Deuxième partie

LES SITES CLASSÉS

187 188 Nom du site : Site d’ Commune : Alleuze Site visité le : 12 Août 2006 N° : 28

DONNEES D’INSCRIPTION

Année de classement : 1933 Critères de classement : historique, pittoresque, légendaire. Le rapport de 1933 fait la description suivante : « Un ravin abrupt creusé depuis des siècles, affluent de la Haute Truyère, dans le fond, sur un pic conique dénudé, où pousse une maigre bruyère, les ruines démantelées mais imposantes encore du château d’Alleuze ; comme fond de tableau, de grands bois de sapin dont la sombre verdure s’étend à l’infini accentuant la tristesse de ce paysage sauvage mais non sans grandeur, cadre choisi pour ces ruines romantiques dont la légende n’a pas eu à déformer la curieuse histoire ». Il n’est fait aucune mention du chemin du calvaire et de l’église. Contexte social du classement (désaccords, pressions…) : Conflit avec les propriétaires des bois alentours qui a sans doute été à la base d’une lenteur de la procédure. Le site est d’abord inscrit puis, deux ans plus tard est classé. Les rai- sons du classement sont clairement apparentes dans le compte rendu de la section permanente des Monuments naturels et des Sites du 11 Janvier 1932 : « J’ai l’honneur de vous adresser une proposition de classement concernant le site d’Alleuze, arrondissement de Saint-Flour, dont la notoriété est telle que sa protection ne saurait être discutée. J’insiste cependant sur l’urgence de ce classement, car actuellement est en cours de construction, un chemin qui, partant de la Barge va contourner sur la droite le mamelon supportant le château et traversera en diagonale le bois qui en forme le fond. Il est à craindre que les nombreux propriétaires de ces bois, trouvant dans cette nouvelle voie la possibilité de les exploiter, soient tentés de les couper à blanc, ce qui détruirait l’harmonie de ce paysage unique.» Délimitation : la délimitation est très large. On ne peut la comprendre que si l’on revient à l’état initial des bois aux alen- tours du château : « J’estime en effet que le but essentiel à atteindre par le classement est de protéger les bois qui l’en- tourent d’une sombre masse de verdure, en étendant suffisamment le périmètre de protection. » Chose étonnante dont il n’est fait aucune mention dans les rapports : le bourg de la Barge est une enclave exclue du périmètre de protection. Cependant, il se trouve dans le rayon de protection MH de l’église. Superficie : 45,64 ha. Inventaire MH sur le site ou alentour : château (1927) + croix (1971) + église (1927)

ETAT DES LIEUX

Etat du site par rapport à l’époque du classement : Le site a subi de grands bouleversements lors des 70 dernières années, tout en conservant les ingrédients de son “pittoresque”. Le chemin a semble-t-il été construit malgré la procédure d’ins- cription. Il est finalement devenu une route qui permet aux touristes d’accéder aux ruines du château et à la chapelle en voiture sans emprunter le chemin du calvaire. Les versants conservent, entre adrets et ubacs, une belle dissymétrie, la lande à genet purgatif des adrets permettant de conserver une ouverture à la vue que les résineux qui leur font face condamnent. Une masse d’arbre spontanée est apparue sur le rocher du château (comparer la photo de 1933 dénudée et celles d’aujourd’hui), qui traduit le reflux des pratiques pastorales. Un barrage a été construit sur la Truyère en aval, enserrant l’éperon non au milieu d’un torrent, mais d’une étendue d’eau plus sage.

LOGIQUES EXTERNES D’EXPLOITATION TOURISTIQUE

Fréquentation, exploitation du site, gestion administrative actuelle : Des aménagements récents subtils ont été réalisés par la commune dans la zone en faisant appel à un paysagiste. Ils prévoyaient la création d’une maison de site, non réa- lisée à ce jour, ce qui laisse le lieu à la simple appréciation du visiteur, sans mobilier d’interprétation et panneaux. La configuration géomorphologique et architecturale du lieu est suffisamment explicite pour se passer de ce type d’équipe- ment. En revanche, un spectacle sur site permet aux visiteurs-spectateurs de s’immerger dans l’histoire du lieu. Ce spec- tacle a lieu tous les deux ans. Un parking a été créé aux abords du pont (la tentation demeure de stationner au petit col, ce qui est dommage).

Modes d’appréciation (points de vue, parcours, panorama, restauration…) : comme le suggérait le Guide Bleu dans les années 50, le meilleur moyen d’apprécier le lieu est une descente depuis le village de la Barge par le calvaire et le che- min de croix, à travers les genets, en appréciant les différents points de vue sur la chapelle, en bas, et le château. On remonte ensuite sur le piton pour admirer la retenue de barrage et l’enfilade des reliefs de la vallée. Signalétique : Le château est très signalé sur les routes.

189 Au-dessus : La chapelle de La Barge et le calvaire.

La lande à genet purgatif.

Vue sur l’éperon depuis le calvaire. Le chemin de croix.

Escalier dans Stationnement en aval du site, Le col : accès au château, croisement le rocher. le long de la Truyère. de la route et du chemin de croix.

190 La Truyère.

Vue sur l’éperon depuis le Château.

L’église Saint Illide.

191 LOGIQUES INTERNES

Occupation du site par les habitants : aucune habitation suivant la délimitation très exclusive du site… le village de La Barge a conservé un bon aspect rural, et a fait l’objet d’aménagements discrets dans le cadre du projet de mise en valeur du site.

Présence du vivant / formes de présence des éléments naturels : Les pentes de landes le rocher du château les masses d’arbres sur un flanc du rocher du château Le lac au pied du rocher (retenue du barrage) L’arrière plan de forêts de conifères

Relation entre les logiques internes d’occupation et l’intérêt commun : ce qui a pu être pensé l’a été dans le processus d’aménagement du site (Voir le détail sur le site www.alleuze.com).

PROPOSITIONS

PERIMETRE : nombreux périmètres de protection faunistique et floristique sur la vallée ; modifier le périmètre du site classé ne serait pas nécessairement opportun.

MODIFICATION DE STATUT : Aucun.

GESTION ET DEVENIR : mise en place de la maison de site et de l’espace culturel. Conserver un site non occupé, livré au seul plaisir de la déambulation. Lutter contre les voitures au petit col.

192 Nom du site : Ruines de la chapelle Notre-Dame du Roc-Vignonnet. Commune : Antignac Site visité le : 20 Juin 2006 N° : 31

DONNEES D’INSCRIPTION

Année de classement : 1934 Critères de classement : historique, pittoresque. Le Roc du Vignonnet domine de cinquante mètres la rivière Sumène. « A 1 km d’Antignac, sur la rive gauche de la Sumène se trouve le hameau du Vignonet dominé par un énorme rocher. La vallée de la Sumène est particulièrement accidentée et verdoyante » « Le site est romantique à souhait. Dans le plus complet isolement, dans un inextricable fouillis de hautes herbes, de ronces, de genêts et d’arbrisseaux, les murs de la chapelle se dressent encore debout. » « Autour de l’édifice s’étend l’ancien cimetière et les pierres tombales renversées sont couvertes de mousse parmi les arbustes qui poussent au hasard. » Contexte social du classement (désaccords, pressions…) : aucun désaccord. Les terres du rocher sont incultes. Délimitation : Le site est parfaitement délimité. Il est formé par la butte boisée qui supporte la chapelle du Roc. Superficie : 5,27 ha.

ETAT DES LIEUX

Etat du site par rapport à l’époque du classement : Voici ce que le rapport de 1934 indique : « En 1908, la chapelle était encore intacte ; on y célébrait les offices du culte. Depuis, l’édifice fut abandonné, délaissé malgré son classement. Quelle en est la raison ? Mystère. Toujours est-il qu’il ne reste plus que les quatre murs et les voûtes en cul-de-four posant sur les colonnes ; on marche sur des débris de poutres, de plaques de lause et parmi une végétation forte pous- sant dans les décombres. Voilà comment finissent nos monuments historiques… même classés ! » 80 ans après, l’église a pu être restaurée, sous la maître d’ouvrage de la Direction régionale des affaires culturelles. Etant donné l’accès difficile au site, les travaux ont été fait grâce à l’héliportage. Les travaux n’étaient pas achevés au moment de notre visite. La magnifique charpente était encore visible. Les interdictions d’accès pour les touristes sont toujours sur le site. Le rapporteur des années trente proposait des améliorations possibles après la restauration de la chapelle : « on devrait aménager un jardin à la place de l’ancien cimetière. On pourrait mettre quelques pierres tombales à l’abri, dans l’église, certaines d’entre elles étant assez curieuses. De cette plate-forme, on a une très jolie vue sur la vallée. Une fois nettoyée, on pourra couper quelques arbres malades ou gênants et en replanter d’autres pour entretenir la perspective. » En dehors, un platelage en bois a été aménagé pour les besoins du chantier. Quelques pierres tombales sont visibles au milieu des hautes herbes. Le mur de pierre peut figurer une enceinte au-delà de laquelle on rentre dans le domaine du sauvage. On pourra maintenir facilement cet intéressant contraste.

LOGIQUES EXTERNES D’EXPLOITATION TOURISTIQUE

Fréquentation, exploitation du site, gestion administrative actuelle : Les panneaux de chantier sont toujours présents mais contredisent les dates effectives des travaux annoncés. Une entreprise est toujours sur place. Des panneaux interdi- sent l’accès aux touristes et visiteurs mais le chemin n’est pas fermé et très avenant.

Modes d’appréciation (points de vue, parcours, panorama, restauration…) : Panorama sur la vallée de la Sumène depuis l’esplanade de la chapelle. Le cheminement pour accéder en haut du rocher est de grande qualité, notamment le chemin creux muré au pied du rocher. Vue de la chapelle entourée d’arbres sur le rocher depuis la route dans la vallée.

LOGIQUES INTERNES

Occupation du site par les habitants : terres incultes. L’utilisation de la chapelle comme lieu de culte va pouvoir repren- dre.

Présence du vivant / formes de présence des éléments naturels : Les prés dans la vallée autour du hameau Les jardins d’agrément devant les maisons du hameau Les vergers au pied du roc Les plantes spontanées installées sur les parois murées du chemin en creux.

193 Vue sur la chapelle depuis Vignon.

Chemin d’accès.

Panorama à l’est, vers Antignac.

194 La restitution de la toiture.

195 La forêt dense et sauvage que l’on traverse sur les pentes du rocher Le sous-bois très fleuri (digitales…) Le mur de pierres moussues encerclant l’ancien cimetière. Les graminées et plantes recouvrant le sol de l’esplanade de la chapelle et du cimetière. La rivière en contrebas visible depuis l’esplanade.

Relation entre les logiques internes d’occupation et l’intérêt commun : site inhabité.

PROPOSITIONS

PERIMETRE : sans problème

MODIFICATION DE STATUT : l’intérêt du classement semble avoir été de mobiliser des fonds publics pour la restau- ration de la chapelle. Le site aurait pu tomber dans l’oubli.

GESTION ET DEVENIR : Laisser faire la végétation naturelle existante en dehors de l’enceinte en pierre. Ménager juste le panorama sur la vallée, à l’arrière de la chappelle. Ne pas introduire d’essences horticoles dans l’enceinte, mais conserver un entretien minimum, comme un cimetière anglo-saxon. Ne pas coller de panneaux d’explication ou de bancs devant la chapelle ou l’enceinte, pour laisser aux visi- teurs l’impression qu’ils en sont les découvreurs. Une petite signalétique peut être installée au pied de la butte, en rem- placement du grand panneau de chantier actuel.

PROPOSITION D’INSCRIPTION DE SITES DANS LE VOISINAGE : très intéressant jardin d’habitant-paysagiste en bord de la D 3.

196 Nom du site : Ruines du château d’ et dyke volcanique Commune : Apchon Site visité le : 10 Août 2006 N° : 32

DONNEES D’INSCRIPTION

Année de classement : 1941 Critères de classement : Ruines depuis 1750. Contexte social du classement (désaccords, pressions…) : L’inspecteur des Monuments historiques et des Sites écrit une lettre au Directeur Général des Beaux-Arts en 1936 : « La Commission Départementale du a été, depuis long- temps déjà, saisie par les soins de l’Administration Centrale d’une demande de classement des ruines du château d’Apchon et de la motte qui les supporte. Aucune réponse n’a été faite jusqu’à ce jour par la préfecture. J’ai l’honneur de vous informer qu’il y aurait cependant urgence à prendre des mesures conservatoires, car j’ai pu constater, lors de ma dernière inspection dans le massif central, que la partie de la motte située en bordure du GC 49 est utilisée par les can- tonniers en guise de réserve de cailloux, et que de larges emprunts ont été ainsi effectués par eux. » Délimitation : La délimitation est étroite et s’arrête aux ruines du château. La motte n’est pas intégrée. Superficie : 0,93 ha.

ETAT DES LIEUX

Etat du site par rapport à l’époque du classement : Le château est toujours en ruine. Mais plus peut-être car la descrip- tion de l’époque semble signifier que des éléments du château soient toujours debout. Il ne reste que quelques bouts de murs et un morceau de tour.

LOGIQUES EXTERNES D’EXPLOITATION TOURISTIQUE

Fréquentation, exploitation du site, gestion administrative actuelle : Les panneaux sont relativement anciens. Le site est un peu désolé. Une table d’orientation a été installée pour admirer le très beau panorama. Elle se trouve bizarrement au pied de la butte quand on l’aurait attendue, par habitude des sites touristiques, sur le plateau au sommet. Elle marque une pose dans l’ascension.

Modes d’appréciation (points de vue, parcours, panorama, restauration…) : Vaste panorama. La montée ardue permet d’apprécier d’autant mieux le panorama en haut. Les restes de murs protègent agréablement du vent. Vue sur l’autre dyke de l’autre côté du village, qui fait prendre conscience que nous sommes sur des orgues basaltiques. Vue plongeante sur les orgues qui constituent la motte du château.

LOGIQUES INTERNES

Occupation du site par les habitants : Au-delà du site des ruines, au pied de la motte, le village est très jardiné. D’ailleurs, le visiteur longe un potager quand il s’engage sur le chemin menant au château.

Présence du vivant / formes de présence des éléments naturels : Les jardins potagers du village ; La fontaine du village ; Les orgues basaltiques : les deux dykes qui se font face à face séparés par le village en creux ; La végétation rase exposée aux vents sur la motte ; Le panorama avec les montagnes lointaines ; Le ciel et le vent.

Relation entre les logiques internes d’occupation et l’intérêt commun : site non habité, mais pâturé ou jardiné (au pied).

197 Vue panoramique sur Apchon.

Les ruines.

198 Vue du site au nord, D249.

199 PROPOSITIONS

PERIMETRE : Le périmètre actuel n’a aucun sens. Il correspond à une délimitation de bâtiment. Il s’arrête aux ruines. L’intérêt du site ne réside pas dans ces ruines mais dans la configuration de l’élément géographique sur lequel les bâti- ments avaient été bâtis et qui sont la véritable qualité du lieu. C’est-à-dire, deux dykes avec des orgues basaltiques se fai- sant face séparés par un village allongé dans un creux. Les deux sommets de dykes sont de véritables tables d’orienta- tion panoramique.

MODIFICATION DE STATUT : Conserver le classement, tout en proposant une extension du périmètre.

