05 De Suse à 33,8 km

Aujourd’hui, la Via Francigena nous conduit dans un graphique, toutes deux historiquement documentées incroyable réseau de lieux dits « d’intérêt mineur » qui comme étant les itinéraires pour aller vers la ou nous raconteront deux mille ans d’histoire. pour aller vers Rome. Les deux chemins se réuniront Aussi bien côté droit que côté gauche de la vallée de à l’entrée de la ville de , mais vous aurez malgré Suse, les habitations se situent essentiellement aux tout plusieurs fois la possibilité de passer de l’un à pieds des montagnes car, jadis, dans la partie centrale, l’autre et de choisir votre parcours. les débordements de la rivière allaient bon train au gré Cette partie de la Via Francigena nous permet de dé- de ses fantaisies. couvrir le versant gauche de la vallée, bien ensoleillé De nos jours, les eaux sont régulées, la rivière suit son et donc très agréable pendant les longs mois d’hiver chemin au centre de la vallée bordée par deux routes froids, où le chemin se déroule tranquille et plutôt plat nationales, la voie de chemin de fer Rome-Paris et une en traversant de nombreuses bourgades qui n’ont pas autoroute. Mais la Via Francigena parcours les deux une grande notoriété, mais toutes chargées d’histoire côtés de la vallée, le long de petites routes secondaires et marquées par la fréquentation intense des voyageurs et parfois même non goudronnées. depuis l’antiquité. Le début du parcours est identique à celui déjà décrit À , on trouve un magnifique clocher de au chapitre 4, et nous avons déjà spécifié qu’à partir style roman perdu dans les vignes, car l’église fut dé- de le pèlerin a la possibilité de suivre deux truite lors d’une inondation, et une antique maison routes parallèles, sur la droite et sur la gauche oro- forte du XIIe siècle.

Villar Dora, le château Provana.

65 À , se trouve un château du XIIIe siècle, passe la dorsale et côtoie la tour du Col, érigée au avec une tour de style oriental qui rappelle la cou- XIIIe siècle dans un but défensif au-dessus du gué pole d’une mosquée et où, en 1610, furent signés les qui permet de traverser la Doire Ripaire. Ensuite, on « Traités de Bruzolo » entre le duc de Savoie et le roi traverse , bourg dominé par son château de France. À , les murs crénelés de l’an- majestueux, avant d’entrer dans Almese, où le che- tique maison forte accompagnent le voyageur, alors min suit l’ancienne lice de San Mauro avec sa tour- que la tour médiévale du château a disparu. Dans clocher du XIe siècle transformée en tour défensive. une zone prative ouverte, se trouve l’indication pour Les bâtiments ont récemment été restaurés et au- la proche « localité Maometto - Mahomet », endroit jourd’hui ils abritent des expositions et des activités à l’écart tout à fait suggestif où la tradition populaire culturelles. Dans la localité Rivera, on a retrouvé les a identifié le visage du prophète taillé dans la roche. traces d’un site d’époque romaine (Ier siècle apr. J.-C.) À Borgone, le palais Montabone des années 1600 relié de toute évidence à la proche statio ad fines sur domine la place du village siège de la Mairie, tandis la RN 24 et qui témoigne encore de l’importance de qu’à la Voie longe les ruines du château du ce lieu de passage et de frontière de l’empire romain Conte Verde – Comte Vert – du XIIIe siècle. Arri- vers les Gaules. Ces vestiges peuvent parfois être visi- vée à la colline de la Seja, l’antique Via Francigena tés. (M.D.)

DISTANCE 33,8 km

TEMPS DE PARCOURS 6 h 50

DÉNIVELÉ 150 m

CENTRES D’INTÉRÊT CULTUREL

Museo della Preistoria della - Musée de la Préhistoire de la Doire Ripaire à Villar Dora, piazza San Rocco. Infos et réservation : Tél + 39 011 9351218, protocollo@.villardora.to.it, [email protected].

66 05 De Suse à Almese 33,8 km

L’église des Saints Pierre et Paul aux Granges de Chianocco.

