Master

Processus participatifs en aménagement du territoire : le projet de développement urbain des Cherpines-Charrotons

CLEMENCE, Nicolas

Abstract

Étude sur les processus participatifs dans le contexte démocratique suisse et genevois, à travers le projet emblématique des Cherpines-Charrotons. Ce projet présente l'intérêt d'être vu comme novateur en termes de participation par les pouvoirs publics, et survient dans un contexte de forte évolution démographique, de crises sur les marchés du logement et de l'emploi, et de la multiplication des acteurs et des enjeux urbains : étalement urbain, déclassement et densification des zones urbaines

Reference

CLEMENCE, Nicolas. Processus participatifs en aménagement du territoire : le projet de développement urbain des Cherpines-Charrotons. Master : Univ. Genève, 2012

Available at: http://archive-ouverte.unige.ch/unige:23404

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Mémoire de Maîtrise Universitaire en Géographie et Sciences du Territoire

NICOLAS CLÉMENCE

Sous la direction de Frédéric GIRAUT

FÉVRIER 2012

« L’urbain ne livre pas de significations explicites mais les signes d’une réalité complexe, non directement intelligible, dont il reste à inventer les codes pour s’en saisir » Olivier Labussière (2009)

Page de garde (Figure 1) : Master Plan du bureau FHY, deuxième rendu

Référence

CLÉMENCE Nicolas, « Processus participatifs en aménagement du territoire : le projet de développement urbain des Cherpines-Charrotons », Mémoire de Maîtrise, Université de Genève, Février 2012 Nicolas Clémence Maîtrise en Géographie et sciences du territoire

Faculté des Sciences Économiques et Sociales Semestre d’automne 2011

TABLE DES MATIÈRES

REMERCIEMENTS 5

RÉSUMÉ 6

AVANT-PROPOS 7

9

Méthodologie et structure de l’étude 16

Présentation des sources : documents et entretiens 17

19

I. Historique et héritage démocratique 22

1.1 Qu’est-ce que la démocratie ? 22

1.2 La démocratie directe 23

1.3 La démocratie représentative 24

1.4 La démocratie « semi-directe » et le fédéralisme helvétique 26

1.5 La démocratie participative 27

1.6 Liens entre démocratie, participation et géographie 33

II. L’aménagement du territoire 36

2.1 Qu’est-ce que l’aménagement du territoire ? 36

2.2 L’aménagement du territoire en Suisse 40

III. La participation dans les projets d’aménagement 44

3.1 Projets d’aménagement et politiques publiques 46

3.2 Essai de catégorisation des procédures participatives 48

55

IV. L’aménagement du territoire à Genève 56

4.1 Procédures, institutions et problématiques de l’aménagement genevois 60

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V. Contexte et étapes clés du projet des Cherpines 64

5.1 Le PACA St Julien – Plaine de l’Aire 67

5.2 Le projet des Cherpines 68

71

VI. Les procédures participatives du projet Cherpines 72

6.1 Mandat d’Études Parallèles 75

6.2 Pilotage hiérarchisé du projet Cherpines 78

6.3 La participation locale, une affaire strictement communale ? 80

VII. Logiques de constitution des groupes de travail 82

7.1 Analyse de la création, des objectifs et méthodes des groupes de travail 83

VIII. Organisation des groupes : acteurs présents, acteurs absents 87

8.1 Méthodologie de recrutement des participants 87

8.2 Acteurs absents des groupes de travail 90

8.3 Argumentation et stratégies des opposants 91

IX. Déroulement des séances : enjeux, intérêts et positionnements 93

9.1 Elaboration, présentation et défense d’un projet 95

9.2 Investissement bénévole et projection sur le long terme 99

9.3 Transparence et procédures de décision 101

9.4 Considérations et positionnements des acteurs 104

9.5 Les apports et limites des groupes de travail 109

111

BIBLIOGRAPHIE 123

TABLE DES ILLUSTRATIONS 131

ANNEXES 133

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REMERCIEMENTS

Merci à :

M. Frédéric Giraut, Professeur ordinaire et directeur du département de Géographie de l’Université de Genève

M. Philippe Brun, Chargé d’enseignement au département de Géographie de l’Université de Genève, Architecte diplômé de l’Ecole Polytechnique Fédérale de Zürich

M. Laurent Matthey, Géographe et Directeur de la Fondation Braillard Architectes, et M. David Gaillard, doctorant.

M. Lionel Gauthier, doctorant en Géographie à l’Université de Genève, pour ses conseils et son aide précieuse

M. Laurent Seydoux, Président des Verts libéraux genevois, ex-conseiller administratif de Plan-les-Ouates

Mme Françoise Joliat, ex-Conseillère administrative de Confignon

M. Ruben Villenave, responsable du projet des Cherpines-Charrotons au Département des Constructions et Technologies de l’Information

M. Marcos Weil, Urbaniste et Directeur du bureau Urbaplan Genève

M. Pascal Mabut, coresponsable du service culturel de Plan-les-Ouates

Mme Sarah Girard, enseignante, photographe et conseillère municipale à Plan-les-Ouates

M. Yan Roschi, coordinateur de l’Union des Espaces Culturels Autogérés

Mme Céline Traeger, pour ses conseils, son écoute et sa patience

Toutes les personnes qui ont aidé, discuté, relu et commenté ce travail

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RÉSUMÉ

Ce début du 21ème siècle est une période charnière pour l’aménagement et le développement territorial, en particulier pour les villes européennes. Avec la prise de conscience écologiste, la multiplication des acteurs, des enjeux et des procédures, les projets urbains évoluent et se complexifient, notamment à travers la participation.

Mais qu’y a-t-il vraiment derrière cette notion, qui apparaît soudain partout, sans que l’on sache toujours la définir de manière claire et universelle. Certes les pouvoirs publics semblent avoir accepté l’idée d’inclure quasi systématiquement des acteurs du terrain (habitants, associations, ONG, lobbies, entreprises) dans les projets d’aménagement, mais la question continue à se poser : est-ce simplement pour les informer, leur demander leur avis ou réellement les intégrer dans la conception du projet ?

Et la vraie question n’est pas de savoir quelle est la méthode idéale, ou laquelle est la plus souvent utilisée, mais bien quelle participation est souhaitée par les différents acteurs, et surtout si leurs visions et approches correspondent. Le but étant de tendre à une meilleure efficacité des projets une fois réalisés, et à une meilleure efficience des processus à l’œuvre lors de leur élaboration.

Les changements dans certaines procédures d’aménagement surviennent désormais dans un contexte complexifié par la prise de conscience de la rareté de l’espace, ayant mené à la volonté de limiter l’étalement urbain, vu désormais comme problématique.

Ce travail se présente ainsi sous la forme d’une recherche sur les processus participatifs, dans le contexte de la Suisse et en particulier genevois, à travers le projet emblématique des Cherpines-Charrotons. Ce projet de développement présente le double intérêt d’être vu comme novateur en termes de participation par les pouvoirs publics, et de se situer dans la zone agricole de Confignon et Plan-les-Ouates, permettant ainsi un débat public large sur les questions de l’étalement urbain, du déclassement et de la densification ou l’étalement des zones urbaines.

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AVANT-PROPOS

Les communaux d’Ambilly, la Chapelle-les-Sciers, Bernex-Est, Les Vergers de , le CEVA, le projet Praille-Acacias-Vernets, le Projet d’agglomération Franco-Valdo-Genevois… les projets urbains d’échelles et de natures différentes ne manquent pas actuellement à Genève et dans sa région.

Parmi ceux-ci, il en est un qui ne ressemble à aucun autre : à cheval sur les communes de Plan-les-Ouates et Confignon, le projet des Cherpines-Charrotons suscite de vifs débats idéologiques et politiques, au sein de la population, des élus et des professionnels.

J’ai choisi ce sujet pour plusieurs raisons : ma passion pour la région genevoise en général, l’aménagement et le développement du canton en particulier ; mais aussi par ma connaissance du terrain et des acteurs locaux, puisque je réside à Plan-les-Ouates depuis une quinzaine d’années.

Il convient de préciser dans cet avant-propos ma place en tant qu’acteur culturel au sein de ce projet. L’idée originale de ce mémoire provient en effet de ma participation aux groupes de travail thématiques créés et réunis par les communes de Plan-les-Ouates et de Confignon.

Étant président d’une association de musique actuelle sur la commune de Plan-les-Ouates, j’ai été contacté pour suivre et participer au déroulement des travaux de ces groupes, puis dans plusieurs groupes de travail cantonaux (« Culture, Sports et loisirs » et « Espaces et usages collectifs ») mis en place par le Département des Constructions et Technologies de l’Information. Cela présentait pour moi plusieurs avantages : réaliser certains projets culturels avec l’association, bien sûr ; participer aux débats et à l’élaboration des critères que ce projet devait remplir ; pouvoir suivre dès le départ toutes les étapes du déroulement et des processus mis en place lors d’un projet de développement territorial, afin de compléter ma formation universitaire ; enfin, obtenir un accès plus direct aux publications, données, sources et créer des contacts pour ce mémoire.

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Cette situation m’a également permis d’obtenir une solide connaissance du sujet au préalable, mais c’est aussi une difficulté par la nécessaire prise de distance inhérente à tout travail scientifique. Cela demande donc des précautions quand à mon impartialité et mon objectivité, mais également rend nécessaire l’explicitation de mon implication.

Dans ce but, je compte d’une part être le plus transparent possible sur les méthodes et les sources employées. J’essaierai également de limiter l’analyse au contenu de mon corpus documentaire : procès-verbaux, publications et entretiens réalisés auprès des acteurs (associatifs, élus communaux et responsables cantonaux, professionnels de l’urbanisme, participants au projet), plutôt que d’essayer une analyse de ma propre expérience, forcément moins objective.

Ce travail ne contient aucune prise de position sur la nécessité ou non que le projet arrive à une réalisation concrète ou même au terme du processus participatif. L’intérêt est avant tout de comprendre et d’analyser les motivations et procédures mises en œuvre par les autorités, les intérêts et points de vue des acteurs, participants ou opposants, et les enjeux liés au développement de ce secteur.

Enfin, je tenais à mentionner que bien que le projet des Cherpines soit emblématique par le référendum sur le déclassement voté par le Grand Conseil, qui représente un changement de l’opinion concernant la question de l’étalement urbain et du maintien de la zone agricole par rapport au logement, cette thématique ne sera traitée qu’indirectement dans l’analyse et ne constitue pas le sujet principal de ce mémoire.

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Ce mémoire de master a pour objet l’étude de la mise en place et du déroulement des processus participatifs dans le cadre du projet de développement urbain du secteur des Cherpines-Charrotons. Avant tout, il convient de mentionner certaines particularités actuelles liées au contexte, qui implique notamment quelques difficultés pour les projets urbains d’envergure dans le canton de Genève à être menés à leurs termes : une rareté de l’espace, une temporalité longue des projets d’aménagement de l’idée originale à leur réalisation, des processus législatifs et administratifs lourds, de nombreuses contestations et recours (de principes, environnementaux, débats politiques, oppositions…), une complexification des intérêts et opinions des acteurs multiples.

Le canton se trouve également dans une situation de crise sur le marché du logement et de tensions sur celui de l’emploi, liée en particulier aux conditions et tendances économiques et démographiques. C’est d’ailleurs cette crise résidentielle qui est le point névralgique des enjeux politiques et de l’opinion publique ces dernières années, et tout projet d’aménagement d’importance à Genève se doit désormais de donner une priorité forte à la question de la création de logement, devenue une thématique incontournable de la politique et de l’urbanisme genevois, sous peine de subir oppositions et contestations par une majorité de la population.

Cette contextualisation conduit droit à la question emblématique de tout projet urbain à Genève, très présente dans les débats politiques et dans l’opinion publique : si on constate une quasi-unanimité sur la non viabilité à long terme de la situation du marché du logement (économiquement, socialement, politiquement et écologiquement), les avis diffèrent sur les solutions à employer : construire dans le canton, construire hors du canton, réduire l’accueil des nouveaux arrivants, ou encore réformer la législation du marché foncier et/ou du marché locatif…

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Il faut en effet tenir compte d’une situation potentielle de « paradoxe de la centralité », liée au rôle de Genève en tant que pôle urbain : il est possible que le développement de celui-ci par la construction de logements, pour répondre à la forte demande actuelle, engendre une augmentation de l’attractivité (capacité d’accueil, qualité, baisse des prix…), permettant d’augmenter encore le nombre d’arrivants.

Parmi les solutions envisagées ci-dessus, celle qui nous intéresse, la construction dans le canton de Genève, est la direction qui semble être privilégiée actuellement, mais pose un débat de principe : doit-on densifier l’urbain existant ou étendre la ville ? Cette question relève évidemment d’une complexité notable engendrée par la multiplicité des enjeux, des thématiques et des problématiques qui lui sont rattachées : mobilité, économie, environnement, rareté de l’espace, énergie, social, mixité ou ségrégation spatiale (gentrification...), etc. Sous l’angle de la mobilité, par exemple, la question se pose par le choix entre un engorgement du centre ou une multiplication et un allongement des distances parcourues.

La solution se situe bien évidemment quelque part entre ces deux propositions, puisqu’elles apparaissent comme complémentaires pour un développement harmonieux, durable et correspondant au mieux aux intérêts de chacun, ou plutôt à l’intérêt général. Ainsi, la question centrale de tout projet d’aménagement est de savoir sur quel(s) aspect(s) mettre leur priorité, selon quelles méthodes et à quelle(s) échelle(s) il faut penser le développement territorial ?

Ces réflexions fondamentales font partie intégrante des projets urbanistiques et de leurs processus participatifs en particulier, au travers desquels les avis s’expriment et se confrontent, les intérêts et idéologies des nombreux acteurs étant très variés et parfois conflictuels :

« Les caractéristiques de l’organisation spatiale peuvent être lues comme étant la projection au sol d’idéologies (au sens premier de système d’idées) ; or ce sont les acteurs qui constituent les vecteurs premiers de ces idéologies socio-spatiales. L’une des modalités de réflexion rendant possible la compréhension de la distribution et de la dynamique des formes spatiales réside donc dans la prise

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Faculté des Sciences Économiques et Sociales Semestre d’automne 2011 en compte des acteurs, via leurs comportements et leurs pratiques, via leurs discours produits et les valeurs qu’ils mobilisent ».1

Ainsi notre recherche portera sur la participation dans les projets d’aménagement selon deux approches complémentaires :

 d’une part, nous essayerons de mettre en lumière les différentes visions des acteurs locaux sur la question de l’aménagement du territoire concerné par ce projet, sur le déroulement des processus participatifs, ainsi que les représentations de la place qu’ils occupent dans le projet : comment ont-ils été approchés ? Pourquoi avoir pris la décision d’y participer, d’y renoncer ou de s’opposer au projet ? Enfin, quels intérêts politiques, économiques et sociaux sont en jeu selon les types d’acteurs ?

 d’autre part, nous chercherons à comprendre quels sont les éléments incitatifs, les intérêts et volontés qui ont mené les autorités communales à l’organisation de processus participatifs pour le projet des Cherpines-Charottons (sont-ils vus par les communes comme des contraintes ou des opportunités ?); comment s’est déroulé le choix des participants (entreprises, associations, clubs, habitants et propriétaires, services communaux…) et selon quels critères ; enfin comment sont préparés et menés les débats et séances, en particulier les méthodes, démarches et calendriers mis en place.

Nous pouvons ainsi formuler une première série d’hypothèses sur les raisons et intérêts (avantages et inconvénients) qui poussent ou non les autorités à mettre en place et organiser de tels processus participatifs (administrativement lourds à organiser et à gérer).

1 GUMUCHIAN H., GRASSET E., LAJARGE R., ROUX E., « Les acteurs, ces oubliés du territoire », Anthropos, Ed. Economica Paris, 2003, p.7

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Les élus et/ou responsables en charge de ce type de projet peuvent décider d’organiser de tels processus parce que :

Hypothèse 1.1 : cela repose sur la conviction de l’utilité ou même de l’indispensabilité de la prise en compte de tous les avis, intérêts et valeurs de la population, conviction basée sur une sensibilisation ou une formation reçue sur les méthodes participatives.

Hypothèse 1.2 : cela semble répondre à une demande sociale majoritaire forte, un courant de pensée collectif auquel il faut répondre impérativement. Dans ce cas de figure, l’élu est investi du sentiment qu’il ne peut aller contre, même s’il n’est pas convaincu de l’utilité de la démarche.

Hypothèse 1.3 : elle répond à une obligation formulée par la législation, une réglementation ou une hiérarchie politico-administrative, par exemple un élu pour un employé communal, les autorités du parti pour un élu, le canton pour une commune, la confédération pour le canton, etc.

Hypothèse 1.4 : cela peut être un moyen de diluer les responsabilités, en créant du débat local pour fragmenter les positions, afin que les enjeux fondamentaux à plus large échelle ne soient pas discutés.

Hypothèse 1.5 : cela peut être un double moyen d’assurer une légitimité (auprès de l’opinion publique, des autorités cantonales voire fédérales) et tout à la fois de limiter les blocages et oppositions, en s’assurant de la collaboration des acteurs locaux (responsables associatifs, conseillers municipaux, personnalités, habitants, propriétaires…).

Cette dernière hypothèse met en avant un outil potentiellement important permettant aux communes d’éviter les contestations, notamment afin de lutter contre le syndrome NIMBY2. Elle permet également d’obtenir un soutien de ces acteurs via leurs réseaux respectifs

2 Not In My Backyard: litt. « pas dans mon arrière-cour », syndrome usuel découlant d’une situation où un projet répondant à une nécessité dans le domaine de l’aménagement du territoire se heurte à des oppositions par les acteurs concernés lorsque ce projet est situé dans leur environnement immédiat.

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(membres d’associations, partenaires, lobbies…), notamment pour s’assurer d’un appui local fort lorsque les critiques proviennent d’une autre échelle.

Pour mieux comprendre quelles stratégies sont à l’œuvre dans le cas des Cherpines, nous testerons les différentes hypothèses par l’analyse des politiques, idées et méthodes des élus de Plan-les-Ouates et Confignon responsables de ce projet, ainsi que par l’analyse des influences du périmètre institutionnel dans les projets d’aménagement à Genève, autrement dit la problématique de l’échelle dans les procédures de décisions. Nous essayerons également de déterminer si une participation bornée au territoire communal (ou bi- communal dans le cas des Cherpines) tronque l’inventaire des opinions et des besoins exprimés ? Ou si les processus participatifs organisés dans le cadre de ce projet permettent une représentativité, une expression des besoins plus large ?

De l’autre côté, ces questionnements sur la représentativité et l’expression des besoins nous amènent à interroger les raisons qui poussent les acteurs de la société civile à s’investir dans de telles procédures participatives, en fonction de leur statut et/ou de la représentation de leurs intérêts, à travers l’élaboration d’une seconde série d’hypothèses.

Les acteurs peuvent décider de s’investir dans de tels processus participatifs par :

Hypothèse 2.1 : Intérêt direct, voir leurs avis pris en compte ou leurs projets se concrétiser (obtenir des espaces dans le futur quartier), ce qui suppose à la fois une croyance dans le bien-fondé et la nécessité du projet global d’aménagement, mais implique également une confiance envers la volonté et les capacités des autorités locales à y intégrer de nouveaux projets ou remarques.

Hypothèse 2.2 : Intérêt politique, participer aux discussions avec des élus locaux sur un projet de ce type permet d’obtenir des avantages ou un espace de discussion privilégié pour d’autres problématiques locales ;

Hypothèse 2.3 : Intérêt contradictoire, c’est-à-dire participer pour s’opposer : décider de s’impliquer dans de tels processus pour les retarder ou faire barrage au projet, aux idées ou aux acteurs dont les points de vue sont les plus éloignés, une forme de lobbysme contestataire ou revendicatif.

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Grâce à l’analyse d’un corpus d’entretiens et de documents publiés, nous pourrons ainsi tester ces différentes hypothèses, dans le but de mesurer quelles représentations les acteurs ont du projet urbain global et des processus participatifs mis en place, mais aussi leurs propres représentations des avis qu’ils expriment et du projet qu’ils défendent.

Nous tenterons ainsi de saisir à quelle(s) échelle(s) ces participants pensent leurs activités et projets : communale, intercommunale, cantonale, à l’échelle de l’agglomération ou régionale, et ainsi comprendre comment ils perçoivent le rayonnement, l’importance et la place de leur activité spécifique dans le projet global.

En dehors des acteurs ayant choisi de s’impliquer, certains acteurs approchés par les autorités communales peuvent toutefois refuser cet appel à la participation, refus pour lequel nous pouvons émettre une troisième série d’hypothèses :

Hypothèse 3.1 : refus dû à une impression, un sentiment que de tels processus ne servent que de ‘‘légitimation’’ du projet, ceux-ci ne comportant pas d’élément décisionnel, et qu’il existe un manque de garantie de déboucher sur un résultat final concret.

Hypothèse 3.2 : refus dû à une idéologie ou un intérêt opposé au projet : selon certaines valeurs (sensibilité environnementale ou sociale…) ; par vision politique, historique, économique ou identitaire particulière du développement territorial. Cela peut être le cas par exemple de la croyance en un développement de la ville différent de celui proposé par le projet.

Nous partons ainsi du postulat que les opinions, valeurs et positions des acteurs sur la question centrale du choix entre l’étalement urbain ou la densification influencent directement leur choix de participer à ce type de projet ou non, en fonction de sa nature : projet de déclassement (et donc d’étalement urbain) ou projet de densification. Avec le projet des Cherpines-Charrotons, nous nous situons clairement dans un projet d’étalement urbain, puisqu’il prévoit le déclassement de 58 hectares de terres agricoles (déclassement finalement accepté par le rejet du référendum le 15 Mai 2011 en votation populaire).

Au final, ce travail permettra d’appréhender plus largement la problématique des enjeux géographiques et de l’échelle institutionnelle, grâce à la déconstruction de la vision et du

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Faculté des Sciences Économiques et Sociales Semestre d’automne 2011 positionnement (politique et pratique) des acteurs : quelle est l’influence des institutions sur le périmètre du processus participatif, en particulier par la sélection des acteurs, et comment ces acteurs se positionnent dans les enjeux spatiaux : quels sont les intérêts particuliers aux différentes échelles ? Quelles sont les influences des contextes politiques : la démocratie, ses tendances et évolutions actuelles sont-elles suffisantes pour une participation large, organisée et représentative ?

Méthodologie et structure de l’étude

Dans une première partie, je vais m’intéresser à la participation, à travers plusieurs théories croisées, afin de comprendre si l’histoire et les évolutions de la démocratie suisse sont un héritage suffisant pour l’expression de l’avis de la population, à travers l’analyse de grands principes institutionnels et législatifs tels que la démocratie directe, représentative, semi- directe et participative.

Puis je présenterai la définition, les grands principes et méthodes de l’aménagement du territoire, permettant d’amener un cadrage théorique au troisième chapitre consacré à la présentation et l’analyse de la participation dans l’aménagement du territoire.

La seconde partie sera consacrée dans son premier chapitre à la contextualisation de l’aménagement du territoire à Genève, en partant d’abord de la situation sur les marchés du logement et de l’emploi, pour arriver à la présentation des étapes clés du projet des Cherpines, afin de pouvoir appréhender le calendrier élaboré pour le déroulement des processus à l’œuvre dans un tel projet.

La dernière partie permettra de présenter les grandes lignes et particularités des processus participatifs à l’œuvre dans le projet des Cherpines, puis, à partir des éléments présentés dans les deux premières parties, d’analyser les enjeux, visions et intérêts des acteurs dans le processus participatif, d’évaluer les points forts et les points faibles de ce processus, de questionner les attentes, les représentations et la volonté des élus, des associations et des citoyens, afin de tenter de répondre aux hypothèses émises dans la partie introductive.

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Présentation des sources : documents et entretiens

Pour cela, nous avons procédé à la récolte d’un corpus varié nous permettant de comprendre les motivations des autorités et des participants, et de pouvoir envisager des réponses et des explications aux hypothèses et à la problématique formulées en introduction.

Ainsi, nous avons pu en premier lieu récolter une grande partie du matériel écrit publié ou distribué lors des séances de ces groupes de travail, tels les comptes-rendus, procès- verbaux, ordres du jour, synthèses, présentations, cartes, etc. Ces documents étaient en effet indispensables pour avoir une vision large des discussions, enjeux et avis exprimés dans ces groupes.

Ensuite, nous avons entrepris la collecte et le tri de nombreux articles, publications, éditoriaux ou interviews dans les médias (radios, télévisions, journaux, sites internet). A ce matériel médiatique, nous avons bien évidemment ajouté également la collecte des publications officielles ou législatives, telles que les motions, lois et débats, notamment celles ayant eu lieu au Grand Conseil genevois, mais également les éléments de communication des promoteurs et des opposants au projet, en vue de la votation sur le déclassement du 15 Mai 2011.

Le but de ces deux types de matériel, médiatique et législatif, est de pouvoir mesurer l’écart (ou les similitudes) entre les avis exprimés au sein des groupes de travail communaux et ceux exprimés par la population, les opposants, les politiciens ou les journalistes, en particulier parce qu’ils se situent au niveau cantonal.

Enfin, le matériel le plus important que nous avons récolté est celui de l’expression directe des opinions et motivations des participants aux groupes de travail, par la méthode de l’entretien semi-dirigé. L’idée est de pouvoir présenter au début de l’entretien en quelques mots le thème de cette étude, afin de ne pas se retrouver hors sujet, et de bien préciser à la personne interviewée dans quel cadre seront analysés et retranscrits ces entretiens.

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Ensuite, les questions sont posées au fil de la discussion, dans le but de recadrer lorsque c’est nécessaire, d’amener les personnes à se positionner sur certains points plus précis, tout en laissant une liberté d’expression relative aux personnes sur ce qu’elles trouvent important de mentionner ou d’expliquer.

Ainsi, cette méthode consiste par un début d’entretien systématique, avec la demande faite à la personne de présenter son parcours personnel et professionnel, la place et le rôle qu’elle occupe dans son institution et dans le projet des Cherpines, puis de l’amener vers plusieurs questions-clés telles que la vision du contexte genevois et du contexte local, les raisons de sa présence et son rôle dans ce projet, ce qu’elle pense du projet des Cherpines et de son déroulement : se sent-elle partie prenante, intégrée, écoutée ? Quel avis porte-t-elle sur l’organisation des groupes de travail ? Quels sont ses projets, ses attentes, et avec le recul, que ferait-elle différemment ?

Pour obtenir des réactions représentatives des différents acteurs et points de vue présents et s’exprimant dans les groupes de travail, nous souhaitions interroger un responsable du projet au niveau cantonal (Ruben Villenave), un Conseiller Administratif de chacune des communes concernées (Laurent Seydoux pour Plan-les-Ouates, Françoise Joliat pour Confignon), une personne de l’administration communale en charge de l’organisation de ces groupes de travail (Pascal Mabut), une association ayant assisté à l’un des deux groupes de travail (UECA), et enfin Sarah Girard, photographe et enseignante participante aux groupes et également conseillère municipale à Plan-les-Ouates depuis Juin 2011.

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En ce début de XXIème siècle, à la suite de près de 150 ans d’industrialisation et d’urbanisation à l’échelle mondiale, la moitié des humains vivent dans les villes3. La ville est désormais un enjeu majeur, le centre des pouvoirs politiques, économiques, mais elle est devenue bien plus : un vrai système de référence, un laboratoire pour notre manière de penser le monde et notre rapport aux autres, cette concentration des êtres humains engendrant de nouvelles questions, enjeux et problématiques. Ainsi, les manières de réfléchir, de fabriquer ou de modifier l’urbain se déroulent en parallèle et conditionnent la manière dont les Hommes et la société évoluent.

Actuellement, sur la plupart des territoires de la planète, l’urbanisation continue de se faire sans planification. A ce titre, les pays de la vieille Europe et la Suisse en particulier possèdent des procédures et institutions à la pointe de la planification et de l’aménagement urbain, notamment grâce à leurs contextes historiques, culturels et économiques.

Durant la seconde moitié du XXème siècle, divers courants de pensée sur la ville (politiques, idéologistes, idéalistes et utopistes) apparaissent et évoluent pour donner les thèmes, les méthodes et processus actuels de la gestion et de l’aménagement urbain, liés notamment à la prise de conscience environnementale et à la participation des populations aux projets d’aménagement. Mais comment être certain que les aménagements envisagés correspondent aux attentes et aux besoins des multiples usagers, actuels et futurs, dans une perspective durable ?

La ville est la forme la plus exemplaire de la concrétisation matérielle de la société dans laquelle nous vivons, des manières de penser, de nos mœurs et de nos habitudes, puisque le projet urbain est (ou est censé être) une expression spatialisée des intérêts et représentations des populations. Et pour cela, la médiatisation par la société d’information mondialisée permet d’entendre bien des avis sur les problématiques urbaines, sur les évaluations de ces problèmes et sur les réponses à apporter par les projets en aménagement

3 ANNAN K., « La santé mondiale : défis, capacité et responsabilité », discours du Secrétaire Général des Nations Unies à l’Académie de Médecine de New York, 09 Mai 2006

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Faculté des Sciences Économiques et Sociales Semestre d’automne 2011 du territoire, dans un seul but : améliorer la qualité de vie (emplois, logement, mobilité, potentiel économique, loisirs, espaces publics…).

Mais est-ce vraiment aussi direct ? Peut-on affirmer que toutes les idées et avis sont non seulement récoltés mais aussi entendus ? Est-ce que les systèmes démocratiques actuels suffisent ou est-ce que d’autres méthodes sont nécessaires pour une vraie prise en compte des besoins et des volontés de toutes les populations, toutes les catégories socioprofessionnelles, toutes les générations ?

Dans un premier temps, nous allons tenter de démêler les caractéristiques des différents systèmes politiques démocratiques, pour nous permettre d’appréhender les diverses théories de la participation, en particulier celles liées à l’aménagement du territoire.

Cela nous amènera donc à un cadrage théorique qui emprunte quelques éléments à la science politique, notamment dans une perspective historique avec les évolutions des théories sur la participation dans les démocraties, afin de les croiser avec les théories de l’aménagement, pour proposer un premier aperçu de la participation dans les projets urbains en Suisse et à Genève en particulier.

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I. Historique et héritage démocratique Dans ce premier chapitre, j’essayerai d’élaborer une présentation des différentes formes de démocraties, afin d’expliciter quelle est celle qui correspond au contexte historique suisse et à son évolution récente, puis de questionner si les procédures politiques et institutionnelles démocratiques actuelles permettent une diffusion de l’information, une transparence et une expression représentative des avis de la population et dont les autorités politiques ou administratives en charge de l’aménagement tiennent suffisamment compte.

1.1 Qu’est-ce que la démocratie ?

La notion de démocratie trouve son origine dans l’Antiquité grecque, la cité grecque étant en effet le premier régime politique que l’on peut qualifier de démocratique, au sens ou le peuple est souverain (dans le cas de la Grèce antique, cela concerne uniquement les citoyens, autrement dit ni les femmes, ni les enfants, ni les esclaves, ni les étrangers). Nommée demokratía (souveraineté du peuple) dès le VIè siècle avant J-C, elle fût réellement mise en pratique par Périclès (-495 à -429), pour qui la démocratie est fondée sur la participation du peuple (restreint) au pouvoir, la liberté et l’égalité4.

Dans ces conceptions philosophiques, les principes de la démocratie s’opposent aux régimes politiques tyranniques, oligarchiques, monarchiques ou dictatoriaux. Il est pourtant intéressant de noter que la plupart des grands penseurs grecs de l’époque ont pour la plupart normativement dénoncé ce type de régime comme mauvais. Platon par exemple propose un modèle basé sur la justice, en 5 types de régimes politiques : la constitution parfaite, fondée sur la gouvernance par les philosophes, et quatre autres imparfaites : la timocratie, l’oligarchie, la démocratie et la tyrannie. Pour lui, les hommes n’ont pas de compétences égales, et la politique (la justice) nécessite une formation, de philosophe, sur toute une vie, et la démocratie présente le danger de « l’aveuglement populaire ».5

4 MOSSE C., « L’inventeur de la démocratie », Payot, 2004

5 DE ROMILLY J., « Problèmes de la démocratie grecque », Savoir Cultures n°5781, Hermann, 2006

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1.2 La démocratie directe

La première forme de démocratie est celle qui correspond à la définition théorique et étymologique du terme, autrement dit la souveraineté du peuple, le pouvoir du peuple. Cette souveraineté est appelée démocratie directe dans le cas où le peuple décide de lui- même directement, c’est-à-dire lorsqu’il possède le pouvoir et gère les affaires publiques, politiques et sociales, sans intermédiaire.

Il est intéressant de noter que si cette définition antique idéologique paraît simple de prime abord, dans les faits il n’existe aucune forme totalement respectueuse de cette définition de la démocratie directe dans le monde : « Par démocratie nous entendrons la capacité du peuple (c’est-à-dire de n’importe qui, a priori) de prendre effectivement part à la décision politique. Cette égalité politique, c’est l’isonomia grecque (voir Vernant, 1962, p. 56; Manin, 1996, p.28-29). [Cette définition se confronte à d’autres], mais a l’avantage de dégager un critère strict permettant de mesurer l’écart entre l’idéal et le réel »6.

Ce pouvoir complet direct du peuple est en fait un idéal utopique, qui ne fait pas mention des instruments, conditions cadres et procédures nécessaires ou contraignantes : comment arriver à garantir une expression égalitaire et une prise en compte totale et complète de la volonté et l’opinion de chaque personne, dans le seul but final de l’intérêt général (au sens ou l’entend Rousseau dans le contrat social) ?

D’ailleurs, de quelles personnes parle-t-on ? Est-ce le citoyen, tel qu’il est défini dans la Grèce antique, le simple résident (incluant l’étranger résident), le travailleur, l’employé (non résident)… ? Qu’en est-il alors de la représentation des personnes morales : entreprises, associations, fondations, lobbies, etc. ? Ainsi, dès que l’on parle de démocratie, il est fait allusion implicitement aux notions de représentativité, de légitimité, des procédures de prise de décision impliquant un espace référentiel définis, autrement dit la structure des relations de pouvoir tel qu’elles s’exercent sur un ou plusieurs territoires délimités.

6 FELLI, R., « Développement durable et participation: la démocratie introuvable », Institut d’études politiques et internationales, Lausanne, 2005, IN : BELGEO N°3, 2005, p.426 23 | P a g e

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Pour aborder cette notion de pouvoir spatialisé, nous pouvons mentionner l’apport fondamental de Claude Raffestin à travers son étude de la géographie du pouvoir, en particulier sur la question du pouvoir de la population à travers la notion d’Etat : « ‘‘L’Etat existe lorsqu’une population installée sur un territoire exerce sa propre souveraineté’’ (MUIR, 1975). Trois signes sont donc mobilisés pour caractériser l’Etat : la population, le territoire et l’autorité »7.

Ainsi, cette définition tridimensionnelle comporte les éléments indispensables pour l’expression démocratique : la population, en tant que groupe humain, exerce un pouvoir souverain de décision sur un territoire délimité et défini. Or, il s’agit désormais d’en déterminer la pertinence et l’importance dans des espaces désormais mondialisés et multi- scalaires. Autrement dit, déterminer qui décide de quoi, à quelles échelles, sur quels territoires, impliquant quels acteurs ? Et ce dans un contexte de hiérarchies complexes entre le droit international, les lois et territoires nationaux, jusqu’aux communes ou aux quartiers, composé de multiples niveaux politiques, législatifs et administratifs intermédiaires et différenciés.

1.3 La démocratie représentative

Comme nous l’avons vu, on ne retrouve pratiquement jamais une structure politique permettant l’application idéale de la démocratie directe. En général, les démocraties actuelles reposent sur des structures politiques, administratives et institutionnelles basées elles aussi sur le principe du pouvoir par le peuple, mais d’une manière plus indirecte, via l’élection de représentants, (voire même leur nomination), notamment celle des représentants gouvernementaux par les assemblées législatives (en Suisse p.ex.) ou par le Président (en ou aux USA). L’idée directrice est que le peuple choisit pour une période donnée une ou plusieurs personnes qui porteront les idées politiques, les enjeux problématiques et les réponses à apporter sur une région donnée du territoire ou liés à l’ensemble de la société.

7 RAFFESTIN C., « Pour une géographie du pouvoir », Géographie économique et sociale, Tome XIII, Librairies Techniques (LITEC), 1980, p.17

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Par la suite, ces mêmes représentants prennent les décisions pendant toute la durée de leur mandat. Le peuple ne peut alors s’exprimer que via des moyens indirects non-décisionnels, tels que les médias, les manifestations, les pétitions, les lobbies, ou encore parfois lors d’élections intermédiaires à d’autres niveaux… Ce type de démocratie est actuellement le système politique le plus répandu dans les démocraties contemporaines, en particulier européennes.

C’est par exemple le cas de la France, pays à tradition politique très centralisée, dont les dernières décennies ont amené un virage important à travers différentes lois de décentralisation servant à rendre du pouvoir aux autorités locales, afin de mieux tenir compte des différents contextes régionaux. « Les années 1980 sont marquées par deux types de changements dont les effets se combinent : la décentralisation et la naissance de politiques contractuelles. Ces deux processus, concomitants, s’inscrivent dans des logiques similaires. Réformes fabriquées par de grands élus, elles ont pu réveiller les espérances placées dans la démocratie locale, sans éteindre pour autant un certain nombre d’ambivalences quant à leur effectuation »8.

Ces ambivalences peuvent en effet se retrouver dans l’application de ces lois dans les contextes locaux, et il faut mentionner que l’on a par la suite retrouvé parfois certains schémas de la politique centralisée à travers des processus très « top-down » dans certaines grandes villes : cette situation est expliquée par la notion de ‘‘Maires bâtisseurs’’ ou de ‘‘fiefs politiques’’, autrement dit des projets d’aménagement apportés par les élus de grandes villes, basés sur une vision politique unilatérale, qui reproduit à l’échelle locale le schéma présidentiel et centralisé français, comme le mentionne Daniel Behar dans son article sur la nécessité de repenser le pouvoir local :

« La commune accapare ainsi l’ensemble des fonctions politiques, qu’il s’agisse de la représentation élective —au point qu’on a pu parler de « présidentialisme municipal » (C. Sorbets, 1983) - de la

8 DE MAILLARD J., « Les associations dans l’action publique locale : participation fonctionnalisée ou ouverture démocratique ? », Lien social et Politiques n°48, 2002, p.54

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Faculté des Sciences Économiques et Sociales Semestre d’automne 2011 délibération, au travers du Conseil municipal, et de l’action, le Maire étant à la fois « entrepreneur économique, animateur culturel et chef de clan politique » (J-Julliard, 1985). Au niveau méso- territorial, le département reproduit ce modèle communal et s’organise aussi comme le reflet et le relais du jacobinisme central »9.

1.4 La démocratie « semi-directe » et le fédéralisme helvétique

La Suisse possède un système législatif et politique particulier, qui présente des différences remarquables avec d’autres systèmes, européens ou non. Elle possède en effet un Etat de droit démocratique basé sur un système politique et légal appelé démocratie semi-directe. Ce système politique permet à la fois d’élire des représentants politiques pour prendre des décisions, comme c’est le cas dans la plupart des démocraties représentatives, mais également de se prononcer de manière plus directe grâce à des votations par les moyens de l’initiative populaire ou du référendum.

De ces premières considérations sur les démocraties, on remarque en premier lieu que certaines démocraties européennes s’écartent quelque peu de la définition générale : la capacité des citoyens à prendre part à la décision politique n’est pas toujours assurée. Cette possibilité paraît de prime abord plus grande dans les systèmes politiques semi-directs plutôt que dans les systèmes strictement représentatifs, mais sont-ils pour autant suffisants pour que le peuple puisse vraiment prendre part à la décision politique ?

L’héritage démocratique suisse qui existe à travers l’histoire de la création et l’évolution du pays, mais aussi notamment par le grand nombre de votations populaires fédérales depuis 1848, est marqué par un regroupement de différents cantons agrégés au fur et à mesure qui conduit directement aux pratiques du fédéralisme helvétique, avec un fédéralisme d’exécution qui porte sur une répartition des tâches étatiques et des politiques publiques hiérarchisées plus marquées que dans les pays centralisés.

9 BEHAR D., « Au-delà de la décentralisation : repenser le pouvoir local », p.2, IN : FOLQUET Ch., « Pour en finir avec la décentralisation », L’aube DaTar, 2002 26 | P a g e

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Les règles constitutionnelles suisses présentent d’ailleurs plusieurs types de règles générales et spécifiques telles que : le fédéralisme d’exécution, l’Etat de droit (qui formule les règles de recours administratifs et judiciaires), la démocratie semi-directe, l’égalité de traitement ou encore la garantie de la propriété.

1.5 La démocratie participative

« Aujourd’hui, la compréhension de l’action publique territoriale passe par la nécessaire prise en compte des différentes formes de regroupement d’acteurs. Il est également nécessaire de tenir compte des nouvelles pratiques démocratiques et des nécessaires évolutions des cultures administratives qui étaient encore, au milieu des années 90, basées sur une nette séparation entre les différents acteurs de l’action publique »10

Qu’est-ce que la démocratie participative ? Apparue à la fin du XXème siècle, cette expression semble aux premiers abords relever du pléonasme, puisque la démocratie signifie en théorie la possibilité de tous les citoyens (voire même toute la population) de participer aux processus de décisions. Et pourtant, dans les faits, le citoyen n’intervient que rarement directement dans les choix collectifs, politiques, administratifs ou législatifs, en particulier au moment de la décision finale.

« Si l’on veut redonner un sens [à la démocratie participative], il convient d’en préciser conceptuellement, sociologiquement et politiquement les termes et de sortir de cet étrange consensus qui ne semble reposer à l’état présent que sur le flou d’une notion et d’un programme avec lesquels nul ne saurait accepter d’être durablement en désaccord »11.

Alors, est-ce que la démocratie participative apporte quelque chose en plus, un réel changement, une évolution significative ? Ou est-ce simplement une nouvelle expression

10 GUMUCHIAN H., GRASSET E., LAJARGE R., ROUX E., « Les acteurs, ces oubliés du territoire », Anthropos, Ed. Economica, Paris, 2003, p.52

11 BLONDIAUX L., « Démocratie locale et participation citoyenne : la promesse et le piège », Mouvement N°18, Novembre-Décembre 2001, p.44

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Faculté des Sciences Économiques et Sociales Semestre d’automne 2011 reformulée permettant une continuité de l’acceptation par les populations des principes et méthodes de gouvernance politiques traditionnels ?

« S’agit-il d’une transformation des rapports internes à la société politique (dans le sens d’un rééquilibrage des relations entre Etat et collectivités locales) ? D’une modification des rapports entre société politique et société civile, conviant les associations diverses à s’impliquer plus ouvertement dans la gestion de proximité ? Ou faut-il y voir une recherche de mobilisation des groupes communautaires (à partir de solidarités de voisinage, religieuses, ethniques […]. De telles remarques nous invitent à insister sur les fortes nuances territoriales qui seront susceptibles d’être introduites en fonction d’une large série de variables (rôle des leaders politiques, rapports interinstitutionnels, culture politique locale, jeu politique local…»12.