GESTION ET DEVENIR : Se servir du vis-à-vis des deux dykes et de leur proximité séparée par le village. Orienter la visite sur le panorama et la géologie.

PROPOSITION D’INSCRIPTION DE SITES DANS LE VOISINAGE : Oui, le site lui-même.

200 Nom du site : Ancien couvent de la Visitation (classé) + Colline du Buis (inscrit) Commune : Site visité le : 11 Août 2006 N° : 34 (+36-37 inscrits)

DONNEES D’INSCRIPTION

Année de classement : 01.1976 Année d’inscription : 03.1976 avec extension 1977. Critères d’inscription et de classement : pittoresque / Point de vue et histoire d’Aurillac. Contexte social de l’inscription (désaccords, pressions…) : « L’urgence résulte de la perspective, qui serait imminente, d’une cession de l’abbaye à un promoteur immobilier qui se proposerait d’établir après démolition un important pro- gramme de construction. Cette issue serait d’autant plus regrettable que la ville d’Aurillac examine de son côté la possibilité d’une acquisition en fonction d’un programme d’utilisation à établir. » Délimitation : Une procédure de classement du site du couvent de la Visitation avec ses jardins a été engagée en 1976. Devant l’enjeu du site, la commission des sites a suggéré que l’on agrandisse le périmètre à toute la colline du Buis. Mais devant la longueur de procédure que ce changement impliquerait dans le dossier en cours, le classement a eu lieu tel que proposé et le reste du site a été inscrit la même année pour le compléter. Le périmètre est élargi en 1977, aux parcelles en bordure du cours d’Angoulème et proches de la Jordane pour que « l’administration puisse exercer un contrôle sur ces deux parcelles qui font le lien entre la colline du Buis et le centre ancien d’Aurillac, également inscrit à l’inventaire des sites (1976), et de mieux protéger cette partie très sensible des rives de la rivière ». Superficie : site classé : 2,84 ha. + site inscrit : entre 2,5 et 3 ha.

ETAT DES LIEUX

Etat du site par rapport à l’époque de l’inscription : Voici comment sont décrits les éléments composants le site avant son inscription et classement dans les années 70 : « Au centre et au sommet : Les bâtiments monastiques et leurs dépendances ; Au nord, à l’ouest et au sud : Des terrasses en formes de jardins potagers ou d’agrément avec charmilles et grands arbres, des vergers et prairies en forte pente jusqu’à la Jordanne ; Au sud-ouest : une vaste prairie en déclivité, encastrée dans la boucle de l’ancienne route de Saint-Flour ; Au sud-est et à la base de la colline : une dizaine de maisons, d’un étage, pour la plupart du XIXe siècle, bordent la voie publique, entre le pont du Buis et la montée du Buis. Celles qui constituent l’extrémité du Cours d’Angoulême forment une sorte de village pittoresque. » Aujourd’hui, une grande partie des terrains est en friche et non utilisé. Il ne reste des vergers que des traces (quelques ruines de fruitiers). Les terrains en pente sont à l’abandon. Les buis qui ont donné leur nom à la colline se sont librement déployés entre de grands noyers. Des ailantes commencent à coloniser certains coins. Le jardin d’agrément autour du couvent a perdu toute qualité et son entretien et aménagement relève d’un « service minimum ». Le bâtiment du couvent n’est pas devenu un site culturel pour la ville mais un immeuble de logements sociaux. Sur une partie des jardins, au niveau de la terrasse la plus intéressante pour le point de vue, des garages à voiture ont été bâtis pour les habitants. La vue est moins accessible. Des robiniers boules ont été plantés. Le long de la petite rue montante passant devant le couvent, un ensemble immobilier de maisons mitoyennes a été construit. On pourrait presque dire que, le pittoresque du lieu a changé de nature. D’un ensemble de jardins sur des terrasses et un anciens quartier de logements autour d’un couvent sur une colline, il s’est déplacé vers un mélange d’abandon et de vie donné par l’enfrichement des jardins et la présence populaire des habitants (caravane dans un jardinet, linge au fenêtre et dans la cour…). La colline du buis est un exemple rare de site classé géré par un bailleur de logements sociaux.

LOGIQUES EXTERNES D’EXPLOITATION TOURISTIQUE

Fréquentation, exploitation du site, gestion administrative actuelle : Les bâtiments du couvent sont des logements HLM. Aucune gestion du site en fonction d’une exploitation des qualités qui ont mené à son classement et son inscription. Seul le « parc public » dans la zone inscrite et au dessous du couvent est entretenu par la ville mais sans grande qualité. Son entretien ne va pas particulièrement dans le sens d’une mise en valeur du point de vue sur Aurillac.

201 La visitation. La colline du Buis.

Le château Saint Etienne.

La colline du Buis.

La terrasse attenante à l’ancien couvent. Montée vers l’ancien couvent.

La côte du Buis.

202 Sous la terrasse. Garages à l’arrière des logements sociaux.

Terrains en friche. Anciens prés-vergers.

203 Modes d’appréciation (points de vue, parcours, panorama, restauration…) : La terrasse qui a l’origine donnait un très beau point de vue sur tout Aurillac, comme celle la colline du château Saint-Étienne, de l’autre côté de la Jordanne (elles sont à peu près à la même altitude), est maintenant presque refermée par les parkings. Cependant l’enfrichement général des pentes qui sont devenues peu facilement accessibles a généré un nouveau mode d’appréciation du panorama par frag- ment aperçu par-ci par-là à travers les arbres et en fonction des facilités d’accès.

Signalétique : sans intérêt.

LOGIQUES INTERNES

Occupation du site par les habitants : Les voitures à garer, le linge à faire sécher donne le plus visible aperçu d’occupa- tion du site par les habitants. L’enfrichement des jardins et leur abandon montre que rien n’a été fait pour que ces habi- tants exploitent le lieu en jardins. La quasi-totalité du site en friche est un beau terrain d’aventure pour les enfants.

Présence du vivant / ? formes de présence des éléments naturels : Les vieux marronniers faisant de l’ombre sur le reste de terrasse (point de vue) derrière le couvent ; La colline du château Saint-Etienne et la vallée de la Jordanne ; La friche relativement évoluée des pentes (là où se trouvent encore les buis) ; La friche de vergers entourée de murs en ruines (Prairie à ronces et restes de fruitiers) ; Les quelques arbres-traces des jardins du couvent ; Les prés pâturés au Nord ; Quelques jardins potagers ; Le jardin public en terrasses sous le couvent à l’Ouest ; Le jardin public le long de la côte de la colline du Buis dans la partie inscrite ; Les chats et les chiens des habitants.

Relation entre les logiques internes d’occupation et l’intérêt commun : aucune, si ce n’est la possibilité qu’il y aurait eu d’utiliser la présence des habitants pour perpétuer la présence des jardins.

PROPOSITIONS

PERIMETRE : sans problème.

MODIFICATION DE STATUT : Conserver la protection, en vue d’un projet futur. Au moins le bâtiment, la topographie du site et son potentiel floristique serviront un jour à réorienter son devenir. Au pire il servira de réserve de biodiversité au cœur d’une ville, en jonction avec le corridor naturel de la rivière.

GESTION ET DEVENIR : Solution paysagère : projet de « parc comme un ensemble de jardins » en se basant sur le passé végétal du site : ter- rasses, vergers, potagers, buis, friches… et en impliquant les forces en présence pour générer un affect positif pour l’uti- lisation du lieu : les habitants du couvent et des maisons alentours. Par ce parc d’un genre particulier (historique et popu- laire), redonner accès aux habitants de la ville au point de vue sur Aurillac pour faire de ce site un vrai site classé. Toute solution de type « aménagement d’espace vert » serait contreproductive en terme de biodiversité et d’intérêt paysager. Solution naturaliste : ne rien aménager mais orienter les sens des friches en fonction des papillons, insectes et animaux qui pourraient y trouver un intérêt.

204 Nom des sites : abords du château de Pesteils (inscrit) + château de Pesteils (classé) Commune : Site visité le : 26 Juin 2006 N° : 150 + 151

DONNEES D’INSCRIPTION

Année d’inscription : 1942 (site appelé « abords du château de Pesteils ») Année de classement : 1973 (site appelé « château de Pesteils »). Critères d’inscription et de classement : site pittoresque et historique. Le rapport de 1942 indique pour l’inscription du site : « Le château a une situation unique. Vue du Nord, il semble pla- qué contre les hauts rochers, alors qu’en réalité, il est séparé de la montagne par un ruisseau aux eaux chantantes : le Coste, qui roule au fond d’un ravin. Un parc dont les arbres deux fois centenaires garnissent le vallon, agrémente le rocher d’une végétation fournie. Des terrasses aménagées en jardin à la française, ornées d’arbres d’essences diverses et rares, on contemple la vallée de la Cère […] et le château de Vixouse […]. C’est un des sites les plus pittoresques de la vallée de la Cère ». Le rapport de 1973 montre que c’est parce que le château n’est pas classé MH entièrement mais seulement le Donjon qu’il y a désir de classer une partie du site déjà inscrit : « Le corps du logis remanié fin XIXe siècle présente une erreur assez courante chez les architectes de cette époque : à savoir, un plan renaissance à avant-corps et une élévation gothi- que avec ses tours d’encorbellement. C’est la raison pour laquelle il n’est pas protégé. Le châtelet d’entrée, bien que res- tauré lui aussi et pourvu d’un toit à forte pente pour la région, est d’un volume bien meilleur. Malgré tout cet édifice est au milieu d’une abondante végétation (chênes, sapins) un élément exceptionnellement pittoresque sur sa motte féodale aux fortifications encore apparentes. Il présente la caractéristique fréquente dans l’architecture militaire de montagne de surprendre le voyageur étant situé dans une dépression de telle sorte d’ailleurs qu’on voit du donjon tous les environs sans que la construction soit vue ». Contexte social de l’inscription et du classement (désaccords, pressions…) : aucune indication. Délimitation : Une partie du site antérieurement inscrit a été classée. Le site classé s’est superposé au site inscrit et com- prend la propriété du château. Le reste du site encore inscrit correspond à des terrains au dessous des terrasses du châ- teau vers l’ouest. Superficie : 8,11 ha. pour le site classé, environ 2 ha pour le site encore inscrit.

ETAT DES LIEUX

Etat du site par rapport à l’époque de l’inscription : En très bon état. Mais les jardins, bien que méticuleusement entre- tenus, ont un peu décliné si l’on se fie aux cartes postales anciennes (disparition de la couronne des jardins de cultures ou vignes sous la terrasse…). Ils restent de qualité mais cela donnait au château un caractère plus habité. Un parking a été fait à la place du verger. Le rapport jardin d’agrément / jardin vivrier n’existe plus.

LOGIQUES EXTERNES D’EXPLOITATION TOURISTIQUE

Fréquentation, exploitation du site, gestion administrative actuelle : Le site est très visité et très bien géré. Un magasin de souvenirs et de cartes postales est installé dans le pavillon d’entrée, et permet de contribuer à l’entretien du château. Une image de marque résulte du tournage ancien du film « l’éternel retour » avec Jean Marais sur le site (scène des rem- parts). Modes d’appréciation (points de vue, parcours, panorama, restauration…) : Le château est visible et « surprenant » depuis la route dans la vallée. Vue sur la vallée et la château de Vixouse depuis la terrasse-jardin. Signalétique : Très bien indiqué.

LOGIQUES INTERNES

Occupation du site par les habitants : propriété privée ouverte à la visite. Présence du vivant / formes de présence des éléments naturels : La route d’accès bordée de conifères (mélèzes) Le parc avec de vieux arbres remarquables Les écureuils Le jardin à l’intérieur de l’enceinte formée par les anciennes douves La terrasse avec ses parterres La vue sur la vallée de la Cère Les serres en contrebas sur les terrasses anciennes cultures potagères et vignes.

205 Le château.

Terrasse sud, vue sur la vallée de la Cère.

206 Le parc, en dehors de l’enceinte.

La terrasse au nord, les L’allée d’accès au château. Le parking. peupliers et le rocher.

Terrasses au sud, serre.

207 Relation entre les logiques internes d’occupation et l’intérêt commun : site privé, dont les propriétaires sont soucieux de l’apparence donnée au public de visiteurs.

PROPOSITIONS

PERIMETRE : Attention, deux plans établis sur des fonds différents se contredisent sur le périmètre du site classé. Le problème est complexe puisque les limites ont été établies sur la base du cadastre en vigueur en 1973, dont les numéros de parcelles diffèrent d’avec celles du plan de 1977. A la lecture des documents écrits, le périmètre faux est celui établi en 1977, qui introduit une numérotation de parcelles nouvelles (la 318, 320, 321) après division de l’ancienne parcelle 62.

MODIFICATION DE STATUT : Il y a superposition du site avec les abords MH. Mais le classement agit comme un label, qui permet de soutenir la fréquentation du lieu.

GESTION ET DEVENIR : Le parc fait l’objet d’un entretien méticuleux. Une alternative écologique pourrait être trouvée à l’emploi de désherbants chimiques, notamment au pied des murs où subsistent des risques de déchaussement là où la tondeuse peut passer. Cela sera bénéfique tant pour les eaux de ruissellement que pour le jardinier. De plus, un enrichissement par la flore sauvage ne peut, dans un tel site, être mal perçu. Les plantations sur le parking pourraient être densifiées (utiliser par exemple le noyer, arbre à la croissance rapide et au port étalé, qui donnera, hors des périodes touristiques un aspect moins déserté à ce terre-plein).

Il a été évoqué le problème d’accessibilité aux cars de tourisme en raison de l’étroitesse de la route venant du village. Des travaux d’aménagement pourraient avoir lieu en dehors du site classé, bien qu’aucun scénario ne soit pour le moment décidé. Il peut être important que l’administration devance toute initiative avec le conseil avisé d’un paysagiste.

D’autre part, la propriétaire du château est alertée par les projets de développement éolien du plateau volcanique au nord, en surplomb de la vallée de la Cère. On retrouve là un équivalent actuel des luttes des inspecteurs des sites contre les conséquences des grands travaux d’électrification des zones rurales. Le Cadre d’analyse sur le potentiel d’offre éolienne en vue de l’instruction des demandes de création de Zones de Développement de l’Eolien (DRIRE , consulta- ble en ligne) repère cette zone potentielle et liste les sites protégés comme facteurs d’exclusion d’éoliennes. Cependant les sites repérés, en majorité les cascades (voir fiches correspondantes) n’ont pas de périmètres importants (voir pas de périmètres du tout). Les sites de Polminhac ou de Vixouse ne sont pas cités.

Il semble en tout cas que ce thème agite de nombreux acteurs et nécessite une transparence aujourd’hui non acquise en raison de la multiplication des structures, de la complexité des procédures et de la non-convergence des intérêts locaux.

PROPOSITION D’INSCRIPTION DE SITES DANS LE VOISINAGE : Peut-être que l’extension de l’inscription à la route vaudrait la peine pour éviter un projet catastrophique pour laisser passer les bus. A voir.

