinture le nouveau périmètre chapelles latérales qui en miniaturi­ urbain, « de telle manière que l'œil sent et inversent la forme et don­ du voyageur venant de la vallée nent au plan de l'édifice l'allure enregistre successivement leur anthropomorphique d' une figure façade principale ». d'icône, mains ouvertes, dans une Les aménagements extérieurs, attitude d'accueil. plantation et aires de jeux sont Le chœur, avec un déambulatoire, conçus par Lurçat lui-même sou­ s'inscrit dans un plan circulaire aux cieux de livrer une opération exelTI­ proportions considérables par rap­ plaire: un morceau de « cité-jardin port à la nef et semble vouloir évo­ urbaine » dans lequel les besoins quer l'idée d'assemblée autour du des habitants ont été scrupuleuse­ maître-autel (celui-ci fut placé dans ment pris en compte. une position qui anticipa la diction Les immeubles de trois étages de la messe « face au peuple » de comprenant neuf logements chacun Vatican II). Il avait fait l'objet d'un (6 T3, 2 T2, 1 Tl) sont édifiés sur dispositif d' éclairement particulier un entresol formant socle regrou­ (masqué aujourd'hui par un malen­ pant les caves et les garages. contreux plafond suspendu) visant Les façades expriment clairement à renforcer la symbolique sacra­ mentelle. la disposition intérieure du plan: au nord, l'entrée principale, la desserte La recherche d'effets lumineux est d'ailleurs partout présente dans des étages et les pièces de service l'édifice, que ce soit par le captage (cuisine, salle de bains) ; au sud les de la lumière à travers des briques pièces de vie : chambre et séjour de verre ou par la disposition de dont l'angle est traité en loggia, tubes fluorescents dissimulés le La façade nord est habillée d' une long des parois de la nef et du paroi venant en sur-épaisseur du déambulatoire. plan principal: cette surface forme Le projet, élaboré à partir de 1950, comme un tableau qui rassemble fut mis en chantier en 1955. L' égli­ la composition symétrique des se fut consacrée le 15 août 1958. percements: au centre, baies à encadrement à trois partitions, mar­ Résidence du Parc, boulevard de quant la cage d'escalier et de part l'Europe Ces quatre i.mmeubles collectifs, réalisés à partir de 1945 par Lurçat sur un programme de l ' Office Départemental d' H.L.M. du Nord Résidel/ ce du Parc

. (qui venait d' être constitué) sont page centrale : pour Lurçat l'occasion de réitérer Eglise Sa illi Pierre-Sainl Palll, ses propositions d'urbanisme nou- Elévation occidentale 8/14 9/14 et d'autr.\i de la ponctuation d'un des opérations de remembrement rang d' oculi, des baies à deux parti­ foncier, en échange de leurs droits tions en double rang. au Dommages de Guerre. (Les Le porche est conçu comme un tube reconstructions du Havre et de section rectangulaire et soudé à d'Amiens par Auguste Perret ont la façade. L'effet est renforcé par été presque en totalité réalisés en les emmarchements qui détachent utilisant cette procédure). le seuil du sol, par les deux Le projet de Lurçat construit le colonnes à facettes qui font fonc­ front de l'avenue de la Gare, qu'il a tion de raidisseurs plutôt que de institué en nouvelle limite urbaine support d'entablement et par le de la ville à reconstruire, et engage parement en céramique des parois l' urbanisation du glacis sud des for­ intérieures. L' expressivité de la tifications par la réalisation du façade sud est due à l'encadrement quartier des Arts. d'un tableau central uniformément Il installe à l'angle de l' avenue de percé par des standards de baies à (dans l'axe de laquelle il trois partitions, à des loggias à la projetait de reconstruire la gare) fois saillantes en façade et sculptées quatre bâtiments disposés en dans les angles avec un retourne­ « peigne » , perpendiculaires à ment courbe