Jean-Pierre Gaudin analyse le problème grâce à la mise en rapport entre la démocratie participative et la démocratie représentative classique, composée d’élections et de procédures parlementaires. En partant de la démocratie directe antique de l’Agora, ou de la Landsgemeinde en Suisse, en passant par le droit d’initiative populaire ou le référendum local, il propose un état des lieux de la participation : « Si elle est aujourd’hui souvent évoquée, la participation reste peu définie et mal connue. […] Participer, oui, mais à quoi ? »13

Il est en effet évident que les possibilités et la volonté de participer ne s’expriment pas de la même manière suivant les échelles ou niveaux politiques. Typiquement, la démocratie participative s’entend actuellement comme l’expression de la société civile au niveau local avant tout, dans les décisions qui concernent le contexte immédiat d’habitat ou d’activité.

Par la suite, Gaudin distingue trois aspects de la participation. Tout d’abord la consultation, qui pour lui se résume à avoir accès à de l’information. Puis ce qui s’appelait en France vers 1970 la concertation locale, où les opinions se confrontent dans un débat public organisé.

12 DE MAILLARD J., « Les associations dans l’action publique locale : participation fonctionnalisée ou ouverture démocratique ? », Lien social et Politiques n°48, 2002, p.55

13 GAUDIN J-P., « La démocratie participative », Informations sociales, n°158, p.42

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Enfin, ce qu’il appelle la coproduction, qui correspond à la volonté d’associer directement les citoyens à la conception du projet, voir à les inclure même dans les prises de décision.14

Cette typologie a le mérite de poser les bases d’une différenciation des méthodes généralement utilisées en France lors de projets d’aménagement, mais elle pose selon nous un double problème : d’une part pour le contexte suisse, notamment parce que selon nous elle oublie certains niveaux importants, mais aussi pour la recherche suisse en aménagement parce qu’elle repose trop sur les enjeux et contraintes politico-administratives françaises.

Nous verrons plus loin dans cette première partie comment on peut s’en inspirer pour en déduire une typologie plus large qui convienne également au contexte suisse, en l’adaptant aux processus participatifs de l’aménagement du territoire helvétique.

Dans son article sur la démocratie participative en aménagement urbain, Jean-Philippe Gardère propose un modèle alternatif grâce à une nouvelle étape pour une vraie réalisation d’une démocratie participative, grâce à ce qu’il appelle la micro représentativité :

« […] l’une des conditions de réussite de cette démarche [participative] est de considérer que le passage d’une démocratie délibérative à une démocratie participative ne se décrète pas. Il doit faire l’objet d’un projet abouti qui envisage les risques, les leviers et les freins au changement, ainsi que la prise en considération des modalités opératoires et du crédit accordé à cette pratique réflexive »15.

Ainsi il est intéressant de voir que Jean-Philippe Gardère ne se contente pas de défendre le principe de la participation, mais propose un modèle nouveau permettant à celle-ci de concrètement voir le jour, et donne même quelques éléments permettant d’engager la transition politico-administrative nécessaire à son application dans les procédures d’aménagement urbain.

14 Ibid, p.43

15 GARDERE J-P., « Démocratie participative en aménagement urbain : vers la micro- représentativité », Informations, Savoirs, Décision, Médiations, Journal International des Sciences de l’Information et de la Communication, Toulon, 2008, p.1

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Son schéma reproduit ci-dessous montre l’évolution selon lui nécessaire à une meilleure transmission des avis et informations entre les citoyens et les structures politiques locales, par l’organisation d’un bureau participatif qui serait élu par les citoyens :

Figure 2 : Schéma de la micro-représentativité (Gardère, 2008)

Ce schéma de la micro-représentativité est intéressant en soi pour ce qu’il propose comme modèle d’organisation participative dans une démocratie, mais pose un certain nombre de problèmes. Tout d’abord, un étage hiérarchique intermédiaire comme le bureau participatif proposé pourrait ajouter une nouvelle lourdeur administrative et un nouvel intermédiaire entre les citoyens et les autorités, rendant encore plus difficile la transmission des informations et la remontée des avis.

De plus, au vu des faibles résultats de la participation aux élections actuellement dans les démocraties, en particulier dans les démocraties semi-directes comme en Suisse, il n’est pas difficile de douter de la pertinence d’un nouveau type d’élection supplémentaire au niveau

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Faculté des Sciences Économiques et Sociales Semestre d’automne 2011 local, de laquelle les gens pourraient facilement se désintéresser et du coup entamer davantage la représentativité de la population (une élection suppose des électeurs ayant le droit de vote, renforçant ainsi l’exclusion des étrangers, des mineurs, des sans-papiers, des travailleurs non-résidents…).

Enfin, sur le schéma en lui-même, il présente l’avantage de la simplicité, mais du coup néglige bon nombre d’aspects importants. D’une part c’est un schéma clos, qui néglige tous les contacts et acteurs extérieurs. D’autre part son type systémique, horizontal, engendre bon nombre de questionnements sur les liens que pourrait avoir le bureau participatif avec la société civile, avec d’autres échelles, ou même s’il était possible d’y inclure une fonction transversale ou verticale (avec d’autres niveaux hiérarchiques administratifs ou politiques)…

Pour essayer de comprendre cette évolution participative constatée dans certaines démocraties européennes, plusieurs thèses viennent apporter des éléments explicatifs à ce renforcement de l’expression des avis et intérêts des acteurs locaux.

On retrouve par exemple de plus en plus de procédures de transfert de compétences d’un niveau à un autre, ou d’un acteur à un autre, par exemple de l’Etat vers les autorités locales ou le secteur privé, ou encore des municipalités vers les associations, dans une forme de désengagement de l’Etat, notamment en ce qui concerne l’aspect financier, par exemple avec la privatisation de nombreux secteurs économiques (télécommunication, énergie, services postaux notamment).

Ce transfert de compétences se constate aussi dans d’autres secteurs comme la culture, le sport ou le social, avec de nouveaux types de contrats et partenariats public-privé, à partir des années 1980 : « D'abord, le développement à cette époque de domaines nouveaux d'action, extérieurs au moins pour partie aux secteurs classiques de politiques publiques, tel l'environnement. Mais également la transversalité croissante de nombreux dossiers d'action publique, se situant par exemple à la charnière des interventions sociales et urbaines comme la politique de la ville, ou à la frontière des politiques de transports collectif et de gestion des sols comme dans l'urbanisme, ou encore à l'intersection du développement local et des politiques culturelles comme pour l'action économique. Cela appelait alors de nouvelles formes de coordination et de partenariat qui ont en particulier pris la forme de contrats d'action publique. L'État a lui-même compliqué l'architecture

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Faculté des Sciences Économiques et Sociales Semestre d’automne 2011 initiale des blocs de compétences en proposant des politiques contractuelles afin de décentraliser la planification économique (les contrats de plan État-régions), de régionaliser le financement des grands équipements publics, ou encore de promouvoir des politiques « constitutives » des nouvelles façons de négocier explicitement l'action publique »16.

Une autre thèse explicative peut être celle d’une « dépolitisation » de certains projets ou débats, avec l’idée principale forte que toute discussion peut amener à un consensus, celui-ci se retrouvant alors comme une expression de l’intérêt général via une somme des intérêts particuliers énoncés et des compromis élaborés durant les discussions. C’est notamment le cas avec divers instruments d’action publique qui servent à réduire les conflits d’intérêts liés à l’urbain ou à son développement : « Les instruments peuvent s’autonomiser, et devenir des processus automatiques, qui conduisent à une dépolitisation de l’action publique et, nous dit Dominique Lorrain, à un « désarroi du politique ». Parlant de « pilotes invisibles » pour qualifier ces instruments, l’auteur nous explique qu’avec la technicisation du monde moderne, dans le cadre du travail municipal, les élus, autrefois en prise directe, finissent par laisser la place aux experts. Les acteurs politiques, assistés par un nombre croissant de pilotes, utilisent les instruments en oubliant les effets qu’ils induisent et le cadrage qu’ils opèrent dans leur propre vision du monde. Par ailleurs, cette dépolitisation peut venir du politique lui-même »17.

Cette nouvelle forme de gouvernance tente en réalité de justifier ces partenariats et contrats entre secteur public et secteur privé, tant par la question de la dépolitisation du débat que par le transfert de compétences, ces deux explications relevant du désengagement de l’Etat et d’une dilution des responsabilités, permet d’amener progressivement la question de la participation comme centrale et légitimatrice : « Dans un contexte de néolibéralisme triomphant qui prône la réforme de l'État […], alors que tendent à se multiplier les niveaux de responsabilité partagée et que la frontière entre secteur privé et domaine public, entre intérêt

16 GAUDIN J-P., « La contractualisation des rapports entre l'État et les collectivités territoriales ». In: Annuaire des collectivités locales. Tome 24, 2004. p. 217

17 RADJI A., Fiche de lecture de LASCOUMES P., LE GALES P., « Gouverner par les instruments », http://arayeradji.canalblog.com/docs/Gouverner_par_les_instruments.pdf, consulté le 25 décembre 2011.

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Faculté des Sciences Économiques et Sociales Semestre d’automne 2011 général et intérêt particulier, s'efface progressivement, le concept de gouvernance suppose l'instauration de nouveaux modes d'élaboration des politiques publiques, centrés sur la négociation, tout comme de nouvelles manières de les mettre en œuvre, notamment par le biais de partenariats »18.

1.6 Liens entre démocratie, participation et géographie

Il ne faut cependant pas oublier qu’il existe d’autres formes de relations entre élus et citoyens, qui permettraient de « sortir de l’opposition binaire entre démocratie participative et représentative. […] Celles de la communication, de l’interpellation ou de la délibération. Favoriser la prise de parole des citoyens sur les affaires publiques locales, diffuser l’information sur les politiques en cours, contribuer à la constitution d’espaces publics de discussion peuvent constituer des buts en soi, indépendamment de toute redistribution des pouvoirs »19.

Autrement dit, la géographie doit pouvoir analyser les relations entre politique et territoire, entre démocratie, aménagement et participation, à travers l’étude des relations territorialisées des acteurs concernés.

Or jusqu’à présent, la géographie n’a que peu étudié le concept de démocratie, le laissant aux explications sous l’angle des sciences politiques, négligeant du même coup son ancrage territorial, comme le relève Michel Bussi, qui « tente dans son article une analyse conceptuelle de la relation qu’entretiennent géographie et démocratie. En fait, il s’agit plutôt d’une ignorance que d’une indifférence, à propos desquelles Bussi avance six hypothèses explicatives et cinq arguments qui devraient inciter les géographes à mieux penser la question de la démocratie. […] Il voit dans le

18 CANET R., « Qu’est-ce que la gouvernance ? », Conférence prononcée dans le cadre du Séminaire Les nouveaux modes de gouvernance et la place de la société civile, organisé par le Service aux collectivités de l'UQAM, – Montréal, Écomusée du fier monde – 16 mars 2004

19 BLONDIAUX L., « Démocratie locale et participation citoyenne : la promesse et le piège », Mouvement N°18, Novembre-Décembre 2001, p.45

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Faculté des Sciences Économiques et Sociales Semestre d’automne 2011 renouvellement du développement local par la participation, à la fois un atout et un risque pour la géographie en tant que discipline »20.

Bussi dénonce donc le peu d’intérêt de la géographie pour les questions démocratiques, allant même jusqu’à dire que « la démocratie n’est donc jamais revendiquée comme un concept central, ni même secondaire, par les géographes »21. A ces remarques, il nuance néanmoins avec certains travaux récents de la géographie du pouvoir de Claude Raffestin, des considérations géopolitiques chez Yves Lacoste, ou encore le dépassement des logiques étatiques traditionnelles chez Jacques Lévy, mais Bussi précise bien qu’ « une analyse détaillée montre que l’enjeu démocratique n’est jamais central ou explicite »22.

Parmi les hypothèses avancées, il parle notamment de la distance entre géographie et politique, les géographes ne se sentent pas à l’aise avec les décisions politiques, se percevant davantage comme « co-gestionnaires de l’ordre étatique ou comme observateurs bienveillants, parfois interprètes habiles, des mythes territoriaux qu’en analystes de ses dynamiques ou en promoteurs des mutations ».23

Mais Bussi va plus loin que ce simple constat épistémologique, il réclame une vraie réflexion disciplinaire sur la notion de démocratie à travers 5 points de rencontre, dont certains abordés dans ce premier chapitre. La démocratie est en effet un idéal donc par essence anisotrope, « dont l’application n’est jamais identique dans le temps, ni dans l’espace »24. Il explique que la démocratie représentative engendre un découpage de l’espace hiérarchisé en

20 JOLIVEAU T., AMZERT M., « Les territoires de la participation : problème local, question universelle ? », Géocarrefour, Journal International des Sciences de l’Information et de la Communication, Toulon, 2008, p.173

21 BUSSI M., « Géographie, démocratie, participation : explication d’une distance, arguments d’un rapprochement », Géocarrefour Vol76, 2001, p.265

22 Ibid, p.265

23 Voir LEVY J., « Le tournant géographique. Penser l’espace pour lire le monde », Belin, Paris, 1999

24 BUSSI M., « Géographie, démocratie, participation : explication d’une distance, arguments d’un rapprochement », Géocarrefour Vol76, 2001, p.269

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Faculté des Sciences Économiques et Sociales Semestre d’automne 2011 sous-espaces, allant même jusqu’à avancer l’idée qu’aucune participation n’est possible sans un territoire partitionné.

Comme le reconnaissent Clive Barnett et Murray Low dans leur recueil de textes « bien que beaucoup d'analyses critiques soient implicitement motivées par les normes démocratiques, il y a relativement peu de recherches empiriques ou travaux théoriques qui prennent explicitement la démocratie comme objet central des sciences géographiques humaines. Ce livre vise à combler cette lacune, en réunissant des contributions de l'ensemble de la discipline de la géographie, abordant divers champs de recherche dans lequel la démocratie est souvent en toile de fond, mais n'est habituellement pas un sujet de réflexion explicite »25.

Ainsi, en plus des quelques auteurs et de leurs champs de recherche cités par Bussi, nous pouvons noter que plusieurs auteurs, en particulier anglophones, ont abordé la question démocratique dans leurs recherches en géographie.

On retrouve par exemple dans le recueil de Barnett et Low un article de ce dernier intitulé « Villes comme espaces démocratiques : complexité, échelle et gouvernance », dans lequel il mentionne les particularités des villes européennes comme favorisant la recherche des liens entre géographie et démocratie, notamment par leur historicité (Grèce antique, Italie médiévale…), cette association ville-démocratie étant « renforcée par les affinités entre la ville et l’idée de citoyenneté ; par des traditions continues soulignant la nécessité de plus de participation, des formes locales de gouvernance démocratique, et par les préoccupations récentes concernant le capital social comme un moyen de "faire fonctionner la démocratie" (Putnam, 1993) ». 26

Nous reviendrons également sur ces questions dans le 3ème chapitre, notamment les liens entre démocratie, participation et aménagement du territoire en milieu urbain.

25 Traduit de : BARNETT C., LOW M., « Spaces of democracy : geographical perspectives on citizenship, Participation and Representation », Sage Publications, 2004, p.1

26 Traduit de LOW M., « Cities as spaces of democracy : complexity, scales and governance » IN : BARNETT C., LOW M., « Spaces of democracy : geographical perspectives on citizenship, Participation and Representation », Sage Publications, 2004, p.129

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II. L’aménagement du territoire

Malgré les évolutions récentes des pratiques d’aménagement du territoire et de la participation à travers le monde, les projets d’aménagement territoriaux restent encore actuellement portés essentiellement par les politiques. Ce sont les élus et/ou leurs partis qui proposent les visions de développement, qui votent les financements, initient et portent les projets et qui sont ensuite jugés sur ces visions et leur gestion par la suite lors des élections.

Mais le système est plus complexe que ce simple état des lieux, car il n’est pas le même partout : d’un pays à l’autre bien sûr, mais également à tous les niveaux politiques : régions, cantons, communes… Il est également évolutif dans le temps, évoluant avec l’opinion publique, les priorités politiques et la législation.

Le but de ce chapitre est ainsi de présenter les buts, méthodes et évolutions récentes de l’aménagement du territoire et en particulier pour la Suisse.

2.1 Qu’est-ce que l’aménagement du territoire ?

Pour Roger Brunet, « l’aménagement du territoire désigne à la fois l’action d’une collectivité sur son territoire, et le résultat de cette action ».27 L’aménagement désigne dans cette conception la pratique et la mise en œuvre de procédures et d’interventions directes ou indirectes sur un espace délimité par un groupe d’hommes qui y exerce un pouvoir (politique, administratif, économique, social). En règle générale, l’aménagement est traditionnellement l’affaire d’une autorité étatique, qui exerce dans ce cas une politique publique sectorielle, parfois appelée développement territorial lorsque cela implique des projets, ou management territorial lorsqu’il s’agit de la gestion d’un espace aménagé.

Pierre Merlin apporte à cette définition générale une précision sur l’aménagement comme étant avant tout « l'action et la pratique (plutôt que la science, la technique ou l'art) de disposer

27 BRUNET R. (dir.), FERRAS R. et THERY H., « Les mots de la géographie : dictionnaire critique », Montpellier, RECLUS, 1992, p.29

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Faculté des Sciences Économiques et Sociales Semestre d’automne 2011 avec ordre, à travers l'espace d'un pays et dans une vision prospective, les hommes et leur activité, les équipements et les moyens de communication qu'ils peuvent utiliser, en prenant en compte les contraintes naturelles, humaines et économiques, voire stratégiques ».28

Cette définition plus restrictive a l’avantage de préciser l’aspect pratique et stratégique lié aux contraintes territoriales, aux sociétés et aux activités qui s’y déroulent. Cependant, elle apporte aussi des éléments plus problématiques : son application à d’autres échelles, puisqu’elle parle ici de pays ; les équipements et moyens de communication y sont uniquement ciblés par rapport à leur utilité (pour qui, pour quoi ?); elle oublie enfin plusieurs types de contraintes : historiques, patrimoniales ou législatives par exemple.

Elle néglige enfin tout aspect scientifique, qui prend selon nous une part importante dans l’aménagement du territoire. Tout d’abord dans la définition même du terme, des méthodes et des conditions nécessaires à la discipline, pour laquelle seule une réflexion scientifique et épistémologique peut apporter une pratique adaptée aux contextes territoriaux et évolutions de la société dans laquelle l’aménagement intervient.

Ensuite, pour les connaissances théoriques que cette profession réclame, notamment dans la comparaison avec les méthodes et procédures menées dans d’autres projets ou d’autres contextes. Enfin, la science est également nécessaire dans de nombreux domaines d’application de l’aménagement, tels que l’évaluation quantitative ou qualitative des besoins, la définition des problématiques et enjeux liés aux contextes territoriaux, l’analyse de la politisation des questions et solutions, ou encore l’évaluation des politiques publiques et actions précédemment réalisées.

Comme le montrent les deux citations ci-dessus, l’aménagement du territoire est essentiellement basé sur la notion de territoire, comme espace d’action délimité par des frontières politiques et institutionnelles, traversé par des relations humaines, économiques, politiques et informationnelles continues et entrecroisées. Il faut encore préciser qu’en

28 MERLIN P., « Aménagement du territoire », In : MERLIN P. et CHOAY F.(dir.), Dictionnaire de l'urbanisme et de l'aménagement, Paris, PUF, 2000, 3e éd, p.38-43

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France, on parle désormais d’aménagement des territoires, notamment depuis la décentralisation et l’apparition de projets provenant des autorités locales ou régionales.

« Le territoire est un construit social qui est continuellement retravaillé au gré de l’évolution et de la manifestation des relations territoriales. Ces dernières se développent à travers des interactions humaines entre individus et groupes, en vue d’accéder à un territoire pour y réaliser des projets individuels ou collectifs. Comme toute relation humaine, les relations territoriales impliquent des intérêts et des valeurs, des stratégies et des jeux d’acteurs. Elles contiennent donc du pouvoir »29.

En conséquence, le but de l’aménagement du territoire est alors de prendre en compte (voir même anticiper) ces relations, valeurs et intérêts des différents acteurs, dans le but d’ordonner le territoire afin d’offrir des potentialités économiques, d’optimiser la qualité de vie, de préserver une qualité environnementale durable, tout en essayant de contenter un maximum d’acteurs. Dans son ouvrage sur la ville mal-aimée et les représentations urbaines, Joëlle Salomon Cavin propose un schéma des interrelations entre les pratiques d’aménagement, les représentations sociales et le territoire aménagé :

Figure 3 : Interactions représentations – aménagement – territoire (Salomon Cavin, 2004)

Dans cette conception, les représentations sociales sont le « prêt à penser de la société », cherchant à donner une explication à la réalité mais aussi à la construction d’une réalité commune. Les représentations sociales sont « une forme de connaissance socialement élaborée

29 WIESMANN C., WOEFFRAY B., RUEGG J., REY M., « De la politique d’aménagement du territoire à la politique de développement territorial : plaidoyer pour la formation et la recherche en management territorial », DISP 148, 2002, p.33

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Faculté des Sciences Économiques et Sociales Semestre d’automne 2011 et partagée, ayant une visée pratique, et concourant à la construction d’une réalité commune à un ensemble social »30. Au sens ou l’entend Denise Jodelet, les représentations sociales sont alors des objets construits mais qui participent également en retour à la construction de la société.31

Ces mêmes relations s’expriment sur un territoire, mais constituent en elles-mêmes un territoire d’après Jean Ruegg et al., qui distinguent 3 types de territoires qui « s’influencent réciproquement et se combinent : le territoire relationnel (lié aux flux et aux réseaux), en pleine ascension avec la société civile, le territoire fonctionnel (lié à la production et à la gestion des biens publics) ; ces deux types de territoires étant confrontés au territoire institutionnel traditionnel (lié à l’Etat et à son fonctionnement et donc à la surface). Il appartient à la politique d’aménagement de prendre en compte l’émergence de ces types de territoire, de les rendre complémentaires, de veiller à leur articulation ».32

Les évolutions récentes de l’aménagement du territoire montrent que ce territoire institutionnel de l’Etat doit de plus en plus se référer à la société civile locale (habitants, associations, entreprises) pour s’assurer du bien-fondé des décisions, d’une bonne compréhension des enjeux et du meilleur respect possible des volontés des acteurs présents et futurs des zones concernées, mais également pour réduire les procédures légales, juridiques ou administratives qui sont de plus en plus contraignantes (et lors desquels on voit apparaître le syndrome NIMBY).

Si l’on prend l’exemple de la France, on assiste de plus en plus à une décentralisation de l’aménagement du territoire, allant de pair avec la montée de la concertation ou de la

30 JODELET D., « les représentations sociales », Sociologie d’aujourd’hui, Presse universitaire de France, Paris, 1989, IN : SALOMON CAVIN J, « La ville perpétuelle mal-aimée ? », p. 15

31 SALOMON CAVIN J., « La ville, perpétuelle mal-aimée ? représentation anti-urbaines et aménagement du territoire en Suisse : analyse, comparaisons, évolutions », Coll. Logiques territoriales, Presses polytechniques et universitaires romandes, Lausanne, 2005, p.16

32 WIESMANN C., WOEFFRAY B., RUEGG J., REY M., « De la politique d’aménagement du territoire à la politique de développement territorial : plaidoyer pour la formation et la recherche en management territorial », DISP 148, 2002, p.33

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Faculté des Sciences Économiques et Sociales Semestre d’automne 2011 participation dans la gestion et les projets, en particulier urbains, qu’on pourrait aussi rapprocher à la multiplication des processus « bottom-up ». Cela se retrouve de plus en plus dans de nombreux contextes différents de par le monde et également en Suisse, même si la structure politique fédéraliste existante rend le virage moins brusque qu’en France, ou des lois fortes (tel que la loi Voynet d’orientation pour l’aménagement et le développement durable du territoire de 1999)33 ont amené à une petite révolution démocratique et une complexification des étagements hiérarchisés dans les projets de développement territoriaux.

2.2 L’aménagement du territoire en Suisse

Pour le cas de la Suisse, la plupart des recherches en l’aménagement distinguent une succession de trois phases dans l’évolution historique de l’aménagement du territoire : « une période qui va jusqu’au début des années 1960, marquée par le travail d’une première génération de Planner, lesquels prolongent l’œuvre des fondateurs actifs durant les années 1930–40; ensuite, la période triomphante du fordisme helvétique, en gros de la loi sur les routes nationales de 1960 ou de l’initiative contre la spéculation foncière de 1963 (votation en 1967) jusqu’au rejet de la loi sur l’aménagement du territoire en 1976; enfin, une longue période de vingt ans – postmoderne ou postfordiste – durant laquelle on semble abandonner les grands rêves hétérorégulateurs pour se complaire dans le scepticisme et les remises en question34. Et pourtant, paradoxe des dernières vingt années, c’est durant ce «temps d’interrogations» que se mettent en place les instruments et les organismes et que par ailleurs se multiplient les mesures sectorielles de la Confédération ainsi que les plans d’affectation communaux35 »36.

33 Loi n° 99-533 du 25 juin 1999 d'orientation pour l'aménagement et le développement durable du territoire, consulté le 17 novembre 2011, http://www.legifrance.gouv.fr/affichTexte.do?cidTexte=LEGITEXT000005628113&dateTexte=vig

34 Voir LENDI M. et ELSASSER H., « Raumplanung in des Schweiz. Eine Einführung », Zurich, 1991

35 Diagnostic du paradoxe illustré par PIVETEAU J-L., « L’aménagement du territoire en Suisse. Repli frileux ? Frémissement de reprise ? », IN : l’Espace Géographique N°4, 1989, pp.313-317

36 WALTER F., « Cinquante ans d’aménagement du territoire en Suisse ? Quelques questions aux acteurs », DISP 127, 1996, p.35

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A cette analyse historique des grandes évolutions de l’aménagement du territoire en Suisse manque une dernière période, de 1995 à nos jours, durant laquelle le contexte économique et politique a passablement évolué. Le scepticisme et les interrogations se poursuivent, avec de plus en plus de recours d’organisations non-gouvernementales (à travers la législation sur l’environnement), d’associations d’habitants (syndrome NIMBY) ou de votations populaires (pour le cas des Cherpines, le déclassement de terres agricoles). Mais à cela s’ajoute une prise de conscience de plus en plus importante de la rareté de l’espace, du droit d’expression des acteurs non-étatiques, et de nouveaux enjeux liés à la mondialisation et au contexte économique : délocalisations, chômage, prix sur le marché du logement…

Ainsi, les 15 dernières années ont été marquées par une multiplication des législations et réglementations de l’aménagement et du territoire helvétique, si bien qu’il « a fini par être couvert entièrement de plans d’affectation et plans spéciaux et sectoriels, permettant, avec plus ou moins de succès, d’orienter l’urbanisation, de localiser les équipements publics et d’accompagner le développement économique et démographique de cette époque »37.

Cette évolution est encore encouragée par le développement de nouvelles technologies de l’information comme les Systèmes d’Information Géographiques. Le tournant majeur de l’aménagement du territoire Suisse est évidemment l’apparition d’une législation fédérale, qui date de 1979 avec l’introduction de la LAT (Loi sur l’Aménagement du Territoire), une loi qui survient dans un contexte où « l’affectation du sol est une préoccupation sociale et politique des années 1960/70, période caractérisée par une forte croissance économique et d’importants investissements publics, et dominée par la croyance dans le progrès technique, [ce qui explique] le recours à des instruments techniques, comme la planification, la norme et le règlement » 38.

37 WIESMANN C., WOEFFRAY B., RUEGG J., REY M., « De la politique d’aménagement du territoire à la politique de développement territorial : plaidoyer pour la formation et la recherche en management territorial », DISP 148, 2002, p.34

38 WIESMANN C., WOEFFRAY B., RUEGG J., REY M., « De la politique d’aménagement du territoire à la politique de développement territorial : plaidoyer pour la formation et la recherche en management territorial », DISP 148, 2002, p.34

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Dans le cas suisse, avant que l’aménagement ne soit légiféré au niveau fédéral, les tâches de planification d’aménagement urbain ou rural étaient du ressort des cantons et des communes. Avec la loi fédérale sur l’aménagement du territoire, chaque niveau administratif a pu maintenir ses compétences et responsabilités, mais à travers un cadre législatif qui donne une définition commune et des procédures standardisées.

Les buts de la loi fédérale de l’aménagement du territoire de 1979 étaient de permettre d’appliquer une politique fédérale par une intervention de la Confédération à travers 4 objectifs énoncés à l’article 1 : « de protéger les bases naturelles de la vie, telles que le sol, l’air, l’eau, la forêt et le paysage; de créer et de maintenir un milieu bâti harmonieusement aménagé et favorable à l’habitat et à l’exercice des activités économiques; de favoriser la vie sociale, économique et culturelle des diverses régions du pays et de promouvoir une décentralisation judicieuse de l’urbanisation et de l’économie; de garantir des sources d’approvisionnement suffisantes dans le pays; d’assurer la défense générale du pays »39.

Ces objectifs correspondent ainsi à une vision du développement et de la gestion du territoire de la société dans un contexte historique précis : se croisent alors des enjeux nouveaux (protection de l’air, du sol et de l’eau ; décentralisation ; favoriser la vie sociale et culturelle) avec d’autres plus traditionnels (défense du pays ; garantie d’approvisionnement, favoriser les activités économiques et l’habitat).

Cependant, cette législation très générale ne fixe qu’un cadre assez vague (une première version plus contraignante ayant été rejetée par référendum en 197640, et dans la pratique ce sont toujours les communes qui sont chargées d’aménager leur territoire, les cantons n’étant bien souvent que des interlocuteurs de la Confédération et « relaient l’application des lois fédérales auprès des communes de leur territoire »41. Nous devons toutefois mentionner ici l’exceptionnalité du canton de Genève, dans lequel l’aménagement est de la responsabilité

39 Loi fédérale sur l’aménagement du territoire du 22 Juin 1979, Etat au 1er juillet 2011 40 Message concernant la loi fédérale sur l'aménagement du territoire (LAT) du 27 février 1978, http://www.are.admin.ch/themen/recht/00820/index.html?lang=fr 41 GAINON G. (dir), « L’aménagement du territoire à Genève : institutions et procédures », Cahiers de l’aménagement, Direction de l’aménagement, Etat de Genève, 1994, p.24

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Faculté des Sciences Économiques et Sociales Semestre d’automne 2011 d’élus, départements et services cantonaux et non des communes, qui n’ont qu’un rôle consultatif et de préavis.

A part cette particularité genevoise, nous devons ajouter que la LAT de 1979 introduit la nécessité (une base légale) pour tous les cantons de mettre en place des Plans Directeurs Cantonaux qui fixent les cadres d’aménagement pour les communes, un instrument évolutif qui a valeur légale et engage les autorités, mais aussi capable de s’adapter à de nouveaux besoins et qui possède une validité limitée dans le temps et doit être révisé tous les dix ans afin de s’adapter à l’évolution du contexte42. A titre d’exemple, l’instrument du Plan Directeur était déjà en vigueur depuis plusieurs décennies à Genève, alors que le premier Plan Directeur Cantonal vaudois date de 198743.

42 Plan Directeur Cantonal de Genève 2030 « Principes et enjeux », http://etat.geneve.ch/dt/amenagement/principes_enjeux-686-4991.html

43 Site officiel du Canton de Vaud, « Plan Directeur Cantonal », consulté le 17 Novembre 2011, http://www.vd.ch/fr/themes/territoire/amenagement/plan-directeur-cantonal

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III. La participation dans les projets d’aménagement

En dehors de la définition générale et des instruments légaux de l’aménagement du territoire, on retrouve dans certaines lois fédérales et/ou cantonales certains objectifs ou grands principes qui concernent les devoirs et obligations des autorités à propos de la participation au sens large :

Au plus haut niveau de la législation, la LAT affirme que « les autorités chargées de l’aménagement du territoire renseignent la population sur les plans dont la présente loi prévoit l’établissement, sur les objectifs qu’ils visent et sur le déroulement de la procédure. Elles veillent à ce que la population puisse participer de manière adéquate à l’établissement des plans. Les plans prévus par la présente loi peuvent être consultés »44.

Dans les faits, le canton de Genève possède une loi d’application de la loi fédérale, dans laquelle on trouve quelques éléments légaux imposant une consultation publique, notamment dans l’élaboration des Plans Localisés de Quartier (autrement dit l’accès aux documents et la possibilité offerte à la population de faire connaître ses observations) : « Le projet de plan directeur localisé est soumis par l’autorité initiatrice à une consultation publique de 30 jours annoncée par voie de publication dans la Feuille d’avis officielle et d’affichage dans la commune. Les maires ou les conseils administratifs des communes voisines concernées sont également consultés »45.

Cependant, ni dans la législation fédérale, générale, ni dans la législation cantonale à Genève, il n’est fait mention des questions de méthodologie, de procédures organisées, et encore moins d’intégration des résultats, projets ou remarques apportés. A cette remarque, il faut néanmoins mentionner qu’en 2009, une modification de la loi cantonale d’application de la loi fédérale sur l’aménagement du territoire a ajouté la nomination de « 20 membres

44 Loi fédérale sur l’Aménagement du Territoire, art 4, 22 Juin 1979, état au 1er Juillet 2011

45 Loi d’application de la loi fédérale sur l’Aménagement du Territoire, Chapitre II, art 10, alinéa 5, du 1er Août 1987, Canton de Genève, état au 27 Septembre 2011

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Faculté des Sciences Économiques et Sociales Semestre d’automne 2011 représentatifs des organismes et milieux intéressés par les questions touchant à l’aménagement du territoire et à l’agglomération transfrontalière »,46 ce qui est un pas non négligeable vers la société civile mais reste assez restrictif malgré tout.

Ainsi, cet état actuel de la législation peut être révélateur du fait que celle-ci reflète des décisions prises essentiellement par les élus politiques, et donc qu’elle peut avoir du mal (ou mettre un certain temps) à s’adapter à ce type d’évolutions procédurales. D’autre part, certaines personnes, notamment parmi les élus convaincus de leur légitimité démocratique, peuvent douter de l’utilité de telles procédures, voire même plus généralement de la nécessité d’un partage du pouvoir décisionnel.

En effet, en Suisse, les particularités de la démocratie semi-directe peuvent amener certains à considérer que les possibilités d’action démocratique pour se faire entendre sont suffisantes, et que la participation ne constitue pas une nécessité, voire même la rende responsable de l’expression d’un mécontentement ambiant de la population, ou encore de la lenteur de certains projets. On retrouve aussi l’idée qu’un projet d’aménagement doit être l’œuvre de spécialistes dotés d’instruments et savoir-faire techniques, dont la population ne dispose pas : « [ce sont notamment certains] professionnels des politiques urbaines (architectes, urbanistes) qui font entendre leurs voix dans ce que l’on appelle parfois le « débat disciplinaire ». […] Ils perçoivent l’approche participative comme une pratique qui délègue aux habitants (c’est-à-dire l’homme de la rue et non les experts) l’élaboration des choix et des solutions dans le cadre des politiques urbaines, en ne tenant aucun compte de la contribution des professionnels (et des politiciens), instituant ainsi une sorte de démocratie directe qui s’applique non seulement aux choix de valeur […] mais aussi aux compétences techniques.[…] Cette prise de position peut être comprise en se référant à deux attitudes : d’une part, celle qui consiste à défendre la prééminence de ce type de consultants sur le marché et, d’autre part, la conviction que seul le savoir technique permet de trouver des solutions efficaces »47.

46 Loi d’application de la loi fédérale sur l’Aménagement du Territoire, art 4, alinéa 3, point h, du 1er Août 1987, Canton de Genève, état au 27 Septembre 2011

47 FARERI P., « Notes sur l’approche participative du point de vue de l’analyse des politiques publiques », IN : SÖDERSTRÖM O. (dir.), « L’Usage du projet », Lausanne, Payot, 2000, p. 19

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3.1 Projets d’aménagement et politiques publiques

Ces réticences envers les processus participatifs peuvent ainsi expliquer en partie qu’en règle générale, un projet d’aménagement se fonde par rapport à une politique publique, autrement dit une idée d’un élu ou d’un service administratif de l’Etat. Cela peut toutefois en quelques occasions être suggéré par une opportunité liée à un financement privé, mais dans la majorité des cas, un projet d’aménagement ou de développement urbain est une tentative de réponse apportée par les pouvoirs publics à une problématique ou un enjeu politique.

Le schéma ci-dessous élaboré par Katia Horber-Papazian permet de rendre compte de la complexité des relations à l’œuvre lors des différentes étapes d’une politique publique. Les diverses flèches représentent tout à la fois un rapport de communication nécessaire mais aussi une relation de pouvoir entre chaque institutions ou acteurs présents durant les processus :

Figure 4 : Le système politique dans lequel les politiques publiques s’inscrivent (Horber-Papazian, 1990)

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Ainsi, on remarque que ce système est basé sur une idéologie politique globale qui entretient des relations avec deux types d’acteurs : les instances de décisions d’un côté, et les publics (multiples) de l’autre, afin de problématiser politiquement certaines questions surgissant (dans l’idéal) des besoins, désirs ou problèmes rencontrés par les publics. Ces publics peuvent être des citoyens, des entreprises, des associations, des lobbies, ou des médias.

Une fois que la décision est prise de traiter une question, les instances décisionnelles doivent trouver une manière de traiter le problème à l’aide d’une politique publique (pouvant être une motion, un projet de loi, une délibération, etc.), cédant par la suite la réalisation (l’application concrète) au système administratif (de l’Etat). Enfin, à la suite de la mise en œuvre, l’effet de la politique publique doit être évalué pour juger si la réponse apportée a été équilibrée et/ou a permis de résoudre le problème.

Ce schéma représente la théorie politique classique correspondante à la démocratie représentative dont nous avons parlé plus haut. Cependant, la participation du public n’est pas explicitée ici, elle ne transparaît que dans les deux flèches entre publics, instances de décisions et système politique globale, ainsi que dans les effets sur le public produit par les réalisations.

Comme nous l’avons vu dans la partie consacrée à la démocratie participative, la participation permet de répondre à ce manque de retour de la part du public, par la récolte des avis des acteurs concernés par une politique publique, ou plus particulièrement par un projet d’aménagement, et de transmettre les informations. Mais que permet vraiment le participatif ? Et que ne permet-il pas ?

Dans certains projets d’aménagement, la récolte des avis n’est que purement formelle, dans d’autres le but est réellement d’intégrer les différentes visions du territoire dans le projet final. Cependant, le processus de décision reste très souvent dans les mains des services administratifs ou des élus en charge des dicastères concernés.

Or, la multiplicité des acteurs concernés par les projets et décisions d’aménagement entraîne une nécessité de prendre part réellement à l’élaboration et la mise en œuvre des projets de manière concertée, afin d’obtenir une réelle représentativité des enjeux. Autrement dit, les 47 | P a g e

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Faculté des Sciences Économiques et Sociales Semestre d’automne 2011 acteurs locaux d’un territoire doivent être reconnus comme partie prenante des décisions, les usagers étant experts par besoin et par leur pratique quotidienne et localisée.

Cependant, on remarque que cette participation à la décision est rarement appliquée, que ce soit par tradition politique, par décision administrative, par manque de moyens ou d’informations, ou encore engendrée parfois encore par une non-réflexion stratégique. En effet se pose la question de ce qu’un projet doit viser : une somme des intérêts privés, l’intérêt public ou un intérêt général holistique ?

3.2 Essai de catégorisation des procédures participatives

Notre essai de théorisation de la participation dans les projets urbains passe tout d’abord par la différenciation entre la gestion urbaine, qui concerne les décisions liées à la vie et aux activités récurrentes, de la vie de tous les jours, de la cité, d’avec la planification des projets urbains, qui concernent l’élaboration, la mise en œuvre et la réalisation d’infrastructures et de changements importants sur le territoire, des zones particulières destinées au développement et identifiées comme telles.

En reprenant la typologie et les différents stades de Gaudin que nous avons présentés dans le premier chapitre, nous pouvons nous en inspirer pour essayer d’en créer une adaptation aux particularités de la démocratie et des règles institutionnelles suisses en aménagement du territoire. Ainsi, en partant de sa hiérarchie en 3 phases, nous pouvons proposer une catégorisation sensiblement différente, en 4 points.

Premièrement, il convient d’appeler « information » ce que Gaudin appelle consultation : selon sa définition, c’est un simple accès à l’information, qui selon nous n’est qu’un aspect de la consultation, car cette dernière implique malgré tout une récolte des avis. Le premier élément de notre typologie, l’ « information », peut être ainsi envisagée comme une simple mise à disposition de renseignements au public et aux différents acteurs. Mais nous considérons cette première catégorie comme pratiquement en dehors d’une réelle participation puisque l’information ne circule que dans un sens, des décideurs (Etat, élus, administrations, etc.) vers le public. Cette transmission d’information se réalise en général via les médias, des campagnes d’affichages, ou des séances de présentation des principes et de l’avancement des projets d’aménagement. 48 | P a g e

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Le second élément typologique est ce que nous pouvons appeler la consultation, autrement dit la récolte des avis auprès de la population, soit par des enquêtes publiques, des sondages, des « mises en consultation »… durant des périodes définies en général par la législation (semblables à la mise en consultation de projets législatifs cantonaux ou fédéraux) ou par les services administratifs de l’Etat. Ces processus doivent permettre une remontée des informations (« bottom-up »).

Puis vient la concertation locale, telle que la définit Gaudin, qui consiste aussi à la récolte des avis, mais de manière plus organisée, et en générale suivie d’une adaptation des projets d’aménagement. Cela peut se faire par exemple lors d’ateliers, tables-rondes, débats publics ciblés... La principale différence avec la simple consultation repose sur une récolte d’avis ciblée, c’est-à-dire réalisée en particulier (mais pas uniquement) sur les acteurs concernés, soit locaux, soit ayant un lien avec le projet : possession d’un terrain ou d’une propriété, projet planifié sur cet espace, droit de recours applicable, proximité directe de son logement ou d’une activité (travail, loisir, sport…), etc., permettant d’intégrer des éléments ou d’apporter des corrections au projet concerné.

Pour une vraie réalisation de la participation en aménagement, le processus idéal consisterait selon nous en un déroulement dans lequel toutes les étapes seraient réalisées conjointement et leurs résultats respectés tout au long du processus: de l’idée originale jusqu’aux projets architecturaux et autorisations de construire.

C’est cette forme de participation que Gaudin appelle la coproduction, une participation active à l’élaboration, la conception du projet ainsi qu’aux prises de décisions tout au long du processus de planification. Malheureusement, elle ne se retrouve pratiquement jamais (au même titre que la démocratie directe) dans les projets urbains contemporains, et constitue en ce sens à l’heure actuelle une forme d’utopie48.