208 Nom du site : Monts du Cantal Communes : + Dienne + Laveissière + Lavigerie + + + Mandailles + Saint-Jacques- des-Blats + Saint-Paul-de- + Saint-Projet-de-Salers. Site visité le : 22 Juin 2006 + 10 Août 2006 N° : 16

DONNEES D’INSCRIPTION

Année de classement : 1985 Critères de classement : Le décret du 23 Octobre 1985 indique : « le site du Massif des Monts du Cantal constitue un vaste ensemble homogène dont la conservation et la préservation présentent, en raison de son caractère pittoresque, un intérêt général… » Pour donner une idée de l’intérêt paysager qui s’est manifestée en faveur de ce classement, il est intéressant de repren- dre quelques descriptions du site faites dans les divers rapports de commissions. Le rapport de présentation en vue du classement au titre des sites des crêtes du massif cantalien du 29/09/1983 donne la description du site suivante : « Les crêtes cantaliennes, qui culminent au Puy de Peyre Arse, à 1806 mètres, sont formés par le Puy Mary, le Chavaroche, le Puy de la Tourte et le Violent et constituent les derniers vestiges d’un immense vol- can d’âge tertiaire. A partir de ces bouches d’émissions volcaniques se sont épanchées des coulées de laves, formant des plateaux séparés entre eux par de profondes vallées, où prennent naissance de nombreux cours d’eau à régime torrentiel et de formes de relief hardi, confère à cet ensemble une exceptionnelle qualité paysagère. La vocation pastorale et fores- tière de ces espaces a su, à l’exception du Pas de Peyrol et du col de Serre, les préserver de tout aménagement à carac- tère agressif. Aucun habitat permanent n’existe dans la zone concernée hormis quelques burons d’estives. » Le 9/10/1983, le rapport à la commission supérieure des sites sur le classement du Puy Mary en fait la description sui- vante : « Le Puy Mary est situé au centre d’un système montagneux comme un signal au milieu d’une sorte d’étoile irré- gulière. Il domine certes les autres puys, mais il n’apparaît pas comme un seigneur qui écraserait d’humbles vassaux. Il donne plutôt l’impression d’un primus inter pares au centre d’un système qui parait, au sol, assez complexe mais dont la simplicité devient sensible sur la carte, et lorsqu’on le contemple du sommet. Ce système est parfois appelé les monts centraliens, ce qui n’est pas tout à fait exact car c’est oublier le Plomb du Cantal, plus haut que notre puy, et tout ce qui gravite autour du Lioran. Mais cette station de sport d’hiver est assez connue pour que vous sachiez qu’elle a beaucoup sacrifié aux pistes de ski alpin, alors que le Puy Mary et les monts qu’il commande sont presque intacts dans leur beauté. Ce sont des montagnes auvergnates parfaitement typiques, aux formes rondes et trapues, amples et harmonieuses, et d’un aspect faussement rassurant […]. Ce paysage aux ondulations puissantes est apprécié par sa force et ses vastes dévelop- pements par toute la province, mais peut-être n’a-t-il pas sur le plan national la renommée qu’il mérite. C’est un des grands sites de notre pays, tant par son étendue que par la rigueur interne de sa composition… »

Contexte social du classement (désaccords, pressions…) : Le rapport du 9 Novembre 1983 informe sur le contexte et le souci de concertation qui a précédé le classement et sur- tout présidé à l’établissement des limites du périmètre du site. A l’époque, le site bénéficiait déjà d’une inscription à l’Inventaire par arrêté en date du 6 mai 1964, mais sur le périmè- tre restreint du Puy Mary. Le projet de classement propose d’étendre la protection sur 10 communes pour protéger le cœur du Massif cantalien. Le rapporteur indique que depuis plusieurs années déjà « les bons esprits du département estimaient que ces monts can- taliens méritaient une protection sérieuse au titre des sites, c’est-à-dire un classement, et ils étaient nombreux. On peut même dire qu’au niveau des généralités, tout le monde était d’accord. Mais il faut sortir des généralités pour tracer les limites d’un classement sur le sol, et c’est là que tout se gâte. Lorsque l’architecte des bâtiments de entreprit ce travail, il soumit son premier crayon aux maires intéressés, et le site grandiose, soumis à ce genre très particulier de cuis- son, se ratatina, se réduisit à des manières de bandes qui n’intéressaient plus que les sommets. Inutile de vous dire que ceux-ci se défendaient tout seuls. En revanche, les zones menacées, les cols où passent les routes et où s’installent les buvettes, les prairies d’altitude, tout ce qui pouvait, à plus ou moins longue échéance susciter des entreprises et des sac- cages était sans protection. » Le rapporteur indique ensuite le temps qu’il a fallu de travail de terrain et de concertation avec les maires pour définir ce périmètre, « tout simplement parce qu’on ne protège pas ces grandes étendues contre la volonté de ceux qui les habi- tent ». Finalement tout le monde est tombé d’accord après plusieurs commissions et un travail précis. Parmi les dix conseils municipaux concernés, six ont été favorables sans restriction. Certaines ont demandé des « rectifications marginales de limites » qui ont été acceptées et deux ont posé des conditions jugées « irrecevables même en l’absence de classement » : l’une demandait l’autorisation de tracer des pistes de ski alpin « alors que l’enneigement insuffisant des pentes condam- nerait à lui seul ce genre d’équipement », et la deuxième voulait qu’on autorise un commerce au col de Redondet, « or la directive sur la montagne prohibe le constructions au-dessus de 1200 m. Deux autres communes ont fait des requêtes

209 Le massif cantalien vu depuis le site du calvaire à saint-Flour.

Le massif cantalien vu depuis le site du château de la Vigne à Ally.

Le massif cantalien vu depuis le site du château de

210 Le massif cantalien vu depuis le site de la chapelle de Bredons à Albepierre.

Le massif cantalien vu depuis le site du Puy de l’Arbre à .

Le massif cantalien vu depuis le site du château d’Apchon.

211 La montée au Pas de Peyrol depuis Salers.

212 213 Le Pas de Peyrol.

L’escalier du Puy Mary.

214 Schéma d’intention de l’opération grand site Puy Mary — source : www.puymary.fr 215 qui ont été refusées. L’une voulait qu’aucune zone située à moins de 1200 m d’altitude ne soit classée. La commission des sites a répondu que c’était « rendre la proposition incohérente d’un point de vue strictement paysager ». L’autre vou- lait que la Pas de Peyrol et le col de Serre ne soient pas classés. Il a été jugé par la commission que c’était un souhait « contraire au but essentiel du classement ».

Délimitation : la délimitation est très large. Une description en est faite par le rapporteur de la même commission des sites : « La délimitation du site […] englobe non seulement les parties sommitales mais aussi toutes celles qui sont mena- cées à un titre ou à un autre […] D’une manière générale, nous en avons exclu les agglomérations et, le plus possible, les maisons. Cela ne veut pas dire qu’il n’y en a pas quelques unes, et notamment des burons […] Bien entendu, les cols guettés par les gangrènes commerciales sont inclus dans le classement. Le site est certes considérable en étendue – près de 100 kilomètres carrés – mais les limites ont été tracées avec le souci de gêner le moins possible les habitants tout en assurant la protection rigoureuse d’un site cohérent. » Le site intéresse le territoire de 10 communes.

Superficie : 10 000 ha.

ETAT DES LIEUX

Etat du site par rapport à l’époque du classement : La pression touristique, le grand taux de fréquentation estivale du Puy Mary et la renommée de plus en plus grande de ses paysages ont poussé les organismes de l’État et les collectivités loca- les à engager une opération d’envergure, qui engage les différents gestionnaires et acteurs du site dans un projet com- mun. Une opération grand site « Puy Mary / Volcan du Cantal » a été mise en place avec pour objectifs un ensemble de mesures pour la réhabilitation, la gestion et la valorisation du site. Ces mesures ont été listées en fiches d’actions en 2003, avec comme horizon l’année 2010. Le chantier du Pas de Peyrol a démarré, les autres maisons de site prévues étant en cours d’étude.

Les informations concernant l’Opération Grand Site menée par le Syndicat Mixte du puy Mary sont disponibles sur le site internet www.puymary.fr.

216 Troisième partie

SYNTHÈSE

Il résulte de l’expérience que nous avons faite de ces sites et de l’élaboration de ces fiches d’informations et cartes photographiques, un certain nombre de remarques et notes. Elles ont pour objectif d’alimenter la réflexion notamment sur deux points centraux : 1) La gestion actuelle des sites ; 2) L’image générale actuelle de la politique des sites.

Forts de l’expérience que nous avons pu acquérir lors d’une étude précédente réalisée également pour la Diren Auvergne et qui portait sur les sites inscrits et classés du département de l’Allier, nous avons décidé d’établir nos remarques en faisant des parallèles et comparaisons avec ce que nous avions pu constater dans l’Allier. Nous invi- tons donc le lecteur à consulter le dossier précédent pour se remettre en tête diverses notions que nous n’aborderons pas cette fois-ci directement, seulement à titre comparatif.

217 218 1. Types de sites et comparaison avec les sites du département de l’Allier

- Le premier constat que l’on peut faire est que la majeure partie des sites inscrits et classés du Cantal est constituée de sites de châteaux ou ruines de châteaux (18 inscrits et 3 classés) et de sites religieux de chapelles, calvaires et couvents (9 sites inscrits et 3 sites classés). 21 châteaux sur 51 sites en tout et 12 sites religieux. C’est donc 31 sites sur 51 qui sont concernés par ces deux caté- gories (Deux sites comprenant à la fois un château et à la fois un élément religieux : le site d’Alleuze et le site du château de Val). Dans le département de l’Allier, la proportion de sites inscrits de ce genre était aussi très élevée : 22 sites sur 35 étaient concernés, en comptant châteaux, parcs de châteaux, chapelles, prieurés…

- A la différence du département de l’Allier dans lequel la proportion de sites concernant des élé- ments géographiques naturels était faible (7 sites inscrits sur 35), la proportion de ce type de site est, dans le Cantal, bien plus élevée. 25 sites sur 51 sont concernés, soit près de la moitié (23 sites inscrits et 2 sites classés dont les « Monts du Cantal » qui sont devenus le site emblématique du département).

- 7 sites seulement sur 45 sites inscrits concernent des bourgs, villages ou ensembles urbains dans le Cantal quand 10 sites sur 35 étaient concernés dans l’Allier.

- 8 sites inscrits concernaient directement des parcs et jardins dans l’Allier quand 4 seulement sont concernés dans le Cantal.

- En règle générale, le département du Cantal, plus montagneux que celui de l’Allier, est beaucoup plus riche que ce dernier en sites qui offrent des points de vue élevés, qui sont des points hauts sur le paysage. Sur 36 sites inscrits dans l’Allier, 2 seulement sont inscrits pour leur qualité intrinsèque de points hauts (Puy Saint-Ambroise et Rocher Saint-Vincent à Lavoine) et trois autres points de vue sont inscrits par le biais de la présence de monuments religieux ou défensifs (château et cha- pelle). Dans le Cantal, on peut compter jusqu’à une vingtaine de points hauts dans les sites inscrits qui offrent au visiteur une vue panoramique sur l’étendue environnante. Cela peut aller de la pro- menade belvédère de Salers à la table basaltique de Chastel-Marlhac en passant par la table de , la colline du château Saint-Etienne à Aurillac, la colline du calvaire de Saint-Flour… Le point haut le plus emblématique étant, bien sûr, le site classé des monts du Cantal qui englobe l’en- semble des crêtes et sommets autour du Puy Mary.

Dans la liste des sites du Cantal, il ressort clairement que le caractère non urbain des sites, leur rela- tion à la topographie et au paysage, et l’importance qu’y jouent les « éléments naturels » sont beau- coup plus évident que pour les sites de l’Allier.

2. Les sites-objets

La problématique de l’objet que nous avions soulevée lors de notre étude sur les sites de l’Allier reste d’actualité pour le Cantal. Un certain nombre, important, de sites sont inscrits à partir de l’in- térêt porté à un monument historique. C’est le cas de nombreux sites de châteaux par exemple, dont les abords ne présentent plus de qualité particulière, pas plus aujourd’hui qu’au moment de leur ins- cription. L’objectif étant de conserver des « abords propres » pour préserver la perception que l’on peut avoir de l’objet. En témoigne le grand nombre de superpositions que l’on a pu constater de périmètres de sites inscrits et de périmètres de protection des monuments historiques. Très souvent se pose la question de l’intérêt d’un périmètre d’inscription englobant un site de peu de qualité pour préserver les abords d’un monument historique, surtout quand ce périmètre inscrit est plus petit que le rayon des 500 m.

219 3. La qualité des modes d’accès aux paysages : les cheminements.

Cependant une grande partie des sites, plus nombreux que dans l’Allier, ne sont pas pris en compte comme des objets mais reflètent des modes d’accès aux paysages ou intègrent des modes de cheminement dans le paysage. Sans commune mesure avec les sites du département de l’Allier où la plupart étaient accessi- bles très rapidement et brutalement en voiture (l’arrêt de la voiture correspondait au lieu du site), les sites du département du Cantal impliquent une manière de se déplacer dans le site, une manière d’y accéder et ce cheminement offre la plupart du temps une expérience de grande qualité. Cette qualité est ce qui spéci- fie le plus clairement l’expérience que l’on peut faire des sites inscrits et classés dans le Cantal.

Un grand nombre de sites profitent d’une mise en scène naturelle. Ces cheminements, souvent relativement court dans le paysage (rarement plus de 20 minutes), font souvent de la visite de ces sites une expérience avec effort. Expériences de cheminement. Pour mieux saisir de quoi il s’agit, en voici des exemples diffé- renciés.

Les chapelles : cheminements religieux

Le cas des chapelles sont souvent inscrites dans un périmètre très vaste qui intègre le cheminement qui y mène et les endroits qu’il faut traverser pour s’y rendre. C’est la pratique religieuse de cheminement qui est ici montrée par l’inscription ou le classement du site.

Le cas de la lande d’Enchanet est très intéressant à ce titre. La lande a été inscrite alors qu’elle était le lieu de passage d’un pèlerinage annuel célèbre jadis et très fréquenté. Le pèlerinage menait à une petite cha- pelle au-delà de la lande. Il partait du village d’Enchanet. Un arrêt se faisait au milieu de la lande au pied d’une croix, au point où la vue panoramique était la plus large. Puis la procession descendait vers la cha- pelle qui se trouve à mi-pente dans la dépression creusée par la rivière. Malheureusement, le contexte de ce cheminement a bien changé et il ne reste de la lande que son nom puisque la forêt l’a recouverte. Un pylône électrique a été implanté au niveau de la croix et des chemins d’exploitation ont été aménagés.

C’est aussi le cas de la chapelle Saint-Antoine près de Murat qui est inscrite englobée dans le périmètre du roc sur le sommet duquel elle a été construite. Le cheminement de montée vers la chapelle constitue la base de l’inscription et de la qualité du site.

Un troisième cas remarquable est celui du site de la Chapelle de Notre-Dame du château sur les commu- nes de et de Saint-Martin-Cantales. Le périmètre est très large et prend en compte le cheminement, en descente cette fois-ci, vers la chapelle installée sur un rocher au dessus du méandre d’une rivière. Presque tout ce qui est perceptible depuis ce cheminement est intégré au périmètre.

C’est aussi le cas du cheminement du calvaire du site classé d’Alleuze. La succession des croix matéria- lise, le long de l’échine rocheuse, le chemin et guide le visiteur jusqu’à un monument civil.

Bien plus que dans le département de l’Allier, la pratique du cheminement religieux et le mode d’accès his- torique au paysage qu’est le pèlerinage religieux ont été pris en compte comme critère de classement et d’inscription et dans la délimitation des périmètres.