Bussoleno : ITINÉRAIRE la maison Aschieri. La première partie de cet itinéraire, entre Suse et Bussoleno, suit le même tracé que l’itinéraire Suse- auquel il faudra se reporter pour la description. Au croisement après la gare de Bussoleno (442 m ; 8,4 km ; 1h 40), plutôt que de tourner à droite, continuer par la Rue

Chianocco (548 m ; 10,8 km ; 2h 10) jusqu’au faubourg Grangia. Une Le mur d’enceinte brève déviation en direction ouest conduit à la vieille église dédiée aux de Bussoleno. Saints Pierre et Paul dont il reste quelques ruines et le clocher (XIe siècle), exemple typique d’architecture romane rurale. Dépasser l’ancienne mai- son forte du XIe siècle et, un peu plus loin, à l’entrée de la Réserve natu- relle spéciale de l’Orrido de Chianocco (Gouffre de Chianocco), on arrive

67 LES OASIS XÉROTHERMIQUES DE FORESTO ET DE CHIANOCCO

Les gouffres de Foresto et de Chianocco, tous deux abandonnées. Ces genévriers appartiennent à la Réserves naturelles Spéciales de la Région Piémont, sous-espèce des macrocarpa, terme latin qui signifie font partie des Sites d’Intérêt Communautaire (SIC), « grosse baie ». dénommés Oasis Xérothermiques qui s’étendent sur La réserve naturelle peut se visiter grâce aux parcours 1412 hectares sur une partie du versant gauche dans signalés, un d’entre eux (le « Sentier des genévriers », le secteur central de la vallée de Suse. Le terme « xéro- durée 2h environ) part depuis le centre de Foresto thermique » indique les caractéristiques du microcli- pratiquement à la hauteur de l’église de Saint-Jean- mat qu’on y trouve : doux en hiver, aride en été, avec Baptiste. Construite en 1721 puis agrandie dans la de nombreuses journées d’ensoleillement et une forte seconde moitié des années 1800, la paroisse remplaça présence du vent. un édifice roman plus ancien datant du XIIIe siècle La zone où se trouvent les réserves naturelles est une qui se dressait un peu plus bas dans la vallée, et qui imposante plaque calcaire où les affluents de la Doire fut abandonné suite aux débordements du torrent Ripaire ont creusé d’étroits passages dits « gouffres », qui l’avaient fortement endommagée. De l’ancienne tandis que les dépôts morainiques laissés par la der- construction il ne reste plus aujourd’hui que le clo- nière glaciation, qui s’érodent facilement, sont mar- cher qui se trouve dans le cimetière. Un peu plus loin qués par de longues calanques. Sur ces parois cal- que la paroisse, presque à la fin de la zone habitée, caires, qui constituent un environnement limité et une petite déviation à droite mène au gouffre, à l’en- particulier, se sont réfugiées de nombreuses espèces trée duquel, adossé à la paroi, se trouve le Lazaret. Ce végétales et animales d’origine méditerranéenne sont d’anciennes constructions en pierre de marbre, ou de centre Asie liées au climat chaud et sec ; les trois ruines, où étaient isolés les malades de choléra, exemples plus évidents sont le chêne à Chianocco et mais certains disent que c’était également le lieu d’iso- le genièvre à Foresto. lement pour les pestiférés. Un peu plus haut que le La Réserve naturelle spéciale du Gouffre de Foresto barrage en amont du lazaret se trouve le départ d’une et station de Juniperus oxycedrus de Crotte San Giu- via ferrata qui pénètre dans le gouffre (conseillée uni- liano (voilà son nom officiel) se trouve entre Suse et quement aux personnes expertes munies du matériel Bussoleno, entre le faubourg de Crotte San Giuliano adéquat). et Foresto. Depuis le chemin on remarque facilement Le marbre blanc de Foresto fut longuement utilisé les genévriers, des cônes toujours verts qui ressortent pour la construction de monuments come l’Arc d’Au- dans les parties aérées, près des ressauts rocheux, des guste à Suse (IXe s. av. J.-C.), le Dôme de Turin (1450), pâturages et des zones jadis cultivées et aujourd’hui le Palais Royal et la Reggia de Venaria, tandis que

Le gouffre de Foresto.