A ceci, il faut ajouter que dans le cas d’une application de ce type de participation « co- productive », contenant une dimension décisionnelle entre des acteurs multiples, il sera

48 De utopia, « qui ne se retrouve dans aucun lieu »

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Faculté des Sciences Économiques et Sociales Semestre d’automne 2011 nécessaire de réfléchir à une autre composante de cette coproduction, le partage de la responsabilité des orientations et choix contenus dans le projet, notamment en cas d’échec : qui devra défendre et répondre de ces décisions, est-ce que tous les acteurs possèdent le même pouvoir de décision, les portent et les assument de la même manière ?

La cinquième et dernière possibilité pourrait consister en une forme d’autoréalisation, par la création et la mise en œuvre de projets sans être sous une direction de l’Etat ou de services publiques, élaborés de manière autonome par des acteurs privés, associatifs ou citoyens. Cette manière de faire sort quelque peu de ce que nous appelons participation, puisque le processus s’en trouverait pratiquement inversé avec une implication étatique quasi-absente. Cette possibilité semble, au vu de la législation et des contraintes juridiques et politiques actuelles, avoir assez peu de chance de se réaliser prochainement.

Ainsi, on reconnaît à tout citoyen non seulement le droit d’avoir un avis, mais également de l’exprimer. Toute la question repose alors sur la volonté, les méthodes et les moyens d’exprimer cet avis, ce qui suppose au préalable l’accès des informations et des connaissances sur les procédures, et surtout la manière dont cet avis sera pris en compte par les pouvoirs publics par la suite.

En effet, malgré le changement important engendré par la prise en compte des points de vue, en particulier des acteurs locaux, il faut toujours avoir à l’esprit que l’Etat reste propriétaire de la décision finale dans la plupart des pays. Avec pour seules contraintes directes les droits de recours et oppositions prévues dans la législation, et certaines autres contraintes comme les valeurs socio-politiques majoritaires qui se reflètent lors des élections, ce qui est une contrainte pour les élus mais pas directement pour l’administration étatique.

Pour synthétiser les méthodes possibles d’implication des acteurs, Nicolas Mettan, Doris Sfar et Katia Horber proposent un schéma inversé mettant en rapport le degré d’influence du public par rapport au nombre de personnes impliquées :

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Figure 5 : Les niveaux de participation (Mettan, Sfar, Horber, 1994)

Celui-ci permet de se rendre compte de ce que chaque étape d’un projet urbain permet en terme de participation, en tenant compte des types de personnes et des types de relations qu’elles entretiennent avec le projet. Pour Horber & Mettan, le champ de la participation, ici en grisé, ne couvre que la négociation (avec les acteurs touchés directement) et la concertation (avec le public concerné). La consultation ne correspond qu’au public intéressé (qui comprend néanmoins les deux autres catégories de publics précitées), et l’information concerne le grand public.

Cette approche est intéressante en ce qu’elle reprend la catégorisation que nous avons esquissée d’après celle de Gaudin dans le chapitre précédent, mais aussi parce qu’elle lie le degré d’enjeu pour les acteurs à leur implication dans le projet, également lui-même relié au potentiel et la possibilité d’implication laissée par le projet (ou les autorités en charge du projet).

Plus généralement, cela pose la question pour chaque projet d’aménagement ayant recours à des processus participatifs du degré d’ouverture souhaité: ouverture à toutes les populations ou limitation à certains types d’acteurs ? Typiquement, une ouverture trop large de la participation peut engendrer des problématiques relationnelles entre certains acteurs, notamment marquées par une certaine complexité, comme le relève Claude Raffestin : « les éléments constitutifs [de la relation] sont : les acteurs, la politique des acteurs ou l’ensemble de leurs

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Faculté des Sciences Économiques et Sociales Semestre d’automne 2011 intentions c’est-à-dire leurs finalités, la stratégie des acteurs pour parvenir à leurs fins, les médiats de la relation, les divers codes utilisés et les composantes spatio-temporelles de la relation »49.

En résumé, les relations entre les humains ou groupes d’humains sont marquées par les intentions et stratégies des différents acteurs, déployées dans le but d’arriver à leurs fins. Et plus les relations sont nombreuses (plus il existe d’acteurs concernés et possédant l’occasion et la capacité de s’exprimer), plus celles-ci deviennent complexes.

Ainsi, plus la participation est large et ouverte, plus elle permet aux acteurs de s’exprimer et ajoute de la complexité aux relations, et donc une potentialité de situations conflictuelles : c’est lorsque les finalités divergent que les avis se confrontent et les stratégies peuvent s’opposer.

A l’inverse, c’est précisément parce que les intérêts et enjeux sont devenus plus complexes voire parfois divergents que la participation est devenue de plus en plus nécessaire, la participation ouvrant un espace de réflexion et d’expression permettant l’échange, le dialogue et l’élaboration de consensus, afin de limiter ou contourner les conflits.

Ces considérations, ramenées au schéma ci-dessus, peuvent également nous amener à avancer l’hypothèse que si l’une des étapes est non-planifiée, ignorée ou mal organisée, le public directement concerné par cette étape va devoir se manifester pour être pris en compte. C’est ainsi un premier élément explicatif des oppositions qui peuvent survenir lors des étapes d’un projet d’aménagement.

Dans son article sur les conflits d’aménagement et débats publics, Patrice Melé analyse les débats et oppositions en matière d’aménagement dans la France contemporaine : « Les conflits qui portent sur la localisation d’équipements ou d’infrastructures, introduisent aussi des débats sur l’opportunité de leur réalisation, sur l’acceptabilité des nuisances et sur les relations entre les différents usages de l’espace »50. Or, si ces conflits ne peuvent être résolus à travers des

49 RAFFESTIN C., « Pour une géographie du pouvoir », Géographie économique et sociale, Tome XIII, Librairies Techniques (LITEC), 1980, pp.32-33

50 MELE P., « Conflits d’aménagement et débats publics », dans JEAN Y., VANIER M. (dir), La France, aménager les territoires, Paris, Arman Colin, 2008, p.97

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Faculté des Sciences Économiques et Sociales Semestre d’automne 2011 débats prévus dans des structures organisées (négociations, consultation, voir concertation…), ils devront s’exprimer par d’autres moyens, en règle générale par des oppositions.

A ceci il faut ajouter que bon nombre de ces procédures d’information et de consultation sont désormais imposées par la législation (du moins en Suisse), mais que l’on est encore loin d’une systématisation des deux autres étapes, plus lourdes et contraignantes administrativement, et engendrant des temps de conception et de réalisation plus longs. Cependant, les conflits non-résolus entraînent eux des oppositions rendant la réalisation du projet plus longue et contraignante encore.

Il faut encore préciser que les approches ci-dessus proposent toutes des modèles dans lesquels la participation se fait exclusivement sur le modèle « top-down », autrement dit sur invitation à participer à des projets ou discussions de la part des autorités envers la société civile. Or, on peut mentionner que la théorie de la participation doit pouvoir envisager des cas où elle intègre des idées sur le modèle « bottom-up », des initiatives ou projets provenant de la société civile (promoteurs, investisseurs, habitants, associations…) vers les autorités amenant vers la coproduction ou négociation. Ce système est néanmoins peu utilisé en aménagement, s’expliquant par les difficultés d’organisation, le manque d’instruments, de moyens ou de potentialités.

Enfin, Thierry Joliveau et Malika Amzert érigent à travers les « territoires de la participation » un état de la littérature participative dans le contexte français, conscients que la question de la participation territoriale est vaste mais que depuis 30 ans, certains dispositifs législatifs montrent que la politique lui porte un intérêt croissant (Lois Voynet, Gayssot, Vaillant, loi Barnier, circulaire Bianco…).

Leur analyse met en lumière le fait que la question est abordée en général selon deux croisements : d’une part dans deux contextes géographiques rural et urbain, mais également Nord-Sud. Ce second croisement peut ainsi parfois mener à l’observation de méthodes très proches entre les démarches de développement participatif en Afrique ou Asie dès 1970 avec les nouvelles problématiques de développement territorial en France (projet de pays, projet de territoire, charte paysagère…).

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Cependant, en poussant la réflexion plus avant, les auteurs en arrivent à se demander pourquoi continuer à distinguer villes et campagnes qui, bien que dans des contextes différents, s’imbriquent et s’entremêlent de plus en plus, et ont des thèmes et des méthodes participatives semblables, menant même jusqu’à l’adoption d’un modèle participatif ou concerté pour tous les dispositifs récents ou annoncés de gestion territoriale51.

51 JOLIVEAU T., AMZERT M., « Les territoires de la participation : problème local, question universelle ? », Géocarrefour, Journal International des Sciences de l’Information et de la Communication, Toulon, 2008

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IV. L’aménagement du territoire à Genève

Si nous avons pu présenter un aperçu de l’aménagement du territoire suisse dans la première partie, le canton de Genève possède des particularités, tant par son territoire que par les institutions et procédures liées à son organisation politico-administrative, qu’il nous faut comprendre avant d’analyser le projet des Cherpines.

Genève est un canton-ville situé à l’extrémité sud-ouest de la Suisse, bassin enclavé entre des montagnes et le lac Léman. Le canton est ainsi rattaché au reste de la Suisse par une fine bande territoriale longeant le lac, possédant ainsi une unique frontière Suisse avec le canton de Vaud, le reste étant une frontière internationale le séparant de la France.

« L’aménagement genevois gère un territoire urbain entouré d’une « campagne » protégée, mais coupé de son arrière-pays par la frontière politique : il est adapté à la gestion d’un espace limité, entièrement transformé par l’occupation humaine, qu’il s’agit d’affecter au meilleur usage possible compte tenu des intérêts en présence. A Genève, l’espace cantonal n’est jamais « vierge », mais toujours déjà structuré, modelé, habité, porteur de plusieurs strates successives de l’histoire locale et résultat de compromis souvent subtils entre ses divers occupants : tout aménagement est un « réaménagement » d’une situation antérieure, il est surdéterminé par les contraintes du présent et du passé »52.

Ainsi, la compréhension de l’histoire de Genève, en particulier les évolutions de l’urbain et de son aménagement, est indispensable lorsqu’on pense l’aménagement genevois. Tant les services de l’Etat que les élus doivent prendre encore davantage en compte les intérêts et les avis locaux lorsque sont planifiés les perspectives, les stratégies ou des projets spécifiques.

52 GAINON G., « L’aménagement du territoire à Genève : Institutions et procédures », Cahiers de l’aménagement N°3, Direction de l’aménagement, 1994, p.13

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Actuellement, le document porteur de ces grandes orientations est le Plan Directeur Cantonal, dont la nouvelle version dite « Plan Directeur Cantonal 2030 » est actuellement en cours de consultation auprès des communes et territoires voisins. Ce document présente des perspectives qui suivent 3 orientations : le développement durable, la collaboration transfrontalière et la construction de 50'000 logements.

Chacun de ces objectifs globaux contient de nombreux principes et volontés rattachés aux développements souhaitables pour le canton dans les deux décennies à venir. En ce qui concerne le développement durable, il s’agit de la solidarité sociale, la préservation du capital naturel et la viabilité économique.

« Le concept de développement durable dynamise l’aménagement du territoire, en y introduisant des aspects temporels (court, moyen et long terme), des échelles spatiales multiples (locales, régionales, nationales, planétaires) et la concertation des acteurs concernés. Il s’agit de traduire les principes du développement durable, énoncés en termes généraux, en mesures opérationnelles et objectifs mesurables »53.

Pour ce qui concerne la collaboration transfrontalière, elle entre désormais dans le cadre du Projet d’Agglomération Franco-Valdo-Genevois, celui-ci ayant pour vocation de donner les lignes générales et des objectifs concertés des autorités françaises, vaudoises et genevoises sur le développement territorial d’une région réunissant un bassin comprenant les villes de Nyon, Genève, Ferney, St-Genis, Annemasse, St-Julien, Bellegarde, jusqu’aux frontières de Thonon-les-Bains.

Traduction spatiale du projet d’agglomération, « le Schéma d’Agglomération dessine à l’horizon 2030 une agglomération :

a) Compacte, capable d'accueillir le développement et de répondre aux besoins de mobilité sans gaspiller les ressources environnementales (+ 200'000 habitants et + 100'000 emplois)

53 Plan-Directeur Cantonal 2030, « Orientations stratégiques et objectifs », Mai 2011, p.13

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b) Multipolaire, en rééquilibrant la répartition de l'habitat et des emplois et en valorisant les atouts spécifiques des sites locaux

c) Verte, préservant ses paysages, son agriculture dynamique et ses zones naturelles et en assurant une forte présence de la nature en ville

Son statut est celui d'un plan d'orientation, sur lequel s'engagent les autorités politiques des territoires de l'agglomération » 54 :

Figure 6 : Schéma d’agglomération 2007 (Site internet officiel du Projet d’agglomération Franco-Valdo-Genevois, 2007)

54 Site internet officiel du Projet d’agglomération Franco-Valdo-Genevois, « Le Schéma d’agglomération n°1 : conception, mesures et mise en œuvre », 2007, p.1, http://www.projet- agglo.org/articles-fr/13,87,373-schema-dagglomeration.html, consulté le 06 décembre 2011

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Ce schéma permet d’identifier à la fois le périmètre d’action du projet d’agglomération, les connexions paysagères (le maintien des connexions existantes et la création de nouvelles césures vertes), l’urbanisation (les centres régionaux en rouge et l’urbanisation périphérique en mauve), la mobilité (routes, autoroutes, chemin de fer) et les axes de développement (ici en mauve et rouge hachuré).

Sur ce premier plan de situation, on peut constater que le secteur des Cherpines- Charottons se situe dans la zone périurbaine au sud du centre de l’agglomération. On peut déjà constater à cette échelle qu’il existe dans le schéma d’agglomération un axe de développement entre et St-Julien, longeant la route de St-Julien et qui comprend le secteur des Cherpines-Charrotons.

Enfin, comme nous l’avons mentionné en introduction, un des objectifs majeurs du Canton de Genève est de construire un maximum de logements afin de répondre aux évaluations de la croissance démographique pour 2030. On retrouve cette idée directrice dans les objectifs du Projet d’agglomération et dans le Plan Directeur Cantonal 2030 (voir ci-dessus), ainsi que dans de nombreux débats publics, textes de lois, discours, articles de presse et interventions politiques ces dernières années.

Lors de la dernière législature, le logement fut ainsi une question centrale de la vie et de la politique genevoise, devenant en quelques années le thème principal des campagnes électorales et l’argument majeur et incontournable lors des débats liés à l’aménagement, notamment par un accord signé en 2006 entre les partenaires sociaux et l’Etat, jetant les bases d'une Nouvelle Politique du Logement articulée autour de quatre piliers : assouplissement des contraintes en zone de développement (abandon de la règle des "deux tiers - un tiers"); constitution d'un socle de logements d'utilité publique (LUP) à hauteur de 15% du parc locatif; développement de la propriété individuelle et de la coopérative;

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Faculté des Sciences Économiques et Sociales Semestre d’automne 2011 maintien des aides personnalisées. Cet accord s'est notamment concrétisé par l'adoption d'une loi débloquant 300 millions de francs sur dix ans pour réaliser des LUP.55

L’objectif du gouvernement genevois est actuellement la construction de 2'500 logements par année, afin de permettre l’accueil des nouveaux arrivants prévus par les estimations chiffrées énoncées dans le Plan Directeur Cantonal et le Projet d’agglomération, mais aussi dans le but annoncé de vouloir réguler le marché et permettre ainsi à toutes et tous d’avoir accès à un logement décent et correspondant à ses besoins :

« En visant la constitution d'un parc de logements sociaux important, stable et en mains de collectivités ou d'organismes sans but lucratif, le législateur répond à l'érosion du parc de logements subventionnés qui a diminué de plus de la moitié en 20 ans. Or, dans le même temps, les besoins de la population en logements accessibles n'ont pas diminué. Cette nouvelle politique doit également permettre la prise en compte de l'évolution sociale qui ne correspond plus au modèle des années 60 ».56

4.1 Procédures, institutions et problématiques de l’aménagement genevois

Contrairement au reste de la Suisse, l’aménagement du territoire genevois n’est pas du ressort des communes mais de l’Etat et des services cantonaux : Département des Constructions et Technologies de l’information (essentiellement l’office de l’urbanisme, office du génie civil, office du logement, office des bâtiments), Département de l’Intérieur et de la mobilité (direction générale de la mobilité, mensuration officielle…). Ceux-ci devant bien sûr répondre aux exigences légales en vigueur, aux orientations souhaitées par le Conseil d’Etat et votées par le Grand Conseil, tout en s’assurant (dans l’idéal) une collaboration des élus locaux dans les communes.

En effet, il faut ajouter à l’exception genevoise une remarque sur la lutte entre pouvoir juridique et pouvoir institutionnel : dans la pratique, les conseillers d’Etats n’osent plus

55 Site officiel de l’Etat de Genève, « Le mot du Magistrat », http://www.ge.ch/logement/nouvelle- politique/mot-magistrat.asp, consulté le 06 décembre 2011

56 Site officiel de l’Etat de Genève, « Qu’est-ce que la Nouvelle Politique du logement ? », http://www.ge.ch/logement/nouvelle-politique/qu-est-ce.asp, consulté le 06 décembre 2011

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Faculté des Sciences Économiques et Sociales Semestre d’automne 2011 prendre une décision frontalement contre l’avis des communes, car il paraît désormais difficile de se passer de l’avis des décideurs et groupements locaux. Les communes n’ont en théorie qu’un pouvoir de préavis et de consultation, mais l’Etat cherche en règle générale à établir un consensus entre les communes et le canton de Genève, les magistrats du canton ne contraignant pratiquement jamais juridiquement les communes (cela peut toutefois être le cas dans certains projets, tels les communaux d’Ambilly ou les Grands Esserts sur le plateau de Vessy).

De plus, des consultations et concertations se font également de plus en plus avec la société civile (entreprises, associations, habitants…), notamment dans le cadre de partenariats publics-privés, toujours plus nécessaires afin d’assurer le financement de grandes infrastructures, mais aussi en vue de la simple réussite et de l’aboutissement des projets, devenant compliqués voir bloqués en cas d’oppositions trop importantes.

En 2001, Ola Söderström, Béatrice Manzoni et Suzanne Oguey ont analysé dans leur article sur les lendemains d’échecs les raisons et conséquences des insuccès des grands projets d’aménagement à Genève, telles la traversée de la rade, présentant notamment 3 explications évoquées par la presse : « la première tourne autour de la concertation : on estime qu’il n’y en a pas eu assez (place des Nations) soit que l’expérience a été faite (avec le projet pour la place Neuve) que la concertation ne fonctionne pas. La seconde insiste sur la crise de confiance de la population dans les capacités de projet des pouvoirs publics. La troisième reprend un refrain connu : la diffusion d’une culture du refus – le « neinsagerisme » - dans la population suisse. Genève ne serait dans ce dernier cas qu’un symptôme d’un mal helvétique plus général »57.

Dix ans plus tard (une période assez longue pour la politique, mais relativement courte pour l’évolution des projets urbains), ce constat peut être reporté sur les nouveaux grands projets, sur lesquels les autorités politiques et/ou administratives s’efforcent de communiquer : le CEVA, le Projet Praille-Acacias-Vernets, le projet d’agglomération. Les outils et instruments pour communiquer sur ces projets sont variés mais doivent pouvoir toucher une part de population la plus large possible, et dans le meilleur des cas permettre

57 SÖDERSTRÖM O., MANZONI B., OGUEY S., « Lendemains d’échecs, conduite de projets et aménagement d’espaces publics à Genève », DISP 145, 2011, p.19

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Faculté des Sciences Économiques et Sociales Semestre d’automne 2011 un retour. On peut mentionner par exemple les expositions (telle que l’exposition « Le PAV s’expose »), les consultations publiques, les médias, par exemple via l’émission mensuelle AGGLO sur Léman Bleu et TV8 Mont-Blanc)58, les présentations publiques, les ateliers, etc. Tous cependant n’ont pas le même impact, et ne permettent pas d’avoir un retour des avis exprimés.

Entre temps, des éléments explicatifs de la crise de confiance de la population se retrouvent dans l’échec (avéré ou ressenti) de divers projets, notamment depuis 2001 avec les problèmes que rencontrent la plupart des projets (Stade de la Praille, CEVA ou plus récemment, le projet de patinoire cantonale par exemple), la population semble avoir l’impression, notamment à travers les recours, oppositions, référendums ou médias (notamment les blogs), que les délais, les coûts, les procédures ou promesses ne sont jamais tenus, et par extension ont le sentiment que les services ou politiciens en charge de ces projets ou plus généralement de l’aménagement ne sont pas compétents.

On constate également une forte médiatisation des planifications, notamment les projets d’envergure et en particulier les problèmes rencontrés par ceux-ci, ce qui renforce, pour une part non négligeable de la population, cette crise de confiance et les sentiments d’échecs et d’abus.

Evidemment, ces avis ne tiennent pas compte des changements de personnes au sein des services ou des changements de législatures, alors que les projets, de par leurs durée de vie, doivent les traverser, engendrant évidemment retards et surcoûts.

Pour exemple, on apprend dans un article de la Tribune de Genève du 25 Novembre 2011 que Pascale Lorenz, cheffe du projet Praille-Acacias-Vernets, « jette l'éponge après avoir dirigé le dossier depuis juillet 2010. […] Il s'agit du troisième départ à la direction du PAV depuis le lancement du projet en 2008. Benoît Genecand, l'ancien directeur d'UBS Genève, avait fait un passage éclair de deux mois. Après une longue vacance, Sylvie Bietenhader avait pris la tête ad interim de l'immense chantier en septembre 2008 pour le quitter moins d'une année plus tard.

58 Voir AGGLO : Emission transfrontalière, http://www.lemanbleu.ch/emissions/agglo-lemission- transfrontaliere

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Finalement Pascale Lorenz était entrée en fonction le 1er juillet 2010, après avoir, elle aussi, dirigé le PAV ad interim dès l'automne 2009 »59.

Evidemment, de tels changements ne sont pas sans susciter des retards importants, des conceptions et une gestion des projets différenciées et plus complexes à gérer, voire des malentendus, certaines informations pouvant ne pas circuler entre les responsables et leurs successeurs.

Pour limiter les oppositions, réunir et persuader les acteurs et l’opinion publique du bien- fondé et de la nécessité d’un projet, il faut convaincre de sa pertinence, son potentiel et son réalisme. Autrement dit, le bon projet au bon endroit avec un calendrier réaliste, réunissant idéalement tous les acteurs, répondant aux besoins avec des moyens judicieux et dans l’intérêt public. Or, l’intérêt public n’est plus si facile à appréhender dans le contexte sociétal actuel, par la multiplicité des acteurs et des enjeux.

« L’intérêt public, ou sa forme plus spécifique lié à une action déterminée : le bien commun, n’est pas identifiable a priori. Nous avons aujourd’hui affaire à une société émiettée, une société faite de minorités dont les intérêts communs deviennent difficiles à déterminer. Par conséquent, la réalisation de projets destinés à la collectivité, comme ceux concernant l’espace public, sont confrontés à une population dont la demande est difficile à identifier et souvent contradictoire. Dans un tel contexte, il s’agit de jeter des ponts entre ces minorités, d’élaborer un bien qui puisse être commun. Autrement dit, le bien commun ne peut pas, ne peut plus, être postulé : il doit être construit »60.

Pour élaborer ce bien commun, il faut non seulement récolter les avis et consentement des acteurs et de l’opinion publique, mais aussi les intégrer aux processus de réalisation et de décision. Pour cela, il faut dégager les enjeux pour la société dans son ensemble, à travers l’expression des intérêts particuliers et problématiques rencontrées par, dans l’idéal, tous les acteurs concernés.

59 CETON A-E., « La cheffe du PAV jette l’éponge », Tribune de Genève, 25 novembre 2011

60 SÖDERSTRÖM O., MANZONI B., OGUEY S., « Lendemains d’échecs, conduite de projets et aménagement d’espaces publics à Genève », DISP 145, 2011, p.26

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V. Contexte et étapes clés du projet des Cherpines

Ainsi que nous l’avons vu, le projet des Cherpines s’inscrit dans un contexte local et régional complexe et doté d’enjeux forts (rareté de l’espace, logement, emploi, démographie…), se distingue par une multiplicité d’acteurs et d’intérêts, et par de fortes réactions critiques aux projets d’aménagement, souvent directement proportionnelles à leur envergure et en particulier lorsque les acteurs se situent dans le lieu concerné ou son environnement immédiat.

Pour reprendre les hypothèses des causes d’échecs des projets urbains à Genève de Söderström, chacune des explications avancées peut apporter des éléments de réponse mais demande à être vérifiée dans chaque contexte, car leur degré d’influence dépend du projet. D’ailleurs, cette culture du refus, le « neinsagerisme helvétique » peut sembler survenir davantage encore à Genève que dans les autres régions suisses, notamment par la particularité genevoise que l’Etat soit en charge de l’aménagement (même si les autres cantons sont investis avec l’élaboration de Plans directeurs Cantonaux).

En effet, la plupart des projets à Genève des dernières décennies ont été confrontés à ce « neinsagerisme » : on s’oppose pour un principe (économique, social, environnemental), on rejette tout projet de changement (directement corrélé à sa taille, son importance ou sa médiatisation), oppositions dans lesquelles on retrouve fortement le syndrome NIMBY. Dans le cas des Cherpines, il suffit d’analyser les résultats du référendum du 15 Mai 2011 sur le déclassement de la zone concernée pour s’en rendre compte.

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Figure 7 : Résultats du référendum du 15 Mai 2011 sur le déclassement de la zone Cherpines-Charottons (Tribune de Genève, 16 Mai 2011)

« Mark Müller se trouve dès lors dans une position délicate. Soit il passe en force, au risque de se mettre à dos ses propres électeurs, soit il transige et négocie avec les communes. Dans ce cas, il est certain que les projets vont s’effilocher. […]. Mark Muller veut alléger les procédures tout en offrant une solution pour financer les infrastructures que requièrent les projets de logements et qui plombent les finances communales. Les discussions n’ont pour l’heure pas abouti. Mais il y a urgence. Car les résistances des irréductibles «Neinsager» créent une spirale négative et dangereuse. Certaines communes bien disposées à l’urbanisation commencent à douter »61.

Déjà envisagée dans le Plan Directeur Cantonal de 2001, le projet d’urbanisation de la zone des Cherpines-Charrotons a réellement vu le jour en 2008 par la mise en place d’une étude de faisabilité, menée en parallèle des travaux sur le PACA St Julien – Plaine de l’Aire. Les PACA (Périmètre d’Aménagement Coordonné d’Agglomération) représentent des territoires délimités découpant le territoire régional en zones de développement, et

61 FRAUTSCHI P., « Mark Müller confronté aux “Neinsager“ de son camp », Tribune de Genève, 29 Novembre 2011

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Faculté des Sciences Économiques et Sociales Semestre d’automne 2011 représentent les premières mises en œuvre du Projet d’Agglomération Franco-Valdo- Genevois :

Figure 8 : Projet d’agglomération Franco-Valdo-Genevois (PACA St Julien-Plaine de l’Aire : Etude test à 2 degrés, 2009)

Sur la carte ci-dessus sont identifiées les zones de développement et lignes directrices du bassin régional genevois. On remarque que ces zones semblent suivre les principaux axes de transport existants : Rives du lac Léman, route de Meyrin, route de , route de St- Julien, et route de Malagnou. Actuellement, les projets de développement urbains suivent ces axes de transport par la création de nouvelles lignes de transports publics, en particulier les trams et RER, qui sont accompagnés de la volonté d’urbaniser une zone de 500 mètres de larges autour de ces lignes.

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Figure 9 : Présentation -Beusch, (PACA St Julien-Plaine de l’Aire : Etude test à 2 degrés, 2009)

5.1 Le PACA St Julien – Plaine de l’Aire

« En 2008, le collège du PACA St-Julien a confié à une équipe d’experts, l’équipe « Mayor-Beusch », d’approfondir les réflexions selon cinq domaines »62 :

d) le système de mobilité, qui a mené au projet de création d’un pôle de transport multimodal à Perly, accompagné d’une ligne de tram allant de St-Julien jusqu’au réseau existant (Bachet-Palette) et reliant la gare de Genève.

e) les pôles d’activités, dont le développement devra exploiter les avantages de la « biolocalisation » d’entreprises, chaque site ayant une vocation spécifique.

f) les limites des trois campagnes, identifiées lors de la première étape du PACA (campagne patrimoniale, serres et grands champs), par l’établissement d’une typologie des franges, autrement dit l’affectation ou l’utilisation de chaque bande de terre agricole.

g) l’urbanisation sur l’axe du tramway, comme mentionné ci-dessus, par la densification des zones le long des axes, par l’étude de quartiers-tests.

62 Projet d’agglomération Franco-Valdo-Genevois, « PACA St Julien-Plaine de l’Aire : Etude test à 2 degrés, compte-rendu de la 2ème table », 20 Juin 2009, p.6-9

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h) le quartier de la Gare à St-Julien, avec le remaniement du viaduc routier, un tunnel d’évitement du centre-ville, et un quartier de la gare à créer.

5.2 Le projet des Cherpines

Le projet des Cherpines-Charottons se situe dans une zone principalement agricole mais également sportive est située sur la Plaine de l’Aire entre l’autoroute de contournement de la ville à l’Ouest, la Zone industrielle (ZIPLO) séparée du site par la route de base au Sud, la rivière l’ « Aire » au Nord et une zone villas à l’Est.

A la suite de l’identification de cette zone dans le Plan Directeur Cantonal de 2001 et du PACA Plaine de l’Aire en 2008, le canton a procédé à une première étude de faisabilité dès 2008. Le but était alors d’évaluer les possibilités de développement (notamment la création d’un nouveau quartier comprenant des logements, des services publics, des activités économiques, culturelles et sportives), et évidemment d’identifier les thématiques préexistantes sur la zone de développement concernée.

Des deux documents porteurs précités (PACA et Plan Directeur Cantonal), les enjeux et concepts qui ressortent de leurs grandes orientations et stratégies sont la mobilité, l’environnement, l’étalement urbain, le logement, les activités économiques, le foncier, et les flux.

Lors de la première étude de faisabilité, on retrouve la plupart de ces thématiques, à partir des éléments liés à l’histoire et au zonage original de ce territoire, ainsi qu’à certains projets s’y déroulant déjà. On peut ainsi relever que cette zone est essentiellement dédiée au travail agricole, mais également à une zone sportive avec le stade des Cherpines, le Tennis-Club des petites fontaines, ou encore le centre équestre « la Gavotte ».

On retrouve aussi la problématique environnementale avec le projet déjà bien avancé de renaturation de la rivière « l’Aire », dont la seconde étape est terminée depuis 2009 et la troisième doit s’achever en 2012, ou encore la zone villas, la zone industrielle et l’autoroute qui entourent la délimitation choisie pour ce projet.

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Figure 10 : Ebauche de développement du quartier (PACA St Julien-Plaine de l’Aire : Etude test à 2 degrés, 2009)

A la suite de cette première étude, les communes, via leurs conseils administratifs notamment, ont décidé de se poser en partenaires du canton pour que le développement de cette zone corresponde aux volontés des citoyens et autorités locales.

Un agenda de mise en œuvre du projet de développement de la zone a ainsi été mis en place entre le Canton et les communes :

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Figure 11 : Mise en œuvre et étapes-clés du projet des Cherpines-Charottons (Office de l’urbanisme, Présentation du 10 Octobre 2011)

Le calendrier reproduit ci-dessus et élaboré par l’Office de l’Urbanisme (version du 10 octobre 2011) présente les différentes phases d’élaboration du projet d’aménagement des Cherpines-Charrotons. Il a l’avantage de permettre de se rendre compte de la manière dont sont envisagées ces étapes, notamment l’évaluation de leur durée dans le processus complet, mais également celles pouvant se dérouler en parallèle ou se chevauchant. Par contre, il n’indique pas quels acteurs (politiques, services étatiques, communes, associations) sont concernés par chaque processus, ni à quels moments ils interviennent ou sont pris en compte, et ne représente pas non plus le déroulement opérationnel de chacune de ces phases. Enfin, il ne mentionne pas les processus participatifs en tant que tels, ni s’ils sont prévus ni leur déroulement dans le temps, ni à travers quelles étapes ils devront s’exprimer.

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VI. Les procédures participatives du projet Cherpines Comme relevé au chapitre précédent, les différentes étapes du projet, telles qu’elles sont reproduites dans le tableau de mise en œuvre, ne mentionnent pas les acteurs concernés ni les processus participatifs à l’œuvre. Pour bien identifier quelles sont les procédures permettant la participation, il est alors apparu nécessaire d’interroger des responsables du projet, à la fois au canton et dans les communes, pour comprendre comment les procédures avaient été envisagées, organisées, leur utilité et la manière dont les retours et résultats sont intégrés dans le projet. Mais c’était aussi et surtout un moyen de pouvoir confronter les différentes visions et représentations de ce qui était considéré comme participatif par les uns ou par les autres, et ce qui ne l’était pas.

Le but de ce premier chapitre sera d’analyser les représentations des élus, de l’administration ou de l’Etat à travers leurs discours, nous permettant l’identification des processus participatifs : est-ce que ces processus sont une contrainte administrative, une opportunité de réduire les oppositions, une réelle façon d’améliorer le projet par l’apport d’idées et de la connaissance apportée par la pratique quotidienne du territoire ? Est-ce que les discussions avec les citoyens ou les associations sont des moyens de faire accepter un projet d’aménagement, faire passer un message politique ou vraiment essayer d’améliorer ce projet ? Est-ce que cette récolte d’avis représente simplement l’expression de besoins immédiats ou pensés à long terme, et à quelle représentativité équivaut-elle ?

Pour Ruben Villenave, responsable du projet Cherpines à l’Office de l’Urbanisme, rattaché au Département des Constructions et Technologies de l’Information, la participation s’est faite en plusieurs phases :

« Pour la Direction des grands projets de l’Office de l’urbanisme, à laquelle appartient le projet Cherpines et les nouveaux PSD (Plan Stratégique de Développement), dont Bernex-Nord fait partie, ces projets-là ont tous la vocation de se faire en concertation avec les associations, les élus locaux, etc. C’est une nouvelle méthode qu’on est en train d’instaurer, pour les Cherpines c’est un peu différent. Je dirai que la concertation n’est pas venue d’en-haut mais elle s’est imposée naturellement, dans le sens où l’on a déjà, dès le début, travaillé avec les communes, qui ont des

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Faculté des Sciences Économiques et Sociales Semestre d’automne 2011 conseillers municipaux, des conseillers administratifs, ils sont plus proches des habitants. Ils ont organisé des ateliers divers, ceux auxquels vous-même avez contribué, et on a essayé de continuer ce travail-là et de l’amplifier ».63

Ainsi pour les services cantonaux, la concertation (voire même des éléments de codécision) avec les communes est perçue comme une participation, les élus locaux étant considérés comme plus proches des revendications et besoins de leurs citoyens, associations ou entreprises actives ou implantées localement.

La participation de la société civile est alors indirecte car elle peut selon cette conception signifier une simple transmission d’informations entre le local et l’Etat, même si les communes jouent ici le rôle d’intermédiaire. Dans ce cas, tout dépend alors de la manière, de la volonté et des moyens des communes d’acquérir et de transmettre les informations, de la transparence usuelle (ou spécifique au projet) des décisions, et des divers intermédiaires (personnes morales) qui peuvent intervenir pour représenter les intérêts divers de la population (associations, entreprises, lobbies…).

Néanmoins, « ces situations [de mobilisation des riverains] marquent aujourd’hui tous les aménagements. Pourtant le contrôle des nuisances et des impacts sur l’environnement est de plus en plus précis et les procédures d’information, de participation et de concertation ont été généralisées. Si ces dernières n’ont pas réussi à éliminer les conflits, elles ont néanmoins ouvert de nouveaux espaces de débat sur l’aménagement et le devenir des territoires. Tout se passe comme si chaque projet d’aménagement devait aujourd’hui reconstruire localement les conditions de l’acceptabilité de son implantation »64.

A Lyon par exemple, des conseils de quartier ont été mis en place car « en raison de leur fonction d’outil de dialogue et d’instruments porteurs de revendications populaires (au sens des habitants), les Conseils participent à faire remonter les demandes des citoyens. […] Dans cette logique, il y a une forme de volonté de ‘‘refonder la décision politique’’ (Gontcharoff, 1999b) par

63 Ruben Villenave, entretien du 22 Septembre 2011, voir en annexe

64 MELE P., « Conflits d’aménagement et débats publics », dans JEAN Y., VANIER M. (dir), La France, aménager les territoires, Paris, Arman Colin, 2008, p.97

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Faculté des Sciences Économiques et Sociales Semestre d’automne 2011 l’initiative ou par le soutien populaire. Dans ce cadre, par sa connaissance du terrain permise par le relais constitué par le Conseil, le politique apparaît comme le porteur d’un projet venu ‘‘d’en- bas’’ »65. Ce type de conseils de quartier concerne toutefois plutôt la gestion urbaine que le développement d’un projet.

Dans le cas des Cherpines, et c’est également le cas pour d’autres projets, les communes semblent ouvrir de plus en plus ces espaces de discussion, mais toujours dans la mesure du possible : concertations avec les associations à travers des ateliers (ou dans le cas des Cherpines, des groupes de travail thématiques), mais aussi selon de nouvelles méthodes, telles les tables-rondes, ce qui ne semble pas être le cas pour le projet des Cherpines à ce stade du projet.

Pour P. d’Aquino et S.M. Seck, « bien qu’officiellement participatives, ces démarches semblent toutes fondées sur le principe d’une incapacité des populations locales à analyser elles-mêmes leur territoire et à planifier son développement. Toutes les démarches sont fondées sur des apports exogènes. La réalisation d’un diagnostic externe parallèle à l’expression des souhaits de la population est par exemple un passage obligé »66.

D’après cette constatation, l’expression des avis de la population locale est généralement souhaitable, mais ne peut à elle seule représenter une réflexion suffisante pour l’élaboration d’un projet urbain, et doit impérativement être accompagnée d’une ou plusieurs études extérieures, notamment de la part de professionnels de l’urbanisme : aménagistes, ingénieurs, architectes et/ou géographes. Les besoins exprimés par la population locale et les réflexions de développement plus larges provenant de l’extérieur paraissent ainsi complémentaires pour un développement urbain concerté et réalisable.

65 CHIGNIER-RIBOULON F., « Les conseils de quartier, entre progrès de la démocratie participative et nouvelle territorialisation de l’action politique », Géocarrefour Vol 76, 2001, p.192

66 JOLIVEAU T., AMZERT M., « Les territoires de la participation : problème local, question universelle ? », Géocarrefour, Journal International des Sciences de l’Information et de la Communication, Toulon, 2008, p.173

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Pour Laurent Seydoux, alors conseiller administratif en charge de l’aménagement du territoire à Plan-les-Ouates, la démarche participative s’est faite selon deux axes : un jury chargé de sélectionner le bureau d’urbanisme lauréat du MEP (Mandat d’Etudes Parallèles), et les groupes de travail avec les associations communales et cantonales. « [Le premier axe de la participation est] celui qui permet aux autorités communales de choisir le mandataire qui a participé au Mandat d’Etudes Parallèles, […] puis après dans le jury aussi il y a eu des conseillers municipaux, conseillers administratifs et des représentants de l’association des riverains, des propriétaires, pour finalement sélectionner le bureau d’architectes qui va être chargé d’élaborer le Plan Directeur de Quartier, qui est un élément essentiel car c’est le seul élément qui engage réellement, formellement le conseil d’Etat et les autorités administratives de la commune »67.

Evidemment, il nous faut alors comprendre les objectifs, l’organisation et notamment la composition du jury de ce Mandat d’Etudes Parallèles, afin d’identifier ses composantes participatives, puisqu’il semblait être mentionné comme un processus participatif tant par les responsables du canton que par les élus des communes (de plus, il est un des processus mentionné comme important de la mise en œuvre, comme indiqué sur le calendrier au second chapitre de notre 2ème partie).

6.1 Mandat d’Études Parallèles

Organisé par le Département des Constructions et des Technologies de l’Information du canton de Genève dès Octobre 2009, le Mandat d’Etudes Parallèles (MEP) est un concours ayant pour but de sélectionner un bureau d’urbanisme qui sera en charge d’établir une image directrice (sous forme de carte, schéma et maquette) du futur quartier des Cherpines- Charrotons, image qui sera concrétisée par ce même lauréat sous la forme d’un Plan Directeur de Quartier (PDQ), sous l’égide d’un comité de pilotage. Pour cette sélection a été nommé un collège d’experts devant au final établir un rapport de recommandations sur les meilleures solutions envisagées en vue de l’établissement du PDQ.

67 Laurent Seydoux, entretien du 14 février 2011, voir en annexe

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Cependant, pour que ce MEP puisse être considéré comme participatif (puisqu’il est mentionné comme tel dans les discours tant du canton que des communes), il paraît évident qu’il doit permettre l’expression des avis de représentants des propriétaires de parcelles, des associations actives localement et plus généralement de la population résidente.

C’est donc à travers la composition du collège d’experts que l’on devrait retrouver des représentants de cette population et groupements locaux. Or, sur 29 personnes, une seule provient d’une association de riverains, l’ARPAAC (Association Région Plaine de l’Aire : Cherpines-Charrotons), les autres étant les responsables du projet, des professionnels ou experts (urbanistes, géographes, ingénieurs, architectes, sociologues), ainsi que quelques membres des deux conseils municipaux concernés.68

Evidemment, il est déjà relativement difficile de réunir et concilier les avis de ces quelques 30 personnes, toutes expertes ou très investies dans la réalisation de ce type de projet, cependant on peut émettre quelques doutes sur la représentativité de la population locale avec cette seule représentante non-issue des milieux politiques, administratifs ou professionnels. A ceci, Ruben Villenave répond :

« Au niveau du Mandat d’Etudes Parallèles, il est difficile d’ouvrir ça à la concertation large, je pense plutôt qu’il faut travailler avec des représentants des groupes d’intérêts, et c’est ce que l’on a fait. On avait un collège d’experts de 29 personnes, c’est très lourd à gérer, mais on a pu avoir les avis des uns et des autres et c’est fondamental, on l’a vraiment fait en concertation, cela a permis de définir ensemble un programme et de choisir un projet avec les communes »69.

Dans ce cas, cette explication met en lumière une représentation de ce qu’est la participation de la part des responsables en charge du projet, et il en va de même des élus communaux, de l’Etat ou des services concernés, qui semblent considérer la collaboration canton-communes comme une participation en soi, et qui ne souhaitent pas, pour cette

68 Voir la Composition du collège d’experts du Mandat d’Etudes Parallèles, Annexe N°4

69 Ruben Villenave, entretien du 22 Septembre 2011, voir en annexe

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étape-ci du moins, une représentativité locale supplémentaire, qui pourrait rendre le processus trop complexe ou trop lourd à gérer.

Néanmoins, il est intéressant de relever que ce MEP, de la composition du jury à la sélection du bureau d’urbanisme, en passant par le choix de l’image directrice initiale et de ses composantes, s’est réalisé de manière parallèle et totalement indépendante de la création et la récolte des projets dans les groupes de travail thématiques.