Les spectacles naturels : cheminements touristiques

Le site de la cascade du Faillitoux : traversée des champs dans une petite vallée tranquille et isolée et point de mire sur la cascade de loin en avançant vers elle, l’eau se jetant du haut d’une falaise basaltique spec- taculaire. L’arrivée à proximité de la cascade est mise en scène par sa disparition sous les arbres et par le bruit plus prenant de la chute. Le site de la cascade de Salins : une première vue en plongée depuis le point où la rivière se jette dans le vide, puis un contournement du cirque pour se retrouver quasiment en face de la cascade mais loin d’elle, descente dans le cirque aux façades escarpées, traversée d’une friche sur les pentes moins fortes et arrivée sous la cascade dans un bruit tonitruant et une brume humidifiant sans cesse l’atmosphère et les parois de pierres sur lesquelles se développent des mousses.

220 Le site du rocher de Carlat : mise en scène historique de l’accès par un passage à travers le rocher divisé en deux à sa moitié puis un contournement et une montée par un escalier médiéval taillé dans la roche. Arrivée au sommet dans un vaste champ. Une fois traversé le champ au niveau du précipice, vue panora- mique.

Site de la chapelle Notre Dame du Roc-Vignonnet à Antignac : départ du hameau, passage sur un chemin bordé d’un mur de pierres délimitant un verger, passage dans un chemin creux bordé de deux murs de sou- tènement en pierre moussus dans les interstices desquels poussent des fougères et des herbes et abrité par une légère voûte d’arbustes de haie, montée dans le sous-bois par un chemin sinueux et escarpé, arrivée sur la prairie du petit plateau de la chapelle, traversée du cimetière délimité par un muret de pierres courbe et découverte de l’intérieur de la chapelle et du panorama sur la vallée…

4. La qualité des modes d’accès aux paysages : les belvédères et hauts-lieux.

Dans beaucoup de cas, les cheminements mènent ou partent de belvédères, de points hauts qui offrent une vision dégagée sur une étendue plus ou moins vaste des alentours. La configuration et la géographie des sites du cantal offrent des panoramas spectaculaires. Ajouté au site du Puy Mary qui offre évidemment un des points de vue les plus élevé, le département est parsemé notamment d’événements géologiques dont un certain nombre font l’objet d’une inscription ou d’un classement : les tables et dykes basaltiques : dyke d’Apchon, Rocher de Carlat, Rocher de la chapelle de Bredons, site de Chastel-Marlhac, site du roc et cha- pelle de Notre-Dame du château (Saignes), Chapelle Saint-Antoine et roc (Chastel-sur-Murat), Site du Puy de l’arbre (Montsalvy), Plateau de Saint Victor et plateau du Chalet ()…

Presque tous les sites urbains comprennent des points hauts :

Le neck de Murat qui répond à ceux de Bredons et de Chastel-sur-Murat aux alentours, le rocher de la vierge de , les collines du Buis et du château Saint-Etienne à Aurillac, la promenade de Salers, la colline du calvaire de Saint-Flour et la partie Est de la ville bâtie sur un promontoire…

La plupart des châteaux offrent aussi des panoramas qui sont pourtant beaucoup moins spectaculaires que les précédents car, s’ils sont parfois situés sur des petits promontoires, ceux-ci sont souvent des élévations douces du terrain localisées près des grandes voies de circulation plus bas dans la plaine. Les belvédères de château ont un caractère très différencié de ceux précédemment cités. Ils surplombent souvent une douce campagne environnante et offrent une expérience très différente de celle, au bord de précipices ou à forte pente des autres belvédères. Pour exemple, l’expérience que l’on peut faire du château de Mazerolles, construit sur la pente douce d’un vallon tranquille au fond duquel coule une petite rivière. Une terrasse avait été construite accueillant le jardin pour pouvoir admirer le paysage. Pour exemple encore, l’expé- rience du château de Cologne qui est, à peu de chose près la même que celle du château de Mazerolles. Il est d’ailleurs à noter qu’un dessin du panorama visible depuis la terrasse du château est inclus dans le dos- sier d’inscription, ce qui est un fait rare. Les vues qui s’offrent depuis ces châteaux sont plus ou moins vas- tes, le château de La Vigne étant sans conteste celui qui offre au regard la plus grande étendue. Assez sou- vent d’ailleurs, la vue initiale est bouchée par le développement de la forêt, renfermant les sites au point où l’on puisse en faire une expérience d’étouffement comme pour le site du château de Messilhac dont les terrasses sont en train de disparaître.

Le château d’Alleuze est peut-être celui qui reste le plus spectaculaire comme point de vue pour les visi- teurs et qui n’a rien à envier aux sites naturels dont nous avons fait la liste plus haut. Il est lui-même juché sur un rocher escarpé et offre une vue plongeante sur les retenues d’eau de la Truyère. La mise en scène générale de ce site dont le périmètre comprend non seulement le rocher du château mais aussi le chemine- ment du calvaire qui descend du village vers le château mérite très largement son classement.

221 5. Liste des sites dont les modes d’accès au paysage sont de grande qualité.

Ce sont des sites exemplaires par leur mode d’accès, les cheminements, la façon dont on les découvre et dont on en fait l’expérience :

Monts du Cantal Ruines du château d’Apchon et dyke volcanique (Apchon) Château d’Alleuze (Alleuze) Ruines de la chapelle Notre Dame du Roc-Vignonnet (Antignac) Ruines du château de et ses abords (Madic) Site du château d’Anjony et ses abords (Tournemire) Château du Sailhant et cascade de Basborie () Rocher et chapelle de Bredons (Albepierre Bredons) Site de Notre Dame du Château (Pleaux + Saint Martin Cantales) Ensemble formé par le bourg ancien de Laroquebrou La roche de (Landeyrat) Rocher de Carlat et ses abords (Carlat) Site de la cascade de Salins (Salins) Site de la cascade de la Conche (Vic-sur-Cère) Site de la cascade du Faillitoux (Thiezac) Ruines du château de Miremont () Chapelle Saint-Antoine et roc (Chastel-sur-Murat) avec le bémol du nouveau parking

6. Liste des sites dont les modes d’accès au paysage sont de moindre qualité ou peuvent être améliorés.

Certains sites présentent inversement des modes d’accès et des cheminements de moindre qualité, soit parce que la façon d’y accéder est parasitée par trop d’aménagements et d’installations touristiques comme au château de Val, soit que la superposition des infrastructures soit trop brutale par rapport à un site de grande qualité. C’est le cas au château de Pesteils où le parking a remplacé le site du verger, ou par une arrivée trop brutale où la présence des voitures se mélange au site par trop grand souci d’accessibilité comme c’est le cas pour l’endroit où l’on découvre le panorama depuis la table de Chastel-Marlhac. Dans ces derniers cas, la correction à apporter est minime, mais peut largement contribuer à enrichir l’expérience du visiteur.

La liste suivante indique des sites qui mériteraient une réflexion sur le mode d’accès et souvent une réduc- tion d’aménagements. Il serait facile, moyennant un peu de pédagogie auprès des gestionnaires de mettre en place une gestion qui exploite les dynamiques naturelles propres au lieu. Cette alternative a une consé- quence directe sur l’image que veut véhiculer la politique des sites : une image d’exploitation touristique sauvage du passé ou une image de site inscrit dans le paysage, résultat de son implantation dans une situa- tion géographique, sans pour autant prohiber d’aucune sorte l’exploitation touristique possible de ces lieux. Il y a ici un véritable enjeu de réflexion et d’action pour un inventaire des sites qui semble parfois éclipsé à l’arrière-plan de la politique des « grands sites » ou des inscription au patrimoine mondial. On peut trou- ver un exemple probant de ce type de « doctrines » à mettre en œuvre dans l’action du Conservatoire du littoral.

Site du château de Messilhac () Château de Val, parc et chapelle Saint-Blaise () Site du château de Pesteils (Polminhac) Colline du château Saint-Etienne (Aurillac) Calvaire de Saint-Flour Site de Chastel-Marlhac (Le Monteil + ) Site du roc et chapelle de Notre-Dame du château (Saignes) Lande d’Enchanet (chapelle et pèlerinage) (Pleaux) Partie Est de la ville de Saint-Flour Site de Salers

222 Colline du Buis (Aurillac) Orgues basaltiques de Saint-Flour Site du roc et chapelle de Notre-Dame du château (Saignes) Site de Chastel-Marlhac (Le Monteil+Vebret) Site de la cascade de la Roucoule (Thiezac) Site de la cascade du Pas de Cère (Thiezac) Site des lacs de Lastioulles et du Crégut (Tremouille) Site du Puy de l’arbre (Montsalvy) Colline du Buis (Aurillac)

7. Modes d’appréciations des paysages

Il y a plusieurs sortes d’intérêt ou de motivations qui sont à l’origine de l’inscription ou du classement des sites du Cantal. On peut appeler ces grandes formes d’intérêt des modes d’appréciation. Ces modes d’ap- préciation influent très largement sur la manière dont on fait l’expérience des sites aujourd’hui. Il est pos- sible de différencier au moins 5 grandes formes d’intérêt dont ces sites sont l’expression et qui ont induit ou induisent encore leurs modes d’occupation, de fréquentation : la manière dont on s’y déplace, ce que l’on y regarde en priorité ou que l’on y fait… : 1. L’intérêt scientifique ; 2. L’intérêt religieux ; 3. L’intérêt défensif ou de dominance ; 4. L’intérêt touristique. Ce dernier peut se décliner de multiples façons à la lec- ture des diverses expériences des sites.

7.1. Liste des modes d’appréciation que traduisent les inscriptions et classements de site :

7.1.1 L’intérêt scientifique

L’intérêt scientifique sous son angle géologique est à l’origine d’un ensemble de sites qui regroupe les tables et les rochers, points hauts sur lesquels sont parfois installés des chapelles ou des châteaux. C’est le cas des dykes volcaniques sur lesquels sont flanqués les ruines du château d’Apchon, les dykes volcani- ques autour de Murat (celui de la chapelle de Bredons ou de la chapelle Saint-Antoine du Roc) qui asso- ciés à celui compris dans le périmètre du site de Murat forment un alignement étonnant, les tables de Carlat ou de Chastel-Marlhac… Mais ce ne sont pas seulement des points hauts qui font l’objet de cet intérêt géo- logique. D’autres sites surprenants font partie de ce groupe : celui de la roche de Landeyrat, qui est une zone d’orgues basaltiques couchés après leur effondrement et recolonisé par la végétation ; celui des orgues de Saint-Flour ; celui de la cascade du Faillitoux, la dépression de la cascade de Salins… Cet intérêt géologique ou cette motivation est aussi une des origines du classement du site des Monts du Cantal et de sa promotion en « grand site ».

7.1.2. L’intérêt religieux

Celui-ci est à l’origine de nombreux sites de chapelles qui, comme on a pu le dire plus haut, sont souvent des sites de cheminement dans le paysage, de pèlerinage ou de calvaires.

7.1.3. L’intérêt défensif ou de domination réelle ou symbolique

C’est le cas des nombreux châteaux qui sont inscrits dans le département, qu’ils soient d’origine médié- vale ou plus récente. Le mode d’occupation et d’appréciation du territoire qu’ils traduisent est celui d’un regard défensif ou dominateur. Ce sont des modes d’occupation disparus mais ces sites les traduisent encore. Si l’on consi- dère la quantité de sites de ce genre et la place que ce mode d’appréciation occupe proportionnellement dans la liste des sites du Cantal, il y a de quoi se poser des questions quant au choix de protection et de préservation de ces modes d’appréciation ou d’occupation des paysages. Si leur protection comme monu- ment historique (c’est-à-dire en tant qu’architecture, système constructif, histoire de l’art…) n’est pas à remettre en cause — c’est la fonction du système de protection MH, une question se pose quant au bien- fondé de leur protection par le système des inscriptions. D’autant plus que, d’une part cette protection se superpose souvent à celle des monuments historiques et est donc relativement inutile et d’autre part, quand

223 la protection des Monuments Historiques n’existe pas, elle en joue le rôle par défaut. La procédure d’ins- cription est utilisée de façon interchangeable avec les périmètres MH.

7.1.4. Les divers intérêts touristiques

Ces intérêts se manifestent de diverses manières en fonction de certaines tendances. On peut les différen- cier par le type de promenades que ces tendances supposent.

La promenade dans la nature ou vers la nature

Elle peut être encore divisée en deux catégories : 1. Celle qui tend à se focaliser sur les richesses écologiques, les richesses des milieux. Les sites qui sont inscrits pour ce motif sont très rares. Cela correspond à une tendance naissante qui a pour meilleure illus- tration la complexité du site des Monts du Cantal. Ce sont ces sites qui relèvent aujourd’hui d’une politi- que culturelle de la nature, la dichotomie artificielle entre culturel et naturel étant abolie dans ces cas. Ce sont ces sites et cette politique de protection qui correspond le mieux à la position occupée par les Diren dans le « paysage » de la protection étatique aujourd’hui. 2. Celle qui tend vers le spectacle de la nature sous un angle réellement « spectaculaire ». C’est un mode d’appréciation relativement ancien puisqu’il est un des éléments inhérent à la naissance du tourisme à la fin du 18ème siècle et dans le courant du 19ème siècle : la recherche du spectaculaire, la recherche du contact avec des forces naturelle, le but de la promenade est la mise en présence de ces forces, d’une expé- rience relativement « violente » sur le plan émotionnel. C’est par exemple le cas pour les sites de cascade dans le département du Cantal comme celui de la cascade de Salins ou celui de la cascade du Faillitoux, ou les sites-belvédères, points hauts résultant de la géographie et non d’une construction humaine suscep- tible de générer un certain vertige. C’est le cas par exemple de la table du rocher de Carlat ou du dyke d’Apchon…

La promenade (visite) culturelle

Bien qu’il y ait, dans le Cantal, un nombre important de sites inscrits et classés qui concernent des éléments géographiques et naturels, la promenade culturelle reste la plus répandue. Ce sont des promenades ou visite vers des objets de mémoire comme les châteaux ou chapelles, anciens quartiers ou bourgs, jardins-prome- nades. Cela concerne au moins 40 sites sur les 51 inscrits et classés du département. Il est d’ailleurs assez symptomatique que même dans certains cas où, de manière évidente, ne restent que des ruines de ruines (si l’on peut utiliser cette expression) comme dans le cas du dyke sur lequel avait été construit le château d’Apchon au Moyen-âge ou dans d’autres cas où il ne reste plus que des traces comme pour le rocher de Carlat (où des fouilles sont menées), est mis en exergue l’élément culturel de mémoire, l’objet de mémoire, avant le site naturel exceptionnel qui avait été choisi pour recevoir des constructions humaines. Les publi- cités de site et les panneaux signalétiques sont assez évocateurs en la matière.

La promenade sportive

Elle peut être souvent couplée avec le mode d’intérêt qui se traduit par la promenade vers la nature. C’est une association particulière très en vogue aujourd’hui (on parle de « découverte sportive de la nature »). C’est la cas du grand site des Monts du Cantal.

