Université de Lyon Université lumière Lyon 2 Institut d'Études Politiques de Lyon

La représentation des femmes à la télévision italienne

Léa VULLO Mémoire de Séminaire Violence et médias Sous la direction de : Isabelle Hare (Soutenu le : 5 septembre 2011)

Membres du jury : - Isabelle Hare - Isabelle Garcin-Marrou

Table des matières

Remerciements . . 5 Introduction . . 6 Partie 1 – Du pape au Cavaliere : les paradoxes de la société italienne . . 8 Chapitre 1 – Patriarcat, traditions et Vatican : des freins à l'émancipation des femmes en Italie . . 9 Section 1 – Un tiraillement entre modernité et traditions patriarcales : retour sur les textes et progrès tardifs des dernières décennies . . 9 Section 2 – L'influence du Vatican sur la politique italienne et sur les mœurs : les femmes, premières victimes . . 13 Chapitre 2 – Sexe et utilisation du corps : la réussite socio-professionnelle des femmes dans l'Italie de Berlusconi . . 20 Section 1 – Exhibition et beauté : le modèle de la réussite sociale chez les Italiennes aujourd'hui . . 20 Section 2 – De show-girl à femme politique : le « vélinisme politique » . . 25 Conclusion de la première partie . . 30 Partie 2 – Rôle et représentation de la femme en Italie : entre mythe et réalité . . 32 Chapitre 1 – Discours littéraire et discours médiatique : la transmission du stéréotype de la « femme idéale »... . . 32 Section 1 – La femme dans la littérature italienne . . 33 Section 2 – Le discours médiatique : une différenciation genrée inévitable . . 38 Chapitre 2 - … Mais une réalité tout autre : la « rébellion » du 13 février 2011 . . 44 Section 1 – Berlusconi, blagues sexistes et médias . . 45 Section 2 – La manifestation du 13 février et le mouvement « Se Non Ora Quando ? »119 . . 49 Conclusion de la deuxième partie . . 53 Partie 3 – Femmes et télévision en Italie : érotisme, jeunisme et mutisme . . 55 Chapitre 1 – L'objectification du corps féminin par l'érotisation . . 56 Section 1 – La caméra : le corps féminin sous toutes ses coutures . . 56 Section 2 – Une confrontation récurrente entre les physiques masculins et féminins mise en scène à la télévision italienne . . 61 Chapitre 2 – Rôles et processus de domination . . 66 Section 1 – Homme puissant et femme subordonnée : discours, rôles et comportements à la télévision italienne . . 67 Section 2 – Similitudes et différences : une comparaison entre la télévision italienne et la télévision française : le cas de la Roue de la Fortune . . 72 Conclusion de la troisième partie . . 76 Conclusion . . 78 Bibliographie . . 79 Revues, articles, rapports . . 79 Ouvrages . . 79 Ouvrages en italien . . 79 Ouvrages en français . . 80 Sites internet . . 81 Annexes . . 82 Première annexe . . 82 Traduction de l'article tiré de La Stampa sur le RU 486 . . 82 Seconde annexe . . 83 Traduction de l'article de la Repubblica Web sur l'ambition des jeunes filles à devenir veline . . 83 Troisième annexe . . 86 Traduction de l'article tiré de Corriere della Sera relatif aux propos de Mara Carfagna sur les quotas féminins . . 86 Quatrième annexe . . 87 Discours de Flavia Vento lors de la fête de la Margherita (28/09/04) . . 87 Cinquième annexe . . 88 Traduction de l'article tiré de Corriere della Sera sur les veline en politique et leurs relations avec le Président du Conseil . . 88 Sixième annexe . . 90 Traduction de l'article tiré de La Repubblica sur des violences faites aux femmes qualifiées de « crimes passionnels » . . 90 Septième annexe . . 92 Les blagues de classées selon leur thème . . 92 Huitième annexe . . 93 Traduction de l'article tiré de Corriere della Sera, relatif à l'infantilisation des ministres de sexe féminin de la part de Silvio Berlusconi . . 93 Neuvième annexe . . 94 Traduction de l'article de la Repubblica sur la défense de Silvio Berlusconi durant le Rubygate . . 95 Berlusconi se défend : « Trente-trois femmes, c'est trop pour moi ». Et attaque : « J'irai me défendre à la télévision, et je serai présent à toutes les audiences ». L'explication : « Il y avait toujours ma petite amie près de moi ». . . 95 Dixième annexe . . 97 Traduction de l'article extrait de Il Fatto Quotidiano sur le retour des journaux télévisés à propos de la manifestation de femmes du 13 février 2011 . . 97 Onzième annexe . . 98 Grille d'analyse des différentes émissions : . . 98 Douzième annexe . . 99 Traduction des extraits vidéo de Striscia la Notizia () . . 99 Treizième annexe . . 101 Traduction des extraits vidéo de Prendere o Lasciare () . . 101 Quatorzième annexe . . 104 Traduction des extraits vidéo de Il Mercante in Fiera . . 104 Quinzième annexe . . 105 Traduction des extraits vidéo de Apprescindere () . . 105 Seizième annexe . . 106 Traduction des extraits vidéos de la Ruota della Fortuna (Italia 1) . . 107 Remerciements

Remerciements Je tiens à remercier Isabelle Hare et Isabelle Garcin-Marrou pour les conseils et l'aide précieuse qu'elles m'ont apporté tout au long de l'année. Je remercie également Marcello De Caro de m'avoir soutenue dans ce projet de mémoire et de m'avoir apportée des informations supplémentaires utiles à mes recherches. Enfin, un grand merci également à mes amies et amis rencontré-e-s lors de mon année d'Erasmus à Rome, qui se sont prêté-e-s à des débats et qui ont répondu à mes nombreuses questions sur l'image des femmes à la télévision italienne : Jessie, Garance, Julia, Lorena, Sonia, Claudia, Annarita, Lukas, Mauro, Gianni, Claudio, Felice...

5 La représentation des femmes à la télévision italienne

Introduction

Un homme élégamment vêtu et un peu enveloppé s'adresse en souriant à la caméra, l'air sympathique et jovial. Il se retourne, appelle quelqu'un. La caméra zoome sur une échelle, de laquelle descend une jeune femme d'une vingtaine d'années. Elle porte une petite jupette bleue qui lui arrive à mi-fesses, dévoilant des sous-vêtements blancs peu couvrants. La caméra se place au-dessous d'elle, se rapprochant et adoptant ses mouvements, offrant ainsi une pleine vue au téléspectateur sur son intimité. Il est environ 20 heures, nous sommes en Italie, devant le jeu télévisé Prendere o Lasciare, diffusé sur la chaîne de télévision Italia 1. C'est au cours de la même période (à la fin de l'année 2009) que paraissent de nombreux et controversés articles dans la presse nationale sur une jeune femme provenant de Bari, la première à utiliser la pilule abortive RU 486 en Italie. Le point de départ de ce travail de recherche est donc le constat d'un pays entretenant une relation particulière avec le genre féminin, tant au niveau de la société qu'au niveau des médias. D'un côté, une vision répétitive, quasi obsessionnelle du corps des femmes dans leur intimité à la télévision. Qu'importe la chaîne de télévision, le format de l'émission, son sujet, ou son but... La présence d'une femme dénudée ou muette semble être une évidence, voire une norme dans la très grande majorité des émissions proposées. Une représentation télévisuelle de la femme souvent considérée comme aberrante pour les étrangers amenés à allumer la télévision en Italie, mais ressentie par les Italiens, habitués à regarder de telles images depuis leur plus jeune âge, comme une manifestation normale, banale de la femme dans la sphère audiovisuelle. D'un autre côté, un retard accumulé dans l'accès des femmes à leurs droits fondamentaux et à la liberté de disposer de leur corps, et une influence toujours omniprésente de l'État du Vatican dans une démocratie européenne moderne. Ce travail ne s'est pas fait dans la perspective d'une déconstruction pure du genre, telle que l'entend par exemple Judith Butler, bien que ses outils d'analyse aient participé à une compréhension de la tendance naturaliste de la société italienne à l'égard des femmes (notamment en ce qui concerne leur rôle maternel). Il est une mise en relation d'éléments caractérisant une société avec le plus important et le plus puissant de ses médias, la télévision, dans une perspective féministe. La problématisation de telles observations est donc simple et se base sur la reconnaissance d'un lien extrêmement ténu entre le « traitement » des femmes dans la société italienne en général et leur traitement médiatique, et particulièrement, télévisuel. La principale interrogation face à cette spécificité de la société et des médias italiens dans leur relation avec le genre féminin est donc la suivante : l'image et la représentation des femmes à la télévision découlent-elles directement d'une vision et d'un rôle assignés aux femmes dans la société italienne ? La société italienne est très complexe, de par son histoire (une unité tardive...), son régionalisme exacerbé ou encore la présence toujours plus importante du Vatican malgré les transformations des sociétés occidentales des dernières décennies, et est également connue pour ses paradoxes et contradictions, dont les femmes sont la première représentation. La télévision italienne et l'image de la femme qu'elle véhicule sont souvent perçues de manière très négative par les autres pays européens, mais une analyse

6 Introduction

et une étude approfondie de ce traitement médiatique du genre féminin s'avère essentielle pour comprendre cette « anomalie ». La première difficulté de l'analyse demeure dans la visibilité restreinte du traitement d'un tel sujet en Italie, et encore plus en France. Seules quelques auteures et professeures italiennes abordent la question des femmes dans les médias et la récurrence du modèle de la velina, cette jeune femme dénudée présente partout à la télévision italienne, et aucun livre n'est traduit en français. Le phénomène de la velina était par ailleurs, avant la manifestation des Italiennes survenue en février dernier, quasiment inconnu en France. Une autre difficulté, qui demeure encore aujourd'hui, malgré l'augmentation des voix discordantes, est le tabou qui règne en Italie sur le sujet. De plus en plus de critiques se font entendre sur les veline, sans que le monde de la télévision ne prenne de mesures pour réduire leur visibilité. Un exemple de ce tabou est la réaction des présentateurs de Striscia la Notizia, émission connue pour avoir lancé la mode les veline à la télévision italienne, face aux critiques contre les propres veline de l'émission : il a ainsi été annoncé que les deux jeunes femmes seraient supprimées du programme seulement si la Rai arrêtait de diffuser Miss Italia. Leur réaction particulièrement violente face aux critiques de Lorella Zanardo, auteure du documentaire et du livre Il Corpo delle Donne, est une des illustrations de la controverse qui existe sur ce sujet et de l'attachement du monde de la télévision à la figure de la velina. Pour répondre au mieux à la question portant sur ce lien entre la société et la télévision italienne dans leurs relations avec le genre féminin, un regard d'ensemble sur les paradoxes caractérisant la société Italienne est nécessaire dans un premier temps. Il est indispensable d'étudier et de prendre conscience de la spécificité et de la complexité de la société italienne à travers la cohabitation d'une Italie influencée par le Vatican et les traditions patriarcales (qui ont eu pour résultat des retards dans l'émancipation des femmes) et une Italie berlusconienne, où le culte du corps et de la beauté féminine prévalent. La diffusion de stéréotypes portant sur le genre féminin, autant dans le discours littéraire que dans le discours médiatique en général est également une donnée importante nécessitant une analyse approfondie, dans un second temps. Les répartitions des rôles et des fonctions suivant le sexe, dans la littérature et dans les médias, est ainsi une piste essentielle de l'analyse. Enfin, un intérêt tout particulier sera porté sur l'analyse d'extraits de vidéos provenant de différentes émissions de télévision italiennes, avec une ouverture sur la France et le constat d'une domination masculine à la télévision ailleurs qu'en Italie. Une telle analyse permettra ainsi d'établir quel est le lien entre la société et la télévision italienne et quel impact cela engendre l'une pour l'autre.

7 La représentation des femmes à la télévision italienne

Partie 1 – Du pape au Cavaliere : les paradoxes de la société italienne

La société italienne est remplie de modèles contradictoires, comme le montre la coexistence du pape et de Silvio Berlusconi qui sont clairement deux personnages en tous points opposés. D'anciennes traditions patriarcales et catholiques, encore visibles dans les grands textes régissant le Bel Paese, comme la Constitution, cohabitent avec les veline, ces célèbres jeunes femmes dénudées qui ont colonisé le petit écran au cours des vingt dernières années, et qui commencent peu à peu à coloniser le monde de la politique. Si l'on suit la tendance traditionaliste de la société italienne, la femme se doit d'être une mère admirable, se sacrifiant pour ses enfants et son époux, ou une jeune vierge ayant conscience de l'importance du mariage et de la vie. En revanche, si l'on suit l'idée que Silvio Berlusconi se fait de la femme, idée largement exposée par l'intermédiaire des médias, celle-ci se doit avant tout d'être disponible pour l'homme ; elle est clairement un objet de désir et est incitée à « miser » sur son corps pour parvenir à la réussite sociale. C'est selon la philosophe Michela Marzano une contradiction récurrente en Italie, la contradiction « Madonne e puttane »1. La journaliste Caterina Soffici tente avec des mots simples de résumer une situation qui semble proche de la schizophrénie en Italie : « Da una parte c'è l'Italia porcellona dove una minorenne viene spinta a vendere il suo corpo per fare carriera e si fa fotografare in pose volgari e sessualmente ammiccanti, e dall'altra parte l'Italia clericale che si mette il velo in testa e sbandiera il vessillo della verginità e della purezza. L'aspirante velina e l'aspirante vergine convivono nello stesso corpo, che ha come unico destinatario l'uomo, fruitore finale di tali grazie. La tentatrice e la madonna.»2 Nous allons ainsi voir comment se manifeste ces contradictions, entre l'Italie du pape et l'Italie du Cavaliere : quels ont été les retards dans les avancées pour les droits des femmes, quelle est la situation actuelle des jeunes femmes, poussées à exhiber leur intimité pour s'accomplir socialement... Et comment ces deux « systèmes » parviennent à cohabiter au sein d'une seule et même société.

1 Michela MARZANO, Sii bella e stai zitta, Ed. Mondadori, , 2010, p.39. 2 « Il y a d'une part l'Italie dépravée où une mineure est poussée à vendre son corps pour faire carrière et se fait photographier dans des poses vulgaires et sexuellement explicites, et d'autre part une Italie cléricale qui se couvre la tête d'un voile et brandit l'étendard de la virginité et de la pureté. L'aspirante velina et l'aspirante vierge vivent dans le même corps, qui a pour unique destinataire l'homme, consommateur final de telles grâces. La tentatrice et la madone. », Caterina SOFFICI, Ma le Donne No, Ed. Feltrinelli, p.138. 8 Partie 1 – Du pape au Cavaliere : les paradoxes de la société italienne

Chapitre 1 – Patriarcat, traditions et Vatican : des freins à l'émancipation des femmes en Italie

Malgré de grandes avancées constatées dans le domaine des droits des femmes ces dernières décennies, notamment avec l’accès à la contraception, au divorce et à l’avortement, l’Italie semble demeurer un pays en retard sur de nombreux points. Lorsque l’on compare le pays à ses voisins européens, comme par exemple l’Espagne, très influencée également par une culture traditionnelle issue d’un fervent catholicisme, l’Italie semble accumuler de nombreux retards au niveau des avancées constitutionnelles et pénales, mais également au niveau de la séparation effective entre l'Église et l'État. La perpétuation d’une culture patriarcale fondée sur le catholicisme influence grandement la vision du rôle et des responsabilités des femmes qu’ont les médias, les hommes politiques et la société italienne en général. Aujourd’hui considérée comme l’un des pays les plus puissants au monde, l’Italie semble hésiter entre la modernité (parfois imposée au niveau européen et international) et la tradition patriarcale et catholique, largement issue des idées du Vatican...

Section 1 – Un tiraillement entre modernité et traditions patriarcales : retour sur les textes et progrès tardifs des dernières décennies

L'Italie a depuis de nombreuses années et de par le monde acquis une réputation de 3 pays « le plus machiste d'Europe » (ainsi le qualifie Caterina Soffici ), s'appuyant sur de vieilles traditions chrétiennes et patriarcales et faisant de la famille l'institution suprême et la base du pays. Une situation que ne connaitraient plus aujourd'hui ses voisins européens comme la France. Il n'est cependant pas utile de se baser sur des clichés souvent peu représentatifs de la réalité des choses pour résumer la situation que connaissent les femmes italiennes actuellement. En effet, l'Italie fait partie des Nations unies, a été l'un des six pays fondateurs de la Communauté européenne et est aujourd'hui l'un des huit pays du monde les plus développés. En ce sens, elle se doit donc de respecter certaines règles et lois édictées en matière de lutte contre les discriminations sexistes et de respect des droits des femmes, aussi bien à des niveaux nationaux qu'internationaux. Elle s'est par ailleurs officiellement engagée dans ce domaine d'action en signant notamment la Convention de l'ONU sur l'élimination de toute discrimination contre les femmes (CEDAW) en 1985, qui vise à « élargir la conception que l'on a des droits de l'Homme, car [la Convention] reconnaît officiellement que la culture et la tradition peuvent contribuer à restreindre l'exercice, par les femmes, de leurs droits fondamentaux. Ces influences se manifestant sous forme de stéréotypes, d'habitudes et de normes qui donnent naissance à la multitude des contraintes juridiques, politiques et 4 économiques qui freinent le progrès des femmes »

3 Caterina SOFFICI, Ma le Donne No, Ed. Feltrinelli, Milan. 4 http://www.un.org/womenwatch/daw/cedaw/text/fconvention.htm 9 La représentation des femmes à la télévision italienne

Malgré cet engagement de l'État italien à l'échelle internationale, le pays a paradoxalement accumulé de nombreux retards au niveau interne, qui ont fortement affecté l'évolution des mentalités à l'égard des femmes, de leurs droits et de leur rôle dans la société. Ainsi, outre les batailles pour obtenir le droit de vote (en 1946, mais en étaient exclues les prostituées n'exerçant pas dans les maisons closes), le droit au divorce (en 1970, confirmé par référendum en 1974), le droit à la contraception (en 1971) et le droit à l'avortement (obtenu en 1978 et confirmé par référendum en 1981), les femmes italiennes ont dû attendre de nombreuses années pour voir des siècles de traditions patriarcales, considérant notamment leur corps comme propriété de l'État (en cas de viol, la société était lésée, non la femme, par exemple) disparaître.

Le code pénal C'est en 1981 qu'est finalement abrogé un article majeur du Codice Rocco, le code pénal italien. Cet article, n°544, stipulait ainsi : « Causa speciale di estinzione del reato. Per i delitti preveduti dal capo primo e dall'articolo 530, il matrimonio, che l'autore del reato contragga con la persona offesa, estingue il reato, anche riguardo a coloro che sono concorsi nel reato medesimo; e, se vi è stata condanna, ne cessano l'esecuzione e gli effetti penali » 5 . L'article, issu de traditions patriarcales datant des années 30, présentait le viol d'une femme, majeure ou non, non pas comme un crime contre une personne mais comme la perte d'honneur de celle-ci et de sa famille entière, honneur pouvant être récupéré par un mariage avec l'agresseur, sans prise en compte de la souffrance subie par la victime. Seize années se sont ainsi écoulées entre la première dénonciation de ce principe de « mariage réparateur » par Franca Viola, violée en 1965 à l'âge de 17 ans par un prétendant éconduit qui espérait ainsi l'épouser, et l'abrogation de l'article. Dans la continuité de l'abrogation de cet article 544, un autre article, le n°587 du même code pénal, abroge la particularité du délit dit « d'honneur » : « Omicidio e lesione personale a causa di onore. Chiunque cagiona la morte del coniuge, della figlia o della sorella, nell'atto in cui ne scopre la illegittima relazione carnale e nello stato d'ira determinato dall'offesa recata all'onor suo o della famiglia, è punito con la reclusione da tre a sette anni. Alla stessa pena soggiace chi, nelle dette circostanze, cagiona la morte della persona, che sia in illegittima relazione carnale col coniuge, con la figlia o con la sorella (...) » 6

5 http://www.altalex.com/index.php?idnot=36770 « Cause spéciale d'extinction d'un délit. Pour les délits prévus par le chapitre premier [délits contre la liberté sexuelle] et par l'article 530 [corruption de mineurs] le mariage, que l'auteur du délit contracte avec la personne offensée, éteint le délit, également pour les personnes ayant contribué au même délit ; et, s'il y a eu condamnation, l'exécution et les effets pénaux cessent ». 6 http://www.altalex.com/index.php?idnot=36774 « Homicides et dommages personnels pour cause d'honneur. Quiconque cause la mort du conjoint, de la fille ou de la sœur dans l'acte de découverte de relations sexuelles illégitimes et dans l'état de colère provoqué par l'offense portée à l'honneur personnel ou de la famille, est puni d'une réclusion de trois à sept ans. Est puni de la même peine qui, dans les dites circonstances, cause la mort de la personne ayant des relations sexuelles illégitimes avec le conjoint, la fille ou la sœur. » 10 Partie 1 – Du pape au Cavaliere : les paradoxes de la société italienne

Comme le montre cet article, trente années auparavant, quiconque commettait un crime d'honneur bénéficiait donc en Italie d'une peine réduite (comme dans des pays ne respectant pas les droits des femmes, tels que l'Iran aujourd'hui), qui souvent, était inférieure à trois ans, le minimum requis par cet article 587. Cela avait notamment été le cas de Luigi Millefiorini , qui tua sa femme en 1954. Condamné dans un premier temps à trois ans et demi de prison, sa peine fut abaissée à sept mois de réclusion en appel 7 . En revanche, les cas de meurtre à l'encontre de l'époux de la part d'une femme ne sont pas répertoriés. Caterina Soffici affirme que dans ces cas particuliers, une peine de réclusion criminelle à perpétuité était prononcée contre celle qui avait tué son mari pour cause d'adultère 8 . Il est à noter que l'article, neutre en ce qui concerne le meurtre des conjoints (il pouvait aussi bien s'appliquer à l'épouse qu'au mari, bien que l'histoire ait montré que les femmes ont été beaucoup plus souvent les victimes de cette loi), cite « la fille » et « la sœur », sans évoquer une seule fois « le fils » ou « le frère », témoignant donc d'une discrimination majeure à l'égard du sexe féminin. L'adultère de la femme ayant été considéré jusqu'en 1968 comme passible de prison ferme (jusqu'à deux années, tandis que l'homme adultère était condamné uniquement si ses actes portaient atteinte à l'honneur de la famille), une femme ayant des relations extra-conjugales risquait soit la mort, soit la prison. Cette différence de traitement pénalisante pour les femmes et qui a subsisté pendant de nombreuses années était pourtant contraire à l'article 3 de la Constitution italienne entrée en vigueur en 1948. Celui-ci stipule notamment que tous les citoyens sont égaux devant la loi et disposent de la même dignité sociale qu'importe leur sexe, et qu'il est du devoir de la République de veiller à ce que les barrières économiques et sociales empêchant une pleine égalité entre les citoyens soient levées. De même, avant la loi n°66 du 15 février 1996, le viol et les violences sexuelles en général n'étaient pas considérés en Italie comme des crimes contre une personne mais comme des délits contre la morale de la famille et la société, comme le stipulait le Codice Rocco .

La Constitution La Constitution italienne elle-même, base de toute loi du pays, garde les stigmates de l'époque à laquelle elle a été écrite. Cela s'explique en partie par le manque de femmes présentes à l'Assemblée Constituante (vingt et une femmes sur cinq-cent cinquante-six personnes) et également par le rôle de « vigilance » (et non de proposition d'articles) qu'elles ont tenu dans la formulation des articles 9 . Malgré des révisions constitutionnelles qui ont permis aux femmes de gagner du terrain en termes de parité, comme la réforme de 1963 leur permettant d'accéder aux carrières publiques, ou la réforme majeure du droit de la famille en 1975 (qui établit notamment la parité des conjoints), certains articles restent troublants dans leur formulation et laissent penser à une différenciation marquée des deux sexes, notamment dans la sphère familiale. C'est en particulier le cas des articles 29 et 37 : 7 http://www.storiaproibita.it/blog/?p=34 8 Ma le Donne No, Come si vive nel paese più maschilista d'Europa, Caterina Soffici, Ed. Feltrinelli, 2010, p.22 9 Maria Federici, qui avait fait partie du groupe de femmes élues à l'Assemblée Constituante, avait d'ailleurs affirmé : « La donna non avrebbe nella Costituzione il posto che vi ha, se non vi fosse stato alla Costituente quel gruppo di donne... » (« La femme n'aurait pas eu dans la Constitution le rôle qu'elle y a s'il n'y avait pas eu ce groupe de femmes à la Constituante... »), Marina GIGANTE, I Diritti delle Donne nella Costituzione, Ed. Editoriale Scientifica, Milan, 2007, p.26. 11 La représentation des femmes à la télévision italienne

Ainsi, selon l'article 29 : « La Repubblica riconosce i diritti della famiglia come società naturale fondata sul matrimonio. Il matrimonio è ordinato sull'eguaglianza morale e giuridica dei 10 coniugi, con i limiti stabiliti dalla legge a garanzia dell'unità familiare » . Malgré la proclamation de l'égalité des droits et des devoirs entre les deux époux (avant la réforme du droit de la famille de 1975, le père était le seul détenteur de l'autorité parentale et possédait également l'autorité maritale), l'article trouve une limite dans cette affirmation : celle de la garantie de l'unité familiale, qui, comme cela est rappelé dans les premières lignes de l'article, est fondée avant tout sur le mariage. On parle ainsi d'exceptions au principe d'égalité des conjoints, et même si celles-ci ne doivent s'appliquer qu'en certaines circonstances, cela n'empêche pas leur interprétation différente d'une personne à l'autre. Dans tous les cas, l'unité familiale reste la valeur dominante aux yeux de la Constitution italienne et peut justifier une inégalité entre les époux. Quant à l'article 37, il stipule que : « La donna lavoratrice ha gli stessi diritti e, a parità di lavoro, le stesse retribuzioni che spettano al lavoratore. Le condizioni di lavoro devono consentire l'adempimento della sua essenziale funzione familiare e assicurare alla madre e al bambino una speciale adeguata protezione » 11 . L'article définit la femme comme une personne ayant une « fonction familiale essentielle », donc une importance majeure au sein de la cellule familiale, fondée en grande partie sur sa capacité à engendrer des enfants. Cela lui conférerait des compétences particulières, considérées comme « naturelles » sur la manière de les élever et de les éduquer, compétences que les hommes ne posséderaient pas. Un certain anachronisme ressort de l'étude de cet article, qui semble ainsi favoriser la maternité, en lui donnant une protection spécifique (au même rang que l'enfance elle-même), au détriment de l'égalité des parents, égalité qui pourrait s'exprimer par l'affirmation d'une protection de la parentalité en général. De plus, en survalorisant les « fonctions familiales » de la femme par rapport à ses compétences de travailleuse, l'article 37 induit que la force de travail féminine serait inférieure à celle masculine et que le salaire des femmes ayant eu des enfants ne serait qu'un appoint par rapport à celui de l'homme. Si cela pouvait être le cas au moment de la rédaction de la Constitution italienne, à l'aube des années 50, il n'en va pas de même aujourd'hui : les femmes représentent une large part de la population active (même si le taux des femmes actives italiennes est le plus bas de l'Union européenne après Malte 12 ) et touchent le même salaire que les hommes pour un même travail (d'après les textes, qui sont rarement appliqués, tout comme en France).

10 http://www.governo.it/Governo/Costituzione/1_titolo2.html « La République reconnaît le droit de la famille comme société naturelle fondée sur le mariage. » « Le mariage est fondé sur l'égalité morale et juridique des époux, dans les limites établies par la loi pour assurer l'unité familiale. » 11 http://www.governo.it/Governo/Costituzione/1_titolo3.html « La femme qui travaille a les mêmes droits, et, à travail égal, la même rétribution qui incombent au travailleur. Les conditions de travail doivent consentir l'adaptation de son essentielle fonction familiale et assurer à la mère et à l'enfant une protection spéciale et adaptée. » 12 46,60% des femmes italiennes entre 15 et 64 ans travaillent (contre 68,60% des hommes). La moyenne européenne est de 58,60%. Courrier International n°1061, dossier Italie, extrait de MicroMega, p.23. 12 Partie 1 – Du pape au Cavaliere : les paradoxes de la société italienne

Ces derniers articles mettent donc en lumière une façon très traditionnelle de penser le rôle de la femme, qui serait avant tout responsable de l'éducation et du bien-être affectif des enfants au sein de la cellule familiale. Malgré des progrès observés ces dernières années en ce qui concerne l'acquisition de plus de droits de la part des femmes en Italie, de nombreux retards demeurent aujourd'hui. Le pays peine encore à accepter que les femmes puissent avoir un rôle conséquent en-dehors de la famille. Des réformes doivent encore être entreprises, notamment au niveau politique, pour respecter les exigences européennes : aucun quota de femme n'est imposé au Parlement en Italie, ce qui en fait l'un des pays de l'Union européenne où la représentation des femmes en politique est la plus basse. Cette vision du rôle de la femme, extrêmement présente dans le pays au point de laisser inchangés les textes constitutionnels, est très largement influencée par le Vatican et les valeurs traditionnelles chrétiennes de la famille qu'il véhicule, jusqu'à en influencer les politiques...

Section 2 – L'influence du Vatican sur la politique italienne et sur les mœurs : les femmes, premières victimes Par sa position géographique spécifique, le Vatican a des relations privilégiées avec l'Italie et notamment avec les gouvernements qui se sont succédés depuis son indépendance 13 effective en 1929 . Malgré l'affirmation de la séparation de l'Église et de l'État dans l'article 7 de la Constitution italienne, donc de la non-reconnaissance des lois catholiques par le gouvernement italien, l'État pontifical n'a de cesse d'exercer son influence sur la politique italienne et sur les mœurs de la population. Manlio Graziano explique ce rapport privilégié entre catholicisme et formation du 14 sentiment d'appartenance nationale en Italie par quatre tendances différentes : dans un premier temps, certains considèrent que la religion catholique est l'élément majeur de l'identité italienne, qui a permis la constitution de cette identité nationale récente. Dans un second temps, d'autres considèrent que le catholicisme, sans être l'élément principal de l'identité nationale italienne, joue un rôle important dans la construction de celle-ci ; c'est cette vision qui prime le plus souvent dans la politique italienne. Dans un troisième temps, d'autres encore pensent au contraire que c'est la religion catholique qui a entravé (et qui entrave encore) la mise en place d'une identité nationale forte, partagée par l'ensemble de la population italienne. Enfin, il y a ceux qui estiment qu'une opposition nette s'est formée entre religion et identité nationale en Italie. Les dirigeants, qu'ils soient de droite ou de gauche, qu'ils aient une vie privée irréprochable ou parsemée de scandales financiers ou sexuels, « pactisent » avec le pape, recherchent son approbation dans la mise en œuvre de certains projets de loi (conformément à l'idée d'association entre identité italienne et identité catholique, définie par Graziano). Dans son livre Il Corpo delle Donne, Lorella Zanardo fait d'ailleurs remarquer que l'Église, tant qu'elle conserve sa sphère d'influence dans le monde politique, n'est pas très regardante quant à la morale du gouvernement (et plus particulièrement, des gouvernements conservateurs, qu'elle s'efforce de soutenir, car partage avec eux des valeurs communes sur les valeurs familiales et l'avortement) : la forme semble en effet plus importante que le fond. Ainsi, le pape Benoît XVI et Silvio Berlusconi se sont rencontrés en 13 Accords du Latran entre Mussolini et le cardinal Gasparri signés le 11 février 1929. 14 Manlio GRAZIANO, Identité catholique et identité italienne, Ed. L'Harmattan, Paris, 2007, p.125. 13 La représentation des femmes à la télévision italienne

2009 afin d'échanger sur des sujets tels que l'importance des valeurs familiales, alors que quelques temps auparavant, le quotidien espagnol El Pa í s publiait les photographies des fêtes orgiaques du même Berlusconi dans sa villa sarde. Les femmes sont le plus souvent les premières à pâtir de cette forte influence religieuse qui n'a pas lieu d'être dans un pays se déclarant laïc comme l'Italie. Le Vatican est en grande partie responsable du retard des avancées dans l'émancipation des femmes italiennes 15 aujourd'hui : ses prises de position sur la contraception, le divorce, les valeurs familiales (et, en particulier, le rôle de la mère dans la famille), la fécondation assistée et sa régulière remise en cause de la legge 194 (loi légalisant l'avortement) contribuent aux difficultés que rencontrent les femmes italiennes à faire valoir leurs droits.

Bioéthique et avortement : une « invasion » cléricale Pour illustrer cette ingérence de l'État pontifical sur la politique italienne, il est possible de se référer à des affaires récentes, qui ont touché en particulier le contrôle de la procréation et du corps des femmes. Ces exemples de l'influence du Vatican sur la politique italienne sont d'autant plus représentatifs de la persistance de ce phénomène à une époque où les pratiques religieuses catholiques sont en diminution. La mise en place d'une loi extrêmement restrictive encadrant la procréation assistée en 2004 a été considérée comme particulièrement rétrograde au regard de la dignité et du respect du corps de la femme. La dite loi freine nettement les possibilités qui s'ouvrent à elles d'avoir recours à ce procédé, et met également en danger le droit à l'avortement car sépare l'embryon du corps de la femme qui le porte, lui donnant une personnalité propre. Cette loi, (legge 40 – loi n°40 –) promulguée malgré une vive opposition le 19 février 2004 est qualifiée d'inédite en Europe : des pays pourtant connus pour leur fervent catholicisme, tels que l'Espagne, n'ont jamais atteint un tel degré de réglementation. La legge 40 est considérée par de nombreux Italiens et Italiennes non seulement comme une atteinte aux libertés des femmes à disposer de leur corps et à répondre à leur liberté de concevoir un enfant, mais également comme une atteinte à la laïcité. Le Vatican a en effet pesé de tout son poids pour l'adoption d'une loi encadrant la procréation assistée, arguant la valeur de « l'inviolabilité 16 de la vie humaine » . Le lobby de l'Église catholique s'est montré très présent lors des débats houleux qui ont eu lieu lors de l'adoption de la loi (notamment par l'intermédiaire du Forum delle Associazioni familiari, qui influence les parlementaires), et a fortement appuyé les parlementaires catholiques de droite pour une adoption rapide de la legge 40, pourtant très fortement rejetée par bon nombre d'hommes et de femmes politiques. Le texte de loi ne s'adapte pas aux progrès scientifiques qui ont été faits ces dernières années ; ainsi, le pays qui avait vu accoucher en 1994 une madre-nonna (« mère-grand-mère ») de plus de 60 ans, Rosanna della Corte de Canino, s'est aligné sur la pensée dominante du souverain pontife selon laquelle la fécondation non naturelle serait illicite ou adultère (dans le cas de gamètes hétérologues, dont le recours est interdit par cette nouvelle loi). La loi instaure notamment une protection de l'embryon, interdisant ainsi toute expérimentation sur les embryons humains, l'eugénisme, la congélation et la destruction des embryons, ainsi que la réduction des grossesses multiples (sauf cas exceptionnels). Le diagnostique pré-implantatoire lui-même n'est pas autorisé par la loi car constitue une modification du patrimoine génétique de l'embryon, alors même qu'il est d'une importance 15 Dans Veline, Nyokke e Cilici, Giovanna CAMPANI parle de « backlash » contre les femmes de la part du Vatican. 16 Evangelium Vitae, Lettre encyclique du Souverain pontife Jean-Paul II sur la valeur et l'inviolabilité de la vie humaine. 14 Partie 1 – Du pape au Cavaliere : les paradoxes de la société italienne

capitale pour la dignité et la santé des femmes, qui ont le droit de connaître les risques qu'encoure leur futur enfant, et qui pourraient ainsi éviter un avortement futur. La femme est donc considérée par la loi comme passive, n'ayant aucune décision à prendre sur un phénomène touchant son propre corps. L'article 14-3, est un exemple de cette passivité imposée : « (…) il trasferimento nell'utero degli embrioni non risulti possibile per grave e documentata causa di forza maggiore relativa allo stato di salute della donna non prevedibile al momento della fecondazione è consentita la crioconservazione degli embrioni stessi fino alla data del trasferimento, da realizzare non appena possibile. » 17 Ces différents aspects de la loi, dont l'apparition d'une personnalité de l'embryon distincte de la femme qui le porte, lui donnant quasiment autant de droits (si ce n'est plus) qu'elle, entrent ainsi en conformité avec le « droit à la vie » revendiqué par le souverain pontife : un droit s'appliquant dès la conception, au détriment des décisions des femmes. Plus récemment, et dans son habituel rejet de la legge 194 (loi n°194) qui a autorisé l'avortement en Italie, le Vatican s'est opposé à la mise à disposition de la pilule abortive pour les femmes souhaitant avorter par méthode médicamenteuse. Cette pilule a été mise sur le marché en France en 1988, tandis que l'Italie a dû attendre juillet 2009 pour finalement autoriser ce nouveau moyen de mettre fin à une grossesse non désirée. L'une des principales raisons de ce retard propre à l'Italie (la grande majorité des pays membres de l'Union européenne ont adopté cette pilule dès 1999, dont la Grèce et l'Espagne, où la religion tient également une place importante dans la société) était l'opposition du Vatican et de nombreuses figures politiques catholiques, parfois également opposées à l'avortement chirurgical. La méthode médicamenteuse leur paraissait en effet dédramatiser l'avortement, le faisant passer pour un geste insignifiant et banal, dans une optique de culpabilisation des femmes qui y ont recours. Certains absolutistes moraux arguent que l'avortement médicamenteux ne devrait pas être consenti car justement pas assez traumatisant pour les femmes qui le subissent, leur refusant ainsi un service essentiel, au nom du droit à la vie de l'embryon. En effet, l'avortement chirurgical est plus invasif pour le corps des femmes et considéré comme 18 plus brutal et violent d'un point de vue psychologique . C'est une position que partage Eugenia Roccella, sous-secrétaire au Ministère de la Santé italien, jouant donc un rôle important au sein du gouvernement, ex-féministe devenue une très fervente catholique. Dans un livre intitulé La Favola dell'aborto facile. Miti e realtà della pillola RU 486 (« Le conte de l'avortement facile. Mythes et réalité de la pilule RU 486 »),Eugenia Roccella tente de présenter l'avortement médicamenteux comme plus dangereux pour la santé (se contredisant ainsi, puisqu'elle soutenait que la commercialisation du RU 486 en Italie équivaudrait à la banalisation de l'avortement) : elle y liste des effets secondaires dévastateurs, dont la mort, afin de convaincre les femmes de ne pas y avoir recours. En cela, elle est contredite par Michela Marzano, qui prend pour exemple les statistiques françaises : depuis la mise en place de la pilule RU 486 en France, les complications post-avortement

17 « (…) Dans le cas d'une impossibilité de transfert des embryons dans l'utérus, due à un cas de force majeur grave et documenté, relatif à l'état de santé de la femme et non prévu au moment de la fécondation, la congélation des embryons est consentie jusqu'à la date de l'implantation, à réaliser dès que possible ». Cet alinéa de l'article 14 a été considéré illégitime par la Cour constitutionnelle en avril 2009. 18 Europaquotidiano.it : 14/08/09 : « Abortirai con dolore » (« Tu avorteras dans la douleur »), Roberto Mordacci. 15 La représentation des femmes à la télévision italienne

19 auraient largement diminué . L'OMS elle-même suit ce raisonnement en affirmant en 2003 : « Mifepristone with misoprostol or gemeprost has been proved to be highly effective, safe and acceptable for early first trimester abortions (RCOG 2000). 20 Efficacy rates up to 98% are reported (Trussell and Ellertson 1999) » et en incluant la pilule abortive dans la liste des médicaments essentiels pour les pays du monde. Le Vatican a clairement fait savoir, au sujet de l'avortement médicamenteux (et de l'avortement en général), et par le biais du cardinal Elio Sgreccia dans le journal La Stampa 21 qu'il s'agissait d'un « delitto e peccato in senso morale e giuridico » . A noter qu'il emploie le terme « juridique », témoignant de sa volonté d'interférer avec les affaires de l'État italien et de s'immiscer dans la sphère publique, qu'il confirme dans cette citation tirée du même article : « Per voce di monsignor Elio Sgreccia, emerito presidente dell’Accademia per la vita, il Vaticano auspica “un intervento da parte del governo e dei ministri 22 competenti”. Perché - spiega - non “è un farmaco, ma un veleno letale” » Le Vatican fait donc clairement appel au pouvoir italien pour le soutenir dans sa démarche de rejet de la mise en circulation du RU 486, en « espérant une intervention » de la part du gouvernement italien, qu'il sait conservateur, donc plus enclin à prendre en compte ses prises de position. Des réactions aussi controversées, tant au niveau de l'État pontifical qu'au niveau des hommes et femmes politiques italien-ne-s témoignent donc clairement des polémiques et débats virulents qui ont toujours lieu en Italie sur le sujet. Cela est représentatif d'une culture de culpabilisation des femmes, dont le corps possède une place inférieur à celui de l'embryon, revenant à un rôle passif de simple « incubateur ». L'Italie s'est finalement résignée à commercialiser le RU 486 le 30 juillet 2009, n'ayant pas d'autre choix que de s'aligner sur les autres pays européens, mais en posant l'obligation d'une hospitalisation de trois jours suite à la prise du médicament.