On peut alors poser la question de la raison de ce choix de procédure, notamment la nomination et le travail d’un jury qui ne contient pas de représentant de ces groupes de travail ? Ou plus largement, l’intérêt de lancer un MEP avec des critères précis et concertés entre l’Etat et les communes (ainsi que quelques acteurs choisis avec soin) alors que le processus participatif des groupes de travail suit son cours… Dans les circonstances présentées ci-dessus se pose alors la question de la représentativité des acteurs locaux : des rencontres autres que celles mentionnées dans nos entretiens ont-elles eu lieu ?

Pour Françoise Joliat, alors conseillère administrative à Confignon : « il y avait un des partenaires de l’administration en charge du projet. Lui est allé trouver tous les propriétaires de parcelles de Confignon sur les Cherpines, pour aller discuter avec eux. Puis il y a eu des réunions de propriétaires. […] Les propriétaires se sont aussi regroupés en association, j’imagine que l’association n’est pas uniquement confignonnaise, il doit y avoir aussi des gens de Plan-les-Ouates qui sont dedans, et c’est devenu des partenaires de discussion indispensables »70.

Ainsi, en dehors du MEP, certains responsables dans les communes, au moins pour ce qui concerne Confignon, sont allés à la rencontre des acteurs du terrain, en plus des groupes de travail, notamment auprès des propriétaires, afin de récolter leurs avis. Ce genre d’initiative nécessite une bonne circulation de l’information au sein des communes (et entre-elles lorsque le projet est intercommunal), entre les services communaux, les conseillers municipaux et les conseillers administratifs membres du collège d’experts du MEP, afin d’appréhender l’ensemble des avis et intérêts exprimés. Aucun acteur interrogé n’ayant mentionné précisément l’organisation, les tâches ou le déroulement de ce type de

70 Françoise Joliat, entretien du 28 février 2011, voir en annexe

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Faculté des Sciences Économiques et Sociales Semestre d’automne 2011 rencontres dans nos entretiens, lors des séances publiques ou dans les groupes de travail, nous pouvons dès lors émettre quelques réserves sur l’institutionnalisation, la coordination et la prise en compte des résultats d’une telle consultation.

6.2 Pilotage hiérarchisé du projet Cherpines

La figure ci-après tirée du cahier des charges du Plan Directeur de Quartier représente la hiérarchie du pilotage du projet telle qu’elle a été organisée par l’Etat. Elle se compose d’un comité de pilotage qui envisage les options stratégiques, prend les décisions sur les grandes orientations et valide les choix pris dans les groupes subordonnés. Ce comité est composé du conseiller d’Etat en charge de l’aménagement du territoire, Monsieur Mark Müller, des chefs de projet du DCTI et du DGAT (Direction Générale de l’Aménagement du Territoire), ainsi que de conseillers administratifs des deux communes.

Figure 12 : Organigramme du pilotage hiérarchisé du projet des Cherpines-Charottons (Cahier des Charges du Plan directeur de Quartier, décembre 2010)

Au niveau opérationnel, le COPRO est un groupement plus large qui réunit des acteurs officiels, comme les services de l’Etat, les communes et la Fondation pour les Terrains Industriels de Genève (FTI) : « Le COPRO peut se réunir à composition variable en fonction des problématiques posées. Il est alimenté par le travail issu des groupes thématiques qu'il consulte,

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Faculté des Sciences Économiques et Sociales Semestre d’automne 2011 coordonne et anime. Ces groupes se réunissent en parallèle du calendrier d’élaboration du PDQ. Il s’agit notamment des groupes : économique et foncier ; sport, loisirs, culture ; agriculture ; développement durable ; espace public et usages collectifs ; commerce ; communication ». 71

A cette description, il faut ajouter que dans ces groupes thématiques cantonaux, il a été rendu possible aux participants des groupes de travail communaux de postuler pour pouvoir être représenté dans plusieurs de ces groupes, notamment le groupe « sport, loisirs, culture » ou encore « espace public et usages collectifs ». J’ai pu par ce moyen assister et participer aux séances de ces deux groupes, dont l’organisation et les buts étaient très variés. Le groupe « sport, loisirs et culture » réunissait en effet des personnes fortement impliquées dans les processus précédents, déjà au courant de la plupart des discussions et décisions prises dans l’élaboration du PDQ, et il semblait alors possible d’apporter des éléments de réflexions nouveaux pour cette élaboration. Ce groupe était également animé par les responsables en charge du projet, et organisé en de nombreuses séances relativement régulières qui permettaient d’avoir un suivi cohérent des évolutions et étapes du projet, donnant l’impression aux participants d’être intégrés dans de vraies réunions de travail, une dizaine au total.

Le second groupe « espace public et usages collectifs » était quant à lui un espace de réflexion plus général, réunissant certains acteurs locaux et notamment des responsables de services communaux, pour certains ayant participé à des discussions préalables ou à certaines phases du MEP, ayant beaucoup d’éléments à apporter sur les pratiques et besoins liés aux activités des services communaux, mais possédant semble-t-il moins d’informations sur l’avancement du projet préalablement à leur participation. La particularité de ce groupe était d’une part qu’il était mené et dirigé sous forme de table ronde ou d’atelier de réflexion par un mandataire extérieur à l’Etat (l’association Equiterre), et également par le faible nombre de séances, 3 en tout.

Notons cependant que de ces deux groupes est ressortie la volonté de continuer le travail qu’ils avaient commencé pour le Plan Directeur de Quartier pour l’élaboration des Plans

71 Cahier des Charges du Plan directeur de Quartier, « Définition, pilotage et composition de suivi de l’étude », version du 06 décembre 2010, p.20

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Localisés de Quartier, volonté qui a été également été affirmée par les responsables, afin de garder une continuité et une cohérence entre les différentes phases du projet.

Enfin, nous devons mentionner que plusieurs séances d’informations et présentations du projet ont été réalisées au cours de chaque phase du projet, tant durant le MEP que l’élaboration du PDQ. Ce fut notamment le cas lors de la Journée des Entreprises de Plan- les-Ouates le 7 Octobre 2010 à Plan-les-Ouates, ou encore lors d’une séance d’information publique le vendredi 17 septembre 2010 à l'Ecole de commerce Aimée-Stitelmann72.

Ainsi, en plus de l’organisation du MEP, des groupes thématiques cantonaux et des séances d’informations ou de consultations publiques, s’organisent en règle générale dans les communes des procédures participatives réunissant les acteurs locaux pour ce type de projet d’aménagement.

6.3 La participation locale, une affaire strictement communale ?

Dans le troisième chapitre de notre deuxième partie, nous avons pu montrer que la législation mentionne l’obligation d’informer et de consulter la population, mais sans faire mention des procédures, méthodes et de l’intégration des résultats de ces consultations. Il nous semblait alors intéressant de se poser la question des obligations ou incitations législatives ou administratives, notamment quelles institutions sont en charge de l’organisation concrète et du déroulement de tels processus :

« Le canton incite de plus en plus de le faire, et l’impose même ! On a là l’exemple de tous les projets qui partent maintenant, on organise des tables rondes, très tôt : il y en a aux Grands-Esserts, il y en a eu à Bernex, et ces processus de concertation avec tables rondes, où on a les représentants des associations cantonales, communales, etc. accompagnent le projet tout le long, à des moments- clés. Aux Cherpines, on n’avait pas encore tout à fait les idées très claires par rapport à cette méthode-là, donc il a démarré un peu avant qu’on ait instauré la méthode, et on souhaite quand même maintenant organiser une table ronde »73.

72 Voir le Communiqué de presse – Présentation publique du 17 Septembre 2010, annexe N°2

73 Ruben Villenave, entretien du 22 Septembre 2011, voir en annexe

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Autrement dit, le projet des Cherpines semble avoir démarré à une période où ce type de démarches participatives n’était pas encore formalisé dans les procédures cantonales. C’est notamment une des raisons pour laquelle le DCTI souhaite actuellement organiser une ou plusieurs tables rondes durant la première moitié de l’année 2012, permettant ainsi de créer une vraie complémentarité avec les phases obligatoires de consultation (acceptation par tous les services cantonaux, votation par le Grand Conseil, puis mise à disposition du dossier au public) prévue par la législation concernant la validation du Plan Directeur de Quartier.

Cependant, on peut s’interroger sur les retombées d’une table-ronde à ce stade du projet : les avis exprimés pourront-ils être récoltés et permettront-ils de remettre en question certaines composantes du projet, alors qu’il est si avancé ? Comment pourrait-on classifier ces tables-rondes, selon la catégorisation que nous avons élaborée dans la première partie : une simple information, une consultation publique, ou une concertation avec les acteurs concernés dans laquelle les opinions et remarques sont intégrées au projet ?

« Je pense que si on avait fait la table ronde suite au MEP on aurait pu vraiment l’appeler concertation. Là puisqu’on a travaillé presque une année, c’est quelque chose entre la concertation et l’information, ce n’est pas juste une consultation c’est quand même… on est ouverts à toutes les idées et même à changer des choses. Mais cette concertation n’est pas parfaite parce qu’elle vient tard dans le processus »74

De la même manière, si le canton tient à ce que ces tables-rondes aient lieu, il cherche néanmoins à poursuivre l’élaboration du projet telle qu’il l’avait commencée, avec l’organisation et le calendrier que nous avons explicités dans les chapitres précédents. Ceci notamment en intégrant le travail de participation qui avait déjà été mené en amont par les communes, avec l’organisation très tôt dans le processus des groupes de travail sportifs et culturels, réunissant de nombreux acteurs afin de récolter les besoins et projets locaux (essentiellement mais pas uniquement), pour permettre d’évaluer les surfaces nécessaires au développement d’une vie de quartier.

74 Ruben Villenave, entretien du 22 Septembre 2011, voir en annexe

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VII. Logiques de constitution des groupes de travail Ainsi, après cette première analyse de la planification du projet et des composantes décisionnelles hiérarchisées, dont la partie MEP est vue comme le premier axe de la participation par les autorités, le second axe mentionné par celles-ci est celui des groupes de travail communaux qui se sont créés à partir de discussions préexistantes entre les acteurs locaux (culturels et sportifs notamment) et les autorités communales.

De ces discussions ressortait qu’il existait de nombreux projets ne pouvant aboutir faute d’espace, ou de la bonne localisation : « Nous avions là une zone qui est complètement vierge, des opportunités d’espaces, alors soyons à la réflexion au départ, car tout l’espace qui n’est pas prévu au départ on ne le récupère pas. C’est sur cette base-là d’abord sportive avec les associations de la commune, l’association genevoise des sports, mais également culturelles par la suite, qu’un groupe de travail (un petit peu informel en tant que tel même s’il a été reconnu par le conseil municipal, avec un montant assez conséquent pour animer ce groupe-là), s’est tenu assez régulièrement, à peu près tous les mois, pour récolter les différents projets dans ces domaines-là, sports, culture, loisirs… » 75

Pour les autorités communales, le projet des Cherpines présentait un potentiel de surfaces, un espace entièrement aménageable pour créer un nouveau quartier et y inclure ces divers projets, afin de le rendre riche en activités, participant ainsi à la qualité de vie de ce futur quartier, une vraie rencontre entre les gens et un espace publique accueillant, dans le but d’éviter de créer uniquement du logement et du sport sans penser aux services publiques :

« Quand on a appris que cela devenait une priorité pour le conseil d’Etat de développer le secteur des Cherpines, depuis le début j’ai souhaité que la commune s’inscrive comme partenaire, pour éviter d’avoir une cité-dortoir ou une urbanisation qui ne corresponde pas aux souhaits de la commune. Pour ce faire, on a commencé par faire une image directrice de ce secteur-là, en tenant compte du souhait de la commune depuis 20 ans, que ce secteur soit dévolu principalement pour la partie sportive. […] Sur cette base-là, on s’est dit que s’il y a des activités sportives, cela ne doit pas

75 Laurent Seydoux, entretien du 14 février 2011, voir en annexe

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Faculté des Sciences Économiques et Sociales Semestre d’automne 2011 vivre que le soir et les week-end, cela doit vivre toute la journée, cela doit travailler avec la zone industrielle, avec les écoles, enfin des vrais lieux de vie : de sports, de loisirs, de culture, de commerces, pour arriver à un équilibre public-privé ».76

Dans le cas des Cherpines, il semble que la constitution de ces groupes de travail sportifs et culturels soit intervenue très tôt dans le projet, ainsi il était intéressant de chercher comprendre les logiques de leur création, leur organisation et leur composition, d’interroger quelle est leur nécessité et leur importance dans un projet d’aménagement de ce type, et enfin de déterminer quelle peut être leur utilité et leurs débouchés tant pour les autorités que pour les participants dépositaires de projets.

7.1 Analyse de la création, des objectifs et méthodes des groupes de travail

Il ressort des différents entretiens que c’est tout d’abord la commune de Plan-les-Ouates qui semble avoir pris l’initiative de la mise en place puis de la gestion de ces groupes de travail, avec la présence souhaitée d’associations et clubs locaux. Ces groupes reposent donc sur la volonté de certains élus de mener des processus participatifs, à partir des clubs et fédérations sportives dans un premier temps, puis des associations culturelles (près d’une année après), afin d’intégrer au projet de la manière la plus large possible les personnes intéressées, motivées et investies dans des projets locaux voire régionaux.

Cette volonté municipale d’intégrer des acteurs associatifs se retrouve aussi dans d’autres contextes, dont les remarques sont applicables à celui des Cherpines : « La communauté urbaine de Lyon a décidé de mettre en place les ateliers de dialogue urbain afin que la formation et l’échange dépassent celui des élus et des techniciens pour s’ouvrir à la société civile : l’objectif étant de trouver un espace de dialogue dépourvu de toute tension qu’on pourrait retrouver dans une concertation opérationnelle ciblée sur un projet particulier. Deux grands objectifs sous-tendent ces ateliers : le premier politique, celui de promouvoir la participation citoyenne et le débat entre les

76 Laurent Seydoux, entretien du 14 février 2011, voir en annexe

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Faculté des Sciences Économiques et Sociales Semestre d’automne 2011 différents acteurs ; le deuxième urbanistique, celui de diffuser une culture urbaine commune auprès des acteurs de la ville »77.

Ainsi, à ce premier objectif annoncé de récolte des projets et de promotion de l’investissement citoyen dans le développement local, on peut ajouter un second objectif qui semble se dégager de ce type de groupes, soit la « diffusion » des considérations politico- administratives du projet urbain, autrement dit la préparation, la formation de l’esprit de quartier.

En effet, chaque acteur possède un avis ou un projet qu’il souhaite pouvoir exprimer au travers de ces groupes, mais chacun possède aussi une territorialité spécifique à sa pratique de l’espace concerné. Le rôle d’un processus participatif tel que celui-ci est donc aussi de concevoir un projet qui réunit ces avis et fusionne ces territorialités pour créer un nouvel espace commun, une culture du nouveau quartier.

Cette création d’un esprit de quartier, d’une vision commune va de pair avec la réussite du processus, incluant donc également la responsabilisation de ces acteurs, le but étant de les investir dans le projet pour lui assurer un soutien local, voire même selon les cas une promotion du projet via les associations présentes et leurs réseaux respectifs.

« L’important c’est que maintenant les politiques veulent avoir des alliés, et ce sont les associations, les politiques peuvent davantage défendre le projet. Si on n’a pas d’alliés, c’est difficile de faire comprendre aux gens le projet qui vient d’une vision politique ».78

En effet, à l’échelle locale, la participation des associations et clubs locaux permet d’obtenir un soutien fort et éviter les contestations ou oppositions. C’est en fait un moyen de convaincre les leaders d’opinions que sont certains responsables associatifs, grâce à des séances régulières et des explications et discussions directes, processus d’argumentation renforcé par le sentiment de ces associations d’être investies dans le projet. Evidemment, la

77 SALAMON J., « Territoires, projets urbains et participation citoyenne : dialogue urbain et partage de l'information », VIè Colloque International TIC & Territoire : quels développements, Lyon, 14 & 15 Juin 2007, p.3

78 Pascal Mabut, entretien du 16 février 2011, voir en annexe

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Faculté des Sciences Économiques et Sociales Semestre d’automne 2011 présence de personnalités ou d’acteurs importants des milieux concernés, notamment travaillant à d’autres échelles, renforce ce sentiment d’être partie prenante d’un projet ambitieux mais néanmoins réaliste et accessible aux petites organisations.

Cela peut être un élément qui explique pourquoi l’emprise locale sur ces groupes de travail n’ait pas été totale lors de leur création, avec notamment la présence importante d’acteurs associatifs ou de fédérations dépassant largement le contexte local, avec des enjeux beaucoup plus larges, cantonaux voire supra-cantonaux.

En effet, on a pu voir lors de certaines des premières séances de ces groupes, provenant des milieux sportifs genevois notamment, la présence de personnalités comme Michel Pont (entraîneur adjoint de l’équipe Suisse de football), Chris McSorley (manager et entraîneur du Genève-Servette Hockey Club, ou encore Jacques Deschenaux (journaliste et directeur du département des Sports de la TSR durant une dizaine d’années).

La présence de ces noms reconnus permet de soulever un point important sur la méthodologie et les objectifs de ces groupes de travail, du moins à leur origine : outre le but de faire participer des associations locales, ces groupes permettaient aussi d’intégrer des fédérations et organisations d’importance cantonale voire fédérale, afin de pouvoir permettre l’expression des besoins à plusieurs échelles, mais aussi de s’assurer d’un soutien au plus haut niveau. Ceci évidemment dans un double objectif de renommée (pouvoir s’appuyer sur des personnalités reconnues comme soutenant et participant au projet) et de financement, pour certains projets d’infrastructures d’envergure cantonale ou nationale par exemple, puisque certaines de ces organisations et fédérations sont dotées de réseaux et moyens financiers que les associations locales ne possèdent pas.

Pour Pascal Mabut, co-responsable du service culturel, « le service culturel a sous son égide les associations culturelles de la commune, à partir de là nous lançons « l’étincelle » sur ces associations culturelles, ou des éléments (théâtres…) que l’on connaît, afin de lancer un mouvement pour qu’elles participent, qu’il y ait du monde dans cette participation. Je pense que la participation des acteurs culturels légitime le projet. Le politique voit le projet d’un point de vue politique, ce qui me semble intéressant c’est que les associations ont des points de vue totalement différents avec des enjeux différents. Le service culturel ne peut pas connaître tous les besoins des associations

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Faculté des Sciences Économiques et Sociales Semestre d’automne 2011 culturelles de la région, et d’autre part si des associations nous signalent qu’il manque tels locaux, les politiques peuvent se baser sur des demandes fondées et légitimes, s’il y a 10 associations qui demandent des locaux, c’est une légitimation. Cela permet aux politiques de s’assurer du besoin, il faut éviter de lancer des projets puis de se retrouver avec une coquille vide »79.

On retrouve ici l’idée d’un ‘‘système action’’ tel que le définissent Gumuchian, Grasset, Lajage et Roux, autrement dit les acteurs agissent sur le territoire (pratiquent des activités), possèdent donc une expérience de terrain, élaborent des projets (des intentionnalités) et émettent un discours en conséquence : « et c’est là que le concept d’acteur territorialisé prend tout son sens : de l’intention à l’action territoriale se construit un cheminement parfois incertain, mais qui s’appuie dans tous les cas sur un objet médiateur fort, le discours » 80. D’où la double importance pour les autorités de récolter les projets et d’écouter les intérêts et besoins des acteurs locaux, et pour ceux-ci d’avoir la possibilité de légitimer leurs projets et faire valoir leurs savoirs.

Avec ces quelques considérations, on comprend alors mieux quels peuvent être les intérêts des communes d’inciter à la participation. A l’opposé, pour cibler l’intérêt du point de vue des associations à participer ou à ne pas participer, voire même à s’opposer, il nous faut identifier quels acteurs ont pris effectivement part à ces groupes et avec quel suivi, quelle régularité, quels projets, et également quels avis ont été exprimés dans les diverses discussions qui y ont été menées.

79 Pascal Mabut, entretien du 16 février 2011, voir en annexe

80 GUMUCHIAN H., GRASSET E., LAJARGE R., ROUX E., « Les acteurs, ces oubliés du territoire », Anthopos, Ed. Economica, Paris, 2003, p.4

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VIII. Organisation des groupes : acteurs présents, acteurs absents Dans un projet de cette importance, il est clair que les enjeux sont très variés, et les différents acteurs concernés sont nombreux et dotés de statuts divers. Ainsi, les processus participatifs ont la lourde tâche (lourde tant par la gestion administrative requise que par le temps consacré et les ressources à mobiliser) de réunir un maximum de ces acteurs, avec l’objectif annoncé de récolter des projets et des avis, des visions, avec une ouverture souhaitée la plus large possible. Mais il ne faut pas négliger l’objectif qui sous-tend ces processus (objectif souvent atténué dans les discours) : un renforcement du projet par des soutiens et financements du plus haut niveau jusqu’à l’échelle locale, et dans le même temps l’objectif de réduire les oppositions et blocages des projets.

« A l’occasion de projets précis mis en débat ou d’un ordre du jour fixé par l’autorité politique, la délibération se doit d’impliquer ici un maximum d’acteurs, qu’ils soient associatifs ou individuels », débats dans lesquels « des visions alternatives du quartier et de la ville peuvent s’affronter »81.

Cette considération est néanmoins à nuancer dans le cas de ces groupes de travail du projet des Cherpines, puisqu’il s’agissait avant tout de collecter les besoins et projets sportifs et culturels. Cela ne signifiait pas que les avis plus généraux sur le projet en lui-même ou des points de vue différents sur le développement de la zone ne pouvaient pas être exprimés, mais cela ne constituait pas le but principal de ces groupes lors de leur création.

8.1 Méthodologie de recrutement des participants

Lorsque ces groupes ont été imaginés par certains élus locaux, la question s’est évidemment posée de savoir quels acteurs allaient être invités et selon quelle méthode. Les communes devaient-elles lancer des invitations à toute la population ou uniquement à des représentants d’organisations ? Quelle information devait-être diffusée sur les possibilités de participation à

81 BLONDIAUX L., « Démocratie locale et participation citoyenne : la promesse et le piège », Mouvement N°18, Novembre-Décembre 2001, p.46

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Faculté des Sciences Économiques et Sociales Semestre d’automne 2011 ces groupes : tout-ménage, exclusivement sur invitation ou ouverts mais en communiquant par les réseaux existants ? C’est cette dernière solution qui a été choisie et proposée aux participants lors des séances, mais nous nous sommes posé la question de savoir si cette méthode d’invitation faisait réellement partie d’une réflexion initiale concertée, ou si cela avait été réalisé de manière empirique ?

En réalité, ces groupes n’ont pas été formés dans le même temps et selon les mêmes méthodes. Lorsque les communes, en particulier celle de Plan-les-Ouates, ont pris la décision d’être partenaire du projet de développement souhaité par le canton, ils y ont vu, notamment le Conseiller Administratif en charge des départements de l’aménagement du territoire et du sport Laurent Seydoux, une opportunité d’espaces pour le développement d’une zone sportive déjà préexistante aux Cherpines, qui comprend des terrains de sport (football, rugby…), un centre équestre, des tennis (le Tennis Club des Petites-Fontaines) ou encore un Skate Park. C’est également une zone, au bord de l’Aire, où de nombreux cyclistes ou coureurs à pied aiment à s’entraîner.

L’idée originale fut alors de réunir des clubs et fédérations sportives des deux communes et du canton dans un groupe de réflexion sur les besoins et projets sportifs qui pouvaient s’intégrer dans le projet. A l’origine, ce groupe sportif était composé d’acteurs très divers : le conseiller administratif en charge, Laurent Seydoux, le responsable du service des sports de Plan-les-Ouates Philippe Bolomey, plusieurs conseillers municipaux de Plan-les-Ouates, plusieurs responsables de services cantonaux, de nombreux responsables de clubs ou associations sportives de Plan-les-Ouates, ainsi que plusieurs responsables de grands clubs ou fédérations d’importances cantonales (Stade Genève, Handisport, Genève-Servette HC, le responsable romand du Beach Volley, etc.), et enfin plusieurs architectes.82

Il est très intéressant de noter que pratiquement aucune personnalité ni représentant de la commune de Confignon n’était présent au départ, le projet sportif ayant été imaginé à l’origine exclusivement sur la commune de Plan-les-Ouates. Après plusieurs séances de travail de ce groupe sportif a été imaginée et réalisée une ébauche de projet d’un centre sportif pouvant s’intégrer dans la zone des Cherpines.

82 Voir Procès-Verbal du 30 Septembre 2009, Annexe N°3

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A la suite de ce projet de centre sportif, la commune de Confignon avait également formulé l’envie de promouvoir les arts du Cirque, qu’ils situaient à la limite entre les thématiques sportives et culturelle. Ainsi est née l’idée entre plusieurs Conseillers Administratifs de Plan- les-Ouates et de Confignon d’organiser également un groupe culturel du même type, alors que dans le même temps le projet d’urbanisation des Cherpines prenait une autre ampleur, et que les communes s’apercevaient qu’il fallait réfléchir d’une manière plus globale au développement de tout un nouveau quartier, notamment à la question du nombre de logements souhaités par le canton, mais également la vie de quartier, aux espaces publiques… Toutes ces réflexions et avancées du projet se déroulaient alors qu’avait lieu le MEP.

Ceci montre bien l’aspect évolutif, flexible et même empirique d’un processus participatif de ce type, qui n’est pas forcément défini ou formalisé au départ, mais qui évolue au gré des avancées, des idées provenant des acteurs de tous types, qui s’intègrent ou quittent le projet au fur et à mesure de son avancée.

J’ai pu poser la question de la méthodologie et de l’évolution de ces groupes à Sarah Girard, conseillère municipale, enseignante et photographe, qui a participé à des séances des deux groupes thématiques : « J’ai d’abord suivi une ou deux séances au niveau culturel, puis je suis allée voir les sports car je trouvais intéressant de voir où eux en étaient, et je me suis rendue compte qu’ils en étaient beaucoup plus loin, ils avaient beaucoup d’avance, et je me suis rendue compte que le projet avait beaucoup évolué et cela m’a fait un petit peu peur pour le projet culturel, mais il m’a semblé qu’on pouvait rattraper ce retard »83

En effet, le groupe culturel a été ainsi créé près d’une année après le groupe sportif, et possédait un certain retard relatif. Pour ce groupe comme pour le groupe sportif ont été invités de nombreux acteurs locaux et quelques acteurs d’envergure cantonale, toujours par la méthode du réseau.

« Vraiment la question de la participation est importante, avec tous les projets qui apparaissent tels quels. Mais avec la mobilisation ou la participation, la seule chose c’est qu’on n’a pas fait de

83 Sarah Girard, entretien du 10 Octobre 2011, voir en annexe

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Faculté des Sciences Économiques et Sociales Semestre d’automne 2011 publicité à l’extérieur, donc c’est du bouche-à-oreilles, du réseau, on disait à chaque fin de séance: « si vous connaissez quelqu’un qui peut venir, faites-lui en part, il nous contacte avant, etc. » donc c’est très empirique, c’est pas du tout académique mais c’était pas la volonté d’être sous cet angle- là, on ne peut pas répondre à tous les besoins du canton, mais c’est une poche d’expressions, de projets, et elle n’est pas très grande mais les projets qui sont là sont déjà suffisants »84.

Nous pouvons relever que pour ces groupes, le statut et les buts différents des acteurs impliquent une variété et une multiplicité d’enjeux différents à prendre en compte, amenant parfois la nécessité d’un arbitrage, des choix à réaliser et qui peuvent entraîner une certaine compétition entre les acteurs concernés lors de la mise en place de ce type de processus participatif.

Néanmoins, on peut remarquer que la volonté affirmée de réunir un maximum d’acteurs reste présente, puisque chaque participant pouvait inviter d’autres personnes souhaitant développer un projet culturel ou sportif sur ce secteur. Cependant, le choix de n’avoir pas communiqué de manière ouvertement publique la tenue de ces séances, ou plutôt d’avoir limité la participation au dépôt d’un projet plutôt qu’à une large récolte d’avis sur le projet global en lui-même a eu pour conséquence de restreindre le nombre de participants, le nombre de projets mais aussi la représentativité des acteurs présents lors de ces groupes.

8.2 Acteurs absents des groupes de travail

En effet, nous pouvons relever que ces groupes, tant pour le groupe culturel que pour le groupe sportif, n’ont été fréquentés que par des responsables du projet, des élus ou des associations, à quelques exceptions près (quelques projets portés par des individus ont par exemple été déposés). Aucun représentant d’associations d’habitants, de groupes d’intérêts (ONG…) ou simple citoyen n’a été directement invité, et aucun n’a à notre connaissance participé en tant que tel à une séance de l’un ou l’autre des groupes.

Ainsi, mis à part les séances d’informations, les citoyens n’ont pas réellement eu de contacts directs avec ce projet, avant sa médiatisation lors de la votation sur le référendum, en

84 Laurent Seydoux, entretien du 14 février 2011, voir en annexe

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Faculté des Sciences Économiques et Sociales Semestre d’automne 2011 dehors des quelques propriétaires rencontrés par certains responsables du projet ou représentés par une personne de l’ARPAAC dans le jury du MEP : « [Cela ne représente pas toutes] tranches de population, ce qu’on voit ici ce sont les associations culturelles actuelles. Il n’y a pas les aînés, il n’y a pas le feuillu, etc…, et c’est ce qui à mon avis manque, et ce qui permettrait d’avoir une vraie réflexion avec beaucoup de monde. Bon, je ne sais pas si on avancerait mieux finalement… » 85

De même, nous pouvons relever que les participants proviennent quasi tous d’une certaine tranche d’âge que l’on pourrait catégoriser comme celles des « actifs » (25-55 ans). Par exemple, très peu de jeunes ou de retraités sont venus assister aux séances, et ce sont en général des adultes qui ont apporté des projets. Nous pouvons ainsi poser à nouveau la question de la représentativité, qui mène directement à celles de la communication et de l’accès à l’information (connaître l’existence de ces groupes), ou encore de la motivation des participants (venir une première fois, oser prendre la parole, revenir régulièrement ensuite…). Dans les faits, même les adultes investis dans leurs associations respectives ne viennent pas à chaque séance, voire même dans certains cas ne viennent qu’une seule fois présenter leur projet et ne reviennent plus… Nous reviendrons sur ces questions de l’investissement et de la motivation dans le prochain chapitre.

8.3 Argumentation et stratégies des opposants

Enfin, pour terminer ce chapitre sur les acteurs, nous souhaitions analyser les raisons de la présence ou de l’absence de certains acteurs en fonction des intérêts contradictoires ou des visions alternatives pouvant survenir, dès le début ou au cours du processus participatif, à travers l’exemple de la prise de position de la coopérative maraîchère « les jardins des Charrotons », exploitante d’un espace agricole situé sur le périmètre concerné par le déclassement.

« Les associations savent apparemment de mieux en mieux se servir des possibilités administratives qui leur sont offerts pour discuter, contester, critiquer. Elles n’hésitent pas à faire des contre-projets, des contre-expertises sur les projets de l’administration, manifestant par-là la compétence de leurs

85 Pascal Mabut, entretien du 16 février 2011, voir en annexe

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« experts » et disputant le monopole du savoir technico-juridique de l’aménagement à ceux qui en ont la compétence »86.

Ce type de contre-expertise fut présenté et proposé par les représentants de cette coopérative sous la forme d’une proposition d’un projet alternatif lors de leur participation à quelques séances, faisant valoir leurs revendications et les intérêts en jeu, notamment à travers un projet d’agro-quartier autogéré développé par leurs propres experts, selon une réflexion propre à leur manière de penser le développement.

Au fil des discussions et après maintes argumentations, ils ont finalement renoncé à leur participation aux séances pour lancer un référendum contre le déclassement de cette zone. Leur positionnement et leurs actions sont très intéressants car ils permettent de nous rendre compte qu’ils ont eu la possibilité et la volonté de venir présenter leur point de vue et leur propre projet au sein de ces groupes, les autorités leur prêtant (souvent) une oreille attentive tout en essayant de convaincre qu’on ne pouvait pas contenter tout le monde ni tout réaliser sur cet espace et que le modèle agricole qu’ils proposaient n’était pas réalisable d’après les travaux déjà menés pour ce projet d’aménagement.

Toutefois, chacun a joué le jeu de la prise de parole et du débat d’idées, même si au final leur avis n’a pu être intégré comme ils le souhaitaient et que le référendum n’a pas abouti. La méthode employée, la proposition d’un projet alternatif (ce que Malika Amzert définit plus généralement comme la méthode de la contre-expertise) repose ainsi soit sur une volonté de proposer une vision alternative concrète aux décideurs ou à la population, soit de mettre en valeur des arguments en défaveur du projet initial.

86 AMZERT M., « La participation et ses territoires : métamorphoses et métaphores du développement », In: Géocarrefour. Vol. 76 n°3, 2001. p. 177

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IX. Déroulement des séances : enjeux, intérêts et positionnements Le but premier de ces séances telles qu’elles ont été menées et présentées aux acteurs était la récolte des projets, ainsi que la transmission d’informations sur le déroulement du projet général, notamment des explications données par les conseillers administratifs sur les étapes, le calendrier, la législation en vigueur et l’avancée des discussions et décisions par le canton et les communes.

Leur déroulement se faisait selon un ordre du jour que les participants des séances précédentes recevaient quelques semaines à l’avance, en même temps que la convocation. En général, les séances commençaient par un tour de table pour permettre à chaque participant de se présenter rapidement. Puis les Conseillers Administratifs en charge des dicastères concernés rappelaient quelques éléments de cadrage et sur les objectifs du groupe de travail concerné, ainsi que du projet général et son état d’avancement. Ensuite, la parole était laissée aux participants, soit pour que les nouveaux puissent présenter leur projet, soit pour que les participants ayant déjà présenté leur projet puissent en détailler l’avancement.

La description du déroulement des séances nous permet de montrer que le but de ces groupes était avant tout la récolte de projets, mais également un moyen de communication des autorités sur le projet global (certes nécessaire pour les discussions et le travail de ces groupes). Mais cela nous donne également des indications sur les rôles de chacun des acteurs présents dans ces groupes, avec des prises de paroles se déroulant d’une manière assez naturelle et parfois informelle, mais toujours selon une modération assurée par les conseillers administratifs.

« La difficulté tient évidemment aux modalités d’encadrement de cette délibération, à la possibilité ou non d’institutionnaliser cette prise de parole spontanée »87. Cette modération permettait de recadrer lorsque la discussion menait à des considérations hors sujet, mais en règle générale permettant à tout le monde de s’exprimer, soit pour poser certaines questions sur l’un ou

87 BLONDIAUX L., « Démocratie locale et participation citoyenne : la promesse et le piège », Mouvement N°18, Novembre-Décembre 2001, p.46

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Faculté des Sciences Économiques et Sociales Semestre d’automne 2011 l’autre des projets, sur la présentation de l’avancement du projet Cherpines, relever certaines incohérences éventuelles, ou encore pour faire part de certaines inquiétudes sur les composantes ou certaines options prises par le projet.

A la fin des séances, il était demandé à chaque projet de mettre à disposition ou de compléter leur dossier, notamment en ce qui concerne l’estimation des surfaces nécessaires pour leurs activités, afin de pouvoir les intégrer dans l’espace prévu dévolu au sport, respectivement à la culture dans le projet général d’aménagement et le Plan Directeur de Quartier.

Cette manière de faire présentait l’avantage de pousser les associations à développer, améliorer leur projet, entraînant dans le même temps une réflexion plus poussée sur les besoins exprimés. Cependant s’est alors posé le problème de la méthodologie de la récolte et surtout de la transmission des projets déposés, afin que ceux-ci soient traités et intégrés de manière adéquate au projet global. Est alors apparue l’idée de la création d’un tableau de synthèse comme méthode de récolte et de valorisation des projets afin de les faire remonter jusqu’aux planificateurs du canton, ce qui peut être révélateur du fait que les commentaires et remarques plus générales sur le projet global pourraient ne pas être prises en compte de la même manière.

En ce qui concerne le déroulement, l’organisation des séances, Françoise Joliat affirme que des améliorations sont possibles et même souhaitables : « On a eu une phase très productive au départ, avec la récolte des projets amenés par les différentes associations, il fallait en faire une synthèse ce n’est pas évident, ce n’est pas facile. [Mais] c’est trop lent, ce n’est pas bien organisé, je pense qu’on devrait avoir un calendrier de séance, que d’une séance à l’autre il y a un travail qui doit être fait, et que la fois suivante on peut repartir de là où on en était. Dans le groupe dans lequel on était [NDLR : culturel], c’était de voir ce qui pouvait être commun et ce qui était spécifique, de manière à ce que lors de l’aménagement du territoire on puisse en tenir compte. Et ben là on n’y est pas. Alors je ne sais pas qui va le faire, mais on a manqué d’organisation, pas très rationnels dans notre manière de travailler ».88

88 Françoise Joliat, entretien du 28 février 2011, voir en annexe

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9.1 Elaboration, présentation et défense d’un projet

En dehors des explications sur l’avancement du projet et ses étapes clés, les prises de paroles concernaient la plupart du temps la présentation (nouvelle ou de l’évolution) des dossiers de projets, et des discussions sur l’avancée du travail de ces groupes communaux et de la progression générale du projet.

Dans certains cas, les dossiers présentés provenaient d’un projet-type, dont le défi consistait alors à défendre l’intérêt qu’il présentait à être localisé dans cette zone spécifique. Dans d’autres cas, les participants énonçaient les besoins d’espaces ou de locaux, soit à partir de réclamations de leurs membres ; soit à partir d’une idée de développement d’un projet spécifique pour des activités futures ; soit enfin à partir d’un manque existant constaté dans le déroulement de leurs activités actuelles (le plus souvent).

Cependant, quelles que soient les motivations amenant au dépôt d’un projet, il était nécessaire pour les participants d’apporter des explications argumentées sur l’utilité, la nécessité de la création d’une surface dédiée pour répondre à un besoin avéré, et de spécifier notamment à quelle échelle le projet était pensé, quelle envergure permettrait d’atteindre les infrastructures envisagées (notamment pour savoir quelle population était touchée, et prévoir les structures d’accueil adaptées : normes de construction, vestiaires, sanitaires, parkings ou même hébergements).

En résumé, les participants doivent convaincre les autorités que la thématique et la composition du projet répond à un besoin, et qu’il est adapté, pensé et localisé de manière adéquate. Au final la plupart des projets ont dû être retravaillés pour s’adapter aux conditions posées par le projet global, et évidemment tous n’aboutiront pas à une réalisation finale. Pour être pris en compte, chaque projet devait donc figurer au tableau de synthèse mentionné plus haut, l’administration en charge de la gestion de ces groupes se chargeant de la catégorisation et du classement de chaque projet.

A partir de ce tableau de synthèse des projets culturels et sportifs associatifs des deux communes, l’Office cantonal de l’urbanisme a pu élaborer une programmation globale des surfaces requises pour la création du quartier selon les volontés qui ont été exprimées par tous les acteurs ayant participé à l’un ou l’autre des processus : 95 | P a g e

Figure 13 : Programmation globale au 21 septembre 2011 Office de l'urbanisme, Groupe sport, culture et loisirs, séance du 10 Octobre 2011

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On retrouve ainsi les surfaces pour l’Ecole de Culture Générale (ECG3), les surfaces dédiées à la zone industrielle, au logement, aux services (hôtels, restaurants) et à l’administratif (bureaux), ou encore les équipements scolaires (écoles primaires).

A la prise de connaissance des surfaces mentionnées ci-dessus se sont exprimées parfois des craintes de voir les services cantonaux ou responsables du projet redimensionner les surfaces de certaines catégories pour répondre à la législation ou à diverses réglementations, et ce au détriment d’autres surfaces, non obligatoires, notamment sportives et culturelles.

Par exemple, on remarque également que les surfaces dédiées à la culture sont de 5'300 m2, alors que 10'000 m2 étaient prévus au départ du groupe de travail culturel. Ainsi, à la présentation de ce tableau lors de la séance du groupe culturel suivante, les réactions et questions n’ont pas manqué quant à la catégorisation (le regroupement en 3 bâtiments de tous les projets) ayant mené à la diminution de près de moitié des surfaces annoncées au départ.

Les inquiétudes sur les remaniements possibles proviennent notamment du fait que ces groupes semblent s’être créés sur la simple volonté de quelques élus en charge du projet dans les communes, Laurent Seydoux (Plan-les-Ouates) en tête, ainsi que Françoise Joliat (Confignon) et Geneviève Arnold (Plan-les-Ouates), gérés à l’aide de leurs administrations, et organisés d’une manière informelle et donc non contraignante dans le cas où ils n’aboutiraient à aucune réalisation concrète ou seraient laissés tomber en cours de processus.

Laurent Seydoux mentionne lui-même dans notre entretien que l’espace on ne le récupère pas : cette remarque peut signifier en particulier que si une personne ou une association n’est pas là pour proposer son projet dès le début du processus, autrement dit pour réserver l’espace nécessaire à son projet, elle ne pourra peut-être pas se voir attribuer de surface par la suite.

De plus, un projet déjà présent et reconnu comme utile ou intéressant à l’origine pourrait être mis de côté (perdre son espace prévu au détriment d’un autre) au cours de discussions et décisions non contrôlées si les représentants de chaque projet ne sont pas attentifs à chaque étape, avec toujours la peur de « rater le train en marche ».

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Cependant, Pascal Mabut nuance cette affirmation, mais confirme néanmoins qu’il est normal qu’un tel projet évolue et se redimensionne : « Par rapport aux garanties, je pense qu’avec les Conseillers administratifs actuels, j’ai l’impression que s’ils invitent des associations c’est pour aller jusqu’au bout, c’est pas des gens qu’on va lâcher… Après, il faut bien savoir, et c’est à mon avis pas assez expliqué, que forcément le projet se redimensionnera, qu’on n’aura jamais tout ce qu’on imagine. Que lorsqu’on présente un plan, peut être au final ce sera trop grand, trop petit, c’est amené à évoluer. Peut-être il y aura des déceptions… »89

Il existe donc un risque, dans le cas par exemple d’un manque d’accès à l’information, ou l’absence à l’un ou l’autre groupe de travail, que la défense de tel ou tel projet ne soit plus assurée et que l’espace soit réduit ou réattribué. Evidemment, le risque est plus élevé pour les participants ayant été présent à un nombre de séances restreint, mais peut être aussi engendré par le découragement, l’essoufflement dans le suivi de ces groupes ou du projet en général, bref une baisse de l’investissement d’une association qui pourrait amener les autorités à reconsidérer l’importance du besoin ou l’intérêt du projet correspondant.

Le corollaire est que la récolte des dossiers des projets, ou même leur intégration à un document de travail comme cette synthèse programmatique, n’impliquent en rien l’assurance pour les participants de voir leur projet spécifique faire partie du projet global au final, puisqu’ils sont susceptibles de disparaître en fonction des besoins d’espaces nécessaires aux services cantonaux ou communaux. Ainsi, même lorsqu’un projet spécifique convainc plusieurs élus ou responsables administratifs, rien n’est jamais acquis, toute argumentation ou décision pouvant remise en cause à tout moment. Cette instabilité rend la participation complexe et instable, et renforce l’effort administratif à fournir pour les participants et l’éventualité de l’apparition d’un sentiment de découragement.

