Le Soir d’Algérie Société Vend. 23 - Sam. 24 mai 2008 - PAGE 10 MASCARA Ces enfants privŽs dÕŽcole Dans notre pays la scolarisation des enfants est obligatoire, et pourtant la réalité est tout autre. Combien sont-ils à avoir scolaires qui ont constitué quitté les bancs de l’école un soulagement même si avant la fin du cycle primai- parfois ils ne sont pas utili- re et dans le meilleur des sés rationnellement ou tout cas celui du moyen ? Aussi simplement à d’autres fins, peu nombreux soient-ils, et ceci au gré de ceux qui cela paraît inacceptable en en ont la charge. ce début de troisième mil- A ce propos, nous lénaire. A quelle couche avons à maintes reprises sociale appartiennent-ils entendu des gamins inter- ceux qui à l’âge de sept, peller le premier respon- huit, neuf, douze, treize ou sable de la wilaya à la quinze ans n’ont plus le faveur de son déplacement statut d’élève ? Pour les dans ces contrées. Nous avoir entendus, observés avons aussi vu des enfants autour des marchés ou à parcourir à pied le chemin Trig El Oued, le marché qui les sépare de leur populaire, vendant des école avec ce fardeau sacs en plastique, nous qu’est de nos jours le car-

répondrons sans hésitation table. L’auto-stop est la Photos : Samir Sid que leurs parents sont seule alternative pour Des enfants contraints par les parents à garder le bétail. démunis. C’est aussi le d’autres et ne vous éton- commune de Matmore, un qui ont interrompu leur cela ?» Toujours dans ce moins c’est ce qui ressort cas des nombreux douars nez pas quand vous voyez jeune garçon attire notre scolarité et ce jeudi 15 mai, hameau, la petite Faïrouz des témoignages recueillis. visités. une ribambelle d’enfants à attention. Il est en sandale nous nous trouvons à nous regarde avec un air Ils veulent tous se faire Dans ce type de locali- l’arrière d’un camion. Il n’y et la curiosité le fait appro- Remaïkia, commune de innocent. Elle incarne par- entendre. Comme Hanane, tés, c’est souvent la fille qui a pas de quoi pavoiser. Au cher du cortège officiel. Du , où vivent environ faitement la victime de l’ab- 9 ans, elle a habité avec paie le tribut, être victime fil des années, les choses haut de ses onze ans, il 3 000 âmes. surdité. Sihame, 10 ans, ses parents à Zelamta puis de l’irresponsabilité. A qui se sont pourtant graduel- répondra au wali qu’il n’al- Aux limites d’un champ, dira : «Je n’ai jamais été à la faute ? Les parents ne lement améliorées. Que ce est revenue à Hdjar. Elle lait plus à l’école et qu’il nous abordons la petite l’école.» Quand nous doivent pas être les seuls à soit du côté des monts de n’a jamais été à l’école et l’avait quittée depuis Fatma qui tient un bâton à sommes allés vers ces être montrés du doigt. Les Beni Chougrane elle nous murmure : «J’ai quelques mois. Ce dernier la main. Vas-tu à l’école ? enfants, Djilali était le pre- pouvoirs publics ont aussi (Mohammadia) à Ouled envie d’y aller pour s’adressant au P/APC exi- lui demandons-nous. Non, mier cas que nous avons leur part de responsabilité. Bally et sa périphérie apprendre, mais mon père gera que l’on fasse en répondra-t-elle avec un air rencontré et beaucoup Somme toute, c’est une () à Anatra ne veut pas que j’y aille sorte qu’il y retourne. Dans désolé, et se retourna en d’autres défileront devant démission collective tant (Chorfa), Djebaïlia seule.» la même journée, un cas nous indiquant les mou- nous pour se faire du côté parental que du (Bouhannifia) ou du côté A côté d’elle un garçon similaire a été enregistré à tons. Je les garde confie-t- côté des APC ou du sec- de ou , on a entendre. intervient : «On nous dit . Cette fois, il s’agit elle. Pourquoi ? C’est mon teur de l’éducation. Ce fait du fonctionnement des Lui doit avoir 11 ans souvent que les garçons et de Bachir, âgé de 15 ans, père qui ma demandé de phénomène a surtout pris écoles la priorité des priori- environ et a quitté les les filles…» que nous retrouverons ne plus aller à l’école. Et de l’ampleur lorsque l’insé- tés, côté pouvoirs publics, bancs de l’école en troisiè- Pas besoin de vous dans des haltes succes- pourtant l’école se trouve à curité était totale dans ces même si l’on a dû repous- me année. Il ne connaît faire un dessin sur l’attitu- sives de cette sortie de tra- proximité de chez elle. douars dépeuplés alors à ser à plus tard la réponse à même pas son âge. Les de des parents. Miloud, vail. Sachant que nous La condition de journa- la merci des terroristes. d’autres