Les femmes selon le Vatican : la mère et la vierge « Ces pays [l'Allemagne, l'Italie et le Japon] aux fortes traditions patriarcales sont restés attachés, plus longtemps que d'autres, au modèle de la complémentarité des sexes qui commande une stricte séparation des univers

19 Michela MARZANO, Sii bella e stai zitta, Ed. Mondadori, Milan, 2010, p. 25. 20 Safe Abortion : technical and policy guidance for health systems, World Health Organization, Department of Reproductive Health and Research. L'OMS réitère cette affirmation jusqu'à douze semaines d'aménorrhée. 21 http://www.lastampa.it/redazione/cmsSezioni/cronache/200907articoli/45987girata.asp (cf. première annexe). « Un délit et un péché au sens moral et juridique ». Jean-Paul II avait par ailleurs précisé dans son Evangelium Vitae que les lois autorisant l'IVG étaient « privées d'une authentique validité juridique ». 22 http://www.lastampa.it/redazione/cmsSezioni/cronache/200907articoli/45987girata.asp « Selon Monseigneur Elio Sgreccia, président émérite de l'Académie pour la vie [Pontifica Accademia Pro Vita], le Vatican souhaite “une intervention du gouvernement et des ministres compétents”. Parce que -explique-t-il- “ce n'est pas un médicament, mais un poison mortel” ». 16 Partie 1 – Du pape au Cavaliere : les paradoxes de la société italienne

masculins et féminins. (…). Aux femmes reviennent les soins de l'enfant, du mari et de la maison, aux hommes tout le reste (…). Les trois pays en question ont en commun d'avoir survalorisé le rôle maternel au point d'y engloutir toute identité féminine. La Mutter allemande, la mamma italienne et la kenbo japonaise donnent une image mythique de la mère, à la fois sacrificielle et toute puissante (…). Les femmes ainsi identifiées à la mère admirable, se sont retrouvées prisonnières de 23 ce rôle qui les assignait à résidence. » La société italienne est connue pour survaloriser la mère, considérée comme le pilier de la famille traditionnelle. Ce modèle reste inchangé, contrairement aux autres pays européens : l'Italie reste marquée par l'empreinte très traditionnelle du rôle et de la valeur de la mère véhiculée par le Vatican, secondé par la politique des gouvernements qui se sont succédés depuis les années soixante. Peu de politiques permettant aux femmes de concilier un emploi et une vie de famille ont été mises en place en Italie, ce qui encourage la population (aussi bien masculine que féminine) à ignorer ou à ne pas accepter une possible émancipation des femmes au travail et dans la sphère domestique. Les Italiens et Silvio Berlusconi en tête aiment à penser que la femme est l'angelo del focolare (« l'ange du foyer »). Ainsi, le Président du Conseil affirmait en 2008 : « Quando voi entrate nel vostro dominio, la casa, 24 . noi uomini diventiamo sudditi. (…) Voi siete le nostre padrone, fra le mura domestiche » Cette vision du rôle des femmes dans la société italienne est très influencée par le discours du pape, qui place la mère au rang de « madone », d'autant plus si elle se consacre exclusivement à ses enfants, sans travail extérieur au foyer familial. Jean-Paul II déclarait ainsi : « Dieu manifeste la dignité de la femme de la façon la plus élevée possible en assumant Lui-même la chair de la Vierge Marie, que l'Église honore comme la Mère de Dieu en l'appelant la nouvelle Ève et en la proposant comme modèle de 25 la femme rachetée. » La Mère est élevée à un rang supérieur et l'identité féminine s'en retrouve confondue avec l'identité maternelle, dont le symbole par excellence est Marie, qui accepte la grossesse et l'enfantement avec joie et résignation. La fonction de mère est d'ailleurs considérée par l'Église catholique comme un sacrifice tout entier de la femme à ses enfants, du moment de la conception (le corps de la femme étant considéré comme un « lieu de processus 26 biologique sur lequel il n'est pas possible d'intervenir » ) jusqu'à la fin de sa vie. Paola Binetti, sénatrice membre de l'Opus Dei, résume l'idée du rôle de la mère en Italie, largement influencée par la religion catholique : elle a ainsi déclaré en 2007 porter régulièrement un cilice car cela « contraint à prendre conscience de la difficulté de la vie, comme le

23 Élisabeth BADINTER, Le Conflit, la femme et la mère, Ed. Fammarion, Paris, 2010, p.161. 24 « Lorsque vous entrez dans votre royaume, la maison, nous les hommes devenons des sujets. (…) Vous êtes nos patronnes, entre les murs du foyer ». Caterina SOFFICI, Ma le Donne No,Ed. Feltrinelli, Milan, 2010, p.146 25 Exhortation apostolique Familiaris Consortio de Jean-Paul II à l'épiscopat, au clergé et aux fidèles sur les tâches de la famille chrétienne dans le monde d'aujourd'hui. 26 Michela Marazano. 17 La représentation des femmes à la télévision italienne

27 sacrifice d'une mère qui se lève la nuit parce que son bébé pleure » . A cela s'ajoute des 28 voix toujours plus nombreuses s'élevant contre la péridurale , dont Eugenia Roccella : la péridurale ferait « perdre le contrôle de l'accouchement » aux femmes, et entraînerait 29 des effets secondaires . Le corps de la femme et ses souffrances sont relégués à un plan inférieur. Porter un enfant, le mettre au monde et l'élever est un sacrifice auquel elle doit se soumettre. Le sacrifice doit également inclure, selon les préceptes du Vatican, le renoncement à la carrière professionnelle : « […] Par ailleurs la vraie promotion de la femme exige que soit clairement reconnue la valeur de son rôle maternel et familial face à toutes les autres fonctions publiques et à toutes les autres professions [...] la société doit pourtant se structurer d'une manière telle que les épouses et les mères ne soient pas obligées concrètementà travailler hors du foyer. […] Il faut par ailleurs dépasser la mentalité selon laquelle l'honneur de la femme vient davantage du travail à l'extérieur que de l'activité familiale […] et que la société crée et développe des 30 conditions adaptées pour le travail à la maison. » De plus en plus de femmes renoncent à entrer sur le marché du travail, aujourd'hui en Italie 31 et ce, malgré des études brillantes . Les femmes italiennes, confrontées à la difficulté de concilier vie familiale et travail, renoncent ainsi à leur carrière, quand elles ne pensent pas elles-même que rester auprès des enfants et se consacrer entièrement à eux est le devoir de toute bonne mère : selon l'association World Values Survey, plus de 80% de la 32 population italienne serait convaincue qu'un enfant souffre si sa mère travaille . Cette idée est très influencée par le fait que c'est la femme qui porte les enfants : « l'instinct maternel » prend une place considérable dans la justification du retour de la mère dans le foyer, ce qui est pourtant démenti par Pierre Bourdieu :

27 http://www.telegraph.co.uk/news/worldnews/1545019/I-use-spiked-chain-says-senator-in-Opus-Dei.html http://www.corriere.it/ Primo_Piano/Cronache/2007/03_Marzo/08/cilicio.shtml 28 Phénomène qui n'a pas lieu qu'en Italie : « A-t-on le droit d'aseptiser les naissances ? De diminuer la joie en enlevant la douleur ? », Le Conflit, la femme et la mère, Élisabeth BADINTER, Ed. Flammarion, Paris, 2010, p.54. 29 Giovanna CAMPANI, Veline, nyokke e cilici, Ed.Odoya, Bologne 2009, p.159. Beaucoup d'hôpitaux italiens ne pratiquent pas la péridurale, ce que rapporte Adrian Michaels, dans un article du Financial Times (13 juillet 2007) : « There are not many hospitals in the Milan area where women giving birth can have an epidural, and some units prefer to offer no pain relief at all. Hospitals emphasis that birth should be a natural process (...) ». 30 Exhortation apostolique Familiaris Consortio de Jean-Paul II à l'épiscopat, au clergé et aux fidèles sur les tâches de la famille chrétienne dans le monde d'aujourd'hui. 31 Les femmes représentent la majorité de la population universitaire italienne : 60% ( Courrier International n°1061, dossier Italie, extrait de l'Espresso ). A Milan, on estime que deux femmes sur dix délaissent leur emploi après la naissance de leur premier enfant ; le taux des femmes célibataires travaillant est de 86,5%, celui des femmes vivant en couple est de 71,0% et celui des femmes en couple ayant des enfants est de seulement 51,5% ( Ma le Donne No , Caterina Soffici). Le taux d'inactivité des femmes italiennes est le plus haut d'Europe, après Malte ( Courrier International n°1061, dossier Italie, extrait de MicroMega ), tandis que les tâches ménagères sont effectuées presque exclusivement par les femmes : les hommes italiens auraient 81,5 minutes de temps libre en plus que les femmes par jour ( Ma le Donne No , Caterina Soffici). 32 Courrier International n°1061, dossier Italie, extrait de El Pa í s, p.22. 18 Partie 1 – Du pape au Cavaliere : les paradoxes de la société italienne

« La force particulière sociodicée masculine lui vient de ce qu'elle cumule et condense deux opérations : elle légitime une relation de domination en l'inscrivant dans une nature biologique qui est elle-même une construction 33 sociale naturalisée. » Lorsque la femme n'est pas mère, elle se doit d'être illibata (mot désuet signifiant en italien plus que vierge, « pure », « exemplaire »), expression utilisée par le père de Noemi Letizia après la révélation de la participation de la jeune fille encore mineure aux fêtes orgiaques du Cavaliere organisées dans la villa Certosa. Pour sauver l'honneur de sa fille, accusée d'avoir eu des rapports sexuels avec le Président du Conseil en 2009, le père a fait savoir que sa fille était vierge. Noemi Letizia est par la suite intervenue en ajoutant que « la virginité 34 est une valeur importante » . Qu'importe le fait qu'elle ait fait des photographies de mode très dénudées étant mineure, le plus important restait aux yeux de tous et surtout de sa famille, que son hymen soit intact. L'Église catholique fait de la virginité une valeur absolue et précieuse, mais elle semble rester plus importante pour les femmes que pour les hommes en Italie, au vu de ces différentes anecdotes. L'influence du Vatican en Italie tient donc une place importante, notamment sur les représentations du genre féminin qu'il propose et sur le contrôle du corps des femmes qu'il impose. Pour conclure, on pourrait citer Giovanna Campani dans Veline, Nyokke e Cilici, au sujet de la justification du Vatican comme un protecteur de la dignité des femmes face à ses nombreuses attaques sur leurs droits : « Si tratta soprattutto di costruzioni identitarie e ideologiche che definiscono le frontiere di un gruppo, per una battaglia che è politica, prima che morale : se fosse davvero questione di morale, di dignità della donna, se fosse questione della concezione tradizionale cattolica della sessualità, il vaticano e i suoi sostenitori si scaglierebbero contro le veline, le letterine, l'uso del corpo della 35 donna. » En résumé, l’Italie d’aujourd’hui se situe toujours dans une vision patriarcale et traditionnelle du rôle de la femme. Le contrôle du corps des femmes par le pouvoir et par les hommes demeure extrêmement présent, illustré par les avancées tardives du code pénal dans la reconnaissance du corps des femmes comme indépendant de l’autorité de l'État ; une Constitution situant clairement la femme comme ayant une fonction familiale supérieure, donc inférieure dans la vie publique ; et un Vatican omniprésent, influençant négativement la société et les politiques favorables à la libération du corps des femmes et à une nouvelle vision de leur rôle au sein de la société. L’Italie demeure ainsi un pays où il n’est pas illégitime de penser la femme comme ayant des rôles et fonctions spécifiques, clairement séparées de celles des hommes (rester vierge, être mère...), fonctions souvent considérées comme inférieures et passives, à l’image des femmes. Cette passivité est par ailleurs pensée à un 33 Pierre BOURDIEU, La Domination masculine, Ed. Seuil, Paris, 2002, p.40. 34 Caterina SOFFICI, Ma le Donne No, Ed. Feltrinelli, Milan, 2010, p.135. 35 « On parle surtout de constructions identitaires et idéologiques qui définissent les frontières d'un groupe, pour une bataille qui est avant tout politique et non morale : s'il s'agissait véritablement d'une question morale, de la dignité de la femme, s'il était question de la conception traditionnelle catholique de la sexualité, le Vatican et ses partisans se lancerait contre le phénomène des veline , letterine , l'utilisation du corps de la femme. », Giovanna CAMPANI, Veline, Nyokke e Cilici , Ed. Odoya, Bologne , 2009, p.161

19 La représentation des femmes à la télévision italienne

autre niveau : bien qu’on demande à la femme d’être « illibata »(pour reprendre l’expression du père de Noemi Letizia), elle se doit également de montrer ses « attributs ».

Chapitre 2 – Sexe et utilisation du corps : la réussite socio-professionnelle des femmes dans l'Italie de Berlusconi

La période Silvio Berlusconi, qui s’étend du début des années 90 à aujourd’hui, a vu se développer une augmentation de femmes dénudées et promues exclusivement pour leurs atouts physiques, tant au niveau du paysage médiatique qu’au niveau du monde politique italien. Les jeunes filles vivant dans l’Italie de Berlusconi sont fortement influencées par ces modèles de réussite sociale, qui n’hésitent pas à montrer toujours plus leur corps dans les médias et principalement, à la télévision. Une telle exhibition du corps des femmes, dans un pays où les traditions patriarcales et catholiques prônant la virginité et la maternité sont toujours fortement présentes au sein de la société, constitue le célèbre paradoxe italien. Cependant, il est important de constater que de ces deux paradoxes naît un lien commun : celui de l’emprise du corps des femmes par des hommes (particulièrement les hommes issus du paysage médiatique et les hommes politiques), rappelant le rôle passif du sexe féminin au sein de la société italienne.

Section 1 – Exhibition et beauté : le modèle de la réussite sociale chez les Italiennes aujourd'hui Le phénomène de réclame sexuelle par l'exhibition du corps féminin par les médias et plus spécifiquement par la télévision est présent dans la plupart des pays du monde, notamment les pays occidentaux. Cependant, en ce qui concerne l'Italie, ce phénomène est particulièrement développé, et ce depuis les années 90, mettant en scène des femmes à moitié nues, de plus en plus jeunes au fil des années, belles, minces, souriantes et surtout, muettes. Cette particularité de l'Italie, qui place des femmes dénudées même dans des programmes où une telle présence est tout à fait exclue et éloignée de l'objet de l'émission, « L'invasione di donne spogliate è a conduit à parler d'une « anomalie italienne » : un'anomalia tipicamente italiana. L'immagine della donna veicolata dalla televisione è un susseguirsi di corpi, gambe e seni scoperti. » 36 , selon Caterina Soffici.

Giuliano Amato, ancien Président du Conseil de gauche et prédécesseur de Silvio Berlusconi, n'hésite pas à parler quant à lui de « televisione “ tette-culi ”

» (littéralement, « télévision “ seins -fesses ” ») 37 , mais qui a toujours plus de

succès et sert toujours plus de modèle aux jeunes Italiens et Italiennes.

36 « L'invasion de femmes dénudées est une anomalie typiquement italienne. L'image de la femme véhiculée par la télévision est une succession de corps, jambes et seins découverts. », Caterina SOFFICI, Ma le Donne No, Ed. Feltrinelli, Milan, 2010, p.108. 37 Giovanna CAMPANI, Veline, Nyokke e Cilici, Ed Odoya, Bologne, 2009, p.74. 20 Partie 1 – Du pape au Cavaliere : les paradoxes de la société italienne

La télévision, synonyme de réussite

Selon le Censis 38 , les Italiens et Italiennes, et en particulier les plus jeunes, ont pour

modèle de réussite la télévision. Ainsi, le rêve de ces jeunes gens (et plus particulièrement, de ces jeunes filles) est de réussir en passant à la télévision, plutôt qu'en faisant des études ou en rêvant à un travail stable « normal » (en-dehors des caméras de télévision), considéré par eux comme monotone et peu intéressant. L'organisme, dans un rapport datant de 2009, reconnaît une tendance globale de ce phénomène dans les autres pays, mais remarque également qu'en Italie, à l'inverse des autres nations, le passage par la télévision est vu comme le seul futur possible et le seul vecteur de réussite sociale chez les jeunes : « Tutti i

giovani d'Italia vedono nella televisione l'unica forma di mobilità sociale o annettono a fattori estetici l'unica molla possibile di avanzamento. » 39

L'étude montre également qu'à la question : « Que veux-tu faire plus tard ? », la majeure partie des jeunes répondent qu'ils veulent passer à la télévision. L'étude de la Società Italiana di Pediatria (Société Italienne de Pédiatrie) réalisée en 40 2003 est encore plus édifiante : 8% des jeunes Italiens interrogés veulent devenir célèbres lorsqu'ils seront adultes (sans mentionner en quoi ils le seront), chiffre atteignant plus de 11% pour les jeunes Italiennes. 5,2% d'entre elles souhaiteraient devenir velina à la télévision plus tard. Paradoxalement, dans le même temps, ces jeunes filles estiment que la profession de velina à la télévision n'est pas un travail gratifiant. Une grande part de ces jeunes interrogés souhaiterait se faire connaître notamment par des émissions de télé- réalité, qui ont beaucoup de succès en Italie (l'émission Grande Fratello, la version italienne de Loft Story, a terminé sa onzième saison en avril 2011). Une nouvelle enquête faite en 41 2006 par la même société confirme cette tendance : chez les filles, « être célèbre » et « être velina » sont les premières réponses à la question « Que veux-tu faire plus tard ? », avant la réponse « Je ne sais pas ». Les parents eux-mêmes, provenant le plus souvent des classes populaires (mais pas seulement), encouragent leurs enfants, et plus spécifiquement leurs filles (par des books photographiques, etc.) à se diriger vers la « voie télévisée », y voyant également un modèle de réussite idéal pour leurs enfants. C'est ce qu'affirme Lorella Zanardo, dans son ouvrageIl Corpo delle Donne, prenant pour exemple les familles des 42 participants à l'émission de télé-réalité Grande Fratello . « Passer dans les journaux, à la télé, c'est quelque chose dont toutes les mères rêvent pour leur fille », affirme également une mère italienne dans un documentaire intitulé Les femmes-objets de Berlusconi, diffusé

38 Centro Studi Investimenti Sociali, « Centre d'Études des Investissements Sociaux ». http://www.censis.it 39 « Tous les jeunes italiens voient dans la télévision l'unique forme de mobilité sociale ou attachent aux facteurs esthétiques l'unique ressort de promotion », Caterina SOFFICI, Ma le Donne No, Ed. Feltrinelli, Milan, 2010, p.107. 40 Bambini e adolescenti : l'ambiente in cui vivono, Maurizio Tucci 41 http://sip.it http://dweb.repubblica.it/dettaglio/Sexyspot-generation/54786?page=2 (cf. seconde annexe). 42 Lorella ZANARDO, Il Corpo delle Donne, Ed. Feltrinelli, Milan, 2010, p.138. 21 La représentation des femmes à la télévision italienne

43 sur Arte . Le mot d'ordre semble donc devenu en Italie depuis quelques années : « si tu n'apparais pas, tu n'existes pas ». 44 , Dans une société où le taux de chômage chez les jeunes frôle les 29% où le taux d'inactivité des femmes est l'un des plus élevés d'Europe (48,9%, et ce, malgré un 45 nombre d'étudiantes plus important que les étudiants à l'université) et où les diplômes universitaires ne semblent plus avoir aucune valeur, les jeunes Italiennes préfèrent donc choisir une voie plus facile, qui pourra les mener vers une carrière de journaliste, ou même de femme politique, et bien mieux payée qu'un travail « normal ». Ainsi, Franca Valeri, célèbre actrice italienne, disait à propos de ces jeunes femmes : « Star lì un paio d'anni ben pagata a ballonzolare mezza nuda è molto più semplice che impegnarsi in banca » 46 . Passer dans une émission de télé-réalité ou concourir à Miss Italia devient ainsi la voie royale pour bon nombre de jeunes filles, qui peuvent par la suite espérer une certaine visibilité et la promesse d'une carrière dans le monde du show-business italien. En témoigne ainsi l'engouement et le succès de l'émission Veline, créée en 2002, qui a pour seul objectif de choisir les deux nouvelles veline de l'émission satirique Striscia la Notizia, tant les deux jeunes « ballerines » de l'émission ont acquis une popularité en Italie au cours des dernières années. Pour parler de ce phénomène en pleine expansion, les Italiens ont inventé un nouveau terme : « velinismo » (« vélinisme »), qui qualifie ainsi l'engouement et l'ambition de plus en plus forte des jeunes filles italiennes d'accéder à la profession de velina. Le journaliste américain Adrian Michaels, venu vivre en Italie, parle quant à lui de « naked ambition » dans un article du Financial Times :« Young girls envy showgirls, they link beauty to success... 47 . Many young women still have the example of their mother who don't work. » Adrian Michaels, en s'appuyant sur les témoignages de femmes italiennes (comme la politicienne Emma Bonino), fait le lien entre la discrimination dont sont victimes les Italiennes au travail, ainsi que le poids des traditions patriarcales et cette « ambition du nu », propre à l'Italie. De nombreuses voix (surtout féminines) se font entendre dans le pays à propos du manque de politiques en faveur des femmes qui travaillent, ne leur permettant pas ainsi de concilier travail et vie de famille et les reléguant à un rôle de mère et de « patronne de la maison » (pour reprendre les mots de Silvio Berlusconi), sans possibilité d'accéder à des

43 Italie : les femmes-objets de Berlusconi, diffusé sur Arte le 6 avril 2011 (extrait : http://videos.arte.tv/fr/videos/ italie_les_femmes_objets_de_berlusconi-3821326.html ) 44 Sources : Istat (Istituto nazionale di Statistica – Institut national de statistiques), chiffres 2011 (provisoires). 45 Courrier International n°1061, dossier Italie, extrait de MicroMega. 46 « Rester là pendant plusieurs années bien payée à dansoter à moitié nue est beaucoup plus facile que s'impliquer dans un métier de banquière ». Extrait d'une interview accordée à la Sette en 2002, dans Norma RANGERI, Chi l'ha vista?, Rizzoli, Milan, 2007, p.17. 47 « Naked ambition », Adrian Michaels, Financial Times, 13 juillet 2007. http://www.ft.com/intl/cms/s/2/7d479772-2f56-11dc- b9b7-0000779fd2ac.html#axzz1TWqrOU1C A noter que les deux actuelles et célèbres veline de la très populaire émission Striscia la Notizia, Federica Nargi et Costanza Caracciolo, ont toutes les deux une mère au foyer. 22 Partie 1 – Du pape au Cavaliere : les paradoxes de la société italienne

48 fonctions élevées et prestigieuses, ou au monde de la politique . Les femmes dévêtues dans les émissions de télévision sont donc victimes, tout comme leur mère, confinée à la cuisine et au foyer familial, des traditions patriarcales qui présentent les femmes comme des êtres passifs, dont la seule qualité est soit d'être mère, soit d'être belle. Tout comme la célèbre casalinga ou comme la mamma italienne, la velina ne peut espérer avoir un rôle important et significatif dans la société, et ce même si sa carrière télévisée la porte vers des fonctions plus gratifiantes, telles que journaliste ou femme politique. Son rôle se cantonne au paraître et à la passivité, faisant office de « décoration télévisuelle », ce qui n'est pas sans rappeler ce que qu'écrivait Pierre Bourdieu à propos de la « fonctionnalité » du corps féminin dominé et de son « utilisation » par le genre masculin dominant : « Les régularités de l'ordre physique et de l'ordre social imposent et inculquent les dispositions en excluant les femmes des tâches les plus nobles [une carrière professionnelle/la présentation d'émissions...] [...], en leur assignant des places inférieures [la maison/ la « décoration »] […], en leur enseignant comment se tenir avec leur corps [protection des enfants et maternité/exhibition des parties 49 intimes] […]. »

Des modèles imposés Les jeunes femmes aspirant à devenir des veline intègrent des codes particuliers : la réussite dépend pour elles de leur physique et se doivent donc de reproduire les critères esthétiques imposés, qui envahissent aussi bien la télévision publique que privée. Leur corps doit donc être idéal et répondre aux « besoins » télévisuels pour atteindre la perfection, quitte à avoir recours à des artifices tels que la chirurgie esthétique : « [Il corpo femminile] viene ripetutamente mostrato un corpo ideale – un corpo sempre giovane, tenuto sotto controllo, artificiale e plastificato – che diventa modello normativo per le spettatrici e soprattutto per le donne che lavorano in 50 televisione, dalle soubrette alle giornaliste. » Les jeunes filles italiennes n'ont pratiquement pas d'autres modèles de « réussite au féminin » que les show-girls qui passent en boucle à la télévision. Comme le fait remarquer Michela Marzano, l'injonction qui leur est faite par le biais de ces programmes télévisés est toujours la même : contrôler son corps afin d'être belle et désirable, et ce, dans le but unique de réussir sa vie personnelle et surtout professionnelle. La réussite ne passe donc plus par les études et un diplôme, mais par un book et un passage à la télévision. Lorella Zanardo regrette cette carence de modèles positifs alternatifs qui pousseraient ces jeunes femmes vers des carrières plus gratifiantes, qui leur permettraient de mettre à contribution leur savoir intellectuel et leurs compétences acquises au cours de leurs études.

48 Dans Courrier International n°1061, dossier Italie, extrait de El Pa í s, p.22, Daniela Delboca, une économiste italienne, déplore que « vingt ans se [soient] écoulés sans politiques sérieuses de conciliation emploi-famille ni de politique d'égalité entre les hommes et les femmes. » 49 Pierre BOURDIEU, La Domination Masculine, Ed. Seuil, Paris, 2002, p.41. 50 « [Le corps féminin] est toujours représenté comme un corps idéal – un corps toujours jeune, sous contrôle, artificiel et plastifié – qui devient une norme pour les spectatrices et surtout pour les femmes qui travaillent à la télévision, de la soubrette [velina] aux journalistes ». Saveria CAPECCHI, Identità di Genere e Media, Ed. Carocci, Rome, p.78. 23 La représentation des femmes à la télévision italienne

Les femmes intègrent ainsi un modèle de représentation propre au genre masculin et prennent conscience dès leur plus jeune âge (et en particulier, par le biais de la télévision) du pouvoir de leurs corps et de leur apparence sur les hommes et de la possibilité d'utiliser leur physique pour réussir professionnellement. Les codes véhiculés et intégrés par la société italienne sont donc les suivants : être jeune, mince, mais avoir des formes généreuses, un visage harmonieux, de préférence avec des lèvres charnues, de longues jambes et une longue chevelure. Les codes vestimentaires, quant à eux, se résument à être le plus dénudée possible, afin d'exposer ses charmes. Ce diktat de la beauté auquel une femme échappe difficilement en Italie est résolument axé sur un regard masculin du corps féminin et sur l'expression d'un désir purement masculin (hétérosexuel), mettant en scène des femmes belles et passives. Ce modèle est largement intégré et reproduit par les jeunes Italiennes, qui ont rarement conscience de la domination qui s'exerce sur elles : elles sont le plus souvent nées avec, ont grandi avec et n'ont pas acquis les outils pour avoir une analyse et un regard critique sur la façon dont est utilisé leur corps dans les médias et la société, selon Lorella Zanardo. Les Italiennes ont donc un regard masculin sur leur corps : « Men look 51 , comme l'assurait John Berger, at women. Whom watch themselves being looked at » ce qui est confirmé par l'analyse sociologique de Pierre Bourdieu, qui qualifie par ailleurs « le désir masculin comme désir de possession », par opposition au « désir féminin comme désir de possession de la domination masculine », désirs socialement construits. « La domination masculine, qui constitue les femmes en objets symboliques, dont l'être (esse) est un être-perçu (percipi), a pour effet de les placer dans un état permanent d'insécurité corporelle ou, mieux, de dépendance symbolique : elles existent d'abord par et pour le regard des autres, c'est-à-dire en tant qu'objets accueillants, attrayants, disponibles. On attend d'elles qu'elles soient « féminines », c'est-à-dire souriantes, sympathiques, attentionnées, soumises, 52 discrètes, retenues, voire effacées. » Ce modèle féminin a été particulièrement impulsé par Silvio Berlusconi, lors de la construction de son empire médiatique (au départ ), dans les années 70, modèle rapidement suivi par la Rai, inquiète de la concurrence des nouvelles chaînes privées, qui se devait pourtant d'assurer un rôle culturel et éducatif, du fait de son caractère public. Le Président du Conseil n'hésite pas à parler du physique des femmes qui l'entourent, mettant parfois en doute leurs capacités et leurs compétences professionnelles, surtout lorsqu'il s'agit de femmes politiques. Ainsi, sa protégée Mara Carfagna est la « ministre la plus belle du monde » et s'il n'était pas déjà marié, il l'épouserait ; Rosy Bindi, députée de l'opposition, est « plus belle qu'intelligente » (cf. infra partie 2, chapitre 2, section 1) ; quant aux femmes politiques membres du gouvernement espagnol, le Cavaliere en parle en ces termes : « Le donne? Siete il regalo più bello che Dio ha dato a noi uomini. Il governo Zapatero troppo rosa? Come potevate pensare che il presidente italiano, la patria dei grandi amatori, la patria dei Casanova, la patria dei playboy, diciamolo chiaro,

51 John BERGER, Ways of Seeing. 52 Pierre BOURDIEU, La Domination Masculine, Ed. Seuil, Paris, 2002, p.94. 24 Partie 1 – Du pape au Cavaliere : les paradoxes de la société italienne

potesse dire qualcosa di negativo nei confronti di donne che fanno il ministro? » 53 . Pourtant, cela n'empêche pas de nombreuses jeunes femmes italiennes d'entrer sur la scène politique, sans pour autant avoir des compétences en la matière. Ce phénomène, nommé « vélinisme politique » se démocratise de plus en plus en Italie, faisant parfois perdre toute crédibilité au pays et à ses dirigeants...

Section 2 – De show-girl à femme politique : le « vélinisme politique » Depuis de nombreuses années, le monde du spectacle et de la télévision et le monde de la politique entretiennent des liens très étroits en Italie. Le Président du Conseil italien, Silvio Berlusconi, en est l'exemple le plus significatif : aujourd'hui homme le plus puissant d'Italie, il a bâti un immense empire médiatique avant de se lancer en politique et à l'assaut de la tête du pays. Cet empire médiatique, Mediaset, dont les chaînes Canale 5, Italia 1 et Retequattro font partie, détient le monopole de l'émission télévisuelle privée. Si aujourd'hui Mediaset n'est plus officiellement la propriété privée du Cavaliere, elle reste aux mains de ses proches (son président, Fedele Confalonieri, est un ami proche et le vice-président n'est autre que son fils, Pier Silvio Berlusconi), par le biais de la holding Fininvest, lui appartenant. De nombreux hommes politiques ont également des rapports très étroits avec les personnalités du petit écran, en particulier les veline. Le scandale de Vallettopoli en juin 2006 a d'ailleurs révélé que des hommes politiques recommandaient des show-girls à la télévision d'État en échange de faveurs sexuelles de leur part : cela a notamment été le cas de Salvatore Sottile (alors porte-parole de Gianfranco Fini, le ministre des Affaires étrangères de l'époque) et Elisabetta Gregoraci, éloignée de la Rai suite à l'affaire, mais consacrée par Mediaset. L'apparition de « starlettes » du petit écran choisies par Berlusconi et ses collaborateurs dans le monde de la politique italienne n'est donc qu'un pas de plus vers un resserrement du lien entre médias audiovisuels et politique.

Les chiffres de la représentation des femmes en politique Dans un premier temps, il est nécessaire de rappeler les chiffres de la représentation des femmes en politique en Italie. Le pays a clairement accumulé un immense retard dans le domaine de la parité femme-homme en politique par rapport à ses voisins européens, ce qui a de nombreuses conséquences sur la mise en place de lois qui participent à une mise à l'écart des femmes (legge 40, comme on l'a vu...) et sur le discours politique, qui relègue les femmes à la famille et à l'apparence physique. Les compétences des femmes dans le domaine de la politique sont souvent remises en cause : en témoigne les réflexions de Silvio Berlusconi, durant les élections d'avril 2008, affirmant que l'Italie n'était « pas prête » pour

53 « Les femmes ? Vous êtes le plus beau cadeau que Dieu nous ait donné, à nous, les hommes. Trop de femmes dans le gouvernement Zapatero ? Comment pouviez-vous penser que le président italien, la patrie des grands amateurs, la patrie des Casanova, la patrie des playboy, disons-le clairement, aurait pu dire quelque chose de négatif à l'égard de femmes ministres ? », suite à ses déclarations en 2008 : il avait en effet fait savoir qu'il y avait trop de femmes dans le gouvernement Zapatero et qu'en conséquence, ce nouveau gouvernement serait « difficile à gérer ». Caterina SOFFICI, Ma le Donne No, Ed. Feltrinelli, Milan, 2010, p.143. 25 La représentation des femmes à la télévision italienne

54 voir un pourcentage de femmes candidates sur les listes équivalent aux hommes . Cela en dit donc long sur la préférence qu'a le Popolo della Libertà, parti de Silvio Berlusconi, de privilégier des femmes belles et sans compétences afin d'attirer plus d'électeurs (appliquant ainsi les mêmes méthodes que pour les chaînes de télévision du groupe Mediaset) : le parti peut ainsi se targuer d'avoir une présence féminine en augmentation, sans pour autant confier de réelles responsabilités à ces jeunes femmes inexpérimentées (les envoyant le plus souvent au Parlement européen, loin de la vie politique italienne). L'Union européenne a fixé un taux de représentation féminine dans la vie politique des pays membres de 24%, estimant qu'une représentation féminine trop basse constituait une 55 diminution de la qualité de la démocratie des pays . L'Italie, quant à elle, est bien en- dessous de ce taux, même si les femmes sont plus présentes dans la vie politique du pays : 21,3% des député-e-s sont de sexe féminin, quant aux membres du Sénat, 17,4% d'entre 56 eux sont des femmes . L'exécutif est tout aussi peu représenté : sur les vingt-quatre ministres membres du gouvernement Berlusconi IV, cinq sont des femmes (toutes âgées de moins de 45 ans), dont deux sont issues du monde de la télévision et des concours de 57 beauté (Mara Carfagna et Michela Vittoria Brambilla) . L'une des causes estimées de cette représentation des femmes en politique très inférieure aux exigences de l'Union européenne est l'absence de quotas instituant la parité entre femmes et hommes (les quote rosa, littéralement, « quotas rose », en Italie), que la plupart des pays voisins ont adopté depuis de nombreuses années. Ces fameuses quote rosa avaient été adoptées en 1992 et avaient permis une augmentation significative du nombre de femmes dans les deux Chambres. Contre toute attente et en parfaite opposition avec ses les pays voisins, l'Italie n'a pu bénéficier de ces quotas plus de deux ans : la Cour Constitutionnelle a en effet jugé ces dispositions en faveur de la parité inconstitutionnelles et contraires à l'égalité des sexes, ce qui a eu pour conséquences une nouvelle baisse de la représentation des femmes dans les assemblées. Des dispositions en faveur de la mise en place de quotas de femmes lors des élections n'ont toujours pas été prise, et ce, malgré la modification de l'article 51 de la Constitution italienne, qui prend en compte la possibilité de recourir à des « mesures adéquates » depuis 2003 : « Tutti i cittadini dell'uno o dell'altro sesso possono accedere agli uffici pubblici e alle cariche elettive in condizioni di eguaglianza, secondo i requisiti stabiliti dalla legge. A tal fine la Repubblica promuove con appositi provvedimenti le pari 58 opportunità tra donne e uomini . »

54 En réponse à l'attaque de Walter Veltroni, son adversaire membre du Parti Démocratique (PD) : 43,1% des candidat-e-s présenté-e- s sur les listes du PD étaient des femmes, contre 22,6% pour le Popolo della Libertà (PdL), le parti de Berlusconi. Sources : Gianfranco BALDINI et Anna CENTO BULL, Politica in Italia, Edizione 2009, Ed. Il Mulino, Bologne, 2009, p.209. 55 Ibid., p.208-209. Des chiffres sensiblement identiques à ceux de la France, en retard également selon l'Union européenne : 18,5% à l'Assemblée Nationale et 21,9% au Sénat. 56 Ibid., p.210. 57 http://www.governo.it/governo/ministeri/ministri_gov.html 58 « Tous les citoyens, quelque soit leur sexe, peuvent accéder aux emplois publics et charges électives dans d'égales conditions d'accès, selon les conditions fixées par la loi. Pour ce faire, la République promeut la parité entre hommes et femmes par des mesures adéquates ». http://www.governo.it/Governo/Costituzione/1_titolo4.html 26 Partie 1 – Du pape au Cavaliere : les paradoxes de la société italienne

Les mesures en question n'ont jamais ni été précisées, ni mises en œuvre. La ministre de l'Égalité des Chances de l'époque, Stefania Prestigiacomo, a tenté d'introduire des quotas en faveur des femmes en 2005, sans jamais y parvenir, fondant en larmes devant les résistances des hommes politiques et en premier lieu, Berlusconi, pourtant du même parti qu'elle. Depuis, Stefania Prestigiacomo n'est plus ministre de l'Égalité des Chances, remplacée par Mara Carfagna, plus docile et se prononçant contre les quote : « Io sono un piccolo ma eloquente esempio vivente che [le quote] non servono » (« Je suis un petit 59 mais significatif exemple que [les quotas] n'ont aucune utilité ») . Seules les députées européennes italiennes représentent un nombre significatif dans la représentation féminine en politique (même si leur nombre reste en-deçà des exigences de l'Union européenne), leur pourcentage ayant augmenté rapidement au cours des dernières années, jusqu'à atteindre 60 20,5% en 2004 . Toutefois, ce chiffre n'est pas anodin : la classe politique italienne, relativement peu tournée vers les affaires européennes, estime trop souvent et à tort que l'importance du Parlement européen est moindre que celle des chambres nationales. C'est par ailleurs au Parlement européen que les candidatures d'ex show-girls ont été les plus nombreuses (elles sont ainsi qualifiées d'« Euroveline » par Caterina Soffici), avant d'envahir progressivement la scène politique italienne.

De la Cicciolina à Mara Carfagna : parcours de femmes politiques atypiques Lorsqu'il s'agit d'évoquer l'entrée en politique de stars féminines du show-business, à la plastique parfaite et au comportement provoquant, un nom ressort en permanence : celui de Ilona Staller, dite la Cicciolina. Considérée comme un ovni de la politique à l'époque de son ascension au sein du parti vert Lista del Sole(elle entre sur les listes du parti dès 1979, dans une Italie qui ne connaissait pas encore l'hyper-sexualisation des femmes à la télévision et les frasques sexuelles de ses dirigeants), puis du Partito Radicale, elle est aujourd'hui un exemple parmi tant d'autres du phénomène italien de « vélinisation » de la politique. Si Ilona Staller provenait d'un milieu encore plus éloigné de la politique que les actuelles veline (le milieu des films pornographiques, notamment), c'est une précurseure de l'entrée des femmes au physique « attrayant » dans le monde de la politique, jouant de son physique et de son passé sulfureux pour se faire élire et entendre de ses homologues, principalement masculins. N'hésitant pas à se « donner intégralement » en faveur de la paix dans le monde (ce qu'elle avait affirmé en 1990 et 2002, offrant ses services sexuels à Saddam Hussein pour maintenir la paix dans le monde) ou à montrer ses seins pour manifester son engagement en politique. Bien qu'elle n'ait pas fait d'études et que ses compétences en la matière n'aient jamais été très développées, sa carrière politique a été relativement couronnée de succès, puisqu'elle est parvenue à obtenir un siège à la Chambre des Députés italiennes grâce à un nombre assez important de votes, et fait toujours entendre sa voix sur des sujets qu'elle défendait pendant sa carrière, comme la défense de la liberté sexuelle, la mise en place de cours d'éducation sexuelle à l'école ou l'abolition de la censure. Toutefois, la situation des « veline politiques », arrivées plus tardivement sur la scène politique italienne, est différente de celle de la Cicciolina : si cette dernière avait des idéaux qui l'ont poussée à entrer en politique et à y faire carrière (comme par exemple, l'écologie et la promotion de la paix dans le monde), les nouvelles politiciennes provenant du petit écran ont un unique but : celui de faire une belle carrière, qu'importe le parti dans lequel 59 Article de Fabrizio Roncone paru dans Corriere della Sera le 31 mai 2006. http://www.corriere.it/Primo_Piano/ Politica/2006/05_Maggio/31/carfagna.shtml (cf. troisième annexe). 60 Gianfrano BALDINI et Anna CENTO BULL, Politica in Italia, Edizione 2009, Ed. Il Mulino, Bologne, 2009, p.217. 27 La représentation des femmes à la télévision italienne

elles seront actives (qui est, en l'occurrence, toujours le Popolo della Libertà, parti de Silvio Berlusconi). La passivité est donc de mise également pour ces nouvelles femmes politiques : leur beauté prend le pas sur leurs compétences, le problème étant moins leur carrière passée de show-girls (bien que les photographies dénudées de ces jeunes filles circulant sur Internet notamment, puissent nuire à leur crédibilité), mais le fait que le plus souvent, elles n'aient pas ou peu fait d'études (ou bien des études inadéquates à une carrière de politicienne). Le système de promotion et de cooptation de ces nouvelles recrues de la politique par Silvio Berlusconi favorise ainsi largement l'accès à des carrières politiques par la beauté plutôt que par la connaissance. Ces jeunes femmes ayant l'ambition de faire une carrière brillante, leur apportant une certaine stabilité, et le parti du Cavaliere étant le seul à proposer une telle « voie d'accès », nombreuses sont celles qui s'y engagent sans nécessairement adhérer aux idées politiques du parti. Selon Michela Marzano, de nombreuses jeunes filles répondent à la question « Que veux-tu faire comme métier plus tard ? » par « Velina ou femme politique », deux carrières aux compétences et connaissances très éloignées dans n'importe quel pays du monde, mais pas en Italie, où aujourd'hui, les femmes ne doivent plus être belles et attirantes uniquement pour réussir dans le monde de la télévision, mais également en politique. La « naked ambition » dénoncée par Adrian Michaels dans son article du Financial Times et imposée au jeunes femmes pour se faire une place dans la société envahit ainsi progressivement la sphère politique italienne. Selon Caterina Soffici, la velinaFlavia Vento est celle qui a changé la donne en matière de vélinisme politique : « E' lei l'anello di 61 congiunzione tra la soubrette e la velina candidata » , affirme-t-elle. Flavia Vento, qui jouait le rôle du pied de table dans l'émission télévisée Libero sur la Rai (elle passait la plus grande partie de l'émission dans une sorte de cage en plastique transparent faisant office de table, « avec des trous pour respirer », selon le présentateur de l'émission, Teo Mammuccari), et 62 qui pensait que la chute du Mur de Berlin avait eu lieu en 1968 , avait ainsi tenté en 2004 de se lancer dans une carrière politique. Son ignorance flagrante et un discours désastreux 63 (mêlant des affirmations telles que le constat que la guerre était une chose triste et que la prendre de la drogue était stupide) eurent raison de ses ambitions politiques. Depuis, de nombreuses veline se sont portées candidates à diverses élections et nombreuses ont été celles qui ont pu percer dans le milieu de la politique (notamment, au Parlement européen et dans les conseils de régions). Toutes ont un point commun : leur affiliation au parti de droite de Silvio Berlusconi, le Popolo della Libertà. Nombre d'entre elles sont des proches ou ont été très proches de Silvio Berlusconi, comme Angela Sozio, propulsée candidate aux élections européennes de 2009, sans aucune autre expérience qu'avoir été candidate à l'émission de télé-réalité Grande Fratello et photographiée main dans la main 64 avec le Cavaliere dans sa villa sarde , parmi d'autres jeunes femmes. Lors de ces mêmes élections, trois autres veline avaient été propulsées candidates : Eleonora Gaggioli, Camilla Ferranti et Barbara Matera, finalement élue, fortement soutenue par Berlusconi qui, devant les réticences de la population italienne avait déclaré : « Barbara Matera è laureata in 61 « C'est elle le point de ralliement entre la soubrette et la velina candidate», Caterina SOFFICI, Ma le Donne No, Ed. Feltrinelli, Milan, 2010, p.79. 62 Lors d'une interview avec le journaliste Mario Adinolfi en novembre 2008 (cf. quatrième annexe). 63 Discours datant du 28 septembre 2004, lors d'une rencontre du parti politique la Margherita. 64 Couverture de Oggi, « L'Harem di Berlusconi », datant du 17 avril 2007 : Angela Sozio est reconnaissable à ses cheveux rouges. 28 Partie 1 – Du pape au Cavaliere : les paradoxes de la société italienne

scienze politiche, me l’ha consigliata Gianni Letta, è la fidanzata del figlio di un prefetto suo 65 amico. Ecco, ha fatto una parte in Carabinieri 7 su Canale 5, ma mai la velina. » La sphère médiatique et la sphère politique commencent donc à se confondre avec l'apparition de candidatures politiques de veline, ainsi que la sphère publique et la sphère privée (propre au Cavaliere), ce qui semble compromettre non seulement l'efficacité du gouvernement et du pouvoir législatif (marqués par l'incompétence de la grande majorité des veline nommées ou élues), mais également la crédibilité de l'Italie dans le reste du monde et notamment, en Europe, où les Euroveline présentes au Parlement européen sont accueillies avec des réticences, voire même, de l'amusement. En effet, comme le rappelle Michela Marzano, « Ogni democrazia liberale si fonda sulla necessaria separazione fra sfera pubblica e sfera privata per permettere a ciascuno di preservare le sue libertà individuali » 66 et nombreux sont les voisins européens de l'Italie qui sont dans l'incompréhension totale face à une telle situation, unique en Europe et dans la plupart des pays du monde : « In tutti questi paesi [Stati Uniti ed Europa dei Ventisette] le donne per fare politica non hanno bisogno di relazioni particolari col capo e le donne che cominciano la carriera facendo servizi particolari al capo di solito non entrano in 67 politica » . L'argument de poids de Silvio Berlusconi est le suivant : donner un visage plus jeune à l'Europe et à la politique en général en se servant de femmes belles et attirantes, prêtes à tout pour avoir une certaine visibilité, et attirer l'électeur (et plus particulièrement, l'électeur masculin) vers son parti. Maria Rosaria Carfagna, mieux connue sous son nom d'artiste Mara Carfagna, est une preuve que cette stratégie de l'utilisation du corps des femmes pour s'attirer des électeurs fonctionne : ainsi, l'actuelle ministre de l'Égalité des Chances et favorite de Silvio Berlusconi a été élue députée en 2006, sans s'être jamais présentée à des élections auparavant et sans avoir les compétences requises, puis réélue en 2008 et nommée ministre par la même occasion. Cette nomination éclair de Mara Carfagna au poste de Ministre de la Parité est tout à fait représentative de l'idée que se font les actuels dirigeants du rôle et de la place de la femme dans la société italienne : la velina est le symbole-même de la passivité et de l'utilisation du corps féminin, un symbole en contradiction totale avec l'idée d'égalité des chances et de parité entre les hommes et les femmes. Pour Caterina Soffici, cette nomination est une véritable provocation de la part du Président du Conseil italien : « Calare dall'alto – quindi in modo assolutamente impari – un'ex velina sulla poltrona che rappresenta il luogo della parità femminile (e non solo) è una 65 « Barbara Matera est diplômée de sciences politiques, Gianni Letta me l'a conseillée, elle est fiancée au fils d'un de ses plus proches amis. Voyez, elle a joué dans la septième saison de Carabinieri sur Canale 5, mais elle n'a jamais été velina ». Barbara Matera n'est en fait pas diplômée de sciences politiques mais de sciences de l'éducation, il a par ailleurs affirmé, comme cela est relaté dans un article de Corriere della Sera, que toutes les veline dont il avait soutenu la candidature étaient diplômées. http://www.corriere.it/politica/09_maggio_04/berlusconi_veronica_scuse_divorzio_veline_noemi_6ccc9956-3869-11de- a257-00144f02aabc.shtml (cf. cinquième annexe). 66 Michela MARZANO, Sii Bella e stai Zitta, Ed. Mondadori, Milan, 2010, p.95. 67 « Dans tous ces pays [États-Unis et Europe des vingt-sept] le femmes, pour entrer en politique n'ont pas besoin d'entretenir des relation particulières avec le chef, et les femmes qui commencent une carrière en rendant des services particuliers au chef n'entrent généralement pas en politique ». Giovanna CAMPANI, Veline, Nyokke e Cilici, Ed. Odoya, Bologne, 2009, p.137. 29 La représentation des femmes à la télévision italienne

provocazione : una scorciatoia troppo facile, troppo vistosa, troppo lontana da 68 quel che ancora resta della democrazia per non provocare reazioni indignate ». Beaucoup de femmes se sont indignées de cette nomination inattendue, notamment des femmes politiques, considérant ainsi que la mise en place de plus en plus fréquente de veline à des postes politiques discrédite les femmes politiques déjà peu présentes en Italie. Mais, comme le rappelle Caterina Soffici, la velina s'est institutionnalisée au fil du temps et la femme italienne est tellement vue à travers ce prisme que peu de personnes s'indignent de voir l'une d'entre elle atteindre la fonction de ministre. Les dirigeants italiens préfèrent ainsi mettre à des postes politiques des femmes qui n'ont pas les compétences pour y accéder, mais possédant un physique avantageux, plutôt que d'imposer des quote rosa, arguant qu'il serait injuste qu'une femme soit choisie pour son sexe plutôt que pour son intelligence. L'intelligence et les compétences des femmes sont donc toujours remises en question, et la politique n'est qu'un exemple parmi tant d'autres en Italie. Le résultat obtenu est donc le suivant : la promotion de la beauté (plutôt que de l'intelligence) dans tous les domaines, dont celui de la politique, pousse les jeunes filles à se servir de leur corps et de leur charme pour arriver à des carrières prestigieuses. Ainsi une velina peut devenir une femme politique en Italie, passant de décoration médiatique à décoration politique. Pour conclure ce chapitre, illustrant clairement la montée du « vélinisme » aussi bien à la télévision que dans la politique italienne, la promotion des femmes uniquement par leurs attraits physiques marque une nouvelle étape dans le contrôle des femmes, et surtout le contrôle de leur corps. Sans rejet perceptible du modèle traditionnel prôné par le Vatican (et comme vu dans le premier chapitre), ce nouveau modèle cohabite avec les traditions catholiques ancestrales, renforçant une domination masculine et une idée de passivité de la femme, considérée comme ayant de plus grandes qualités physiques qu’intellectuelles.