89 Pascal Mabut, entretien du 16 février 2011, voir en annexe

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9.2 Investissement bénévole et projection sur le long terme

Pour ce qui concerne la régularité de l’organisation et la tenue des séances, les groupes de travail se tenaient à leurs débuts tous les 2 mois environ, permettant ainsi aux autorités locales de faire remonter certaines informations, de continuer sur l’avancement du projet avec le canton, et dans le même temps aux participants de recueillir les avis de leurs membres ou du moins de leurs comités, ainsi que travailler également sur les détails ou l’adaptation de leur projet :

« J’ai trouvé assez bien au début, il y avait des séances à peu près tous les deux-trois mois, c’est un bon rythme parce qu’il faut toujours qu’il y ait un retour dans les associations pour pouvoir réagir collectivement. Moi chaque fois que j’ai eu des questions je ne me suis pas gêné pour prendre la parole, et on m’a chaque fois répondu sans faire de détours, donc la relation était bonne. Ensuite on a proposé cette charte, et depuis là j’ai trouvé que ça allait toujours vers le moins bien. Il y a eu les élections entre-temps, cela a joué aussi, sur les démarches il y a eu cette histoire de déclassement… ».90

On retrouve ainsi l’idée de l’évolution des relations à travers les différentes étapes du projet, mais également une forme d’instabilité qui peut survenir et engendrer une démotivation éventuelle. Evidemment, tous les acteurs veulent voir se réaliser leur projet, mais tous ne sont pas prêt à s’investir de la même manière ou avec la même régularité (et donc à faire confiance aux autorités ou leurs représentants), voire même ne veulent pas être impliqués et prendre du temps pour proposer un projet qui sera balayé ensuite, après des mois de réunions.

Pour Pascal Mabut, co-responsable du service culturel et en charge de l’administration du groupe de travail culturel : « On a beau lancer beaucoup d’emails, on sait très bien que la participation sera faible, c’est toujours difficile par rapport aux gens. En plus c’est vrai que le début de la construction réelle, ce ne se fera pas avant 10 ans. Nous sommes dans les prémisses du projet, ça fait deux ans mais avec un processus long, il faut que les gens tiennent. Mais, c’est

90 Yan Roschi, entretien du 23 décembre 2011, voir en annexe

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Faculté des Sciences Économiques et Sociales Semestre d’automne 2011 comme cela que ça fonctionne, ce processus lent fait peur à beaucoup d’associations. Forcément les associations ont leurs problématiques aujourd’hui, mais dans 10 ans qu’elle sera leur préoccupation ? C’est toujours difficile de pouvoir se projeter sur du long terme, et d’autant pour le politique. Bon quand tu lances des projets tu sais que cela va continuer, là c’est un projet à moyen terme. Mais les associations à qui il manque une salle aujourd’hui, dans 5 ou 10 ans… »91

C’est donc une double dynamique temporelle qui est à l’œuvre : d’une part avec le temps long avant la réalisation concrète du projet, à la fois parce que pendant ces 10 ans les gens changent, tant dans les associations, les services administratifs ou les élus ; d’autre part également parce que les projets culturels et sportifs se font, se modifient ou se défont en permanence, en même temps que la société, la ville et sa population évoluent.

Enfin, nous l’avons vu, ce temps long peut engendrer une forme de démotivation qui peut gagner certains participants : la conception, la défense d’un projet et les diverses réunions durant plusieurs années représentent un investissement lourd, bénévole, et doit impliquer la nécessité d’être rentable par rapport au temps et l’énergie investis. Ce découragement peut intervenir avec la longueur du processus mais aussi par la complexité des processus à l’œuvre, les impressions d’un manque de transparence de certaines décisions, les méthodes de transmission des informations et l’évolution des relations entre les acteurs :

« Je sens que c’était très ouvert au début, et là cela semble se refermer, on sent un essoufflement de part et d’autre, que ce soit au niveau des porteurs de projets qu’à celui des communaux. Et on est encore loin de la réalisation, ce n’est pas évident sur 5 ans ou plus même. On ne sait pas ce qu’on sera et ce qu’on fera à cette époque. D’où l’importance d’avoir des documents, des traces écrites qui restent. Parce qu’à chaque fois que nous sommes allés à une séance et vous aussi, nous y sommes allé bénévolement, ce serait contre-productif de perdre… ce n’est pas perdre du temps parce qu’on y croit et qu’on a envie que cela bouge, mais c’est du travail, même si c’est de la discussion, des échanges, il faut qu’il y ait quelque chose qui en reste. Si dans 4-5 ans nous n’y

91 Pascal Mabut, entretien du 16 février 2011, voir en annexe

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Faculté des Sciences Économiques et Sociales Semestre d’automne 2011 sommes plus, et que ce sont d’autres personnes qui ont pris le relais, et qu’ils recommencent depuis zéro… »92

Ainsi, nous pouvons affirmer que le climat politique local et/ou global joue également un rôle, notamment les procédures politico-administratives usuelles. Par exemple, savoir à qui revient la décision finale de réaliser (et surtout de financer, en particulier sur des fonds publics) tel ou tel projet, d’acquérir un terrain, de construire un bâtiment dédié, etc. est une question centrale qui régit les relations entre les acteurs et leurs évolutions.

9.3 Transparence et procédures de décision

Une problématique actuelle majeure de la participation dans ce type de projet à Genève est que la décision finale peut sembler dépendre de l’enchaînement d’événements pas toujours contrôlés ou contrôlables. L’opacité de certaines procédures ou décisions peut amener un climat d’instabilité voire de tension dans les échanges. C’est d’autant plus le cas lorsque cela provient du sentiment que ces décisions se pratiquent à partir de tractations en sous-main, qualifiées souvent de « république des amis » ou la « méthode du copinage », autrement dit une atmosphère d’incertitude et de méfiance engendrée par la croyance qu’il existe des préférences accordées à certains milieux ou personnes plutôt qu’à d’autres, notamment via certaines relations :

« […] la décision, loin d’être une claire expression de l’intérêt, peut parfois être le fruit de transactions plus ou moins cachées entre différents intérêts localisés ou non. C’est donc la décision étatique, dans son opacité et dans son irrationalité même, qui est la plupart du temps remise en cause, au nom à la fois d’un autre paradigme du développement et d’une autre conception de la démocratie »93.

La prise de décision est donc parfois extrêmement complexe et pas toujours transparente, et en général dépendante de la législation ou de réglementations à diverses échelles, de

92 Yan Roschi, entretien du 23 décembre 2011, voir en annexe

93 JOLIVEAU T., AMZERT M., « Les territoires de la participation : problème local, question universelle ? », Géocarrefour, Journal International des Sciences de l’Information et de la Communication, Toulon, 2008, p.172

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Faculté des Sciences Économiques et Sociales Semestre d’automne 2011 procédures parfois inconnues par certains acteurs, et pose ainsi la question de la légitimité : certains conseillers municipaux par exemple, peuvent être persuadés de leur propre légitimité due aux élections démocratiques, élus comme représentants du peuple et donc aptes à décider, pensant connaître suffisamment bien le contexte, les enjeux et les besoins de la population locale.

Cependant, il convient de rappeler que dans la démocratie telle qu’elle s’exerce actuellement en Suisse, les élus ne représentent qu’une partie de la société civile (sous toutes ses formes), celle-ci étant composée de nombreuses personnes non représentées par le suffrage « universel » : jeunes mineurs, abstentionnistes, étrangers94, etc., d’où l’intérêt d’un processus participatif qui comprenne à la fois les habitants, propriétaires, associations, ONG, entreprises, syndicats, etc.

Evidemment il n’est ni envisageable ni souhaitable de remettre en question la légitimité des élus, municipaux ou cantonaux. Mais ces considérations permettent de mettre en lumière les autres formes de légitimités à l’œuvre dans le contexte démocratique suisse, directement liées à la question de la représentativité. C’est également pour cette raison que la transmission, le partage d’informations ainsi que la transparence des procédures et décisions se doivent d’être optimisées dans l’optique d’une représentativité la meilleure possible, et d’un travail à la fois individuel et commun le plus constructif possible :

« Une connaissance des processus à l’œuvre, des dispositifs, textes, cadres et référents de l’action, est nécessaire pour la mise en œuvre d’actions, de projets, et ce aux différentes échelles. Les acteurs, qu’ils soient individuels ou collectifs, s’orientent vers des dispositifs, par la connaissance, l’envie, la participation tant pour parvenir à leurs fins que pour éviter d’être exclus du jeu ».95

Ainsi, le travail effectué sur les dossiers de chaque projet, les passerelles possibles entre plusieurs projets et les discussions sur le déroulement des groupes de travail ou du projet en

94 N.B : On constate une avancée notable dans plusieurs pays, dont la Suisse, sur le droit de vote et/ou d’élection des étrangers au niveau municipal

95 GUMUCHIAN H., GRASSET E., LAJARGE R., ROUX E., « Les acteurs, ces oubliés du territoire », Anthropos, Paris, 2003, p.60

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Faculté des Sciences Économiques et Sociales Semestre d’automne 2011 général passent par l’accès à des données techniques et la connaissance des procédures par les responsables ou représentants des associations présentes dans ces groupes de travail thématiques, mais aussi par le partage des expériences et connaissances de chaque acteur, associatifs, élus ou professionnels, indispensables au bon déroulement d’un projet d’aménagement de cette importance :

« Or, justement, parler d’une participation citoyenne en urbanisme c’est évoquer une confrontation entre le milieu professionnel « armé » par des connaissances techniques et juridiques, celui des élus légitimés par leurs projets locaux et celui des habitants représentants leurs vécus, leurs pratiques sociales et leurs attentes. […] De l’urbanisme réglementaire à l’urbanisme opérationnel, le projet urbain nécessite ainsi un partage d’un minimum d’informations »96.

Dans le cas des Cherpines, la transparence est souhaitée par tous, évoquée comme évidente par les autorités communales, mais dans les faits, se maintient-elle entièrement durant toutes les phases d’élaboration du projet ? « La citoyenneté passe ici par la prise de parole et la démocratie par la mise en transparence de l’action publique »97.

Comme mentionné plus haut, il peut parfois se produire un effet d’opacité croissante, de décisions « top-down » parfois arbitraires et pas toujours comprises, notamment par le manque de communication ou d’accès aux informations. Une situation de dégradation de cette transparence et des décisions engendrées par cet essoufflement ou l’urgence de certaines décisions peuvent survenir après un certain temps, même lorsque les relations et volontés sont bonnes et affirmées :

« Par rapport à la coordination, il y a quelque chose qui doit bloquer en ce moment, parce qu’à la base il y a quand même un gros travail administratif, une personne qui prend les PV, il y a des forces pour la coordination. Et au final il y a quand même des retards, ou tout à coup des choses qui

96 SALAMON J., « Territoires, projets urbains et participation citoyenne : dialogue urbain et partage de l'information », VIè Colloque International TIC & Territoire : quels développements, Lyon, 14 & 15 Juin 2007, p.2

97 BLONDIAUX L., « Démocratie locale et participation citoyenne : la promesse et le piège », Mouvement N°18, Novembre-Décembre 2001, p.46

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Faculté des Sciences Économiques et Sociales Semestre d’automne 2011 arrivent en urgence et les participants n’ont pas le temps nécessaire pour engager de bonnes décisions ou amener des arguments qui leur correspondent. […] Après il y a d’autres exemples, comme celui des Grottes, c’est un peu le problème de ces participations qui viennent par le haut, au bout d’un moment il y a un essoufflement, et puis tout d’un coup dans l’urgence il faut prendre des décisions, et il y a des choses qui sont imposées et qui ne viennent pas forcément d’un travail qui est le fruit de la société civile, des habitants, des citoyens tout simplement »98.

Autrement dit, avec l’effet combiné du découragement de certains ou la lourdeur administrative engendrée par le temps du projet, ainsi que des délais décisionnels parfois de plus en plus court (provenant de la législation, de réglementations ou décisions politiques), le circuit participatif complet n’est pas réalisé à chaque fois pour discuter les changements et décisions, et on perd petit à petit les commentaires, remarques et avis. Du même coup il peut arriver qu’une réordination de certaines surfaces dédiées ou qu’un réaménagement surviennent au profit d’autres espaces non planifiés dès le départ.

9.4 Considérations et positionnements des acteurs

Ainsi, bien que les discussions soient ouvertes, la relation entre les participants et les autorités est sous-tendue par des rapports de force, et également conditionnée par les prises de positions sur le bien-fondé du projet ou les garanties demandées. En effet, les inquiétudes et impressions exprimées (plus ou moins explicitement lors des séances) par les participants concernant les risques envisagés de l’opacité de certaines décisions renforcent les situations de découragement, et engendrent des demandes concernant certaines formes de garanties, ne serait-ce que pour que le temps consacré à ces séances et projets ne soient simplement pas donné en vain :

« Les personnes qui suivent le projet de près sont des personnes engagées, qui donnent de leur temps et c’est quelque chose que je trouve admirable, il y a quelques personnes qui ont vraiment une vision pour la culture, et je pense qu’ils se rendent compte que c’est un cadre dans lequel on peut faire évoluer la façon dont on considère la culture. Je pense que pour que ces idées soient

98 Yan Roschi, entretien du 23 décembre 2011, voir en annexe

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Faculté des Sciences Économiques et Sociales Semestre d’automne 2011 entendues, retenues, il faudrait peut-être au niveau supérieur, d’un projet qui n’est pas seulement communal mais cantonal voir plus, ce serait de mettre un cadre à cette réflexion ».99

Ce cadrage peut être aussi nécessaire dans le cas où certains acteurs participants se méfieraient de l’utilisation qui peut être faite de leur participation à des fins politiques, notamment pour ceux qui ont une forte implication dans la vie politique locale ou régionale, à travers des revendications ou enjeux forts. Ces réserves s’expliquent également par l’historique de la relation qui peut exister entre une organisation de la société civile et l’Etat, et les expériences vécues par les uns et les autres. Il peut s’installer un climat de méfiance préalable à toute discussion si d’autres projets ont échoué dans le passé, et la crise de confiance peut s’installer ensuite durablement.

Dans le cas des groupes de travail thématiques du projet des Cherpines, un climat de confiance s’est installé rapidement, même pour les acteurs qui avaient l’habitude de négocier dans le cadre de rapports de forces plus importants, notamment en Ville de Genève où il faut faire sa place. Néanmoins, il existait quelques inquiétudes sur le déroulement des séances, la prise de décision, la transparence et les garanties, et c’est notamment pour ces raisons qu’a été proposée, de la part de certains participants, l’élaboration d’une charte de collaboration et d’intégration des porteurs de projets au sein du projet des Cherpines, qui engage tous les acteurs, participants ou autorités, à poursuivre des objectifs communs clairs et définis.

Cette charte a été le premier élément apportant un cadrage méthodologique provenant directement (de l’idée originale à la rédaction) des participants. Se sont alors tenues plusieurs réunions annexes entre certains des responsables associatifs présents dans ces groupes afin de mettre des idées en commun sur les critères formels que cette charte devait respecter, puis à en élaborer le contenu sous la forme d’objectifs et principes énoncés dans différents articles.

Ces objectifs réclament notamment « l’établissement d’un plan d’action commun entre les acteurs culturels signataires et les communes », la définition d’un « cadre du processus participatif

99 Sarah Girard, entretien du 10 Octobre 2011 voir en annexe

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Faculté des Sciences Économiques et Sociales Semestre d’automne 2011 visant l’implantation des surfaces vouées aux activités culturelles », et de « poser les engagements et garanties que peuvent assumer les différentes parties ». Les principes détaillés dans les différents articles concernent eux une participation citoyenne selon le mode du partenariat (art.1), une garantie de transparence et le « devoir réciproque d’information entre les parties » (art.2), « l’identification des besoins en matière de culture » (art.3), « l’intégration physique des espaces culturels dans le plan d’aménagement de la zone » (art.4), ou encore la nécessaire « prise en considération par les bureaux d’architectes des activités et caractéristiques spécifiques des différents acteurs culturels » (art.5).100

Ce dernier point montre l’importance pour les participants d’avoir une garantie de voir leur avis et expertise (expérience pratique du terrain, d’activités) pris en compte jusqu’à la réalisation finale, notamment pour que les bâtiments et locaux correspondent au mieux aux activités et utilisateurs finaux.

Dans pratiquement la totalité des articles de la charte ressort la nécessité d’assurer une coordination, de se transmettre les informations (sur les décisions prises notamment) de manière transparente, et de fixer l’organisation du travail en commun au fur et à mesure des procédures jusqu’au terme du projet. Après la première rédaction, plusieurs aller-retour ont été réalisés entre ces associations et les autorités, pour finalement aboutir à une synthèse en 9 articles sur 4 pages. Toutefois, tous les participants n’ont pas souhaité participer à cette élaboration, soit parce qu’ils jugeaient que la charte n’était pas nécessaire, soit (et surtout) par le temps d’investissement supplémentaire que cette rédaction nécessitait :

« J’étais très content du travail que l’on a fourni, c’était une bonne idée de faire une synthèse car effectivement c’était un peu trop long, la version à laquelle on a abouti était vraiment bien. Après on peut regretter que les autres participants du groupe n’aient rien dit, ni fait de remarques, de commentaires, n’aient pas voulu se l’approprier, s’en imprégner »101.

100 Voir la Charte de collaboration et d’intégration des porteurs de projets au sein du projet d’urbanisation des Cherpines, Annexe N°1

101 Yan Roschi, UECA, entretien du 23 décembre 2011, voir en annexe

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De même, l’idée a notamment été énoncée par certains élus d’étendre cette charte au groupe sportif, ce qui ne s’est pour l’instant pas réalisé. Mais cette charte, provenant « d’en- bas » (même si des commentaires et modifications ont eu lieu après discussions avec les autorités), n’a pas semblé convaincre tout le monde, et a suscité certaines réticences de la part des autorités, notamment parce qu’elle formalisait, cristallisait certains principes et surtout engageait les communes à respecter et formuler certaines garanties qu’elles n’étaient pas forcément prêtes à assurer ou à assumer.

A alors été amenée l’idée, de la part des élus présents à ces séances, de la création d’un plan culturel, complémentaire à la charte, dont le but était quant à lui de formaliser les objectifs communs de ces groupes de travail et de les faire reconnaître par le COPIL (comité de pilotage du projet), afin que le travail qui s’y déroule soit reconnu mais aussi que ces buts soient porté à la connaissance de tous les acteurs et responsables du projet :

« Là on ne parlait pas de défendre quelque chose, un territoire, mais qu’on était en train de construire un territoire, et là typiquement je pense que le groupe de travail a eu une bonne cohésion de discussion entre les conseillers administratifs et les personnes porteuses de projet, a fait qu’il y a eu un climat constructif de projets. Mais par contre je trouve que les idées qui ont été amenées n’ont pas assez évolué et amené un cadre de travail et un vocabulaire commun, je maintiens l’idée d’élaborer un plan culturel communal entre Confignon, Plan-les-Ouates et le Canton, de mettre sur un papier la façon avec laquelle on voit ces collaborations, je trouve qu’il serait très important d’avoir quelques personnes qui soient responsables par rapport à ce groupe de travail de créer ces lignes, ce cadre de travail, et je crois que c’est ce qui manque maintenant, c’est quelques personnes capables de faire le lien entre les porteurs de projets et les décideurs des enjeux ».102

Ce plan culturel mentionne notamment la nomination d’un coordinateur de projets, dont le rôle serait d’assurer la transmission d’information, la défense des projets entre les décideurs et les participants au groupe de travail.

Tant la charte que le plan culturel montrent bien les enjeux de la définition concertée d’objectifs communs avec des acteurs participants reconnus comme tels et dont le travail est

102 Sarah Girard, entretien du 10 Octobre 2011, voir en annexe

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Faculté des Sciences Économiques et Sociales Semestre d’automne 2011 intégré au projet par les décideurs. Mais plus largement, toute cette réflexion sur les incertitudes exprimées, la légitimité et la représentativité des intérêts et avis de la population, le cadre de discussion (avoir défini un vocabulaire commun) voire même l’instrumentalisation possible d’un processus participatif peuvent mener à une approche critique des rôles de ce type de processus :

« [E. Rodary] propose une approche critique des dispositifs de participation élaborés de l’extérieur pour faire intégrer aux populations les objectifs d’une politique sectorielle pensée globalement tout en maintenant à leur place, politiquement et spatialement, ces populations. Au passage, il explique comment des approches géographiquement anciennes, fondées sur les relations homme/milieu ou l’analyse des terroirs, sont remises au goût du jour et instrumentalisées par les ‘’conservationnistes’’ »103.

En effet, même si le but de réduire les oppositions et faire accepter certains projets ou décisions par la population à travers un processus participatif n’est pas annoncé comme tel, il reste sous-jacent à n’importe quel projet d’aménagement et il est difficile d’en mesurer l’importance. Néanmoins, nous pouvons, à partir des entretiens et analyses, dégager une série de remarques mettant en rapport cette approche critique et le projet des Cherpines :

D’une part, il ressort des discussions et entretiens que les incertitudes et craintes existent bel et bien auprès des participants sur l’impact réel de leur participation au final ;

D’autre part, certains ont émis l’idée d’une possible instrumentalisation de leur participation à des fins de propagande politique de promotion du projet de développement, impression latente mais suffisamment présente pour avoir directement mené à la création de la charte.

103 JOLIVEAU T., AMZERT M., « Les territoires de la participation : problème local, question universelle ? », Géocarrefour, Journal International des Sciences de l’Information et de la Communication, Toulon, 2008, p.173

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9.5 Les apports et limites des groupes de travail

Dans cette dernière partie, nous avons cherché à montrer quels sont les processus participatifs à l’œuvre dans le projet des Cherpines, et à en analyser l’organisation, les objectifs, les enjeux et les arguments avancés par les uns et les autres. Nous avons pu déconstruire les représentations de ce qu’est (ou devrait être) un processus participatif complet, large, ouvert et intégré, et démontrer que ces représentations ne sont pas identiques pour l’Etat, les communes ou pour les participants provenant de la société civile.

Ainsi, la méthodologie de création et de gestion de ces processus ne va pas de soi, mais dépend du point de vue, des volontés, des intérêts et du temps consacré par les uns et les autres, et doit donc se faire selon des procédés formalisés, réglementés et concertés.

Cette analyse a pu montrer que les groupes de travail, tels qu’ils ont été imaginés, ont permis de mettre en lumière des besoins qui pouvaient être exprimés principalement par des associations représentatives de la société civile. Ils répondent donc bien à un processus participatif, dans le sens où sans l’intervention de ces représentants d’associations, l’existence de ces besoins n’aurait pas pu être exprimée. Ils ont également permis de récolter de nombreux projets, atteignant ainsi le but principal tel qu’il était annoncé, mais ont pu également exprimer et intégrer certains avis nouveaux ou inattendus sur le projet des Cherpines et son programme global. Ces groupes ont aussi vu surgir quelques idées et réalisations intéressantes, comme l’émergence de la charte ou du plan culturel, qui peuvent trouver leur utilité pour d’autres projets dans d’autres contextes.

Cependant, nous avons pu également mettre en avant certaines interrogations, voire certaines craintes de la part des participants, et quelques lacunes dans l’organisation de ces groupes de travail : leur côté informel ne comportant aucune obligation d’une tenue régulière ou d’aboutir à un résultat ; une forme de lassitude peut gagner tant les participants que les administrations, directement liée au temps long du projet et ses nombreuses étapes ; enfin, la nécessité d’une information partagée et transparente sur les décisions, les éléments techniques et le calendrier du projet.

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Les groupes de travail tels qu’ils ont été conçus et se sont déroulés pour le projet des Cherpines-Charottons représentent donc une avancée indéniable des méthodes participatives dans le domaine de l’aménagement du territoire, mais ne représentent pas à eux seuls une participation complète idéale : d’une part elle n’est pas contraignante, et ne comporte pas de dimension décisionnelle ; d’autre part, sa représentativité est limitée, notamment par la méthode d’invitation et les thématiques abordées, et subordonnée à la conception et à la défense d’un projet.

Typiquement, la tenue d’ateliers ou de tables-rondes avec d’autres acteurs de la société civile : habitants, propriétaires, ONG, entreprises… permettrait d’améliorer la représentation des différents types de populations et d’intérêts. Il pourrait encore être imaginé d’autres types de récoltes des avis, envies et visions des citoyens, tels des sondages, des séances publiques ou autres, par exemple auprès de jeunes ou de personnes défavorisées qui s’investissent rarement dans ce type de projet. Evidemment, l’organisation d’une participation entière et durable nécessite des moyens administratifs et financiers importants, et pourrait être encore un facteur supplémentaire prolongeant le temps de réalisation des futurs projets d’urbanisme à Genève.

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A travers cette recherche en géographie, nous avons cherché à comprendre et analyser quels sont les processus participatifs à l’œuvre dans les projets d’aménagement dans le contexte de la démocratique suisse actuelle, afin d’appréhender quelles évolutions ont permis d’amener des procédures de ce type dans les projets de développement urbains, et finalement comprendre quels sont les enjeux qui les traversent ou les caractérisent, quelles en sont les différentes expressions et enfin les améliorations qui pourront être apportées.

Pour cela, nous avons tout d’abord élaboré dans la première partie une réflexion théorique à partir des recherches en géographie et en sciences politiques sur la démocratie et l’aménagement du territoire, pour ensuite les croiser sur la question centrale de la participation. A partir de l’expression des différentes formes de démocraties, nous avons pu montrer quelles sont les particularités de la démocratie suisse par rapport à ses voisins européens, dans l’expression des différents avis des populations.

Puis nous avons pu apporter des éléments sur la récente apparition de la démocratie participative, comme une évolution répondant à une complexification des procédures d’aménagement, la prise en compte de la rareté de l’espace et des multitudes d’acteurs et d’intérêts, des processus de redistribution des pouvoirs (réelle ou affirmée), un transfert de compétences de l’Etat, ou encore une dépolitisation de certains débats ou certaines questions publiques.

Ainsi, ces premiers éléments théoriques nous ont amenés à expliciter les diverses formes que peuvent prendre les procédures participatives : quelles en sont les composantes, les différentes expressions et méthodes, et lesquelles peuvent être retrouvées actuellement dans les projets d’aménagement.

Ensuite, la seconde partie a permis de resituer notre questionnement dans un contexte historique, socio-économique et législatif. Pour cela, nous avons présenté les particularités de l’aménagement du territoire en Suisse et à Genève, en expliquant quel pouvait être l’exemplarité du projet des Cherpines dans le domaine de la participation en aménagement du territoire :

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Le fait que les autorités expriment l’importance de la participation dans ce projet et la manière innovante dont elle a eu lieu, comme les groupes de travail ou le Mandat d’Etudes Parallèles ; le contexte socio-économique particulier et les enjeux variés (développement régional, rareté de l’espace, logement, emploi, agriculture) ; la complexité politico- administrative, avec une multitude d’acteurs concernés, de nombreux plans d’aménagement croisés à des échelles différentes (Projet d’agglomération, PACA, Plan Directeur Cantonal, PDQ, PLQ…), et enfin des niveaux législatifs imbriqués.

La dernière partie a cherché à montrer, à travers notre cas d’étude, quelles sont les dynamiques démocratiques à l’œuvre par rapport aux procédures en aménagement du territoire : les méthodes, les délais, les craintes, la transparence, la représentativité, la légitimité, la prise de décision. Tous ces questionnements transparaissent dans les processus participatifs tels que nous les avons analysés pour le projet des Cherpines.

Ces trois parties et tous les éléments qui les composent expriment ce que l’étude de la participation en aménagement du territoire, à la fois comme champ de recherche scientifique, domaine d’application technique et procédural, ou encore comme lieu d’expression et d’échange multi-acteurs sur les intérêts et enjeux variés qui s’expriment sur un espace donné, peut amener à la recherche en géographie sur la question de la démocratie ou à l’objet territorial en science politique et en sociologie.

Ainsi, nous avons tout d’abord cherché à savoir à quelle(s) échelle(s) était pensé le développement territorial, et avons pu détailler les différents niveaux hiérarchiques politiques, administratifs et législatifs à l’œuvre en aménagement du territoire : tous les domaines relatifs au développement territorial (infrastructures, transports, paysage, habitats) entrent dans le domaine de l’aménagement du territoire, organisé conjointement par la Confédération, les cantons et les communes, chaque niveau possédant une politique, une organisation, une échelle d’action et une législation spécifique, qui va du général au particulier, et fixant les critères et conditions à suivre par les niveaux inférieurs. Nous avons également pu montrer la particularité de l’organisation et de la législation genevoise dans ce domaine.

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A ces considérations, nous avons également pu démontrer l’importance d’ajouter la prise en considération de la société civile dans son ensemble, grâce à la participation. Ainsi, l’aménagement du territoire se pense et se construit à toutes les échelles et à tous les niveaux, et tous doivent dans l’idéal travailler de concert pour arriver à donner une cohérence au territoire et un développement harmonieux, durable, pour une utilisation optimale de l’espace rare.

A ces interrogations initiales, nous avons également pu ajouter la question des influences du périmètre institutionnel, autrement dit la problématique de l’échelle institutionnelle dans les procédures de décisions. Les procédures actuelles de l’Office de l’urbanisme engendrent en effet une construction des projets sur plusieurs étapes parallèles (PACA, Plan Directeur, Plans Stratégiques de Développement, pour ce qui concerne les objectifs et stratégies) ou successives (PDQ, PLQ... pour chaque projet spécifique), et chacune de ces étapes possède une échelle de réflexion correspondant à un niveau de détails spécifique.

Cependant, dans la pratique s’intègrent néanmoins tous les niveaux (tous les services et tous les acteurs) et toutes les échelles dès le départ, afin d’appréhender toute la problématique, tous les enjeux et toutes les surfaces nécessaires. C’est la raison pour laquelle les groupes de travail (récolte de projets s’intégrant dans des petites surfaces) ont eu lieu (et doivent avoir lieu) dès la première étape de la conception, puisque nous avons en effet pu expliquer que « l’espace, on ne le récupère pas », et que tout espace qui n’est pas envisagé au départ aura des difficultés croissantes à s’intégrer en fonction de l’avancement du projet (sauf dans le cas d’une imposition légale ou réglementaire). Ainsi, cette participation apparaît dans la théorie comme un processus indispensable au bon déroulement du développement territorial et des projets qui en découlent.

Pour confronter cette constatation théorie à la pratique, nous avons alors cherché à savoir quelles étaient les raisons et intérêts (avantages et inconvénients) qui poussent ou non les autorités à mettre en place et organiser de tels processus participatifs, et avons dans ce but émis dans notre introduction une série d’hypothèses.

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Pourquoi les élus et/ou responsables en charge de ce type de projet peuvent décider d’organiser de tels processus participatifs ?

Hypothèse 1.1 : cela repose sur la conviction de l’utilité ou même de l’indispensabilité de la prise en compte de tous les avis, intérêts et valeurs de la population, conviction basée sur une sensibilisation ou une formation reçue sur les méthodes participatives.

En général, chacun (élus, responsables administratifs, professionnels) affirme soutenir et croire en la nécessité de l’organisation d’une participation large, ouverte et transparente auprès de la population, soit par conviction et réflexion personnelle, soit parce qu’ils y ont été sensibilisés lors d’une formation quelconque. Il est toutefois difficile de pouvoir tester cette hypothèse en l’état, mais rien ne nous permet objectivement de remettre en doute ces affirmations. Il est malgré tout fait mention par certains que d’autres peuvent être convaincus que les processus démocratiques actuels sont suffisants pour la gestion ou le développement du territoire, ou lorsqu’il s’agit d’élus, convaincus de leur propre légitimité.

Hypothèse 1.2 : cela semble répondre à une demande sociale majoritaire forte, un courant de pensée collectif auquel il faut répondre impérativement. Dans ce cas de figure, l’élu est investi du sentiment qu’il ne peut aller contre, même s’il n’est pas convaincu de l’utilité de la démarche.

Cette hypothèse reste valide sur son principe, dans le sens où la participation est devenue une dimension incontournable de la politique actuelle et souhaitée par une majorité d’électeurs. De plus, il est nécessaire de prendre en compte qu’il serait facile de ne pas intégrer les résultats d’une consultation, d’organiser une participation non-représentative ou même d’appeler « participation » des séances d’informations quelconques.

Dans le cas des Cherpines, c’est en partie de cela qu’il s’agit en ce qui concerne le MEP, pour lequel nous avons pu montrer qu’un seul représentant des riverains était membre du jury. Cette constatation est contrebalancée par l’organisation des groupes de travail, même s’ils ne concernent que deux thématiques et revêtent un caractère informel.

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Cependant, nous avons démontré que les groupes de travail tels qu’ils ont été conçus pour le projet des Cherpines, reposent essentiellement sur la volonté et l’investissement de tous les participants, élus comme responsables associatifs. La forte demande sociale pour la participation existe donc mais n’est pas réellement un élément majeur qui impose concrètement aux responsables d’un projet d’organiser une véritable participation.

Hypothèse 1.3 : elle répond à une obligation formulée par la législation, une réglementation ou une hiérarchie politico-administrative, par exemple un élu pour un employé communal, les autorités du parti pour un élu, le canton pour une commune, la Confédération pour le canton, etc.

En théorie, la législation fédérale et cantonale impose aux responsables d’un projet d’aménagement d’organiser des processus d’information et de consultation auprès de la population, en particulier sur le déroulement et les objectifs d’un aménagement. Les autorités doivent veiller à ce que la population puisse participer de manière adéquate, et que les plans puissent être consultés, comme indiqué au chapitre consacré à l’aménagement du territoire en Suisse.

Cependant, en pratique, les responsables subissent peu d’obligations en ce qui concerne les processus de concertation ou de coproduction, puisque la législation reste générale, peu contraignante, et ne mentionne rien sur les méthodes, les moyens, les délais ou les résultats à attendre de ce type de participation.

Hypothèse 1.4 : cela peut être un moyen de diluer les responsabilités, en créant du débat local pour fragmenter les positions, afin que les enjeux fondamentaux à plus large échelle ne soient pas discutés.

Cette hypothèse intéressante s’avère néanmoins erronée dans le cas du projet des Cherpines, puisque les positions locales semblaient déjà fragmentées, les oppositions provenant essentiellement de ce niveau (jardins des Charrotons) sur la question de l’agriculture, les opposants ayant choisi de s’exprimer en élargissant le débat à la question de l’étalement urbain sur la zone agricole.

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Comme nous l’avons montré dans la seconde partie avec la représentation spatialisée des résultats des votations sur le déclassement, l’acceptation s’est faite beaucoup plus largement à l’échelle cantonale qu’à l’échelle locale, notamment en raison du syndrome NIMBY.

Cependant, cette hypothèse de la dilution des responsabilités reste valable pour ce qui est des processus de désengagement de l’Etat, notamment en termes financiers avec les partenariats publics-privés, ou encore par le transfert de compétences à des associations ou entreprises implantées localement.

Hypothèse 1.5 : cela peut être un double moyen d’assurer une légitimité (auprès de l’opinion publique, des autorités cantonales voire fédérales) et tout à la fois de limiter les blocages et oppositions, en s’assurant de la collaboration des acteurs locaux (responsables associatifs, conseillers municipaux, personnalités, habitants, propriétaires…).

Nous avons pu démontrer dans la troisième partie que les groupes de travail étaient composés pour partie, du moins au début, d’institutions d’envergure cantonale voire fédérale, dont les projets et la participation permettaient de valoriser et légitimer le projet de développement global en lui-même.

Les responsables du projet ont ainsi pu s’appuyer à la fois sur des personnalités des milieux concernés et sur des associations locales, responsabilisant et investissant leurs responsables dans le projet global, bénéficiant ainsi de leur soutien et de leurs réseaux respectifs, ceci dans le but de lutter contre les oppositions ayant lieu localement (par les riverains ou exploitants de la zone concernée).

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Comment les différents acteurs de la société civile ont été approchés pour participer à ces groupes de travail, et à quelles échelles ? Pourquoi ont-ils pris la décision d’y participer, d’y renoncer ou de s’opposer au projet ?

Comme nous l’avons relevé dans la troisième partie, la volonté des organisateurs de ces groupes de travail a été de laisser l’accès à ces groupes relativement ouvert, mais sans toutefois lancer une invitation à grande échelle, en choisissant une méthode d’invitation via les réseaux sportifs et culturels existants à l’échelle locale et aussi parfois cantonale.

Pour reprendre notre questionnement mentionné en introduction, nous nous sommes penchés sur les raisons qui poussent les acteurs de la société civile à s’investir dans de telles procédures participatives, en fonction de leur statut et/ou de la représentation de leurs intérêts :

Hypothèse 2.1 : voir leurs avis pris en compte ou leurs projets se concrétiser (obtenir des espaces dans le futur quartier), ce qui suppose à la fois une croyance dans le bien-fondé et la nécessité du projet, mais aussi une confiance envers la volonté et les capacités des autorités locales à y intégrer des nouveaux projets ou remarques.

En effet, on remarque que la décision repose avant tout sur le souhait d’obtenir des espaces pour des activités présentes ou futures. A ceci, il faut ajouter que cela concerne les participants assistants régulièrement aux séances. En effet, lors des premières séances, de nombreux acteurs sont venus assister au démarrage du projet, prendre des informations ou donner leur avis, mais sans donner suite au dépôt et suivi d’un projet dans les séances suivantes.

Hypothèse 2.2 : par intérêt politique : participer aux discussions avec des élus locaux sur un projet de ce type permet d’obtenir des avantages ou un espace de discussion privilégié pour d’autres problématiques locales.

Cette hypothèse, quant à elle, sur la participation dans le but d’obtenir d’autres avantages, telles des subventions, ne semble pas concerner beaucoup d’acteurs. En général, les projets

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Faculté des Sciences Économiques et Sociales Semestre d’automne 2011 et subventions qui ne concernent pas les Cherpines sont le fruit de discussions préalables ou l’objet de dépôts de dossiers ou de réunions spécifiques extérieurs à ces groupes. Néanmoins, l’investissement et le fait de côtoyer régulièrement les élus dans un processus comme celui des Cherpines rend les discussions et la défense d’autres projets plus aisée.

Hypothèse 2.3 : Participer pour s’opposer : décider de s’impliquer dans de tels processus pour les retarder ou faire barrage au projet, aux idées ou aux acteurs dont les points de vue sont les plus éloignés, une forme de lobbysme contestataire ou revendicatif.

Enfin, cette dernière hypothèse ne trouve pas non plus d’exemple concret, ni au sein des groupes de travail ni au sein du MEP. Cela peut s’expliquer notamment parce qu’aucune procédure participative ne comportait directement de potentiel décisionnel, qui aurait pu permettre de réellement retarder ou entraver le processus et donc le projet en lui-même.

Raisons et causes d’un refus à la participation

En dehors des acteurs ayant choisi de s’impliquer, nous avons énoncé une dernière série d’hypothèses concernant les acteurs ayant été approchés par les autorités communales qui ont refusé cet appel à la participation :

Hypothèse 3.1 : refus dû à une impression, un sentiment que de tels processus ne servent que de ‘‘légitimation’’ du projet, ceux-ci ne comportant pas d’élément décisionnel, et qu’il existe un manque de garantie de déboucher sur un résultat final concret.

Pour répondre à cette affirmation, nous devons d’abord préciser que nous n’avons pas constaté de refus direct à une invitation, mais il est difficile de pouvoir l’affirmer, n’ayant pas eu connaissance de ce type de cas, de par la méthode d’invitation elle-même.

Nous avons toutefois pu constater l’expression de la crainte de n’être qu’une justification plutôt qu’un vrai décideur, ce qui a notamment mené à la création de la charte culturelle, et qui a peut-être mené au découragement de certains, cela n’ayant toutefois pas entraîné de refus ou départ direct des groupes de travail.

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Hypothèse 3.2 : refus de participer dû à une idéologie ou un intérêt contradictoire : selon certaines valeurs (sensibilité environnementale ou sociale…), ou par vision politique, historique, économique ou identitaire particulière du développement territorial.

Cela peut être le cas par exemple de la croyance en un développement de la ville différent de celui proposé par le projet. Typiquement, le cas des Jardins des Charrotons, semble relever partiellement de cette hypothèse. Leurs responsables sont en effet venus assister à quelques séances et réunions annexes (concernant l’élaboration de la charte notamment).

En effet, leur but était au départ de venir présenter leur point de vue, leurs alternatives. Mais les enjeux étaient trop forts, les avis trop divergents, et finalement leurs responsables ont décidés de s’opposer par la méthode du référendum et de la médiatisation. Cependant, ils n’ont pas choisi de faire entrave au déroulement des séances participatives (ce qui paraît difficilement défendable vis-à-vis des autres participants), ce qui conforte l’invalidité de l’hypothèse 2.3. Ainsi, les Jardins des Charrotons, tout comme les responsables des groupes de travail, ont eu le mérite de discuter ensemble, proposer et confronter des visions, des réflexions (au final malheureusement incompatibles) sur l’aménagement du territoire.

Pour répondre à la question du périmètre de la participation, afin de savoir si une participation bornée au territoire communal peut tronquer l’inventaire des opinions et des besoins exprimés, nous avons pu montrer que le projet des Cherpines a cherché à réunir essentiellement des acteurs locaux, mais également d’autres acteurs œuvrant à l’échelle cantonale ou supérieure. Nous pouvons donc affirmer que dans ce cas-ci tout du moins, la délimitation d’un périmètre localisé pour le projet n’a pas délimité le même périmètre pour ce qui est de la participation. Ceci ne nous permet néanmoins pas d’affirmer que ce serait le cas pour d’autres projets de ce type, puisque le projet des Cherpines présente la particularité de se situer sur deux communes, ni de pouvoir mesurer les effets sur l’inventaire des besoins et opinions d’une participation limitée au périmètre du projet.

Malgré tout, nous avons pu poser la question de l’échelle aux participants, pour tenter de savoir qu’elles étaient les représentations, les périmètres d’action de leurs projets. En règle générale, nous pouvons relever que cette perception dépend de leur échelle d’action

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Faculté des Sciences Économiques et Sociales Semestre d’automne 2011 habituelle, de leur statut, de leurs moyens financiers et humains, de leur organisation, et enfin de l’histoire de leur implantation locale.

Au final, notre analyse d’un projet d’aménagement dans le contexte genevois permet d’apporter une réponse à notre question de recherche : la démocratie actuelle est-elle suffisante pour répondre aux objectifs d’une participation large, organisée et représentative ?

Comme nous l’avons démontré dans la première partie, la démocratie représentative ou semi-directe telle qu’elle s’est établie en Europe durant le XXème siècle permettait une représentation d’une majorité de la population mais pas de tous les acteurs, enjeux, avis ou intérêts. Avec l’apparition de la démocratie participative, des progrès ont été réalisés dès les années 1980, avec des processus de désengagement de l’Etat, de transfert de compétence, la multiplication de partenariats publics-privés ou encore la dépolitisation de certains débats.