des chants de dalles l'avenue de la Gare. Immeubles de autour d'une colonne. trois étages orientés Est/Ouest Les immeubles sont clairement réunis deux à deux par une galerie stratifiés en socles, corps d'édifice pour former deux « blocs » - le mot et acrotères - chacune des parties va rester pour désigner les faisant l'objet d ' un traitement immeubles de la reconstruction architectural spécifique au moyen maubeugeoise - symétriques, au de profils et moulures rapportées. plan en H, creusés de profonds ren­ Le traitement des acrotères est foncements au centre desquels remarquable : les bords des s'élance le cylindre de la cage d'es­ tableaux saillants des façades sont calier au Sud et se déploie le large accompagnés d'une moulure péri­ auvent du porche de l'entrée princi­ phérique qui, après son retourne­ pale au Nord. ment pour former corniche, est Chaque aile d' immeuble, compor­ interrompue pour être soulignée. tant deux logements par niveau, est Ce même effet de traitement singu­ formée, en plan, de deux trames lier, hormis le fait qu'il produit une décalées par glissement ce qui a élégante ligne d' épannelage, est pÇlur effet d'affiner les pignons de visible sur les corniches accompa­ la construction. Dans l'angle, au gnant les pignons. Dans l' enduit sud, et en applique, au nord des des façades est imprimé un réseau saillants de pignons, Lurçat super­ de mailles rectangulaires. pose des balcons étroits dont l'ex­ trémité arrondie se détache encore Immeubles avenue de la Gare et du plan vertical étroit des pignons. rue des Arts Au Sud, cet ensemble de rythmes verticaux, qui scandent comme C'est toujours en périphérie immé­ autant de bornes monumentales le diate de la ville intra-muros détrui­ te, que Lurçat édifie, à partir de 1947, ce programme d'État appelé I.S.A.I., Immeubles Sans Affecta- . tion Immédiate, dont l' objectif fut Immeuble d'Etall.S.A.I. Iype H, rue des Arts de livrer aux sinistrés des apparte­ Vue générale ments, boutiques ou logements Balcons standardisés, sans attendre la fin Porle d 'entrée 10/14 linéaire de l'avenue, est associé à Les deux blocs sont constitués par l'horizo~ t alité des boutiques pla­ des immeubles placés cette fois cées en pied d'immeubles, réunies parallèlement à la rue et prolongés à un pavillon central par des pas­ chacun dans l'axe par une .aile per­ sages couverts puis continuées le pendiculaire par l'intermédiaire de ' long de l'avenue p,ar une « ban'e » la cage d' escalier, l'ensemble don­ de cinq cellules commerciales nant un plan en « T ». mitoyennes. L'appareil architectural reprend les Les percements sont tous réglés par motifs des immeubles de première la gamme de « standards » de baies ligne : standards de baies à trois à encadrement: standards à trois partitions, accompagnés de jardi­ partitions pour les fenêtres que nières en appui, balcon, portes­ Lurçat accompagne ici de jardi­ fenêtres. L'avant-plan de la façade nières en appui (dont la disposition principale est marqué d'un large alternée suffit seule à animer le auvent à découpe ciselée qui plan de façade) ; standards de recouvre un porche très finement portes - fenêtres à trois vantaux ; traité : échiffre de perron formant standards de vitrines avec « allège à jardinière, baie d' entrée à encadre­ hauteur de genoux ». ment soulignée d ' ébrasements Avec cette première ligne d' im­ courbes parementés de terre cuite meubles, Lurçat réussit un assem­ émaillée vert, standard de porte blage urbain à la fois ample et sub­ vitrée à deux vantaux et ici pour la til dans le déploiement des registres première fois, introduit sur proposi­ architecturaux référant à l'organi­ tion de l'architecte Henri Lafitte sation du « front de rue » : décou­ dans la gamme des standards de page, profondeur, scansion, jeu sur baies, l'utilisation