68 05 De Suse à Almese 33,8 km jusqu’au début des années 1900, pendant la période ment suite à des fouilles archéologiques grâce aux- Liberty, il servit à la production de granulés pour le quelles des sites néolithiques datant de la fin du III dallage des sols. La Réserve naturelle Spéciale Orrido millénaire av. J.-C. ont été découverts. Le gouffre peut et Station de Leccio de Chianocco (elle aussi comme se visiter grâce à un sentier qui passe par les dessus, pour Foresto, administrée par l’Institut de Gestion ou bien par une via ferrata, pas toujours praticable, des Parcs et Réserves des Alpes Cottiennes) se trouve qui requiert une bonne expérience au visiteur. par contre à quelques kilomètres de Bussoleno, sur la Le genièvre et le chêne sont parmi les essences plus si- Commune de Chianocco, où le chêne (Quercus ilex) gnificatives – certainement les plus faciles à observer a survécu à la dernière grande glaciation du quater- – de tout le Site d’Intérêt Communautaire, sans pour naire (Würm) le long de l’incision du rio Prebèc. Ce autant être moins intéressants en ce qui concerne les chêne vert est typique de la zone côtière méditerra- différentes espèces animales qui, pour survivre, ont néenne qui, dans le Piémont, ne pousse spontané- besoin de ce microclimat particulier et unique. Ce ment qu’à Chianocco ou autour du fort de la Brunetta sont essentiellement des invertébrés, parmi lesquels sur la commune de Suse. La réserve naturelle inclut la certaines espèces rares et exclusives du Piémont fracture du gouffre et une petite zone au-dessus, mais comme le mollusque Helicigona lipicida, présent en tout le vallon du rio Prebèc est entouré de paysages Italie uniquement dans les vallées de Suse et d’Aoste, et d’un environnement très intéressants, façonnées l’Orthoptère Oedaleus décours, jamais vu ailleurs dans par le travail incessant des phénomènes érosifs. Cette le Piémont et Polyommatus exuberans, un papillon zone était fréquentée déjà aux temps préhistoriques européen que l’on pensait disparu et redécouvert ainsi que l’ont confirmé les objets retrouvés récem- récemment.

Le lazaret à l’entrée du gouffre de Foresto.

69 dans la localité Campoasciutto, où se trouve la partie la plus ancienne du village, avec son château du XIIIe siècle et la paroisse du XVIIe siècle de Saint-Pierre-Apostolique construite suite à l’inondation qui détruisit la vieille église dédiée aux Saints Pierre et Paul. Puis, traverser des champs cultivés, des prés, des vignes et une zone boi- sée, dépasser le faubourg Vindrolere avant d’arriver à Bruzolo (475 m ; 13,1 km ; 2h 35 : la paroisse de Saint-Jean-Evangéliste du XVIIIe siècle est particulièrement intéressante, ainsi que le château du XIIIe siècle) ; de là, continuer le long de la route goudronnée qui suit la montagne jusqu’à San Didero (428 m ; 15,4 km ; 3h), petite ville dont le centre his- torique est regroupé autour de la maison forte et de ses murs crénelés.

LE MAHOMET

Le Mahomet est une figure sculptée avec les bras a permis d’identifier la figure du dieu Silvano, une ouverts, dans laquelle la tradition populaire a divinité rustique romaine. Selon ces interpréta- reconnu le prophète islamique, sculpté dans un tions, les objets que la figure tient dans ses mains petit édicule rupestre de 80 cm de haut et 60 cm seraient donc une faucille et une fronde. Très pro- de large. La sculpture se trouve à trois mètres de bablement l’ouvrage remonte au IIe siècle apr. J.-C. haut et le bas relief a été très abimé par les intem- et fut sculptée à un endroit qui devait être un lieu péries ; cependant, au pied de la figure, qui tient de culte afin d’obtenir la protection du dieu Sil- dans les mains un objet aux formes rondes et un vano pour les activités d’extraction de pierre, agri- aux formes incurvées, se trouve un chien, ce qui coles et pastorales.

L’incision rupestre connue comme Le Mahomet.

70 05 De Suse à Almese 33,8 km Ensuite la route descend vers Borgone di Susa (392 m ; 18,2 km ; 3h 30). Peu après les habitations de San Didero, une petite déviation mène au Mahomet, figure sculptée dans la roche dans une clairière située à l’intérieur de ce qui fut une carrière pour la production de pierre. Le parcours suit ensuite le voie ferrée, traverse la place centrale de Bor- gone (la Mairie se trouve dans le palais du XVIIe siècle de Montabone) et, par une déviation qui passe sous un pont, il rejoint le faubourg de San Valeriano, où se dresse une belle chapelle romane (XIe-XIIe siècle) avec une petite abside illuminée par trois ouvertures et qui conserve les traces de fresques représentant un Christ Pantokrator. Suivre ensuite la piste cyclable, qui longe brièvement la RN 24 jusqu’à Mollare, où l’on rencontre une petite route en terre qui longe la montagne pour dépasser les bourgades Grangetta et Poisatto. Puis, à la hauteur d’une vaste zone équipée près du torrent Gravio, retourner sur la RN, en empruntant un trottoir bien pratique qui nous conduit à Condove (394 m ; 24,4 km ; 4h 45).