Cependant, pour une réelle représentativité large dans les projets d’aménagement du territoire, en particulier de développement urbain, d’autres méthodes, d’autres moyens ou instruments peuvent encore être développés, notamment à l’échelle locale, remettant en valeur le micro par rapport au macro :

« La démocratie de proximité n’est pas seulement l’octroi de nouveaux droits aux citoyens pour relégitimer la démocratie représentative, c’est également une nouvelle forme de gouvernabilité territoriale assise sur un espace revalorisé, et parfois ressuscité, le quartier, dans la perspective de construire une implantation politique »104.

La finalité à laquelle semble mener ces évolutions de la société est une utilisation optimale de l’espace rare dans une optique de développement durable qui réponde aux besoins et intérêts d’une population la plus large possible et permettre de maximiser la qualité de vie pour le présent et pour l’avenir.

Ainsi, la démocratie participative construit la société de demain, et les projets de développement urbain futurs devraient pouvoir s’inspirer des processus innovants tels qu’ils

104 CHIGNIER-RIBOULON F., « Les conseils de quartier, entre progrès de la démocratie participative et nouvelle territorialisation de l’action politique », Géocarrefour Vol 76, 2001, p.191

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Faculté des Sciences Économiques et Sociales Semestre d’automne 2011 ont été menés dans le projet des Cherpines, en particulier les groupes de travail, tout en devant être accompagnés d’un cadre organisé, officialisé et mieux défini (moins expérimental, moins informel), complété par d’autres procédures différenciées (temps de participation réadapté, autres types d’acteurs sollicités, thématiques diversifiées…), tels des tables-rondes, ateliers, séances de débats publiques, etc. selon des procédures légiférées, plus intégrées et plus contraignantes.

Il s’agira de trouver un juste équilibre entre la représentativité et la faisabilité de tels processus, tout en garantissant la légitimité et la transparence, l’accès à l’information pour tous, voire élaborer des méthodes afin d’intégrer des éléments décisionnels pour ces processus participatifs.

Pour cela, les projets de développement territoriaux devront pouvoir s’enrichir des expériences menées dans les divers projets d’aménagement, pour lesquels des bilans devraient être réalisés afin de faire profiter les planifications futures des succès et des échecs rencontrés par certaines procédures. Mais également, la recherche en aménagement du territoire devra pouvoir s’appuyer en particulier sur les travaux menés par les sciences sociales dans les domaines de la recherche fondamentale ou pluridisciplinaire de la Géographie, la Sociologie, la Démographie, la Science Politique et l’Histoire.

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Table des illustrations

Figure 1 (page de titre) Master Plan FHY 2ème rendu, Mandat d’Étude Parallèle

Figure 2 : Schéma de la micro-représentativité selon Gardère GARDERE Jean-Philippe, « Démocratie participative en aménagement urbain : vers la micro-représentativité », Informations, Savoirs, Décision, Médiations, Journal International des Sciences de l’Information et de la Communication, Toulon, 2008, p.1

Figure 3 : Interactions représentations – aménagement – territoire SALOMON CAVIN J., « La ville, perpétuelle mal-aimée ? représentation anti-urbaines et aménagement du territoire en Suisse : analyse, comparaisons, évolutions », Coll. Logiques territoriales, Presses polytechniques et universitaires romandes, Lausanne, 2005, p.16

Figure 4 : Le système politique dans lequel les politiques publiques s’inscrivent HORBER-PAPAZIAN K., « Evaluation des politiques publiques en Suisse, pourquoi ? pour qui ? comment ? », Communauté d’études pour l’aménagement du territoire, coll. Hommes, Techniques, Environnement, Lausanne, 1990, p.15, IN : BRIDEL Laurent, « Manuel d’aménagement du territoire », Volume 3, Georg Editeur, 2002, p.34

Figure 5 : Les niveaux de participation METTAN N., SFAR D., HORBER K., « Du conflit à la coopération ou les nouvelles modalités de la gestion des projets urbains, rapport de synthèse », PNR « Ville et transports » Rapport52, Zurich, 1994a, p.67, IN : BRIDEL Laurent, « Manuel d’aménagement du territoire », Volume 3, Georg Editeur, 2002, p.92

Figure 6 : Le schéma d’agglomération 2007 Site internet officiel du Projet d’agglomération Franco-Valdo-Genevois, « Le Schéma d’agglomération n°1 : conception, mesures et mise en œuvre », 2007, p.1, http://www.projet-agglo.org/articles-fr/13,87,373-schema- dagglomeration.html, consulté le 06 décembre 2011

Figure 7 : Résultats du référendum sur le déclassement de la zone Cherpines-Charottons du 15 mai 2011, Tribune de Genève, 16 Mai 2011

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Figure 8 : Projet d’agglomération Franco-Valdo-Genevois « PACA St Julien-Plaine de l’Aire : Etude test à 2 degrés, compte-rendu de la 2ème table », 20 Juin 2009, p.3

Figure 9 : Présentation Mayor-Beusch du 20 Juin 2009 Projet d’agglomération Franco-Valdo-Genevois, « PACA St Julien-Plaine de l’Aire : Etude test à 2 degrés, compte-rendu de la 2ème table », 20 Juin 2009, p.7

Figure 10 : Ebauche de développement du quartier – PACA Plaine de l’Aire 2009 Projet d’agglomération Franco-Valdo-Genevois, « PACA St Julien-Plaine de l’Aire : Etude test à 2 degrés, compte-rendu de la 2ème table », 20 Juin 2009, p.5

Figure 11 : Mise en œuvre et étapes-clés du projet des Cherpines-Charottons Département des constructions et des technologies de l’Information, Office de l’urbanisme, Cherpines : Groupe sport culture loisirs, présentation du 10 Octobre 2011, p. 3

Figure 12 : Organigramme du pilotage hiérarchisé du projet des Cherpines-Charottons Cahier des Charges du Plan directeur de Quartier, « Définition, pilotage et composition de suivi de l’étude », version du 06 décembre 2010, p.20

Figure 13 : Programmation globale au 21 Septembre 2011, Département des constructions et des technologies de l'information, Office de l'urbanisme, Groupe sport, culture et loisirs, séance du 10 Octobre 2011, p.15

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Annexes

Retranscription d’entretiens

1) Laurent Matthey, directeur de la fondation Braillard Architectes

2) Laurent Seydoux, ancien conseiller administratif en charge de l’aménagement à Plan- les-Ouates, président des Verts-Libéraux genevois

3) Pascal Mabut, co-responsable du service culturel de Plan-les-Ouates

5) Sarah Girard, médiatrice culturelle, enseignante et photographe, conseillère municipale : participante au groupe de travail culturel des communes et au groupe cantonal « culture, sports et loisirs » pour la mise en place du Plan Directeur de Quartier

5) Yan Roschi, coordinateur de l’Union des Espaces Culturels Autogérés

6) Françoise Joliat, ex-conseillère administrative socialiste de Confignon en charge de la culture

7) Ruben Villenave, chargé de projet à l’Office de l’Urbanisme, Département des Constructions et Technologies de l’Information. Sur demande de l’Office de l’Urbanisme, la retranscription de cet entretien a été reproduite et transmise uniquement au jury.

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ANNEXE 1 : Charte de collaboration et d’intégration des porteurs de projets au sein du projet d’urbanisation des Cherpines »

Préambule

Le présent document, initié dès le mois de juin 2010, a pour buts : • d’établir un plan d’action commun entre les acteurs culturels signataires et les communes de Confignon et de Plan-les-Ouates ; • de définir le cadre du processus participatif visant l’implantation des surfaces vouées aux activités culturelles dans l’ensemble du périmètre d’aménagement du quartier des Cherpines-Charrotons comprenant 58 hectares ; • de poser les engagements et garanties que peuvent assumer les différentes parties.

Article 1. Méthodes de participation citoyenne.

De la participation et de l’intégration citoyenne au projet d’urbanisation.

Les signataires de la charte excluent un niveau de participation réduit à leur seule consultation, car ils s’investissent dans un projet pour lequel ils sont partie prenante de la phase de conception à la phase de mise en œuvre.

Il est primordial de s’entendre sur le partenariat entre acteurs culturels et communes dès le plan directeur de quartier (PDQ). La présente charte doit pouvoir constituer l’acte fondateur de ce partenariat. Des relations de confiance mutuelle peuvent ainsi s’établir. Par la suite, les porteurs de projet doivent pouvoir travailler en partenariat avec les bureaux d’architectes mandatés, au moins à partir de la phase d’élaboration des plans localisés de quartier (PLQ).

Pour les phases d’élaboration et de construction, des séances régulières d’informations et d’échanges réunissant les porteurs de projet, les architectes mandatés et les financeurs du dit projet seront mises en place.

Concernant l’exploitation des espaces construits, il est primordial pour les porteurs de projet que nos partenaires respectent l’autonomie de fonctionnement ainsi que de programmation des structures gérées de manière associative.

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Article 2. Garanties de transparence.

Du devoir réciproque d’information et de transparence entre les parties signataires.

Le degré de transparence par rapport à la circulation des informations constitue un des piliers des relations de confiance instaurées. Les différentes parties s’engagent à transmettre régulièrement les informations relatives à l’évolution du projet d’aménagement du périmètre d’aménagement des Cherpines ainsi que les comptes- rendus des différentes commissions et groupes de travail selon une liste de contacts régulièrement mise à jour.

Précédents à la charte : les autorités communales informent les porteurs de projets, les bureaux d’études mandatés et tout autre acteur impliqué dans l’élaboration des plans d’aménagement, des accords qu’elles ont conclu de manière formelle et informelle avec des tiers ou partenaires privés avant la ratification de la présente charte.

Mise en réseau des différents acteurs : les autorités communales font circuler aux différents partenaires une liste de contacts regroupant les coordonnées des acteurs participants, des administrations publiques, des consultants et des bureaux d’études, d’urbanistes et d’architectes mandatés.

Article 3. Identification des besoins en matière de culture.

De l’élaboration d’un inventaire et d’une cartographie des lieux développant des activités culturelles et sociales sur les communes concernées.

Les signataires de la charte suggèrent de donner une visibilité des lieux culturels existants en fonction des différents types d’espace (lieux de création et de répétition, lieux de résidences et d’accueil pour artistes, lieux de représentation et de diffusion).

Dans cette même optique, ils soutiennent également un inventaire des structures sociales existantes (notamment les centres de loisirs et maisons de quartier), dans le but de coordonner les différentes actions sur le long terme.

Article 4. Culture et urbanisme.

De l’intégration physique des espaces culturels et artistiques dans le plan d’aménagement de l’ensemble de la zone.

Les autorités communales réservent en divers endroits de la zone d’aménagement des Cherpines des espaces accessibles aux milieux associatifs ainsi qu’aux jeunes artistes pour des activités non lucratives, en tenant compte de la cartographie des lieux existants (article 3), des recommandations du présent chapitre et d’une fourchette de prix maximaux de 80 à 120 frs/m2/an.

Les signataires de la charte encouragent : - la mixité des activités plutôt que leur sectorisation ; 135 | P a g e

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- l’implantation de structures de proximité de taille moyenne en tant que lieux de vie, d’échanges et de rencontres, modulables et accessibles ; - une répartition géographique des espaces en tenant compte de la cohabitation des activités.

Article 5. Culture et architecture.

De la prise en considération par les bureaux d’architectes des activités et des caractéristiques spécifiques des différents acteurs culturels.

Les différents partenaires se donnent les moyens adéquats pour éviter toute discrimination par rapport au type d’activités, et ce, en tenant compte de la distinction usuelle qui est faite à tort entre activités bruyantes et non bruyantes, et/ou entre activités diurnes et nocturnes.

Les signataires seront attentifs : à l’implantation des espaces culturels, à la mobilité du public, aux propriétés des bâtiments, aux degrés de finition, aux choix des matériaux utilisés et à la consommation d’énergies au sein des bâtiments.

Article 6. Culture et logement.

De l’importance de ne pas opposer culture et logement. Les besoins en logement sont importants mais la culture enrichi la cohésion sociale et apporte des lieux de respiration, de régénération, d’inspiration et de questionnements.

Les signataires de la charte encouragent l’intégration des structures culturelles dans leur environnement de telle sorte que l’implication des habitants dans la gestion de celle-ci soit possible.

Article 7. Culture et agriculture.

Du positionnement éthique des signataires de la charte face à l’exclusion possible de certains acteurs agricoles présents sur la zone, et face aux répercussions environnementales du projet.

Les signataires de la charte expriment leur souhait que les autorités communales effectuent un inventaire du patrimoine agricole voué à être détruit dans le périmètre d'aménagement du quartier Cherpines-Charrotons, qu'elles rendent publics les résultats de cet inventaire, et qu'elles communiquent publiquement la part de ce patrimoine perdu qui sera restituée au sein du projet d'aménagement.

En effet, considérant les besoins alimentaires de la future zone d’habitation, il est éthiquement et pratiquement fondamental de mettre ces besoins en résonance avec l’actuelle productivité alimentaire de la zone déclassée.

Les signataires de la charte sont sensibles aux questions environnementales. 136 | P a g e

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Article 8. Culture et industrie.

De la compatibilité entre les espaces industriels et les espaces voués à la culture et à la création.

Les signataires de la charte reconnaissent la compatibilité des secteurs d’activités, aussi bien en termes d’horaires que de bruits.

Article 9. Culture, formation et loisirs.

D’un développement des activités culturelles comme alternative aux loisirs de consommation, comme support à l’apprentissage et à la formation et comme outil de réinsertion.

Les signataires de la charte encouragent le développement des volets formation et transmission/partage/échange de connaissances par des cours, ateliers collectifs, stages et conférences pour tout type de public.

Toute personne intéressée est invitée à suggérer des améliorations, des corrections ou des suppléments à apporter à la présente charte avant d’y souscrire.

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ANNEXE 2 : Communiqué de presse - présentation publique du 17 /09/2010

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ANNEXE 3 : extrait du procès-verbal de la séance du 30 septembre 2009

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ANNEXE 4 : Composition du collège d’experts du Mandat d’Etudes Parallèles

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Entretien avec Laurent Matthey, 17 Janvier 2011

Laurent Matthey est géographe et directeur de la Fondation Braillard Architectes. « Créée en 1987, la Fondation Braillard Architectes est une institution suisse reconnue d’utilité publique, domiciliée dans le Canton de Genève. Son objectif général est d’assurer une meilleure diffusion culturelle de l’architecture et de l’urbanisme.

Concrètement, la Fondation Braillard Architectes est active dans les domaines de la recherche en études urbaines et sciences de la ville, de la valorisation et de la conservation du patrimoine architectural du XXe siècle et de la promotion de l’architecture et de l’urbanisme.

Ces domaines d’activités s’organisent autour de trois structures : le Conservatoire du patrimoine Braillard, le Groupe de recherche architecture et territoire et le Pôle de valorisation et de médiation des savoirs urbains.

À travers ses actions, la Fondation se propose d’être plus qu’un lieu de mémoire patrimoniale ; un espace ancré dans le présent, œuvrant pour le développement qualitatif de la ville et de l’habitat »105

Laurent Matthey connaît le projet des Cherpines à plus d’un titre :

- Il a participé au Mandat d’Etudes Parallèles (MEP) jusqu’à son second tour.

- Il participe à une recherche (avec Yves Bonnard) sur l’agriculture périurbaine et de proximité, dont l’un des terrains est le secteur des Cherpines-Charrotons. La suite de l’entretien fut destinée à prendre des informations, documents et contacts potentiels. Il a néanmoins pu m’aider à établir d’autres pistes de recherche, notamment des questions à produire lors des futurs entretiens :

- Comment a été formé le jury pour le mandat d’études parallèles ?

- S’intéresser à la question de l’échelle de la participation : pourquoi avoir limité ces groupes aux acteurs locaux (surtout dans le but d’une limitation plus large des oppositions).

- Identifier les acteurs qui n’ont pas été approchés.

- Poser la question des critères aux services communaux.

105 Site Internet de la Fondation Braillard Architectes - http://www.braillard.ch, consulté le 02/01/2012

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Entretien avec Laurent Seydoux, 14 Février 2011

Nicolas Clémence : Pouvez-vous vous présenter, donner votre fonction, votre rôle et celui de votre structure dans ce projet ?

Laurent Seydoux : Je suis conseiller administratif de la commune de Plan-les-Ouates, en charge de l’aménagement du territoire, depuis 8 ans. J’ai eu l’occasion dans ce cadre-là de m’occuper du projet de la Chapelle-les-Sciers, un projet de l’Etat qu’on a récupéré quasiment in extremis pour pouvoir initier un PLQ et légèrement modifier le Plan Directeur de Quartier. C’est là où j’ai commencé à connaître les rouages de l’Etat, quels sont les buts de la commune et autres. On a officiellement pas de compétence en aménagement du territoire, mais on a quand même si on en anticipe bien la possibilité d’avoir une certaine maîtrise, en tout cas une implication dans l’aménagement.

Donc sur le projet des Cherpines, quand on a appris que cela devenait une priorité pour le conseil d’Etat de développer le secteur des Cherpines, depuis le début j’ai souhaité que la commune s’inscrive comme partenaire, pour éviter d’avoir une cité-dortoir ou une urbanisation qui ne corresponde pas aux souhaits de la commune. Pour ce faire, on a commencé par faire une image directrice de ce secteur-là, en tenant compte du souhait de la commune depuis 20 ans, que ce secteur soit dévolu principalement pour la partie sportive, les autres emplacements sportifs de la commune ont été ramenés là : football, rugby. C’est donc le souhait de la commune que si cette zone est urbanisée, qu’une partie sportive soit présente et agrandie.

Sur cette base-là, on s’est dit que s’il y a des activités sportives, cela ne doit pas vivre que le soir et les week-end, cela doit vivre toute la journée, cela doit travailler avec la zone industrielle, avec les écoles, enfin des vrais lieux de vie : de sports, de loisirs, de culture, de commerces, pour arriver à un équilibre public-privé, de façon à ce qu’on ne se retrouve pas avec des promoteurs qui construisent des logements, qui font de l’argent puis qui partent, et après c’est aux collectivités de financer toutes les infrastructures à destination de la population.

Donc l’idée de départ c’est d’être à la fois maître de l’aménagement, des terrains, de la mise en œuvre. J’ai rapidement pu faire accepter à mes collègues du conseil administratif et du conseil municipal d’être partenaires, de valider le déclassement de ce secteur-là. Entre-temps le secteur s’est agrandi avec Confignon, puisqu’à présent les 2/3 du projet des Cherpines sont sur Confignon.

Et puis surtout, en ce qui concerne l’aménagement de ce territoire, et c’est là que commence un peu la démarche participative, selon deux axes : d’une part celui qui permet aux autorités communales, de choisir le mandataire qui a participé aux Mandat d’Etudes Parallèles, qui est un concours, dans 143 | P a g e

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Faculté des Sciences Économiques et Sociales Semestre d’automne 2011 lequel 4 bureaux ont été sélectionnés sur 17 ou 18 dossiers ; puis après dans le jury aussi il y a eu des conseillers municipaux, conseillers administratifs et des représentants de l’association des riverains, des propriétaires, pour finalement sélectionner le bureau d’architectes qui va être chargé d’élaborer le Plan Directeur de Quartier, qui est un élément essentiel car c’est le seul élément qui engage réellement, formellement le conseil d’Etat et les autorités administratives de la commune. Et c’est là où mon rôle est de dire aux gens : ça c’est important, il ne faut pas qu’on se loupe.

Donc là on est sur la partie purement formelle, mais également parallèlement à ça quand on souhaite développer un quartier, pour quels besoins, pour qui, quoi, comment, et puis en partant du constat d’avoir entendu une ou deux personnes : « on a des super projets mais on sait pas où les mettre, c’est pas la bonne zone, y’a pas de place, trop de bruit, etc. », je me suis dit que nous avions là une zone qui est complètement vierge, des opportunités d’espaces, alors soyons à la réflexion au départ, car tout l’espace qui n’est pas prévu au départ on ne le récupère pas. C’est sur cette base-là d’abord sportive avec les associations de la commune, l’association genevoise des sports, mais également culturelles par la suite, qu’un groupe de travail (un petit peu informel en tant que tel même s’il a été reconnu par le conseil municipal, avec un montant assez conséquent pour animer ce groupe-là), s’est tenu assez régulièrement, à peu près tous les mois, pour récolter les différents projets dans ces domaines-là, sports, culture, loisirs, et sur ce canton des gens qui ont des idées incroyables, puis une fois qu’on les met en confrontation il n’y a plus rien, donc c’était aussi pour aller au-delà de ça.

Et au final il y a près de 150 personnes qui suivent ces groupes, de façon à pouvoir ensuite faire un tableau et puis en suite dire voilà : ça ce n’est pas possible de faire, puis chiffrer les besoins, il y a eu l’histoire de l’Event Center avec la patinoire, on souhaite qu’il soit à Plan-les-Ouates, puis après on souhaite qu’il soit aux Vernets, donc ça c’est les aléas de l’aménagement, mais surtout maintenant on a de la matière pour permettre au mandataire FHY, vainqueur du mandat d’études parallèles, d’avoir du contenu et pas de poser des choses selon les intentions, qui peuvent être bonnes, mais de dire voilà, il ne faut pas accorder ces espaces-là.

Vraiment la question de la participation est importante, avec tous les projets qui apparaissent tels quels. Mais avec la mobilisation ou la participation, la seule chose c’est qu’on n’a pas fait de publicité à l’extérieur, donc c’est du bouche-à-oreilles, du réseau, on disait à chaque fin de séance: « si vous connaissez quelqu’un qui peut venir, faites-lui en part, il nous contacte avant, etc. » donc c’est très empirique, c’est pas du tout académique mais c’était pas la volonté d’être sous cet angle-là, on ne peut pas répondre à tous les besoins du canton, mais c’est une poche d’expressions, de projets, et elle n’est pas très grande mais les projets qui sont là sont déjà suffisants.

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Nicolas Clémence : Sur ces réseaux, pour revenir vraiment sur le processus de sélection, à qui avez-vous demandé en premier lieu ?

Laurent Seydoux : A toutes les associations communales, qu’elles soient sportives et culturelles, et l’association genevoise des sports. En plus il y avait le Genève-Servette Hockey Club, on était partenaires car on avait déjà démarré (NDR : pour la patinoire extérieure actuelle de Plan-les- Ouates). Donc voilà c’est parti de là, et après c’était des connaissances, c’était vraiment un réseau très, très…

Nicolas Clémence : Donc c’est à partir de la liste des associations communales, via vos services ?

Laurent Seydoux : Exactement, on leur à écrit qu’à cette séance ils étaient les bienvenus, c’est parti comme cela.

Nicolas Clémence : Sur le processus même : qui vous a renseigné sur les façons de faire ? Où avez-vous pris vos renseignements ? Pourquoi avoir mis en place un processus participatif, à quoi ça va servir ?

Laurent Seydoux : Toute la question de la démarche participative vient d’une formation que j’ai faite à Paris à la Sorbonne sur le développement social local, qui part du principe que l’espace et le territoire est un élément important de la vie sociale. Et on voit bien que des espaces mal pensés, mal aménagés, mal construits sont des creusets à des difficultés. Il s’agit de prendre cela en amont : à la fois en termes d’aménagement du territoire d’inclure cette dimension d’espace géographique dans l’aménagement pour ensuite mettre à disposition des prestations ; et puis de tenir compte des habitants qui sont des experts d’usages, en plus des experts techniques (géographes, urbanistes…). Et tous ces projets c’est du bottom-up : toutes les idées qui viennent d’en-haut, que moi je pourrais avoir, bonnes ou pas bonnes, si elles ne sont pas validées par la base, supportée par les gens de terrain, cela à peu de sens si ce n’est de construire des choses qui souvent ne correspondent pas aux besoins.

Donc c’est dans cette idée là que mon rôle c’est de faire en sorte que le territoire soit à disposition, de respecter ces règles et ces étapes qui sont importantes, c’est le rôle de l’élu, du magistrat et des services communaux : il faut être très clair si c’est de la participation, de l’échange, de la concertation, si on donne un pouvoir de décision. Sur la question des Cherpines, il y avait à la fois de l’information, de la participation mais on n’était pas dans la décision.

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Et puis tout ça permet de faire émerger cette richesse là au niveau des élus, et ça c’est le plus compliqué. Moi je me bats face à des gens qui se disent : moi j’ai été élu par le peuple donc il n’a plus rien à dire pendant 4 ans. Mais moi je dis attendez, il n’y a que 50% des gens qui sont en âge de voter, que là-dedans il n’y a que 50 % qui ont la nationalité suisse, que là-dessus vous avez 40% de votants, et là-dessus vous avez 10% parce que proportionnellement l’avantage de la suisse a la proportionnalité, bref vous êtes élu avec 4 % de la population, on peut imaginer que vous n’ êtes pas tout à fait représentatif de l’ensemble de la population.

C’est là où c’est important de pouvoir avoir un retour vers et de la population, mais à l’heure actuelle c’est vraiment le plus difficile, c’est clairement la sensibilisation aux élus, de dire « vous perdez pas le pouvoir que vous avez, mais par contre cette complémentarité est nécessaire ».

Nicolas Clémence : Donc vous avez fait le pari de partir sur les associations communales comme une autre représentation de la population ?

Laurent Seydoux : Absolument… parce qu’il doit être porteur. A la base de l’infrastructure il faut des groupes porteurs. L’objectif de nouveau ce n’est pas que la commune s’occupe de tout, moi je ne veux pas tout municipaliser, cela n’a aucun sens. Par contre donner les moyens aux gens d’avoir les bonnes infrastructures, de bonnes conditions cadre, ça c’est mon rôle. Mais de l’autre côté il faut des personnes structurées : la grande difficulté dans cette démarche participative, c’est la mobilisation et la représentativité.

C’est la responsable du service de l’action sociale et de la jeunesse qui est à la pointe là-dedans, qui pointe les limites de ce genre de choses, c’est qu’à la fois on a tendance à mobiliser les gens qui sont les plus proches de nous, qui ont les mêmes idées, qui sont des mêmes cultures, et qui ne sont pas complètement représentatifs de l’ensemble du territoire. Et l’objectif pour moi, quand on arrivera à faire des fêtes, des spectacles qui représentent toute la diversité de la commune, je pense que là on aura vraiment gagné. Mais je pense que là il y a encore une crainte… des personnes d’autres cultures, notamment de se dire que voilà c’est aussi pour eux.

Nicolas Clémence : Pourquoi avoir fait ce processus participatif sur Plan-les-Ouates, ou porté par Plan-les-Ouates, avec quelques représentants de Confignon mais de loin pas la majorité ?

Laurent Seydoux : Bah… je crois que dans cette démarche là il y a vraiment tout qui est innovant : l’Etat ne fonctionnait pas comme ça, donc on a amené aussi une nouvelle façon de faire. On a parlé à Confignon ils n’étaient pas intéressés, eux ils avaient une grande priorité c’est la zone industrielle,

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Faculté des Sciences Économiques et Sociales Semestre d’automne 2011 mais ce n’est pas des points qu’on aborde dans les groupes de travail… Il y avait le cirque, Mme Joliat à titre personnel voulait mettre en avant le cirque. Et là aussi on voit toutes les limites, moi je n’amène aucun projet, elle porte le projet du cirque. Mais quand on a voulu mobiliser les gens du cirque, ils sont venus une fois… et puis voilà. Et un moment donné est-ce qu’ils ont leur place là si derrière ça suit pas ? Ca ce sont des vraies questions que l’on peut se poser !

Et de nouveau, là ils sont restés dans leur cercle à eux, ils avaient l’occasion d’élargir sans aucun souci donné, ils n’ ont pas voulu aller plus loin, et là on est dans toute la difficulté de la chose… Mais voilà, c’est un autre territoire, c’est d’autres gouvernances, sur lesquels on ne peut pas s’impliquer. Mais moi ce n’est pas parce que d’autres ne le font pas que je ne veux pas le faire chez nous.

Nicolas Clémence : Et cette volonté de le faire vous alors que Confignon ne le faisait pas, elle ne vient uniquement de votre formation à Paris ?

Laurent Seydoux : Oui, non, c’est cette sensibilisation puis ensuite que j’ai fait certifié par cette formation qui m’a donné quelques outils, quelques visions, quelques envies, puis après ben j’étaye ensuite également de façon empirique. Pour moi c’est essentiel, on est passé à côté de tellement de choses que c’est dramatique, vraiment dramatique.

Nicolas Clémence : Et vous vous êtes inspirés d’autres projets peut-être en Suisse ou à Genève ?

Laurent Seydoux : Non c’est plutôt le modèle français, car à Genève il n’y’a pas grand-chose, en Suisse il y a un petit peu le projet Métamorphose à Lausanne, mais qui est sur d’autres bases et qui est extrêmement politique, il y’a d’autres enjeux… C’est cette dimension française, d’un secteur, d’un quartier. L’intérêt là c’est qu’on parle de 600'000 mètres carrés, on peut commencer à faire quelque chose, c’est pas non plus énorme, mais on peut faire quelque chose de cohérent, où on peut identifier les zones idéales dans un cadre d’ interface entre une zone industrielle, des activités qui font du bruit, des restaurants, du loisir, donc on arrive à faire des zones de tailles suffisantes pour un pôle d’à peu près 20'000 personnes, sans être trop les uns sur les autres.

C’est cette dimension-là, française, d’aborder les choses d’un autre œil, qui moi me séduit beaucoup, le souci qu’ils ont en France c’est qu’ils n’ont pas d’argent. Ils ont plein d’idées puis après ils bricolent un truc parce qu’ils n’ ont pas les moyens d’y mettre en œuvre.

Nicolas Clémence : cela m’amène à une autre question sur la difficulté justement à Genève de mener des projets à leur terme ? Est-ce lié selon vous à trop de participation, de voix pour le peuple ? 147 | P a g e

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Laurent Seydoux : oui mais au mauvais moment, beaucoup trop tard et c’est ça toute la différence, je pense que l’Etat doit faire confiance aux communes, les communes doivent s’équiper en personnels d’urbanisme pour qu’elles soient maîtres de leur aménagement, c’est des négociations qui doivent se faire au départ. Et puis par rapport aux habitants évidemment si on t’annonce que sur ton terrain ou à côté on va faire des constructions, il faut grosso-modo 3 ans pour que les gens acceptent. On l’a vu à la Chapelle-les-Sciers en discutant avec les gens, en les impliquant dans l’aménagement, dans ce qui est prévu pour le futur, on trouve des solutions parce qu’ils savent qu’il y a des choses qui se passent, parce que ça amène des écoles, etc. Quand on donne le côté positif et au départ, c’est très bien. Mais on ne peut pas arriver comme le faisait l’Etat jusqu’à maintenant, avec un déclassement, avec un plan directeur de quartier : boum c’est comme ça, il n’y a plus de marge de discussions. Au pire c’est de s’opposer, de mettre un étage de plus ou de moins, et ce qui s’est passé aux Vergers c’est différent parce que la commune est partenaire et ça va se faire, mais ce qui se passe aux communaux d’Ambilly c’est une catastrophe.

Soit la commune est partenaire et dit « dans ces conditions j’accepte » et c’est ce qu’elle a dit, et puis d’un coup le conseil municipal dit « non, on est dans quelque chose qui n’est pas correct », mais peut-être que le projet n’est pas bon du tout, et donc au départ si la commune n’est pas impliquée on arrive à quelque chose comme ça. On a la même chose à où la commune s’oppose aux Grands Esserts, et ils vont se retrouver avec un truc qui va être une catastrophe parce que procédures après procédures ils vont perdre. Et ils n’ auront pas construit les infrastructures nécessaires au développement de leur commune.

Donc je pense que toute cette partie-là, et l’Etat doivent mettre un partenariat avec les communes, cette discussion doit se faire en amont de façon à ce que les choses puissent avancer raisonnablement et vite, aux Cherpines ça a été extrêmement rapidement, ça n’a jamais été aussi vite jusqu’au déclassement, et si maintenant qu’il y’a un référendum on verra si le déclassement passe, c’est allé à une vitesse incroyable parce qu’il y a une légitimité populaire donc après ça a été très très vite dans sa mise en œuvre, on va faire un Plan Directeur de Quartier en une année, mais pas dans la précipitation, c’est parce qu’avant il y a eu des études, des réflexions, un groupe de travail, un Mandat d’Etudes Parallèle, ce qui fait que maintenant on continue, ça va vite mais on n’est pas dans l’inconnue ni dans la précipitation, moi j’ai des outils pour maîtriser ça, on a des séances avec des architectes, tout ça en termes de participation ça donne une certaine garantie au projet futur, c’est ça le plus important, la participation doit être le plus au début possible, après coup ce n’est plus que de l’information. Après quand on présente un PDQ et des PLQ, on est dans le « c’est vert moi je

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Faculté des Sciences Économiques et Sociales Semestre d’automne 2011 préfère rouge », on n’est plus dans quelque chose de cohérent et c’est ce qui s’est passé aux communaux d’Ambilly.

Nicolas Clémence : Ces comparaisons m’amènent à la question de l’échelle, du périmètre institutionnel, il y a eu de la participation au niveau communal, et là typiquement les oppositions, le référendum, viennent plutôt du niveau cantonal.

Laurent Seydoux : c’est autre chose, alors évidemment on a fait les choses ici, les gens ont participé, c’est intéressant, et puis après il y a les éléments extérieurs, et puis là maintenant il y a un enjeu qui est lié à la question de la zone agricole, et puis le projet est devenu visible avec ça, et les Cherpines ont été pris en otage. Ca aurait été un autre sujet, mais là c’est celui-ci qui a été pris, je n’en fait pas une affaire personnelle. Alors après on utilise des outils, il y a des prétextes, on dit voilà, il y a un centre sportif parce que ci parce que ça… mais là il y a des arguments intéressants en aménagement du territoire, c’est que 55% de notre territoire est en zone agricole ou forestière. Quand il y a les ruisseaux et le lac qui prennent 15 %, il y a 70% de notre territoire qui n’est pas constructible.

Là-bas aux Cherpines, à 100 mètres, il y a une zone agricole spéciale qui est faite pour l’agriculture, les maraîchers, ils n’en parlent pas, et il y a quoi qui est planté là ? Des gazonières. Donc on attaque un problème, de nouveau dans du dogme sur la zone agricole, il n’y a que 5% de la zone agricole qui a été déclassée depuis 45 ans, et là-dessus on a doublé notre population. On n’est pas dans un canton complètement urbanisé et autre, donc moi je me bats pour éviter qu’on dise : « aux Cherpines on va y mettre 10'000 logements », il y a eu des traumatismes avec Onex, avec les Palettes, avec Tambourine, et c’est surtout pas ce qu’on doit faire là car sinon on est reparti pour 40 ans, il faut avoir une approche qui est très raisonnée dans notre développement.

Mais de nouveau, problématique : on attaque un secteur mais plutôt que de s’attaquer à son vrai problème à la zone agricole, à la question maraichère, à la question de l’autonomie alimentaire… 40% de l’agriculture, de tout ce qui est produit n’est pas consommé. Parce que ça pourri, que c’est jeté, etc. C’est hallucinant. Il y a des vrais enjeux là, et on essaie de parler d’autre chose.

Mais on a chaque fois un argument aux opposants pour politiquement se mettre en avant. Avoir le projet parfait qui convient à tout le monde, c’est juste impossible, donc il n’y aura jamais rien qui se fait. Mais on peut avoir un projet parfait pour un domaine précis et imparfait pour l’autre, comme beaucoup de choses intéressantes en terme de mixité, globalité, éco-quartier. Là, on a un vrai éco- quartier, pas un truc de bobo à Freiburg. Si on n’a pas été capable de construire un vrai éco-quartier

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à Genève en 20 ans, il y a bien des raisons. Il faut être dans une réalité du temps aussi, en terme de consommation énergétique, production d’énergie.

Nicolas Clémence : Pensez-vous que la taille du projet joue en sa faveur ou sa défaveur ? Par exemple la Chapelle-les-Sciers est un projet plus petit, beaucoup moins politisé au niveau cantonal ? C’est d’ailleurs un des arguments des opposants de dire que c’est un projet « mégalo »…

Laurent Seydoux : Très clairement pour ceux qui sont dans le projet, c’est la bonne taille. Parce qu’on peut vraiment amener une bonne partie de tout. Donc un projet comme celui-ci, pour ceux qui s’y impliquent ça le sert. Par contre il est évident que pour des gens qui ne connaissent pas, ça leur fait peur, car tout changement d’importance ça les inquiète. Mais quand tu as des petits déclassements où tu bricoles des trucs à l’intérieur, c’est vrai que c’est moins important, mais à force de ces bricolages on n’arrivera pas à quelque chose de cohérent. Et ceux qui demandent des choses cohérentes s’opposent aux projets de grande taille. Donc de nouveau c’est compliqué.

Nicolas Clémence : Est-ce que les municipalités qui n’auraient pas la volonté sont selon vous contraintes à la participation ? Par exemple est-ce que Confignon a vu ces groupes de travail comme une lourdeur administrative supplémentaire ?

Laurent Seydoux : Pour certains magistrats, je pense qu’il le voyait comme inutile, en tous cas pas très utile : ils ne sont pas sensibilisés à ça. Mais ce sont des communes, et je vais prendre l’exemple de , qui ont jusqu’à présent beaucoup subit. Donc à un moment donné tu te retrouves parfois trop tard, et t’as pas d’arguments à opposer, mais parce que tu n’as pas voulu t’impliquer là-dedans, c’est sûr que c’est de l’énergie, que ce n’est pas facile, il faut avoir une certaine vision, il faut faire confiance, il faut laisser les gens exprimer des choses qui sont à l’inverse de ce que tu imaginais, il faut accepter de les entendre. C’est ça une démarche participative, mais de nouveau l’enjeu principal est que la personne qui mène ça ne doit pas avoir d’intérêt personnel : quoiqu’il se passe sur ce lieu là, ça n’influence pas dans la démarche. C’est là où certaines personnes, certaines communes peuvent être en porte-à-faux, vis-à-vis des propriétaires de terrains… moi j’essaie d’avoir cette indépendance-là. Mais il faut comprendre ce que ça peut amener une démarche participative. Je pense que ce n’est pas encore dans les mentalités…

Nicolas Clémence : J’en arrive à une question plus difficile…

Laurent Seydoux : Il n’y a pas de question difficile, il n’y a que des réponses difficiles…

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Nicolas Clémence : Je vais rebondir sur cet intérêt personnel dont vous parliez. S’il n’est pas dans votre cas sur un projet spécifique sur le territoire, il est peut-être politique pour vous (NB : récemment nommé président des Verts Libéraux genevois), ce projet est très important dans votre carrière politique, notamment votre futur carrière cantonale, notamment la réussite du projet ?

Laurent Seydoux : Alors oui et non, pour moi il illustre... parce que j’aime être pragmatique, j’aime pouvoir montrer ce que je dis, et c’est vrai qu’à la fois cette commune de Plan-les-Ouates avec son équilibre de zone agricole, logements et de zone industrielle est quelque chose d’équilibré, dans lequel je m’investis depuis 8 ans, et a donné une image positive du développement urbain, avec des commerces, des activités, du sport, de la culture, des écoles… donc ça pour moi c’est une vraie vision politique de développement, ça illustre ce discours-là qui est dans la théorie, de le mettre en application dans un projet. Il se trouve que justement le projet des Cherpines est un projet qui a une taille raisonnable et intéressante, pour initier de nouvelles méthodes.

C’est vrai que je me suis beaucoup impliqué au niveau du canton sur les façons de faire, impliquer les communes, impliquer les gens, et quelque part mon intérêt est de montrer ce que je pense, qui aussi évolue avec le temps, sur du concret et pas du bla bla : voilà ce que j’ai réalisé, peut-être même avant d’avoir des ambitions cantonales, et maintenant je sais comment fonctionne la politique, et s’il y a des opportunités que ces visions-là puissent être portées au niveau cantonal, et bien je ne pense pas que je vais dire non, maintenant je n’en fais pas un objectif personnel non plus. Egalement si cette zone n’est pas déclassée, moi je vais courir là-bas et cette zone me convient très bien aussi.

Ce que je ne veux surtout pas c’est que ce secteur soit urbanisé de façon inadéquate comme une cité-dortoir : ça c’est mon vrai intérêt, mon engagement, c’est que je puisse être fier après de ce qui est fait maintenant, puisque les choses mettent 20 ans à se mettre en place, ce n’est pas qu’on subit mais qu’on profite de ce que nos prédécesseurs ont fait, la construction du Pré-du-Camp, la zone industrielle, l’autoroute de contournement font qu’à présent Plan-les-Ouates est une commune attractive. Ce n’est pas parce que je suis arrivé qu’elle est attractive. Maintenant il faut perpétuer…

Nicolas Clémence : On est à peu près à mi-projet, alors avec peu de recul pour l’instant, qu’est-ce que vous feriez différemment ?

Laurent Seydoux : Au niveau de la communication, moi je ne suis pas un pro de la communication, et j’ai voulu jouer à « toute la transparence » : montrer le projet tel qu’il était, en accent particulièrement sur le sport et ses infrastructures parce que je savais que c’était une partie délicate donc j’ai bien expliqué quels étaient les intérêts, et c’est cette partie-là qui a été mise en avant, alors

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Faculté des Sciences Économiques et Sociales Semestre d’automne 2011 que c’est 10% du projet, et qui a été utilisée. Et il n’y a pas eu de contre-réponse, parce que quelque part on n’en est qu’au déclassement, on a 2 ou 3 ans d’avance sur ce qui se fait d’habitude, on est au déclassement, c’est le Grand Conseil qui a repris la main de ça, c’est Mark Müller qui voulait pas communiquer, donc on a laissé les opposants dire tout et n’importe quoi, derrière on n’a pas répondu comme il le fallait. J’espère que la communication va être un peu mieux maintenant. A ce moment-là je pense qu’il n’aurait pas fallu être aussi transparent. On aurait dû peut-être rester dans nos groupes de travail. Mais d’un autre côté, cette transparence était la garantie de la démocratie totale, de la participation globale, que les gens puissent partager à d’autres… Et tous ceux qui participent au projet sont enthousiastes, donc ça c’est une partie qui a été adéquate.

Nicolas Clémence : Au niveau de la participation pure, auriez-vous dû élargir directement aux besoins cantonaux ?

Laurent Seydoux : Oui alors ça on l’a fait, même fédéraux, puisqu’on a contacté Michael Kleiner (secrétaire général adjoint aux sports), au niveau de la culture aussi avec le RAC, on a même contacté la confédération, l’ASSPO qui s’occupe des infrastructures sportives, ils nous ont expliqué les besoins, on peut avoir des cohérences, on peut avoir un financement fédéral, donc oui, on l’a ouvert aux trois dimensions : locale, intercommunale et régionale.

Nicolas Clémence : Que pensez-vous des déroulements des séances et du résultat de ces groupes de travail, notamment des projets présentés mais non-portés par la suite, de personnes qui ne se sont ensuite plus investies ? Ou ceux qui n’ont pas répondu à l’appel ?