La promenade (visite) de santé

Elle est à associer avec la promenade vers la nature dans sa version spectaculaire. Elle est marquée histo- riquement et n’a plus court de la même façon aujourd’hui. Ce mode d’appréciation du paysage apparaît dans l’ensemble des sites inscrits du département du Cantal, bien que de façon plus anodine et moins directe que dans le département de l’Allier (sites des rives de l’Allier à Vichy ; sites de la vallée du Sichon dans les environs de Vichy ; site des gorges de la Sioule…). C’est la pratique du cheminement qui mène vers l’apparition spectaculaire d’un phénomène naturel. C’est le cas par exemple des 4 sites qui concernent des cascades dans la vallée de la Cère. Si 4 des 6 sites de cascade du département (alors que celui compte un nombre innombrable d’autres cascades) sont réunis dans la vallée de la Cère, non loin du bourg de Vic-

224 sur-Cère, c’est parce que Vic-sur-Cère a été un lieu de villégiature et de cure renommé. L’inscription de ces cascades traduit un mode d’accès au paysage propre à cette villégiature : la promenade de santé dans la nature autour du bourg à la découverte des phénomènes naturels particuliers… Cela correspond à cette époque où les environs de la ville de villégiature étaient considérés comme une forme de « parc naturel », lieu de promenade pour la santé.

L’inscription en groupe de ces sites de cascade, au-delà de l’objet spectaculaire de la cascade est intéres- sante car elle traduit un mode de fréquentation et d’accès particulier au paysage et typique des débuts du développement du tourisme.

7.2. Les modes d’appréciation que ne traduisent pas les inscriptions et classement de site du Cantal :

Il y a un certain nombre de lacunes dans cette liste des modes d’appréciations du territoire que traduisent les sites inscrits et classés. Il manque en effet au moins deux grands modes d’appréciation des paysages qui pourtant jouent un rôle de premier plan dans l’histoire des paysages cantaliens et dans les paysages actuels : 1. l’appréciation de l’agriculture ; 2. Le mode d’appréciation scientifique et technique d’exploita- tion des forces de la nature.

L’intérêt pour l’agriculture

C’est un schème interne à la politique de protection des sites et de monuments historiques d’oublier dans une très large mesure les pratiques agricoles ordinaires. Il est assez symptomatique de voir par exemple que de multiples châteaux font partie des listes d’inscription et de classement quand des bâtiments agrico- les de grande qualité, ayant joué ou jouant encore un rôle, plus ordinaire, dans l’organisation et la gestion des paysages n’en font que très rarement partie. Il est aussi symptomatique de voir que le département du Cantal étant un département fortement agricole où l’on pratique l’élevage extensif de montagne et de pla- teau, avec toute l’importance que joue l’altitude et le climat dans cette pratique, qui conditionne des modes de circulation dans le paysage, des lectures atmosphériques, des temps variables d’utilisation du territoire et leur caractère temporaire, des infrastructures particulières, des systèmes de repérage quotidiens com- plexes (arbres dans la neige, pierres, sons de cloches…), aucun site n’a été classé ni inscrit en fonction de ces données. Le caractère agricole du département est pourtant ce qui apparaît de la manière la plus évi- dente dans l’Atlas des paysages du département, bien que l’angle d’approche de ces paysages soit large- ment géographique et n’aborde que relativement peu les questions de modes d’appréciation et de pratiques. L’intérêt pour l’agriculture est pris en compte dans de très rares cas et de façon secondaire sans jamais en faire un objectif réel de politique des sites. Précisément dans deux cas : 1) le cas du site des Monts du Cantal avec les burons dont il est fait mention dans le dossier de classement mais un peu par défaut comme étant les seuls « habitations privées » prises à l’intérieur du périmètre ; 2) le cas du site du château de Lalaubie et d’une partie du bourg de Belliac. Pour ce dernier, dont le motif principal est un site de château, deux points particuliers touchent à la dimension agricole du lieu. Premièrement, la présence d’un ensem- ble de granges anciennes dans le bourg ; deuxièmement, un élément présent dans le dossier du rapporteur au moment de l’inscription du site en 1943 : il parle de son impression et de l’importance qu’avait pris le son des cloches au cou des vaches dans le vallon au moment de sa visite, par une belle matinée d’automne. Le site avait été rendu d’autant plus « aimable » et « pittoresque » que ce son typique du paysage avait pu être perçu : l’agriculture n’est-elle là que pour animer un paysage ? Pourquoi le regard élitaire dont témoi- gne la politique des sites est-il si mal informé ?

La vache est d’ailleurs un des motifs paysagers des plus importants des paysages du Cantal. C’est un motif paysager qui a des répercussions dans de multiples lieux et de multiples façons dans la perception que l’on peut avoir des paysages du département. Il se répercute par exemple dans l’apparence des prés, les sons ordinaires, les organisations d’infrastructures d’exploitation du lait par exemple (voir l’organisation d’une partie de la ville de Riom-es-Montagnes dans le nord du département en fonction de la vache et du lait : usine, foirail, rivière… renforcé par un deuxième élément : l’exploitation de la gentiane). Que la vache soit un motif paysager de premier ordre du département et qu’elle en soit un des principaux éléments culturels ayant une reproduction dans l’apparence de ses territoires, cela est sans nul doute ce qui a motivé la créa- tion, près de Riom-es-Montagne du Scénoparc. Si sa forme pédagogique de « zoo pour vaches » peut être discutée, le scenoparc a le mérite de faire ce que la politique des sites n’a pas encore abordé : c’est-à-dire

225 L’espace de la vache : formes architecturales, pratiques vernaculaires, assemblages, organisation de l’espace agricole. Grange-étable à Raulhac ; double grange-étable à Vixouze (Polminhac) ; frêne taillé pour la feuillade, Thiézac, abreuvoir, bocage lithique aux alentours de la chapelle de Valentine, troupeau à l’ombre (lac de Lastioules).

226 la prise en compte de la vache comme un élément culturel en soulignant les différents rapports que l’homme entretient et a entretenu avec elle et les conséquences sur l’occupation des milieux naturels.

De façon coextensive à l’agriculture, le lien paysage-producteur-produit peut introduire à d’autres intérêts, gustatifs ou culinaires. C’est le cas autour de la vache (race Salers et production de fromages en A.O.C.) et de l’exploitation de la gentiane.

L’intérêt pour l’exploitation des forces naturelles

Un deuxième élément pourtant très présent dans les paysages du département mais occulté à la fois par la politique des sites et à la fois par l’Atlas des paysages : ce sont les paysages de la production d’électricité créés par EDF. Deux zones du département sont particulièrement représentatives de l’histoire très particu- lière de la production d’énergie dans le pays : à l’ouest, le cours de la Dordogne sur lequel ont été construit de grands barrages hydro-électriques dans les années 30-40 et l’après-guerre et au sud-est, le cours de la Truyère bouleversé par d’autres barrages comme celui de Grandval près du site d’Alleuze et du site du via- duc de Garabit.

Ce qui est intéressant, c’est que la construction de ces barrages a touché un certain nombre de sites en créant parfois des effets curieux de positif-négatif comme dans le cas du site du château de Val, le parc du château et le relief sur lequel il se trouvait ayant été immergé sous les eaux du barrage de Bort-les-Orgues et le site étant devenu par là un des sites de château les plus spectaculaires du département. La renommée de ce site qui est devenu un objectif touristique majeur et qui est devenu le site d’un film avec Jean Marais en faisant indirectement une promotion qui l’a rendu très populaire est donc le résultat de la fabrication d’un paysage par la technologie pour l’exploitation des forces motrices naturelles de l’eau. Le site du pont d’Aynes, en contrebas du barrage de l’Aigle, un peu plus en aval sur la Dordogne, a subit un effet inverse puisque situé non loin du barrage, sa destruction stratégique semble visiblement liée à la proximité du chantier de l’Aigle pendant la guerre. Le caractère inondable du site et la facture médiévale du pont a prohibé une quelconque réfection et un pont moderne en béton a été construit en hauteur à quel- ques centaines de mètres de là. Le site inscrit est une ruine de pont.

Seule exception, le lac de barrage de Lastioulles : une protection arbitraire de 300 m autour des rives a été décidée pour contrôler et limiter des implantations touristiques. Le rapport d’inspection pointait cependant le contraste intéressant entre un paysage ouvert de landes et le caractère artificiel de la retenue. Ce contraste s’est cependant amoindri (voir fiche).

7.3. Note sur la mise en place d’un observatoire photographique du département du Cantal :

Ces deux listes (ci-dessus, 7.1 + 7.2) des modes d’appréciation que traduisent ou que ne traduisent pas les sites inscrits et classés du Cantal peuvent servir de base à une réflexion sur la mise en place d’un observa- toire photographique des paysages du département. C’est en partant de l’établissement de ce genre de liste des modes d’appréciation, de fréquentation et d’occupation des territoires que nous avions aussi procédé pour élaborer une méthode de prise de vue photographique des paysages sur le département de l’Allier (cf. dossier de l’Allier). Nous avions défini pour chaque mode d’appréciation, chaque pratique paysagère des emplacements représentatifs et surtout des procédures de prise de vue, qui nous paraissaient devoir être appropriées à chaque cas. Il peut s’agir d’inventer pour le Cantal, à partir de ces deux listes, des procédu- res adéquates.

227 8. Figure du site protégé : L’expérience d’un site inscrit ou classé aujourd’hui.

Contrairement à ce que l’on pourrait croire, et nous le pensons de plus en plus au fur et à mesure que nous visitons de plus en plus de sites, au-delà des divers modes historiques d’appréciation qu’elle traduit, la forme du site inscrit est devenue une forme contemporaine de mode d’occupation et d’appréciation du ter- ritoire. Il y a, comme nous l’avions déjà abordé dans notre étude sur le département de l’Allier, un paysage des sites inscrits et classés que l’on peut facilement appréhender par l’expérience type qu’un visiteur peut faire de ces sites. En effet, au-delà des singularités de chacun de ces sites, il nous est apparu, à force d’en visiter qu’il y avait un fond commun de l’expérience d’un site inscrit. Cette expérience est reconduite de site en site sans subir de grandes variations. Il nous est possible de fixer ainsi une sorte de « figure de site protégé » ou de ce que peut être pour nous un site protégé type.

De quoi est faite l’expérience d’un site inscrit ?

Une liste servant de description sommaire du site du château du Sailhant et de sa cascade peut permettre de saisir et cerner cette figure ou expérience type. Ce site nous est apparu comme le plus représentatif dans la liste des sites du Cantal et de l’Allier parce qu’il comporte tous les éléments du dispositif actuel du site protégé. L’expérience que l’on peut en faire est assez symptomatique de l’agencement ou du dispositif contemporain du site protégé. Il contient les éléments que tous les autres sites peuvent contenir en partie ou entièrement mais qui sont récurrents de site en site.

Les éléments qui sont agencés dans le site sont clairement retranscrits dans sa « carte paysagère » à laquelle nous renvoyons le lecteur pour qu’il puisse les identifier. Voici 10 séquences qui rendent compte de l’ex- périence type du site. On peut lire en caractère gras dans ces séquences une liste des éléments agencés qui constituent le dispositif du site inscrit :

Séquence 1 - Arrivée au pied du château sur un parking qui constitue l’entrée du hameau. La zone du parking est le site d’une ancienne foire médiévale. Le parking, bordant en surplomb une petite rivière a été récem- ment refait (revêtement stabilisé et bordures en béton légères). Une estrade temporaire n’a pas été encore démontée et traduit une activité festive ponctuelle sur le site. Restent des barrières ici et là. Au bord du parking, les poubelles collectives du hameau sont alignées. Le château est construit sur un éperon basaltique escarpé. Il domine le parking.

Séquence 2 - Entrée dans le hameau par la ruelle unique. Presque la totalité des maisons a été rénovée et certaines servant de gîtes ruraux. Les habitants font des jardins devant leur porte, ce qui donne un caractère sym- pathique et accueillant à la ruelle. Certains habitants font des jardins potagers derrière leur maison. Grâce à çà, le hameau parait être un « hameau-jardin ». Devant une maison, un panneau bricolé de pho- tos de la fête du village est posé sur un banc. Le mardi 15 Août, le site du Sailhant est en fête. Une affi- che et des photos montrent des habitants habillés en costumes médiévaux dans la rue du hameau et sem- blent jouer un spectacle mis en scène. Un homme est emprisonné dans un joug en bois.

Séquence 3 - Après le hameau, longeant le pied du rocher sur lequel domine le château, entrée dans les terrains pri- vés des propriétaires du château. Les terrains sont ouverts à la visite. On ne s’aperçoit pas du passage en propriété privée. Une feuille blanche sur laquelle sont écrites quelques phrases dactylographiées à l’ordi- nateur a été affichée sur le tronc d’un arbre. Elle rappelle une légende liée au château. Sur un autre arbre, une vieille pancarte, vestige archéologique de la loi de 1930, rappelle que le site est depuis longtemps inscrit, depuis l’époque où la politique des sites dépendait du Ministère de l’Education Nationale : « Site placé sous la sauvegarde du Ministère de l’Education Nationale ». Suit une interdiction :« Les dépréda- tions ou atteintes portées à son intégrité sont passibles des peines prévues au titre IV de la loi du 2 Mai 1930 ».

Séquence 4 - Entrée dans un sous-bois et cheminement en descente vers la cascade de Basborie que l’on commence

228 par entendre puis qui apparaît, au bout de 5 minutes, avec le lac dans lequel elle se jette. Le lac remplit la cuvette au pied d’une falaise-depression en arc de cercle. Le lieu est spectaculaire et calme. Des mini- aménagements de pierres de passage permettent de franchir la rivière.

Séquence 5 - Demi-tour et retour au hameau par le même chemin en légère montée cette fois.

Séquence 6 - Traversée du hameau-jardin.

Séquence 7 - En conduisant la voiture deux minutes, contournement du rocher du château et arrêt sur un vaste par- king, sur un terre-plein à deux pas de l’entrée du château. Des camping-cars stationnent sur le par- king. Des tables de pique-nique en bois ont été installées à l’écart et quelques arbres, toujours jeunes, ont été plantés dans un coin. Devant l’entrée du château, les restes en ruine d’un grand jardin.

Séquence 8 - Traversée d’un pré devant le jardin pour accéder à la falaise en surplomb du lac et de la cascade de Basborie. Plongée vertigineuse.

Séquence 9 - Demi-tour à travers le pré et le parking pour reprendre la voiture et contourner le site par le côté opposé au hameau, en longeant la rivière qui traverse le plateau tranquille avant de se jeter par la cascade dans le lac. Au bout du périmètre du site, vue du château un peu éloigné sur son rocher, avec des prés en premier plan. Une ligne de téléphone traverse le tableau sans que l’on s’en aperçoive d’emblée. Puis elle apparaît.

Séquence 10 - Quelques pas sur la route vers le bourg. Sur le bord de la route, le bourg s’est étendu. Des pavillons ont été construits, dans le champ. L’un d’eux est construit sur une butte artificielle pour faire un garage des- sous. Les pavillons forment le premier plan du tableau du château. Les prés traversés par la ligne du télé- phone forment le second plan.

Un site est un agencement délicat entre une expérience de cheminement vers des éléments naturels (comme une cascade) ou culturels (comme un château) spectaculaires et un ensemble de pressions diverses, au sens positif et négatif du terme (son exploitation touristique, l’accès des automobiles, la vie locale exception- nelle et quotidienne, le développement démographique, le développement des télécommunication, le trans- port de l’énergie, les interdictions, la signalétique explicative…), à des degrés variables. L’agencement entre ces diverses pressions et le site de référence (château sur un promontoire basaltique, hameau, petite rivière s’écoulant dans les prés et la forêt et dépression créant un lac et une cascade), c’est le site. C’est-à- dire la forme contemporaine du site. Tout expérience de site se fait sur une certaine ambiguïté entre un état d’origine et son état actuel dont la présence est toujours, à peu d’exception près, évidente.