LE CHÂTEAU DU CONTE VERDE DE

Le château du Conte Verde, connu aussi comme parmi les ruines du château, se trouve un rocher « Castellazzo », se trouve à la hauteur de la carrière erratique. Cette masse de forme semi-arrondie est qui marque la frontière entre Condove et Caprie. un bloc de nature lithologique complètement dif- Les ruines qui se dressent sur le sommet d’un épe- férent de la roche du versant le plus proche, tandis ron rocheux sont ce qui reste du Castrum Capria- qu’il correspond au métagranite des versants du rum, une enceinte faite d’un mur crénelé massif Mont Baraccone au-dessus de Borgone duquel, du XIIIe siècle qui abritait différentes structures très probablement, il provient. qui n’existent plus, ou qui ont été remplacées par Sur la partie sud du rocher une inscription en rap- l’église de Nôtre-Dame-du-Château, construite pelle l’origine, bien que les paroles les plus sugges- par la suite. tives soient celles écrites sur la partie tournée vers « Un vieux château qui, selon la tradition, appar- l’est : « Sur cette masse rocheuse / façonnée par les tint à Amédée VI de Savoie (le Conte Verde) » : c’est millénaires / par les glaces quaternaires de la Val- ainsi que le Père Mercandini décrivait l’ensemble susa / Charlemagne roi des Francs / s’y arrêta avec des bâtiments à la fin des années 1700, châtellenie ses soldats / en 773 apr. J.-C. / après la bataille des abbatiale de Saint-Just de Suse, par conséquent, Cluses d’Italie / qui mit fin / au règne des Lom- point stratégique en opposition au monastère de bards duré des siècles / et marqua le début / du San Michele de la Chiusa. Dans la zone herbeuse, Saint-Empire Romain ».

Le château du Conte Verde ou « Castellazzo de Caprie » et la roche erratique.

71 Continuer ensuite vers Caprie (379 m ; 27,1 km ; 5h 15 : l’église de Sainte-Marie-de-l’Assomption conserve une crypte avec des fresques du Xe siècle), où se trouvent les restes du château du Conte Verde (connu aussi sous le nom de « Castellazzo ») situé sur un éperon rocheux entre les habitations et la Doire. Continuer vers Novaretto en parcourant une route en terre qui suit la col- line de la Seja, quelques mètres avant de revenir sur la RN 24, puis tour- ner à gauche en suivant les indications du panneau vers un sentier facile qui poursuit au-delà de la tour du Col, construite par Amédée V en 1289, afin de défendre le passage qui permet de traverser la Doire. Le sentier prend fin au pied de la colline et il faudra continuer en direction de Villar Dora guidés par le majestueux château de Provana (XIIIe siècle), construit en intégrant trois maisons fortes plus anciennes et qui fut par la suite agrandi et remanié. La paroisse dédiée aux Saints Vincent et Anastase est également très intéressante ainsi que le Musée de la Préhistoire de la Doire Ripaire (364 m ; 33,1 km ; 6h 40). Encore quelques centaines de mètres et, après le feu rouge, on entre enfin dans Almese (370 m ; 33,8 km ; 6 h 50).

LA TOUR DU COL À VILLAR DORA

La tour du Col se trouve dans la partie basse de la colline dite La Seja qui domine les habitations de Villar Dora. Elle faisait partie des nombreuses tours de contrôle se situant le long de la ligne de jonction entre le Mont Pirchiriano (où se dresse la Sacra di San Michele) et Caprasio, ligne qui, au départ, marqua la frontière idéale entre Rome et les Gaules et, plus tard, la frontière entre les possessions des Lombards et des Francs. La tour remonte probablement à une période comprise entre le XIIe et le XIIIe siècle et (aux dires de certains documents) elle était déjà présente à la fin du XIIIe siècle. À ses pieds se trouvent les ruines de l’an- tique chapelle de San Lorenzo, adjacente à la tour. Elle mesure 19 mètres de haut et 7 mètres de large ; la structure, construite en pierre de taille et crénelée, représen- tait un des derniers ouvrages de fortifica- tion à la sortie de la vallée de Suse vers la plaine et pouvait abriter une petite gar- nison armée.