Laurent Seydoux : J’ai un avis personnel… j’ai un sentiment de peu d’implication des gens, et d’un autre côté je me dis que ça fait partie de la démarche. Je me remets beaucoup en question, car quand tu as quelqu’un qui est moteur, je pense que les gens se sont reposés sur le dynamisme que je pouvais amener, je leur ai demandé un certain nombre de choses, certains me les ont données, d’autres pas, mais je prends ça pour ceux qui ont des projets bien faits, qui rencontrent une certaine lassitude. Ils ne se rendent peut être pas compte que là les conditions sont particulières, on est vraiment au début d’un projet, et non pas à essayer de se trouver 200m2 au milieu des immeubles.

Je pense qu’il y en a qui ont mis beaucoup d’énergie, je leur ai aussi dit attendez il y a des étapes, cela ne sert à rien de s’emballer, tant que ces différentes étapes ne sont pas faites. Donc c’est aussi pour moi important qu’il y ait le référendum, le Plan Directeur de Quartier, pour qu’ensuite les porteurs de projet puissent s’investir. Moi ce que j’espère c’est qu’ils s’investissent vraiment.

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Pour certaines infrastructures sportives, il n’y a pas de problèmes particuliers. Puis après il y a toute la question culturelle, et c’est là où j’aimerais que les deux thématiques restent ensemble, car on n’oppose pas le sport et la culture, il y a plein de points qui sont convergents, et travaillent un certain nombre de valeurs également, mais la différence c’est qu’avec le sport on a des associations, des fédérations, et puis on a la culture où chacun présente son propre projet. Et c’est vrai que c’est assez différent, car si cette personne ne vient pas, que devient son projet ?

Je compte sur l’expérience de ces personnes-là pour dire : voilà idéalement, moi si je suis une association, ce qui me ferait plaisir d’avoir, maintenant si moi je l’ai pas ce n’est pas grave j’aurai mis ma pierre à l’édifice. Mais évidemment je ne peux qu’espérer l’avoir, et qu’il y ait ces synergies. Au niveau sportif c’est structuré de manière différente, il y a des règlements, des mentions…

Nicolas Clémence : Donc une infrastructure sportive trouverait toujours preneur, alors qu’une infrastructure culturelle dédiée deviendrait inutile si le projet lié disparaissait ?

Laurent Seydoux : Ce n’est pas une affirmation, c’est un point d’interrogation. Et c’est pour cela que moi ça m’intéresse de travailler avec Sarah Girard, qui non seulement à un projet de photographe, mais qui peut prendre un peu de hauteur, et il me faudrait encore quelques personnes qui gardent les valeurs liées à la culture, tout ce que cela amène, des lieux en tant que tel, et qui aient cette capacité de dire maintenant on a ce groupe-là qui est intéressé, on a les bonnes choses, et pas que ça reporte… puis que les gens disent « j’ai pas ce projet-là, je suis déçu » et ça ne fonctionne pas.

Certains manquent de concepts, par exemple l’UECA qui a des revendications, mais ça manque de concret… « so what ». Amenez-nous un concept, moi je préfère travailler le concept, notamment au niveau culturel, après on arrivera à la finalité. Mais là il y a beaucoup d’énergie mise sur des projets personnels, je ne sais pas j’ai beaucoup de points d’interrogations, mais c’est intéressant.

Nicolas Clémence : C’est cette question-là a priori qui vous a poussé à commencer la participation par le sport ?

Laurent Seydoux : Alors non, c’est simplement que certains élus qui devaient s’occuper de la partie culturelle ne s’en sont pas occupés. Moi je ne suis pas du genre qui impose, maintenant le groupe est là, je n’ai rien vu pendant presque une année, donc voilà c’est pour cela que mon réseau est plus en lien avec le sport, donc la raison ce n’est que ça.

Nicolas Clémence : Cela dépend beaucoup des personnes…

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Laurent Seydoux : Enormément. On le voit bien, et aussi dans la formation, on regarde aussi pour les stages, des jeunes qui sont dans les écoles, ici ou dans les entreprises, donc quelque part on laisse les personnes faire leurs demandes. Moi c’est mon souhait c’est de réussir à institutionnaliser ce genre de choses, c’est que au départ forcément ça part sur les personnes. Institutionnaliser, cela permet si cette personne part que son remplaçant prenne le projet à sa suite, et c’est extrêmement compliqué, certains veulent mettre l’accent sur l’économique, d’autres la culture en avant… Il faut essayer d’aller au-delà des personnes et avoir un pôle de formation à Genève.

Nicolas Clémence : Finalement sur la procédure, le canton qui avait décidé que ce serait une zone à urbaniser, vous avez pris cela au vol, dans le cas où vous ne l’auriez pas pris, est-ce qu’un processus participatif aurait été fait à votre avis ?

Laurent Seydoux : Non, ils ne le font pas, ça c’est très clair. Ils l’ont fait nulle part, ils commencent à le faire. Souvent ils l’ont fait après coup, ils créent le Plan Directeur de Quartier et ensuite le soumettent à la population. Donc là ce projet est vraiment novateur pour ça, on a pris les choses 3 ans avant. Et Confignon, c’est intéressant, c’était eux les plus proactifs même s’ils ont fait une mauvaise expérience à Cressy, ils ne veulent plus refaire ce milieu d’urbanisation où les commerces ne fonctionnent pas, ils sont loin de tout…

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Entretien avec Pascal Mabut, 16 Février 2011

Nicolas Clémence : Bonjour, pouvez-vous vous présenter ?

Pascal Mabut : Pascal Mabut, co-responsable du service culturel

Nicolas Clémence : Quel est votre rôle et celui de votre service dans le projet des Cherpines en général et dans le processus participatif en particulier ?

Pascal Mabut : C’est la conseillère administrative déléguée à la culture qui nous a demandé de suivre ce projet, d’une part au niveau de la gestion de ces groupes, comme envoyer des emails, contacter la procès verbaliste, réserver les salles…et d’autre part, de promouvoir ce projet aux associations de la commune et les appeler à participer aux séances.

Nicolas Clémence : Et à votre avis, pourquoi avoir mis en place cette consultation des associations, et à quel point cela représente la population, les besoins ?

Pascal Mabut : Dans un premier temps, le service culturel a sous son égide les associations culturelles de la commune, à partir de là nous lançons « l’étincelle » sur ces associations culturelles, ou des éléments (théâtres…) que l’on connaît, afin de lancer un mouvement pour qu’elles participent, qu’il y ait du monde dans cette participation. Je pense que la participation des acteurs culturels légitime le projet. Le politique voit le projet d’un point de vue politique, ce qui me semble intéressant c’est que les associations ont des points de vue totalement différents avec des enjeux différents. Le service culturel ne peut pas connaître tous les besoins des associations culturelles de la région, et d’autre part si des associations nous signalent qu’il manque tels locaux, les politiques peuvent se baser sur des demandes fondées et légitimes, s’il y a 10 associations qui demandent des locaux, c’est une légitimation. Cela permet aux politiques de s’assurer du besoin, il faut éviter de lancer des projets puis de se retrouver avec une coquille vide.

Nicolas Clémence : Cette légitimation, pourquoi a-t-elle été faite auprès des associations principalement, il y a peu d’habitants par exemple dans les groupes de travail, et pourquoi ces deux groupes « sports » et « culture » ? Pourquoi pas un groupe « social » ou « environnement » par exemple ?

Pascal Mabut : Je pense que le social vient dans un deuxième temps, cela concerne plutôt les habitations. Je pense qu’aujourd’hui nous devons travailler avec plus de transversalité comme dans le projet avec le sport et la culture. Nous voyons que certains projets peuvent s’allier.

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Nicolas Clémence : Les deux conseillers administratifs qui gèrent ce processus, est-ce qu’ils vous ont parlé d’autres projets en Suisse dont il faudrait prendre exemple ?

Pascal Mabut : Je peux dire seulement pour Geneviève (NDR : Geneviève Arnold, Maire de Plan- les-Ouates), elle n’a pas vraiment parlé d’autre projet concret, dont je me souvienne. Il y a d’autres exemples qui existent au niveau des processus. Je pense que c’est assez sain comme de commencer le projet avec l’existant, de partir de la base, c'est-à-dire les besoins réels. Surtout, ne pas se focaliser sur un exemple particulier, mais de partir sur un laboratoire d’idée. Après le système choisi peut être le même qu’un projet à Berne, ou ailleurs encore.

Nicolas Clémence : Quels étaient les critères de « sélection » que vous avez utilisés pour recruter ces associations, était-ce limité au niveau communal ?

Pascal Mabut : On a élargi, avec des associations de théâtre de Genève, quelques personnes qui puissent être moteurs. Le constat, c’est qu’on a beau lancer beaucoup d’emails, on sait très bien que la participation sera faible, c’est toujours difficile par rapport aux gens. En plus c’est vrai que le début de la construction réelle, ce ne se fera pas avant 10 ans. Nous sommes dans les prémices du projet, ça fait deux ans mais avec un processus long, il faut que les gens tiennent. Mais, c’est comme cela que ça fonctionne, ce processus lent fait peur à beaucoup d’associations.

Nicolas Clémence : C’est lourd administrativement…

Pascal Mabut : Pour nous cela fait partie de notre travail, après c’est plutôt pour les forces vives des associations que le processus est assez lent. Forcément les associations ont leurs problématiques aujourd’hui, mais dans 10 ans qu’elle sera leur préoccupation ? C’est toujours difficile de pouvoir se projeter sur du long terme, et d’autant pour le politique. Bon quand tu lances des projets tu sais que cela va continuer, là c’est un projet à moyen terme. Mais les associations à qui il manque une salle aujourd’hui, dans 5 ou 10 ans…

Nicolas Clémence : Est-ce que vous pensez qu’une municipalité qui n’aurait pas la volonté de porter un processus participatif y serait contrainte à un moment donné ?

Pascal Mabut : La dimension du projet fait que vous avez intérêt d’avoir derrière vous des jalons, des bonnes assises pour que cela fonctionne. Par exemple si on veut construire une maison on met de l’argent de côté. Ici, vous devez être sûrs si vous construisez une infrastructure que cela fonctionne au niveau de l’utilisation et qu’il y ai assez de monde pour éviter la coquille vide. Il y a des projets retentissants où il n’y a pas eu de consultation et où il n’y a personne. Je pense que le stade

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Faculté des Sciences Économiques et Sociales Semestre d’automne 2011 de Genève est un peu dans le cas. Il me semble que le processus n’était pas si bien ficelé par rapport à la demande.

Nicolas Clémence : Vous parliez de l’échec de fréquentation et d’exploitation du projet du stade de la Praille, est-ce que vous pensez que dans l’opinion publique c’est un frein à d’autres projets comme celui des Cherpines ?

Pascal Mabut : Je ne sais pas comment ça a été mené, donc je ne peux pas dire… les gens disent que c’est un échec, mais ils écoutent plus les rapports négatifs que les rapports positifs, mais je ne pense pas que ce soit qu’un échec, il y a eu différentes choses qui ne jouaient pas, et maintenant ils veulent trouver des solutions. Mais si l’on revient au projet, l’important c’est que maintenant les politiques veulent avoir des alliés, et ce sont les associations, les politiques peuvent davantage défendre le projet. Si on n’a pas d’alliés, c’est difficile de faire comprendre aux gens le projet qui vient d’une vision politique. Par exemple avec le projet des yeux de la ville, c’était un super projet mais la presse n’a pas suivi et les habitants n’étaient pas touchés.

Nicolas Clémence : Quelle est la place de la culture dans ce projet des Cherpines, est-ce mis suffisamment en avant, y’a-t-il assez d’espace prévu ? Y’a-t-il suffisamment de garantie de voir les projets réalisés ?

Pascal Mabut : Par rapport aux garanties, je pense qu’avec les Conseillers administratifs actuels, j’ai l’impression que s’ils invitent des associations c’est pour aller jusqu’au bout, c’est pas des gens qu’on va lâcher… Après, il faut bien savoir, et c’est à mon avis pas assez expliqué, que forcément le projet se redimensionnera, qu’on n’aura jamais tout ce qu’on imagine. Que lorsqu’on présente un plan, peut être au final ce sera trop grand, trop petit, c’est amené à évoluer. Peut-être il y aura des déceptions…

Nicolas Clémence : Et puis ça demande d’être financé…

Pascal Mabut : Forcément un tel projet devra être financé, mais si on ne fait pas ce processus, on irait dans le mur de toute façon. On a besoin de ces associations pour construire, pour justifier les financements devant le Conseil Municipal ou autres, en disant : « les associations ont suivi pendant 10 ans le projet » ou pour dire « il y a toute cette liste qui a participé, qui connaît les besoins »… C’est toujours la justification.

Nicolas Clémence : Et plus précisément sur la place de la culture dans ce projet ? Qui a décidé, par exemple de l’espace dédié ?

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Pascal Mabut : c’était plutôt le canton avec les deux communes, qui ont décidé en commun d’avoir 10'000 mètres carrés dédiés à la culture. C’est « énorme », je trouve cela motivant, car nous savons que dans la région il manque des locaux dédiés à la culture, aujourd’hui il y a beaucoup de théâtres qui n’arrivent pas simplement à avoir des lieux de répétitions.

Nicolas Clémence : pourquoi ce processus participatif a-t-il eu lieu sur Plan-les-Ouates plutôt qu’à Confignon ?

Pascal Mabut : Je pense qu’à Confignon, il y a peut-être moins d’associations culturelles, simplement parce que c’est plus petit. Il faudrait poser la question à Mme Joliat. On sait aussi qu’à Plan-les-Ouates a beaucoup d’associations.

Nicolas Clémence : Que pensez-vous du déroulement et du contenu des séances ? Est-ce que cela avance assez vite ?

Pascal Mabut : Parfois cela manque un peu de travail en amont, parfois il y a des répétitions… ça manque de concret et je le regrette beaucoup car dans ce processus, le service culturel invite aux séances les associations et l’on remarque qu’il y a peu d’avancement. Je pense que les séances méritent d’être mieux préparées. Il y a peut-être un manque de temps. La qualité de la séance est primordiale car sinon au fur et à mesure nous risquons de perdre l’intérêt des associations sur ce projet. Mais à la fois, il faut bien comprendre que c’est un processus lent.

Nicolas Clémence : Et en ce qui concerne les participants présents, est-ce que cela représente bien la population ?

Pascal Mabut : Non il manque des tranches de population, ce qu’on voit ici ce sont les associations culturelles actuelles. Il n’y a pas les aînés, il n’y a pas le feuillu, etc…, et c’est ce qui à mon avis manque, et ce qui permettrait d’avoir une vraie réflexion avec beaucoup de monde. Bon, je ne sais pas si on avancerait mieux finalement…

Nicolas Clémence : Elles n’ont pas été approchées, ou elles ont décliné l’offre ?

Pascal Mabut : Il y a certaines qui ont décliné… on envoie les emails et on n’a pas de réponse. Après est-ce que téléphoner les sensibilisera à ce projet, je ne suis pas certain. Aujourd’hui, on est dans un processus de réduire le nombre de participants, cela permet de mieux travailler. Ce sera peut-être le rôle des associations qui restent d’être un relais aux autres désireuses de participer.

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Nicolas Clémence : Que pensez-vous de la difficulté de mener à terme des projets à Genève ? Est- ce qu’on donne trop de voix au peuple, à la participation, ou on ratisse trop large ?

Pascal Mabut : non, le projet est de rassembler, dans un deuxième temps il y aura un tri naturel, des projets se rejoignent, des projets évoluent, des associations se démobilisent. On travaille sous la forme d’un entonnoir : on accueille tout le monde et après on voit qui est intéressé et à la force de continuer. Ensuite on a un petit groupe et c’est lui qui va lancer les avis différents sur le projet lui- même. Plus on a d’associations, qui participent au projet, plus ces associations (presse, amis, groupes, etc.) vont diffuser l’information et donc vont promouvoir le projet, et moins on aura d’oppositions.

Nicolas Clémence : Du coup est-ce que cela aurait été utile d’inclure ou de faire un groupe de travail « projets agricoles » ou « environnemental » ?

Pascal Mabut : il serait intéressant de savoir comment travailler avec des opposants. Est-ce que ça va prendre trop de temps, est-ce que les opposants seront à l’écoute pour travailler avec les associations ? Mais je trouve que cela vaut le coup d’aller vers eux : « on pourrait travailler ensemble ». L’essentiel dans ce projet c’est qu’une bonne partie soit d’accord et puisse en comprendre les enjeux.

Nicolas Clémence : Au niveau des étapes, avec la participation culturelle qui a démarré une année après le groupe du sport, pourquoi cela s’est fait dans ce sens-là ?

Pascal Mabut : Aucune idée, avant que notre Conseillère Administrative décide, je savais qu’il y avait un projet mais sans aller plus loin, et là on rattrape. Je pense que c’était un projet de Laurent Seydoux, forcément il a pensé au sport, et comme il y avait ces 10'000 mètres carrés il a rallié la culture. Mais c’est une bonne question, pourquoi n’a-t-il pas pris le social. Mais je crois qu’il a répondu à cela, il faudrait retrouver le PV.

Nicolas Clémence : Pourquoi le service culturel n’est pas présent à proposer des projets ?

Pascal Mabut : la culture sert aux habitants, et on ne peut pas toujours être juste dans ce qu’on propose, et ce processus-là est très intéressant, comme si on posait la question aux gens : « qu’est- ce que vous voulez pour la culture à Plan-les-Ouates ?», et comment le service culturel peut travailler avec cela. C’est de partir de la base plutôt que d’avoir quelque chose d’en haut qui va arriver en bas.

Nicolas Clémence : ces associations pour vous sont représentatives de tous ces besoins ? Il n’y aurait pas la nécessité d’un questionnaire à la population ou autre ?

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Pascal Mabut : je trouve que le questionnaire ça n’est pas très intéressant comme résultat. Par contre un processus où les gens s’impliquent, là je crois que c’est plus productif et plus sincère. C’est facile de dire « il manque plein de locaux », je veux bien mais on est dans un processus global, c’est plus intéressant de savoir ce qu’on a besoin pour l’ensemble. Mais je vois très bien qu’il manque des locaux, parce qu’autant le Vélodrome dès qu’on ouvre les locations c’est plein tout de suite, à la Julienne j’ai du mal à trouver des petites tranches pour des spectacles. Pour les productions, répétitions et représentations c’est presque impossible. Et on fait peu avec la Saison culturelle, sinon il n’y aurait pas du tout de place. Ma préoccupation c’est dans 10 ans ce que l’on pourra faire avec ce que l’on a actuellement comme locaux.

Nicolas Clémence : et votre sentiment personnel sur la richesse des associations de Plan-les- Ouates ?

Pascal Mabut : oui je suis content, parce que le service culturel ne peut pas tout faire. Nous sommes aussi là pour des locaux, des subventions, plein de choses, et pourvu qu’il y ait de la richesse culturelle. L’essentiel c’est qu’il y ait de la culture ici, avec des liens sociaux.

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Entretien avec Sarah Girard, le 10 Octobre 2011

Nicolas Clémence : On peut commencer simplement par vous présenter, votre parcours professionnel, votre fonction au sein du conseil municipal, et puis votre participation, votre suivi du projet ?

Sarah Girard : J’ai habité pendant 10 ans à Plan-les-Ouates, j’y ai fait mon école primaire, puis j’ai obtenu ma maturité et je suis entré aux Beaux-Arts, après avoir passé une année aux Etats-Unis, qui m’a fait réfléchir et prendre la décision de faire des études en arts, une façon d’approfondir ma façon de voir le monde, la façon dont on voit les choses en fonction du point de vue. C’est une question centrale dans ma vie, c’est ce que je mets en avant dans mon travail photo et c’est aussi la raison pour laquelle je m’engage en politique. Comme il est parfois difficile de faire passer des idées ou façon de penser en tant qu’artiste, je me suis dit que peut-être en ayant une place de conseillère municipale j’aurai un statut qui me permettrait de participer à un débat culturel d’une façon plus profonde.

Nicolas Clémence : Donc c’est plutôt la partie débat d’idées que la partie « prise de décision » qui vous intéressait dans la politique ?

Sarah Girard : Oui, c’est l’idée de construire en groupe, à quel point la discussion de groupe peut être productive ou contre-productive, justement si on n’arrive pas à se décentrer par rapport à sa position. L’artiste crée des concepts auxquels il donne une forme, peut-être que le politicien reste à un niveau plus conceptuel d’échange et création d’idées. Par rapport au projet des Cherpines, on discute de territoire, on discute d’un plan, de surfaces, c’est quand même des formes, il y a un côté beaucoup plus complexe, des liens avec l’urbanisme, l’architecture, différents domaines, le logement, la culture, les sports qui sont liés, qu’une production artistique pour laquelle le contexte, le médium sont plus restreints, dans l’expression d’une idée et d’un matériau dans un seul contexte. Mais j’aime beaucoup la transversalité, qu’un savoir dans un domaine puisse être utile dans un autre domaine aussi. C’est ce qui m’a beaucoup intéressé dans les Cherpines, qu’un savoir-faire sportif pouvait intéresser un savoir-faire culturel. J’ai toujours développé un travail personnel dans mon cursus artistique, mais également toujours des projets en groupe, j’avais besoin de me confronter à l’autre pour apprendre, travailler dans le cadre de différentes dynamiques de groupe.

J’ai en particulier apprécié le travail de deux ateliers dans lesquels on réfléchissait beaucoup sur l’activité d’artiste et le côté participatif, comment un collectif se construit et travaille, comment les idées sont générées, comment on crée une structure qui est propice à la création d’un projet,

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Faculté des Sciences Économiques et Sociales Semestre d’automne 2011 comment certaines choses une fois qu’elles s’institutionnalisent peuvent perdurer et d’autres pas… Puis je suis partie à Londres, où j’ai créé un projet de collaboration entre une galerie, un centre d’art et une école, dans le quartier dans lequel j’habitais à l’Est de Londres, un quartier où il y avait beaucoup d’institutions artistiques, une grande diversité culturelle, et c’est là que je me suis rendue compte de l’importance du quartier. J’ai dû conceptualiser tout le projet de façon à ce que ça intéresse des communautés locales, des spécialistes, et le public.

Nicolas Clémence : et vous êtes revenue à Genève par la suite…

Sarah Girard : oui, une fois revenue à Genève, j’ai commencé à enseigner à Plan-les-Ouates, puis j’ai recommencé à côtoyer des personnes du milieu culturel genevois dont Pascal Mabut, avec qui j’avais suivi certains cours aux Beaux-Arts, et nous avons monté un projet semblable avec l’école Aimée Stitelmann, et de fil en aiguille, par l’enseignement et en collaborant dans la culture à Plan-les- Ouates, finalement j’y ai ré-emménagé, je me suis rendue compte qu’il y avait des coopératives et une façon de fonctionner intéressantes, qu’il y avait une nouvelle maison des arts et de la culture, qu’il y avait un potentiel de travail et d’énergie de la part des gens et habitants intéressants, qui ont fait que j’ai rejoint d’abord le groupe sportifs des Cherpines, puis le groupe culturel.

Nicolas Clémence : à partir de quelles activités vous êtes entrées dans ce groupe sportif, qui vous en a parlé et invitée à y participer ?

Sarah Girard : je crois que c’est Laurent Seydoux qui m’a conviée à venir à une séance pour ce qui était du sport, je ne sais plus si c’était une séance commune culture et sport, je crois que c’est plutôt ça, j’ai d’abord suivi une ou deux séances au niveau culturel, puis je suis allée voir les sports car je trouvais intéressant de voir où eux en étaient, et je me suis rendue compte qu’ils en étaient beaucoup plus loin.

Nicolas Clémence : ils ont commencé une année en avance…

Sarah Girard : oui ils avaient beaucoup d’avance, et je me suis rendue compte que le projet avait beaucoup évolué et cela m’a fait un petit peu peur pour le projet culturel, mais il m’a semblé qu’on pouvait rattraper ce retard, mais en même temps c’est vraiment des impressions…

Nicolas Clémence : est-ce que vous imaginez des raisons à ce retard-là ?

Sarah Girard : j’ai eu peur que ce soit… le souci que j’ai eu c’est que je me suis dit que… la culture est souvent desservie par sa réputation, d’un domaine qui n’est pas très bien organisé, pas très bien coordonné… Et moi qui fait beaucoup de course à pied, notamment avec Jean-Louis Bottani qui 162 | P a g e

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Faculté des Sciences Économiques et Sociales Semestre d’automne 2011 organise la course de l’escalade, pour laquelle je suis aussi bénévole, et je trouve que cette course est extrêmement bien organisée, et que je vois la façon dont les choses s’organisent en culture, c’est difficile d’avoir une organisation qui permet d’avancer sur les projets. Du coup, j’ai pensé pour les Cherpines qu’il y avait quelque chose à prendre dans les sports qui pourrait être utile aux milieux culturels, entre le développement d’infrastructures sportives, on sait que les sports fonctionnent beaucoup sur le mode associatif avec du bénévolat, la culture aussi mais dans un autre registre, qu’est-ce qu’un domaine peut amener à l’autre ? Par exemple je suis allée visiter l’autre jour la salle du Vélodrome, et je trouvais intéressant que l’architecture permette aux acteurs culturels, via la baie vitrée au-dessus de la salle de sport, de regarder les athlètes. Apparemment, un film a été mis sur cette vitre désormais, car cela gênait les sportifs. Mais peut-être qu’une salle d’entraînement doit rester confinée, je ne sais pas c’est la question que je me pose, parce que typiquement c’est un ajout architectural qui raconte beaucoup de chose, on sépare les activités, et ce n’est pas anodin pour moi…

Nicolas Clémence : pour en revenir aux groupes de travail, vous êtes arrivée relativement au début du groupe culturel, qu’est-ce que vous pensez du déroulement, de l’organisation des séances, des discussions qui s’y déroulent, des différents projets présentés ?

Sarah Girard : ce dont je me rends compte, c’est déjà que les personnes qui suivent le projet de près sont des personnes engagées, qui donnent de leur temps et c’est quelque chose que je trouve admirable, il y a quelques personnes qui ont vraiment une vision pour la culture, et je pense qu’ils se rendent compte que c’est un cadre dans lequel on peut faire évoluer la façon dont on considère la culture. Je pense que pour que ces idées soient entendues, retenues, il faudrait peut-être au niveau supérieur, d’un projet qui n’est pas seulement communal mais cantonal voir plus, ce serait de mettre un cadre à cette réflexion. On a eu cette proposition de charte qui a été donnée par des acteurs culturels qui sont engagés dans la culture en Ville de Genève, et il y a eu une espèce de confrontation entre une approche un petit peu revendicatrice au départ de ces personnes par rapport aux idées qu’elles défendaient contre l’idée d’un projet culture, alors que celui-ci n’était pas encore clairement défini, et ce que je trouve très intéressant c’est qu’il y a eu une discussion de la part des conseillers administratifs en charge du projet il y a eu un positionnement très intéressant parce que là au niveau de l’énergie du groupe, certaines personnes qui sont arrivées un petit peu sur les pattes arrière ont compris que là on ne parlait pas de défendre quelque chose, un territoire, mais qu’on était en train de construire un territoire, et là typiquement je pense que le groupe de travail a eu une bonne cohésion de discussion entre les conseillers administratifs et les personnes porteuses de projet, a fait qu’il y a eu un climat constructif de projets. Mais par contre je trouve que les idées qui ont été 163 | P a g e

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Faculté des Sciences Économiques et Sociales Semestre d’automne 2011 amenées n’ont pas assez évolué et amené un cadre de travail et un vocabulaire commun, je maintiens l’idée d’élaborer un plan culturel communal entre Confignon, Plan-les-Ouates et le Canton, de mettre sur un papier la façon avec laquelle on voit ces collaborations, je trouve qu’il serait très important d’avoir quelques personnes qui soient responsables par rapport à ce groupe de travail de créer ces lignes, ce cadre de travail, et je crois que c’est ce qui manque maintenant, c’est quelques personnes capables de faire le lien entre les porteurs de projets et les décideurs des enjeux. Toutes ces idées il faut leur donner un cadre maintenant, il faut un plan culturel, un vocabulaire commun doit vraiment exister et qu’il faut que les moyens soient mis pour que ça puisse être construit.

Nicolas Clémence : donc le groupe de travail en tant que tel, vous ne considérez pas que c’est un cadre suffisant, la manière dont il est géré, la manière dont il a été amené, les acteurs qui sont présents ont-ils été suffisamment informés ?

Sarah Girard : il y a beaucoup d’idées qui ont été amenées par les porteurs de projets, il y a un cadre qui se construit au niveau territorial, politique, budgétaire, etc. et je pense que maintenant il faut qu’il y ait un lien qui se fasse, entre ces porteurs de projets et le côté concret et physique de la forme qu’est en train de prendre le projet, et ça ce sont des grandes lignes…

Nicolas Clémence : il y a une rupture entre ces acteurs de terrains et la décision finale, à votre avis le lien ne s’est pas fait ?

Sarah Girard : je pense qu’il n’a pas été suffisamment fait, et qu’on risque de perdre des surfaces, qu’on risque de perdre certaines choses si on n’arrive pas à discuter, et d’emblée j’ai trouvé que d’amener une charte était intéressant mais j’étais convaincue que la charte n’est pas une forme qui convient pour ce projet, il faut trouver une forme, constituer un groupe de travail qui réfléchit une forme que prendrait l’expression de tous ces projets, pas un manifeste, c’est vraiment un plan, un cadre pour le futur, pour moi un manifeste ou une charte est trop dans le présent. Il faut des idées génériques dans lesquels ces projets quelque part « utopiques » pourraient se reconnaître. Ce projet est une opportunité de réfléchir à un nouveau vocabulaire, peut-être commun aux sports et à la culture, du coup ça serait un plan culturel et sportif. La charte est quelque chose qui devrait prendre forme par la suite.

Nicolas Clémence : cela m’amène à une question sur l’organisation même de ces groupes de travail, typiquement séparer culture et sport, d’avoir catégorisé comme cela, il y a eu des réunions communes entre les deux, il y a beaucoup de va-et-vient dans ces différents groupes, que pensez- vous de l’impulsion de départ de ces groupes, notamment l’invitation des acteurs ?

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Sarah Girard : j’aurais imaginé avoir peut-être quelqu’un qui coordonne, qui crée un lien entre ces différents ateliers aurait été très bénéfique, et le serait encore maintenant, et dans tous les projets auxquels je participe, je me retrouve à défendre la nécessité de quelqu’un qui coordonne le projet au sein des diverses structures. Je me rends compte que certains projets de collaboration n’ont pas abouti parce qu’un coup de fil n’a pas été donné entre ces deux acteurs du projet, et que les choses sont passées par la forme d’un dossier jugé irrecevable par l’autre institution, simplement parce que l’une n’avait pas communiqué avec l’autre pour savoir à quoi elle s’attendait pour qu’un projet soit recevable ! C’est un coup de fil, deux-trois termes d’un vocabulaire commun qui fait qu’on peut travailler ensemble. J’ai l’impression que c’est un point qu’on néglige mais qui est crucial.

Nicolas Clémence : et à votre avis, parmi les groupes créés, est-ce qu’il en manque, je prends un exemple simple il n’a pas été créé de groupe « social » par exemple, il n’y a pas eu d’institution sociale invitée, ou même un groupe « socio-culturel » par exemple ?

Sarah Girard : dans ce projet, l’intérêt est que les porteurs de projets sont des acteurs locaux, donc l’aspect social est intrinsèque me semble-t-il aux projets qui ont été amenés, du moins en partie, dans le sens où ce sont des habitants avec des préoccupations locales qui ont proposé des projets, et c’est la force, donc le socioculturel qui a été abordé sans qu’on le verbalise mais il est présent.

Nicolas Clémence : et le fait que l’on n’ait pas identifié formellement cette thématique comme importante pour ce quartier ?

Sarah Girard : je crois que typiquement ce serait quelque chose à mettre dans le plan culturel, de quel type de culture on a envie, et on se rend compte que c’est la même chose dans le sport, il y a le sport d’élite et le sport-loisirs, de tous les jours, de tout un chacun, et quelque part au niveau de la culture, c’est à travers cette discussion maintenant que je m’en rends compte, c’est qu’il y a une culture d’élite et une culture populaire. Si c’était quelque chose qu’on pouvait écrire et verbaliser, ce serait essentiel parce qu’on se rend compte que les budgets élites et les budgets populaires, les infrastructures élites et infrastructures populaires ne sont pas les mêmes. On aurait encore des sous- catégories à faire.

Nicolas Clémence : je posais la question du social, c’est notamment par rapport à une question soulevée lors d’une des séances, sur la population de Plan-les-Ouates, avec près de 30% de jeunes de moins de 25 ans, qui ne disposent que de peu de structures d’accueil de type Maison de Quartier, un exemple d’institution qui n’a pas été proposée…

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Sarah Girard : on arrive à cette question-là, avec le sport et la culture, car il faut proposer des choses à la population, la notion de projet culturel ou sportif, une Maison de Quartier qui n’offre rien n’apporte pas grand-chose… elle ne peut fonctionner que si elle crée du lien entre les gens, et le moyen de créer du lien ce n’est pas simplement de leur offrir un espace, c’est d’offrir un projet dans lequel en s’investissant dans un projet ensemble et pour quelque chose, qu’il soit culturel ou sportif, on crée de la dynamique, on crée de la discussion et de l’interaction entre les gens. On a besoin d’engager les gens dans quelque chose. Pour en revenir à la maison de quartier, je me rends souvent compte que le cadre n’a jamais été vraiment défini, dans l’enseignement des arts visuels je vois ça quand on propose un dessin libre aux élèves, ils ne savent pas quoi faire… Par contre quand on pose un cadre avec des consignes, là ils peuvent s’exprimer. Je me rends compte de plus en plus que le cadre permet de construire plutôt que de détruire, alors un cadre qui reste souple, hein, mais c’est souvent aussi bénéfique parce que cela canalise des idées. Une maison de quartier cela ne peut pas être une page blanche, un dessin libre, cela doit être cadré. Une proposition de départ est nécessaire.

Il faut voir aussi qu’à présent il y a beaucoup de collaborations qui se font entre les écoles et le service culturel, donc là quelque part le service culturel va à la rencontre d’une certaine tranche d’âge, en primaire ou même du cycle, en faisant des projets de collaborations. Qu’est-ce qui peut se passer dans le cadre de ces collaborations, qu’elles autres activités auraient peut-être besoin d’un autre cadre pour exister ? Cela pourrait être également des rencontres plus fréquentes entre les politiciens avec les jeunes, en tant que photographe, enseignante et conseillère municipale, j’ai dit à mes élèves je m’engage aussi dans la culture, cela n’a pas été facile mais en même temps c’est complètement cohérent avec mes idées, et j’ai l’impression que mon métier de photographe tant que mon engagement politique sont des façons de m’engager dans la société, donc ne mets absolument pas une activité dans une hiérarchie supérieure que l’autre. Peut-être que dans la population il n’y a pas assez de discussions entre les gens qui décident et ceux qui vivent dans un endroit… De nouveau on en revient à cette expérimentation de projets collaboratifs que les Cherpines a pu en partie cristalliser et pour moi c’est un moment, et c’est encore un moment dans lequel les porteurs de projets des habitants qui avaient envie de construire quelque chose, effectivement par le bouche-à- oreille : « là il y a possibilité de construire quelque chose, venez, amenez un projet ». Et là ça aurait peut-être aussi été une possibilité de mobiliser les jeunes, les 12-20 ans, il y aurait aussi eu la possibilité de faire une étude : « Vous, de quoi vous avez besoin » ? Et cela peut-être que ça manque, parce qu’effectivement ce sont des adultes qui ont amené des projets. Cela peut-être des études dans le cadre d’un cours sur le civisme par exemple, dans les écoles, pourquoi pas ?

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Nicolas Clémence : à quel niveau vous situeriez-vous ces groupes de travail, de la simple information, de la concertation, de la consultation ou une vraie co-production participative ?

Sarah Girard : justement on se situe dans la fourchette de la médiation culturelle, la force du projet c’est qu’on a discuté et qu’on fait partie d’une réflexion commune, entre nous, en tant que citoyens habitants de Plan-les-Ouates, les politiciens locaux, et le canton, les gens qui font le PDQ, le PLQ, et déjà de participer à cette discussion, qui fait qu’en tant que citoyen on est en train de construire quelque chose. La participation au débat, et à la construction de ce projet sur le terrain, dans ce sens-là notre participation est déjà là. Et les lieux vont se construire sur cette base de discussion qui est déjà là. Il y a des choses qui vont être oubliées, des choses qui vont être niées, des choses effacées, d’autres qui vont d’un coup surgir, mais la force du projet c’est d’être là dès le départ, et cela a plus d’impact que l’on imagine. Peut-être que je me trompe, que je suis dans cet espèce d’idéal…

Nicolas Clémence : effectivement il semble que l’on soit écouté et qu’il y ait une forme de relais, une remontée des projets et discussions, au fur et à mesure des étapes on sent que des choses sont oubliées et d’autres amenées, maintenant est-ce que vous avez l’impression de prendre part à la décision en tant que telle ?

Sarah Girard : alors non, je pense que maintenant, c’est toute la problématique du pourquoi et comment cette charte est arrivée sur la table, c’est que les porteurs de projet se sont demandés à un moment « pourquoi j’amène ce projet ici, on va en faire ce qu’on veut de toute manière par la suite, quel intérêt j’aurais moi en tant que citoyen à participer à la construction d’un projet culturel » ? Et je pense que là la commune a bénéficié d’une participation citoyenne, personnelle et d’association et que les moyens de donner un retour, et donner la possibilité à ces gens de formuler ces idées de base pour dire : « voilà, vous avez été entendus ». Peut-être que le devoir de la commune maintenant serait de montrer à la population, à ces associations, qu’elles ont été entendues et que ces idées ont une forme quelque part. Là je pense qu’il y a besoin d’un retour pour montrer que ce qui est fait a du sens, et ce qui me fait un petit peu peur c’est qu’on est toujours à la discussion « il faudrait une charte, il faudrait un plan culturel », mais il faudrait maintenant donner les moyens de ce plan culturel et sportif, et le retour de la commune c’est de faire ça.

Nicolas Clémence : Cela m’amène à la durée du projet, c’est un temps très long, selon le calendrier le premier bâtiment devrait être debout si tout va bien dans 7 ans, est-ce que cela peut décourager certains de participer, c’est très difficile de se projeter aussi loin, est-ce que cela joue en faveur ou défaveur du projet ? 167 | P a g e

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Sarah Girard : évidemment cela peut décourager, d’où l’importance de donner forme à ces idées, parce que si on ne donne pas une forme conceptuelle écrite et quelque part matérielle, je pense que les gens vont se décourager. Alors que si on se rend compte que c’est un cadre de réflexion dans le cadre duquel il y a le projet des Cherpines peut exister aussi d’autres projets, et que ces idées en ont générées d’autres, que c’est un processus participatif et pour qu’il puisse exister il faut que les idées se cristallisent et se matérialisent. C’est toutes les erreurs, failles et la réflexion qui en est née que cela va générer le travail suivant, et dans tout processus créatif c’est ça. Et je vois ce projet des Cherpines comme quelque chose qui est générateur d’idées mais il faut qu’elles puissent se cristalliser sinon on va les oublier, et les gens vont se sentir oubliés aussi.

Nicolas Clémence : et l’investissement est lourd, de venir chaque fois aux séances, en plus de la gestion de son association, des autres projets… Peut-être sur la taille du projet, est-ce que sa taille joue en sa faveur ou défaveur ?

Sarah Girard : c’est vrai que c’est un quartier, c’est vrai que 3'000 logements, c’est quasiment le quartier des Eaux-Vives, donc c’est vrai que c’est un grand quartier, mais quand on voit à Genève le manque de logements, et notamment le nombre de logements avec des loyers accessibles, quand je vois la vitesse avec laquelle Plan-les-Ouates s’est développée ces dernières années, le manque de logements à Genève, cela me semble pas du tout être un projet surdimensionné, au contraire, si on prend en compte que la première pierre sera posée dans 7 ans, ce sera peut-être déjà trop petit… Les besoins en logements et en espaces à Genève, cela correspondra peut-être tout juste aux besoins contemporains dans 7 ans…

Nicolas Clémence : pour terminer avec l’aspect du conseil municipal, j’ai lu quelques compte- rendus sur les votes et remarques, sur la demande d’information, le suivi du projet, que pouvez-vous me dire sur le traitement de ce projet au sein du Conseil Municipal ? Les conseillers se sentent-ils investis, concernés, suffisamment informés par ce projet ? Y’a-t-il des budgets ou investissements déjà prévus, plusieurs années à l’avance, l’acquisition des terrains ou les équipements non-rentables (sportifs, culturels) ?

Sarah Girard : je n’ai pu assister qu’à un conseil municipal depuis mon élection, le projet de construction des Cherpines n’a pas encore été à l’ordre du jour, il y a plutôt eu le projet du centre sportif qui a été à l’ordre du jour… Je n’en ai pas encore beaucoup entendu parler, et peut-être que ce serait important mais typiquement au niveau culturel je pense qu’il faut qu’il y ait une réflexion générale des besoins qu’il y a à Plan-les-Ouates au niveau culturel, de nouveau la réflexion sur le plan culturel dans laquelle la population serait engagée, permettrait de mieux évaluer donc où est-ce 168 | P a g e

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Faculté des Sciences Économiques et Sociales Semestre d’automne 2011 qu’on rénove certains centres, qu’est-ce qui manque comme infrastructures culturelles ? Oui, aux Cherpines on a un moyen de construire des infrastructures culturelles, donc aujourd’hui qu’est-ce qu’on rénove, qu’est-ce qu’on agrandit, comment on imagine investir dans la culture aujourd’hui sachant que l’on réfléchit à un centre culturel dont la construction sera dans 8 ans. C’est un aspect qu’il faut amener dans le débat au conseil municipal, il y a déjà des choses à Plan-les-Ouates qui fonctionnent, qu’on peut rénover, qu’on peut améliorer, mais il y a un projet de centre culturel plus grand nécessitant une réflexion culturelle plus large, et que certains besoins devront ne pas être envisagés dans les infrastructures existantes mais dans un nouvel emplacement culturel.