Conclusion de la première partie

Qu'il s'agisse du poids des traditions issues (ou non) du catholicisme encore très présent en Italie (de par l'imposante présence du Vatican dans ses affaires), ou des nouveaux modèles de réussite imposés aux Italiennes à travers la figure de la velina, à la télévision ou en politique, les femmes sont présentées comme ayant un rôle subsidiaire dans la société italienne. Leur corps est encore perçu comme une propriété de l'État ou comme une propriété masculine, notamment à travers les restrictions observées sur leur liberté de concevoir ou non des enfants, de montrer leur corps ou non pour pouvoir réussir leur carrière professionnelle... Ces deux « mondes », celui de l'Italie traditionnelle et celui de l'Italie « dépravée » (pour reprendre les termes de Caterina Soffici) parviennent à coexister de par leur seul point commun : celui d'une domination masculine sur leur corps et leur esprit, les faisant apparaître comme des êtres passifs ayant un rôle moins important au sein de la société italienne.

68 « Faire tomber d'on ne sait où – donc, de manière absolument inférieure – une ex velina sur le fauteuil qui représente le lieu de la parité féminine (et pas seulement) est une provocation : un raccourci trop facile, trop voyant, trop loin de ce qui reste encore de la démocratie pour ne pas provoquer des réactions indignées ». Caterina SOFFICI, Ma le Donne No, Ed. Feltrinelli, Milan, 2010, p.84. 30 Partie 1 – Du pape au Cavaliere : les paradoxes de la société italienne

On observe ainsi non pas le remplacement d'un modèle par un autre mais l'addition de ces deux modèles par ce lien qui les unit, exerçant une double pression sur le genre féminin. La femme est disponible tout en étant vierge, la femme est mère tout en ayant un comportement proche de la « puttana », mais dans tous les cas de figure ici énoncés, elle est effacée et à disposition de l'homme. De tels traits de la société italienne se retrouvent forcément dans les médias, qui sont, selon la reflection hypothesisde Tuchman, rapportée par Milly Buonanno, les reflets des valeurs et idées dominantes d'une société69. Toutefois, on observe une tendance à l'exagération de ces valeurs propres à la société italienne, comme en témoigne le monde de la littérature et des médias.

69 Milly BUONANNO dans Cultura di Massa e Identità femminile, Ed. RAI-ERI, Rome, 1991, p.18. 31 La représentation des femmes à la télévision italienne

Partie 2 – Rôle et représentation de la femme en Italie : entre mythe et réalité

La littérature italienne et les médias (en-dehors de leur représentation purement physique des femmes) sont jalonnés de stéréotypes portant sur le rôle que les femmes se doivent d'avoir dans la société. Ces stéréotypes sont l'occasion de créer un idéal féminin, que les femmes doivent atteindre afin d'espérer provoquer l'amour chez l'homme (comme cela est le cas dans la littérature, du XXème siècle ou de la Renaissance) ou une carrière dans les médias (et principalement, à la télévision). La littérature italienne insiste particulièrement sur les attraits physiques des femmes, et fait une différence nette entre la madonna et la puttana (pour reprendre les termes de Michela Marzano) : l'une est digne de l'amour de l'homme, tandis que l'autre n'est digne que de son désir ; une situation beaucoup plus complexe dans la réalité. Les médias, quant à eux, qu'il s'agisse de média audiovisuel ou de presse écrite, tendent à présenter une femme passive, liée à des sujets tels que la mode ou le monde du spectacle, sans réelles compétences professionnelles ou journalistiques. Dans la littérature ou les médias, les clichés sur le comportement féminin sont souvent grossis et parfois peu représentatifs d'une réalité plus vaste et complexe : « L'immagine della donna […] non è quindi il ritratto di una condizione reale, ma la rappresentazione simbolica di un modello consonante con gli ideali e le aspirazioni collettive, di cui gli addetti alla produzione sono mediatori e interpreti » 70, selon Milly Buonanno. La preuve en est la rébellion récente des femmes italiennes contre leur représentation dans les médias, largement soutenue et entretenue par le Président du Conseil, adepte de blagues sexistes dans une période de scandale sexuel...

Chapitre 1 – Discours littéraire et discours médiatique : la transmission du stéréotype de la « femme idéale »...

Par de nombreux aspects, le discours littéraire (ancien ou récent) et le discours médiatique ont intégré les stéréotypes issus des traditions patriarcales de la société italienne, et, dans le même temps, grossissent les traits de ces stéréotypes (qui concernent principalement les femmes). Qu’il s’agisse de littérature ou des médias dans leur intégralité (la télévision n’est pas la seule concernée : il s’agira également d’évoquer la presse écrite, ou la publicité), de nombreux stéréotypes portent sur le physique et le rôle des femmes, souvent considéré comme de moindre importance que les hommes (comme en témoignent par exemple les sujets qui leur sont réservés dans les médias). Par ailleurs, qu’il s’agisse du discours littéraire ou du discours médiatique, une vision de la femme, considérée comme 70 « L'image de la femme […] n'est donc pas le portrait d'une condition réelle, mais la représentation symbolique d'un modèle consonant avec les idéaux et les aspirations collectives, desquels les adeptes de la production sont les médiateurs et les interprètes », Milly BUONANNO, Cultura di Massa e Identità femminile, Ed. RAI-ERI, Rome, 1991,p.19. 32 Partie 2 – Rôle et représentation de la femme en Italie : entre mythe et réalité

idéale, est largement véhiculée, notamment à travers des caractéristiques physiques et des comportements (douceur, soumission, passivité...) qu’elles se devraient d’avoir pour s’attirer les faveurs ou la protection des hommes.

Section 1 – La femme dans la littérature italienne La littérature italienne abonde de stéréotypes propres au genre féminin, mettant en scène une image fantasmée de la femme idéale en lui prêtant des qualités exceptionnelles, quelle que soit l'époque ou le genre littéraire concerné. Ainsi connaît-on la célèbre Béatrice de Dante, ou Laure, inspiration des poèmes de Pétrarque à l'époque de la Renaissance, qui sont encore considérées comme des modèles en termes de féminité, de par leurs attraits physiques et la noblesse de leur âme. Il en va de même à des époques plus récentes, à travers les écrits de Gabriele d'Annunzio, grand amateur de femmes et de leur beauté, des futuristes ou d'Alberto Moravia (notamment à travers le personnage de Carla, dans son roman Les Indifférents). La femme n'est que très peu créatrice jusqu'à une certaine époque, elle reste cantonnée au rôle de la muse, se retrouvant sublimée par un regard masculin et ne pouvant donc contribuer à l'élaboration de nouveaux modèles féminins : « En évoquant la femme dans la littérature italienne, il est impossible de faire abstraction de l'inspiratrice au profit de la créatrice. (…) Le rôle d'inspiratrice, semble d'ailleurs, plus que l'autre, féminin, plus normal. (...) »71 De nombreux auteurs italiens se sont donc penchés sur la représentation et le rôle que devaient tenir les femmes dans leurs textes et poèmes, faisant apparaître un modèle de femme idéalisée, qui a marqué la société italienne et la marque encore aujourd'hui. L'idée première est qu'une femme, pour parvenir à obtenir l'amour et la considération d'un homme, se doit de posséder des qualités physiques exceptionnelles, par l'expression d'une beauté hors-normes, la faisant se démarquer de ses semblables. Toutefois, cette beauté physique n'est pas suffisante : les qualités morales de la femme doivent également être très marquées, la confrontation entre la Femme et la « femme de petite vertu », qui s'attire les plaisirs des hommes mais non leur amour étant récurrente dans les œuvres littéraires italiennes. Ces « exigences masculines » à l'égard des femmes ne sont donc pas sans rappeler les impératifs auxquels sont confrontées les Italiennes aujourd'hui. Ainsi, la « femme littéraire » mêlant à la fois des attraits physiques et des qualités morales renvoie à l'image de la « femme médiatique », répondant à des critères de beauté masculins stricts, sans jamais oublier la valeur de la maternité ou de la virginité, comme l'avait entre autre montré l'exemple de Noemi Letizia (voir supra partie 1, chapitre 1, section 2).

La femme belle et passive Les poèmes des auteurs de la Renaissance (et, en particulier, du courant du Dolce Stil Novo) sont très représentatifs de l'importance de la beauté de la femme dans la rencontre et le jeu amoureux. Les poèmes évoquent souvent la rencontre amoureuse, l'apparition physique de la femme, sans qu'il n'y ait eu aucun contact au préalable ou par la suite. Cela est notamment une particularité de la poésie de Dante dans Vita Nuova : il y décrit son amour passionnel pour Béatrice et sa souffrance lors de la mort de cette dernière, alors

71 Silvia CONTARINI, La Femme futuriste, Ed. Presses Universitaires de Paris 10, Paris, 2006, p. 48. Extrait de l'article « La femme dans la littérature italienne » de Valentine de Saint-Point, paru dans La Nouvelle revue en janvier 1911. 33 La représentation des femmes à la télévision italienne

que les deux protagonistes ne s'étaient jamais parlés. Par les attraits physiques de cette femme, qu'il n'hésite pas à identifier à un ange72, il en déduit des qualités intellectuelles et morales, faisant de la beauté l'origine des qualités de la femme et la base du sentiment amoureux. La femme est « réceptacle de la beauté, et à ce titre, initiatrice par excellence de l'ascèse amoureuse »73. La beauté est élevée à un rang supérieur, presque surnaturel, et est assimilée à une création divine, angélique, en particulier chez Dante, Pétrarque et Guido Cavalcanti. Les termes « angelo » (ange), « divina » (divine), « spirito celeste » (esprit céleste) sont récurrents dans les poèmes de ces trois auteurs pour qualifier la beauté de la femme aimée, associant ainsi la beauté physique à une qualité supérieure, inégalable. Une telle conception de la beauté se retrouve aujourd'hui en Italie, qu'il s'agisse de la beauté féminine propre aux médias ou de la beauté édictée aux femmes dans la société italienne en général (et correspondant, le plus souvent, à la velina aperçue à la télévision). La beauté prend ainsi une place plus conséquente que les qualités intellectuelles et permet une reconnaissance (pour les femmes, car « la beauté est généralement qualité qui appartient davantage aux femmes qu'aux hommes »74) au sein de la société. Bien que provenant de deux époques éminemment différentes, les poètes de la Renaissance italienne et Berlusconi (et les Italiens partageant sa conception du rôle et de la représentation de la femme) peuvent être rapprochés par cette vision de la femme tronquée, appréciée uniquement pour sa beauté (toutefois, la femme se doit d'avoir de sérieuses qualités morales, sans quoi elle ne pourra s'attirer l'amour de l'homme, mais ces qualités sont parfois surestimées et déduites de qualités purement physiques, cf. infra sur les qualités morales) : la phrase « si je n'étais pas déjà marié, je t'épouserai immédiatement » adressée par Silvio Berlusconi à Mara Carfagna peu de temps avant de la nommer ministre, se base uniquement sur sa beauté et fait écho à une Béatrice mille fois complimentée pour ses qualités physiques et morales, sans jamais une parole échangée préalablement. La femme, pour être belle et considérée comme telle par le poète ou l'écrivain, doit se plier à des caractéristiques et à des règles de beautés strictes. Ainsi, la beauté naturelle est primordiale, ce qui limite donc fortement le nombre de femmes pouvant prétendre à provoquer le sentiment amoureux chez l'homme. La femme ne doit donc pas abuser du fard, mêler esthétisme et négligé et « offrir et refuser tout à la fois ses charmes »75. Des règles strictes en matière d'esthétisme auxquelles les femmes doivent encore répondre en Italie aujourd'hui, avec pour différence la possibilité de remédier à ce que la nature n'a pu donner par la chirurgie esthétique. La passivité de la femme et son aspect « décoratif » est plus prononcé chez les écrivains italiens récents, qui mettent l'accent sur la description physique de la femme. Cela est tout particulièrement le cas chez Gabriele d'Annunzio, considéré comme l'un des plus grands auteurs italiens du début du XXème siècle, qui, à travers son double Andrea Spinelli, héros du roman Il Piacere 76, décrit son amour de l'art et du Beau. Selon Spinelli, le seul véritable 72 « (…) e pa r che sia una cosa venuta da cielo in terra a miracol mostrare », « (…) et comme une créature venue du ciel sur la terre pour montrer les miracles » (traduction du florentin), Vita Nuova, cap.XXVI, Dante Alighieri. 73 José HUIDI, Marie-Françoise PIEJUS et Adelon-Charles FIORATO, Images de la Femme dans la Littérature italienne de la Renaissance, Ed. Université de la Sorbonne Nouvelle, Paris, p. 78. 74 Ibid. p.60, propos tiré de la deuxième rédaction du Courtisan de Castiglione (III, XCIX) : « Questa graziosa e sacra bellezza, la qual generalmente è ancora qualità più propria delle donne che delli omini » ; « Cette beauté gracieuse et sacrée, qui généralement est plus une qualité propre aux femmes qu'aux hommes ». 75 Ibid., p.50-51. 76 L'Enfant de Volupté (titre français). 34 Partie 2 – Rôle et représentation de la femme en Italie : entre mythe et réalité

amour qui vaille la peine d'être vécu est celui de l'art, car éternellement jeune et fidèle, contrairement aux femmes. La vie se doit d'être vécue telle une œuvre d'art, et la femme aimée se doit donc d'être elle-même une œuvre d'art. En conséquences, il lui faut atteindre un niveau de beauté physique le plus proche de la perfection. Le jeune dandy est en quête perpétuelle de beauté et de perfection esthétique et ne peut donc s'entourer de femmes « communes », et encore moins trouver l'amour chez une femme qui ne possède ni des caractéristiques esthétiques précises, ni des qualités morales supérieures à la normale. Cette femme parfaite est incarnée par le personnage d'Elena Muti, modèle qui se révèle impossible à atteindre pour les autres femmes, nombreuses à graviter autour du jeune homme, sans jamais le satisfaire de par leur beauté ou leur esprit. Le jugement de l'homme sur l'aspect physique de la femme est donc exacerbé et omniprésent dans le roman (et dans de nombreuses œuvres de Gabriele d'Annunzio, passionné par la beauté, l'art et la perfection esthétique) et introduit l'idée qu'une femme se doit de toujours suivre et intégrer les préférences esthétiques masculines, de les reproduire et de les faire sienne. Elle doit donc être jeune (à l'instar de Carla, personnage des Indifférents d'Alberto Moravia, préférée par l'amant de sa mère car plus jeune et passive, se laissant aisément manipuler), naturellement belle et savoir mettre ses charmes en valeur, afin de trouver grâce aux yeux du genre masculin. Toutefois, bien que la beauté soit un élément essentiel, pour ne pas dire l'élément fondateur de l'intérêt de l'homme pour la femme, et la base du sentiment amoureux dans la littérature italienne, la femme convoitée ne peut être pleinement « achevée » sans posséder également de grandes qualités morales (comme l'humilité, la bonté, la noblesse et la chasteté, l'intelligence ne constituant pas une donnée importante). C'est dans l'addition des qualités physiques et morales que la femme atteint la perfection, la beauté étant, pour de nombreux auteurs (et notamment, les auteurs de la Renaissance) la base des qualités morales. Ainsi Castiglione pense-t-il que la beauté physique est le reflet de la beauté de l'âme, il fait « […] l'éloge de la beauté du corps, ornement et reflet de celle de l'âme »77, tandis que Camillo Paleotto affirme que certains traits physiques propres à la beauté sont des signes évidents d'une belle âme et de grandes qualités morales78. Castiglione, dans Le Courtisan, écrira par ailleurs, dans la continuité de Paleotto : « Rare volte Dio mette mala anima in un bel corpo »79...

Des qualités morales indispensables Les qualités morales de la femme sont extrêmement valorisées dans la littérature italienne, de la Renaissance aux œuvres du XXème siècle, et tout particulièrement dans la poésie traitant de l'amour courtois (chez des auteurs tels que Dante, ou Cavalcanti, appartenant au courant du Dolce Stil Novo). Elles y sont en effet très explicitement énumérées : humilité, grâce, honnêteté, vertu, courtoisie, noblesse de cœur, chasteté sont autant de qualités que cherche le poète chez la femme. Ainsi,

77 José HUIDI, Marie-Françoise PIEJUS et Adelon-Charles FIORATO, Images de la Femme dans la Littérature italienne de la Renaissance, Ed. Université de la Sorbonne Nouvelle, Paris, 1980, p.76. Il est précisé que dans l'œuvre Le Courtisan (IV, LIX), Baldassarre Castiglione affirme : « però la bellezza è il vero trofeo della vittoria dell'anima, quando essa con la virtù divina signoreggia la natura materiale, e col suo lume vince le tenebre del corpo » ; « toutefois la beauté est le vrai trophée de la victoire de l'âme, quand avec la vertu divine celle-ci domine la nature matérielle, et par sa lumière vainc les ténèbres du corps ». 78 Ibid. p.59-60. 79 Ibid. p.60 (note 270), extrait de la seconde écriture du Cortegiano III, XCV : « Dieu a rarement mis une mauvaise âme dans un beau corps ». 35 La représentation des femmes à la télévision italienne

« On exige habituellement d'une femme “modestia”, “onestà”, “perché... Questo è quel che fiorisce ogni azione d'una donna”. Si le terme d'onore a suscité au XVIème siècle de nombreuses discussions, pour celui d'onestà, en revanche, lorsqu'il évoque la conduite féminine, aucune ambiguïté n'est possible : il a le sens de chasteté, et, dans le cas d'une femme mariée, de fidélité à son époux »80. Ces différentes qualités sont recherchées chez la femme, afin de mettre en place une très claire différence entre la donn accia 81(« femmes de petite vertu ») et la vraie dame, que le héros (ou l'auteur) peut aimer. Dans Les Indifférents d'Alberto Moravia, une telle confrontation est particulièrement remarquable entre le personnage de Carla et celui de sa mère, Mariagrazia. La jeune femme, bien que faisant partie d'une famille bourgeoise ouvertement définie par l'auteur comme décadente et amorale, possède néanmoins des qualités qui la présentent comme diamétralement opposée à sa mère. Sa beauté et sa jeunesse mises à part, elle est effectivement présentée comme une personne calme et douce, parfois à la limite de la soumission, et qualité la plus remarquable de toutes : elle n'est pas mariée, donc vierge. Par opposition, le personnage de la mère est immature, colérique, possessif, jaloux, égoïste et ne bénéficie pas des charmes de sa fille ; à cela s'ajoute le fait que Mariagrazia vive une relation avec un homme sans être mariée. Sans que le sentiment amoureux à l'égard de Carla se développe chez cet homme, sa préférence va toutefois se porter progressivement sur la jeune femme, dans un désir fort de possession, délaissant ainsi la mère, moins manipulable et soumise. Cette qualité de la chasteté et de la virginité est récurrente dans les œuvres littéraires italiennes. Si cette disposition de la femme était clairement recherchée à l'époque des poètes du Dolce Stil Novo, elle l'est relativement moins chez des auteurs plus récents, comme d'Annunzio, qui n'hésite pas à prêter à son héros Andrea Spinelli des relations amoureuses avec des femmes mariées, le style du Decadentismo étant beaucoup plus porté sur les qualités esthétiques que sur les qualités morales. Toutefois, Moravia, dans Les Indifférents, fait une nette opposition entre la femme respectable vierge (ou mariée) et celle qui vit des relations charnelles en-dehors de tout engagement. Ainsi, lorsque le frère de Carla apprend que celle-ci a eu des relations physiques avec l'amant de leur mère, il décide d'aller tuer ce dernier pour sauver l'honneur de la famille (bien que peu convaincu par son geste, il « se doit » de le faire). Les mots « pure », « perdue », « possédée » sont ainsi répétés plusieurs fois pour appuyer l'idée que la jeune femme a perdu sa « valeur » par cet acte82. Quant aux amours des poètes de la Renaissance (mais également ceux des auteurs plus récents, comme Ugo Foscolo ou Grazia Deledda, chez lesquels les femmes n'ont aucun moyen d'influer d'une quelconque manière sur leur destin, déjà tracé par leur famille, entre virginité et mariage) sont dans la grande majorité des cas des amours platoniques, voire parfois seulement contemplatifs (c'est notamment le cas du plus célèbre d'entre eux, Dante, qui n'avait jamais adressé la parole à sa muse). L'amour est courtois et naît seulement à travers le regard, sans relations charnelles entre les protagonistes. « En même temps commence à se profiler, non sans quelque incongruité de la part du futur auteur de la Calandria [Bernardo Bibbiena], une conception

80 Ibid. p.128. Traduction des termes italiens : « modestie », « honneur », « C'est ce qui embellit chaque action d'une femme ». 81 Terme notamment employé par Alberto MORAVIA à plusieurs reprises dans Gli Indifferenti, Ed. Bompani, Milan, 2008, p. 225 et 259. 82 Ibid. p.259. 36 Partie 2 – Rôle et représentation de la femme en Italie : entre mythe et réalité

de l'amour fort idéalisée, qui fait fi de toute jouissance charnelle pour mieux s'assurer de la possession idéale de l'être aimé »83 La femme convoitée n'est pas mariée (ou du moins, ne l'est pas lors de sa rencontre avec l'auteur) et donc considérée comme pure, car nécessairement vierge. Chez la plupart des auteurs italiens, par ailleurs, la femme perd de son intérêt après ses noces, car elle se doit de se soumettre et de se consacrer exclusivement à son mari ainsi qu'aux tâches domestiques ; « (…) la chasteté constitue, pour la femme mariée, une absolue nécessité, puisque seule de nature à garantir la pureté de la descendance »84, et « interdiction :[leur] est faite […] de participer à un jeu galant qui ne peut manquer de ternir leur réputation »85. Le mariage n'est donc pas jugé propice à la naissance du sentiment amoureux, mais est dans le même temps considéré par les écrivains italiens comme une institution à respecter scrupuleusement. La virginité est donc représentée comme une qualité morale indispensable, érigée comme un modèle pour les jeunes femmes, qui peuvent toutefois se permettre l'amour courtois en- dehors du mariage. Un tel modèle, extrêmement présent dans les plus grandes œuvres de la littérature italienne, semble encore influencer la société actuelle, faisant écho aux paroles de Noemi Letizia sur l'importance de la valeur qu'est la virginité (cf. supra partie 1, chapitre 1, section 2). La maternité reste également une donnée importante, même si relativement peu évoquée lorsqu'il est question du sentiment amoureux dans la littérature italienne. La mère joue un rôle essentiel, souvent celui d'une femme courage, qui se sacrifie elle-même et tout ce qu'elle possède pour le bien-être de ses enfants, qui voient en elle un modèle de femme proche de celui de la Madone. Le personnage de Monna Giovanna dans Le Décaméron de Boccace86 en est un parfait exemple : en plus d'y être décrite comme une épouse modèle, soumise à son mari et à la mémoire de celui-ci, même devenue veuve, elle est présentée comme une mère exemplaire, dévouée à son fils. Elle choisit sans hésiter de satisfaire tous les désirs de ce fils malade, risquant de mettre en péril l'amour qu'elle porte au personnage de Federigo. Un « duel » se forme ainsi entre le fils et l'homme aimé, plutôt qu'entre deux hommes convoitant l'amour de la même femme, symbolisant ainsi la force et le sacrifice de l'amour maternel de Monna Giovanna. Il est à noter que les deux amoureux (Monna Giovanna et Federigo) ne pourront vivre leur amour qu'une fois le fils mort... La présentation de la maternité et du rôle de la mère comme valeur absolue de la femme dans la littérature italienne acquiert toutefois une importance considérable chez des auteurs plus récents (début du XXème siècle), les futuristes. C'est en effet à cette époque qu'est remise en question l'« utilité » de la femme, qui à part des qualités physiques non négligeables, ne semble pas apporter quoi que ce soit à l'homme, si ce n'est que du malheur. Il y a un rejet total de l'« idéal féminin » de d'Annunzio, présenté comme cruel, séducteur, dépourvu d'intelligence. Seul le rôle mystique de la mère persiste, considéré comme moral ; rôle qui semble aujourd'hui perdurer dans la société italienne, tant l'élément de la maternité se trouve confondu avec la féminité en général, et associé à des qualités morales qui différencieraient ainsi les femmes mères des femmes qui ne le sont pas.

83 José HUIDI, Marie-Françoise PIEJUS et Adelon-Charles FIORATO, Images de la Femme dans la Littérature italienne de la Renaissance, Ed. Université de la Sorbonne Nouvelle, Paris, 1980, p.38. 84 Ibid., p.37. 85 Ibid. p.70. 86 Extrait de la Cinquième journée, neuvième nouvelle. 37 La représentation des femmes à la télévision italienne

« Ce douloureux cri du cœur [Maman !... Maman !... Petite mère, si douce et si triste, où es-tu ?], cet appel très touchant à la mère décédée, qui répercute certainement le deuil encore récent du jeune Marinetti, (…) contribue à consolider l'idée que la mère reste la seule et unique Femme qu'aucune autre femme ne peut égaler »87 La représentation de la femme, et plus particulièrement, de l'existence d'une essence féminine dans la littérature italienne est donc extrêmement limitée et assez similaire à la vision des femmes italiennes aujourd'hui. La beauté y joue un rôle primordial et semble même avoir acquis de plus en plus d'importance au fil des siècles, de Dante Alighieri à Alberto Moravia, et constitue aujourd'hui (et tout particulièrement, dans les médias audiovisuels comme la télévision) une qualité essentielle qu'une femme se doit d'avoir. Si une telle aptitude était auparavant considérée comme indispensable pour conquérir le cœur des hommes, elle régit aujourd'hui également la réussite professionnelle des Italiennes. Le discours reste double également dans le monde de la littérature : ainsi, des qualités telles que la virginité et la maternité (certes importantes à la Renaissance) demeurent toujours aujourd'hui indispensables et fortement véhiculées par les médias.

Section 2 – Le discours médiatique : une différenciation genrée inévitable L'image de la femme véhiculée par les médias italiens (et plus particulièrement, par les médias audiovisuels) est centrée en premier lieu sur l'aspect physique. La présence de femmes à la télévision est numériquement extrêmement importante, surtout s'agissant des émissions de divertissement et des jeux télévisés, mais la plupart du temps, de « basse qualité ». Ce ne sont en effet pas les femmes qui tirent les rennes des émissions et journaux, restant ainsi cantonnées à un rôle subalterne (qui est souvent inexistant chez les autres pays européens, à l'instar de la speakerine en France, disparue des écrans aussi bien de la télévision privée que de la télévision publique depuis le début des années 90) lorsqu'elles sont jeunes, et perdant de la visibilité une fois leur visage et leur corps ne correspondant plus aux critères esthétiques stricts auxquels elles doivent se conformer. La représentation de la femme dans les médias italiens ne s'arrête cependant pas à l'aspect physique ; si l'on fait fi de l'aspect récurrent de la femme dénudée à la télévision, le discours médiatique, aussi bien en ce qui concerne les médias audiovisuels (télévision en tête) que la presse écrite, véhicule de nombreux stéréotypes ne se basant pas exclusivement sur le corps des femmes. A côté des nombreuses veline qui peuplent le monde médiatique italien et des femmes dénudées utilisées dans les publicités pour venter les mérites de produits, la ménagère idéale côtoie les nombreuses femmes victimes de crimes sordides et autres faits divers qui font la première page des journaux. Les hommes quant à eux, présentent (ou écrivent, le cas échéant) les émissions (ou rubriques) culturelles. Le Global Monitoring Media Project 2010 consacré à l'Italie résume ainsi la situation des femmes et leur participation dans les médias italiens en quelques chiffres : « Italy has adopted European provisions inviting to a more balanced and less sexist representation of women in all media, transposed into the ‘Testo Unico

87 Silvia CONTARINI, La Femme futuriste, Ed. Presses Universitaires de Paris 10, Paris, 2006, p.69. Cf. scène tirée de l'acte II du Roi Bombance, de Marinetti. 38 Partie 2 – Rôle et représentation de la femme en Italie : entre mythe et réalité

della Radiotelevisione’ in 2005. Conducted in the very same year, the GMMP 2005 edition made explicit and visible the gap between aspirations and reality: • Only 14% of cited or interviewed individuals were women; • 55% of female subjects in the news clustered in the category of violence and crime, against 33% for men; • Up to 58% of women mentioned in the news appeared as victims, confronted to 11% of men; • Women in general resulted less represented in their professional profiles and social status than men ».88 Les femmes dans le monde médiatique ont donc une place spécifique, une visibilité non négligeable certes, mais « une visibilité sans pouvoir », déplore la sociologue Milly Buonanno, du fait de l'absence de femmes dans les postes de pouvoir des grandes chaînes et journaux (pour exemple, il y a 2% de directrices de quotidiens, et sur la Rai, 9%, chiffre plus faible chez les chaînes privées89) et de leur image stéréotypée qui est véhiculée par ces canaux : « (…) la televisione fa propria e offre come modello un'immagine stereotipata e marginalizzante della donna »90. Diffuser de tels stéréotypes participe ainsi à l'instrumentalisation de la femme, aussi bien de son corps que de son être, et à la progression d'une image prédéfinie et associée au genre féminin. L'établissement de rôles spécifiques associés à la féminité dans les médias audiovisuels ou dans la presse écrite participe ainsi à un renforcement de certains clichés (la femme victime, la femme passive, la femme au foyer, épouse et mère modèle...) au sein de la société, de nouveau reproduits et amplifiés par les médias, dans un véritable cercle vicieux. « (…) la televisione, assumendo le funzioni un tempo svolte soprattutto dalla religione […], è divenuta nella società contemporanea l'agente più efficace ed autorevole di costruzione e diffusione di “concezioni della realtà” volte al mantenimento dell'ordine e del consenso, una sorta di “braccio culturale” del potere costituito. Come tale, e cioè come istituzione cui è delegata la funzione di riprodurre e rafforzare la cultura dominante, la televisione non può accogliere né contribuire a determinare il mutamento. »91 Des « conceptions de la réalité » associées à des intérêts particuliers qu'entretiendraient les femmes pour certaines thématiques, ou associées plus généralement à un certain rôle dans la société, amplifié par l'intermédiaire que sont les médias.

La femme protagoniste dans les médias : thématiques spécifiques et cloisonnement des genres Selon Milly Buonanno, appuyée par le Global Monitoring Media Project de 2010 relatif à la situation des femmes dans les médias italiens, les femmes médiatiques seraient cantonnées

88 Italy – Global Monitoring Media Report 2010 – National Report, p.5. 89 Saveria CAPECCHI, Identità di Genere e Media, Ed. Carocci, Rome, 2006, p.66. 90 « (…) la télévision fabrique elle-même et offre comme modèle une image stéréotypée et marginalisante de la femme »Milly BUONANNO, Cultura di Massa e Identità femminile, Ed. RAI-ERI, Rome, 1991, p.18. 91 « (…) la télévision, en assumant les fonctions réservées à la religion fut un temps […], est devenue dans la société contemporaine l'agent le plus efficace et influent de construction et de diffusion de "conceptions de la réalité" dédiées au maintien de l'ordre et du consensus, une sorte de "bras culturel" du pouvoir constitué. Comme telle, est donc comme comme institution à laquelle est déléguée la fonction de reproduire et de renforcer la culture dominante, la télévision ne peut accueillir ni contribuer à provoquer le changement », Ibid., p.19. 39 La représentation des femmes à la télévision italienne

à certaines thématiques récurrentes, auxquelles les hommes (qu'il s'agisse de journalistes ou de simples intervenants dans des émissions ou des articles) ne seraient que très rarement, voire jamais associés. Ainsi : « Women in Italy feature as subjects in the news only 19 times every 100 news story. The ‘hard news’ of the politics and economy continue to give higher visibility to men (respectively 85% and 87% vs 15% and 17% for women); with women becoming relatively visible on issues like Science and health (22%), Crime and violence (where they mostly feature as victims, 22%) and Celebrity, arts and media (21%) »92. Que ce soient des femmes intervenant dans des émissions ou des articles en qualité de journalistes, d'expertes ou de témoins, ou la simple évocation d'individus de sexe féminin, les thématiques associées sont souvent les mêmes : spectacle, célébrité (étant les thèmes les plus abordés dans le média télévisuel, les femmes y ont une présence beaucoup plus forte qu'à la radio ou dans la presse écrite, même si cette présence est la plupart du temps beaucoup plus de quantité que de qualité), beauté (avec notamment une forte propension à vanter les bienfaits de la chirurgie esthétique), famille, enfants et relations sociales... Thématiques qui contrastent fortement avec celles réservées aux hommes et considérées comme purement « masculines », introduisant ainsi une véritable hiérarchisation médiatique entre les deux sexes et l'idée d'une inclinaison « naturelle » des genres pour des thèmes spécifiques. Ainsi les hommes sont-ils des experts en politique, économie, sciences... Comme le résume le tableau présenté par le GMMP : Sex of news subjects by topic93

Tout média confondu, les hommes restent très majoritairement représentés dans les domaines évoqués lors d'émissions ou dans des articles, avec une nette avance en ce qui concerne les thèmes dits « nobles » comme la politique ou l'économie. En ce qui concerne les informations dans leur globalité, par ailleurs, les hommes y figurent en tant que sujet dans

92 Italy – GMMP – 2010, p.6. 93 Ibid. p.13. 40 Partie 2 – Rôle et représentation de la femme en Italie : entre mythe et réalité

81% des cas, contre seulement 19% pour les femmes94 (en comparaison, en France, les hommes en tant que sujets des nouvelles des médias atteignent un taux oscillant entre 65% e 79% , ce qui bien qu'inférieur aux chiffres italiens, reste relativement élevé95). La tendance à la ségrégation des sexes (terme fort, mais largement utilisé par Milly Buonanno pour illustrer la séparation de genre dans les médias italiens) selon des domaines et thématiques médiatiques prédéfinis entraîne également une véritable ségrégation « spatiale » : de nombreux programmes télévisés italiens développent ainsi une tendance à cloisonner les sexes en fonction de leurs émissions. Ainsi, environ 55% des femmes et 70% des hommes apparaîtraient dans des émissions et situations médiatiques où elles et ils n'auraient d'interactions qu'avec des membres du même sexe96. Ainsi, actuellement, on observe par exemple sur le service public un fort cloisonnement avec des émissions telles que Presa Diretta, L'Ultima Parola ou Annozero 97 traitant essentiellement de politique et quasiment exclusivement masculines, et d'autres émissions comme Le Amiche del Sabato, Domenica in Amori ou Tuttobenessere 98 traitant de sujets plus légers, en grande majorité présentées par des femmes. La présentation de l'émission, les décors sont eux aussi représentatifs d'une séparation entre des univers dits masculins et d'autres féminins. Quant aux professions des femmes dans les médias, écrits ou audiovisuels, qu'il s'agisse des professionnelles de l'information ou simplement de femmes invitées sur des plateaux de télévision ou interviewées dans les journaux, elles sont souvent socialement inférieures à celles des hommes (journalistes et invitées confondues) ou ignorées, lorsqu'il s'agit de simples invitées. En effet, si l'on trouve de nombreuses présentatrices télévisées, notamment en ce qui concerne les journaux télévisés, les journalistes d'opinion, expertes en politique ou en économie sont beaucoup plus rares (ou moins visibles) que les hommes exerçant également le métier de journaliste : « […] molta presenza delle speaker del telegiornale e delle conduttrici, ma pressoché assenza di opinioniste e di esperte o di semplici “donne ospiti in studio” [...] »99. Les journalistes italiennes n'ont donc pas de visibilité en tant que leader d'opinion et sont cantonnées à des rôles plus superficiels que les hommes. Concernant les femmes invitées ou interrogées dans les médias, la majorité d'entre elles ne ont pas des expertes à qui on demande leur avis professionnel (contrairement aux hommes invités) :

94 Italy – GMMP – 2010, p.12. 95 France – GMMP – 2010, p.9. 96 Chiffres révélés par Milly BUONANNO dans Cultura di Massa e Identità femminile, Ed. RAI-ERI, Rome, 1991, p.38. 97 Presa Diretta (« Prise Directe ») est un journal d'approfondissement de l'actualité sur Rai 3, assez similaire à Complément d'Enquête sur France 2, L 'Ultima Parola (« Le Dernier Mot ») est une émission politique de la et Annozero, diffusé sur Rai 2 également, traite exclusivement de sujets politiques. 98 Le Amiche del Sabato (« Les Amies du Samedi », à noter l'usage du féminin pour le mot « amies ») est une émission où sont mélangés thèmes d'actualité, spectacle et people, sur Rai 1, Domenica in... Amori (« Dimanche en Amour ») est un programme de divertissement dominical également diffusé sur Rai 1 Tuttobenessere (« Tout le Bien-être »), diffusée sur Rai 1 est quant à elle consacrée à la beauté (elle fait cependant intervenir des hommes, mais exclusivement en tant qu'experts). 99 « […] présence forte des présentatrices de journaux télévisés ou d'animatrices, mais pratiquement absence de journalistes d'opinion et d'expertes, ou de simples “femmes invitées sur le plateau” », Identità di Genere e Media, Saveria Capecchi, Ed. Carocci, p.68. 41 La représentation des femmes à la télévision italienne

« […] women are most likely to appear in the news in a personal and “anonymous” capacity : either as representatives of popular opinion (57%) or to report their personal experience (40%). This result is consistent with the result about social position or occupations of subjects in the news. Women often appear in the news as representatives ordinary people. Men, instead, appear in the news with various functions mostly like expert or commentator or subjects, people on whom the story. »100 Quant aux expertes, lorsqu'elles sont sollicitées, bien que leur titre et leur profession soient clairement présentés, leur vie privée est également largement évoquée, ce qui n'est pas le cas des hommes (Milly Buonanno estime que pour 25% des femmes invitées en tant qu'expertes et seulement 8% des hommes, des éléments de la vie privées sont évoqués101). Ainsi, leur rôle de mère ou d'épouse est rappelé, lorsqu'il ne s'agit pas de compliments sur leur physique de la part de présentateurs. Un comportement qui tend donc à associer des rôles spécifiques aux femmes à travers le discours médiatique...