attentes contraintes souvent évo- Abdellah, Mustapha, étions à la recherche de lier du père peut-elle expli- citoyennes. Dans certaines quées par ces jeunes Mohammed et Chahra sont Des enfants tels cas, c’est un gendar- quer ceci ? C’est le cas écoles et face au nombre enfants sont l’éloignement des enfants pour qui l’éco- sacrifiés me qui nous le montre. plus loin de Sihame, peu élevé d’élèves, on dis- ou l’impraticabilité des che- le est finie malgré eux. La Le déplacement des Ce gamin de 15 ans est 12 ans, qui a fréquenté pense des cours pour mins communaux qui les particularité de cette locali- populations vers la ville a orphelin de mère et de l’école au douar et deux, voire trois niveaux ont poussés par le passé à té est qu’elle est plus généré une perturbation père. Ce dernier était fac- arrêté sa scolarité en pre- dans une même classe. La déserter l’école. proche du CEM de la voire une privation d’école. teur, nous dit-il. Il a arrêté mière année. «J’arrivais en dotation des écoles en Des mesures seront wilaya de Mascara, soit La priorité était manifeste- sa scolarité en troisième retard», tente-t-elle d’expli- cantines a suivi pour bon prises à Ouled Bellil 14 km que celui situé dans ment ailleurs chez certains année primaire. «Je vis quer. Au douar El Kadi, elle nombre d’entre elles. la commune à laquelle parents, plus préoccupés avec mes frères et sœurs n’est apparemment pas la Le douar Gouadih, où Malgré tout, on continue à sont rattachés les citoyens, par le gîte où leur progéni- et nous sommes trois à seule puisqu’un garçon vivent 35 familles environ, relever des cas d’élèves en en l’occurrence Takhmaret. ture était sacrifiée, puis il y avoir quitté l’école», nous nous parle d’autres, en n’est pas exempt de ce rupture avec l’école. Ceux qui le fréquentent eut cette phase de repeu- fait-il savoir. Au moment de nous lançant : «celles-là genre de situation. Il se nous exposent leurs diffi- plement des zones déser- Des victimes nous séparer, il nous lance aussi ont arrêté.» Nous trouve aux limites des fron- cultés relatives au trans- tées au début des années de l’absurdité cette phrase avec nous retrouvons avec cinq tières avec la wilaya de port quand ils rentrent chez 2000. En ce début de mois et émotion : «Je regrette fillettes autour de nous. Tiaret, et c’est là que nous eux le jeudi ou rejoignent Pour avoir parcouru le lors d’une journée pluvieu- aujourd’hui d’avoir quitté L’une d’elles nous pose sommes assaillis par des l’établissement le samedi. territoire de la wilaya de se alors que nous nous l’école.» Nous continuons cette question : «Pourquoi parents qui revendiquent Nous sommes des Mascara, nous avons sou- trouvions à Hamar, dans la à rechercher ces enfants vous nous demandez tout une école pour leurs vent constaté que les pre- enfants. Nous ne connais- internes, nous dira l’un mières doléances des sons pas cette localité de d’eux. Quel sera le sort de habitants étaient de voir Ouled Bellil ou Hdjar qui ces enfants qui ont quitté le rouvertes les écoles, long- est rattachée à la commu- primaire et n’ont pu aller temps abandonnées. Elles ne de Takhmaret, dans la jusqu’au terme du cycle ont rouvert leurs portes wilaya de Tiaret, et des moyen ? Quel sera celui de pour la plupart d’entre elles habitants nous avancent tant d’autres ? au niveau des douars les que 100 familles y vivent. A ce propos, le ministre plus reculés de la wilaya Ici, quelle est la situa- de l’Education avait annon- qui en compte plus de 500. tion des enfants ? cé récemment devant les Ce qui a pu être réhabilité Apparemment des laissés- directeurs du secteur que en ce qui concerne les pour-compte. Un bambin, des mesures seraient écoles l’a été alors que de fils de fellah, nous apprend prises pour enrayer ce nombreux CEM ont été qu’il va à l’école mais les phénomène avec une réalisés pour mettre fin au intempéries ne le permet- coordination APC-éduca- calvaire des enfants tent parfois pas. L’école est tion et que des poursuites contraints de parcourir des située, selon ses déclara- judiciaires pourraient distances éreintantes pour tions, dans un lieu nommé même être envisagées. atteindre leur établisse- Serkla. L’on nous parle de Pour le salut des enfants, ment en l’absence de l’oued que les enfants sont espérons que ceci ne res- ramassage scolaire. Il y contraints de traverser et il tera pas un vœu pieux. eut l’affectation de bus Une situation inacceptable. n’y pas de bus scolaire, du M. Meddeber