de l'oculus. les marges d'alignement, encorbel­ Cet avant-plan, qui regroupe les lement, épannelage, effet de transi­ baies-standards des chambres de tion public/privé, effet de « bou­ deux appartements par niveau, se clier » des cellules commerciales détache du second dont chaque placées devant les immeubles de extrémité est marquée de la super­ logements, Ses principes sont ici position des balcons s'ouvrant sur élaborés pour valoir à l'ensemble les pièces de séjour qui bénéficient de la reconstruction maubeugeoise. d' une double orientation. Un hall La modénature des auvents et bal­ traversant communique avec la cons dont les chants sont finement cage d ' escalier qui relie l'im­ ouvragés, les profils de corniches, meuble postérieur, placé en demi­ le traitement des arrêtes du bâti• niveau plus bas et constitué de deux ment (alternativement aiguës ou appartements' de deux pièces, à adoucies) participent du déploie­ orientation unique, adossés l'un à ment d'un savoir-faire architectural l'autre, et urbain dont la minutie n'est Les blocs de type A (plan en H) et étrangère ni à sa formation clas­ type B (plan en T) de Lurçat sont sique à l'École des Beaux Arts, ni à l'ampleur du traité d'architecture « Formes, composition et lois d'harmonie » qu'il fera paraître à partir de 1953. La seconde ligne d'immeubles, le long de la rue des Arts, s' adosse à la première en utilisant l'intégralité Immeuble d 'Etat J,S,A.!, Iype A. avenue de la des principes de sa composition Gare axiale et symétrique de référence Immeuble en peigne, élévation sud classique. Immeubles vus en perspective 11/14 associés aux types C et E - dessinés donne à son projet la valeur d' un et réali3és par Jean Badovici et symbole de contre-pouvoir. Maurice' Gouvernet, adjoints Dix huit ans après leur mise au directs de l ' architecte en chef­ point, Lurçat reste fidèle à rutilisa­ pour constituer les abords d' une tion des standards et des détails de , place des Arts orientée à 45 ° par ferronnerie conçus sept ans plus tôt rapport à l'avenue de la Gare. pour le Mail de la Sambre. Ainsi, Les types E, mis en chantier après bien que tardivement réalisé, le 1949, ont pu être réalisés en brique, bâtiment reste-t-il en harmonie grâce à un meilleur approvisionne­ avec l'espace de la ville reconstrui­ ment en matériaux à partir de cette te. Il témoigne pourtant d' une évo­ date. lution stylistique encore différente L'architecte Daniel Bidot réalisera de celle perceptible dans l' im­ sous l'égide de Lurçat, en 1956, meuble du Mail : l'accentuation l'immeuble à l'extrémité courbe de la composition dissymétrique, qui remplace le type D, non réalisé, la simplification des « profils » , de Badovici et Gouvernet. l'abandon des angles adoucis si Les immeubles sont en bon état, typiques de sa manière, l'interven­ leurs façades ont été récemment tion de nouveaux motifs ou altéra­ ravalées. Les enduits d'époque ont tions typologiques telles que le une teinte plus chaude que celle du porche en portique, la verrière à ciment actuel. redans, le garde corps de grande Les parties en béton armé (auvents) longueur. ont souffert de leur défaut de mise en œuvre (mauvais enrobage ponc­ Le Mail de la Sambre tuel des aciers) et du manque d'en­ L'immeuble qu 'André Lurçat ins­ tretien qu'elles ont eu à subir (une talle le long de la Sambre, au pied seule rénovation après 45 années). de la ville haute et qu'il dénomme­ Les immeubles de la rue des Arts ra « le Mail » est le véritable « mor­ ont été longtemps recouverts de ceau de bravoure » de l'interven­ vigne vierge. tion de l'architecte à Maubeuge. A l'angle de l'avenue de la Gare et Cet édifice d'impact urbain consi­ du boulevard de l'Europe devait, dérable n'appartient à la stricte être reconstruit le vélodrome, puis « reconstruction » que par la resti­ une gare routière. Lurçat ne les réa­ tution immobilière de la B.N.C.I. lisera pas. (aujourd'hui B.N.P.) qui n'occupe qu'un cinquième du programme. Caisse de Sécurité Sociale et La plate-forme en corniche sur la d'Allocations familiales, place de rivière le long de laquelle s'installe l'immeuble est une création totale, La réalisation de la Caisse de Sécu­ tandis que la ville reconstruite s' éti­ rité Sociale -et d'Allocations Fami­ re le long des parcours ancestraux liales' programme éminemment simplement élargis et rationalisés : social, est en quelque sorte pour la ville ancienne tournait le dos à la Lurçat la revanche de ses deux pro­ rivière, Lurçat en restitue d'un trait jets d'hôtel de ville repoussés par la la géographie fondatrice. municipalité. En installant son bâti• ment sur toute la largeur de l' espla­ nade, en le rehaussant sur un socle dont la terrasse forme sur la moitié Le Mail: Vues générales de sa longueur une véritable tribune Coursive ouverte sur une place vouée aux Boutique manifestations populaires, Lurçat Détail d'un auvent 12/14 Le Mail est d'abord axe cardinal « Les Galeries » (réaménagé en dont LU~,at rattachait les extrémi­ galeries marchandes en 1990) dont tés au faubourg oublié de Sous-Ie­ la façade courbe relie le Mail aux Bois, à l'ouest, au-delà du boule­ immeubles de l'avenue Ma.buse. vard de l'Europe et à un hôtel de Les architectes Joseph Ney et Mau­ ville qu'il projetait de réaliser à la rice Gouvernet, adjoints directs de croisée des chemins à l'est, face au Lurçat, Henri Lafitte - dont c'est la pont du Moulin. dernière œuvre - et Emile Fays, C'est aussi ce grand mur de brique, sont associés à la réalisation du exposé plein sud, qui masque l'em­ Mail ainsi que les entreprises Hen­ base des escarpements de la ville nebique - pour l'immeuble - et les haute autant que les reliquats des « Grands Travaux de l'Escaut » -­ immeubles anciens qui formaient pour le quai. jadis la rive sud de la rue de l'Hos­ pice. C'est surtout une « maîtresse Immeuble de logements et com­ coupe » qui fait du Mail non pas merces, avenue Mabuse seulement un immeuble mais un véritable appareil urbain dans C'est à l'architecte Panos Djélépy lequel s' associent quantité d'élé­ qu'André Lurçat, en 1948, confiera ments pour établir un dialogue le soin d ' édifier le premier architectural entre la ville et sa immeuble de la reconstruction rivière canalisée: le quai étroit maubeugeoise. (anti-échouage) et son dispositif Un an plus tard, Lurçat, associé à d'accès par toute une variété d'es­ Joseph Ney, réalise cet immeuble caliers (en hélice, tournant à double qui lui fait face pour constituer la volée, droit à palier) ; la promenade rive Est de l'avenue Mabuse. en encorbellement et son garde­ L'immeuble est installé dans la corps en dévers surmonté de demi­ forte pente de l'avenue en trois candélabres (dont les lanternes paliers que soulignent les ruptures d'origine ont été changées) ; le ter­ marquées des larges baies des rassement de son cheminement vitrines et de la succession des ponctué de plates-formes en belvé­ auvents qui les protègent. dère ; la largeur de l'avenue dont le Lurçat donne au bâtiment une faça• linéaire fut ponctué de peupliers et de abrupte sur l'avenue, pour en de saules pleureurs; les boutiques resserrer les prospects, compte tenu détachées en « cabines de remor­ du choix d'élargir l'accotement de queurs» ; la coursive en suréléva­ la rive ouest de l'avenue afin de tion et ses perrons d'accès, les prolonger la promenade du Mail auvents (interrompus au droit des vers la place des Nations et de entrées par une marquise en pont de poser l'immeuble sur un socle de péniche), les loggias, le passage tra­ commerces. Il réserve de ce fait versant à l'est en écluse et le grand l'avancée du socle commercial au porche de l'extrémité ouest; la traitement du front de la place ligne d'épannelage en file de cha­ Verte. Côté avenue, pour répon­ lants qui décompose l'édifice en dre à la contrainte d'une façade unités plus petites s'associent pour toujours perçue en vue diagonale, établir un dialogue architectural Lurçat ponctue le crescendo des entre la ville.