La femme représentée dans les médias : ménagère accomplie et cronaca nera 102 Lorsque les femmes apparaissent dans les médias non pas en tant que professionnelles de l'information mais en tant que sujets de celle-ci, les stéréotypes véhiculés semblent en tous points correspondre à la place assignée au sexe féminin dans la société italienne (cf. supra, partie 1, chapitre 1). Ainsi, la parfaite ménagère, épouse et mère attentionnée ; la femme cherchant à atteindre un modèle de jeunesse et de perfection esthétique ; la femme douce et sans défense continuellement victime dans les faits divers sont des modèles récurrents dans le discours médiatique italien, qui, d'après les études menées par le GMMP et Milly Buonanno, aurait une forte tendance à grossir et exagérer ces traits déjà profondément ancrés dans la société. Outre l'image récurrente et devenue monnaie courante de la femme- objet modèle de perfection physique (cf. infra, partie 3), il est intéressant de se pencher plus amplement sur le phénomène de la « ménagère », particulièrement associée aux médias audiovisuels et à la publicité, et sur celui de la victime des faits divers en première page des grands quotidiens nationaux... Dans un premier temps, une image récurrente et particulièrement visible dans la publicité est celle de la ménagère, la célèbre casalinga, chère à Silvio Berlusconi. Mais si la publicité (qu'il s'agisse de la publicité télévisée ou de la publicité présente dans la presse écrite) reste le moyen privilégié pour faire apparaître l'image de la casalinga, celle- ci est néanmoins inévitable également dans le domaine des fictions (bien que, d'après le Censis, celles-ci soient les seules émissions en Italie où les femmes sont représentées de manière véritablement positive) et des émissions de divertissement. Milly Buonanno fait ainsi remarquer que dans la grande majorité des cas, lors de l'apparition des femmes en tant que sujet dans le discours médiatique, celles-ci sont présentées comme mariées, tandis que les hommes sont au contraire, présentés plus souvent en qualité de célibataires103. Ces épouses dont il est question exercent rarement une activité professionnelle, ou lorsque

100 Italy – GMMP – 2010, p.15. 101 Milly BUONANNO, Cultura di Massa e Identità femminile,Ed. RAI-ERI, Rome, 1991 p.44. 102 Littéralement : « chronique noire », signifiant « faits divers ». 103 Milly BUONANNO, Cultura di Massa e Identità femminile, Ed. RAI-ERI, Rome, 1991, p.15. 42 Partie 2 – Rôle et représentation de la femme en Italie : entre mythe et réalité

c'est le cas, des professions associées au sexe féminin et relatives au domaine social : infirmières, enseignantes, etc. « Neanche a metà dei personaggi femminili della televisione svolge un lavoro remunerato extra-familiare, mentre è possibile identificare una occupazione per i tre quarti dei personaggi maschili. […] Inoltre, i lavori svolti dalle donne rientrano in massima parte nella categoria delle occupazioni tipicamente femminili e di basso prestigio […]. »104 La publicité est la plus représentative de ces rôles assignés aux femmes : celles-ci sont dans la plupart des cas représentées dans leur vie domestique, ou parmi leurs enfants, dans le but de véhiculer une image a priori « normale » de la société italienne, tout en en grossissant fortement les représentations : cette femme au foyer idéale et idéalisée par les médias et de nombreux Italiens, est toujours souriante, jeune et belle, paraissant satisfaite du travail accompli, et heureuse de se dévouer à sa famille : « Italiani soddisfatti della mamma : 82% […], Italiani soddisfatti di Fineco : 91% » 105 clame ainsi une publicité imagée par une pile de chemises d'homme fraîchement repassée... Publicité d'autant plus « dangereuse » si elle est télévisée, car s'adressant à la population dans son intégralité et perpétuant ainsi l'idée d'une compétence féminine exclusivement associée au foyer et soumise à la tradition. La femme « victime » est également une donnée importante du discours médiatique italien actuel. S'il est évident que les femmes subissent plus de violences et que cette celle- ci est dans la majorité des cas perpétrée par des individus de sexe masculin, la tendance à la sur-médiatisation de faits divers mettant en scène des crimes commis sur des femmes est une spécificité du discours médiatique propre à l'Italie. « Constructing “victims” in the news. Women are less likely than men to appear in the news but are more likely than men to appear as victims: 25% of female cases vs 8% of male cases. Better said, women rarely make the news and when they do one time out of four this happens because they are victims (of crimes, robbery, rape…). »106 Lorsque les grands quotidiens font état d'actes de violence de la part des femmes, ils sont dans la grande majorité des cas perpétrés sur leurs enfants, mais dans la grande majorité des cas, ce sont les femmes qui sont présentées comme les victimes d'actes sordides, meurtres, violence conjugale et viols. Cette tendance à insister lourdement sur le sexe féminin en tant que victime, par divers détails démontrant la faiblesse de la femme (souvent victime de son conjoint ou de son ex-conjoint), porte à croire que la femme ne peut qu'être soumise à la force de l'homme et représentée comme un être inférieur. De nombreux articles de journaux, dont certains tirés du très sérieux quotidien La Repubblica n'hésitent pas à qualifier cette violence exercée par certains conjoints sur leur compagne de

104 « Moins de la moitié des personnages féminins à la télévision est impliqué dans un travail rémunéré extra-familial, alors qu'il est possible d'identifier une profession pour les trois quarts des personnages masculins. […] En outre, les professions occupées par les femmes entrent en grande partie dans la catégorie des professions typiquement féminines et peu prestigieuses », Ibid., p.16. 105 « Italiens satisfaits de leur maman : 82% […], Italiens satisfaits de Fineco : 91% », Caterina SOFFICI, Ma le Donne No, Ed. Feltrinelli, Milan, 2010, p.129. 106 Italy – GMMP – 2010, p.15. 43 La représentation des femmes à la télévision italienne

« crimes passionnels »107, minimisant ainsi la portée de la violence exercée sur les femmes victimes, tout en évoquant des détails sordides assortis de remarques portant à croire à une certaine responsabilité de la victime : « […] delitti passionali nati da situazioni di stalking non denunciate o sottovalutate [...] » 108... Ce qui résulte de ce chapitre est donc une forte propension des médias (dans lesquels nous pouvons inclure les livres et tout l’imaginaire qu’ils véhiculent sur les femmes et leur rôle dans la société) à faire entrer les genres dans des catégories bien définies et non perméables. Les femmes sont souvent reléguées à leur aspect physique et à la passivité, tandis que les hommes apparaissent comme des figures solides et intellectuelles auxquelles se référer. La littérature italienne montre des femmes disponibles et passives, soignant leur aspect physique afin de s’attirer l’amour des hommes ; les médias montrent des femmes n’ayant ni pouvoir de décision, ni compétences professionnelles socialement valorisées et reconnues. Cependant, ces modèles, bien qu’inspirés d’une réalité se situant à la base de la société italienne et influencés par des siècles de tradition patriarcale, ne tiennent que peu compte des avancées majeures dont ont bénéficié les femmes dans la société (niveau d’études élevé, accès à des professions prestigieuses, etc.). La diffusion de ces modèles partiaux, aux traits souvent exagérés, n’est pas sans avoir des conséquences sur la société elle-même et la représentation qu’elle se fait des femmes. Les médias, bien que pouvant être considérés par certains aspects comme véhiculant des images représentatives de la société (selon la reflection hypothesis de Tuchman, la télévision révèlerait les idées et valeurs dominantes de la société) tendent à fortement accentuer des rôles et des représentations de genre, qui ne sont pas toujours représentatifs de la société actuelle, comme le résume ainsi Milly Buonanno : « Questa marginalità [delle donne], è vero, è un dato di fatto preesistente nella realtà sociale, ma che tuttavia non si presta più a riassumere lo stato, ben altrimenti articolato a vario, della condizione femminile nella società contemporanea. La televisione si rivelerebbe dunque più sessista della società »109

Chapitre 2 - … Mais une réalité tout autre : la « rébellion » du 13 février 2011

Depuis de nombreuses années, les médias italiens sont très influencés par le pouvoir politique. Cela est particulièrement visible depuis l’ère Berlusconi, où le Président du Conseil

107 http://www.repubblica.it/cronaca/2010/07/11/news/un_mese_di_stalking_e_sangue_quando_il_delitto_passionale-5515706/(cf. sixième annexe). Le journaliste n'hésite ainsi pas à faire passer des hommes connus pour exercer des violences (comme le harcèlement) sur leur conjointe ou ex-conjointe pour des victimes de leur amour, ou l'assassinat d'une femme battue à mort par un homme qu'elle connaissait à peine pour un crime passionnel. 108 « […] crimes passionnels nés de situations de harcèlement non dénoncées ou sous-évaluées [...] », Ibid. 109 « Cette marginalité [des femmes], il est vrai, est une donnée de fait préexistante de la réalité sociale, mais qui toutefois ne se prête plus à résumer l'état, par ailleurs bien différemment articulée, de la condition féminine de la société contemporaine. La télévision se révèlerait donc plus sexiste que la société », Milly BUONANNO, Cultura di Massa e Identità femminile, Ed. RAI-ERI, Rome, 1991, p.18. 44 Partie 2 – Rôle et représentation de la femme en Italie : entre mythe et réalité

a joué un rôle prépondérant dans le paysage médiatique, notamment par la construction d’un empire télévisuel et le rachat de nombreux journaux. Cette influence a pu en partie se traduire par une présence médiatique importante et une certaine « confiance » du Cavaliere à l’égard des médias, qu’il utilise fréquemment pour justifier ses actions politiques, se défendre face à des scandales ou plaisanter sur divers sujets (notamment, les femmes). Une telle relation entre le pouvoir politique et le pouvoir médiatique a eu pour conséquences une perte de visibilité de certains de ses opposants, et notamment, des féministes. Le peu de visibilité de ces dernières et de leurs protestations face à l’usage du corps des femmes dans les médias a en partie encouragé une sur-représentation du modèle de la velina dans les médias, sans en développer d’autres. Le mouvement du 13 février 2011 contre le non- respect de la dignité des femmes (notamment à la télévision) a cependant changé la donne en mettant au cœur des médias cette réalité...

Section 1 – Berlusconi, blagues sexistes et médias Silvio Berlusconi est connu dans le monde entier pour ses blagues et autres jeux de mots qualifiés de mauvais goût, frôlant souvent les limites imposées par la société en termes de respect de la dignité humaine. Le magazine en ligne Slate s'est ainsi amusé à répertorier les blagues du Cavaliere en plusieurs catégories, révélant sa préférence pour le sexisme (22,8%)110. Comme cela a déjà été abordé en première partie, notamment concernant l'image des femmes politiques selon Berlusconi (utiles lorsqu'elles sont belles, afin de s'attirer le vote des électeurs, mais « incontrôlables » en grand nombre, comme il l'avait laissé entendre à propos du gouvernement espagnol de Zapatero, cf. supra, partie 1, chapitre 1, section 1), les femmes ne sont guère appréciées que pour leur beauté physique et considérées comme des objets, des trophées, pour cet homme politique qui n'hésite pas à se vanter en public de ses multiples (jeunes) conquêtes. Par le biais de son empire médiatique Mediaset, et par les pouvoirs que lui confère sa fonction de Chef du gouvernement, Silvio Berlusconi bénéficie d'une visibilité et d'une liberté de parole tout à fait inédites dans une démocratie européenne moderne. Il use et abuse donc de ce pouvoir politique et médiatique (largement décrié et critiqué par Sabina Guzzanti111), n'hésitant ainsi pas à montrer, voire imposer (il n'hésite pas à affirmer lui-même que la plupart des Italiens voudraient lui ressembler) son modèle de femme idéale, rêvée, qui une fois sortie de la sphère télévisuelle semble loin de refléter la vie quotidienne des Italiennes. Ce modèle qui inclut, en plus de la beauté, la passivité de la femme, laisse donc à penser que celle-ci est à disposition des hommes et que sa parole, son opinion ou ses sentiments n'ont pas à être pris en compte. Ainsi, Silvio Berlusconi n'hésite pas à lancer quelques « taquineries » sur les femmes dans les médias, notamment sur ses consœurs les femmes politiques, quel que soit leur bord. Des remarques sexistes et pour le moins irrespectueuses et largement acceptées de tous jusqu'à récemment...

Le discours sexiste de l'homme le plus puissant d'Italie largement relayé par les médias « Lei è più bella che intelligente » (« Vous êtes plus belle qu'intelligente ») a déclaré Silvio Berlusconi à Rosy Bindi, sur le plateau de l'émission Porta a Porta, sur Rai 1, en octobre 110 http://www.slate.fr/story/36879/infographie-conneries-de-berlusconi(cf. septième annexe) 111 Notamment dans le film Viva Zapatero !(2005), où déguisée en Berlusconi, elle dénonce le manque de liberté d'expression en Italie et la concentration du pouvoir médiatique entre les mains d'un seul homme, à la tête du pays. 45 La représentation des femmes à la télévision italienne

2009. Cette affirmation de la part de Silvio Berlusconi n'était pas même un compliment caché derrière un reproche sur le manque d'intelligence de l'actuelle vice-Présidente de la Chambre des Députés italienne, la politicienne ne répondant pas aux « critères de beauté » du Chef du gouvernement. Cette phrase, qui tournée plus simplement, aurait ouvertement signifié « Vous êtes laide », est intervenue de manière inattendue non pas lors d'un débat sur le physique des femmes à la télévision, mais suite aux déclarations du Cavaliere sur le Président de la République italienne, qui selon lui aurait usé de son influence pour faire déclarer inconstitutionnelle une loi lui donnant l'immunité pénale. Seule femme invitée lors de cette émission, Rosy Bindi n'a pu compter que sur elle-même pour répondre à cette attaque verbale gratuite : « Sono una donna che non è a Sua disposizione » (« Je ne suis pas une femme à votre disposition »). L'attaque sur le physique de la députée en plein débat politique est ainsi extrêmement représentative de l'idée que se fait le Cavaliere de l'utilité autre que physique des femmes. Si cet épisode est l'un des plus marquants de ces dernières années en termes de violence verbale et sexiste de Berlusconi envers une femme, et qui plus est, envers une femme ayant des responsabilités et compétences politiques reconnues, il n'est clairement pas le premier. Giovanna Campani fait par ailleurs remarquer avec ironie que « L'elenco delle battute sessiste del presidente del Consiglio italiano riempirebbe il numero di volumi dell'Enciclopedia britannica » 112 (« La liste des blagues sexistes du Président du Conseil remplirait le même nombre de volumes que l'Encyclopedia britannica »). Margaret Thatcher elle-même s'était ainsi vue qualifiée en 2007 de « gnocca » (terme vulgaire employé pour qualifier une femme, traduit par The Independent par « piece of pussy »)113. Une telle appellation pour une femme politique ayant marqué une partie de l'histoire témoigne ainsi de la vulgarité avec laquelle Silvio Berlusconi traite les femmes, vulgarité qu'il entend propager à travers les médias. Le langage politique relaté par les médias (et en particulier, les médias audiovisuels) est depuis les années 90, période correspondant à l'« ère Berlusconi », fortement connoté sexuellement. Paradoxalement, ce sont le plus souvent les dirigeants des partis conservateurs comme le Popolo della Libertà, l'Alleanza Nazionale ou la Lega del Nord qui utilisent des termes ouvertement vulgaires et sexistes pour parler de politique, profitant de médias comme la télévision qui leur laissent une entière liberté de parole, sans jamais réfréner leur discours dépassant les limites du convenable. Umberto Bossi, à la tête du parti de la Lega del Nord, s'est ainsi illustré en 1993 et en 2006 par des phrases pour le moins sexistes et vulgaires : « Ehi Boniver, bonazza, la Lega è sempre armata, ma di manico ! » (« Hé Boniver114, bonnasse, la Ligue est toujours armée, mais d'un manche ! ») ; « Silvio, te l'avevo detto che ce l'abbiamo duro, ed è per questo che oggi è pieno di donne ! » (« Silvio, je te l'avais dit que nous l'avions dure, c'est pour ça qu'il y a tant de femmes, aujourd'hui ! »), proclamées dans des lieux de réunions ou lors de meetings, s'assurant ainsi de l'attention d'un large public et des médias. Le terme « gnocca » dont Silvio Berlusconi avait affublé la Dame de Fer est devenu monnaie courante chez les hommes politiques (et en particulier, chez le Président du Conseil) pour qualifier les femmes qui les entourent et notamment, les belles femmes, l'expression étant utilisée de manière ironique pour les « autres ». Un terme tellement usité par les politiques et diffusé par la télévision qu'il est devenu un mot courant, incontournable dans les médias, tout en restant vulgaire et offensant pour les femmes. Silvio 112 Giovanna CAMPANI, Veline, Nyokke e Cilici, Ed. Odoya, Bologne, 2009, p.114. 113 http://www.independent.co.uk/news/world/europe/vulgar-berlusconi-pays-tribute-to-the-sex-appeal-of-the-iron- lady-455996.html 114 Umberto Bossi s'adressait à la politicienne Margherita Boniver, socialiste à l'époque. 46 Partie 2 – Rôle et représentation de la femme en Italie : entre mythe et réalité

Berlusconi et la plupart de ses confrères politiciens posent ainsi clairement une différence entre la « gnocca », digne d'intérêt grâce à ses qualités esthétiques, et les autres femmes, celles considérées comme étant « laides » telles que Rosy Bindi. Les « gnocche » politiciennes, quant à elles, ont droit à des traitements de faveur (cf. supra partie 1, chapitre 2, section 2) de la part de Berlusconi, qui, appréciant leur beauté, les considère ainsi dignes d'intérêt. Ainsi aurait-il voulu, selon ses dires, épouser sa ministre et ex-velina Mara Carfagna, la « plus belle ministre du monde », et quant à l'intégralité des femmes faisant partie de son gouvernement, celles-ci sont des « bambine » (« petites filles ») à « svezzare » (« sevrer »)115 et à protéger, expressions largement reportées dans les médias et à l'origine de nouvelles indignations de la part de nombreuses femmes. Berlusconi est ainsi parvenu depuis de nombreuses années, de par la couverture médiatique et le poids politique qu'il possède, à mettre au centre des qualités féminines la beauté et la passivité, même chez les femmes politiques. Le sexisme concerne cependant bien toutes les femmes qu'il côtoie : les femmes compétentes ne correspondant pas à ses critères de beauté sont ainsi considérées comme laides et sans aucun intérêt, tandis que les belles jeunes femmes sans expérience sont présentées comme des petites filles à la limite de la stupidité, mais dignes d'intérêt de par leurs attraits physiques. Ces nombreuses blagues et remarques cinglantes de la part du Président du Conseil, qui ne concernent par ailleurs pas que les femmes politiques, ont été à l'origine de réactions et parfois de polémiques (certes plus souvent et de manière plus virulente à l'étranger qu'en Italie). Toutefois, cela n'a pas empêché le Cavaliere de récidiver d'années en années, en toute impunité (n'hésitant pas à exagérer, surtout lorsque de telles blagues offraient une certaine visibilité médiatique) et à revendiquer ces boutades qualifiées de vulgaires comme une « marque de fabrique », au risque de franchir certaines limites.

Le Rubygate ou l'affaire de trop La dernière affaire en date mêlant le Président du Conseil italien à un affaire sexuelle, le « Rubygate » est, selon les dires de nombreuses féministes italiennes, la goutte d'eau qui a fait déborder le vase. L'affaire a éclaté, en mai 2010, suite à l'arrestation pour vol de Karima El Mahroug (« Ruby Rubacuori ») et de l'intervention de Silvio Berlusconi en personne pour la faire relâcher, prétextant que le jeune fille était la nièce d'Hosni Moubarak. En plus d'user de son influence politique pour faire relâcher la jeune danseuse et de mentir aux autorités, Berlusconi aurait payé Ruby pour avoir des relations sexuelles avec elle, alors que celle-ci n'était pas encore majeure. Toutefois, le Cavaliere n'a pas semblé, dans un premier temps, se rendre compte de la gravité de ses actes et de la possibilité qu'il pourrait être puni par la Justice italienne, tant sa vision et sa perception de la femme (qu'elle soit majeure ou mineure, comme le Rubygate le démontre, mais également l'« affaire Noemi Letizia » en juin 2009 – cf. supra, partie 1, chapitre 1, section 2 –) semblait être focalisée sur la « disponibilité » de celle-ci, et en particulier, de son corps116. Il n'a cessé ainsi de répéter, dans les premières semaines suivant la révélation de l'« affaire » qu'il n'était pas inquiet, voire pas du tout inquiet, et qu'il n'agissait que dans l'intérêt de son pays et pour le bien- être de ses habitants.

115 http://archiviostorico.corriere.it/2008/maggio/08/posti_decisi_tutti_ora_svezzero_co_9_080508068.shtml (cf. huitième annexe). 116 Concita De Gregorio, en parlant de la tendance du Chef du Conseil et de ses proches à user et abuser des « services » de jeunes femmes au cours de leurs soirées « bunga-bunga » : « puttane portate a domicilio come pizze » (« des prostituées livrées à domicile comme des pizzas »), dans L'Unità, « Le altre donne » du 19 janvier 2011. 47 La représentation des femmes à la télévision italienne

A cette occasion, le Cavaliere a de nouveau endossé son rôle d'homme sympathique et « blagueur », pour lequel il est connu dans le monde entier et a profité de son exposition médiatique due à cette nouvelle affaire pour déclamer quelques boutades. Ainsi, selon sa vision des choses, « [il] aime la vie, [il] aime les femmes » et « mieux vaut avoir la passion des belles femmes qu'être gay », ajoutant ainsi l'homophobie au sexisme entourant l'affaire. Cette dernière phrase, proclamée en novembre 2010, toujours à l'occasion d'une rencontre assurant un public nombreux et un maximum de visibilité médiatique (en l'occurrence, la Rai, télévision publique d'État, était présente), n'a pas eu l'effet escompté : en voulant dédramatiser la situation, le Chef du gouvernement italien s'est attiré les foudres des femmes, de la communauté homosexuelle et de la presse étrangère. En insinuant pas ailleurs lors de la même intervention que son travail de Président du Conseil lui demandait beaucoup d'énergie et d'efforts, et qu'en conséquences, regarder de jolies jeunes filles lui apportait réconfort après une longue journée, il laissait poindre l'idée selon laquelle les femmes ne seraient qu'un divertissement, un loisirs117. Une fois de plus, et, au vu des réactions en Italie et dans le monde entier, une fois de trop, Silvio Berlusconi a exprimé dans les médias italiens son idée de la femme et de son rôle : un bel objet à la disposition de l'homme, une source de divertissement dont l'abus (comme c'est le cas ici, Ruby n'ayant pas été majeure au moment des faits) n'a pas lieu d'être puni. Toutefois, les semaines passant et le scandale faisant rage, le Cavaliere a semblé par la suite se rendre peu à peu compte de la portée de ses actes et ses paroles, et de la gravité de sa situation. Dans une interview accordée au quotidien La Repubblica et publiée le 16 mars 2011, Silvio Berlusconi a ainsi fait savoir qu'il se défendrait jusqu'au bout contre les dénonciations calomnieuses dont il se jugeait victime. Une affirmation tout à fait normale et légitime pour n'importe quelle personne accusée de tels faits, homme politique ou non. Seulement, cette volonté du Président du Conseil de se défendre et de donner des explications n'impliquait pas les tribunaux, mais bien la télévision : « Ma, lo ripeto, non c'è un solo motivo che giustifichi un reato. È fatto tutto solo per gettare fango sull'immagine di queste ragazze. Che rischiano di passare il resto della loro vita con una macchia indelebile. Per questo andrò in tv: per spiegare tutto questo, per difendermi e difendere quelle ragazze. E parteciperò a tutte le udienze dei processi. Anche se non sarà facile » 118. La défense de l'homme le plus puissant d'Italie et des filles ayant participé à ses célèbres soirées « bunga-bunga » passe donc en premier lieu par la télévision, puis de manière secondaire, par la Justice italienne. Cela est extrêmement représentatif de l'importance des médias en Italie, et tout particulièrement, de la télévision, ainsi que du rôle prépondérant de Berlusconi dans l'usage de cet outil médiatique. Il y exerce une grande puissance et en conséquences, une grande influence, ce qui participe à véhiculer une image de la femme correspondant à son idée personnelle : jeune, belle, disponible, passive. C'est par ailleurs cette puissance de l'image incarnée par Mediaset qui a amené la Rai à copier ce modèle féminin récurrent.

117 Cf. la vidéo de l'intervention de Silvio Berlusconi au salon de la moto de Milan, le 2 novembre 2010 : http://lci.tf1.fr/monde/ europe/mieux-vaut-avoir-la-passion-des-belles-femmes-qu-etre-gay-6123578.html 118 Silvio Berlusconi, à propos du Rubygate : « Mais, je le répète, il n'y a pas un seul motif justifiant un délit. Tout est fait pour jeter de la boue sur l'image de ces filles. Qui risquent de passer le reste de leur vie avec une marque indélébile. Pour cela, j'irai à la télévision : pour expliquer tout cela, pour me défendre et défendre ces filles. Et je participerai à toutes les audiences des procès. Même si ce ne sera pas facile ». http://www.repubblica.it/politica/2011/03/16/news/ accuse_allucinanti_andr_in_tv_a_difendermi_i_bonifici_solo_aiuti-13663479/(cf. neuvième annexe). 48 Partie 2 – Rôle et représentation de la femme en Italie : entre mythe et réalité

Le Rubygate, bien qu'étant une affaire d'une gravité majeure (on ne peut que penser en France à la portée de l'« affaire Zahia », qui ne concernait que des footballeurs français, et non des hommes politique, mais qui a eu une couverture médiatique extrêmement importante), a permis aux femmes italiennes d'ouvrir les yeux sur leur situation et au féminisme italien de se réveiller d'une longue hibernation. Cette affaire, dont on ne sait pas encore l'issue à l'heure d'aujourd'hui, a marqué une rupture : elle a mis en évidence la dissolution existant entre les femmes de la télévision et les femmes de la réalité, confrontées à des problèmes réels. Des femmes refusant, pour la plupart d'entre elles, de se faire entretenir ou d'être à l'entière disposition d'un homme, ou ne jugeant pas gratifiant de n'être jugée et de n'avoir de valeur que par leur aspect physique.

Section 2 – La manifestation du 13 février et le mouvement « Se Non Ora Quando ? »119 La date du 13 février 2011 a marqué un tournant majeur pour les femmes en Italie. La mobilisation de femmes provenant d'horizons et d'origines sociales en tous points divers, mais également d'hommes se revendiquant comme respectueux de leur dignité et en faveur d'un changement profond de la société italienne, a été extrêmement importante ce jour-là. Un tel engouement paraissait d'autant plus inattendu que les féministes italiennes semblaient s'être tues depuis une trentaine d'années et ne plus être en capacité d'exiger quoi que ce soit des dirigeants du pays. Cet événement, qui avait pour principal sujet la représentation des femmes dans le pays, qu'il s'agisse aussi bien de leur représentation sociale et du rôle qui leur est assigné par la société italienne, que de leur représentation médiatique (et plus particulièrement, télévisuelle), est le premier depuis les luttes féministes des années 70 et du début des années 80 a avoir été aussi médiatisé, aussi bien en Italie que dans les médias étrangers. Le 13 février a ainsi marqué le « grand retour » des féministes italiennes, qui semblaient avoir disparu malgré les attaques incessantes aux droits des femmes (notamment dues à l'ingérence croissante du Vatican dans les affaires politiques italiennes et à la politique berlusconienne), et à leur dignité, par l'imposition du modèle télévisé de la velina et « il totalitarismo dell'inquadratura ginecologica » (« le totalitarisme du plan gynécologique »)120 (cf. supra, partie 1, chapitre 2, section 1). Toutefois, il est important de rappeler que ce mouvement féministe italien, connu pour sa force et sa puissance lors des « grandes batailles » féministes des années 70 (le droit à la contraception, au divorce, à l'avortement...) n'avait pas totalement disparu et qu'il était représentatif d'une réalité différente de celle de la télévision pour les femmes. Même si la velina semble plus que jamais s'imposer comme un modèle chez les jeunes filles, le mouvement féministe italien, le développement des gender studies dans les universités italiennes, la manifestation du 13 février et la création du mouvement Se Non Ora Quando sont autant de preuves que les Italiennes aspirent à la prise en compte des problèmes et des situations auxquels elles sont confrontées.

Un mouvement féministe muet ?

119 Littéralement, « Si pas maintenant, quand ? ». 120 En parlant de la manière de filmer les femmes à la télévision italienne, Norma RANGIERI, Chi l'ha Vista ?, Ed. Rizzoli, Milan, 2007, p.13. 49 La représentation des femmes à la télévision italienne

Le mouvement féministe italien a pourtant était reconnu comme un mouvement fort, combatif, qui a réussi l'exploit d'imposer des changements radicaux dans la société italienne très catholique des années 60 et 70, en contribuant notamment à l'instauration de lois donnant accès à la contraception, au divorce et à l'avortement (chirurgical). Le Movimento per la Liberazione della Donna, ou MLD (qui porte le même nom que le MLF français) a ainsi eu une importance majeure dans l'accès des femmes italiennes à leurs droits les plus fondamentaux, avant de s'essouffler au début des années 80. L'une des dernières interventions du MLD étant parvenue à mobiliser de manière efficace la société civile date de 1981, lors du référendum qui visait l'abrogation de la célèbre legge 194 sur l'avortement, soldé contre toute attente par un « non » massif et ce, malgré la présence encore forte du catholicisme chez les Italiens. La division du mouvement, l'essoufflement des manifestations et des revendications féministes dans les autres pays occidentaux et l'institutionnalisation latente du féminisme a par la suite contribué à sa quasi-disparition sur la scène publique. La mise en place de lois européennes sur la protection des droits des femmes et sur l'application de la parité par les États membres a par ailleurs largement contribué (même si leur mise en place a cependant été largement bénéfique tant aux Italiennes qu'aux autres Européennes) à diminuer l'intensité du mouvement. Des requêtes et des attentes qui auraient dû être adressées par les Italiennes elles-mêmes à l'État ont été « automatiquement » mises en place grâce à la législation européenne, sans qu'aucun débat ou prise de conscience nécessaires à la reconnaissance des droits des femmes n'aient eu lieu au sein du pays. Enfin, le début des années 80 marque en Italie (contrairement à ses voisins européens) l'entrée dans les « années de plomb », marquées par le terrorisme et de nouvelles préoccupations tant de la part des politiques que de la population. Contrairement à ce qui a été vu en France, les gender studies se sont développées de manière importante en Italie. Le plus célèbre des centres de recherches italiens consacré à ce sujet, le CIRSDe (Centro Interdisciplinare di Ricerche e Studi delle Donne, « Centre Interdisciplinaire de Recherches et d'Études des Femmes »), dépendant de l'Université de Turin, s'est développé dès la fin des années 80, suivi par les universités de la plupart des grandes villes italiennes : à Milan (avec notamment, la célèbre Libera Università delle Donne), Rome, Bologne, Florence, Padoue... En ce qui concerne la France, bien que le Centre d'Études féminines et d'Études de Genre de Paris VIII ait été un pionnier en la matière dans le pays, la discipline a eu jusqu'à très récemment du mal à s'imposer dans les universités. On ne compte que peu de masters consacrés au gender studies en France, concentrés essentiellement à Paris. Ce sujet d'études ayant longtemps été considéré comme peu légitime, voire inutile121, est aujourd'hui vu comme une nouveauté, notamment grâce à la mise en place d'une chaire dédiée au genre à Sciences Po Paris en 2010. Par la précocité de la mise en place de formations universitaires solides dédiées au genre, l'Italie s'est donc illustrée comme une pionnière en la matière. Elle a ainsi témoigné d'une certaine ouverture d'esprit et d'une influence du féminisme dans le domaine universitaire, contrastant ainsi avec l'image et le rôle assignés aux femmes socialement et médiatiquement à la même époque. Mais c'est également dans le même temps que se développe largement l'image de la femme-objet à la télévision italienne, d'abord sur les chaînes privées, rapidement suivies par la Rai, avec une forte tendance pour ces veline (le terme vient alors de faire son apparition dans le langage courant, avec notamment le succès de l'émission Striscia la Notizia, cf. infra, partie 3) à enlever des vêtements au fil des années. Le contenu des émissions de télévision

121 Selon Juliette Rennes et Marie-Rose Lagrave, il a fallu « batailler » pour imposer la discipline : http://www2.univ-paris8.fr/ RING/spip.php?article1293 50 Partie 2 – Rôle et représentation de la femme en Italie : entre mythe et réalité

perd dans le même temps sa visée culturelle et éducative, et continue de transmettre, malgré les avancées féministes des dernières décennies, les stéréotypes de genre de la société italienne, en les exagérant. La velina dénudée se met ainsi à côtoyer dans une sorte de schizophrénie totale la TeleVaticano (« Télé-Vatican »)122 et son idée de la femme vierge ou mère de famille. Une époque qui aurait donc été propice à de nouvelles revendications de la part des féministes italiennes, portant essentiellement sur les aspects culturels de la société italienne et des dangers de leur reproduction exagérée par les médias. « “Perché le donne italiane non reagiscono ?” mi chiedeva la giornalista del New York Times […], “Come mai in Italia non vi ribellate a questo maschilismo evidente ?” chiedevano dalla tv austriaca, dal quotidiano svedese […]. I giornalisti esteri si chiedevano come mai un paese che aveva espresso un movimento femminista importante come quello italiano non riuscisse più a esprimere un pensiero femminista autorevole »123. De nombreux étrangers se sont ainsi interrogés sur le sort que réserve la télévision italienne aux femmes, sans comprendre comment une telle situation a pu se mettre en place dans un pays ayant une forte tendance à être sous la coupe du Vatican, et sans que cela ait été dénoncé, que ce soit par les femmes ou par les catholiques eux-mêmes. Dans la plupart des pays occidentaux, le corps des femmes est instrumentalisé à des fins commerciales pour vendre des produits en tout genre, mais toujours dans une certaine mesure : ainsi, la Meute en France veille-t-elle à dénoncer le sexisme dans la publicité, tandis que l'Autorité de Régulation Professionnelle de la Publicité peut recevoir les plaintes contre de potentiels messages publicitaires à caractère sexiste et dégradante pour l'image des femmes. En Italie, cependant, cette instrumentalisation ne s'est pas restreinte uniquement à la publicité et a envahi toute la sphère médiatique, avec une intensité sans commune mesure avec ses voisins européens. Lorella Zanardo fait toutefois remarquer qu'il est également possible en Italie de signaler des contenus portant notamment atteinte à la dignité des femmes, mais que les organismes en charge de traiter ces dossiers sont confrontés à de multiples conflits d'intérêts : « […] l'impegno delle istituzioni varia in base agli orientamenti politici, ideologici ed economici di chi prende il potere [...] »124 (« […] l'engagement des institutions varie sur la base des orientations politiques, idéologiques et économiques de qui détient le pouvoir [...] »). Par ailleurs, l'auteure de Il Corpo delle Donne signale que de nombreuses plaintes, des signalements, ainsi que des pétitions avaient été transférés à ces organismes, révélant ainsi une part croissante d'individus (aussi bien de sexe féminin que de sexe masculin) opposés à l'utilisation systématique de la nudité féminine dans les médias. Selon elle, les féministes et les personnes engagées dans la lutte pour le respect des femmes n'ont pas toujours été muettes depuis la fin des grandes luttes féministes, mais plutôt muselées. Pour illustrer son propos, elle prend pour exemple deux événements survenus en 2009 : un débat sur le corps des femmes, et un autre sur le maintien ou non des crucifix dans les écoles.

122 Ainsi la nomme Norma RANGIERI dans Chi l'ha Vista ?, Ed. Rizzoli, Milan, 2007, p.79. 123 « ￿Pourquoi les femmes italiennes ne réagissent-elles pas ? ” me demandait une journaliste du New York Times […], “ Pourquoi en Italie vous ne vous rebellez pas contre ce machisme évident ? ” demandaient la télévision autrichienne, les journaux suédois […]. Les journalistes étrangers se demandaient comment il était possible qu'un pays qui avait eu un mouvement féministe aussi important que celui italien ne réussisse plus à exprimer une pensée féministe d'autorité ». Lorella ZANARDO, Il Corpo delle Donne, Ed. Feltrinelli, Milan, 2010, p.121. 124 Ibid. p.100. 51 La représentation des femmes à la télévision italienne

Tandis que ce dernier bénéficiait d'une large visibilité médiatique dépassant les frontières de l'Italie, le débat concernant les femmes était passé sous silence, n'intéressant que peu de médias italiens, et aucun média étranger. Ces divers éléments sont pour Lorella Zanardo une preuve du peu d'importance accordé à la question du respect du corps des femmes et du féminisme en Italie, souvent considéré comme dépassé et haineux envers les hommes. Toutefois, les récents événements qui ont défrayé la chronique italienne et les propos de Silvio Berlusconi dans le cadre de l'affaire du Rubygate ont redonné une certaine vigueur au mouvement féministe italien. D'un mutisme supposé, les intervention des féministes italiennes sont passées à un état de médiatisation de grande ampleur. La réalité de la vie des femmes italiennes a ainsi été révélée à toute l'Italie et à une grande partie du monde lors de la manifestation du 13 février 2011, qui a impulsé la constitution d'un nouveau mouvement, Se Non Ora Quando.

Le 13 février 2011 Suite aux propos sexistes et homophobes de Silvio Berlusconi lors du scandale du Rubygate à la fin de l'année 2010, un mouvement de femmes italiennes exaspérées du comportement de la classe politique italienne et des médias s'est mis en place début 2011 : Se Non Ora Quando (SNOQ). Ce groupe se présentant en défenseur de la dignité des femmes en Italie n'avait pas pour vocation première de perdurer dans le temps, mais d'organiser un grand rassemblement de femmes et d'hommes pour réagir à l'immobilisme du pays face à la situation et à la représentation des femmes. Suite l'organisation de cette mobilisation le 13 février 2011 et à son succès retentissant aussi bien en Italie qu'à l'étranger, SNOQ a continué ses actions en faveur des femmes, par l'organisation d'autres manifestations partout dans le pays et par une présence accrue sur internet. Le rassemblement organisé par SNOQ le 13 février 2011 partout en Italie portait en son sein de nombreuses revendications en faveur de la dignité des femmes, face à une situation de « crise » et d'immobilisme ayant contribué à la dégradation de leurs droits et de leur dignité depuis une vingtaine d'années (années du « berlusconisme »). Parmi ces revendications, la lutte contre la précarité et pour le travail des femmes, mais surtout, la lutte contre les stéréotypes véhiculés par les médias, et par Silvio Berlusconi. Des femmes d'âges, de professions et partis politiques différents, des mères de famille, des étudiantes et des religieuses se sont ainsi réunies sur les places d'environ deux cent cinquante villes italiennes, accompagnées de nombreux hommes, pour protester contre l'instrumentalisation du corps des femmes à la télévision et contre l'utilisation de femmes issues du monde du spectacle en politique. La plupart des slogans et des intervenantes demandaient la fin d'un modèle féminin exclusivement basé sur la beauté, et incitant les jeunes adolescentes à utiliser leur corps comme gagne-pain, mais également la fin d'un modèle masculin présentant l'homme comme avide de femmes et incapables de leur témoigner du respect. Le constat ressortant de cette manifestation exceptionnelle (estimée comme le premier grand rassemblement de femmes depuis l'arrivée de Silvio Berlusconi au pouvoir) est que de nombreuses femmes ne se reconnaissent pas dans le modèle de la femme-objet imposé par le Chef du Gouvernement et par la télévision. La population féminine italienne actuelle a de nouvelles attentes et aspirations, dont celle de pouvoir travailler et d'être reconnue comme compétente sans avoir besoin d'utiliser son corps, ou celle d'être mère tout en exerçant une profession. Le rassemblement du 13 février aura ainsi amassé un million de personnes en Italie, femmes et hommes (sans compter les manifestations de soutien à l'étranger) et donné une nouvelle voix féministe à l'Italie.

52 Partie 2 – Rôle et représentation de la femme en Italie : entre mythe et réalité

La télévision et le gouvernement italien étaient clairement visés le 13 février 2011, même si SNOQ avait revendiqué sa totale indépendance vis-à-vis des partis politiques. Malgré la visibilité donné au mouvement sur internet et dans la presse écrite de gauche, ainsi qu'à l'étranger, la télévision italienne a relativement peu relayé l'événement. Ainsi, d'après le journal d'opinion Il Fatto Quotidiano, les deux journaux télévisés les plus regardés en Italie, TG1 (Rai Uno) et TG5 (Canale 5, chaîne de Mediaset) ont purement et simplement cherché à « cacher » la manifestation : « Dalla visione dei due filmati risulta evidente il tentativo di nascondere la notizia della manifestazione a cui hanno preso parte centinaia di migliaia di persone in Italia e all’estero. » 125 (« Après le visionnage des deux films, il en résulte la tentative évidente de cacher l'information de la manifestation à laquelle ont participé une centaine de milliers de personnes en Italie et à l'étranger »). Le TG5 n'a ainsi pas relaté la présence d'une mobilisation sur la piazza del Popolo à Rome dans son édition de treize heures, et a fait figurer l'événement après les informations internationales, de manière peu objective et très orientée politiquement dans son édition de vingt heures : « Più per le donne o contro il governo ? » (« Plus pour les femmes ou contre le gouvernement ? »). Quant au TG1, seulement une minute et demi a été consacrée à l'événement126. A titre de comparaison, TF1, dans son édition du vingt heures du même jour, a accordé un temps légèrement supérieur à la manifestation (une minute quarante)127, incluant l'interview des organisatrices, leur activité sur internet et le rappel de la situation médiatique des femmes en Italie. Le gouvernement, quant à lui, et en particulier, Silvio Berlusconi, a relativement mal réagi à ce mouvement de femmes. Il a ainsi été évoqué à plusieurs reprises une manipulation des femmes par l'opposition de gauche dans le but de créer du tort à la majorité actuelle. Silvio Berlusconi et ses ministres (dont des femmes, telles que la Ministre en charge de l'Égalité des Chances, Mara Carfagna) ont qualifié ces manifestations partout en Italie de bourgeoises, puritaines et moralistes, de la part de femmes sous la coupe de la gauche. Le monde médiatique est donc très influencé par l'image que les hommes politiques donnent des femmes. La relation proche de l'amitié et de la complicité qu'entretiennent certains dirigeants (souvent conservateurs) avec les médias, les poussent parfois à tenir des propos déplacés et à faire des blagues de mauvais goût, souvent sexistes, sans pour autant se préoccuper des réactions qu'ils savent inexistantes. L'influence de ces propos sur les femmes, la façon de mettre en doute leurs compétences est d'autant plus grande sur le public qui les entend que ces hommes ont du pouvoir et ont acquis une certaine légitimité. Bien que la réaction de Se Non Ora Quando ait paru tardive pour de nombreux journalistes étrangers, elle a pu révéler au monde entier une réalité que les médias italiens ont omis de représenter depuis de nombreuses années : toutes les femmes ne suivent pas le modèle de la velina et refusent de vivre dans la passivité.