Villar Dora : tour du Col.

72 05 De Suse à Almese 33,8 km

LE REFUGE DE SAN MAURO À ALMESE

Accès au refuge de San Mauro à Almese.

d’Avigliana et, parmi ceux-ci, la curtis de San Mauro était également nom- mée, à cette époque-là probablement une simple église et son clocher. La transformation de la curtis en bourg fortifié (castrum), cependant, se fit seulement trois siècles plus tard (entre 1281 et 1285). Le clocher devint la tour que l’on peut voir encore aujourd’hui mesurant 26 mètres, s’étageant sur 7 niveaux reliés entre eux par un esca- lier, tandis que l’église fut transformée en magasin pour les denrées alimen- taires, siège de tribunal et archives des moines. Quelques années plus tard, le refuge fut réduit à un simple entrepôt agricole destiné à recevoir les denrées payées à l’abbé comme dîme ; cepen- dant, en même temps, elle maintint très longtemps sa fonction d’asile, lorsque les habitants devaient se réfugier en cas de danger. Jusqu’au XVIIe siècle, le refuge était Le refuge de San Mauro se trouve dans le faubourg entouré d’un fossé et doté d’un pont- homonyme, quelques centaines de mètres après levis, qui furent remplacés par une structure en Almese. L’ensemble des bâtiments se dresse au som- maçonnerie. En outre, le castrum était défendu par met d’un éperon rocheux et plonge ses origines dans un double mur d’enceinte. La partie la plus externe un lointain passé, bien que le premier document a été détruite, tandis que de la partie interne il reste dans lequel il soit cité remonte à l’an 1029, lorsque encore des portions crénelées guelfes. le marquis de Turin Olderico Manfredi fit don d’un Avec la suppression de l’abbaye de Saint-Just de Suse, tiers de ses biens de la vallée de Suse au monastère en 1772, et l’expansion du centre habité d’Almese, le de Saint-Just de Suse. Il s’agissait de biens de diffé- refuge perdit de son importance, alors les bâtiments rents types et même des droits de pêche dans les lacs furent partagés entre plusieurs propriétaires.

LA VILLA ROMAINE DE GRANGE DE RIVERA, À ALMESE

Pour arriver aux restes de la villa romaine à Grange très panoramique, ensoleillée, qui a un bien meil- de Rivera, située à environ 2 km d’Almese, il fau- leur climat que la partie basse, point crucial pour dra effectuer une déviation de quelques centaines contrôler le passage vers les cols du Mont-Cenis et de mètres en amont (suivre les panneaux). Les du Montgenèvre. La position stratégique le long ruines remontent à une construction du Ier siècle de la route des Gaules est très probablement en apr. J.-C., une phase précoce de la romanisation relation avec le site romain retrouvé à Drubia- de la zone, elles se trouvent à mi-pente, un peu en glio non loin d’Avigliana et d’une statio ad fines. hauteur par rapport à la plaine. C’est une position Par conséquent, on peut penser que les deux sites

73 La villa romaine à Grange d’Almese.

aient été en quelques sortes, tous les deux, points taire. Le site tout entier occupait plus de 5000 m2 et de recouvrement des taxes liées au transit. D’autres la seule villa était construite sur plusieurs niveaux part, la villa (terme utilisé par les romains pour – au moins deux et parfois même trois – et s’éta- définir n’importe quelle habitation sise en dehors lait sur plus de 1800 m2. Au centre se trouvait un des villes) de par ses caractéristiques ne pouvait patio (péristyle) de 800 m2 et il semblerait qu’elle pas être définie comme rustique, c’est-à-dire orga- ait été protégée par deux tours qui se dressaient nisée essentiellement pour des usages agricoles. aux angles de l’édifice. Toutes les parois étaient C’était plutôt une villa urbaine, une résidence recouvertes d’enduit et celles de l’étage supérieur de luxe utilisée par un propriétaire riche avec de étaient même décorées de fresques. Il est donc nombreux biens alentours et, par conséquent, avec fort probable que l’étage du rez-de-chaussé ait été de nombreux domestiques et hommes armés, en réservé aux servants et autres employés, tandis que fait, ce qui au Moyen-Âge devait devenir une des le propriétaire habitait à l’étage du dessus. nombreuses seigneuries locales. L’ensemble fortifié fut utilisé pendant quelques C’était une construction imposante, presque un centaines d’années et, pour des raisons toujours vaisseau, à la hauteur de la puissance du proprié- inconnues, il fut abandonné au VIe siècle.