Le caractère contemporain du site atteint parfois un point tellement élevé ou particulier qu’il en arrive à devenir un point central d’intérêt, en focalisant l’attention. Nous avons remarqué à plusieurs reprise, que la visite d’un site inscrit ne pouvait pas être faite sans que l’attention soit relativement détournée par exem- ple vers de petites choses, présentes dans l’environnement actuel et qui parfois pouvait décaler les sources d’intérêt portées au site. Nous avions déjà abordé la question lors de notre étude sur l’Allier par l’intermé- diaire de deux notions particulières : 1) la notion de site dans le site, qui permet de montrer la qualité de certains sites et leur attractivité par le biais d’un autre site, dans le même périmètre mais plus petit, récent, souvent construit par les habitants (cf. le site dans le site du Puy Saint-Amboise dans l’Allier) ; 2) la notion de jardinier qui en faisant leur jardin parfois de façon relativement peu officielle dans le périmètre d’un site inscrit l’entretiennent en lui donnant son apparence actuelle.

Dans le Cantal, une troisième notion apparaît. C’est la notion de focalisation de l’attention sur un élément anodin mais actuel de l’environnement. Cela peut être par exemple la présence de moutons dans un site de

229 château désert, de petits animaux ou de végétaux en fleur… Cela peut être aussi le son des cloches des bovins que l’on entend sans les voir et qui tout à coup, peuvent donner au site une très forte dimension pay- sagère (cf. le commentaire du rapporteur dans le dossier d’inscription du château de Lalaubie à Saint- Simon). Cela peut être une présence singulière d’une inscription ou d’une pancarte comme celle du site de la Cascade de Basborie citée ci-dessus, vestige de la politique des sites… Ces éléments sur lesquels se foca- lisent l’attention, qui attirent le regard et la pensée du visiteur, s’il paraissent anodins, deviennent tout-à- coup des « catalyseurs » de l’expérience du site. Ils orientent et organisent la plupart du temps la manière dont le visiteur se construit une mémoire du site et s’en souviendra par la suite. Ils jouent donc un rôle pay- sager important et sont une part non négligeable de l’attrait du site inscrit ou classé.

9. Sites sous pression

Nous avons pu constater qu’un ensemble de sites assez important avait subi ou subissait diverses formes de pression qui avaient une conséquence plus ou moins importante sur le type d’expérience que l’on pou- vait en avoir aujourd’hui quand elle était clairement perceptible, en amoindrissaient parfois leur qualité ou mettait leur gestion et gestionnaire actuels en difficulté. Nous avons répertorié sept formes de pression. Certains sites peuvent subir plusieurs d’entre elles. Nous recommandons de porter une attention particu- lière à ces sites qui sont parfois déjà très dégradés. Pour certains, des réorientations de type de gestion ou simplement un effort de pédagogie et une réflexion commune avec les gestionnaires seraient bénéfiques. Il est déjà trop tard pour une grande partie de ces sites.

9.1. Pressions démographiques.

Le château de La Voulte : Une zone pavillonnaire est en train de se construire de l’autre côté de la route, face à l’entrée du château. La zone est hors du périmètre du site inscrit. La zone d’habitat s’appellera « le hameau des poètes ». Le château est une propriété privée.

Colline du calvaire de Saint Flour : Deux points de pression : 1) Des habitations pavillonnaires se sont développées à la limite du site à son entrée. 2) La vue depuis la colline donnait sur un large panorama dont les autres collines de Saint-Flour étaient les premiers plans. Mais le développement de Saint-Flour a nécessité l’utilisation des terrains de ces collines pour y implanter des zones d’habitations. La colline du calvaire est maintenant encerclée par la ville récente. L’expérience que l’on peut en faire a largement été modifiée.

Le château de Lalaubie et une partie du bourg de Belliac (Saint-Simon) : C’est surtout dans le bourg que la pression s’exerce. Elle trouve une forme particulière puisque cela ne tou- che pas forcément directement les constructions neuves mais plutôt la pression exercée sur les construc- tions anciennes : les granges dont le bourg est largement fourni et qui lui donnent un grand intérêt.

Site du château de Sailhant et de la cascade de Basborie : En limite du site, le bourg s’étend. Des maisons individuelles sont construites dans les prés au bord de la route. Le point de vue sur le château qui avait orienté la délimitation du site se bouche progressivement. Les constructions auraient pu se faire de l’autre côté de la route ( ?).

9.2. Pressions liées à l’automobile.

Promenade Spy à Saint-Flour : La place promenade a été envahie par les voitures. C’est un vaste parking qui assure l’accès automobile à la vieille ville haute. Ne reste que sur les côtés une bande pour piétons et joueurs de boule.

Partie Est de Saint-Flour : La place de l’église et l’accès au belvédère sont envahis par les voitures. Ce sont des parkings. Les images anciennes (cf. carte paysagère du site) montrent ce qu’il est difficile de voir aujourd’hui : une place avec une église.

230 Le château de Lalaubie et une partie du bourg de Belliac : La déviation de Saint-Simon a été construite pour libérer le site de son trafic routier. Depuis le château, vue intéressante sur la déviation, la « plaine des sports » de Saint-Simon et le rond-point qui marque l’entrée du bourg. La perception du lieu a largement été modifiée.

Le bourg de Salers : Pour gérer le succès touristique du bourg en été et le flux des voitures, la ville de Salers a créé une rocade qui en encercle une partie. Le long de cette rocade et vers l’intérieur du bourg, de multiples zones de par- kings ont été aménagées, qui surprennent à la fois en été quand elles sont pleines et à la fois en hiver quand elles sont vides. Mais l’accès est très pratique et la gestion des voitures assez réussi.

Quartiers anciens d’Aurillac : La pression est ancienne. Elle avait pour objet l’exploitation et le développement commercial du centre d’Aurillac. Etaient prévus parkings et une grande voie nouvelle. La protection et surtout une étude de déve- loppement de ville moyenne comme il a pu en être réalisée dans les années 70-80 a permis de mettre un arrêt à des projets qui auraient saccagé la ville. Une partie des promenades plantées et esplanades au bord de la rivière accueille des parkings. La place du tribunal et son square public a fait l’objet d’un concours d’aménagement, avec notamment la problématique des voitures et d’un parking souterrain.

Collines d’Aurillac : Comme le centre ville d’Aurillac, la pression pour faire passer des voies d’accès a été grande mais les pro- jets ont échoué.

Orgues basaltiques de Saint-Flour : Le site est essentiellement un site automobile et c’est assez rare pour le souligner. L’expérience que la plu- part des visiteurs peuvent en avoir se fait depuis la voiture en empruntant la route qui mène de la ville haute à la ville basse. C’est aussi le passage obligé vers l’autoroute quand on traverse Saint-Flour. Cela peut être considéré comme positif pour l’image de la ville puisqu’un de ses bijoux est accessible par tous sans effort et sans le vouloir. Cependant, il y a un effet de banalisation qui n’est pas forcément lié au passage des voi- tures mais plutôt au type d’aménagement qui a été réalisé le long de cette route pour « embellir » l’endroit (arbustes plantés typiques d’entrée de petite ville, entretien des pentes herbues…). Si un effort a déjà été fait pour la promenade piétonne, il y a cependant peut être un autre projet simple à réaliser. D’autant que la partie basse du site des orgues, à l’abri de la route est, elle, interdite d’approche au piéton pour des rai- sons de sécurité…

Site du Puy de l’Arbre : La route Nationale a été taillée dans le relief du Puy en limite de site. Elle passe en déblai, donc en contre- bas du site mais sa présence est nette.

Site du château de Pesteils : Les accès aux châteaux pour leur exploitation touristique font souvent l’objet de projets délicats qui indui- sent forcément de grandes conséquences sur l’expérience que l’on peut en faire. On tend à amener le visi- teur directement en voiture à quelques pas de la porte d’entrée quand l’ancienne manière d’y accéder se faisait par découverte progressive dans laquelle la voie qui menait au château jouait un rôle de qualité. Un parking a été « aménagé » à la place de l’ancien verger. La route d’accès semble faire l’objet d’un projet pour permettre aux bus de tourisme d’accéder au château. Sans contrecarrer ce projet, il serait utile qu’il soit réfléchi sur le plan paysager.

9.3. Pression touristique

Château de Val : Devant le château, un espace d’infrastructures touristiques contemporain forme un premier plan très parti- culier. C’est avec ce premier plan que l’on découvre le site aujourd’hui. S’il n’est pas à remettre en ques- tion comme nécessité touristique, il est relativement plus contestable sur un plan de gestion de l’apparence et de l’expérience d’un site inscrit cautionné ou « préservé » par le ministère de l’environnement. Il y aurait notamment quelque chose à faire en terme de choix de plantations par exemple pour éviter l’utilisation de

231 plantes de pépinières mais plutôt assurer une gestion en orientant les dynamiques naturelles existantes. Des propositions réfléchies dont le but serait de hiérarchiser le mode de présence (au regard par exemple) des différentes fonctions d’exploitation touristique pourrait être le bienvenu, sans pour autant contrecarrer cette exploitation.

Bourg de Salers : Pression touristique typique avec son prolongement commercial dans les ruelles de la ville.

Pas de Cère et cascade de la Roucoule : C’est un site très connu depuis longtemps et il a fait l’objet durant tout le 20ème siècle de séries de petits aménagements qui se sont remplacés. Le changement le plus récent étant la construction des grands par- kings au bord de la route permettant d’accueillir un public important. Dans la forêt, en direction des deux sites, de nombreux panneaux, des barrières protectrices, des belvédères et des marches d’escalier « orga- nisent » la promenade.

9.4. Pression technique pour l’exploitation des énergies et leur transport.

Site du château de Pesteils : Le plateau se trouvant à quelques centaines de mètres du château et le surplombant fait l’objet de convoi- tise et de projet pour l’installation d’un champ d’éoliennes. La mairie du village est pour, considérant que cela aura une valeur touristique. La propriétaire du château est contre, considérant l’inverse du point de vue des visites de son château. Il y conflit d’intérêts. Le jardinier du château a fait un montage en image de syn- thèse pour montrer l’effet qu’auront les éoliennes sur la perception du site.

Site du Puy de l’Arbre : En plus de la présence de la route susmentionnée, un poteau EDF et sa ligne ont été installés sur le site.

Site du château de Sailhant et de la cascade de Basborie : Présence d’une ligne électrique dans le tableau de paysage du château.

Lande d’Enchanet : Un poteau et une ligne électrique ont été installés dés l’inscription (échec) pour transporter l’électricité issue du barrage non loin de là. Le poteau a été construit sur le point haut du site, là d’où l’on découvre une belle vue panoramique et là où se trouve la croix, point d’arrêt du pèlerinage. Son de l’électricité très présent.

Château de Val : Inutile de rappeler trop longuement que le site du château actuel, sur une île ou presqu’île, est le résultat de la création du barrage en aval. Le paysage créé par l’EDF a rendu le site encore plus pittoresque qu’il ne l’était lors de son inscription, bien qu’il ait été inscrit pour le préserver de ce qui a suivi.

Pont d’Ayne : Effet inverse de la construction du même barrage. Destruction pendant la guerre du pont médiéval et reconstruction d’un nouveau pont plus élevé pour échapper à la zone d’inondation créée par le barrage.

9.5. Pression des besoins en télécommunication

Plateaux et chapelles de Massiac : Implantation d’un relais et construction d’une baraque pour cacher les infrastructures.

9.6. Pression d’usages :

Les orgues basaltiques de Saint-Flour (pression ancienne et disparue) : Le dossier associé au rapport d’inscription contient de multiples éléments historiques sur l’installation d’habitations et d’artisans au pied de la falaise des orgues. La municipalité les a fait partir depuis long- temps.

232 Couvent de la Visitation à Aurillac : L’ancienne fonction de couvent a été transformée en fonction d’habitation à loyer modérée.

9.6. Pression des phénomènes naturels :

Site du château de Messilhac : Les propriétaires du site rencontrent un problème de lutte contre l’érosion des terrains près du château.

Les orgues basaltiques de Saint-Flour : Problèmes d’effondrements.

Site de la cascade de Salins : Embroussaillement de la cuvette.

Ruines du château de Miremont : Disparition du rempart sous la végétation.

Lacs de Lastioulles et de la Crégut : Eutrophisation du lac de la Crégut.

10. Politique des sites et processus d’abandon

10.1. La théorie des jardiniers confrontée aux sites du Cantal

En préambule, il est intéressant de se pencher de nouveau sur la théorie du jardinier qui avait pris naissance suite aux constats que nous avions pu faire lors de nos visites des sites inscrits de l’Allier. Il s’avère que cette présence des jardiniers de site était une particularité des sites de l’Allier et nous avons pu constater une différence à ce sujet dans le département du Cantal. Car en effet, très peu de sites en proportion sont concernés par la présence de ce genre de jardinier singulier qui fait que le site est non seulement entretenu car jardiné mais aussi prend son allure actuelle par cette action de jardinage et en fait son intérêt actuel majeur. Donc, ce qui domine dans le département du Cantal, ce sont les sites desquels ces jardiniers sont absents. Une forme d’absence des habitants prédomine d’ailleurs dans les sites du Cantal proportionnelle- ment à ceux de l’Allier. Nous avons pourtant pu constater la présence de jardins dans les abords de certains sites, qui participent clairement de l’expérience que l’on peut en faire. Mais ceux-ci ont un caractère plus « officiel » et délimité de façon plus traditionnelle que ce que nous avions pu observer dans l’Allier. Très rares sont les sites dans le Cantal où l’on peut apercevoir un jardin comme celui de la chapelle de Notre- Dame-du-Château, jardin potager et de fleurs en contrebas de l’esplanade de la chapelle, dont l’existence dans un tel lieu isolé est très singulière et renvoie forcément à la présence d’un « habitant » du site. Idem pour le jardinier du pont de Cabrière.

La plupart des jardins que nous avons vus sont des jardins dans des bourgs. Très souvent des jardins pota- gers en série. Ils jouent une part importante dans la qualité de l’expérience que l’on peut faire de ces sites. C’est le cas pour le site du bourg de Laroquebrou dont le charme relève notamment de la relation qu’il peut y avoir entre le relief de petits vallons et l’occupation de ces pentes par des jardins. Importance des jardins privés dans le village de Carlat, le hameau de Lalaubie, le village du château d’Anjony, le hameau du châ- teau du Sailhant et le village d’Apchon avant de grimper sur le dyke des ruines du château.

Un jardin public récent joue un rôle similaire puisqu’il donne sa qualité principale à un site qui avait été abandonné : le jardin sur les pentes de la colline du château de Saint-Etienne à Aurillac. Des articles dans le journal local présentant les jardiniers de la ville et leur œuvre montrent son importance symbolique pour les services de la ville et les habitants.

Un souci de jardinage est particulièrement important pour certains parcs de château comme celui de Pesteils et celui de La Vigne.

233 Ceintures de jardins de Laroquebrou et Tournemire ; jardin potager à Chastel-sur- Murat, jardin d’agrément à Andelat ; jardin de la chapelle de Dotre-Dame-du- Château (Pleaux), jardin d’un habitant-paysagiste à Vebret.