Conclusion de la deuxième partie

125 http://www.ilfattoquotidiano.it/2011/02/14/tg1tg5-linformazione-a-scalette-unificate/91907/ (cf. dixième annexe). 126 http://www.rai.tv/dl/RaiTV/programmi/media/ContentItem-bd3db554-97b1-4e4c-a202-a5ee3a916d6f-tg1.html (à partir de 11'35). 127 http://videos.tf1.fr/jt-we/le-20-heures-du-13-fevrier-2011-6275598.html (à partir de 03'28). 53 La représentation des femmes à la télévision italienne

Ce qui résulte de cette analyse des discours littéraires et médiatiques est l'intégration par la société de clichés sur les femmes, formant un cercle vicieux, ces stéréotypes largement grossis et exagérés s'étant dans un premier temps appuyés sur des valeurs propres à la société italienne. Ces clichés ont par ailleurs été largement soutenus par les instances politiques, qui bénéficient d'une très large visibilité médiatique, renforçant ainsi leurs poids et leur impact sur la société italienne. Le mouvement féministe italien, connu pour avoir été très puissant, s'est alors retrouvé muselé et confronté à une hostilité à la fois politique, médiatique et sociétale. Le modèle féminin est donc resté pendant de nombreuses années celui de la velina (et encore aujourd'hui, les veline étant plus que jamais présentes dans le paysage audiovisuel italien, comme nous le verrons dans une troisième partie), faute de voir les médias en véhiculer d'autres. Milly Buonanno résume leur attitude, et en particulier, l'attitude de la télévision comme une « résistance culturelle » face à la possibilité de la continuité de l'émancipation féminine : « […] per quanto riguarda l'immagine della donna, si tratta se mai di mutamenti “per il peggio”, poiché in presenza di movimenti sociali, come il movimento femminista, impegnati nella trasformazione di determinati assetti di relazioni, i mass media pongono in atto “dinamiche di resistenza culturale” [...] »128 Il est cependant intéressant de se pencher plus précisément sur ces images que véhiculent la télévision, ce qui sera l'occasion dans une troisième partie d'analyser ces images et les sous-entendus qu'elle véhiculent, ainsi que leur impact sur les personnes les regardant...

128 « […] en ce qui concerne l'image de la femme, on peut traiter de mouvements “pour le pire”, puisqu'en présence de mouvements sociaux, comme le mouvement féministe, impliqués dans la transformation d'organisations de relations, les mass media mettent en œuvre des “dynamiques de résistance culturelle” », Milly BUONANNO, Cultura di Massa e Identità femminile, Ed. RAI-ERI, Rome, 1991, p.19. 54 Partie 3 – Femmes et télévision en Italie : érotisme, jeunisme et mutisme

Partie 3 – Femmes et télévision en Italie : érotisme, jeunisme et mutisme

Pour illustrer ce lien entre société et télévision en Italie, et pour regarder plus en profondeur comment l’une influence l’autre, nous allons nous pencher plus en détail sur diverses émissions italiennes, notamment des émissions très appréciées du grand public et bénéficiant de bonnes audiences. Toutes sont des émissions se déroulant sur un plateau de télévision autour duquel est présent un public, s’exprimant souvent bruyamment lors de l’arrivée d’une velina . Deux de ces émissions sont des jeux, deux autres sont des émissions d’information. Il ne s’agira pas d’analyser les émissions en elles-mêmes, c’est-à- dire leur contenu et leur fonds, souvent assez similaires au type d’émissions vues en France (information satirique, jeux à prix, etc.), mais d’analyser leur forme : comment sont placés les personnages l’un par rapport à l’autre, comment sont-ils présentés, de quelle visibilité bénéficient-ils, comment sont hiérarchisés leurs rôles, que nous révèle leur discours... Quatre émissions seront ainsi analysées et deux autres, l’une italienne, l’autre françaises, seront comparées. Afin d’améliorer l’analyse et la portée de ces émissions sur les téléspectateurs italiens, une présentation succincte est nécessaire. Strisica la Notizia est un programme d’information satirique extrêmement populaire en Italie, autant par son caractère hors norme (les journalistes n'hésitent pas à dénoncer arnaques, manœuvres politiques ou escroqueries liées à la classe dirigeante) que par ses célèbres veline. C’est d’ailleurs cette émission qui a créé le concept de veline, et qui, depuis la fin des années 80, met en scène ces deux jeunes femmes, l’une brune, l’autre blonde, en début et fin d’émission, lors de petits numéros de danse. Striscia la Notizia est diffusée sur Canale 5 (Mediaset) après le journal télévisé, vers 21 heures, ce qui lui assure d’excellentes audiences. Prendere o Lasciare est un jeu télévisé présenté par Enrico Papi, accompagné de sa velina issue de la télé-réalité Raffaella Fico et diffusé sur Italia 1 (Mediaset) vers environ vingt heures129, chaque soir. Le jeu consiste en diverses propositions faites aux candidats, qui doivent deviner le prix de deux objets, puis les prendre ou les laisser. Il Mercante in Fiera est également un jeu télévisé diffusé sur Italia 1 jusqu’en 2009 et qualifié de « familial » car extrêmement regardé par les parents en compagnie de leurs enfants. Le jeu consiste en l’échange et l’achat de cartes, qui amènent à plusieurs situations visant à éliminer un à un les candidats. La velina de l’émission, Ainett Stephens, intervient dans le rôle de la Chatte Noire : si l’un des candidats possède la même carte qu’elle, il est éliminé. Enfin, Apprescindere , qui a un statut particulier : il s’agit d’une émission traitant de divers thèmes d’actualité diffusée le matin sur Rai 3, plutôt à destination d’un public âgé. L’émission est considérée comme très sérieuse et de qualité, en présence d’un animateur omnipotent, Michele Mirabella.

129 Le programme a été dénoncé par le MOIGE (Movimento Italiano Genitori), une associations de parents, car considérée comme offensante en raison de l’attitude de la velina à une heure de grande écoute. 55 La représentation des femmes à la télévision italienne

Dans un dernier temps, la Roue de la Fortune et la Ruota della Fortuna, respectivement diffusées sur TF1 et Italia 1 seront comparées, ce qui amènera à s’interroger sur la possibilité d’un « vélinisme » à la française.

Chapitre 1 – L'objectification du corps féminin par l'érotisation

Les émissions ici analysées (Striscia la Notizia, Prendere o Lasciare, Il Mercante in Fiera et Apprescindere), malgré leurs différences (certaines portent sur l'actualité, d'autres sont simplement des émissions de divertissement), ont toutes un point commun : de jolies femmes, plus ou moins dénudées, sont introduites dans les émissions afin de fidéliser le public, et en particulier, le public masculin. Les jeux de caméra sur leur corps ou leur visage, le contraste créé entre leur physique et celui des animateurs de sexe masculin présents dans les émissions, sont une nette représentation de la domination masculine issue d'une société patriarcale, et de la passivité de la femme. Malgré des réactions féministes qui commencent à se faire entendre en Italie, ces modèles féminins sont très en vogue chez les femmes italiennes, parfois très jeunes, comme en témoignent celles présentes dans ces émissions...

Section 1 – La caméra : le corps féminin sous toutes ses coutures La grande majorité des émissions italiennes, qu'il s'agisse d'émissions de divertissement ou d'information, du service public ou de la télévision privée, proposent une image de la femme presque exclusivement basée sur son physique. Le rôle de la « potiche », la plupart du temps, la velina, qui se décline en plusieurs formes : la grechina, notamment, apparaît ainsi dans un grand nombre d'émissions télévisées. Leur présence n'a pas d'autre utilité que celle de fidéliser un public, et plus particulièrement, un public masculin130 : les émissions sont ainsi faites pour et par les hommes, avec une vision tronquée de la femme et du rôle qu'elle tient. Leur corps, principal outil de leur représentation télévisée, est perçu comme un objet, sur lequel la caméra s'attarde, zoome et revient régulièrement. La manière de placer la caméra (notamment, par des angles de vue en plongée et en contre-plongée), les façons de se mouvoir et de se tenir des jeunes femmes filmées vont permettre des cadrages sur les zones du corps féminin les plus « intéressantes » pour le spectateur devant sa télévision. Une manière de filmer « sous toutes les coutures », qui provoque la fascination du spectateur (exposée par des plans réguliers sur les visages de membres masculins du public, filmés bouche bée et les yeux écarquillés) et du téléspectateur, derrière son écran. Cette manière de filmer le corps des femmes ; les « plans gynécologiques » dénoncés par Norma Rangeri et Lorella Zanardo, omniprésents à la télévision italienne, la fascination qu'ils provoquent chez le spectateur sont autant d'éléments permettant de faire un lien entre la dictature de la beauté dans les médias et la dictature de la beauté dans la société italienne. Par la fascination que procure la transmission visuelle de ces images, le téléspectateur se

130 Pourtant, dans Il Corpo delle Donne, Lorella Zanardo rappelle que 60% des personnes regardant la télévision en Italie sont des femmes, mais qui s'accommodent et enregistrent des codes masculins. 56 Partie 3 – Femmes et télévision en Italie : érotisme, jeunisme et mutisme

trouve ainsi confronté au risque de perdre toute distance entre l'événement en lui-même et ce qu'il en voit à travers le prisme de la télévision. La plupart des émissions ici analysées ont recours aux veline, des « potiches » télévisuelles dénudées, sexy et provocantes, prenant des postures laissant à la caméra le loisir de filmer les parties les plus intimes de leur corps. C'est ainsi le cas pour Prendere o Lasciare, Il Mercante in Fiera et Striscia la Notizia, qui possèdent toutes leur velina. D'autres modèles de « femmes décoration » sont nés dans le sillage de cette célèbre figure de la velina, notamment, la grechina 131 (pour reprendre le terme de Lorella Zanardo), qui sans être nullement provocante, n'a que peu de responsabilités dans les émissions et accompagne souvent un présentateur de sexe masculin. Sans que la caméra ne la filme dans son intimité comme la velina , la grechina est une jolie femme qui casse la monotonie du programme télévisé par son sourire et sa beauté, rappelés par de nombreux plans, notamment de son visage, pendant toute la durée de l'émission. Plus utilisées par la Rai, il est possible d'en croiser une dans l'émission d'information Apprescindere.

Veline et « Inquadrature ginecologiche » Divers jeux de caméra et manières de filmer ont permis à des émissions différentes de placer le corps des veline au centre de leur contenu. Ainsi, Striscia la Notizia, Prendere o Lasciare ou Il Mercante in Fiera utilisent toutes des méthodes différentes de filmer les jeunes femmes dénudées présentes mais parviennent toujours à un seul et même résultat : des plans sur les parties intimes (comprendre, poitrines, fesses et parfois même, dans les cas les plus extrêmes, entre-jambe) des femmes et une transformation de celles-ci en un objet qui se regarde minutieusement et dans les moindres détails. Toutes les veline de ces programmes sont en interaction avec au moins un homme, qui présente l'émission. Les manières de filmer les personnages de sexe féminin et les personnages de sexe masculin diffèrent totalement ; l'homme-présentateur n'est filmé que de face, en angle plat, sans zoom sur aucune partie de son corps, si ce n'est le visage, lorsqu'il prend la parole. L'émission satirique d'information Striscia la Notizia (sur la chaîne Canale 5, groupe Mediaset), dont les sujets abordés et le mode de présentation se rapprochent du Petit Journal de Yann Barthès sur Canal + (dans un format plus long, d'environ une demi heure) est certainement la plus représentative du phénomène de « vélinisation » des médias italiens. Si elle est l'émission qui a révélé et mis à la mode ces jeunes femmes, qui, ayant rencontré un grand succès auprès du public, ont peu à peu colonisé le petit écran, elle est également celle où leur présence est la moins « nécessaire ». Striscia est en effet une émission satirique, qui n'hésite pas à dénoncer des faits graves (parfois en rapport avec les mafias), la corruption ou les arrangements des politiques. La présence de veline peut alors paraître paradoxale dans le cadre d'une telle émission : elle dénonce les failles du système italien, tout en se conformant à celui-ci, l'utilisation du corps dénudé des femmes étant l'une de ses spécificités et l'un des sujets de critiques. Les deux jeunes filles jouant le rôle des veline à Striscia la Notizia, Costanza Caracciolo (la blonde) et Federica Nargi (la brune), 21 ans et veline dans l'émission depuis 2008, suite à leur victoire à Veline, doivent effectuer un petit spectacle de danse de moins d'une minute au début et à la fin de l'émission. Entre les deux ballets qu'elles effectuent, divers reportages, interviews et enquêtes menés sur un ton humoristique et satirique ont lieu, sans que leur présence ne soit requise, et elles restent

131 Le mot « grechina » pourrait se traduire par « décoration », et correspondrait donc plus que la velina, autant par son appellation que par sa fonction, à la « vraie » potiche connue en France. 57 La représentation des femmes à la télévision italienne

hors champ durant tout ce temps. Ainsi, par exemple, dans l'émission du 26 novembre 2008132, sur environ 26 minutes d'émission, elles apparaissent moins de deux minutes. Les extraits vidéo (cf. vidéo « Striscia la Notizia – Veline ballets »), qui ont été recueillis pour la majorité d'entre eux en 2009 et 2010 se focalisent sur la manière de filmer ces célèbres représentations de danse qui font la renommée de Striscia et des deux veline. On peut ainsi remarquer dans les six séquences composant cette première vidéo une forte tendance de la caméra à filmer en contre-plongée pour pouvoir avoir un meilleur aperçu des fesses des deux jeunes filles ou pour pouvoir filmer le dessous de leur jupe (cela est particulièrement visible dans la cinquième séquence, – à partir de 02'18 – où la caméra se situe quasiment en-dessous des deux veline), ainsi que de fréquents zooms. L'utilisation d'accessoires comme des chaises (01'42), une barre de pole dance (00'57, 01'06) ou une piscine gonflable pour la « douche » (02'45) augmente l'effet d'érotisation des danses lascives de Costanza Caracciolo et Federica Nargi ; plus la caméra s'approche du corps des jeunes femmes et scrutent leur intimité, plus les cris du public se font entendre (cela est particulièrement visible dans la sixième et dernière séquence, lorsque Federica Nargi retire sa serviette pour dévoiler son maillot de bain, à 02'53). Les chorégraphies sont pensées exclusivement dans l'objectif de faciliter l'accès des caméras à certaines parties du corps : ainsi, dans la majorité des séquences (exception faite des deux dernières), les deux danseuses lèvent au moins une fois une jambe (00'16, 0'57, 00'59, 01'04, 01'53), laissant entrevoir leur entre-jambe à la caméra (les plans sont également facilités par les vêtements extrêmement succincts et moulants). Les jeunes filles se penchent (par exemple, Costanza Caracciolo dans la première séquence, 00'12) ou dansent sur la barre de pole dance en sachant parfaitement où est la caméra et comment se comporter lorsqu'elle s'approche (on voit ainsi Costanza regarder derrière elle lorsqu'elle se penche en avant dans la première séquence, de même que Federica dans les troisième et dernière séquences – 01'12 et 02'56 –). Les plans de Federica dans la cage (première séquence – 00'05 –) ou au début de la deuxième séquence (00'32) sont typiques de ce que Lorella Zanardo appelle les « plans gynécologiques » : la jeune femme écarte clairement les jambes devant la caméra. Une telle manière de filmer et de dévoiler leurs « charmes » de la part des deux veline laisse sous-entendre une certaine passivité, mais surtout une disponibilité de ces jeunes filles pour le spectateur et téléspectateur qui peut interpréter cela comme une généralité s'appliquant aux femmes en général. En ce qui concerne l'émission Prendere o Lasciare, dans laquelle la velina, Raffaella Fico, s'exhibe particulièrement et de manière extrêmement provocante en début de soirée sur Italia 1, les plans en contre-plongée sont là aussi de mise. Tout comme pour les veline de Striscia la Notizia, le rôle tenu par Raffaella Fico dans Prendere o Lasciare n'est pas d'une importance majeure et l'émission pourrait parfaitement « survivre » sans son intervention (c'est par ailleurs le cas : l'émission, qui existe depuis 2007, n'a intégré les interventions de Raffaella Fico qu'en 2009), mais contrairement à elles, elle est sollicitée tout au long de l'émission, faisant de nombreuses apparitions et ayant des interactions seulement avec le présentateur, Enrico Papi. Son rôle consiste en effet à donner les « propositions » aux concurrents, propositions intervenant six fois dans le jeu. Cependant, le présentateur fait également appel à elle sans aucune raison, pour donner une touche « sexy » à un jeu télévisé assez morne et à l'opposé de cet univers (pour Lorella Zanardo, des émissions telles que Prendere o Lasciare ont un contenu qu'elle qualifie de « pauvre » mais qui

132 http://www.striscialanotizia.mediaset.it/template/template_puntata26novembre2008.shtml 58 Partie 3 – Femmes et télévision en Italie : érotisme, jeunisme et mutisme

ont du succès, seulement grâce à l'utilisation de belles jeunes femmes133). Ces diverses interventions sont l'occasion de nombreux plans sur l'intimité de la jeune femme et de « stacchetti » (petits ballets) provocants. Tous les extraits vidéos de Prendere o Lasciare montrent une Raffaella Fico extrêmement dénudée et prenant des poses lascives et suggestives, tout en regardant la caméra et jouant avec. Les moments de discours avec Enrico Papi (cf. corpus vidéo Prendere o Lasciare – Raffaella Fico – Discours) ne sont pas dissociés des moments de danse et sont filmés de la même façon. Seule la manière de filmer entre les deux personnages est différente : tandis que divers plans sont faits de manière obsédante sur les fesses de Raffaella Fico, la caméra est fixe lorsqu'elle filme Enrico Papi (la première et la quatrième séquence – 01'35 – sont particulièrement représentatives de ce phénomène). Il est également à noter que Raffaella n'est pas en contact physique avec le présentateur, les candidats participant au jeu ou le public : elle est en effet filmée dans une pièce à part et ses interventions sur le plateau télévisé sont retransmises par l'intermédiaire d'un écran géant. La taille de l'écran permet ainsi au public, tant sur le plateau de l'émission que devant sa télévision d'avoir pleine vue sur la jeune femme. L'utilisation d'accessoires tels qu'une échelle et un escabeau (cf. toutes les séquences de la vidéo Prendere o Lasciare – Raffaella Fico – Echelle) est clairement faite pour être au plus près de l'intimité de Raffaella et permet à la caméra de faire des zooms à loisir non seulement sur les fesses, mais également sur les parties génitales de la jeune femme, cachée par des sous-vêtements succincts et parfois la jupette de son costume de scène (cela est particulièrement visible à la cinquième séquence, lorsque Raffaella est déguisée en ange – 00'27 –, ainsi qu'aux septième et dernière séquences : 00'46 et 01'24). Durant presque toute la durée de ses interventions, Raffaella Fico monte et descend inlassablement une échelle. Le « plan gynécologique » est donc utilisé de manière très excessive, et le visage de la jeune femme n'est que très peu filmé, son corps étant très clairement privilégié. D'autres accessoires sont visibles (dans la vidéo Prendere o Lasciare – Raffaella Fico – Danse) tels que qu'un cerceau de hula-hoop (deuxième séquence, 00'23), permettant également à la caméra de s'attarder sur le déhanché et le postérieur de la velina. Le placement de la « boîte aux lettres » dans laquelle Raffaella Fico glisse les propositions aux candidats n'est pas non plus anodin : la jeune femme se voit dans l'obligation de se pencher en avant pour pouvoir glisser les enveloppes, ce qui permet un zoom de la caméra sur son décolleté (particulièrement visible à 00'37, 00'56 et 02'05). La manière de filmer en général donne l'impression au spectateur de se trouver dans la même pièce que Raffaella Fico. L'attitude de cette dernière envers la caméra, ses poses suggestives ou ses danses lascives accentuées de coups d'œil et de tentatives de séduction (00'12, 01'53, 02'06, pour ne citer que ces passages...) laissent penser une entière disponibilité de la jeune femme, et la possibilité de la « posséder » pour le spectateur (comme le montre le plan à 00'11 dans la vidéo Prendere o Lasciare – Raffaella Fico – Discours) téléspectateur, qui interprète ces images comme une forme d'invitation. Une autre velina, un peu plus particulière, Ainett Stephens, apparaît dans le jeu télévisé très apprécié des familles et des enfants (des éditions spéciales pour les enfants ont été faites, mais contrairement aux autres diffusions, le décolleté vertigineux d'Ainett Stephens disparaît) Il Mercante in Fiera. Bien que ses apparitions soient très succinctes et qu'elle

133 « Sono trasmissioni dal contenuto povero, di solito quiz banali, dove, in assenza di creatività, l'attrattiva principale consiste nella ripetizione ossessiva delle inquadrature di parti intime di una ragazza », « Ce sont des transmissions au contenu pauvre, habituellement, des quiz banals, où, en l'absence de créativité, l'attractivité principale consiste en la répétition de plans sur les parties intimes d'une fille », Lorella ZANARDO, Il Corpo delle Donne, Ed. Feltrinelli, Milan, 2010. 59 La représentation des femmes à la télévision italienne

reste couchée sur un sofa pendant pratiquement toute la durée de l'émission (son rôle consiste seulement à garder une carte essentielle au jeu, puis à la redonner au présentateur une fois arrivé le moment de révéler cette carte), tout comme pour les veline de Striscia la Notizia et Prendere o Lasciare, sa nudité et ses parties intimes ne sont pas filmées directement. La jeune femme, dans son rôle de Gatta Nera (Chatte Noire), ne semble pas tenter de séduire la caméra et à travers elle, les téléspectateurs ; elle ne sourit pas, n'est pas avenante, contrairement à son double la Gatta Bianca (Chatte Blanche), qui n'est apparue dans l'émission que beaucoup plus tard et qui ne joue aucun rôle important. La Chatte Noire (cf. vidéo Ainett Stephens – Chatte Noire – Il Mercante in Fiera) porte une combinaison de latex noir du même style que les vêtements sado-maso, qui sans laisser voir ses fesses et parties intimes, dévoile un décolleté laissant apparaître son nombril (tout comme la Chatte Blanche, qui est pourtant censée représenter la pureté, l'opposé de la Chatte Noire : cf. vidéo Ainett Stephens – Chatte Blanche – Il Mercante in Fiera). Contrairement à Federica Nargi, Costanza Caracciolo et Federica Fico, Ainett Stephens, dans son rôle de Chatte Noire, est présentée comme une dominatrice, non une femme soumise. Le jeu des caméras, tout comme pour les deux autres émissions vues auparavant, se fait beaucoup en plans en contre-plongée (au début de la vidéo de la Chatte Noire, par exemple, lorsqu'elle se lève dans une attitude lascive). Lorsque dans la première séquence le présentateur et la velina se rencontrent, la caméra remonte lentement des pieds à la tête de la jeune femme, afin de faire un plan serré sur son décolleté, puis s'arrête en angle plat pour pouvoir filmer le présentateur à côté d'elle. On remarque ainsi qu'il s'agisse de la première ou de la deuxième séquence, la jeune femme n'est filmée « normalement » que lorsqu'elle a des interactions avec le présentateur. Lorsqu'il s'agit du rôle de la Chatte Blanche, la façon de filmer diffère (cf. vidéo Ainette Stephens – Chatte Blanche – Il Mercante in Fiera) : c'est la seule fois où Ainett Stephens est filmée comme le présentateur, de face (exception faite du générique qui alterne tour à tour zooms sur le décolleté et sur le postérieur de la velina). Toutefois, il est à noter que la jeune femme entre dans un plan à mi-chemin entre le plan rapproché (jusqu'à la taille) et le plan poitrine ; l'intérêt réside en effet dans la possibilité pour le téléspectateur d'avoir une vue sur le décolleté. Enfin, Ainett Stephens n'offrant pas de « stacchetto » durant l'émission, des « danseuses » sont mises à disposition au début, à la fin et lors de l'annonce la page de publicité (cf. vidéo Danseuses – Il Mercante in Fiera). Filmées elles aussi en contre-plongée (à 00'06, cela est particulièrement visible), leurs vêtements succincts et leur chorégraphie relativement peu recherchée indiquent clairement une volonté de donner au spectateur ce qui lui a manqué avec Ainett Stephens. Qu'il s'agisse de Striscia la Notizia, de Prendere o Lasciare ou du Mercante in Fiera, les trois émissions présentent une manière de filmer commune, qui s'attarde notamment par des plans en contre-plongée et des zooms sur certaines parties du corps des femmes. L'attitude que les jeunes femmes se doivent d'avoir face à la caméra est révélatrice d'une volonté de montrer des femmes disponibles, sans inhibitions et entièrement à la disposition du spectateur. L'image n'étant pas seulement image mais également un symbole avec une représentation derrière, elle transmet un message spécifique sur le rôle physique de la femme à la télévision. Elle n'est pas une représentation de la réalité mais peut être interprétée comme telle.

La grechina : le cas de Apprescindere Les grechine, très présentes également dans le paysage télévisé italien, sont souvent moins visibles que les veline, du fait de leur réelle fonction de décoration. Ce sont souvent de 60 Partie 3 – Femmes et télévision en Italie : érotisme, jeunisme et mutisme

très jolies jeunes femmes, qui n'ont rien de provoquant. Elles entourent le présentateur (qui est toujours un homme) et rendent l'émission plus « agréable » à regarder, sans tomber dans la provocation, voire la vulgarité. Les grechine peuvent aussi bien n'avoir aucune responsabilité autre que de se tenir à côté du présentateur sans ouvrir la bouche, qu'intervenir pour compléter ses propos. Eva Crosetta, qui présente l'émission de société Apprescindere aux côté de Michele Mirabella en est un parfait exemple, malgré ses brillantes études. Contrairement aux veline Costanza Caracciolo, Federica Nargi, Raffaella Fico et Ainett Stephens, Eva Crosetta a une attitude tout à fait professionnelle, des vêtements « normaux » et n'est jamais filmée en contre-plongée pour pouvoir faire apparaître certaines parties de son corps aux téléspectateur. En revanche, des plans réguliers sont faits sur son visage tout au long de l'émission, sans que cela ne soit jamais le cas pour le présentateur Michele Mirabella, filmé à distance durant des séquences très courtes. Sur la vidéo Apprescindere - Plans visage Eva Crosetta, on peut ainsi voir à 00'14, 00'24 et 00'40 des plans très serrés sur le visage de la jeune femme lors de l'interview d'un invité par le présentateur (ces plans apparaissent ainsi régulièrement sur une interview d'environ dix minutes). En revanche, lorsque c'est au tour de la jeune femme d'interroger un invité, il est très rare que Michele Mirabella entre dans le champ de la caméra (dans la même émission134, il n'apparaît pas une seule fois durant l'interview effectuée par Crosetta135). Par ailleurs, seule la jeune femme est filmée en gros plan, voire parfois en très gros plan (cf. vidéo Apprescindere - Plans visage Eva Crosetta) : la caméra zoome tellement sur le visage de la grechina que son visage entier ne peut entrer dans le champ : cela est tout particulièrement frappant à 00'24, 00'40 et surtout, 00'58. La caméra s'approche toujours plus du visage de la jeune femme, jusqu'à couper une partie de son front et de son menton, chose d'autant plus surprenante qu'elle est filmée de face. Veline ou grechine, la manière de filmer les femmes à la télévision italienne est très représentative d'un rôle purement décoratif qu'on leur assigne également dans la société. Elles se doivent d'être belles, agréables à regarder, sans avoir aucun autre rôle que celui qui leur est confié. Les manières de filmer et de positionner la caméra lorsqu'il s'agit de capturer l'image d'un personnage féminin sont extrêmement différenciées de celles mises en place dans le cas d'un personnage masculin. L'homme représente un tout, tandis que la femme est réduite à certaines parties de son corps, considérées comme plaisantes à regarder. La confrontation entre les deux sexes à la télévision italienne ne s'arrête cependant pas là. En effet, les différences résident surtout dans le physique des personnages des deux sexes.

Section 2 – Une confrontation récurrente entre les physiques masculins et féminins mise en scène à la télévision italienne Les différentes manières de filmer les personnages masculins et les personnages féminins à la télévision italienne ne représentent ainsi qu'une part de la différenciation des rôles des deux sexes. Qu'il s'agisse de la manière de se vêtir, de l'attitude, de la beauté physique ou même de l'âge des hommes et des femmes à la télévision italienne, tout semble différer et opposer diamétralement les deux sexes. L'homme est élégamment vêtu, d'âge mûr, il n'est pas forcément beau, mais qu'importe, ce n'est pas sa première fonction. Il n'est en effet présent sur le plateau que pour ses compétences intellectuelles, non esthétiques.

134 http://giuliainnocenzi.blogspot.com/search/label/Apprescindere 135 A partir de 23'37. 61 La représentation des femmes à la télévision italienne

La femme, quant à elle, est dénudée, jeune, belle ; et il peut sembler évident pour le téléspectateur, durant la rencontre des deux sexes lors d'émissions télévisées, que la femme a un rôle et une utilité télévisuelle secondaire, entièrement basée sur le physique, tandis que l'homme, de par son attitude et son allure, semble incarner l'autorité et la connaissance. « In Tv il problema non è dunque la nudità in sé e, dopotutto, nemmeno l'erotizzazione delle immagini […]. Il problema italiano non è certo il nudo o l'erotismo […]. Il problema è il modo in cui è presentata la relazione di genere attraverso la ragazzetta nuda e ancheggiante accanto al maestro di cerimonia (il conduttore) che la sorveglia (paragonabile all'eunuco dell'harem del Topkapi). »136 Cette relation de genre est présentée en deux temps : une opposition entre le physique des personnages et une opposition entre leur âge.

Une confrontation entre les physiques masculins et féminins Dans les quatre émissions figurant dans le corpus (Striscia la Notizia, Prendere o Lasciare, Il Mercante in Fiera et Apprescindere) la différence entre l'allure et l'aspect physique des présentateurs et des veline/grechine est flagrante et récurrente (il est à noter que cet échantillon de vidéos est extrêmement représentatif d'une réalité à la télévision italienne, dans laquelle les femmes sont extrêmement belles et les hommes « normaux »). Lorella Zanardo qualifie le présentateur de « bruttino » (c'est-à-dire laid, ou du moins, ayant un physique peur remarquable), aux attraits physiques « inférieurs » à celui des jeunes femmes qui l'entourent137. Dans Striscia la Notizia, les deux présentateurs, Ezio Greggio et Enzo Iacchetti (et, selon les saisons, Salvo Ficarra et Valentino Picone) sont en tous points opposés à leurs « collègues » Federica Nargi et Costanza Caracciolo. Dans la vidéo Striscia la Notizia – Veline présentation issue du corpus, il est possible de voir les quelques minutes de l'émission où les veline sont filmées à côté des deux présentateurs. La différence entre les deux sexes paraît alors frappante, non seulement, dans un premier temps, par la différence d'âge des protagonistes (cf. infra) et toutes les conséquences physiques qu'elle induit, mais également par l'aspect esthétique en général. Le passage que fait la caméra du visage de Ezio Greggio à Costanza Caracciolo à 01'16 est révélatrice des disparités physiques entre le modèle féminin et le modèle masculin que propose la télévision italienne : on passe d'un homme élégamment vêtu et dont seuls les mains et le visage sont « mis à nus », à la jeune femme maquillée, coiffée et arborant un sourire figé. Les deux présentateurs sont par ailleurs, habillés (ce qui est le cas des veline, mais dans une moindre mesure étant donnés leurs costumes de scène succincts) : leurs vêtements sont élégants, sobres, souvent noirs et blancs et ils portent parfois même la cravate (c'est le cas de Enzo Iacchetti en première séquence et de Ezio Greggio à 01'12). Les vestes sont de rigueur, créant ainsi un contraste avec les bras et les jambes dénudées de Costanza Caracciolo et Federica Nargi, particulièrement lorsqu'elles se trouvent agenouillées sur le bureau, de chaque côté des deux présentateurs (par exemple, à 02'48 : les veline portent un mini-short avec

136 « A la télévision, le problème n'est donc pas la nudité en soi, et, après tout, n'est pas non plus l'érotisation des images […]. Le problème italien n'est pas le nu ou l'érotisme […]. Le problème est la manière dont est présentée la relation de genre à travers la petite jeune fille nue et aguicheuse à côté du maître de cérémonie (le présentateur) qui la surveille (tel l'eunuque du harem de Topkapi). », Giovanna CAMPANI, Veline, Nyokke e Cilici, Ed. Odoya, Bologne, 2009, p.86. 137 Lorella ZANARDO, Il Corpo delle Donne, Ed. Feltrinelli, Milan, 2010, p.78. 62 Partie 3 – Femmes et télévision en Italie : érotisme, jeunisme et mutisme

un débardeur échancré, laissant nus leurs bras, jambes et poitrine, tandis que les deux hommes portent des vestes et chemises bien fermées). Les deux hommes ne sont par ailleurs visibles qu'à moitié, le bureau masquant le bas de leur corps, tandis que les veline sont clairement exposées, au premier plan, malgré leur non-participation aux discussions qui ont lieu entre les deux animateurs. C'est le même constat qui est fait avec l'émission Prendere o Lasciare : Enrico Papi, présentateur connu pour toujours avoir à ses côtés des veline parfois très provocantes dans ses émissions, ne peut être objectivement qualifié de bel homme : relativement petit, portant des lunettes sur un visage rond et poupon, il est loin du « niveau esthétique » qu'atteint Raffaella Fico. Dans la vidéo Prendere o Lasciare – Raffaella Fico – Discours, la confrontation entre les physiques des deux personnages principaux est d'autant plus flagrante que Raffaella apparaît sur un écran géant, tandis qu'Enrico Papi semble encore plus petit face à elle. Tout comme Ezio Greggio et Enzo Iacchetti, les présentateurs de Striscia la Notizia, Enrico Papi est élégamment vêtu d'un pantalon et d'une chemise tout à fait classiques (sa tenue change d'ailleurs très peu d'un épisode à l'autre de son émission, alors que Raffaella Fico alterne plusieurs fois dans un même épisode entre son « uniforme » habituel composé d'une jupette et d'un débardeur échancré et divers ensembles de lingerie sexy), une tenue « normale » pour un présentateur de télévision. En revanche, Raffaella Fico apparaît beaucoup plus souvent dévêtue qu'habillée (et, lorsqu'elle se montre habillée à certains moments de l'émission, il s'agit d'un costume comprenant une jupe arrivant à mi-fesses). Cela crée un net rapport de domination entre les deux personnages : l'homme apparaît raisonnable, telle une figure, un modèle auquel se référer, tandis que la jeune femme apparaît au contraire comme une figure subalterne, un objet qui s'expose. Le contraste entre les deux tenues des personnages se fait d'autant plus lors des quelques interactions directes (c'est-à-dire, sans l'intermédiaire d'un écran) qui ont lieu entre eux (le plus souvent, en début d'émission) : dès la première séquence de la vidéo Prendere o Lasciare – Raffaella Fico – Echelle, un choc entre les deux genres se produit : d'un côté un homme habillé, chemise boutonnée jusqu'au cou, une veste à la main, et de l'autre, une femme à moitié nue, laissant apercevoir jusqu'à ses fesses. Ce jeu de contrastes entre les deux personnages, Raffaella Fico et Enrico Papi perdure ainsi pendant toute l'émission, de manière quasi obsessionnelle, au risque d'une accoutumance du téléspectateur et d'une banalisation de telles différenciations de genres. Il en va de même entre la velina Ainett Stephens et le présentateur Pino Insegno dans l'émission Il Mercante in Fiera (cf. la vidéo Ainett Stephens – Chatte Noire – Il Mercante in Fiera). Lorsque les deux personnages se retrouvent l'un à côté de l'autre (c'est-à-dire, deux fois dans chaque émission, le rôle de la Gatta Nera étant relativement restreint), les différences physiques, qui étaient déjà évidentes entre les deux personnages pris séparément, deviennent flagrantes. Ainett Stephens est une femme plantureuse et très grande, connue notamment dans le paysage audiovisuel italien pour avoir été parmi les finalistes de Miss . Pino Insegno, quant à lui, entre dans la même « catégorie » qu'Enrico Papi, présentateur de Prendere o Lasciare : petit et sans charme, les cheveux gris et le visage rond, il est bien loin des canons de beauté exigés pour sa velina. Son rôle n'est en effet pas basé sur son physique, comme cela est le cas dans la grande majorité des émissions italiennes, mais sur ses compétences d'acteur et de présentateur. Qu'elle tienne le rôle de la Chatte Blanche (qui représente la pureté et la gentillesse) ou celui de la Chatte Noire (l'exact opposée de sa « sœur » de couleur blanche), Ainett Stephens porte toujours une combinaison de latex très moulante, extrêmement échancrée dans le dos (comme elle le laisse apercevoir dans la vidéo Ainett Stephens – Chatte Noire – Il Mercante in Fiera, à 00'03), avec un décolleté plongeant jusqu'au nombril (d'autant plus lorsque c'est la Chatte

63 La représentation des femmes à la télévision italienne

Noire qui entre en jeu), ne laissant aucun doute quant à son utilité télévisuelle. L'image de « porno-soft » que dégage Ainett Stephens culmine à 00'20, lorsque les deux personnages se retrouvent côte à côte, pour le « passage de carte ». En plus de sa combinaison de latex moulante échancrée, Ainett Stephens porte un collier très près du cou, et surtout, de longs gants noirs munis de griffes acérées, afin de rappeler son personnage félin. A côté d'elle, le présentateur a l'air d'un homme simple, vêtu d'un costume gris, tel qu'on pourrait en croiser dans la rue. Cette scène, inimaginable dans les pays du Nord de l'Europe selon Lorella Zanardo138, semble renvoyer un message net aux téléspectateurs, et plus particulièrement, aux téléspectateurs masculins : il est tout à fait possible, normal, voire même obligatoire, qu'un homme plutôt laid et sans charme puisse avoir à sa disposition de belles femmes beaucoup plus jeunes, en tenue légère ou tout droit sortie d'un film pour adultes. Par ailleurs, le présentateur Pino Insegno n'ignore pas ces différences flagrantes existant entre les physiques masculin et féminin : ainsi, dans la vidéo Danseuses – Il Mercante in Fiera (cf. la traduction « danseuses » en quatorzième annexe) : à 00'21, il plaisante avec les danseuses de son émission : « Vous êtes jalouse de mon corps »... Une nuance peut cependant être apportée concernant Eva Crosetta, la grechina apparaissant dans Apprescindere, aux côtés du présentateur Michele Mirabella. Du fait de son rôle particulier, qui diffère quelque peu de celui, plus classique, de la velina, la grechina n'a pas une fonction purement érotique, et n'est donc pas habillée en conséquence (même si elle a souvent une tendance à porter des jupes et des robes, parfois assez courtes). Ainsi, dans toutes les vidéos du corpus consacrées à l'émission Apprescindere, aucune différence majeure n'apparaît dans la façon de se vêtir entre Eva Crosetta et Michele Mirabella ; les deux personnages sont élégants. Seule différence à constater entre les deux animateurs (l'âge mis à part) est le soin apporté à chaque détail du visage. Les gros plans sur le visage d'Eva Crosetta sont en effet récurrents tout au long de l'émission, aussi bien lors de ses interventions que lorsqu'elle ne devrait pas entrer dans le champ de la caméra (cf. vidéo Apprescindere – Plans visage Eva Crosetta). La coiffure et le maquillage sont ainsi extrêmement soignés, jusqu'à outrance (à 01'05, par exemple) : on ne distingue plus les traits de la jeune femme, ni ses expressions faciales, tant le travail de maquillage est méticuleux ; les rides éventuelles, petites imperfections ou cernes sont totalement invisibles, tant est si bien que les différences de carnation entre le cou et le visage ou entre la bouche et le reste du visage ne se distinguent également plus. Cependant, un détail majeur dans la différenciation physique des personnages masculins et féminins est visible dans chacun des émissions constituant le corpus : l'âge des personnages. Un détail physique en premier lieu, mais qui induit une certaine domination masculine des présentateurs, qui peut entraîner par la suite un comportement paternaliste et infantilisant à l'égard des jeunes femmes, vidéos à l'appui (cf. infra, chapitre 2, section 1).