- et sa rivière humani- sée. Projeté en 1950, le Mail fut mis en chantier à partir de 1954 et achevé . en 1956, date à laquelle l'architecte Charles Legrand réalise, sous l'égi­ Immeubles avenue Mabuse de de Lurçat, le Grand magasin Porte sur l'élévation postérieure 13/14 immeubles par les loggias en D'une simplicité extrême, l'école, encorbe1 jement, ajoutant rythmi­ linéaire et de silhouette horizontale, que verticale et relief à la paroi. Les est constituée d'une succession de registres d'embase font l'objet d'un salles de classes (3 matemelles, 2 subtil travail architectural visant à cours préparatoires), desservies par ' parfaire l'adaptation à la pente et à un couloir au Nord, inten-ompue, au organiser les perceptions : dérégu­ delà de l'axe de symétrie, par une lation du rythme et du dimension­ vaste salle de jeux formant saillie nement des vitrines, fractionne­ sur la façade. ment des auvents, introduction de Au dos de l'école, linéaire et de sil­ catégories de baies et de menuise­ houette horizontale, s'élève un bâti• ries à partition horizontale non ment occupé au rez-de-chaussée conformes à la gamme des stan­ par les vestiaires et à l'étage par dards (que Lurçat impose partout l'habitation du directeur. Il s'orga­ ailleurs !) nise autour d'un volume central, Les boutiques sont traversantes marqué au Sud par une fausse log­ avec une rupture de niveau intermé­ gia, vers lequel plongent les vagues diaire. A l'origine, elles prenaient incurvées des corniches des toi­ également jour sur la place Verte. tures-terrasses. L'extrémité sud de l'immeuble, Les grandes qualités de cette réali­ dirigée vers la Sambre et placée sation sont la simplicité et la fonc­ dans l'axe de l'avenue de France tionnalité de sa conception. C'est occupe, en fait, l'emplacement du aussi la belle luminosité des projet primitif d'hôtel de ville. Le espaces intérieurs procurée par plan en L de celuI-ci devait per­ l'ouverture au Sud de larges baies mettre de dresser des façades à la dont les menuiseries en acier, fois dans l'axe de l'avenue de Fran­ aujourd'hui remplacées, aux van­ ce et dans l'axe du Mail, face à la taux articulés à l'italienne, étaient Sambre. d'un bel effet architectonique. La monumentale composition du La décoration intérieure d'origine­ pignon sud sous la forme de quatre revêtements de sols, peintures, loggias groupées en encorbelle­ luminaires, mobilier est encore pré­ ment témoigne d'un « genius loci » servée. Elle rend compte du goût de abandonné aux servitudes commer­ Lurçat pour les espaces clairs, stu­ ciales. dieux, vivants. Sans aucune rénovation depuis sa mise en service en 1951, l'im­ Boussois meuble a subi en outre quelques spectaculaires et malencontreuses Cité des Platanes transformations. Elle représente un ensemble de 70 logements H.L.M. répartis en Ecole maternelle du Pont Allant 12 immeubles installés en « frise », La conception d'écoles occupe une mariant logements individuels et place prépondérante dans l' œuvre collectifs. Conçu en 1948, ce projet de l'architecte (26 projets recen­ fut réalisé en 1950. sés.) Pour Maubellge, Lurçat avance de nombreux projets. Pourtant, seule l'école maternelle édifiée en 1963 dans le quartier du Pont Allant, . avec le concours de l'architecte Ecole matern elle d~ Pont Allant Eric Lafitte, témoigne de l'activité Caisse de Sécurité Sociale et d'Allocations de Lurçat dans ce domaine. familiales 14/14