234 10.2. Différenciation de diverses procédures d’abandon : disparition, ruine, « ruiné », abandon

Dans le département du Cantal, un nombre assez important de sites peuvent être considérés comme des ruines. A tel point qu’il nous est apparu que l’on pouvait faire des différences entre des types de ruines, ou plutôt, en prenant la question en amont, entre des types de procédure d’abandon de sites.

La première catégorie, ce sont les ruines anciennes qui ont été exclusivement inscrites ou classées comme ruines. Cela concerne trois châteaux. Les ruines du château de Madic, les ruines du château de Miremont, les ruines du château de Branzac. Une sous-catégorie pourrait être celle des « ruines naturelles » comme dans le cas de l’effondrement du site de la roche de Landeyrat qui est un site exceptionnel.

La deuxième catégorie, ce sont les ruines qui ne font pas l’exclusivité du site. Elles ne constituent pas le seul élément du site. C’est le cas pour trois sites au moins : le site des ruines du château d’Apchon sur son dyke ; le site des ruines du château d’Alleuze ; les ruines du Roc à Saignes à côté de la chapelle. On peut faire pour cette catégorie une sous-classe qui serait celle des restes peu visi- bles comme pour le site du rocher de Carlat où des fouilles archéologiques mettent en exergue la présence ancienne du château.

La troisième catégorie est celle des ruines de parcs comme par exemple celui du château de Mazerolles. Mais cette catégorie est particulière dans le sens où il faut avoir un œil un peu expéri- menté pour considérer ces endroits comme une ruine. Parce que le parc fonctionne toujours comme un parc avec son état actuel.

La quatrième catégorie concerne les sites en voie de dégradation évidente, qui deviennent ou sont devenus des ruines après leur inscription, par abandon, changement d’usage ou manque d’argent. C’est une catégorie où les cas sont de nature très différente. C’est le cas par exemple du site de la colline du couvent de la Visitation à Aurillac où existait un jardin et un verger au moment de son inscription et dont il ne reste que des traces. C’est le cas aussi du site du pont de Cabrière où les bordures de pierre avant l’entrée du pont ont été certainement démolies par un véhicule et qui ne sont pas réparées, donnant au site une légère allure de ruine. C’est le cas du château de Messilhac où de multiple attaques du temps sont largement perceptibles (érosion des terrains alentours, ferme- ture des vues, dégradation du bâti…) malgré les efforts des précédents propriétaires.

On peut faire ici encore une sous-catégorie : celle des milieux naturels ou des formations végétales inscrits dans un état particulier et qui ont été très bouleversés voir transformés énergiquement, de façon peu naturelle. C’est le cas de la lande d’Enchanet qui, bien que l’usage de pèlerinage se pour- suit encore, a presque disparu sous son apparence de lande puisque le bois y est maintenant exploité. Des chemins d’exploitation ont été aménagés en graves et un pylône EDF au dessus de la croix du pèlerinage permet d’acheminer l’électricité produite par le barrage d’Enchanet.

Une cinquième catégorie concerne les sites dont la dégradation s’est faite de façon violente, par des- truction suite à des agressions fortes. Ils sont rares mais ils existent. Dans le Cantal, c’est le cas du pont médiéval d’Aynes, désaffecté aujourd’hui, qui a subi de multiples assauts, à la fois de la guerre et de la construction du barrage en amont, et a été abandonné après la construction du pont moderne plus loin.

Enfin, une dernière catégorie concerne des sites qui ont progressivement acquis un caractère de ruine sans pour autant que les éléments ne se soient dégradés, mais plutôt par accumulation de nou- veaux éléments et par une surenchère de pressions. On pourrait les appeler des sites « ruinés ». Ce sont des sites curieux parce que ce sont parfois des sites très entretenus et assez visités et utilisés. C’est par exemple le cas du site du Puy de l’arbre à Montsalvy, site inscrit très contemporain puis- que se sont accumulés des éléments nouveaux relativement hétérogènes comme une route nouvelle, un pylône, de petites bâtisses techniques en béton, des pierres anti-franchissement, divers aménage- ments de pique-nique, exploitation de conifères à proximité…

235 La visite des sites inscrits ou classés peut parfois faire penser à un « jeu de ruines » singulier. Mais cela correspond aussi aux partis pris de la politique des sites telles qu’elle a été menée dans les années 30-40. Il ne faut pas oublier que sur les 51 sites inscrits ou classés du département du Cantal, 37 sites ont été ins- crits-classés entre 1933 et 1947, que suit une période vide (1 seul site inscrit en 1965) jusqu’à une deuxième campagne d’inscription entre 1972 et 1979 (9 sites) et 3 sites seulement depuis 1980.

La visite de certains sites en ruine nous a fait discerner deux effets particuliers de la politique des sites et des procédures d’inscription ou de classement telle qu’elle a été pratiquée au début. L’un est plutôt béné- fique et l’autre plutôt pervers. Le pervers a deux volets : 1) Prendre la décision d’inscrire des sites en ruine donne une image de la politique des sites relativement vieillotte (attachée aux vieilles pierres) et pas for- cément très dynamique ; 2) Prendre la décision d’inscrire certains sites en état relatif peut engendrer un certain frein à leur développement et leur actualisation en terme d’usages et d’utilisation.

L’effet bénéfique est parfois de nature très particulière et inattendue. Il a trois volets : 1) Le premier cor- respond au pendant inverse du deuxième volet pervers. Prendre la décision d’inscrire certains sites en état relatif peut engendrer un certain développement et enthousiasme à leur développement et leur actualisation en terme d’usages et d’utilisation ; 2) Un deuxième effet bénéfique est l’oubli. C’est le cas par exemple de deux des plus beaux jardins « sauvages » du Cantal qui sont deux sites inscrits de ruines de château : les ruines du château de Madic et les ruines du château de Miremont. A l’écart des habitations, cachés par des arbres qui ont eu bien du temps pour se développer, leur abandon progressif en a fait des lieux-milieux de grande qualité et qui restent secrets (voir leurs cartes paysagères). Ce sont des sites en développement dont l’évolution suit le rythme de la dynamique naturelle propre aux conditions que l’on y rencontre. L’expérience que l’on peut faire de ces sites est radicalement différente de celle que l’on peut faire des sites plus visitées ou aménagés ou entretenus. Ils sont sources d’expériences nouvelles, plus versées sur un plan écologique que culturel. Leur existence permet de faire une nouvelle différence entre des types de sites : il y a ceux qui sont très visibles, offerts au regard et à la visite, largement utilisés au quotidien par les habi- tants ou les visiteurs et ceux, secrets, à l’écart des regards, dans l’oubli. On pourrait le dire autrement en différenciant des sites voyants et des sites discrets. C’est une piste à creuser pour la politique des sites.

11. Exploitation touristique et équipement des sites

Nous avons déjà abordé la question sous l’angle des pressions diverses qui s’exercent sur les sites, à effets positifs ou négatifs avec comme exemple le plus poussé celui du Puy de l’arbre à Montsalvy qui est un site inscrit à caractères très contemporains. Mais deux éléments dont il n’a pas encore été question concernent l’apparence très actuelle de nombreux sites inscrits et classés aujourd’hui. Par habitude, ces éléments sont intégrés machinalement à l’expérience que les visiteurs font des sites, mais si on les regarde de plus près, un champ de réflexion peut s’ouvrir : ce sont les parkings et la signalétique qui sont les deux éléments d’in- frastructure les plus récurrents de site en site. Une réflexion devrait être menée à l’échelle de l’ensemble de ces sites sur ces deux points distinctement pour mettre en évidence peut-être quelques problèmes, mais surtout la qualité de leur impact sur l’expérience que l’on fait de ces sites et l’image de la politique des sites qui peut en découler.

La réflexion sur les parkings a clairement à voir avec la question des accès au site, la question des modes de cheminement et des modes d’accès aux paysages dont on a vu les qualités dans les points 3 à 8 ci-des- sus.

Il s’avère que les parkings de la cascade de Salins ne sont pas placés de la même manière que les parkings du site de Salers ou des cascades de la Cère… Il y a des sites sans parking. Dans quelle mesure cela est positif ou négatif ? Certains sites ont des parkings récents comme le château de Val ou les cascades de la Cère. D’autres ont des parkings par défaut comme ceux que l’on trouve le long de la route qui mène au site. Les parkings, pour les sites très visités sont très vite gourmands en place. Il peut s’avérer que le rap- port entre les parkings et le site soit surprenant comme à Salers ou même au Puy Mary. D’autres prennent la place d’éléments de jardin, faute de place, comme au château de Pesteils où le parking vient de rempla- cer le site du verger. Sans aller contre ces développements nécessaire de parking, une réflexion étayée, comparative, faisant percevoir des différences entre types d’implantation de parking, types d’aménage-

236 ments, pourrait être très utile pour accompagner le développement des sites et la préservation de l’expé- rience que l’on peut en faire.

La signalétique sur les sites influe largement le type d’expérience que l’on peut en avoir. Mais elle est fina- lement de moindre importance ou pose moins de problèmes que celle des parkings dans la mesure où assez souvent, nous avons remarqué que le caractère hétérogène de cette signalétique était très inattendu et inté- ressant et que cela pouvait donner un très grand charme à la visite que l’on pouvait en faire (exemple du site du Sailhant). C’est au contraire dans les sites où la signalétique a été homogénéisée, comme celui du Pas de la Cère et de la cascade de la Roucoule, que des questions peuvent être posées. Par exemple celle d’une orientation trop téléguidée du regard, d’une trop grande explication des choses sur site quand elle pourrait se faire au niveau des parking et puis se laisser oublier un peu lors de l’expérience sensible du lieu. Ce sont ces genres de problématiques sur lesquelles a beaucoup réfléchi le Conservatoire du Littoral Français, par exemple, et qui a pris une position très claire sur une présence réduite, discrète ou très loca- lisée en amont, de signalétique explicative ou d’orientation. C’est peut-être un exemple à suivre sur ce point pour certains sites inscrits et classés très fréquentés.

Remarque sur un aménagement contemporain singulier : A noter la toiture d’un supermarché de Saint-Flour installé en partie basse de la ville dans le champ de visi- bilité du belvédère de la partie haute, qui offre une vue panoramique sur les alentours de la planèze. Le per- mis de construire n’a du être délivré qu’en imposant un traitement particulier de la toiture. Si bien que c’est un des rares exemples de toiture végétale de supermarché en France. Le cas est suffisamment curieux pour être mis en avant comme exemple.

Parking de la chapelle Saint Antoine à Chastel sur Murat ; accès au site de la chapelle Notre-Dame-du-Château à Pleaux. L’inventaire des sites est aussi un inventaire de la façon dont la volonté aménagiste s’exerce sur un lieu et lui confère un caractère “découvert”, voire saturé d’information, ou “à découvrir”, laissé aux capacités d’orientation et d’in- terprétation des visiteurs.

237 12. Répartition des sites dans le département : la relation entre sites et entités paysagères différen- ciées par l’Atlas des paysages du Cantal

Nous rappelons que la méthode utilisée pour différencier des entités paysagères dans cet Atlas est la méthode « réaliste » d’une géographie au sein de laquelle les paysages sont appelés « paysages physi- ques ». Nous sommes par ailleurs relativement critiques vis-à-vis de cette méthode qui ne prend pas en compte les paysages en termes de modes d’appréhension et d’appréciation des territoires que des pratiques diverses traduisent, notamment des pratiques habitantes (voir, pour mieux comprendre cela, la méthode des procédures photographiques que nous avons mis au point pour la mise en place d’un observatoire des pay- sages dans le département de l’Allier, qui prend comme point de départ ces modes d’appréciation et ces pratiques et focalisent l’attention sur des points précis du territoires, des fragments discontinus et non des zones géographiques en forme de puzzle occupant tout le territoire du département). Ces remarques n’ap- pellent pas à une remise en cause du découpage effectué dans l’Atlas, mais plutôt à son enrichissement, par croisement de données et articulation des politiques de paysage entre elles (atlas-inventaire ; chartes pay- sagères ; observatoire photographique ; inventaires, etc.).

238 Artense

Pays de Sumène Pays coupés de l’Alagnon

Plateaux du nord Cézallier

Plateaux de l’ouest

Xaintrie Margeride

Massif Plateau de l’Est

Bassin d’Aurillac Carladez

Aubrac Châtaigneraie

Sites protégés et entités paysagères inventoriées (Carte établie d’après le découpage proposé par l’Inventaire des paysages du Cantal, CPIE du Cantal, édition CDRom, Diren Auvergne, 2005).

La carte ci-dessus montre la superposition de la partition en entités paysagères et la répartition de l’ensem- ble des sites. Elle montre une répartition inégale des sites par entités. Les deux extrêmes sont ceux du Massif cantalien, à la fois entité paysagère et site protégé (par extension avec le périmètre de l’opération grand site) ; l’autre extrême sont les entités Aubrac et Margeride, ne possédant aucun site protégé, alors que leur évocation renvoie à des paysages emblématiques des hautes terres du Massif central. Le Cézallier et la Châtaigneraie sont également peu pourvus. Il y a, indépendamment de ce découpage, une forte dissy- métrie entre l’est et l’ouest du département. La bordure ouest du volcan cantalien, du nord au sud, forme une sorte de demi-couronne qui apparaît nettement. On peut y déceler des sites installés sur des rebords de coulées (comme Salers, Carlat, Salins) ou dans les vallées rayonnantes du volcan. Les sites situés le plus à l’ouest, sur les confins auvergnats et limousins mettent souvent en scène le volcan, vu à distance : c’est le cas du château de La Vigne, de Cologne ou plus au sud du Puy de l’arbre. En quelque sorte, l’inventaire des sites cantalien raconte lui aussi la géographie du département. On y décèle l’omniprésence du volcan cantalien, tandis que des entités comme la Margeride et l’Aubrac semblent des morceaux détachés d’enti- tés extérieures. Cela n’empêcherait pas, à l’avenir, un travail concerté de prospection et de rééquilibrage.

239 13. Propositions

13.1. Les expériences paysagères

Nous avons commencé ce bilan en insistant sur les différents modes d’appréciation que traduisaient les sites que nous avons visité. Nous avons fait des listes de ces modes d’appréciations, de différents modes de cheminement, de différents modes d’accès aux paysages, parce que nous pensons que ce que l’on pro- tège, ou que l’on perpétue par une inscription ou un classement de site, ce sont avant tout des expériences — ou du moins la possibilité de les reproduire. Ces expériences de territoires sont plus ou moins ancien- nes mais reflètent toujours un moment singulier de notre culture et de notre rapport au territoire. Les cho- ses ou constituants de l’environnement, les agencements qui constituent des sites ne sont que les moyens qui ont rendu ou rendent encore possibles ces expériences. C’est peut-être ce qui peut différencier une poli- tique de protection strictement environnementaliste d’une politique des sites. Et c’est aussi pourquoi beau- coup de sites ont été largement transformés au cours du temps sans pour autant que les conditions de l’ex- périence que d’autres en faisaient, avant nous, aient disparu. À l’inverse, comme nous l’avons vu plus haut, des installations et modifications minimes des sites peuvent orienter positivement ou négativement cette expérience, l’enrichir ou l’appauvrir.