Homme mûr et femme jeune : une différence d'âge récurrente Un élément essentiel apparaît lors du visionnage d'émissions italiennes en tout genre (du quiz télévisé aux émissions d'informations) : lorsque nous sommes en présence de programmes présentés par un personnage de chaque sexe, l'homme est toujours beaucoup plus âgé que la femme. Dans les quatre émissions composant les extraits vidéo du corpus, cette réalité est particulièrement visible. Aucune des jeunes femmes présentes dans ces

138 Dans Il Corpo delle Donne, l'auteure imagine quelles seraient les réactions de ses amies norvégiennes à la vue de Ainett Stephens à la télévision, à l'heure où les enfants ne sont pas encore couchés, dans son costume de dominatrice sado-maso (p.43 et 44). 64 Partie 3 – Femmes et télévision en Italie : érotisme, jeunisme et mutisme

émissions ne dépassent de loin la trentaine, tandis que les présentateurs de sexe masculin se tenant à leurs côtés n'ont jamais moins de 45 ans. 1982, 1988 et 1990 sont les dates de naissance des veline présentes dans les vidéos du corpus. 1965, 1959, 1954, 1952 et 1943 sont, en revanche, les dates de naissance des présentateurs des différentes émissions. De telles différences d'âge n'induisent pas seulement des disparités physiques ; en effet, elles s'accompagnent, de par le symbole et le message qu'elles retransmettent, d'une vision de la femme comme un être fragile, juvénile, immature et mineur (comme les « bambine » de Silvio Berlusconi, c'est-à-dire, ses jeunes ministres de sexe féminin, cf. huitième annexe). La figure rassurante, paternelle de l'homme (le présentateur) s'accompagne ainsi de la figure infantile, nécessiteuse d'une protection virile, de la femme (la velina). Ce que semblent transmettre ces images répétitives, obsessionnelles et parfois proches du matraquage médiatique, c'est que la télévision italienne n'offre pas d'autre possibilité aux femmes qu'être jeunes. Ce message est celui qu'elles donnent à un public nombreux, aussi bien féminin que masculin, dès la plus tendre enfance, à un âge où l'esprit critique est absent et où les images sont absorbées et intégrées à une vitesse déconcertante. Striscia la Notizia est probablement l'émission la plus représentative de ce phénomène : avant même une domination par le sexe s'opère une domination par l'âge entre les deux présentateurs proches de la soixantaine et les deux jeunes femmes à peine sorties de l'adolescence (Costanza Caracciolo et Federica Nargi allaient encore au lycée lorsqu'elles ont pris leur fonction de veline). Une domination qui entraîne, en plus d'une différenciation physique, une attitude des présentateurs en conséquences : attitude condescendante et paternaliste, infantilisation des deux jeunes femmes, mais avec, paradoxalement, quelques allusions sexuelles agrémentées de jeux de mots tout aussi allusifs (cf. la vidéo du corpus Striscia la Notizia – Veline présentation et sa traduction en douzième annexe), qui feront l'objet d'une étude plus approfondie dans un deuxième chapitre car également représentatifs d'une nette infériorisation du genre féminin. Les deux animateurs, Ezio Greggio et Enzo Iacchetti, sans être très âgés, ne peuvent être qualifiés de « jeunes » : les cheveux sont gris, le visage est naturel et reflète leur expérience de la vie par des rides et des cernes, un visage parfois un peu empâté (comme c'est le cas de Enzo Iacchetti) ; le contraste est flagrant dès les premiers visionnages, pour devenir ensuite commun : à 01'16, la caméra fait un plan sur le visage de Ezio Greggio, puis sur celui de Costanza Caracciolo et de Federica Nargi: si les deux jeunes femmes n'étaient pas agenouillées sur le bureau de l'animateur et vêtues de mini-shorts, l'image du père et de ses filles pourrait être la première à venir à l'esprit du téléspectateur. De même, l'apparition de son collègue Enzo Iacchetti à 01'25 entouré de trois jeunes femmes ayant largement l'âge d'être ses filles montre de toute évidence une réalité commune à la télévision italienne (et par ailleurs, largement entretenue dans le monde de la politique, avec Silvio Berlusconi en premier lieu) : les hommes mûrs peuvent sans aucune difficulté séduire des jeunes filles, sans que cela puisse apparaître malsain ou n'étant pas dans l'ordre des choses. Le même comportement est par ailleurs observé chez Il Mercante in Fiera : le présentateur, Pino Insegno tente (en vain) de séduire Ainett Stephens, de vingt-trois ans sa cadette. Les deux personnages n'ont pas besoin d'être filmés de près pour que le téléspectateur prenne conscience de leur différence d'âge : les cheveux blancs de Pino Insegno contrastent clairement avec les cheveux bruns de la jeune femme (cf. vidéo Ainett Stephens – Chatte Noire – Il Mercante in Fiera) à 00'19 et 01'12. Quant à la différence d'âge existante entre le présentateur de Apprescindere Michele Mirabella, et Eva Crosetta, elle est évidente et tout à fait caractéristique du fait qu'il soit possible en Italie qu'un homme

65 La représentation des femmes à la télévision italienne

âgé de presque 70 ans continue à être présentateur sans que sa carrière ne connaisse de frein en raison de son âge ou de son physique. Chose qui n'est pas le cas pour une femme, aucun visage ridé féminin n'apparaissant sur les vidéos du corpus. Michele Mirabella et Eva Crosetta sont en tout point opposés physiquement, tant est si bien que l'homme semble être le grand-père de la jeune femme (cf. vidéo Apprescindere – Discours Eva Crosetta présentateur, dès la première séquence, la caméra passe du visage juvénile et lisse de la jeune femme à un vieux monsieur ridé, créant un contraste tout à fait détonnant). Seule l'émission Prendere o Lasciare peut faire exception à cette règle, Enrico Papi paraissant physiquement plus jeune que son âge, de part son visage quelque peu enfantin. Le présentateur a pourtant vingt-trois ans d'écart avec sa velina Raffaella Fico, c'est-à-dire la même différence d'âge existant entre Pino Insegno et Ainett Stephens. La mise en évidence de cette différence d'âge réelle, même si plus « compréhensible », l'animateur n'ayant que quarante-six ans, se fait principalement par l'attitude et la manière de se vêtir (le discours étant, en lui-même, loin de la maturité du présentateur, la plupart de ses discours avec la velina étant centré sur des allusions sexuelles, cf. la traduction vidéo en treizième annexe). Les images s'alternant entre les visages juvéniles des jeunes filles et les visages vieillissant des animateurs induisent donc une forme de violence symbolique, notamment de par leur systématisme ; les vidéos présentes dans le corpus ne représentant qu'un échantillon minime de la situation des femmes à la télévision en Italie. Elles peuvent laisser penser à un public dénué d'instruments permettant une approche critique de l'image et de son message qu'il est un chose normale que des filles très jeunes, parfois à la frontière entre adolescence et âge adulte, soient à la disposition d'hommes ayant dépassé la cinquantaine. Par l'absence de modèles féminins plus âgés et par la récurrence de ces modèles masculins d'un certain âge, la télévision sous-entend par ailleurs que l'existence d'une femme ayant dépassé quarante ans est impossible (du moins, à la télévision), exerçant ainsi une véritable pression et un conditionnement des femmes Italiennes soumises à ces images. Pour conclure brièvement, la récurrence de ces images zoomant sur des parties du corps spécifiques de la femme, à laquelle s'ajoute un contraste flagrant entre les personnages de sexe féminin et les personnages de sexe masculin fait arriver à un constat : les rôles dans lesquels sont censées être cantonnées les femmes dans la société italienne sont largement véhiculés par les médias. La répétition constante de ces images peut laisser penser qu'une telle représentation de la femme n'est ni anormale, ni exagérée. Bien que de nombreuses sociétés occidentales usent et abusent de l'érotisation voire de ce que l'on appelle couramment le « porno-soft », les manières de filmer les femmes et de les « encadrer » par des présentateurs de sexe masculin plus âgés semblent être tout à fait spécifique de la société italienne. Des images qui sont par ailleurs accompagnées de discours, qui illustrent une nouvelle fois les dissensions entre les sexes à la télévision italienne.

Chapitre 2 – Rôles et processus de domination

Dans chacune des émissions analysées, le rôle de la femme est toujours celui de la subordonnée : l'animateur de sexe masculin semble clairement en position de force, et constitue le « maître de cérémonie », tandis que la femme n'a soit aucune utilité informative,

66 Partie 3 – Femmes et télévision en Italie : érotisme, jeunisme et mutisme

ou n'est qu'« animateur secondaire »139. Son rôle consiste souvent à apporter une touche « sexy » à l'émission, sans que ses compétences ne soient directement sollicitées. Cependant, cette domination n'est pas forcément exclusivement propre à l'Italie. Ainsi, il sera l'occasion d'effectuer une comparaison entre deux émissions très similaires dans deux pays à la culture proche : la Roue de la Fortune en Italie et en France.

Section 1 – Homme puissant et femme subordonnée : discours, rôles et comportements à la télévision italienne Si l'on sait déjà que chaque émission induit un cadre situationnel particulier et qu'en conséquences, ses protagonistes ont des rôles spécifiques à tenir et des contraintes auxquelles se plier, leur statut médiatique et leur rôle communicationnel dépend le plus souvent de leur situation sociale et/ou professionnelle, et non de leur sexe140. Comme nous l'avons entre-aperçu en deuxième partie (premier chapitre, deuxième section), les femmes à la télévision italienne sont majoritairement représentées dans certains domaines, souvent considérés comme de moindre importance, comme le monde du spectacle ou la mode. Elle sont par ailleurs, comme le confirme le GMMP 2010 sur l'Italie, souvent reléguées à des postes marginaux, subalternes, surtout lorsqu'elles sont en présence d'hommes ; leur fonction ne se réduit alors qu'à de simples assistantes, et souvent, des assistantes de « charme ». C'est ce que nous avons vu avec les veline, la façon dont elles sont filmées, et leurs disparités physiques avec les présentateurs de sexe masculin, qui sous-entendent une domination de ces derniers, et principalement, une domination intellectuelle. La domination masculine et la violence symbolique dont sont victimes les femmes à la télévision italienne ne s'arrêtent pas aux attraits physiques et au jeunisme qu'on leur impose. Ce n'est même que le commencement de la domination qui s'exerce sur elles et les assigne à un rôle subalterne, tant au niveau de leur positionnement par rapport au présentateur, par exemple, qu'au niveau de leur comportement et discours. Tandis qu'elles restent souvent muettes, ne « détenant » pas les informations les plus importantes, les présentateurs masculins n'hésitent pas à adopter des comportements paternalistes et infantilisant à leur égard, voire à connotations sexuelles. Pierre Bourdieu résume ainsi ce phénomène de domination à la télévision (sans toutefois mettre en cause directement l'Italie, mais qui, à travers les images du corpus vidéo, semble particulièrement mettre l'accent sur le rôle subalterne des femmes) : « Ainsi, sur les plateaux de télévision, les femmes sont presque toujours cantonnées dans des rôles mineurs, qui sont autant de variantes de la fonction d'“hôtesse”, traditionnellement impartie au “sexe faible” ; quand elles ne sont pas flanquées d'un homme, auquel elles servent de faire-valoir, et qui joue souvent, par des plaisanteries et des allusions plus ou moins appuyées, de toutes les ambiguïtés inscrites dans la relation de “couple”, elles ont du mal à s'imposer et à imposer leur parole [...] »141

139 Guy LOCHARD, L'Information télévisée, Ed. Vuibert, Paris, 2005, p.95. 140 Cf. Guy LOCHARD, L'Information télévisée, Ed. Vuibert, 2005. 141 Pierre BOURDIEU, La Domination masculine, Ed. Seuil, Paris, 2002, p.84 et 85. 67 La représentation des femmes à la télévision italienne

Des rôles répartis en fonction des sexes dans chaque émission Plusieurs facteurs laissent à penser, après le visionnage des vidéos composant le corpus, que les rôles sont clairement séparés, répartis entre les personnages féminins et masculins, et ce, quelque soit le type d'émission proposé. De l'émission d'information au talkshow, en passant par les jeux télévisés, le rôle subalterne des femmes peut s'observer à travers leur comportement (souvent obéissant et docile à l'égard du présentateur), leur positionnement (en retrait), le temps qui est consacré à leur image/discours ou leur présentation (par exemple, la place qu'elles occupent dans les génériques). Le positionnement du personnage féminin dans l'émission et par rapport au personnage masculin est dans un premier temps une donnée significative de la présence d'une certaine domination masculine. La femme est souvent en retrait, se fait plutôt discrète pendant les temps de parole du présentateur, bien que son rôle premier soit de rendre visible son corps. Ainsi, les temps de visibilité du personnage féminin sont clairement détachés de ceux masculins ; chacun a un rôle et doit s'y tenir. Les émissions Apprescindere et Il Mercante in Fiera en sont un exemple significatifs. Dans le premier cas, la présentatrice n'a un temps de parole que très limité : si on prend pour exemple l'émission du 20 juin 2011142, Eva Crosetta a un temps d'intervention et de parole de moins de sept minutes sur une émission d'environ cinquante-cinq minutes. La parole et les informations essentielles sont monopolisées par Michele Mirabella, qui est donc le centre de l'attention, le pilier de l'émission (seuls les gros plans réguliers sur le visage de sa collègue nous rappellent la présence de cette dernière). Puisque le temps de parole et de visibilité « réelle » (c'est-à-dire, hormis ces plans sur son visage) d'Eva Crosetta sont très limités au cours de l'émission, sa position est, logiquement, en retrait. Divers plans d'ensemble effectués par la caméra nous rappellent cette place qu'elle occupe : (cf. vidéo Apprescindere – Position Eva Crosetta présentateur) durant la majeure partie de l'émission, elle reste assise à un bureau, relativement à l'écart de la partie du plateau où se déroule l'interview, à regarder et écouter Michele Mirabella sans jamais intervenir elle-même. 01'20, 01'45, 01'59 et 02'38 sont diverses séquences d'Apprescinere qui illustrent particulièrement bien la position d'Eva Crosetta par rapport au présentateur. De même, en début et fin d'émission Eva Crosetta reste en retrait : à 00'14, bien qu'étant intervenue la première, elle laisse sa place au présentateur, et est filmée très à l'écart, de loin, tandis que Michele Mirabella semble être imposant. Quant aux interviews effectuées par les deux personnages, celles de Mirabella se font au centre du plateau (cf. vidéo Apprescindere – Position Eva Crosetta présentateur , notamment à 00'41) ou à un bureau offrant une certaine visibilité (dans la même vidéo, cela est visible notamment à 01'46), tandis que la seule interview d'Eva Crosetta se fait au pied du public, dans un coin offrant peu de visibilité pour la présentatrice, contrairement à son homologue masculin (01'28). A chaque fin d'émission (ici, à 02'56), elle se place entre le présentateur et l'invité, toujours en retrait, et attend sans dire un mot que l'interview se termine. Quant au cas de Ainett Stephens dans Il Mercante in Fiera, sans être similaire (notamment, de par une fonction quelque peu différente de celle d'Eva Crosetta), reste néanmoins ressemblant : durant toute l'émission, la velina reste couchée sur le divan d'où on la voit se lever au début et à 00'47 dans la vidéo Ainett Stephens – Chatte Noire – Il Mercante in Fiera, attendant d'être appelée par le présentateur pour intervenir. Quant à la Chatte Blanche (cf. vidéo Ainett Stephens – Chatte Blanche – Il Mercante in Fiera), elle se situe dans une pièce totalement séparée du plateau de l'émission. Tout comme Ainett Stephens, Raffaella Fico n'a pas un rôle prépondérant dans l'émission Prendere o Lasciare, en dehors de ses interventions « sexy ». Dans les vidéos du 142 http://www.rai.tv/dl/RaiTV/programmi/media/ContentItem-d3c20651-ff0d-4ef2-9afc-d2b6388092c0.html#p=0 68 Partie 3 – Femmes et télévision en Italie : érotisme, jeunisme et mutisme

corpus, elle intervient ponctuellement, à la demande du présentateur. L'écran géant (que l'on peut voir sur les vidéos du corpus) ne fait apparaître la pièce séparée du plateau où se trouve Raffaella Fico que lorsqu'Enrico Papi a besoin des enveloppes contenant les propositions à faire aux candidats. Le reste du temps, la jeune femme n'apparaît pas pendant l'émission. De même pour les deux veline de Striscia la Notizia : même si leur intervention se fait directement sur le plateau de l'émission, celle-ci est minime : deux ballets, une présentation succincte assortie de quelques plaisanteries des deux présentateurs et leurs apparitions s'arrêtent. Dans l'émission du 26 novembre 2008143, leur temps d'apparition à l'écran est ainsi d'une minute et demi, sur une durée totale de plus de 25 minutes, sans un seul mot prononcé de leur part. Par ailleurs, leur habituelle position agenouillée sur le bureau, de chaque côté des deux présentateurs (cf. la vidéo Striscia la Notizia – Veline présentation, 00'01, 00'15, 01'22 et 02'49) est représentative du rôle qui leur est attribué : celui de jolies décorations posées sur un bureau, au grand plaisir de Ezio Greggio et de son collègue Enzo Iacchetti. Une dernière chose émerge de ce rapport homme-femme si particulier à la télévision italienne. D'après les vidéos, les hommes ne semblent en effet pas seulement être aux commandes de leurs émissions, en détenant informations essentielles et en étant en interactions directes avec les candidats et spectateurs, mais également aux commandes des femmes qui « présentent » à leur côté. Un tel comportement à l'égard de ces femmes qui les entourent laisse à penser à la passivité, voire à la soumission de ces dernières : les vidéos présentent des images récurrentes de situations où les femmes obéissent aux hommes sans aucune objection de leur part. Un tel comportement est en revanche invisible lorsqu'il s'agit de femmes donnant des ordres ou des instructions aux hommes. La nature- même du rôle des femmes dans la plupart des émissions sous-entend une hiérarchisation claire des rapports entre les individus des deux sexes. Ainsi, les présentateurs font appel à elles (en les appelant, en leur donnant des ordres, des instructions, etc.) lorsque la nécessité d'un intermède de charme se fait sentir (avec Raffaella Fico et ses numéros en lingerie dans Prendere o Lasciare, ou les danseuses du Mercante in Fiera...), ou pour une tâche subalterne (les propositions dans les enveloppes pour Raffaella Fico, la carte de la Chatte Noire pour Ainett Stephens...). Les apparitions des femmes se faisant de manière ponctuelle, la tâche de leur donner une visibilité à l'écran revient aux hommes présentateurs. Seules les veline de Striscia la Notizia peuvent échapper à cette règle, leurs interventions ne se faisant qu'en début et fin d'émission (bien que dans certains cas, ce soient les deux présentateurs qui les appellent pour les rejoindre lorsque leur numéro de danse ne s'est pas achevé sur leur bureau). Eva Crosetta, quant à elle, en-dehors de son interview habituelle lors de chaque émission, a également pour fonction d'être une sorte d'assistante pour Michele Mirabella : ainsi, cela peut être visible dans la vidéo Apprescindere – Discours Eva Crosetta présentateur (cf. également la traduction en quinzième annexe) : à 00'11, le présentateur demande avec autorité à Eva Crosetta de donner des informations précisant son propos sur la mobilité sociale en Italie, laquelle s'applique immédiatement à le faire. Ces rôles, très clairement différenciés selon le genre de la personne concernée, et manifestement de moindre importance ou de moindre responsabilité pour les femmes, s'accompagnent de discours stéréotypés, où le paternalisme est omniprésent chez les hommes, tandis que le mutisme et la futilité sont des composantes essentiels de la parole féminine.

143 http://www.striscialanotizia.mediaset.it/template/template_puntata26novembre2008.shtml 69 La représentation des femmes à la télévision italienne

Des discours genrés et stéréotypés Comme nous l'avons vu, ce sont les présentateurs de sexe masculin qui, dans la majorité des cas, détiennent les rennes des émissions de télévision italienne et qui, en conséquences, sont également les détenteurs des informations essentielles au bon déroulement de chacune d'entre elles. Lorsqu'il s'agit de jeux télévisés tels que Il Mercante in Fiera ou Prendere o Lasciare, le discours de l'animateur ne porte quasiment que sur les informations concernant son fonctionnement (sauf dans le cas de ses interactions avec les veline), alors que celui des femmes (lorsque le discours existe) porte sur des sujets qui n'ont souvent que peu à voir avec le déroulement du jeu (comme Raffaella Fico, qui parle plus souvent de shopping que des candidats de Prendere o Lasciare), lorsqu'il n'est pas inexistant (à l'instar d'Ainett Stephens dans son rôle de Chatte Noire, toujours silencieuse). En ce qui concerne des émissions d'information telles qu'Apprescindere ou Striscia la Notizia, là aussi on observe soit un mutisme total (les veline de Striscia la Notizia ne parle absolument jamais) soit un discours portant sur des sujets et informations subsidiaires et clairement présentés comme de moindre importance par rapport au présentateur de sexe masculin (c'est le cas d'Eva Crosetta, qui, en plus d'avoir un temps de parole extrêmement limité, ne reçoit que très peu de personnalités importantes lors de ses interviews, contrairement à Michele Mirabella). A la vue des vidéos du corpus, plusieurs situations sont possibles pour les veline (et grechine) en ce qui concerne leur discours : le mutisme, ou la futilité. Les deux veline de Striscia la Notizia, Costanza Caracciolo et Federica Nargi sont connues pour ne jamais ouvrir la bouche durant leurs temps d'apparition sur le plateau de l'émission. Cela paraît d'autant plus étonnant que les deux présentateurs, Ezio Greggio et Enzo Iacchetti parlent souvent d'elles en début d'émission, après le numéro de danse des deux jeunes femmes, sans que jamais elles ne répondent quoi que ce soit, se contentant seulement de mimiques adressées à la caméra et de sourires : à 00'40 de la vidéo du corpus Striscia la Notizia – Veline présentation (cf. traduction en douzième annexe), mais également à 01'00, 01'59 ou 03'20, entre autres. Par ailleurs, la coutume veut que les présentateurs de Striscia aient pour habitude de faire quelques blagues et jeux de mots à chaque début d'émission, lorsque les deux jeunes femmes sont encore présentes (cf. toujours la même vidéo et sa traduction en douzième annexe) : à 00'50, 02'22 et 03'06, Enzo Iacchetti s'adresse directement aux veline (il dit ainsi clairement « qu'en pensez-vous, les filles ? ») lorsqu'il raconte des blagues, sans que jamais il n'obtienne de réponse de leur part, Costanza et Federica se contentant de rire et de sourire. Quant à Ainett Stephens, dans son costume de Chatte Noire, elle non plus ne parle jamais, mais elle diffère des deux veline de Striscia la Notizia dans le fait qu'elle reste impassible, sans jamais sourire, durant toute l'émission, tandis que le présentateur Pino Insegno tente par tous les moyens de mettre fin à son rictus. Là non plus, personne n'entend jamais le son de sa voix (comme le confirme le monologue de Pino Insegno dans la première séquence de la vidéo Ainett Stephens – Chatte Noire – Il Mercante in Fiera et sa traduction en quatorzième annexe). Raffaella Fico, quant à elle, semble être l'exacte opposée des deux jeunes veline et de la Chatte Noire : lorsque Enrico Papi la sollicite au cours de son émission Prendere o Lasciare, la velina se montre très loquace, bavardant de sujets sans aucun rapport avec le déroulement du jeu télévisé, et largement encouragée dans cette voie par le présentateur (cf. vidéo Prendere o Lasciare – Raffaella Fico – Discours et la traduction en treizième annexe). Raffaella fait la fête et danse le mambo, passe son temps à faire du shopping, veut aller à Zanzibar, ne sait pas quelles chaussures choisir pour partir en vacances... Ce sont les différents sujets de conversation qui ressortent de ses nombreux dialogues avec

70 Partie 3 – Femmes et télévision en Italie : érotisme, jeunisme et mutisme

Enrico Papi au cours du jeu. Le lieu-même où se trouve la velina lors de ses interventions semble être l'incarnation de ses paroles : une maison de poupées aux couleurs vives remplie de boîtes et de chaussures. Son discours est par ailleurs un condensé de clichés sur des comportements considérés comme spécifiquement féminins : elle parle beaucoup, surtout de chaussures et de shopping, se montre séductrice et insistante envers le présentateur (notamment à partir de 01'10, lorsqu'elle supplie Papi et tente de le convaincre de partir à Zanzibar avec elle) et fait le ménage en petite tenue. Il est également à noter qu'Ainett Stephens, lorsqu'elle endosse le rôle de la Chatte Blanche dans Il Mercante in Fiera véhicule également régulièrement des clichés associés au genre féminin. La vidéo du corpus Ainett Stephens – Chatte Blanche – Il Mercante in Fiera (et sa traduction en quatorzième annexe) est l'un des nombreux exemples de ces stéréotypes : Ainett Stephens, dans sa combinaison moulante blanche et largement échancrée vante les mérites d'être mère, en affirmant notamment à 00'30 qu'être mère est le plus beau cadeau qui puisse exister au monde. Cette image est particulièrement représentative du paradoxe italien cité en première partie, et largement dénoncé par Michela Marzano comme le paradoxe « Madonne e puttane »144 Dans une moindre mesure, Eva Crosetta, lors de ses quelques minutes d'interview dans Apprescindere, est cantonnée à des sujets tels que les cosmétiques (comme on peut le voir dans la vidéo Apprescindere – Discours Eva Crosetta présentateur et la traduction en quinzième annexe, en troisième séquence, à 01'33) ou à des témoignages de personnalités peu connues ou peu prestigieuses (comme c'est le cas en cinquième séquence, à 03'38, où elle interroge un inconnu témoignant de ses difficultés à trouver un emploi après ses études). En comparaison, Michele Mirabella interroge des sociologues (Aldo Bonomi en deuxième séquence, à 01'17), des écrivains (Diego Dalla Palma en quatrième séquence, à 02'04), ou des journalistes (cf. vidéo Apprescindere – Position Eva Crosetta présentateur : Giulia Innocenzi à 01'43), c'est-à-dire des personnes ayant une certaine renommée et des compétences professionnelles et intellectuelles reconnues. Les hommes présentant les émissions citées ci-dessus ont tendance à avoir un discours relativement paternaliste, infantilisant, voire même parfois moqueur à l'égard des femmes les assistant dans leur tâche. Ce comportement est particulièrement visible dans Striscia la Notizia, lorsque les deux animateurs présentent les veline (cf. vidéo Striscia la Notizia – Veline présentation et la traduction en annexe douze). Elles ne sont ainsi jamais appelées par leur prénom et nom, mais seulement par leur prénom (à noter que les deux collègues, à l'inverse, ont leur nom clairement notifié en lettres capitales devant eux, sur le bureau). Toutefois, Federica Nargi et Costanza Caracciolo sont plus souvent présentées comme « Costy et Fedé » (00'02, 02'55, ou 03'38), voire même comme « Coco et Féfé » (01'14). Par ailleurs, Ezio Greggio et Enzo Iacchetti ont un comportement clairement moqueur à leur égard : les deux veline ayant pour tradition de ne jamais parler, elles ne peuvent répondre aux nombreuses blagues que leur adresse Iacchetti à chaque début d'émission, ce qui occasionne quelques moqueries de la part des deux compères : les veline ont-elles répondu ? Oui, mais personne n'a entendu, d'après eux (01'06 et 03'26). Michele Mirabella a parfois également un comportement infantilisant à l'égard de sa collègue Eva Crosetta : son ton bienveillant et paternel à l'égard de la jeune femme est récurrent durant les épisodes d'Apprescindere, ce qui peut induire le doute chez le téléspectateur quant à la crédibilité de la jeune femme, félicitée en premier lieu pour son physique plutôt que pour ses compétences (cf. vidéo Apprescindere – Discours Eva Crosetta présentateur et traduction en quinzième annexe : à 04'10, en sixième séquence, dans laquelle la jeune femme est longuement complimentée par le présentateur et son invité). Par ailleurs, la jeune

144 Michela MARZANO, Sii Bella e Stai Zitta, Ed. Mondadori, Milan, 2010, p.39. 71 La représentation des femmes à la télévision italienne

femme n'est jamais présentée en début d'émission, en revanche, c'est elle-même qui se charge d'introduire le présentateur au public (cf. Apprescindere – Positions Eva Crosetta présentateur : à 00'12). On peut remarquer par ailleurs dans le générique de l'émission que seul Michele Mirabella est présenté comme étant l'animateur de l'émission. Une telle présentation des deux personnages est également visible dans Prendere o Lasciare. L'émission se distingue également par des allusions sexuelles récurrentes du présentateur (qui sont également quelques fois visibles dans Striscia la Notizia) : dans les extraits de Prendere o Lasciare – Raffella Fico – Discours (cf. également traduction en treizième annexe), Enrico Papi lui demande de venir faire le ménage en petite tenue chez lui, ou de prendre diverses poses allusives pour un calendrier... Le tout accompagné d'une musique langoureuse caractéristique des apparitions de Raffaella Fico lors de l'émission. Les différences de comportements, langages et discours entre les hommes et les femmes à la télévision italienne sont, à la vue du corpus vidéo et après visionnage d'autres émissions, aussi bien sur le service public que sur les chaînes privées, récurrents. La portée de ces comportements associés à des images explicites et la récurrence des stéréotypes de genre (passivité de la femme, mutisme lorsque le présentateur s'exprime, temps de parole limité et associé à des sujets pensés comme féminins, paternalisme de la part des personnages de sexe masculin...) est très grande sur le public et laisse à penser qu'une intégration de ces stéréotypes (beaucoup plus présents dans la société italienne que chez ses voisins français, allemands ou espagnols, par exemple) se fait par les téléspectateurs qui regardent ces émissions chaque jour. Cependant, avant d'émettre tout jugement sur la télévision italienne et l'objectification du corps féminin qui, comme on l'a vu, est récurrente, une comparaison avec un autre pays latin pourrait s'avérer éclairante...

Section 2 – Similitudes et différences : une comparaison entre la télévision italienne et la télévision française : le cas de la Roue de la Fortune Il est assez aisé d'analyser et de comparer l'émission française la Roue de la Fortune avec la Ruota della Fortuna italienne, les deux émissions étant similaires. Le même format, le même principe, le même décor et la même hôtesse : Victoria Silvstedt caractérisent les deux émissions dans deux pays latins à la culture relativement proche. Les ressemblances entre les deux émissions ne s'arrêtent cependant pas là. Ainsi, il est intéressant de se pencher sur le personnage commun qu'est celui de Victoria Silvstedt : quelles sont les interactions qu'elle entretient avec l'animateur français Christophe Dechavanne et le présentateur italien Enrico Papi, son rôle est-il en tout point similaire ? Le discours et la façon de filmer sont également des éléments importants de l'analyse et de la comparaison. Mais il est aussi intéressant de se pencher sur les disparités qui existent entre les deux émissions, et qui peuvent, à terme, nous éclairer sur les différences existant dans les médias de chacun des deux pays. Il est également important de préciser que les extraits vidéo de la version française de la Roue de la Fortune sont pratiquement introuvables autre part que sur le site de la chaîne TF1, ce qui n'est pas le cas de ceux concernant la Ruota della Fortuna, qui pullulent sur Youtube avec d'autres vidéos de veline provenant d'autres émissions italiennes.

72 Partie 3 – Femmes et télévision en Italie : érotisme, jeunisme et mutisme

Des éléments communs entre la Roue de la Fortune et la Ruota della Fortuna : des rôles, fonctions et discours définis selon le sexe... Dans les deux émissions (cf. les vidéos du corpus dans Ruota della Fortuna et Roue de la Fortune), la place de chacun des protagonistes est clairement définie en fonction de son sexe : ainsi, Victoria Silvstedt, qu'il s'agisse de la version française ou de la version italienne, a les mêmes fonctions : celle d'hôtesse ou de « potiche ». Sa présence est requise seulement pour faire apparaître les lettres sur le tableau, tandis que les animateurs Christophe Dechavanne et Enrico Papi ont une position dominante et essentielle au bon déroulement du jeu. Ce rôle de moindre importance conféré à Victoria Silvstedt dans les deux versions est par ailleurs visible dès les génériques : dans la version française, il est indiqué « animée par Christophe Dechavanne », qui est donc clairement identifié comme le seul présentateur de l'émission, puis est ensuite mentionnée la présence de Victoria Silvstedt : « avec Victoria », sans qu'apparaisse son nom de famille. Il en va de même pour la Ruota della Fortuna (« condotto da Enrico Papi », puis « con Victoria »). Par ailleurs, Victoria Silvstedt est la « touche sexy » de chacune des deux émissions. Ainsi, tout comme c'est le cas pour n'importe quelle autre émission italienne (cf. supra et corpus vidéo), le physique de Victoria Silvstedt, exagérément grande, blonde et plantureuse, est en contradiction totale avec les physiques de Christophe Dechavanne et d'Enrico Papi, tous deux petits et « normaux », sans charme particulier. Ses tenues sont relativement similaires d'une émission à l'autre : des talons très hauts et des robes colorées très décolletées et souvent courtes, qui ne laissent pas de doute sur la fonction de la jeune femme dans l'émission : celle de la rendre attractive par ses charmes. Les tenues masculines, quant à elles, sont plutôt classiques et n'ont rien d'excentrique. Victoria Silvstedt prend par ailleurs soin, dans chacune des deux émissions, de surjouer son rôle, en se faisant passer pour une « blonde écervelée », créant ainsi un fort contraste avec les animateurs de sexe masculin : par cette appropriation d'un rôle d'« idiote » de la part de Victoria Silvstedt, les deux hommes paraissent intellectuellement supérieurs et plus compétents. Ainsi, dans la vidéo Victoria Silvstedt – Discours – Ruota della Fortuna (cf. traduction en seizième annexe), en cinquième séquence (à partir de 01'19) la jeune femme a du mal à prononcer certains mots en italien, se reprend plusieurs fois, puis finit par demander de l'aide au présentateur, qui s'amuse de ses difficultés. La même chose est observée (cf. sixième séquence de la vidéo) à 01'39 : Victoria demande à Enrico Papi comment prononcer certains mots en se caricaturant elle-même et en l'appelant « Signore Professore » (« Monsieur le professeur »), puis à 01'51 (septième séquence), où un quiproquo dû aux difficultés de la jeune femme à s'exprimer en italien se crée entre les deux personnages. Cela se remarque également dans la version française ; Victoria Silvstedt semble y accentuer encore plus son rôle du fait de son absence de difficultés (ou de moindres difficultés) à s'exprimer en français, par rapport à l'italien. Ainsi, dans la vidéo du corpus Roue de la Fortune – Victoria Silvstedt – Discours, à 00'12, 00'20, ou 00'39 (entre autres), la jeune femme grossit ses traits et force la caricature de la « blonde écervelée », tandis que l'animateur se moque ouvertement d'elle (il n'hésite pas non plus à l'imiter en se moquant, comme c'est le cas à 05'41, dans l'émission du 3 juin 2011145). Les divers surnoms données à la jeune femme par les deux présentateurs (« Vicky », « la mia perla »- « ma perle » - en ce qui concerne Enrico Papi, « roupinette », « choupinette », ou encore « darling » pour Christophe Dechavanne) témoignent également d'une attitude relativement infantilisante des deux hommes à l'égard de Victoria Silvstedt, confirmant l'idée de son infériorité.

145 http://videos.tf1.fr/la-roue-de-la-fortune/l-emission-du-3-juin-2011-6477938.html 73 La représentation des femmes à la télévision italienne

Un autre trait commun entre les deux émissions, extrêmement présent et récurrent, est celui des allusions sexuelles, adressées le plus souvent par les présentateurs à Victoria Silvstedt. Qu'il s'agisse de la version française ou de la version italienne, plusieurs allusions sexuelles ont lieu à chaque émission (allusions qui semblent avoir lieu plus souvent dans la Roue de la Fortune que dans la Ruota della Fortuna), même lorsque l'occasion ou les propos ne s'y prêtent pas. Par exemple, dans la vidéo du corpus Roue de la Fortune – Victoria Silvstedt – Discours, en première séquence : lorsque Christophe Dechavanne demande à la jeune femme si cela lui plairait de tourner la roue de la fortune, le ton du présentateur se veut allusif et la réaction du public ne laisse pas de doute sur la nature de ces allusions. La situation peut être volontiers beaucoup plus explicite : ainsi, Christophe Dechavanne ne se gène-t-il pas pour jeter des regards sans équivoque sur certaines parties du corps de la jeune femme (01'17), pour la complimenter sur son décolleté ou pour tenter de l'embrasser (00'18 et 01'38). La version italienne n'est cependant pas en reste : toutes les occasions sont propices à glisser quelques propos ambigus à l'attention de Victoria Silvstedt, comme en témoignent des passages de la vidéo tirée du corpus Victoria Silvstedt – Discours – Ruota della Fortuna. Dans la deuxième séquence (à 00'25), la question d'Enrico Papi à Victoria (est-ce que son fiancé lui réchauffe les pieds ?) se transforme d'emblée en conversation à connotations sexuelles ; de même, lorsqu'il s'agit de parler d'astrologie (troisième séquence, 00'51), la conversation devient à double sens dès le moment où Victoria annonce que son signe est la vierge. Au vu des nombreuses similitudes qui caractérisent les deux émissions, il serait possible de conclure que la France et l'Italie se servent du corps des femmes et se comportent à leur égard d'une manière plutôt similaire à la télévision (même s'il est évident qu'une seule émission ne peut être représentative de la réalité télévisuelle de la France à ce sujet). Cependant, il demeure de nombreuses disparités dans la même émission selon que l'on se trouve en Italie ou en France...

… Mais des disparités dans la visibilité de la femme sur le petit écran La première grande disparité entre les deux émissions est très clairement la manière dont est filmé le personnage de sexe féminin, Victoria Silvstedt. Dans la version française, la Roue de la Fortune, la jeune femme est filmée en angle plat, de face et est relativement peu souvent filmée de près, sauf à de rares exceptions. Ainsi, tout au long de la vidéo Roue de la Fortune – Victoria Silvstedt – Marche, on peut apercevoir la jeune femme faire des allers et retours devant le tableau où apparaissent les lettres de l'énigme. La caméra donne une vue d'ensemble de son mouvement de va et vient régulier d'un point à l'autre du tableau, sans jamais faire de gros plans ou la filmer de près (sauf quelques rares exceptions comme à 00'39, où Victoria Silvstedt est filmée en plan italien – jusqu'aux genoux – ou lorsqu'elle parle à la caméra, comme on peut le voir à 17'53 dans la vidéo de l'émission datant du 3 juin 2011146, où elle est filmée en plan américain, sans que jamais la caméra ne s'approche plus d'elle). Cette façon de filmer ce personnage, toujours de loin, ne lui accordant que peu d'importance malgré son rôle consistant à attirer l'attention sur lui, donne une impression d'« appartenance » au décors. Dans la version française, Victoria Silvstedt peut véritablement être qualifiée de « potiche », car elle se fond dans le décor, ne se déplaçant jamais hors du tableau ; elle est par ailleurs filmée avec le tableau, comme si cet élément et elle-même ne faisaient qu'un.

146 http://videos.tf1.fr/la-roue-de-la-fortune/l-emission-du-3-juin-2011-6477938.html 74 Partie 3 – Femmes et télévision en Italie : érotisme, jeunisme et mutisme

Cette manière de filmer est en totale contradiction avec celle constatée dans la Ruota della Fortuna italienne. Ainsi, dans l'émission animée par Enrico Papi, la jeune femme n'est pratiquement jamais filmée de face (exception faite lors des conversations qu'elle entretient avec Enrico Papi, cf. vidéo du corpus Victoria Silvstedt – Discours – Ruota della Fortuna), et encore moins de loin. Les plans en contre-plongée observés dans Striscia la Notizia, Prendere o Lasciare ou Il Mercante in Fiera sont de nouveau visibles dans cette version italienne de l'émission (cf. les vidéos Victoria Silvstedt – Danse – Ruota della Fortuna et Victoria Silvtedt – Marche – Ruota della Fortuna). Lors des numéros de danse, la jeune femme est encadrée de toute part par des caméras qui scrutent son intimité. Une caméra se trouve au-dessus d'elle et filme en plongée afin de pouvoir offrir au téléspectateur une vue sur son décolleté (comme on peut le voir dans la vidéo Victoria Silvstedt – Danse – Ruota della Fortuna à 00'20, 00'45, 00'57, ou 01'32), agrémentée de nombreux zooms et ralentis. Une autre caméra est quant à elle chargée de zoomer par des contre-plongées sous la robe de la jeune femme (robe qui, comme on peut le voir, est toujours légère et à volants afin de faciliter la tâche de la caméra lorsque Victoria Silvstedt danse ou fait ses habituelles allées et venues de chaque côté du tableau, la jupe s'envolant au moindre de ses mouvements, cf. par exemple à 00'20, sur la vidéo Victoria Silvtedt – Marche – Ruota della Fortuna) : ce mouvement de caméra est extrêmement récurrent, la jeune femme faisant de très nombreux allers-retours d'un point à l'autre du tableau (comme cela est également visible dans la version française). De nombreux zooms sont également visibles de la part de cette caméra, surtout lors des numéros de danse de Victoria Silvstedt (cf. Victoria Silvstedt – Danse – Ruota della Fortuna, à00'34, 01'08, ou encore 01'58). Toutefois, comme on peut le constater, toujours dans la même vidéo, la jeune femme n'est pas la seule à être filmée avec insistance : les jeunes femmes du public dansant en rythme avec elle durant ses nombreux numéros bénéficient également de plans récurrents de la part de la caméra (cf. 00'39 ou 00'47). Par ces nombreux mouvements de caméra qui reviennent de façon récurrente sur le personnage de Victoria, les multiples numéros de danse qu'elle effectue au cours d'une seule émission (en comparaison, la version française fait pâle figure, comme en témoigne la vidéo Roue de la Fortune – Victoria Silvstedt – Danse : les petits « ballets » de la jeune femme ont le plus souvent lieu en début d'émission, quelques secondes durant lesquelles elle est souvent accompagnée par Christophe Dechavanne, et ne sont jamais propices aux mouvements de caméra tels qu'aperçus dans la version italienne) et la sollicitation constante du présentateur (cf. vidéo Victoria Silvstedt – Discours – Ruota della Fortuna et sa traduction en seizième annexe), la jeune femme semble finalement avoir une fonction différente de celle rencontrée dans la version française. Elle a beaucoup plus de visibilité dans la Ruota della Fortuna (elle est même présentée par ses prénom et nom en début d'émission par le présentateur) et un jeu de séduction semble s'opérer entre elle et Enrico Papi (ce qui n'est pas le cas avec Christophe Dechavanne), qui engage régulièrement des conversations avec elle sur des sujets plutôt futiles (les poupées Barbie, sa vie sentimentale...) ou pour corriger ses erreurs de langage, tel un professeur avec son élève, renforçant sa dominance sur la jeune femme. Bien que des propos allusifs aient lieu dans les deux émissions, seul l'animateur italien semble entretenir ce rapport de séduction avec Victoria Silvstedt. Christophe Dechavanne, certes à l'origine également de phrases à double sens à l'égard de sa collègue, porte davantage attention aux candidats, et principalement, aux candidates, ce qu'on peut voir dans Roue de la Fortune – Victoria Silvstedt – Discours à 01'41, par exemple, par d'explicites allusions au décolleté de la candidate s'apprêtant à tourner la roue. Le couple Silvstedt – Dechavanne ne semble pas, contrairement au couple Silvstedt – Papi, basé sur la séduction mais sur l'humour ; chacun des deux personnages force ses traits de caractère

75 La représentation des femmes à la télévision italienne

et est constamment dans l'exagération (cela est particulièrement visible et récurrent dans l'introduction de l'émission, ou un sketch147 est préparé par les deux personnages). Les deux émission, bien que très similaires, ont donc également de nombreux éléments propres à chacune, propre à chacun des deux présentateurs, mais également propres au pays dans lequel elle se trouve. Ainsi, la version italienne n'est guère éloignée d'autres émissions déjà étudiées auparavant en ce qui concerne sa représentation du personnage féminin. Victoria Silvstedt y est principalement sollicitée pour des dialogues proche de la séduction avec l'animateur Enrico Papi, et son corps est la proie de nombreuses caméras, placées en des endroits « stratégiques » du plateau, afin d'effectuer zooms, plans et ralentis sur le décolleté et le dessous de la jupe de la jeune femme. Sa fonction est donc la même que la velina, celle d'une femme attractive sexuellement et principalement sollicitée pour ses attraits physique. En ce qui concerne la version française, Victoria Silvstedt semble être plus effacée, placée comme une décoration dans un plateau de télévision, sans que l'attention ne soit constamment portée sur elle, soit par le discours, soit par les mouvements de caméra. Son comportement de « potiche » est accentué par ses attitudes et mimiques, ainsi que celui de Christophe Dechavanne, qui forcent tout deux leurs traits de caractère jusqu'à sembler être un duo de comique, basé sur une certaine complicité. Cependant, une domination masculine est bel et bien présente dans les deux émissions. Elle ne s'exprime cependant pas de la même manière : d'un côté, on observe une instrumentalisation du corps féminin à des fins sexuelles, tandis que de l'autre, on observe une accentuation de l'« inutilité » de ce personnage. La femme est donc, après analyse des rôles et fonctions de chaque émission, clairement présentée comme subordonnée au présentateur. Une fois de plus, le genre féminin est caractérisé par la passivité, voire même, la docilité face au genre masculin. D'après la comparaison entre l'Italie et la France, on observe toutefois que ces représentations des rôles masculins et féminins ne sont pas inhérents à l'Italie et peuvent concerner également la France. Néanmoins, l'Italie ne semble pas proposer de modèle féminin autre que celui de la velina ou de la grechina à la télévision, comme peut en témoigner la récurrence de leur présence et de leurs fonctions, basées exclusivement sur leur physique.