CASELETTE ET LE MUSINÈ

Le centre habité de se trouve à l’entrée de pas le seul édifice important et de valeur de Case- la vallée de Suse, au pied de l’imposante masse du lette : un peu avant de rentrer dans le centre ville, Mont Musinè. Les habitations sont toutes regrou- le long de la RN 24, se trouve aussi le bien plus pées autour du château Cays, dont la structure ancien château (abbaye) de Camerletto, dont les actuelle, édifiée sur un site d’époque romaine, re- origines remontent au Xe siècle, ainsi qu’on peut le monte au XIXe siècle. Cependant, le château n’est lire dans des documents qui se réfèrent à un Cam-

74 05 De Suse à Almese 33,8 km pus Merleti, puis devenu Cemerletum à partir de humides. Tous ces éléments font du Musinè et des 1071. Le Camerletto, qui fut longtemps une dépen- lacs de Caselette le biotope piémontais où se trouve dance de , fut tout d’abord le siège d’une le plus grand nombre d’espèces protégées (30) par la communauté bénédictine, remplacée par la suite Directive de l’Habitat. Au sommet du mont, à 1150 par des moines chartreux (1638) et enfin par des m d’altitude, se dresse une grande croix, une posi- cisterciens (1665) qui y restèrent jusqu’à la Révo- tion privilégiée d’où on peut apprécier un ample lution française, lorsque les décrets de Napoléon panorama sur les Alpes, la vallée de Suse et la plaine aliénèrent les propriétés ecclésiastiques à la faveur de Turin. des privés. Sur les premiers contreforts du Musinè, Le Mont Musinè – dont le nom est une transfor- à une demie heure de marche du centre ville, se mation de Mons Vicinea (c’est-à-dire « montagne trouve aussi le sanctuaire de Sant’Abaco qui exis- du village ») selon un document de l’an 1020 – est tait déjà au Xe siècle mais dont la structure défini- un endroit particulier, capable d’évoquer de mys- tive fut réalisée sur ordre du comte Carlo Cays en térieuses présences et à la base de nombreux récits 1855. Le culte voué à Sant’Abaco trouve ses origines et légendes. Il s’agit de la mythique présence de la dans des temps très anciens et est probablement ville cyclonique de Rama, similaire aux forteresses lié au passage de moines orientaux vers le Ve-VIe mégalithiques péruviennes où était gardé le Saint siècle, mais la tradition la plus connue sur la vie du Graal, jusqu’à la caverne du Magicien, un antre au martyre Abaco est dans un livret de 1861 que Don cœur de la montagne où aurait vécu un sorcier ori- Bosco rédigea pendant les travaux de restauration ginaire de la ville de Rama. Dans la caverne se trou- du sanctuaire. verait une émeraude grande comme le poing d’un Le Mont Musinè est un Site d’Intérêt Communau- adulte, qui diffuserait une lumière verte très intense taire caractérisé par une végétation adaptée au cli- et limpide avec un grand rayonnement. Un lieu dé- mat sec, où les forêts de chênes s’alternent avec des fendu par un griffon en or qui, avec son souffle de prairies sèches et avec des zones recolonisées par feu, détruirait tout intrus. des broussailles pionnières de bouleaux. Plus bas, Et encore, dans la deuxième moitié du siècle der- le biotope est complété par les lacs de Caselette, nier, certains affirment avoir vu d’étranges lumières une zone un peu éloignée avec quelques petits lacs produites par la présence d’extra-terrestres, peut- qui se formèrent dans la partie finale de la moraine être attirés ici par la force particulière du mont, glacière. Le Lac Inférieur de Caselette et le Lac Bor- « Antenne des Sept Points Electrodynamiques », garino ont tous deux une végétation aquatique très depuis lesquels la Terre émet le souffle de sa respi- intéressante et abritent la faune typique des zones ration vitale qui émane vers l’univers.

Le sanctuaire de Sant’Abaco en montant au sommet du Musinè.

75