Nicolas Clémence : je reviens sur la question de la participation à ces groupes de travail, notamment les méthodes d’invitation ? Par exemple, il n’y a pas eu de contact systématique des associations ou habitants de la commune invitant à venir participation. Il y a eu peu d’habitants, d’entreprises ou des gens extérieurs à la commune, quelques-uns mais qui ont vite décrochés, que pensez-vous alors du réseau comme moyen de participation, est-ce que c’est une bonne technique ? A terme, il n’y a eu presque que des porteurs de projets associatifs…

Sarah Girard : bon l’idée d’avoir… typiquement l’idée des galeries, il y avait l’idée a un moment des rez-de chaussées, quand je me balade dans le quartier des Bains les galeries ferment les unes après les autres, le quartier devient plus cher, et il faut réfléchir par rapport à ce dont Genève aurait besoin, et l’idée d’avoir des galeries ou ateliers au rez-de-chaussée, tient il y a des galeries qui se créent aux Acacias, est-ce que Plan-les-Ouates qui est juste un peu plus loin ne serait pas la continuité d’un déplacement urbain vers l’extérieur ? J’ai lu un livre de Richard Florida sur la Creative Class, il parle très bien de ce processus à quel point la culture amène à un quartier, il parle très bien de ce processus de gentrification de quartier, à quel point les artistes et acteurs culturels amènent le quartier à se développer, qui petit à petit voit arriver des entreprises, amenant un processus de gentrification, les loyers vont devenir plus chers, alors comment lutter contre cela ? J’ai l’impression qu’on est dans un processus comme celui-là, quand cela devient trop petit, inaccessible en ville, on pourrait trouver sa place en partie à Plan-les-Ouates, mais il faudrait qu’il y ait un relais là aussi… Mais il me semble que les besoins des galeries, des musées n’a pas été clairement formulées en Ville de Genève. Il faudrait que quelque chose se mette en place, un lien entre les porteurs de projets communaux mais aussi un lien entre les porteurs de projets de tout le Canton à Plan-les-Ouates. Après le risque qu’il y a avec ça, ce serait que les conflits se déplacent aussi avec, il faut qu’il y ait un cadre suffisamment clair pour bien…

Nicolas Clémence : merci, est-ce que vous voulez encore mentionner un élément ?

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Sarah Girard : on a vu encore aujourd’hui (NDR : après une réunion du groupe cantonal « Sports, culture et loisirs ») que la question qui est ressortie aujourd’hui de territoire est très importante, parce qu’en fonction de sur quel territoire on met le sport ou la culture, cela donne aux personnes qui auront investi par exemple sur leur territoire les sports, quand même, le pouvoir décisionnel sur ce qui va se passer, à qui on met à disposition ces espaces. Donc c’est là aussi qu’il faut qu’il y ait des idées de collaboration qui se formulent entre les deux communes, si on en vient à dire Confignon a la culture Plan-les-Ouates a les sports, comment est-ce qu’on coordonne les choses ?

Nicolas Clémence : effectivement, vu que dans 7 ans ce ne seront plus les mêmes personnes dans les législatures, est-ce qu’on pourra trouver des financements, en fonction du contexte économique…

Sarah Girard : je n’avais jamais remarqué cela, mais c’est vraiment aujourd’hui que je me suis rendue compte que l’emplacement territorial avait un impact énorme. Donc là il y a vraiment quelque chose qui doit être formulé, un accord de collaboration entre les deux communes indépendamment du territoire. Par exemple si on imagine des collaborations qui se font avec certaines personnes, si on offre plus d’activités pour une certaine tranche d’âge pour la population, si Plan-les-Ouates décide de mettre cela dans ses lignes directrices politiques, il faut aussi que cela soit applicable sur Confignon. Je pense que les Cherpines, cela peut être aussi une façon de réfléchir à quelle cohabitation co-communale, intercommunale. C’est un projet qui a un énorme potentiel dans toute cette réflexion-là, le lien entre les habitants et leur commune, entre la commune et le Canton, les collaborations intercommunales, c’est un projet qui a un beau potentiel de développement mais en même temps une complexité qui fait que si au cours du processus on ne verbalise pas un petit peu mieux les choses, on risque d’oublier certains paramètres.

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Entretien avec Yan Roschi, 23 décembre 2011

Nicolas Clémence : Bonjour, on peut commencer par vous présenter, ainsi que l’UECA ?

Yan Roschi : Yan Roschi, j’ai fait mes études en France, après le BAC j’ai fait une formation d’ingénieur en génie civile, et après plus tard vers la trentaine j’ai fait une formation d’animateur socio-culturel HES. J’ai un pied dans l’Usine depuis près de 10 ans, très impliqué dans l’association le ZOO où je travaille actuellement, ensuite je suis entré plus activement dans l’UECA 3 ans en arrière, je suis arrivé un an après sa création, durant la période où l’UECA devenait plus officielle, avec la première Assemblée Générale, des statuts, la notion de membre etc, j’ai beaucoup travaillé sur les statuts, le fonctionnement avec d’autres. Et on a créé ces deux postes, avec Albane Schlechten on avait une grosse implication, on donnait beaucoup de temps, et les membres se sont dit qu’il fallait rémunérer tout ce qu’on faisait, et il y a eu ces deux postes de coordinateurs qui se sont créés. Et voilà, on a commencé à être assez actifs avec la presse, créer des dossiers sur différents projets, et parmi ces dossiers il y avait ce projet de salle pluridisciplinaire, projet-type adaptable en fonction des bâtiments, à rénover si c’est de l’ancien ou du neuf. Et ce projet a été présenté en commission culturelle du PS, où se trouvait Madame Joliat, elle a fait circuler assez largement, via le DIP, via Cléa Rédalié, et quelques temps après on a reçu l’invitation de Madame Joliat à venir au groupe culturel des Cherpines, c’est comme cela qu’on est rentré dans ce groupe, dans un premier temps pour observer, sans vraiment trop y croire, parce qu’on avait l’habitude d’avoir beaucoup de méfiance envers ces projets qui se disent participatifs, en général c’est un peu un effet de mode, de discours d’élu qui veut se faire réélire, ce genre de dynamique…

Nicolas Clémence : Vous voyez souvent cela en ville de Genève par exemple ?

Yan Roschi : Oui, oui, typiquement pour l’éco-quartier qui doit remplacer Artamis, cela se veut participatif et en fait il y a pleins de lacunes, il y a des choses qui se passent en sous-mains qu’on ne voit pas, il y a un manque de transparence… Et nous avons demandé plusieurs fois d’être partenaires sur Artamis, et on s’est vu refuser le dialogue, ou alors on nous a promis des choses puis ça a été revu à la baisse après, donc très difficile en fait. Après il y a d’autres exemples, comme celui des Grottes, c’est un peu le problème de ces participations qui viennent par le haut, au bout d’un moment il y a un essoufflement, et puis tout d’un coup dans l’urgence il faut prendre des décisions, et il y a des choses qui sont imposées et qui ne viennent pas forcément d’un travail qui est le fruit de la société civile, des habitants, des citoyens tout simplement.

Nicolas Clémence : Et donc pour les Cherpines, vous aviez cette appréhension ?

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Yan Roschi : Oui, on a toujours un peu cette méfiance qui est plus « culturelle » dans le sens, par rapport à notre vécu, enfin l’histoire de l’UECA, et un peu surpris du très bon accueil au début qui nous était réservé, un peu les bras ouverts, presque trop sympa et un peu louche du coup, on se dit qu’il va y avoir quelque chose qui va aller de travers à un moment…(rires). Et c’est là où on a fait votre rencontre, et justement cela tournait bien parce qu’à l’UECA on n’avait pas les forces pour hisser ce projet, surtout en-dehors de la ville, et justement à un moment j’ai ressenti un peu de gêne, en n’étant pas de la commune, de débarquer avec un projet comme cela, j’ai pris un peu de recul et je trouvais qu’on venait en amenant des problématiques qui étaient assez propres à l’UECA et au centre-ville, une forme de répression vu la fermeture des activités culturelles qu’il y avait, dans les squats, on est toujours un peu dans la confrontation, et souvent on a un langage qui est en conséquence, assez dur, on doit faire notre place, et là il n’y avait pas à ronchonner, à réclamer des trucs, parce que là tout roulait, donc un peu de gêne là on débarque… Et donc c’était bien de vous rencontrer, qu’on puisse mettre des choses en commun, vous rencontrer, échanger des savoirs, des infos, poursuivre comme cela.

Nicolas Clémence : Et donc ce projet de salle pluridisciplinaire, vous avez eu envie de l’intégrer dans le projet des Cherpines comme on invitait à le faire, ou c’était plutôt un dossier qui était prêt si jamais mais vous vous positionnez plutôt comme observateurs ?

Yan Roschi : L’idée, le projet pluridisciplinaire c’est plus un concept je dirais, c’est un peu le fruit de nos réflexions, c’est l’idée d’être au plus proche de ce qu’est l’UECA aussi, qui comprend du cinéma, du théâtre, de la musique, des arts plastiques, et c’est l’idée d’avoir un lieu où tous ces domaines d’activités cohabitent et collaborent même, organisent des événements sur le modèle usinien, mais il ne faut pas non plus répéter l’Usine, cela n’a pas de sens, cette idée d’avoir un projet qui est assez ouvert, avec des activités transversales, et aussi par rapport aux aspects plus financiers, la gestion, il y a certaines activités qui sont plus rentables que d’autres, et c’est une manière d’équilibrer les budgets comme cela. Après on ne part pas de l’idée qu’il FAUT une salle pluridisciplinaire, il faut que ce soit modulable, on va vers cette idée-là au début et après on va vers quelque chose de plus centré. Je ne me rappelle plus la question du coup…

Nicolas Clémence : C’était de savoir si ce projet, vous aviez envie de le porter à travers ce projet des Cherpines ?

Yan Roschi : c’est un peu trop tôt pour le dire, on sera ravi de participer à la démarche pour voir qu’une salle puisse se créer. Après plusieurs fois on a eu des réflexions en comité où on s’est demandé si cela vaut la peine d’avoir une salle de cette capacité à cet endroit-là ? En ayant une vision 172 | P a g e

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Faculté des Sciences Économiques et Sociales Semestre d’automne 2011 plus globale de ce qui se passe à Genève, on s’est demandé s’il n’y aurait pas un trop-plein de salles, est-ce que c’est pertinent ? Et après en pesant le pour et le contre, on s’est dit qu’il fallait y aller, parce que cette région est en plein développement, il y a tout le bassin français à proximité, il y a l’autoroute et des voies d’accès, et il faut donner l’impulsion dans les communes pour qu’il y ait des salles, après que ces salles ne soient pas faites n’importe comment aussi, si c’est pour faire une énième salle communale avec des concierges et des horaires strictes, cela n’a pas de sens, on va gaspiller de l’argent pour pas grand-chose. Il faut que les gens, les habitants, le public puisse s’approprier le lieu, le fassent vivre et participent à la définition du projet.

Nicolas Clémence : Vous n’avez pas l’impression que ce n’est pas vraiment le cas encore dans les communes ?

Yan Roschi : qu’est-ce qu’il y aurait comme exemple… ? Non je ne vois pas trop, je dis en ville de Genève il y a quand même quelques opportunités qui sont laissées, typiquement l’Usine on défend nos activités, alors ce n’est jamais à 100%, il y a le subventionnement, la gratuité des murs, mais voilà on est assez autonomes. Et il y a d’autres endroits comme cela, je pense à la Maison de quartier de la Jonction, il y a des professionnels mais l’implication des habitants est assez forte.

Nicolas Clémence : et sur le déroulement de ces groupes de travail, la façon dont cela s’est organisé, la façon dont vous avez été invités, les possibilités de prise de parole, l’avancement de ces groupes ?

Yan Roschi : j’ai trouvé assez bien au début, il y avait des séances à peu près tous les deux-trois mois, c’est un bon rythme parce qu’il faut toujours qu’il y ait un retour dans les associations pour pouvoir réagir collectivement. Moi, chaque fois que j’ai eu des questions je ne me suis pas gêné pour prendre la parole, et on m’a chaque fois répondu sans faire de détours, donc la relation était bonne. Ensuite on a proposé cette charte, et depuis là j’ai trouvé que ça allait toujours vers le moins bien. Il y a eu les élections entre-temps, cela a joué aussi, sur les démarches il y a eu cette histoire de déclassement…

Nicolas Clémence : et pour vous, certains de vos membres se sont opposés à ce projet, étant membres de la coopérative des Charrotons ?

Yan Roschi : oui il y avait quelques personnes qui étaient contre le déclassement, mais ce n’est pas pour cela qu’on a fait tourner des documents pour les signatures, cela les gens le faisaient à leur niveau individuellement, on n’a pas fait de demande à rejoindre le groupe d’opposants, on n’a pas milité. 173 | P a g e

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Nicolas Clémence : et cette charte, elle est venue de votre initiative, est-ce que vous, votre comité en a ressenti le besoin, au niveau de l’expérience que vous aviez de ce genre de discussions, au niveau de la transparence, ou du respect de certains principes ? cela s’est imposé à vous la nécessité d’avoir une charte comme cela ?

Yan Roschi : il y a plusieurs choses, il y a le fait que là on se rendait compte qu’il y avait la possibilité de créer un modèle de participation, parce que les conditions de bases me paraissaient optimistes, on s’est dit qu’on pouvait travailler sur cette participation, et l’idée d’avoir des documents qui définissent ça, elle est importante. Je crois que c’est Farès (NDLR : Association Age 2 réseau) qui a eu cette idée de charte. Après moi j’avais l’idée qu’on arrive à modéliser quelque chose dont on puisse se servir ailleurs, Farès voyait plutôt la chose par rapport aux Charrotons, la disparition de terres agricoles, la nécessité d’avoir une transparence et que les informations circulent bien. Après si vous vous souvenez, le premier texte que nous avions rédigé était pas mal axé agriculture, etc. ce qui a disparu après lorsqu’on est un peu sorti de ce contexte et qu’on a généralisé. Après j’étais très content du travail que l’on a fourni, c’était une bonne idée de faire une synthèse car effectivement c’était un peu trop long, la version à laquelle on a abouti était vraiment bien. Après on peut regretter que les autres participants du groupe n’aient rien dit, ni fait de remarques, de commentaires, n’aient pas voulu se l’approprier, s’en imprégner. Et là ça traine encore et ça n’avance pas ? Il faudrait presque taper du poing sur la table… Et voilà, il y a moins de séances, il y a moins de coordination, le PV de l’avant- dernière séance je ne l’ai pas reçu, on a l’impression que les informations arrivent au compte-goutte, et de plus en plus cela devient opaque…

Nicolas Clémence : à quoi cela tient cette « secrétisation » de certains documents, de certaines décisions internes ?

Yan Roschi : certainement qu’il y a des enjeux très forts et des acteurs qui ne sont pas dans le processus mais qui ont une énorme influence sur le projet d’ensemble, je ne veux pas jouer le côté parano, complot etc. mais cela me paraît logique que sur un plan d’aménagement de cette ampleur, qu’il y ait des choses qui se négocient en coulisses.

Nicolas Clémence : en ce qui concerne l’influence des personnes, par exemple Laurent Seydoux qui portaient ce projet à bras-le-corps jusqu’à sa non-réélection, est-ce que vous avez l’impression que c’est depuis ce changement de personnes qu’il y a moins d’activités et de transparence ?

Yan Roschi : c’est sûr qu’il avait l’air très impliqué, et il devait faire un gros travail de coordination, du coup il y a une perte de vitesse parce qu’il y a un changement de personnes dans ce projet. Après,

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Faculté des Sciences Économiques et Sociales Semestre d’automne 2011 si on regarde les résultats des votations, je me suis demandé quelles infos recevait la population (NDLR : des communes concernées) pour voter dans le sens contraire du résultat final ? J’ai l’impression en n’étant pas habitant de Plan-les-Ouates d’avoir eu plus d’informations sur le projet qu’en étant habitant de la commune. Parce que je participais à ce groupe de travail.

Nicolas Clémence : et sur l’organisation de ces groupes de travail ? Je m’intéresse par exemple à la question de la non-création d’un groupe « social », notamment on n’a du coup pas vraiment prévu d’espaces pour l’accueil social : maison de quartier, jardins robinsons, centres de loisirs, EMS…?

Yan Roschi : oui, c’est sûr. La question a été posée par Farès, lui aussi est animateur et travaille dans les maisons de quartier. Je ne me rappelle pas de leur réponse quand la question a été posée… Après du côté de la FASE on sait qu’il n’y a pas beaucoup d’argent pour faire de nouvelles maisons de quartier... Mais aussi ces Maisons de quartier se basent quand même sur un comité d’habitants, c’est donc difficile de travailler en amont quand les habitants ne sont pas encore là… Mais est-ce que c’est relié à la culture, ou est-ce qu’il faut créer un groupe social ?

Nicolas Clémence : la réponse a été apportée par Laurent Seydoux, il avait répondu que cette question sociale s’imposerait à travers les autres projets culturels… Et il était en charge du dicastère « social et jeunesse » en plus du dicastère de l’aménagement.

Yan Roschi : oui, par rapport à la coordination, il y a quelque chose qui doit bloquer en ce moment, parce qu’a la base il y a quand même un gros travail administratif, une personne qui prend les PV, il y a des forces pour la coordination. Et au final il y a quand même des retards, ou tout à coup des choses qui arrivent en urgence et les participants n’ont pas le temps nécessaire pour engager de bonnes décisions ou amener des arguments qui leur correspondent.

Nicolas Clémence : et l’idée du plan culturel de nommer un coordinateur, à 30 ou 40 %, est-ce que ça peut relancer, débloquer un peu cela ?

Yan Roschi : oui, je pense. C’est un peu les limites d’une méthode qui est juste basée sur la bonne volonté des uns et des autres, sur quelque chose qui est à long terme il y a un essoufflement, le fait de payer quelqu’un cela peut relancer les investissements de tous. Mais j’ai l’impression qu’il y a un travail à faire sur la relation avec l’Etat, et un autre travail à faire en direction des habitants, d’information. Moi c’est ma position, de quelqu’un de l’extérieur, qui n’habite pas la commune. Des séances d’informations publiques, et essayer de voir si à partir de ces séances, il n’y a pas simplement des gens qui ont des questions, des gens qui ont des envies, des synergies, quelque chose à mettre en

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Faculté des Sciences Économiques et Sociales Semestre d’automne 2011 commun, pour éventuellement essayer de constituer un conseil d’habitants, qui a une vue sur l’avancée du projet.

Nicolas Clémence : oui, il semble ressortir de mon analyse qu’il y a encore un brassage d’informations qui doit se faire, qu’à toutes les étapes du projet il doit y avoir une remontée des avis, surtout avec la situation d’opacité que vous mentionniez.

Yan Roschi : après ce sont des processus qui prennent du temps, je ne sais pas s’il y a une volonté de ne pas élargir pour ne pas perdre du temps à chaque fois à informer les gens… J’ai l’impression que peut-être qu’il y a cette idée de la part des communes d’inviter large à un moment, et on se dit que plus le temps passe et plus des gens vont lâcher l’affaire.

Nicolas Clémence : que le temps long du projet permettrait de tester la motivation, l’implication des gens ?

Yan Roschi : peut-être, peut-être que je me trompe. Il y a différentes manières d’opérer, je n’ai pas vu comment cela se passait ailleurs dans ces processus de participation. Je sens que c’était très ouvert au début, et là cela semble se refermer, on sent un essoufflement de part et d’autre, que ce soit au niveau des porteurs de projets qu’à celui des communaux. Et on est encore loin de la réalisation, ce n’est pas évident sur 5 ans ou plus même. On ne sait pas ce qu’on sera et ce qu’on fera à cette époque. D’où l’importance d’avoir des documents, des traces écrites qui restent. Parce qu’à chaque fois que nous sommes allés à une séance et vous aussi, nous y sommes allés bénévolement, ce serait contre-productif de perdre… ce n’est pas perdre du temps parce qu’on y croit et qu’on a envie que cela bouge, mais c’est du travail, même si c’est de la discussion, des échanges, il faut qu’il y ait quelque chose qui en reste. Si dans 4-5 ans nous n’y sommes plus, et que ce sont d’autres personnes qui ont pris le relais, et ils recommencent depuis zéro… Il y a des projets qu’on a amené qui seront en substance à peu près les mêmes, mais il y a des détails, notamment par rapport à l’éthique ou la manière de gérer l’espace, il pourrait y avoir un retournement de situation.

Nicolas Clémence : voir une disparition de certains projets, s’ils ne semblent plus portés, des décisions peuvent être prises et supprimer des espaces… On ne sait pas trop comment cela se passe, ces décisions sont prises ?

Yan Roschi : d’où l’importance du conseil citoyen, qui pourrait veiller sur les décisions. Si elles restent aux mains des élus, qu’ils soient communaux ou cantonaux, cela ne change rien, ce n’est pas de la participation, parce que la base du principe de participation c’est quand même que les élus cèdent de leur pouvoir, qu’ils passent outre ce pour quoi ils sont élus sur un moment donné. Et là on 176 | P a g e

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Faculté des Sciences Économiques et Sociales Semestre d’automne 2011 a une relation directe avec le peuple. C’est difficile à accepter, par exemple en Ville, les élus souvent veulent pouvoir se glorifier d’avoir fait ça, ça et ça pendant leur législature, c’est la raison pour laquelle ils mettent en œuvre des choses, une « course à la réalisation ». Surtout dans la culture qui est adressée à une population plus jeune, il y a toujours ce sentiment de paternalisme qui ressurgit, entre les générations il y a des choses qui coincent, cela se voit partout. Et il n’y a pas juste la culture, il y a le logement, la notion d’espace public…

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Entretien avec Françoise Joliat, 28 Février 2011

Nicolas Clémence : Bonjour, pouvez-vous vous présenter, votre commune et votre rôle?

Françoise Joliat : Françoise Joliat, conseillère administrative de la commune de Confignon, je termine mon 3ème mandat à la mairie, et dans les 3 j’ai eu le dicastère de la culture. Parmi toutes ces pérégrinations il y a des choses qui m’ont beaucoup marquées, entre autres le travail du RAAC, j’ai suivi d’assez près l’atelier « culture et urbanisme », et donc j’ai très vite été persuadée de la nécessité de trouver des lieux culturels qui permettent aux artistes de donner et réaliser ce qu’ils ont à réaliser.

J’ai aussi fait partie de la concertation culturelle, car je trouve que c’est aux communes de s’en occuper, mais dans les communes de la taille de Confignon la culture ne se traite pas comme celle dans les grandes communes, mais il y a tout un phénomène intercommunal qui est très important. Et les communes qui sont toujours sollicitées pour des locaux, etc et qui disent non, se sont dit qu’il fallait prendre le taureau par les cornes et voir ce qu’on peut faire.

Donc il y a un groupe qui s’est créé à l’intérieur de la concertation culturelle pour rechercher des locaux, différentes démarches ont été suivies, c’est dans ce cadre-là que je suis allée suivre l’atelier culture et urbanisme, et à ce moment-là avec toutes les idées qui commençaient à se mettre en place du côté des Cherpines, avec le projet d’agglomération, les différents PACA et notamment celui des Cherpines, on s’est dit qu’il fallait qu’on travaille pour mettre en place quelque chose du domaine de la culture dans ce nouveau quartier avant qu’il soit réalisé, que la culture soit partie intégrante de ce nouveau quartier. Voilà pourquoi, avec Geneviève Arnold, il y a eu la création de cet atelier culture pour les Cherpines.

Nicolas Clémence : Vos priorités sur ce projet sont essentiellement culturelles ?

Françoise Joliat : Moi je me suis occupée de la partie culture, mais il est évident que la commune de Confignon s’est investie fortement dans la création du quartier, d’une part pour la question cruciale de la création de logements à Genève, qui est quelque chose d’indispensable, et à ce moment-là il faut une pesée d’intérêts entre ce qui relève de la nécessité et du besoin en logement, et ce qui relève de l’aspect agricole, alimentation de la population, il n’est pas question de choisir entre les deux mais de faire une pesée d’intérêts et de voir ce qui est le plus nécessaire dans la situation actuelle.

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Le choix de la commune de Confignon a été de dire : oui, il faut du logement, et donc de ficeler un projet qui soit à la fois bénéfique du point de vue logement mais intègre aussi quantité d’autres données qui permettent un quartier vivable, et qui respecte l’environnement. Je crois que la commune de Confignon a toujours travaillé dans l’optique d’un développement durable, et que ce sont des questions auxquelles elle attache une grande importance.

Dans cette perspective-là, j’ai un de mes collègues du conseil administratif qui s’occupe plus particulièrement du projet des Cherpines, c’est Dinh Manh Uong, on a aussi dans le staff administratif une personne, Mario Rodriguez, qui tient toutes les ficelles de ce quartier des Cherpines, et moi j’ai été chargée plus particulièrement de ce côté culturel.

Nicolas Clémence : Pour recontextualiser, combien votre commune compte d’habitants et d’associations ?

Françoise Joliat : On a 4'200 habitants et on a entre 30 et 35 sociétés ou associations communales, donc il y a un tissu qui est très actif, et sur lequel on peut vraiment compter et qui est très présent lorsqu’on veut organiser un événement sur la commune.

Nicolas Clémence : et dans tous les domaines ?

Françoise Joliat : en ce qui concerne les Cherpines, il y a une association qui est particulièrement partie prenante de l’affaire c’est « une fois un cirque », une association qui s’occupe d’un cirque d’enfants et qui donne des cours, donc avec un aspect formatif. C’est donc un des projets auxquels on tient beaucoup, c’est une halle du cirque, qui n’existe pratiquement pas à Genève,

Mais les associations que nous avons, c’est un peu différent de ce qui se passe à Plan-les-Ouates, parce qu’on est dans une plus petite commune, on n’a pas d’association culturelle à proprement parler, c’est plus des groupements d’artisans, on a des gens qui se sont regroupés pour le marché de Noël, des dames qui organisent des fêtes, c’est des petites associations, à côté de sections de plus grandes choses comme l’association de gymnastique, etc.

Nicolas Clémence : ces associations ont-elles été approchées dans le cadre du projet des Cherpines ?

Françoise Joliat : non, alors là je dois dire à mon grand… le cirque oui, non seulement à Confignon mais on a contacté les différentes associations de cirque sur le canton, il a fallu prendre le bâton de pèlerin pour cela, quant aux autres associations, on ne l’a pas fait.

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Elles ont été sollicitées par ailleurs puisque nous avons un projet de réaménagement du centre du village, et donc les associations ont beaucoup travaillé là-dessus, autrement il y a la commission de la culture du conseil municipal qui a été sollicitée relativement dernièrement, les conseillers municipaux qui vont participer aux travaux.

En fait, toute la réflexion sur la culture, et je m’en suis rendue compte après, parce que j’ai été embarquée dedans, c’est une réflexion qui s’est faite au niveau de l’exécutif, qui s’est peu préoccupée de mettre des associations d’habitants dans le coup. C’est d’ailleurs un constat qui m’ennuie beaucoup, car j’ai été embarquée là-dedans et je me suis fait la réflexion a postériori.

Nicolas Clémence : et comment vous définiriez la participation ?

Françoise Joliat : pour moi, tout mon travail politique, et c’est pourquoi c’est encore plus navrant à ce niveau-là, ça a été basé sur l’idée que les gens qui sont sur le terrain, ce sont eux qui savent de quoi ils ont besoin, et c’est eux qu’il faut interroger lorsqu’il y a des projets.

La deuxième chose, c’est que chaque fois qu’on élabore quelque chose sans que les destinataires premiers soient dans le coup, et qu’on apporte un projet tout ficelé, on sait très bien qu’on va dans le mur et que cela ne marche pas. D’où la nécessité de faire participer la population, et c’est surtout par le tissu associatif que ça passe, mais pas seulement. Par exemple on a été la première commune à bâtir le Plan Directeur Communal sur une démarche participative, bien sûr les associations ont été mises dans le coup, mais on a essayé d’avoir une représentativité des gens que nous avons sollicités en matière d’âge, de question géographique, en matière de classes socioprofessionnelles, qui permette d’avoir un échantillon large et varié. On l’a fait pour le plan directeur, pour le centre du village, pour…

Nicolas Clémence : Cressy ?

Françoise Joliat : alors voilà, le quartier de Cressy ne vit que parce qu’il y a une association d’habitants qui s’est créée qui est une association forte et qui s’efforce de faire vivre le quartier. Et c’est uniquement grâce à ces gens-là que ce quartier fonctionne.

Nicolas Clémence : et cela avait-il été pensé dès la base ?

Françoise Joliat : c’est vrai que dès la base, on a pensé qu’il était nécessaire que les gens du quartier soient dans le coup. L’association n’a pas été créée par la mairie mais par les habitants, et il y a pleins de choses qui se sont discutées avec les habitants : il y a eu des tas d’histoires autour du tri

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Faculté des Sciences Économiques et Sociales Semestre d’automne 2011 des déchets… enfin chaque fois on a eu des réunions d’habitants, et bien sûr quand l’association s’est créée c’est devenu le partenaire principal de la discussion.

Nicolas Clémence : et pour vous à quoi sert le processus participatif, même s’il a peu eu lieu dans le projet des Cherpines ?

Françoise Joliat : il y a eu quand même quelque chose, je vous parlais du fait qu’il y avait un des partenaires de l’administration en charge du projet. Lui est allé trouver tous les propriétaires de parcelles de Confignon sur les Cherpines, pour aller discuter avec eux. Puis il y a eu des réunions de propriétaires, alors c’est quelque chose dans un autre domaine mais qui était très important.

Nicolas Clémence : et un retour, un échange a été fait, par exemple avec les autorités de Plan-les- Ouates ?

Françoise Joliat : bien sûr, parce que les propriétaires se sont aussi regroupés en association, j’imagine que l’association n’est pas uniquement confignonnaise, il doit y avoir aussi des gens de Plan- les-Ouates qui sont dedans, et c’est devenu des partenaires de discussion indispensables. Pour ce qui est du domaine du foncier, du domaine de l’aménagement du territoire.

Nicolas Clémence : et comment expliquez-vous que les groupes de travail aient lieu sur Plan-les- Ouates ?

Françoise Joliat : je ne sais pas ce que je vais vous répondre, c’est délicat. Je crois que Confignon ET Plan-les-Ouates ont eu dès le départ le désir d’être proactif et de faire des propositions et pas simplement suivre les directives cantonales. Les moyens qui ont été pris ont été différents, et Laurent Seydoux, qui a quand même été très leader en ce qui concerne Plan-les-Ouates, a une certaine manière de faire, il a aussi d’autres moyens, car toutes les études qui ont été faites et qu’il a mandatées étaient des études qui coûtaient, Confignon n’avait pas les moyens d’agir de la même manière. Donc les actions qui ont été menées par mon collègue Dinh Manh Uong ont surtout été diplomatiques, de prise de contact avec différents acteurs cantonaux ou communaux. La Fondation des terrains industriels, le département de l’économie, et c’est de cette manière-là qu’il a avancé un peu ses pions. Alors que par ailleurs Laurent Seydoux a beaucoup avancé dans son étude l’aspect sport, c’est sa première préoccupation. Je crois que le logement a d’abord été une préoccupation de Confignon, qui prêche le logement aussi à Plan-les-Ouates, et il y a eu toute une dynamique entre les deux communes qui a fait qu’on est arrivé à ajuster un certain nombre de choses et à travailler ensemble.

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Mais je crois que le point de départ, la ligne force a fait que la visibilité a été donnée d’abord à Plan- les-Ouates, et qu’ensuite, pas pour tout mais en ce qui concerne la culture, là c’est peut-être aussi une question de personnalité, Confignon s’est ajoutée à ce que lançait Plan-les-Ouates, et peut être qu’il n’y a pas eu suffisamment de punch là du côté de Confignon pour reprendre les affaires en main. Car c’est vrai que tout ce qui concerne les équipements culturels va être surtout sur la commune de Confignon. Enfin on a toujours dit que c’était intercommunal, et qu’il n’était pas question de se tirer dans les jambes ou de tirer la couverture d’un côté ou de l’autre.

Nicolas Clémence : comment a démarré le groupe de travail culturel, et pourquoi une année après le groupe sportif ?

Françoise Joliat : c’était concerté avec Geneviève Arnold, le lancement de cet atelier, parce qu’elle a aussi suivi les travaux du RAAC, on était sur la même longueur d’onde, c’était une décision commune de mettre en place cet atelier. Elle l’a lancé avant que je sois dedans, mais bon voilà.

Nicolas Clémence : et c’est vrai que les questions sur le projet en lui-même, la venue du tram par exemple, n’a pas été posée aux habitants, ni même aux associations ?

Françoise Joliat : en ce qui concerne Confignon, il y a quand même un phénomène géographique très fort aussi : parce que cette région-là est très coupée du reste de la commune. On a un petit nombre d’habitants qui périodiquement se rappellent à notre bon souvenir en disant : comment fait- on pour envoyer nos enfants à l’école ? Mais il y a essentiellement des agriculteurs ou des maraichers, qui n’ont pas beaucoup de lien avec le reste. Et les associations communales n’ont certainement pas beaucoup d’habitants des Cherpines parmi leurs membres. Ce qui fait que cela donne une couleur assez différente, c’est quelque chose de très nouveau. Et pour les habitants de Confignon, les Cherpines c’est presque l’étranger.

Nicolas Clémence : Etes-vous inspirés par d’autres projets urbains et les manières de faire notamment ?

Françoise Joliat : bon on est allé à Freiburg im Breisgau pour voir le fameux quartier Vauban, qu’on a pas vu d’ailleurs car il n’y avait personne pour nous le faire visiter à ce moment-là (rires), mais on a quand même pu avoir une idée de la manière dont la municipalité réfléchissait l’aménagement. On a été aussi tout dernièrement près de Zurich, comment s’appelait ce quartier ? Né sur des friches industrielles, (note : écoquartier Uster près de Zurich). Et ça c’était aussi très intéressant, et dans

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Faculté des Sciences Économiques et Sociales Semestre d’automne 2011 une autre échelle, ce qui se fait à Lyon je trouve très intéressant, ils mettent beaucoup l’aspect culturel en avant, pour créer des liens, réintégrer les gens, lutter contre l’exclusion.

Nicolas Clémence : Au niveau du périmètre institutionnel, la question de l’échelle de la participation a été abordée au niveau communal (ou intercommunal). Mais on voit que les oppositions sont très fortes au niveau cantonal (lobbys, partis politiques) ?

Françoise Joliat : mon action à moi a été au niveau politique, je suis socialiste et dans mon parti ce n’était pas évident au départ, il a fallu travailler le terrain-là : jusqu’à maintenant c’est acquis mais il y a encore des questions en suspens. Il y a aussi des gens qui se préoccupent disons de l’aménagement du territoire parce qu’ils sont les pieds dedans, par exemple l’ATE, finalement l’ATE n’a pas soutenu le référendum. Avec les verts il y a un lien concret puisqu’à Confignon il y a une liste Voix de Gauche avec les socialistes, les verts et de non affiliés. Et finalement les verts soutiennent le référendum, donc ce n’est pas confortable dans un groupe politique quand vous avez une fraction qui soutient et pas l’autre.

Dans la population, je ne sais pas, on a essayé d’amener notre grain de sel dans le journal « voix de gauche », en essayant de montrer comment on pouvait réfléchir la problématique du développement des Cherpines, quel impact est-ce que ça a eu, on ne sait jamais. L’écrit appartient à un certain nombre de gens et pas à d’autres.

Nicolas Clémence : Il n’y a pas eu d’approches du groupe WWF ou Pronatura, qui gravitent à des échelles supérieures ?

Françoise Joliat : je ne suis pas sûre, car il est possible qu’il y ait eu des contacts, Mario Rodriguez pourrait vous répondre. Mais maintenant il va y avoir une campagne autour du référendum, ce qui n’est pas simple car dans la procédure du référendum, les autorités ont très peu de marge de manœuvre en dehors des prises de position. C’est là où le processus participatif, les associations devront jouer un rôle, c’est par là que les choses peuvent passer.

Nicolas Clémence : Au niveau de la taille de ce projet, relativement imposant, pour vous c’est un avantage, un inconvénient ?

Françoise Joliat : je pense que sa taille assez imposante est un avantage. Pourquoi ? Parce que cela permet de penser un quartier et la vie d’un quartier avec tout ce qui fait la vie du quartier. L’exemple contraire, le nouveau quartier de Cressy a été pensé il y a 20 ans, à ce moment-là on ne pensait pas ville mais village, donc on a créé des immeubles petits, bas. C’est joli, un petit nombre d’habitants,

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Faculté des Sciences Économiques et Sociales Semestre d’automne 2011 mais il n’y a pas de commerces, ce n’est pas possible ils ne vivent pas. Donc c’est pour cela que je disais plus tôt, s’il n’y avait pas l’association d’habitants ce serait un quartier mort.

Nicolas Clémence : une question un peu plus générale sur la difficulté de mener à terme des projets urbains à Genève, en tout cas dans des délais raisonnables (à l’échelle des mandats politiques ?) : selon vous à quoi ça tient ?

Françoise Joliat : Il y a dans le monde politique un temps à laisser au temps qui est énorme, une force de résistance énorme. Et les projets on peut les mettre où ? en périphérie, et ce n’est même plus les grandes communes suburbaines qui ont déjà elles fait des tas d’efforts, et maintenant on dépasse cette échelle là et à présent on va vers des communes où vivaient majoritairement des gens d’une certaine aisance, classe sociale, qui acceptent très mal qu’on vienne changer la donne, construire des immeubles, qu’on ait quelque chose de beaucoup plus mélangé au niveau de la population.

Tout cela ce sont des choses qui font que ça résiste, ça résiste, et les élus représentent ces gens-là et sont issus de ces gens-là, et on a une peine énorme a dépasser, je vais parler d’égoïsme mais il y a quelque chose comme ça, pour essayer d’imaginer quelque chose qui peut être utile et essentiel pour le bien commun, encore faut-il définir le bien commun.

Mais je pense que ceux qui ont besoin de logements c’est majoritairement des gens qui sont pas dans le top niveau des classes sociales, ce sont des logements qui ne sont pas dans les prix de ceux du marché. Alors ça demanderait des tas d’explications car pourquoi les prix du marché du logement sont aussi coincés d’abord, à un prix inabordable ensuite. C’est en lien avec une politique économique qui a été menée par le canton, avec laquelle je ne suis pas du tout d’accord. Mais on est dans cette situation-là, alors il faudrait qu’on se prenne par la peau du cou et qu’on essaie de réfléchir à une solution en rapport avec le bien commun.

Nicolas Clémence : c’est le syndrome NIMBY

Françoise Joliat : à une toute petite échelle, j’habite Confignon, j’ai la chance d’avoir un logement individuel, dans un quartier qui était un ancien rural, et bien ce quartier dans les 10 dernières années a doublé de volume non pas avec des villas mais avec des locatifs, alors quand c’est arrivé on a dit aïe aïe aïe, et puis une fois dedans on s’est donné les moyens pour que cela se passe bien, et cela se passe bien.

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Nicolas Clémence : les municipalités qui n’auraient pas la volonté de faire un processus participatif y pourraient y être contraintes ? Soit par le canton soit parce que cela s’impose avec le projet en lui- même ?

Françoise Joliat : Je pense que la manière d’envisager les choses a changé. L’histoire de la participation est beaucoup plus communément admise que ça ne l’était avant. Mais j’ai de la peine, je ne sais pas s’il y a des communes qui peuvent faire sans. Mais je ne crois pas, je crois que là il y a une avancée qui fait que tout le monde se rend à l’évidence que… et puis il n’a pas que les municipalités, il y a aussi les gens qui réclament.

Nicolas Clémence : Pour terminer sur les groupes de travail, que pensez-vous du déroulement, de l’organisation et du contenu des séances ?

Françoise Joliat : C’est trop lent, ce n’est pas bien organisé, je pense qu’on devrait avoir un calendrier de séance, que d’une séance à l’autre il y a un travail qui doit être fait, et que la fois suivante on peut repartir de là où on en était. On a eu une phase très productive au départ, avec la récolte des projets amenés par les différentes associations, il fallait en faire une synthèse ce n’est pas évident, ce n’est pas facile. Dans le groupe dans lequel on était, c’était de voir ce qui pouvait être commun et ce qui était spécifique, de manière à ce que lors de l’aménagement du territoire on puisse en tenir compte. Et ben là on n’y est pas. Alors je ne sais pas qui va le faire, mais on a manqué d’organisation, pas très rationnels dans notre manière de travailler.

Nicolas Clémence : Avez-vous quelque chose à ajouter ?

Françoise Joliat : la situation à Confignon et à Plan-les-Ouates étaient très différente, et cela induit plein de choses. Je pense que la proactivité de Plan-les-Ouates du point de vue sportif y est aussi pour quelque chose. A Confignon on a été très clair dès le départ : si le canton avait l’idée qu’il y avait besoin d’un équipement sportif sur un plan régional, alors on pouvait imaginer un équipement à cet endroit-là, mais c’était quelque chose qui devait être concerté avec le canton, qui devait dire quels étaient les besoins. Et là à ce moment-là, il n’y avait pas photo.

Là on était toujours entre deux, on imaginait qu’on pouvait faire. Et là dans un processus participatif c’est aussi quelque chose qui est dangereux, au moment où on réunit des associations et on demande « qu’est-ce que vous voulez ? », ben on se rue dedans et on dit de quoi on a besoin. En quoi est-ce que ces besoins sont en liens avec des besoins avérés et objectifs, c’est une autre paire de manche.

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Il faut bien regarder les choses, il y a tout ce qu’on peut dire, évoquer, tout ce qu’on aimerait, et puis après il y a tout ce qui peut entrer dans un cadre le plus objectif et possible. On doit bien cadrer et savoir ce qui est du domaine du dicible et du domaine du possible.

Nicolas Clémence : Avec du recul, malgré que l’on soit à mi-projet, qu’auriez-vous fait différemment ?

Françoise Joliat : je crois qu’on aurait dû avoir une meilleure coordination entre canton et communes, de manière à réellement bâtir ensemble. Il y a toujours cette méfiance par rapport au canton, car en matière d’aménagement c’est encore le canton qui a le pouvoir. Donc nous on s’est aménagé pour essayer de garder la mainmise là-dessus qui risquait d’être conflictuel.

Je pense qu’on aurait dû au départ avec le canton réfléchir aux lignes essentielles qu’il fallait qu’on mette en place. Organiser différemment la démarche participative, car effectivement on est passé par les associations, mais il y a peut-être d’autres gens qu’on aurait pu solliciter. Et puis mettre plus en avant les règles du jeu (dicible et possible). Les Cherpines c’est peut-être beaucoup plus intégré dans la commune de Plan-les-Ouates que dans la commune de Confignon, et c’était difficile finalement, je ne vais pas chercher d’excuses, mais c’est peut-être aussi pour cela que finalement du point de vue participatif on a été faible à Confignon, mais les gens qui vont venir dans ce quartier n’y sont pas encore.

Mais c’est vrai qu’on aurait pu voir avec les gens qui étaient là quels étaient les projets qu’ils pouvaient avoir pour un nouveau quartier. On n’a pas toujours travaillé en partenariat, on a plus travaillé en lutte symétrique qu’en complémentarité si l’on veut.

Nicolas Clémence : Penseriez-vous utile d’avoir – dans les petites communes c’est difficile d’ouvrir un poste pour cela – un spécialiste de l’aménagement, de l’urbanisme et des processus de déroulement de projet urbain ?

Françoise Joliat : à notre échelle c’est bien ce qu’on a essayé de faire, Mario Rodriguez avait ce rôle-là. Il est géographe de profession, il avait des compétences qu’il pouvait utiliser pour ça, bon il n’est pas urbaniste, mais c’est vrai que là aussi on aurait pu s’entourer de conseils différents, en termes urbanistiques on a quand même à Genève des gens cultivés et compétents, et on n’a pas utilisé toutes les compétences qu’on avait à disposition. Mais oui quelqu’un qui ait la responsabilité du projet, ça je pense que c’est essentiel.

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