Conclusion de la troisième partie

Après analyse de ces émissions, de la manière de filmer et de différencier les personnages de sexe masculin et ceux de sexe féminin, et après une comparaison avec la France, il est possible de s’interroger sur la portée de ces images (qu’il s’agisse des plans sur l’intimité des jeunes filles filmées ou de la perpétuation d’une idée de passivité de la femme, à travers la promotion de son physique ou la moindre importance de son rôle au sein de l’émission) sur un public de masse, ne possédant pas toujours d’outils de critique, de recul ou d’autres modèles de femmes ou de télévision. Ces images ne concernent par ailleurs pas seulement un public adulte, mais bien souvent également un public jeune, voire très jeune, qui s’inspire de ces modèles, à l’instar de ces jeunes collégiennes qui rêvent de devenir veline (cf. supra, partie 1, chapitre 2, section 1), vivement encouragées par une société accordant une importance majeure à la beauté féminine. 147 Cf. par exemple l'émission du 2 juin 2011, durant les huit premières secondes. http://videos.tf1.fr/la-roue-de-la-fortune/l- emission-du-1-juin-2011-6477926.html 76 Partie 3 – Femmes et télévision en Italie : érotisme, jeunisme et mutisme

Tout comme l’image non animée représente plus qu’une analogie avec le monde réel et la société (notamment selon l’idée de Roland Barthes), l’image animée possède elle aussi des connotations, des symboles. Son aspect récurrent en Italie (par exemple, à travers les zooms constants sur l’intimité de Raffaella Fico durant toute l’émission de Prendere o Lasciare) tent à faire intégrer au télespectateur l’idée d’une femme disponible, passive, désirant être possédée ou filmée dans son intimité. La jeunesse de ces jeunes femmes semble par ailleurs rappeler une figure virginale ; comme le disait Caterina Soffici : la velina et la vierge habitent un même corps (cf. supra, introduction de la première partie).

77 La représentation des femmes à la télévision italienne

Conclusion

Au vu des éléments ressortant de cette étude, il est donc possible d'affirmer que la société italienne influence grandement le rôle secondaire et subsidiaire des femmes à la télévision. Un certain nombre de manquements à leurs droits est observé depuis des décennies au sein de l'État italien, associés à une vision traditionnelle du rôle de la femme, influencée par des traditions catholiques très largement relayées par les instances de l'État et les politiques. Toutefois, au regard de notre analyse consacrée aux médias et au rôle qu'ils assignent aux femmes par des fonctions, sujets, ou représentations qui diffèrent en tout point des hommes, il est possible de constater que le phénomène d'influence a également lieu dans l'autre sens. Les médias, et en particulier, la télévision, qui est le principal outil d'information pour la majorité des Italiens (et certainement, le plus puissant), en reproduisant des stéréotypes puisés initialement dans la société, en offrant des images télévisuelles manquant à la dignité des femmes, entretient fortement les stéréotypes déjà présents au sein de la société, allant même jusqu'à les exacerber (la preuve pas le succès des veline et leur accès aux plus hautes instances de l'État). Marc Aurèle affirmait la chose suivante : « Ta manière de penser s'orientera d'après la nature des objets que tu représentes le plus souvent, car c'est de la représentation que l'âme prend sa couleur ». Cette pensée, datant pourtant du IIème siècle après Jésus-Christ, semble particulièrement bien s'adapter à la situation de l'Italie dans son rapport avec les femmes, aussi bien dans la société réelle que dans les médias. L'intégration d'images présentant la femme de manière passive, cantonnée soit à un rôle de mère, soit à un rôle purement sexuel rappelant à la fois la pureté virginale (de par leur très jeune âge, la plupart d'entre elles ayant entre 18 et 25 ans) et la prostituée contribue au développement tronqué d'une idée du rôle et du physique que les femmes se doivent d'avoir en sein de la société. L'Italie semble donc représenter une anomalie dans son traitement médiatique et surtout télévisuel des femmes, allant même à l'encontre des textes internationaux veillant au respect de la femme. Toutefois, l'Italie n'est pas le seul pays concerné par ce phénomène, même s'il n'en demeure pas moins le plus visible. D'autre démocratie européennes véhiculent une image plus ou moins stéréotypée des femmes, tant au niveau des contenus ou des rôles qu'elles tiennent dans les émissions télévisées, qu'au niveau d'exigences physiques auxquelles elles doivent se conformer. C'est ainsi le cas de la France (comme l'étude l'a démontré), dans une moindre mesure, ainsi que du Royaume-Uni, où Miriam O'Reilly, journaliste à la BBC, s'était vue licenciée à cause de son âge après s'être fait conseiller des injections de botox par son supérieur, et remplacée par un animateur de 68 ans.

78 Bibliographie

Bibliographie

Revues, articles, rapports

Dossier Italie, « Le Pays qui n'aimait pas les Femmes », Courrier International, n°1061, du 3 au 9 mars 2011, p. 22-25. « La Politique de l'Obscène », Courrier International, n°1047, du 25 novembre au 1er décembre 2010, p.16-21. Global Media Monitoring Project 2010 – Italy. Evangelium Vitae. « Le Altre Donne », Concita de Gregorio, L'Unità, 19 janvier 2011. Safe Abortion : Technical and Policy Guidance for Health System (cf. site de l'OMS). http://droitcultures.revues.org/904 http://dweb.repubblica.it/dettaglio/Sexyspot-generation/54786?page=2 http://www.lastampa.it/redazione/cmsSezioni/cronache/200907articoli/45987girata.asp http://www.corriere.it/cronache/09_luglio_30/ pillola_ru486_decisione_aifa_a8d8701a-7d1e-11de-898a-00144f02aabc.shtml http://www.corriere.it/cronache/07_novembre_20/ arachi_ragazzine_sesso_12_anni.shtml http://www.corriere.it/Primo_Piano/Cronache/2007/03_Marzo/08/cilicio.shtml http://www.corriere.it/politica/09_maggio_04/ berlusconi_veronica_scuse_divorzio_veline_noemi_6ccc9956-3869-11de- a257-00144f02aabc.shtml http://www.ft.com/cms/s/2/7d479772-2f56-11dc- b9b7-0000779fd2ac.html#axzz1PAHWCKex http://www.independent.co.uk/news/world/europe/vulgar-berlusconi-pays-tribute-to-the- sex-appeal-of-the-iron-lady-455996.html http://www.slate.fr/story/36879/infographie-conneries-de-berlusconi http://www.telegraph.co.uk/news/worldnews/1545019/I-use-spiked-chain-says-senator- in-Opus-Dei.html http://www2.univ-paris8.fr/RING/spip.php?article1293

Ouvrages

Ouvrages en italien 79 La représentation des femmes à la télévision italienne

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Ouvrages en français

Élisabeth BADINTER, Le Conflit, la Femme et la Mère, éditions Flammarion, Paris, 2010. Pierre BOURDIEU, La Domination masculine, éditions du Seuil, Paris, 2002. Judith BUTLER, Trouble dans le Genre, le Féminisme et la Subversion de l'Identité, éditions La Découverte/Poche, Paris, 2006. Silvia CONTARINI, La Femme futuriste. Mythes, Modèles et Représentation de la Femme dans la Théorie et la Littérature futuristes, éditions Presses Universitaires de Paris 10, Paris, 2006. Manlio GRAZIANO, Identité catholique et Identité italienne, l'Italie laboratoire de l'Église, éditions L'Harmattan, Paris, 2007. José GUIDI, Marie-Françoise PIEJUS, Adelin-Charles FIORATO, Images de la Femme dans la Littérature italienne de la Renaissance, Préjugés misogynes et Aspirations nouvelles, éditions Universités de la Sorbonne Nouvelle, Paris, 1980. Guy LOCHARD, L'Information télévisée, éditions Vuibert, Paris, 2005. Guy LOCHARD et Jean-Claude SOULAGES, La Communication télévisuelle, éditions Armand Colin, Paris, 1998. Vincenzo SUSCA, A l'ombre de Berlusconi. Les médias, l'imaginaire et les catastrophes de la modernité, L'Harmattan, Paris, 2006. 80 Bibliographie

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81 La représentation des femmes à la télévision italienne

Annexes

Première annexe

Traduction de l'article tiré de La Stampa sur le RU 486

http://www.lastampa.it/redazione/cmsSezioni/ cronache/200907articoli/45987girata.asp

La voie est libre pour le RU 486, ce que n'avait pas prévu le Vatican : « Excommunication pour qui l'utilisera »

Séance fleuve de l'agence italienne du médicament pour examiner le dossier. ROME La pilule abortive RU 486 est un « poison mortel, pas un médicament »: elle est la même chose que l'avortement chirurgical, donc « un péché, un délit » qui induit l'excommunication de la part de l'Église pour quiconque l'utilisera, la prescrira, ou participera sous n'importe quel prétexte à « la procédure ». Le Vatican lance son offensive le jour du rendu de la décision tant attendue de l'Agence italienne du Médicament (AIFA) sur le RU 486. Le CA de l'AIFA doit décider de l'autorisation ainsi que de la commercialisation en Italie de cette pilule. Une décision tout autre que celle attendue, et dans la soirée, après une séance fleuve prolongée durant des heures, les membres du CA étaient encore réunis pour examiner le dossier relatif au médicament. Une décision qui, la vielle, paraissait donnée pour évidente – à la lumière de l'avis déjà exprimé comme positif de la part du Comité technico-scientifique de la même AIFA ces dernières semaines – mais pas pour la Sous-Secrétaire d'État à la Santé Eugenia Roccella, qui avait averti que la décision ne serait pas une quelconque « pratique bureaucratique ». Car – même si la pilule RU 486 est déjà commercialisée dans de nombreux pays européens et aux États-Unis, et même si l'OMS l'a incluse en 2005 sur sa liste des médicaments – sur ce médicament, l'a rabâché Roccella, pèsent « des zones d'ombre, comme le démontrent les 29 morts recensées dans différents pays ». LA CONDANNATION DU VATICAN, C'EST UN DELIT QUI PORTE A L'EXCOMMUNICATION Selon monseigneur Elio Sgreccia, président émérite de l'Académie pour la Vie, le Vatican souhaite « une intervention de la part du gouvernement et des ministres compétents ». Car – explique-t-il – ce n'est « pas un médicament, c'est un poison mortel » qui mine aussi la vie des mères, comme le démontrent les 29 cas de décès. Le RU 486 – affirme monseigneur Sgreccia – est la même chose, comme le répète l'Église depuis longtemps, que l'avortement chirurgical : un « délit et un péché au sens moral et juridique » et induit donc l'excommunication latae sententiae, traduire automatique. ROCCELLA, RISQUE D'AVORTEMENTS DANS LA « CLANDESTINITE LEGALE » Le danger qui épouvante la Sous-Secrétaire d'État à la Santé Eugenia Roccella est que la pilule abortive RU 486 puisse arriver à une « clandestinité légalisée » des avortements. La méthode de l'avortement médicamenteux du RU 486, a-t-elle affirmé, « porte intrinsèquement la femme à avorter à domicile, car le moment de l'expulsion est imprévisible », dans une sorte de « clandestinité légale ». En effet, a-t-elle ajouté, « on

82 Annexes

devrait mettre en place une politique d'hospitalisation, qui serait très coûteuse car on ne peut pas savoir jusqu'à quand doit durer l'hospitalisation-même ». « Clairement – a soutenu Roccella – une telle utilisation est promue par une organisation sanitaire pour qui les avortements dans les structures publiques est un poids, et qui tend à chercher à s'en libérer ». CONSEIL SUPERIEUR DE LA SANTE, HOPITAL JUSQU'A LA FIN EFFECTIVE DE L'AVORTEMENT Avec l'utilisation de l'avortement médicamenteux à travers la pilule abortive RU 486, la femme « doit être maintenue » à l'hôpital ou dans une autre structure prévue « jusqu'à la fin effective de l'avortement ». C'est ce qu'a affirmé le Conseil Supérieur de Santé (CSS) dans deux avis en 2004 et 2005. Les avis du CSS, en effet, ne prévoyaient pas le recours à l'hôpital de jour en cas d'avortement médicamenteux avec la pilule RU 486, à l'inverse de ce qui a été effectué de 2005 à aujourd'hui dans les quelques instituts sur la base des protocoles régionaux. Selon l'avis de 2004, en effet, « les risques connectés à l'interruption médicamenteuse de grossesse peuvent être considérés comme équivalents à ceux de l'interruption chirurgicale seulement si l'interruption de grossesse se fait dans un lieu hospitalier ». Parmi les motivations adoptées, il y a la « non prévisibilité du moment durant lequel arrive l'avortement » et le « respect de la législation en vigueur qui prévoit que l'avortement doit se faire dans un lieu hospitalier ». Selon l'avis suivant de 2005, « l'association de mifépristone et de misoprostol doit être administrée dans un hôpital public ou une autre structure prévue par la loi et la femme doit y être maintenue jusqu'à la fin de l'avortement ».

Seconde annexe

Traduction de l'article de la Repubblica Web sur l'ambition des jeunes filles à devenir veline

http://dweb.repubblica.it/dettaglio/Sexyspot-generation/54786?page=1

Sexyspot generation « Ce sont les femmes qui achètent les patates ! ». Le marketing télévisé les considère comme une marchandise purement féminine. C'est peut-être l'ambigu jeu de mot148 qui encourage les publicitaires à pointer la spécialisation de genre, pour pousser à l'acquisition des tubercules. De fait, dans ce spot à succès, le filet de pommes de terre vole finalement sur un type étourdi, bouche ouverte : il semble ne pas avoir compris pourquoi lui ne peut pas les choisir. Les spots sont peuplés de belles ménagères souriantes entre des étendues de draps blancs : un lieu commun imprimé depuis des années dans l'imaginaire collectif. Comme l'homme toujours impeccable qui conduit, satisfait, des voitures puissantes. Selon le Parlement européen, pourtant, cette méthode de communication va être abolie. Ainsi, en septembre, il a approuvé à une large majorité une résolution pour l'élimination des stéréotypes de genre dans la publicité. Parce qu'ils influencent la société, les rapports entre les personnes, pas seulement la consommation. « La publicité et le marketing créent de la 148 Note : en italien, le mot « patate » désigne vulgairement le sexe féminin. 83 La représentation des femmes à la télévision italienne

culture, ils n'en sont pas seulement le reflet », lit-on dans la résolution proposée par l'euro- députée suédoise Eva-Britt Svensson . Et ils contribuent au maintien des inégalités de genre : salaires, professions, rôles de dirigeant, division des travaux domestiques. Et si le marketing a sa responsabilité, chez nous, la télévision y est aussi pour quelque chose, sur la question des rôles. Patrie des veline et des vallette touchées elles aussi par des scandales, l'Italie réussit à conquérir la dernière place en Europe sur la question de la parité, selon la classification de 2007 Gender Gap du World Economic Forum. Derniers en Europe, et encore plus derrière, donc peut-être pire, si on considère la graduation à l'échelle mondiale : sur 128 nations, nous sommes 84ème. Cette distance entre les hommes et les femmes se répercute aussi sur le choix des matières étudiées. Selon une étude américaine de la Northwestern University, dans les sociétés où les rôles de genre sont plus rigides, les femmes sont plus portées sur les matières humanistes, et les hommes, sur celles scientifiques. Et les « tests Pisa » élaborés par l'OCDEpour évaluer le rendement scolaire ne montrent qu'une légère ou inexistante différence dans les pays scandinaves, alors qu'elle est majeure en Turquie, par exemple. « Un stéréotype est comme une lentille à travers laquelle nous regardons la réalité », observe Bruno Mazzara, docteur en psychologie de la consommation et de la publicité à Rome, « il nous fait voir quelques aspects et en occulte d'autres. Quand il prend racine dans une culture, il devient normal d'interpréter la réalité à travers cette distorsion ». On s'y habitue, aux lieux communs. On les absorbe et on se comporte en conséquences. Tout aussi fréquents que les spots à base de rôles de genre, il y a ceux sexy, qui mettent l'accent sur l'anatomie, principalement féminine, utilisée pour promouvoir tout et n'importe quoi. « Une abondance martelante qui rend normale et quotidienne la réduction du corps à un objet », soutient Catiuscia Marini, députée au Parlement de Strasbourg dans le parti des socialistes européens. « Les spots ont un très grand pouvoir persuasif, en particulier sur les enfants et les adolescents, car ils y trouvent des modèles à imiter », observe Francesca Romana Puggelli, qui enseigne la psychologie sociale à Milan et Pavie, auteure du livre Spot Generation (Franco Angeli). « Dans le contexte odieux de la crise des figures traditionnelles, il ne reste que la télévision pour les jeunes, et ils y absorbent tout, indistinctement. Les éventuels stéréotypes qu'ils contiennent, également : et il y en a beaucoup », souligne-t-elle. « Pas seulement dans les publicités à destination des adultes, mais aussi, par exemple, dans celles des jouets, où les petits garçons sont toujours représentés en mouvement, en extérieur et vêtus de manière plus différenciée par rapport aux petites filles, souvent blondes, aux cheveux longs, vêtues de vêtements colorés. Elles se trouvent pratiquement tout le temps dans des lieux clos et la musique qui accompagne les spots est plus douce par rapport à celle choisie pour les garçonnets ». Des particularités qui finissent pas indiquer qui sera où, « quelle est la place de l'homme et quelle est celle de la femme », observe Puggelli. « Bien sûr, il y a aussi des cas beaucoup moins prévisibles, mais ils sont rares. Habituellement, la publicité parle à de nombreuses personnes, pas à quelques unes. Elle est faite pour rassembler un public le plus large possible, elle montre donc des aspects connus, que nous pouvons tous comprendre sans aucun effort intellectuel. C'est pour cela qu'est maintenu le statu quo : la publicité n'anticipe pas les temps, elle reste plutôt un pas en arrière ». Et elle s'auto-alimente. Si en Europe on discute de sexisme dans les messages publicitaires, que dire, chez nous, de la télévision en général ? Elle est remplie de veline, letterine, de filles sexy avec des costumes très succincts et de ballets allusifs qui sont désormais en expansion à la télévision généraliste, dans les programmes de divertissement, à n'importe quelle heure. Cela plaît au public, il apprécie, dit-on. Sous entendu, le public masculin. Pourtant, dans le rapport de 2008 de Censis-Ucsi sur la communication, il ressort

84 Annexes

au contraire que 73% des personnes interrogées cite la vulgarité comme défaut principal de la télévision généraliste, celle pour tous. En 2006, la Société italienne de Pédiatrie a publié une étude qui a été qualifiée de choquante, comme si personne ne s'était rendu compte du tour qu'étaient en train de prendre les choses : parmi les filles de douze ans interrogées, à la question « Que veux-tu faire quand tu seras grande ? », la velina était en première position. En seconde position, « je ne sais pas ». L'année dernière au contraire, la velina a été remplacée par un plus versatile « personnage célèbre », comme on le lit dans le rapport. Alors que les garçons rêvent surtout de devenir footballeur. La même année, le Censis a publié une étude approfondie et spécifique de l'image de la femme dans la communication, intitulé Women and Media in Europe. « La femme qui prévaut à la télévision est celle du spectacle, alors que les femmes ayant une belle carrière professionnelle ou les intellectuelles ont un espace seulement dans les fictions », explique Elisa Manna, responsable du secteur culture du Censis et parmi les membres ayant participé à l'écriture du rapport. « Il y a des femmes magnifiques, très jeunes, parfaites, toujours filmées avec une tendance certaine au voyeurisme ». Il n'y a pas de femmes mûres, très peu d'âge moyen, toutes toujours de hautes classes sociales, et jamais handicapées. « Des modèles irréels, et pas seulement dans les programmes de divertissement. Également dans les JT, la figure féminine s'alterne entre une présence accrue dans les faits divers et les mannequins de défilés, souvent introduites à la fin des JT pour donner une touche plus légère : un basculement absurde », observe Manna. En effet, chiffres à part, la solution est véritablement à portée de télécommande. Ainsi, il y a un an, deux motions sur la question de l'image des femmes à la télévision, bi-partisanes, avaient été présentées au Parlement. On demandait, en substance, de ne faire passer pas seulement le corps, mais aussi le point de vue féminin, faire également parler les femmes. Peut-être laisser de l'espace aux vraies professionnelles de l'information, de manière à offrir des modèles culturels intéressants pour les jeunes. Motions restées lettre morte. « Bien sûr que votre pays est terrible », commente sans y aller par quatre chemins Florence Montreynaud , activiste de “La meute” , groupe français qui depuis 2000 s'occupe de sexisme dans la communication et le marketing. « Nous, au contraire, nous protestons, nous distribuons des tracts devant les grands magasins, nous demandons de ne pas acheter les jouets et les objets publicitaires incorrectes, nous écrivons aux entreprises. Et habituellement, ils nous écoutent, les multinationales également, qui ont peur de notre publicité négative », explique-t-elle. « Mais nous demandons également l'intervention normative de la politique, car seule la loi peut protéger tout le monde, même les plus faibles ». De plus, deux prix sont organisés : un du spot le pire, et un du meilleur. C'est un peu ce que fait l’ Observatorio andaluz de la publicidad no sexista en Espagne , qui recueille les signalements des citoyens sur les contenus offensifs des spots. Résultat : la majeure partie des missives concerne les jouets et leur publicité. « Le problème avec les stéréotypes est véritablement qu'ils commencent très tôt », affirme Puggelli. Le mois dernier en Suède, le comité éthique a rappelé à l'ordre une célèbre marque de jouets à cause du contenu stéréotypé des jeux et de la publicité. Sur internet, la nouvelle a reçu une certaine attention, également en Italie, mais pratiquement toujours avec un ton ironique, moqueur. L'initiative a été aussi qualifiée d'affaires féministes hyper-critiques. Mais Puggelli souligne ne pas se définir féministe : « Cela ne concerne pas seulement les femmes, les hommes aussi se créent des schémas rigides desquels ils ont du mal à sortir. La publicité est un média très puissant, qui doit être utilisé avec préparation et sensibilité ». Quelques initiatives dignes d'être notées semblent maintenant arriver aussi chez nous. L'année dernière, le bureau de la parité de la Mairie de Turin a lancé une campagne contre les marques qui

85 La représentation des femmes à la télévision italienne

utilisent des images sexistes pour vendre leurs produits : sur les panneaux publicitaires et en ville, il y avait l'image d'une jeune fille dans un emballage de cellophane, et un énorme code barres au-dessus. Cette année également a été lancée une campagne, « La parité multiplie les opportunités. Pour tous », avec un spot transmis au niveau national. Dans l'attente de l'Europe : « La résolution du Parlement européen », explique Marini, « est un document politique où sont encouragés des institutions et les États membres à prendre des mesures sérieuses pour le retrait des obstacles qui empêchent la réalisation de l'égalité des genres. Il y est dit surtout de faire attention aux messages adressés aux plus petits, et également à l'utilisation de mannequins trop maigres. On parle de plus des institutions d'organismes nationaux spécifiques pour le monitoring des contenus discriminatoires des publicités. Tout cela n'a pas qu'un aspect normatif, punitif : ainsi, il est question dans la résolution de prix pour les publicités qui véhiculent des messages positifs ». (Publié le 26 novembre 2008)

Troisième annexe

Traduction de l'article tiré de Corriere della Sera relatif aux propos de Mara Carfagna sur les quotas féminins http://www.corriere.it/Primo_Piano/Politica/2006/05_Maggio/31/carfagna.shtml Débat à Forza Italia 149 sur la présence féminine dans le gouvernement.

Quotas féminins, querelle Carfagna-Prestigiacomo « Je suis l'exemple que les quotas ne servent à rien ». L'ex-ministre de la Parité : « Elle ne parle pas pour le parti » « Qui a dit cela ? ». Mara Carfagna. « Qui ? ». L'honorable Mara Carfagna, la jeune députée de Forza Italia qui travaillait pour la télévision avec Giancarlo Magalli... « Ah, oui... Bien sûr. Et elle l'a vraiment dit de cette manière ? ». Vraiment : les quotas féminins ne sont pas la solution pour les femmes. Même, si possible, il faut les maintenir à l'intérieur d'un champ clôturé. « Eh bien, si elle pense et dit cela, il est clair que Mara Carfagna exprime une opinion personnelle. Strictement personnelle, même ». Vraiment, Carfagna soutient l'idée qu'à l'intérieur de Forza Italia... « J'exclue que Carfagna puisse parler pour le parti. Nous n'en avons pas discuté, ce n'est pas une ligne officielle. Comment peut-elle utiliser ce ton ? ». Stefania Prestigiacomo est glaciale. Un filet de voix, pour elle, ex-responsable de la Parité, qui s'impliqua sur les quotas féminins jusqu'aux larmes et aux sanglots, lors d'un Conseil des Ministres dramatique il y a presque six mois. Parmi ceux qui n'avaient pas envie de l'entendre, certains lui avaient ri au nez, d'autres avaient soupiré, et elle, rien, entêtée, qui insistait. Jusqu'à ce que Berusconi lui dise clairement : « Allez, Stefania, ne fais pas l'enfant ». Puis lui présente ses excuses, puis le dessin de la loi qui impose aux partis de réserver 50% des bulletins de liste aux femmes entra avec force dans l'agenda politique

149 Parti politique de Silvio Berlusconi dissout dans le Popolo della Libertà en 2009. 86 Annexes

et ainsi, la solidarité, la complicité arrivèrent également pour Stefania Prestigiacomo, ainsi que l'entente transversale avec les députées et les sénatrices du Parlement entier. « C'est justement à cause de cela – ajoute l'ex-ministre de Forza Italia – que la semaine dernière, j'ai représenté la proposition de loi. Non, je n'abandonne pas. Et même : j'annonce à partir de maintenant que j'ai l'intention de collaborer avec la ministre Pollastrini, avec la socialiste Pollastrini. Avec Barbara [Pollastrini], nous nous battrons dans chaque recoin du Parlement sur ce thème si important pour nous toutes ». Et vous, honorable Carfagna ? « Moi, naturellement, avec une infinie modestie, je reste fidèle à mes idées, qui sont par ailleurs aussi partagées à l'intérieur du parti. Nous avons le sentiment que les quotas féminins ne sont pas une solution aux racines du problème, et qu'ils finissent même par enfermer les femmes dans une sorte de salon politique de quelques privilégiées qui se rencontrent et parlent entre elles sans réussir à influer réellement sur la vie des partis et du Parlement ». Quelle solution alternative suggérez-vous ? « Il serait plus utile, à mon... à notre avis, de commencer à sélectionner par le bas, dans l'organisation de base du parti, les femmes les meilleures et les plus compétentes... C'est seulement à cette condition que pourra naître une classe dirigeante au féminin, enracinée sur le territoire et légitimée par un consensus populaire. A ce propos, si je puis ajouter... » Si vous pouvez ? Vous devez... « Je suis un petit mais significatif exemple vivant de mon raisonnement ». Pouvez-vous être plus précise ? « Depuis deux ans, je suis la coordinatrice des femmes de Forza Italia en Campanie et, si je puis dire, voilà, c'est une responsabilité qui ne m'a certainement pas été attribuée par les quotas féminins... ». Stefania Prestigiacomo écoute et soupire. « Carfagna n'est pas une femme naïve... Bien au contraire... Elle sait raisonner... ». Et ? « C'est pourquoi j'imagine qu'elle se rend bien compte de ce qu'elle dit et du poids politique qu'elle assume ». Honorable Prestigiacomo, ne seriez pas en train de vous énerver, par hasard ? « Moi ? M'énerver ? Et pourquoi donc ? Pour ce que moi j'en sais, c'est quelque chose, comment dire ? Sur l'argumentaire, je le sais, Silvio Berlusconi n'a pas changé d'opinion. Donc je ne pense pas qu'il y ait quoique ce soit à ajouter. Sinon que j'aurais évidemment préféré entendre un autre genre de raisonnement de la part de ma jeune collègue Mara Carfagna. Je ne sais pas, un espoir qu'entre femmes... Et pourtant... ». Fabrizio Roncone 31 mai 2006

Quatrième annexe

Discours de Flavia Vento lors de la fête de la Margherita (28/09/04) Avant toute chose, je suis très contente d'être ici aujourd'hui, dans un lieu aussi beau que les Pouilles : j'y vais toujours volontiers. Euh... Dernièrement, mon rapport avec la politique s'est énormément développé, surtout après le 11 septembre, je regarde vraiment les journaux télévisés : tous les jours, je regarde le TG1, le TG2, le TG4 et le TG5, donc... Vraiment... [rit, ovation du public] donc, je dois dire que... Voilà... La politique me plaît vraiment beaucoup... [bruits dans le public], excusez-moi, pouvez-vous faire silence, s'il-vous-plaît, parce que ce n'est pas très gentil de rire comme ça ! Merci, hein ! Euh... Donc je suis très contente. 87 La représentation des femmes à la télévision italienne

Alors, avant tout le rapport des jeunes avec la politique, je crois qu'il y a beaucoup de difficultés. Cela parce que, clairement, en lisant le journal, beaucoup de titres sont faits de manière illisible pour un adolescent de 14 ans, qui passe sûrement à la page sportive, plutôt que lire... Voilà, j'ai pris avec moi quelques coupures... Voilà, par exemple, ce titre : « Les primaires : l'alarme... l'alarme de la Quercia150. Fassino et Veltroni : Prodi leader, mais pas de petits jeux, un sommet servirait ». Alors, un garçon de quatorze ans, clairement, il ne sait pas... il ne sait pas ce que veut dire [rires dans la salle] « primaires », « l'alarme de la Quercia » non plus, donc il va sûrement lire la page sportive. Donc je crois qu'il faudrait... Justement, comme le disait... [montre la personne à côté d'elle, mais ne se rappelle pas de son nom]... Oui, Bruna [elle rit]... Je crois qu'il faudrait vraiment faire une heure de politique à l'école : enseigner aux jeunes la politique à l'école. Même une heure : pour savoir comment est née la politique, comment est l'histoire de la politique... Et donc, je crois que c'est une chose... Enfin bref, qui servirait sûrement aux jeunes. Et puis, hum... Voilà, je suis prête à m'impliquer tout entière pour... Pour des idéaux... Qui sont, justement, la guerre. Je suis vraiment contre la guerre. Je crois que ce qui se passe en Irak est une chose vraiment... Triste. Et je crois que l'Italie est un peuple catholique, un peuple qui croit en l'Église, et alors si on croit en l'Église, la Bible dit que... Hum... Pratiquement... [elle ne se rappelle pas de la citation] « tend l'autre joue » : donc, vraiment, je ne crois pas en la vengeance et la haine. Donc, la première chose qu'il faudrait faire en Italie est... Retirer immédiatement les troupes d'Irak. Et une autre... [applaudissements] Merci ! Espérons que pour les prochaines élections, Bush ne gagnera pas, parce que sinon nous resterons encore quatre ans dans la terreur [elle rit, applaudissements]. Et puis, une autre information que je voulais donner, vu qu'ici il y a sûrement des jeunes de mon âge... Euh... Contre la drogue. Je crois vraiment que la drogue est une chose vraiment... Stupide... Je sais que beaucoup de jeunes sont influencés par des personnes plus âgées, qui sûrement le samedi soir en discothèque prennent de l'ecstasy ou se droguent. Je crois que c'est vraiment une erreur, parce que... On a qu'une vie et il faut la réussir du mieux qu'on peut. Et donc, vraiment, un « non » à la drogue [applaudissements]. Et puis... Je suis... J'aime beaucoup les animaux [bruits, elle s'interrompt]... Excusez- moi : c'est vraiment de mauvais goût, ce bruit... Hum... Je sais qu'en Italie il y a beaucoup de combats d'animaux... De chiens... Et c'est une chose qui ne devrait vraiment plus exister. Donc : une loi plus sévère pour les animaux... Parce que vraiment les animaux sont les meilleurs amis de l'Homme... Moi... Je tiens beaucoup aux chiens, surtout, je fais du volontariat dans les chenils... Et je crois que c'est très important de sauvegarder, justement, les animaux. C'est tout ce que je voulais vous dire, merci ! [applaudissements]

Cinquième annexe

Traduction de l'article tiré de Corriere della Sera sur les veline en politique et leurs relations avec le Président du Conseil

150 Le chêne, symbole du Partito Democratico della Sinistra (un parti de gauche italien) 88 Annexes

http://www.corriere.it/politica/09_maggio_04/ berlusconi_veronica_scuse_divorzio_veline_noemi_6ccc9956-3869-11de- a257-00144f02aabc.shtml La colère du Cavaliere : « C'est la troisième fois qu'elle [sa femme, Veronica Lario] me fait des blagues de ce genre pendant une campagne »

« Des veline sur les listes ? Non, elles sont diplômées. Voici la vérité sur la fête de Noemi »

Berlusconi: « Veronica est tombée dans un piège, elle devra me présenter publiquement ses excuses » Arcore, dimanche soir. Un dimanche très différent de tous les autres. Silvio Berlusconi est amer. « Je suis indigné ». Il a lu, surpris, la décision de demander le divorce de sa femme. Il n'en savait rien avant, affirme-t-il. « Veronica est tombée dans un piège. Et moi, je sais par qui elle a été conseillée. Mieux, incitée. La vérité éclatera, soyez tranquilles ». Président, vous pensez qu'on peut, comme pour d'autres choses, réparer des rapports qui durent depuis presque trente ans, dont dix-neuf de mariage ? « Je ne crois pas, je ne sais pas si je le veux, cette fois. Veronica devra me présenter des excuses publique. Et je ne sais pas si cela suffira. C'est la troisième fois qu'elle me fait ce genre de blagues en campagne électorale. Trop c'est trop ». Et les enfants ? Ne devez-vous pas penser aux trois enfants, et ce petit fils qui va bientôt arriver ? « Mes enfants me soutiennent ». « Vous savez comme j'appelle tout ce qui est arrivé ces derniers jours ? Criminalité médiatique ». N'exagérez-vous pas, Président, La Repubblica et La Stampa ont simplement fait leur travail. Et je ne vous dis pas ma souffrance. Non, soutient le Cavaliere, il y a un dessein. Une manœuvre pour le mettre en difficulté et l'exposer et même, le tourner en ridicule, particulièrement au moment où sa côte de popularité est au maximum. Et sa femme en serait devenue une complice sans le savoir. « Veronica est simplement tombée dans un piège médiatique ». Oui, mais les veline, vous les avez mises sur les listes puis, après une lettre de votre femme à l'ANSA [la principale agence de presse italienne] (« Détritus sans pudeur, mes enfants et moi sommes des victimes... ») ne les avez-vous pas retirées ? « Écoutez, directeur, je vais vous le dire une bonne fois pour toutes et clairement, nous n'avions mis aucune velina sur les listes, et ces trois qui ont été exclues au dernier moment étaient des filles très bien, qui avaient fait de bonnes études. Pas des veline . Veronica a cru à toutes les choses inexactes écrites dans la presse, malheureusement ». Et les trois jeunes femmes effectivement entrées sur les listes pour les candidatures aux européennes ? « Lara Comi a deux diplômes, elle a coordonné les jeunes du Popolo della Libertà en Lombardie, elle dirige Giochi Preziosi. Elle n'a jamais travaillé à la télévision. Licia Ronzulli est une manager de la santé de très haut niveau, elle est responsable des professions de la santé et des salles d'opération de l'Institut Galeazzi ; l'entrepreneur de la santé Giuseppe Rotelli a beaucoup d'estime pour elle, elle va deux fois par an au Bangladesh. Barbara Matera est diplômée de sciences politiques, Gianni Letta me l'a conseillée, c'est la petite amie du fils de l'un de ses meilleurs amis. Elle a tourné dans Carabinieri 7 sur Canale 5, mais elle n'a jamais été velina. En somme, croyez- moi, c'est un coup monté. Nous parlons de trois jeunes femmes présentes sur soixante- douze candidats. Quel mal y a-t-il à ce qu'elles soient jolies ? On ne peut pas présenter toutes les Rosy Bindi... ». Président, il y a aussi la fête napolitaine de la très jeune Noemi Letizia, à laquelle vous avez participé, en faisant une surprise. « Là aussi des choses inexactes ont été écrites. Je 89 La représentation des femmes à la télévision italienne

vais vous raconter comment cela s'est réellement passé. Ce jour-là, son père m'a téléphoné, un ami de longue date. Et quand il a su que je serais sur Naples le soir, pour contrôler l'état d'avancement du projet pour l'incinérateur, il a insisté pour que je passe au moins un moment à l'anniversaire de sa fille. Seulement deux minutes, m'a-t-il assuré. La maison est à côté de l'aéroport. Tu me ferais un beau cadeau. Il insiste. Je ne sais pas dire non. Nous étions en avance d'une heure et nous y sommes allés. Il n'y avait rien d'étrange, cela est arrivé d'autres fois pour des anniversaires ou des mariages. Vous pensez bien que j'ai fait des photographies avec tous les participants, les serveurs et les cuisiniers. Chi les publiera dans son prochain numéro car ces messieurs me l'ont demandé ». D'accord, Président, mais pourquoi cette jeune fille, Noemi, vous appelle Papounet ? « Mais c'est une blague, elle voulait m'appeler grand-père, Papounet, c'est mieux, vous ne croyez pas ? ». Cet épisode, dit Berusconi, a été monté de toute pièce. Et Veronica aurait cru a bien des versions, fausses, sur cette soirée napolitaine, dimanche 26 avril, conclue par une rencontre avec Aurelio De Laurentiis. Ce soir-là Naples avait battu l'Inter de Milan, faisant une faveur à Milan dans sa poursuite possible à la tête du championnat. « J'ai remercié De Laurentiis qui s'est fait à moitié pardonner l'élimination de la Champions League qu'il nous avait infligé, en nous battant lors du précédant championnat ». Amer et déçu, Silvio Berlusconi ne pense pas cette fois qu'il soit possible de se réconcilier avec sa femme. Arcore et Macherio, où réside sa femme, sont voisines. Les amis communs souhaitent une réconciliation. Il suffirait de peu. Une explication franche, comme il en arrive dans un couple. Mais en ce dimanche quasi estival d'Arcore, l'air est très différent des autres jours. Et le Cavaliere est offensé. Ceux qui le connaissent bien disent cette fois que pour reconquérir Veronica, il n'ira pas lui faire une surprise pour son anniversaire à Marrakesh, l'approchant vêtu tel un Berbère pour ensuite se dévoiler d'un coup avec pour cadeau un bijou. Mais on ne sait jamais. Notre modeste augure est que cela arrivera. Peut-être dans le privé. (f.de b.) 04 mai 2009

Sixième annexe

Traduction de l'article tiré de La Repubblica sur des violences faites aux femmes qualifiées de « crimes passionnels » http://www.repubblica.it/cronaca/2010/07/11/news/ un_mese_di_stalking_e_sangue_quando_il_delitto_passionale-5515706/

Un mois de harcèlement et de sang. La folie du crime passionnel Dix cas en moins d'un mois, quelques uns conclus avec le suicide de l'agresseur. Tous les homicides ont pour motif la rage d'une séparation non acceptée

ROME – Le 17 juin à Cerignola, province de Foggia, Vito Calefato, un homme de 33 ans, a appris par sa petite amie polonaise de 17 ans Michelina Ewa Wojcicka que la jeune fille avait trouvé un travail dans une entreprise de fruits et légumes de San Ferdinando dans les Pouilles. Une bonne nouvelle, mais qui signifiait également, pour elle, la possibilité de sortir seule, de rencontrer des gens, de se faire de nouveaux amis. Une telle chose

90 Annexes

est apparue intolérable pour Vito (qui avait par ailleurs été arrêté plusieurs fois pour trafic). Et ainsi, il l'a tuée dans le garage de la maison, avec une balle de 7,65, pour ensuite se tirer une autre balle dans la tête. Vito et Michelina avaient depuis environ cinq mois une relation à laquelle la jeune fille voulait mettre fin. Leur histoire est seulement l'une des huit qui ont entaché de sang la chronique italienne depuis un mois, crimes passionnels nés de situations de harcèlement non dénoncé ou sous-évalué, qui ont dégénéré en homicide et parfois, comme dans ce cas, en suicide de l'agresseur. Le harcèlement ne doit pas toujours faire penser à une victime de sexe féminin : deux jours plus tard, à Palerme, les gendarmes ont par exemple arrêté un homme de 42 ans, accusé de l'homicide de son ex compagnon, un acteur de films pornographiques gay, Jaime Salvador Tagliavia. L'homme ne se serait pas résigné à la fin de leur relation et aurait cherché à étrangler son ex, jusqu'à lui asséner des coups de couteau mortels. Dans la majeure partie des cas, toutefois, se sont les ex petites amies qui sont prises pour cible, victimes d'hommes qui vivent la séparation comme une blessure brûlante de portée leur orgueil. Fin juin, par exemple, l'histoire de Gaetano DeCarlo, 55 ans, des Pouilles et résidant à Bergamo. Il avait déjà été à l'origine de sept plaintes pour harcèlement, mais il a continué jusqu'à la fin à importuner ses ex amantes. Sonia Balconi, 42 ans, et Maria Montanaro, 36 ans, ont toutes les deux été tuées à Riva di Chieri, vers Turin, à 11 heures d'écart. Après les avoir tuées, DeCarlo s'est suicidé, laissant une note sur la table de l'appartement, dans laquelle il demandait pardon. Et le 2 juillet, une zone de campagne tranquille entre Crema et Treviglio a encore été le témoin d'une tragédie : un routier de 28 ans, Riccardo Regazzetti, s'est tiré dans la tempe après avoir tué de trois coups de feu son ex, Debora Palazzo, 19 ans, étudiante qui travaillait dans l'entreprise de son père. Depuis quelques temps, elle avait confié à sa mère et à sa sœur son intention de rompre avec l'homme, mais la décision n'a naturellement pas été acceptée. Le 3 juillet, un autre homicide à Novara : la victime de 25 ans, Simona Melchionda, disparue un mois auparavant de sa maison de Oleggio, est retrouvée morte à San Giorgio Pombia, enchevêtrée dans les ronces, sur l'une des berges du Ticino. Un gendarme de 28 ans a confessé l'assassinat, racontant ainsi qu'il lui avait tirée dessus avant de jeter le corps dans le fleuve. Les deux personnes, qui par le passé avaient eu une relation, s'étaient rencontrées ce soir-là, malgré les réticences de la jeune fille. Et à Spinea, dans la province de Venise, un magasin d'aliments « bio » s'est transformé en théâtre d'une histoire d'amour à la fin ensanglantée. La propriétaire, Roberta Vanin, 43 ans, est morte après avoir reçu plusieurs coups de couteau de son ex compagnon, Andrea Donaglio, 47 ans, qui après son délit a tenté de se suicider. Chiara Brandonisio, 34 ans, ne connaissait en revanche quasiment pas son assassin : la jeune femme, qui jeudi dernier à six heures a été massacrée dans la région de Bari à coups de barre de fer, était séparée depuis 2004 et vivait avec sa grand-mère. Selon les enquêteurs, l'assassin pourrait être un « ami » connu sur un tchat. L'identité de l'assassin aurait déjà était relevée par les forces de l'ordre, il s'agirait d'un homme de 60 ans d'origine calabraise, résident dans le Piacentino. Même atmosphère de frisson également pour un autre homicide à Ostie, contre Anna Maria Tarantino, qui avant d'être tuée à coups de poing dans la figure, allait faire ses courses chez Ikea, à Rome. La femme avait demandé à Leopoldo Ferrucci, rencontré peu de temps auparavant de l'y conduire. L'homme s'était pourtant montré gentil et disponible et ce jour-là, l'avait même aidée à transporter des meubles. Mais au cours du trajet, il lui a fait des avances qu'elle a refusées, puis il a commencé à la frapper jusqu'à la tuer.

91 La représentation des femmes à la télévision italienne

Cette traînée de sang s'est prolongée jusqu'à aujourd'hui, avec l'homicide-suicide de Mestre, rue Alfani. Un jeune homme a tiré trois coups de pistolet sur sa petite amie de 16 ans, puis a retourné l'arme sur sa poitrine. Les deux jeunes gens s'étaient quittés le samedi soir après s'être disputés. Ce matin, à bord de sa moto, il s'est approché de la jeune fille, Eleonora Noventa, qui était à vélo, a sorti son pistolet et lui asséné trois coups. 11 juillet 2010

Septième annexe

Les blagues de Silvio Berlusconi classées selon leur thème Le sexisme est en première position avec 22,8% :

Lieux où sont proclamées les blagues :

92 Annexes

Sources : http://www.slate.fr/story/36879/infographie-conneries-de-berlusconi

Huitième annexe

Traduction de l'article tiré de Corriere della Sera, relatif à l'infantilisation des ministres de sexe féminin de la part de Silvio Berlusconi http://archiviostorico.corriere.it/2008/maggio/08/ posti_decisi_tutti_ora_svezzero_co_9_080508068.shtml

Dans les coulisses, la stratégie de Silvio et de ses alliés « J'ai moi-même choisi les postes et maintenant, je sèvre les petites filles » Rome – Il a fait un petit discours à Umberto Bossi et Gianfranco Fini qui a raisonné comme cela, et qui n'admettait aucune réplique : « Je n'ai aucune envie de négocier ou de faire des tractations avec vous. Donnez-moi des noms, je vous contenterai, mais je décide moi-même à quel poste je place ces personnes. Vous pouvez aussi donner Tizio et Caio. Les destinations, les portefeuilles des ministres, je décide ce qu'ils feront ». Silvio Berlusconi a à cœur de décider et de gouverner. La volonté qui découle de la force de la majorité, des expériences du passé (qui l'ont souvent contraint à renoncer, ou à ne rien décider, ou seulement après une infinité exténuante de négociations), peut-être aussi de l'âge. La volonté également de le faire seul, au prix d'écarter tout le monde, y compris ses collaborateurs les plus proches. Les trois dernières semaines de tractations sur le gouvernement démontrent ceci : le Cavaliere écoute toujours les conseils, mais il a pris goût

93 La représentation des femmes à la télévision italienne

de décider seul. Il est conscient de sa force. Si un temps il lui venait de l'urticaire à propos de détails de la « politique politicienne », comme il l'appelle, aujourd'hui, apparemment, il va très bien : il a renoncé à ces détails. L'accélération sur la formation du gouvernement, hier soir, en est un signe. Le mot « décisionnisme » est le mot d'ordre au Palais Grazioli, chez le staff du Président, quelques heures avant la montée au Quirinal. « Ce sera l'un des traits distinctifs du nouvel exécutif », annonce le Président du Sénat, Renato Schifani, qui ces derniers jours n'a cessé d'entrer et de sortir du Palais Grazioli. Les journaux ont raconté, exagérant les détails, des présupposées rencontres entre Berlusconi et AN151, ou encore avec la Ligue ; d'infinies résistances de ses alliés ou affiliés. Dommage que Berlusconi, pendant le weekend, se soit dédié à ses affaires personnelles, et décidé que le Welfare ne serait pas donné à AN une minute après la victoire d'Alemanno à Rome. « Maintenant, j'ai 100 jours pour ne pas décevoir les attentes des Italiens et cinq ans pour changer le pays », ceci est l'état d'esprit dans lequel il se prépare à franchir le seuil du Palais Chigi pour la quatrième fois, et il le fait en pensant à Thatcher ou Schröder, à ces femmes et hommes d'État qui ont gouverné durant au moins deux législatures et qui seulement la deuxième fois ont laissé leur siège, en ayant réalisé les réformes qu'ils avaient en tête. Et quand on pense qu'en tant qu'homme ou femme d'État il est difficile de réitérer quelques imprécisions, les indécisions des néophytes de la politique, et même les complexes que le Cavaliere a porté avec lui, maintenant, à partir de son arrivée sur le champs de bataille. La somme des métamorphoses de Berlusconi, qui plaît ou non, réelle ou apparence de ces premières semaines, se voit même dans les détails : Gianni Letta reste irremplaçable, il est son premier collaborateur, il sera le moteur du gouvernement ; et pourtant, Berlusconi le suit sur le Quirinal, par deux fois en peu de temps, le contentant, avec la certitude que les mots du Président de la République sont parfois aussi les pensées de Letta, et qu'il est possible de continuer quelques heures à écouter toutes ses exigences, « et après, c'est moi qui décide ». Il est arrivé avec Angelino Alfano, nouveau ministre de la Justice, un diplôme de droit en poche, sans aucune expérience politique, fidèle au Cavaliere. Pour certains, le Garde des Sceaux aurait dû être le beaucoup plus « institutionnel » Marcello Pera. Il s'est retrouvé avec les deux « fillettes », comme affectueusement, presque comme un père, le Cavaliere appelle parfois Mara Carfagna ou Stefania Prestigiacomo. Jeunes femmes, trop pour certains, qu'il a fortement voulu à l'exécutif, mais également au Conseil des Ministres, et même avec un portefeuille important comme celui de la blonde Sicilienne. « Des petites filles à sevrer, protéger », comme il l'a recommandé à qui travaillera avec elles, démontrant que le physique peut compter plus que les compétences (comprises celles des techniciens « sacrifiés » au dernier moment), mais aussi que la tête de Berlusconi écoute tout le monde, mais décide seule. Cela peut sembler évident, mais cela ne l'a pas été jusqu'à hier, cela ne l'a pas été non plus au cours de la dernière législature. Et l'un des traits de ce « decisionnisme » est faire grandir une nouvelle génération de politiciens, même contre toute logique politique romaine, des triangulations des palais, des suggestions des conseillers les plus anciens. « Il n'est jamais arrivé que le Président du Conseil reçoive son mandat avec la liste de ses ministres en main », observe le staff du Cavaliere. La rapidité, remarqué également par le chef de l'État, fait écho à la volonté de décider. Et de gouverner. Galluzzo Marco (8 mai 2008) - Corriere della Sera

Neuvième annexe

151 Alleanza Nazionale, Alliance Nationale, parti d'extrême droite 94 Annexes

Traduction de l'article de la Repubblica sur la défense de Silvio Berlusconi durant le Rubygate http://www.repubblica.it/politica/2011/03/16/news/ accuse_allucinanti_andr_in_tv_a_difendermi_i_bonifici_solo_aiuti-13663479/ « Accusations hallucinantes, j'irai me défendre à la télévision. Les virements pour les filles ? C'était seulement une aide »

Berlusconi se défend : « Trente-trois femmes, c'est trop pour moi ». Et attaque : « J'irai me défendre à la télévision, et je serai présent à toutes les audiences ». L'explication : « Il y avait toujours ma petite amie près de moi ».

Rome - « Je sais que nous sommes différents. Des barrières nous séparent. Mais je vous parle la main sur le cœur. Cette fois, je suis mon instinct et je veux expliquer comment sont vraiment les choses ». Enfermé au Palais Grazioli, il lit les nouvelles qui annoncent la l'ouverture des enquêtes sur le procès « Minetti-Fede- Mora ». Les flash des agences de presse s'abattent sur la table de Silvio Berlusconi. Et offrent le résumé de ce qu'ont relevé les magistrats de Milan. L'agenda des soirées du Président du Conseil semble complètement changer à partir de maintenant. Son attention est focalisée sur l'enquête. Il décide de se confier, même avec ceux qui « se trouvent sur l'autre bord ». Et il annonce : « J'irai me défendre à la télévision. J'irai à toutes les audiences ». Les représentants de « Forza Sud », le parti fondé par Gianfranco Micciché au sein du PdL, viennent d'arriver rue du Plebiscito. Peu avant, Claudio Scajola et le « responsable » Saverio Romano avaient franchi la rue du Plebiscito. L'objet du colloque : le remaniement qui devrait aboutir au transfert de Galan à la Culture et à la nomination du même Romano à l'Agriculture. Mais pour le Cavaliere , maintenant, l'urgence est tout autre. Et il a décidé d'offrir à La Repubblica son interprétation personnelle de ces nouvelles. Il met sur la table sa stratégie de défense. Il est comme une rivière en crue. Et même lorsqu'il dépasse la ligne, il reprend son discours. « Alors que je lisais les nouvelles – dit-il immédiatement – je n'en croyais pas mes yeux. Je pensais que c'était une blague de Bonaiuti ». Les documents du Ministère Public, en réalité, ne sont pas une blague. « Mais cela vous parait-il possible ? Est-il possible que ces choses soient vraies ? Ils ont étalé en la place publique trente-trois jeunes femmes qui passeront le reste de leur vie avec la marque de la prostituée. Alors qu'elles ne sont que des jeunes filles qui ont eu le seul tort de participer à un dîner avec le Président du Conseil, chez qui il y avait trois musiciens et six serveurs. De ces six serveurs, trois provenaient d'une agence et ne dépendaient donc pas de moi. Des dîners sans arrière pensées, élégants. Les filles allaient danser quelques instants en discothèque. Seules, car je n'ai jamais aimé danser. Rien de plus. Et maintenant, je vois ces choses hallucinantes ». Mais, Président, il émerge du procès verbal un climat bien différent. « Mais aucun témoin ne le confirme. Je ne peux pas croire à une utilisation de la justice aussi barbare et aussi loin de la réalité. De plus, j'ai 75 ans et même si je suis un coquin...

95 La représentation des femmes à la télévision italienne

Trente-trois filles en deux mois, ça me semble trop, même pour un trentenaire. C'est trop pour n'importe qui. Et puis, il y a un obstacle en plus ». Lequel ? « J'avais toujours ma petite fiancée à côté de moi, que par chance, j'ai réussi à tenir loin de toute cette boue. Si j'avais fait tout ce qu'ils disent, elle m'aurait crevé les yeux. Et il est certain qu'elle a les ongles longs. La vérité est que la justice de ces messieurs n'a aucun sens ». Et alors, à quoi servaient tous ces virements du comptable Spinelli ? « Mais pour cette histoire aussi, j'ai vu des choses hallucinantes. Je n'ai jamais payé une fille de toute ma vie. Et puis, est-il possible que quelqu'un paie des prestations sexuelles par carte bancaire ? Mais où a-t-on vu ça ? Je suis comme la Charité quotidienne. Je paie des interventions chirurgicales, le dentiste, les frais universitaires à tous ceux qui en ont besoin. Je suis en mesure de le faire et je suis heureux de pouvoir le faire. Quelques-uns de ces virements serviront à payer l'assurance des parents de l'une de ces filles. Des gens en difficulté. Il est clair que ces personnes sont aussi attirées par le fait que je suis une personne qui a des moyens. Mais j'ai toujours aidé et je l'ai fait également avec d'autres personnes ». Mais il y aussi des écoutes téléphoniques qui ont confirmé les accusations du Ministère Public. « Mais aucune de ces filles ne dit avoir été payée. Parce que ça n'est jamais arrivé. Et puis des versements bancaires... Mais comment ? Plus de 130 000 euros pour une prestation sexuelle... Je suis indigné. Dans les autres pays, les écoutes téléphoniques ne peuvent pas être publiées, seulement chez nous peut arriver une barbarie de ce genre ».

Mais vous referiez cet appel téléphonique à la Préfecture de Milan ? « Je peux jurer qu'une semaine auparavant, j'avais parlé avec Moubarak au moins 15 minutes de cette fille. J'ai tous les témoignages. Les interprètes et les invités peuvent le confirmer. Ces jours-ci je m'occupais de la crise entre la Libye et la Suisse. J'ai pensé : et si chez nous aussi une parente d'un homme d'État étranger, dans ce cas, Moubarak, allait en prison ? Que se passerait-il ? Nous avons alors envoyé une personne au casier judiciaire vierge pour régler le problème. Sans compter que le Président du Conseil a le droit d'intervenir dans le domaine administratif. On m'a expliqué que Craxi avait fait des choses similaires pour le cas Sigonella ». Mais pour le Ministère Public, il s'agissait de plus qu'une intervention administrative. « J'ai seulement demandé des informations, aucune pression. Les fonctionnaires de police le disent également. Il n'y a pas eu de victime ni de traitement de faveur. C'est seulement un coup monté, un scandale ». Pourquoi serait-ce un coup monté ? « Parce que les gens, vous savez, sont mauvais. Pensez que les parents de quelques- unes de ces filles ont été licenciés seulement parce qu'il y a cette enquête. Toutes ces filles ne peuvent plus travailler, ne peuvent plus faire de défilés, personne ne leur offrent plus de contrats. Je veux les défendre publiquement. » Pourquoi en ressentez-vous le besoin ? « Parce que pendant 14 mois, les téléphones ont été mis sur écoute. Mes avocats m'ont imposé de ne plus répondre au téléphone. Et justement, quelques uns d'entre eux ont pensé que je devais les décharger. Mais, je le répète, il n'y a aucun motif qui justifie un délit. Tout est fait pour jeter de la boue sur l'image de ces filles. Qui risquent de passer le reste de leur 96 Annexes

vie avec une trace indélébile. C'est pour cela que j'irai à la télévision : pour expliquer tout cela, pour me défendre et défendre ces filles. Et j'irai à toutes les audiences des procès. Même si ce ne sera pas facile ». Pourquoi ce ne sera pas facile ? « Parce qu'il n'est en rien facile d'affronter quatre procès et d'être à la fois Président du Conseil ». 16 mars 2011

Dixième annexe

Traduction de l'article extrait de Il Fatto Quotidiano sur le retour des journaux télévisés à propos de la manifestation de femmes du 13 février 2011 http://www.ilfattoquotidiano.it/2011/02/14/tg1tg5-linformazione-a-scalette-unificate/91907/

TG1 e TG5 : l'information à la grille unifiée A 20 heures chaque soir, plus de 11 millions d'Italiens s'informent chez Augusto Minzoli et chez Clemente Mimum et, pour beaucoup d'entre eux, le TG1 et le TG5 représentent l'unique source de l'information. Une légère majorité préfère encore le TG1, mais, comme le démontre la grille de dimanche 13 février 2011, entre le TG1 et le TG5, sur les horaires où prime le premier, il n'y a aucune différence. Les titres d'ouvertures sont identiques, ainsi que leur emplacement, tellement que cela fait naître le doute que les deux chaînes se mettent d'accord. Comment est-il possible que les débarquements à Lampedusa, la situation en Égypte, les manifestations de femmes et le congrès FLI se retrouvent dans la même séquence ? Identique également le nombre des titres (huit) si on prend en considération l'incorporation de la manifestation des femmes avec le congrès de Fini faite par le TG1, identique la position de la nouvelle sur les petites jumelles disparues, identique aussi la nouvelle de la Saint Valentin, tout comme l'immanquable intervention de Maurizio Gasparri. La pleine liberté des deux rédactions semble être garantie seulement en matière d'infotaintment, les journalistes du TG1 et du TG5 sont libres de raconter comme ils le souhaitent la Saint Valentin avec tous les amoureux. La rubrique « pop », celle que Augusto Minzolini nous offre et qu'il définit de « bonbon », est celle par laquelle le TG1 se démarque au niveau mondial et là aussi le TG5 de Clemente Mimun ne suit pas. En ce jour où les femmes ont protesté pour défendre leur dignité, le « bonbon » si important pour être inséré entre les titres d'ouverture nous parle des interventions de chirurgie esthétique « light », légers, un peu comme les cigarettes ou le Coca-Cola de Carlo Rossella. « Quelques petites piqûres suffisent » (mais seulement sur les pommettes), de petites interventions sont recommandées à la place des « liftings invasifs » et une

97 La représentation des femmes à la télévision italienne

« intervention rapide également pour les seins, avec de l'acide hyaluronique au lieu de vraies prothèses ». Après le visionnage des deux films, il en résulte la tentative évidente de cacher l'information de la manifestation à laquelle ont participé une centaine de milliers de personnes en Italie et à l'étranger. Le TG5 annonce même dans les titres importants : « Le Popolo della Libertà : les femmes instrumentalisées, l'opposition les utilise comme boucliers humains » et le reportage est transmis après au moins 16 minutes. Le TG1 réussit à occulter la nouvelle pendant 12 minutes, le reportage dure moins d'une minute et demi et verse sur la manifestation pratiquement une minute de déclarations enflammées d'au moins cinq pasionarias du PdL : Bernini (la manifestation est « une bombe à retardement »), Gelmini (radical-chic), Santanché (la place est instrumentalisée par la gauche), Carfagna (une occasion de débattre gâchée car seulement anti-berlusconienne), Prestigiacomo (une manifestation non pas pour la dignité, mais contre le gouvernement). Sur la situation dramatique dans laquelle se trouve la liberté d'information en Italie, il y a presque un an, Freedom House avait écrit dans rapport annuel : « Berlusconi, the first head of Italian government to take legal action against Italian and European media, continued to interfere in journalists’ efforts to cover conflicts between his private and political life. » En 2010, Freedom House plaçait le sultanat du Bunga-Bunga au 72ème rang du classement mondial (unique pays occidental « partly free ») après les Iles Tonga et au même rang que le Bénin. Dans quelques semaines sortira le rapport 2011 sur la liberté de la presse dans le monde : la Namibie, au 76ème rang en 2010, n'a jamais été aussi proche. Italie, dimanche 13 février 2011, 20 heures, les grilles unifiées des journaux télévisés les plus regardés : TG1 1. Urgence débarquements, Maroni : l'Europe doit intervenir. 2. Égypte, l'armée dissout le Parlement. 3. Les femmes sur la place. La proposition de Fini. 4. L'appel de la mère des jumelles. 5. Plus en forme avec des interventions légères. 6. Saint Valentin, le menu des amoureux. 7. Belen au TG1: j'en ai la chair de poule. TG5 1. L’ accusation de Maroni: l’Union Européenne nous laisse seuls. 2. L'Égypte sous la loi martiale. 3. Fini : oui à des élections. Bocchino divise le FLI. 4. Plus pour les femmes ou contre le gouvernement ? 5. « Je les ai vues vivantes en Corse ». 6. Le cours du cuivre. 7. SMS pour la Saint Valentin ? Non merci. 8. Lazio et Udinese à la coupe des Champions.

Onzième annexe

Grille d'analyse des différentes émissions :

98 Annexes

Cadrages Confrontation Confrontation Informations Mutisme répétitifs et physique physique majeures ou ou futilité, plans serrés entre les entre les nécessaires ou moindre sur certaines personnages personnages données par importance du parties du féminins et féminins et le personnage discours du corps et/ou masculins en masculins masculin personnage le visage du fonction de en fonction féminin personnage l'âge de l'allure féminin (vêtements, nudité, beauté) Striscia la Oui Oui Oui Oui Mutisme Notizia Prendere o Oui Plus ou moins Oui Oui Futilité des Lasciare propos et allusions sexuelles répétitives La Ruota Oui Non Oui Oui Futilité et della Fortuna allusions sexuelles répétitives Il Mercante in Oui Oui Oui Oui Mutisme Fiera Apprescindere Oui Oui Peu Les Le informations personnage les plus féminin « pointues » s'occupe sont toujours surtout de prises en témoignages charge par le et personnage d'informations masculin futiles ; temps de parole moins élevé et mise en retrait par rapport au personnage masculin

Douzième annexe

Traduction des extraits vidéo de Striscia la Notizia (Canale 5)

99 La représentation des femmes à la télévision italienne

Présentation et blagues Première séquence : Ezio Greggio : Qu'est-ce que je peux dire de Costy et de Fede ? (s'adresse à Iacchetti) La Fede est notre préférée, hein ? Qu'elles sont belles, mais qu'elles sont aussi très talentueuses ! (Applaudissements). (A Iacchetti) : Il y a quelque chose que tu voulais dire ? Deuxième séquence : Ezio Greggio : Très bien, très bien... (s'adresse à Iacchetti) Tu as vu ? Costanza et Federica, les veline (applaudissements) ! Qui ne s'arrêtent jamais... Enzo Iacchetti : C'est surtout ce vent, qu'elles apportent avec elles... Ezio Greggio : C'est vrai, c'est vrai, c'est vrai... Enzo Iacchetti : Ça me rend tout ébouriffé ! (rires dans le public) Ezio Greggio : Regarde, tu as vu, aujourd'hui, les veline portent des chaînes, on ne sait jamais ! (rires et applaudissements dans le public) (s'adresse à Iacchetti) Qu'est-ce que tu voudrais demander par une journée si froide ? Enzo Iacchetti : Hoooo oui, j'ai quelque chose à demander ! Selon vous, les filles, à la fin de la journée, mon employé, oui, disons, le mien (rires dans le public) s'en va avant parce qu'il ne voit pas l'heure ?152 (applaudissements) Ezio Greggio : Elles sont aussi un peu populistes, hein... Enzo Iacchetti : Elles savent la réponse ? Ezio Greggio : Oui, elles la savent, elles ont répondu de manière, euh... Enzo Iacchetti : Je n'ai pas entendu. Ezio Greggio : Tu devrais te faire soigner... Enzo Iacchetti : Oui, je dois me faire soigner la trompe d'eustache. (se gratte l'oreille) Ezio Greggio : Deux et deux à droite, trois et trois à gauche... Troisième séquence : Ezio Greggio : Ah, vous êtes belles les filles, pimpantes... Coco et Fede, les veline ! (applaudissements) (fait mine de se débarrasser de quelque chose) Il n'est pas là ! (en parlant de son collègue) (Cris dans le public, Iacchetti apparaît avec trois jeunes femmes) Ezio Greggio : Je le savais, le voilà, mais que fait-il ? Comment fait-il ? Ce sont des scènes qu'un homme ne devrait pas voir... Enzo Iacchetti : Je sais... Mais je ne suis pas ici à embrasser des mannequins... (embrasse les mannequins) (s'adresse aux trois jeunes filles) Attendez-moi dans ma loge... Ezio Greggio : Bien, bien... Enzo Iacchetti : Ce sont des mannequins...

152 « Non vedo l'ora » en italien se traduit littéralement en français par « je ne vois pas l'heure », ce qui signifie être impatient, avoir hâte. 100 Annexes

Ezio Greggio : Oui je n'avais pas compris... Je pensais que c'étaient trois plombiers... (applaudissements) Enzo Iacchetti (s'adressant aux trois jeunes filles) : Vous pouvez y aller... Ezio Greggio (à Iacchetti, le voyant chercher son micro) : Eh oui... Il a perdu... Enzo Iacchetti (trouve le micro) : Ah, le voilà ! Je ne savais pas que je serais là à faire danser des mannequins... Ezio Greggio : Bien sûr, bien sûr... (applaudissements) Enzo Iacchetti : J'ai une question ! Alors, ma question est la suivante : attendez que je la retrouve (cris dans le public) Ezio Greggio : Tu l'as ? Enzo Iacchetti (s'adressant aux à Federica Nargi et Costanza Caracciolo) : blague incompréhensible en français. Quatrième séquence : Enzo Iacchetti : (en parlant de Federica et Costanza) : On ne sait pas où elles atterrissent ! Ezio Greggio : C'est fou, c'est fou... Enzo Iacchetti : On ne sait pas où elles atterrissent, mais elles atterrissent. Ezio Greggio : Mais vous êtes comme des pouliches ! Floup, flap, flip ! Je le dis, la Fede, la Costy, nos one, two, three veline ! (applaudissements) (s'adresse à Iacchetti) Tu voulais dire quelque chose aux filles... Enzo Iacchetti : Une opinion... Ezio Greggio : Oui... Enzo Iacchetti : Voilà, en Italie, cette année par exemple, on a atteint le record de consommation de stupéfiants, mais également celui de visions d'OVNI. Selon vous, les filles, les deux informations sont-elles en corrélation ? (applaudissements) Elles ont répondu ? Ezio Greggio : Oui, très bien... (à la caméra) Alors, mes amis, la crise est passée ou non, dans le doute (…) Cinquième séquence : Ezio Greggio (en parlant de Federica et Costanza) : Qu'elles sont mignonnes ! Cet enthousiasme, chaque soir, la Costy et la Fede, talentueuses, pimpantes, les veline ! Enzo Iacchetti : Bien, bien, bien !

Treizième annexe

Traduction des extraits vidéo de Prendere o Lasciare (Italia 1)

Discours

101 La représentation des femmes à la télévision italienne

Première séquence : Enrico Papi : Raffaella ! Raffaella Fico : Enrico ! Enrico Papi : Eeeh euh... Je voulais dire... Qu'est-ce que tu es en train de faire ? Raffaella Fico : Je faisais un peu de ménage car après l'émission, Maria vient chez moi avec toute sa famille. Enrico Papi : Ah oui... Raffaella Fico : Eh bien sûr, nous allons danser le mambo... Enrico Papi : Ah, j'ai compris... Tu vas faire la fête ! Raffaella Fico : Oui, toi aussi tu peux venir... Enrico Papi : Non, je pense que je vais me défiler, sinon, c'est ma femme qui va me faire ma fête, tu comprends... Mais écoute, je voulais te dire quelque chose... Mais toi, quand tu fais le ménage, tu es toujours habillée comme ça ? Raffaella Fico : Ben, quand je suis chez moi, je me mets à l'aise. Enrico Papi : Tu sais, mais maison est très sale... Il y a beaucoup de ménage à faire... Bon, tu peux faire quelque chose ? Donne-moi la prochaine proposition ! (applaudissements) Merci, hein ! Raffaella Fico : Je t'en prie ! Enrico Papi : C'est très gentil ! Deuxième séquence : Raffaella Fico : Je suis allée à via del Corso, j'ai fait un peu de shopping, j'ai acheté cet ensemble de lingerie... Enrico Papi : Ah, c'est bien... J'aime bien ! Raffaella Fico : et toutes ces chaussures que tu vois... Enrico Papi : Bien, bien ! Troisième séquence : Enrico Papi : Eh Raffaella ! Raffaella Fico : Enrico ! Enrico Papi : Je voulais te demander quelque chose... Tu n'as jamais été à Zanzibar ? Raffaella Fico : Non... Mais vu que la concurrente a jeté le prix à la poubelle, je (enlève sa serviette) suis prête pour aller à Zanzibar. Enrico Papi : Tu es prête pour aller à Zanzibar ? Raffaella Fico : Mmmh mmh. Enrico Papi : Et qui y va avec toi ? Raffaella Fico : Tu m'accompagnes ? Enrico Papi : Et, je ne savais pas, je ne peux pas, malheureusement, je ne peux pas. Raffaella Fico : Allez ! On se roulera dans le sable ! Enrico Papi : Je sais, j'irais volontiers, mais je ne peux pas !

102 Annexes

Raffaella Fico : Allez ! S'il-te-plaît ! Nous nous baignerons dans la mer de cristal ! Enrico Papi : Je sais, mais... Je ne peux pas me cristalliser, je ne peux pas... Raffaella Fico : Allez, s'il-te-plaît ! Nous prendrons le soleil ensemble ! Enrico Papi : Je sais, mais je ne peux pas ! Essaie de comprendre ! Raffaella Fico : Allez ! Tu m'étaleras de la crème solaire... Quatrième séquence : Enrico Papi : La voilà... Qu'est-ce que tu fais, Raffaella ? Raffaella Fico : Je suis en train de faire janvier 2010... C'est un calendrier vidéo pour toi... Enrico Papi : Aaah... Et ça c'est janvier ? Raffaella Fico : Tu aimes ? Enrico Papi : Ah oui, j'aime, c'est beau ! Raffaella Fico : Tu veux que je te fasse au février ? Enrico Papi : Oui, oui, oui... Février, février... Fais-nous voir... C'est bien février, c'est un bon mois, février, il fait froid, mais... On est à cheval... On est à cheval... Ça c'est beau ! C'est février ? Raffaella Fico: Oui ! Enrico Papi : Tu me fais mars ? Raffaella Fico : Bien sûr ! Enrico Papi : Ah, il y a aussi mars... Voyons un peu... Parce que mars, c'est le printemps, ça commence... Ah, ah, voilà le printemps, c'est beau, mars... Et avril ? Avril ! Avril ! Avril, tu as avril ? Ah, ça c'est avril... Écoute, et l'été ? Juin ? Juin ! Comment est juin ? Eeh, il fait chaud en juin... Ah, celui-là me plaît ! Ce calendrier vidéo est beau, j'aime beaucoup ! Cinquième séquence : Raffaella Fico : Enrico ! Enrico Papi : Pourquoi ce déguisement ? Tu es magnifique... Raffaella Fico : C'est parce que moi et tes putti, nous sommes tes anges gardiens ! Enrico Papi : Ah, vraiment ? Bien, irremplaçable ! Vole et apporte-moi l'enveloppe, vole, mon ange gardien ! Sixième séquence : Enrico Papi : Hum... Raffaella ! Raffaella ? Raffaella ! Raffaella Fico : Enrico ! Enrico Papi : Quand les femmes regardent les chaussures... Raffella, je voulais savoir si tu pensais que le concurrent avait fait le bon choix... Raffaella Fico : Je m'en fiche, de son choix, aide-moi moi à faire un choix, plutôt ! Enrico Papi : Et quel choix veux-tu faire ? Dis-moi... Raffella Fico : Ces chaussures...

103 La représentation des femmes à la télévision italienne

Enrico Papi : Eh ! Raffaella Fico: Pour la première promenade que nous ferons toi et moi à New-York... Je les prends ou je les laisse ? Enrico Papi : Prends-les, prends-les !

Quatorzième annexe

Traduction des extraits vidéo de Il Mercante in Fiera

La Chatte blanche Ainett Stephens : « Il y a une future maman en finale ! Si elle gagne, je promets d'être la marraine de son enfant... Mais elle doit obtenir tellement d'argent, un enfant qui grandit coûte cher... Mais pourquoi a t-elle renoncé à continuer le jeu ? Bien sûr, 14 000 €, c'est beaucoup, mais nous espérons que tu ne te mordras pas les doigts si nous découvrons qu'en fait tu avais gagné le premier prix ! Mamma mia... Mais elle gagnera bientôt un enfant, ce qui est le plus beau prix qui existe dans la vie. En revanche, mon premier prix serait de voir le marchand perdre beaucoup d'argent, car vous le savez, la chatte qui va voir le marchand ne lui laisse que ses sous-vêtements ! ».

La Chatte noire Première séquence : Pino Insegno : C'est beau de se connaître... Je suis pratiquement aussi grand qu'un de tes fémurs, Chatte Noire... Ainett Stephens : … Pino Insegno : Je m'appelle Pino... Et toi ? Ainett Stephens : … Pino Insegno : C'est un très joli nom... Ainett Stephens : … Pino Insegno (claque des doigts) : Je suis là... Ainett Stephens : … Pino Insegno : C'est bon... Merci de ton amitié, au revoir, Chatte Noire. » Deuxième séquence : Pino Insegno (s'adresse à Ainett) : Je peux révéler la carte ? Ainett Stephens : … Pino Insegno (s'adressant toujours à Ainett Stephens, en désignant le candidat) : Tu as vu Leonardo di Caprio, là ? Ainette Stephens : …

104 Annexes

Pino Insegno : Il a un regard un peu sauvage, comme moi...

Les danseuses Pino Insegno (s'adresse aux danseuses) : « Haha ! Regardez, jalouses ! Jalouses de ce corps ! Et quel corps ! Bienvenue sur le plateau du Mercante in Fiera ! ».

Quinzième annexe

Traduction des extraits vidéo de Apprescindere (Rai 3)

Discours Première séquence : Michele Mirabella : (…) Dans l'article 3 de la Constitution, donc parmi les premières pensées du législateur constituant, du père de la Patrie... Voilà, Eva, que nous disent les chiffres ? Eva Crosetta : Les données ont été fournies par le rapport sur la mobilité sociale publié par Italia Futura. La question initiale était : « Sommes-nous dans une meilleure situation que nos parents ? ». 41% des plus de 60 ans, des personnes ayant plus de 60 ans répondent « oui », alors que la donnée intéressante, justement est que ce pourcentage descend à 25% quand on parle des plus de 40 ans, et seulement 6% des plus de 25 ans, des personnes ayant dépassé 25 ans, jusqu'à 30 ans et plus, disent se trouver dans une meilleure situation que leurs parents, et avoir un meilleur travail. Toujours chez les plus de 25 ans, 20% affirment ne pas avoir réussi à faire un bond social. Deuxième séquence : Michele Mirabella : (…) Je l'espère car on ne peut pas descendre plus bas, comme le disait un humoriste tchèque ou polonais... Quand on arrive au fond, on ne peut que remonter... Donc, espérons que nous allions dans cette direction... Qui sait ce qu'en pense le sociologue Aldo Bonomi, qui est venu nous rendre visite. Avant, professeur, Papa et Maman disaient « On s'en fiche, de ce bout de papier ! » puis il y a eu les Papa et Maman un peu plus consciencieux, qui disaient au contraire « Étudie ! Comme ça, tu deviendras quelqu'un ». Troisième séquence : Eva Crosetta : Nous cherchons donc à savoir si nous sommes plus ou moins vaniteux... D'après les derniers sondages, les hommes semblent être beaucoup plus vaniteux, plus attachés à l'aspect physique, que les femmes. Cette donnée a aussi été confirmée par l'augmentation des ventes de cosmétiques pour les hommes. Une personne qui s'occupe depuis des années de la beauté nous en parle, avec nous, la cosmétologue et esthéticienne Alessia Ferini. Bonjour. (applaudissements) Quatrième séquence : Michele Mirabella : Dans votre livre, il est révélé un personnage... Diego Dalla Palma (invité) : Oui... 105 La représentation des femmes à la télévision italienne

Michele Mirabella : Qui est ce prêtre ? Diego Dalla Palma : C'est un prêtre qui s'est occupé de mon corps pendant deux ans et demi... Mais... Michele Mirabella : Un peu trop, peut-être... Diego Dalla Palma : Un peu trop, un peu trop... En compensation, il m'a enseigné la musique... Mais je ne veux pas parler de cette histoire plus longtemps car... Michele Mirabella : Mais c'est dans le livre... Diego Dalla Palma : Bien sûr, non, non... Je me comprends, car cela a déjà été dit dans les autres livres, et ce thème est très actuel, mais c'est que je ne veux pas m'embarquer à la télévision dans cette histoire avec le prêtre... Et je veux aussi scinder les deux choses [entre l'agression du prêtre et le fait qu'il soit bisexuel] parce que dans ce contexte, on parle de pédophilie, mais ma sexualité aurait tout de même pris cette direction, indépendamment de ce prêtre. Il est évident que ce prêtre a été pour moi d'une part un incubateur, c'était une situation que je vivais très mal, tous les soirs pendant pratiquement deux ans et demi. D'une autre part, je dirais, Mirabella, que cela a été aussi une espèce de laisser passer inconscient pour ne pas me sentir coupable, parce que c'était un prêtre. Donc moi je partais du principe que si un prêtre me faisait cela, je pouvais vivre avec tranquillité tout le reste, chose qui malheureusement n'est pas comme ça, nous savons tous le nombre de problèmes que peut créer une situation de ce genre. Moi, grâce au ciel, je l'ai dépassée, et je suis parvenu à pardonner à ce prêtre... Michele Mirabella : Quand vous dites merci au ciel, cela veut dire que... Vous vous êtes réconcilié avec... (regarde en l'air) Non ? Cinquième séquence : Eva Crosetta : Comme la jeune femme que nous venons de voir dans ce film, notre prochain invité, après avoir étudié, après avoir tenté diverses voies, a décidé de changer de vie. Accueillons Marco le cordonnier avec un diplôme en poche. Après de nombreux entretiens et concours, il décide de monter sa propre boutique. Souhaitons la bienvenue à Apprescindere à Marco Grazietti ! Bonjour, Marco. Sixième séquence : Michele Mirabella : (…) une personne experte en cosmétiques et qui est aussi à côté de d'une... Eva Crosetta, j'allais dire d'une magnifique Eva Crosetta car... Eva Crosetta : Merci... Michele Mirabella : Car elle est plus souriante et solaire que jamais aujourd'hui. Diego Dalla Palma : Elle est rassurante et élégante, comme je l'ai déjà dit... C'est une figure féminine vraiment positive. On voudrait en voir plus souvent (regarde longuement la jeune femme). Michele Mirabella : Tout à l'heure, nous parlerons plus en détails de cosmétiques et nos auditeurs pourront s'ils veulent, approfondir ce sujet...

Seizième annexe

106 Annexes

Traduction des extraits vidéos de la Ruota della Fortuna (Italia 1)

Discours Première séquence : Victoria Silvstedt : Bonsoir, bonsoir ! Enrico Papi : Bonsoir, Vicky, comment vas-tu ? Ce soir, je dois dire que tu ressembles à une poupée... Victoria Silvstedt : Je me sens comme une Barbie, ce soir, je ne sais pas pourquoi... Enrico Papi : Une petite poupée ! Victoria Silvstedt : Exactly ! Enrico Papi : Une petite poupée de céramique... Victoria Silvstedt : Oui. Enrico Papi : De terre cuite... Victoria Silvstedt : Huh huh... Encore, encore, encore... Enrico Papi : De... De... De... De tout ce qui peut faire une poupée ! Victoria Silvstedt : Encore, encore, encore ! Deuxième séquence : Enrico Papi : Vicky, tu n'as jamais dit à ton petit ami « j'ai froid, réchauffe-moi les pieds » ? Victoria Silvstedt : Noooon... Je réchauffe le cœur, avec les deux mains, je réchauffe le cœur. Enrico Papi : Parce que Vicky, avec ton 44 et demi, il faudrait un radiateur... Victoria Silvstedt : Oui, on a besoin de grandes mains ! Enrico Papi : De quoi parlons-nous ? Victoria Silvstedt : Le plus « cliché » sur internet... Enrico Papi : Non, non... Victoria Silvstedt : Cliqué ! Clic, clic, clic, clic... Troisième séquence : Enrico Papi : Tu es vierge ? Victoria Silvstedt : Oui. Enrico Papi (s'adressant à la candidate) : Et la vierge ? Comment ça va se passer pour la vierge ? Candidate : C'est une bonne année... Pour le travail. Victoria Silvstedt : Et pour l'amour ? Enrico Papi : Oui, elle veut savoir pour l'amour... La vierge, pour l'amour....? Candidate : Il faut regarder pour chaque cas... Mais pour vous (elle s'adresse à Victoria), tout ira toujours bien... Vous pouvez bien être de n'importe quel signe...

107 La représentation des femmes à la télévision italienne

Quatrième séquence : Enrico Papi : De quoi parlons-nous ? Victoria Silvstedt : Nous parlons des « déserts non réalistes ». Enrico Papi : Non, non... « désirs »... Victoria Silvstedt : « réalisés » ! Enrico Papi : Très bien ! Cinquième séquence : Enrico Papi : De quoi parlons-nous ? Victoria Silvstedt : « Dans les “quodatiens” et les revues »... Enrico Papi : Je n'ai pas compris... Victoria Silvstedt : Eh bah, euh... Enrico Papi : Je n'ai pas compris ! Victoria Silvstedt : « Dans les “quoditiens” et les revues »... Enrico Papi : Non, non ! Victoria Silvstedt : Alors aide-moi, s'il-te-plaît. Enrico Papi : (murmure) « Dans les quotidiens et les revues ». Victoria Silvstedt : « Dans les quotidiens et les revues » Enrico Papi : Très bien ! Victoria Silvstedt : Yes ! One-zero ! Sixième séquence : Victoria Silvstedt : Eeeeuuuuuh... Comment avez-vous dit, Monsieur le professeur ? Enrico Papi : « Infirmités »... Victoria Silvstedt : « Infirmités »... « sportifs »... Enrico Papi : Bravo, regardez cette élève, comme elle s'implique... Septième séquence : Victoria Silvstedt : J'y joue encore... Enrico Papi : Tu joues encore à la poupée ? Victoria Silvstedt : Oui, j'aime bien ! Enrico Papi : Quel genre de poupée ? Victoria Silvstedt : Euh, ha, ha... Poilues... (vu ses gestes, elle voulait dire « plantureuses ») Enrico Papi : Poilues ? Des poupées poilues ? Victoria Silvstedt : Oh yes... Grosses... Enrico Papi : Les nounours ? Les nounours ! Victoria Silvstedt : Oui ! (elle n'a pas l'air d'avoir compris) Enrico Papi : Les nounours avec des touffes ? Des touffes de poils ?

108 Annexes

Victoria Silvstedt : Oui, oui... Enrico Papi : Aah, c'est laborieux, Madonna...

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