L’objet de protection des procédures d’inscription et de classement de sites, ce sont donc des expériences de paysages, plus ou moins anciennes, parfois même actuelles. Ce sont d’ailleurs de moins en moins des expériences anciennes qui font l’objet de classement mais de plus en plus des qualités d’expériences pré- sentes, comme c’est le cas pour le site des Monts du Cantal par exemple : c’est sur la possibilité de pou- voir accéder à une richesse floristique, faunistique, d’une relation visuelle désencombrée de l’infrastruc- ture touristique qui la sous-tend, de multiples façon d’accéder au lieu (du car à la marche à pied), donc sur la base d’un type de tourisme actuel (même s’il prend racine dans l’histoire du tourisme, et plus particuliè- rement du tourisme du spectacle de la nature) que repose la volonté de préserver ce site. C’est d’ailleurs plus le caractère emblématique de notre rapport avec la nature qui prévaut aujourd’hui quand hier, c’était plus caractère de monument chargé d’histoire qui prévalait. D’où l’importance, en nombre, des sites de château et des sites-objets dans le département du Cantal, comme cela avait été le cas dans le département de l’Allier.

La question des châteaux :

Si c’est une expérience passée qui doit être préservée pour illustrer un rapport ancien au paysage, il est inté- ressant de se demander de quelle nature est ce rapport dans le cas d’un château. Or il est assez facile d’en trouver la réponse : c’est un rapport de domination, de maîtrise du territoire alentour et, pour les châteaux les plus anciens, de défense. Les panoramas qu’offrent les sites de château sur le paysage sont en réalité des points stratégiques de contrôle et de maintien d’une position sociale dans le territoire. Il est assez dif- ficile d’en refaire l’expérience aujourd’hui et les points de vue naturels, surtout dans le Cantal ne manquent pas qui, sans château, offrent de beaux panoramas. Les rapports pour l’inscription ou le classement des châ- teaux insistent souvent sur la lignée de leurs propriétaires, sur une histoire des familles qui est relativement élitiste et ne correspond pas forcément à l’état d’esprit de la politique des sites, en tout cas aujourd’hui.

Cela ne remet pas en question l’intérêt patrimonial de ces châteaux en tant que constructions et chef-d’œu- vre de l’architecture du passé mais cela mérite un classement au titre des Monuments historiques, non pas au titre des sites car cela crée une confusion certaine.

Cette question des châteaux rappelle une orientation particulière à une époque donnée de la politique des sites. Elle reste aujourd’hui encore très marquante malgré son anachronisme. Comme nous l’avons déjà mentionné, il ne faut pas oublier que tous les châteaux inscrits du département du Cantal l’ont été au cours de la première grande campagne d’inscription entre 1933 et 1947. 37 sites sur les 51 du Cantal ont été ins- crits ou classés. 17 des 18 sites de château ont été inscrits dans cette période. La deuxième campagne a eu lieu de 1972 à 1986 (11 sites dont les Mont du Cantal pour clore la période) et 1 seul site a été inscrit entre ces deux campagnes (1965 : les plateaux à Massiac) et 1 site a été inscrit récemment (1996).

La politique des sites est donc soumise à des partis pris historiques qui influent le choix des sites à proté-

240 ger, le choix des expériences paysagères, les modes d’appréciations des paysages. Quand il y a 60 ans, la tendance était à l’inscription des abords d’objets dans le paysage, aujourd’hui la tendance est plutôt au caractère emblématique d’un territoire (exemple des Monts du Cantal). La question est donc : quelle expé- rience paysagère veut-on perpétrer ou de quelle expérience veut-on rendre compte par l’inscription ou le classement ? Il faut pouvoir répondre à la question : à quelles expériences paysagères, présentes ou ancien- nes, se réfère-t’on quand on inscrit ou classe un site ?

Et comment, ensuite, par une gestion appropriée, permettre que l’on puisse la reproduire dans des condi- tions contemporaines ?

13.2. Systèmes de sites

Dans notre étude sur le département de l’Allier, nous avions développé la notion de systèmes de sites pour faire émerger des thématiques qui puissent contribuer à retrouver un intérêt à un ensemble éclaté de petits sites, dont la valeur individuelle est moindre que ce que cette mise en relation propose. Dans le Cantal, nous voyons émerger les thématiques suivantes (cette liste n’est pas exhaustive, les services de l’Inventaire travaillant par ailleurs sur des itinéraires culturels qui sont très proches de cette façon de voir les sites) :

- La Vallée de la Cère et le tourisme de villégiature. Ensemble de sites regroupés comme ceux des cascades (4 proches de Vic-sur-Cère), que l’on pourrait relier à l’apparition d’un tourisme de cure à Vic-sur-Cère. Par ailleurs, il existe dans le Cantal de nombreuses sources ayant fait, à une époque donnée, l’objet d’une pratique de commercialisation et de cure.

- Les hauts-lieux du Cantal, dus à la géologie particulière du département : Système de tables et de points hauts, souvent exploités à des fins défensives ou religieuses, voire scientifique (mise en place du réseau géodésique), convoités aujourd’hui pour l’installation des antennes de téléphonie mobile.

- Les sites historiques du Carladez

13.3. Grandes lacunes dans la protection de sites du Cantal

Il serait nécessaire d’orienter la politique des sites dans deux voies inexistantes jusqu’à aujourd’hui mais très présentes dans les paysages du Cantal, qui constituent des entités paysagères particulières : 1) les pay- sages et modes d’appréciations ordinaires ; 2) les paysages de l’hydroélectricité ; 3) les routes.

13.3.1. Les paysages et modes d’appréciations ordinaires

Il est assez symptomatique, comme nous l’avons déjà dit, que rares sont les sites qui traduisent des modes d’appréciation ordinaires et quotidiens des habitants du Cantal. Or, le territoire du Cantal est largement occupé par une pratique très ordinaire : l’élevage. A cette pratique sont associés des modes de perception très particuliers de l’environnement qui, deuxième particularité du Cantal, est relativement hostile en terme de relief et de conditions climatiques. Les saisons impliquent des modes de repérage spatiaux ou tempo- rels adaptés. Une sensibilité particulière aux signes climatiques est le fondement de cette culture ordinaire. Il est assez significatif qu’un article publié dans le numéro 2 de la revue Patrimoine en Haute-Auvergne (Septembre 2004) s’intitule « La neige dans le Cantal ». Il est aussi assez significatif qu’un habitant de Salers, questionné sur le plus bel endroit du département, ait répondu sous une forme temporelle plus que spatiale en disant que les vallées disposées en étoile autour du massif du Cantal, fonctionnaient en automne comme une grande horloge colorée puisque les orientations induisaient des changements de couleur des feuillages décalés d’une vallée à l’autre. De multiples signes comme la qualité de l’herbe par exemple, le son des cloches ou des configurations de pentes ou de rocher… servent de repérages dans le territoire, invi- sibles au néophyte mais ordinaire pour les habitants.

Les énormes granges cantaliennes et les burons en altitude traduisent aussi ces pratiques. Des complexes urbains sont le résultat de l’exploitation du lait et de la vache comme à Riom-es-Montagne, qui de plus se complexifie des pratiques contiguës d’exploitation de la gentiane dans les prairies d’altitude, qui a marqué l’histoire et les pratiques locales. Les conséquences culinaires ne sont pas anodines pour l’image du dépar-

241 tement. Il y a peut-être un décalage entre la politique des sites qui s’est appesantie pendant longtemps sur des architectures singulières, civiles ou religieuses, ou les sites naturels spectaculaire et le fonctionnement propre de ces paysages.

Certains des sites déjà inscrits ou classés touchent ce sujet (le site de Salers, le site du château de Murat dans lequel se trouve une énorme grange ancienne et un hangar récemment construit de qualité, le site de Lalaubie avec ses granges dans le hameau et le son des cloches des vaches à l’origine de l’inscription du site…) mais ce n’est jamais vraiment affirmé comme un point central de la politique des sites dans le dépar- tement. Réorienter ou infléchir cette politique dans ce sens est-il possible ? On peut soumettre l’idée d’un rapprochement de la politique régionale des sites avec l’initiative des « sites remarquables du goût », réseau d’initiatives, de producteurs et de produits qui expriment un savoir-faire précis en relation avec un territoire. Dans le Cantal, Salers est labellisé et possède un site inscrit ; ce site pourrait être étendu, par l’in- termédiaire de nouvelles inscriptions à des sites d’élevage et de transformation emblématiques. À l’est, une réflexion analogue pourrait être engagée sur la planèze de Saint-Flour, autour de la production de froma- ges ou de la lentille blonde.

13.3.2. Les paysages de l’hydroélectricité.

Les grands travaux d’EDF pour l’exploitation de l’énergie hydroélectrique ont été réalisés à partir des années 1930-1940 en France. Cela n’a pas été sans conséquences pour les paysages. Dans le Cantal, de grands ouvrages ont été réalisés : barrages sur la Dordogne, barrages sur la Truyère… avec le cortège de transformation relativement violente qui les ont accompagné : immersion des terres en amont, transforma- tion du cours d’eau et des variations de débit en aval, et infrastructures de transport de l’énergie au loin (pylônes et lignes). Aujourd’hui, une nouvelle aire de production intensive d’énergie, après celle des cen- trales nucléaires, commence avec les champs d’éoliennes.

Dans les années 30-40, le rapport entre l’inscription des sites et la création de ces nouvelles infrastructu- res est important puisque l’implantation de pylônes est un thème récurrent dans les dossiers d’inscription des sites de cette époque. Il semble même que l’histoire des sites inscrits et celle de la production d’élec- tricité est assez étroitement liée. Des formes actuelles de sites sont nées de l’échec de leur protection, comme par exemple le château de Val qui a gagné en pittoresque en devenant entouré d’eau après l’immer- sion de la gorge alentour par la construction du barrage de Bort-les-Orgues. Le site du pont d’Aynes a dis- paru en aval de ce même barrage. La lande d’Enchanet a accueilli un pylône au point le plus stratégique… Aujourd’hui, le site du château de Pesteils est confronté à un projet d’implantation d’éoliennes… Mais le plus intéressant est ce que les barrages construits dans les gorges sont devenus de nouveaux points de vue sur les rivières. Des belvédères, des cheminements ont été aménagés pour accéder d’une façon toute par- ticulière et souvent vertigineuse à une vue magnifique sur un paysage technique (« technoscape », disent les anglophones). Ce ne sont pas les sites les moins visités ni les moins appréciés du département. Leur agencement comme site est en réalité très complexe puisqu’ils ont aussi un intérêt relatif à une part de l’his- toire du pays. Le barrage de l’Aigle, par exemple, construit pendant la deuxième guerre mondiale, a joué un rôle important pour la résistance dans le Massif Central. D’un point de vue des usages, ces vallées se sont transformées après l’abandon des pratiques agropastorales de versants, et présentent aujourd’hui, mal- gré cela, de beaux faciès continus, permettant de retrouver un état de nature hybride, entre ruines de pay- sages agraires et reconquête par des dynamiques biologiques.

La politique des sites a souvent été dans le passé et est encore aujourd’hui confronté à l’installation de ces grandes infrastructures de production de l’énergie. Mais il semble que dans le Cantal comme certainement dans quelques autres départements de rivières à débits propices, ces réalisations deviennent progressive- ment des produits de l’histoire et sont regardés d’une façon différente. La vallée de la Dordogne entre Bort et Argentat, avec sa frontière cantalienne, pourrait constituer un tel réseau de sites (voir fiche du pont d’Aynes).

13.3.3. Les routes

L’enclavement du Cantal est un thème récurrent dans les politiques locales. Il en résulte une organisation singulière de la vie quotidienne, des services publics, des commerces ou des équipements qui font que la

242 Paysages de l’hydroéléctricité.

Barrage d’Enchanet, en aval de Pleaux ; vallée de la Dordogne en aval et en amont du barrage de l’Aigle ; plaque commémorative des actions de résistance au barrage de l’Aigle.

243 région ne ressemble à aucune autre. De grands travaux routiers sont annoncés, par vagues successives ; les améliorations apportées aux grands axes en font des voies plus sûres, plus rapides, malgré les contraintes du relief et du climat. Les vallées de la Cère et de l’Allagnon, sont paradoxalement de magnifiques sites paysagers mais aussi des couloirs de circulation fréquentés et soumis à des travaux constants. La fiche du Pas de Cère mentionne, par exemple, cette juxtaposition entre un site protégé et la route nationale. Les tra- vaux engagés au tunnel du Lioran fabriquent un paysage hybride de montagne et d’infrastructure.

Sur le réseau secondaire, on a par exemple signalé l’importance que peut avoir une déviation sur le deve- nir d’un site, comme c’est le cas dans la vallée de la Jordanne ou la déviation de Belliac donne à cette por- tion de vallée une tonalité de « périphérisation » marquée. Cette périphérisation de l’espace rural est un phénomène largement répandu, mais qui attend le département du Cantal comme un test ; la vue, si plai- sante, depuis les rues d’Aurillac sur des prairies à vache servira-t-elle d’emblème d’un rapport maîtrisé de la frontière espace rural/espace urbain ?

Historiquement, les routes de vallées n’étaient pas les plus fréquentées comme c’est le cas aujourd’hui. Les verrous glaciaires constituaient des obstacles que seuls des techniques d’ingénierie routière sont venues surmonter. Les grands itinéraires de commerce passaient par des crêtes et des cols qui permettaient de contourner le massif cantalien, là où aujourd’hui la route le traverse au beau milieu. Cette dichotomie entre routes de crêtes et routes de vallées est encore parfaitement visible, et sert même d’argument touristique. Quitter Aurillac par l’ancien chemin royal, nommé « route des crêtes », est un moment singulier dans l’ex- périence des paysages du Cantal : transition nette de la ville à l’espace rural, relative modestie du gabarit routier, qualité des vues sur la vallée de la Jordanne, fermes et bâtiments vernaculaires aux abords. Cette route pourrait faire l’objet d’une protection, à la fois comme reconnaissance de sa « présence » singulière dans la géographie cantalienne, et en amont d’un hypothétique recalibrage qui serait dommageable, entraî- nant souvent avec un remembrement et une accélération des extensions des bourgs. Le fait même de nom- mer une route, au-delà de son numéro, est un acte de distinction fort. Une inscription des abords et de la route elle-même doit être étudiée.

244 Carte extraite de l’ouvrage d’Alfred Durand, Aurillac, géographie urbaine, 1946.

Ci-contre : la route des crêtes à la Borie Haute.

245 13.4. Indications pour des prospections futures

Les vallées rayonnantes : système de protection (sites / ZPPAUP / Périmètres de protection MH modifiés) sur les vallées de la Cère, de la Jordanne, du .

L’Aubrac, le Cézallier, la Châtaigneraie, la Margeride : V. paragraphe 12.

Patrimoine géologique : existe-t-il des sites particulièrement révélateurs de l’histoire géologique du volcan cantalien, tels que d’anciennes carrières, des affleurements, des rochers particuliers qui, sans avoir une importance déterminante sur le paysage ont un intérêt scientifique majeur ?

(V. Alain De Goer de Herve, « La lente émergence du patrimoine géologique », Revue d’Auvergne n°571, 2004).

13.5. Liste des sites inscrits pouvant justifier d’un classement (se reporter aux rubriques « proposi- tions » des fiches pour des indications supplémentaires) :

Château de Sailhant et cascade de Basborie (Andelat) Rocher ou « table » de Carlat et ses abords La roche de Landeyrat (avec extension du site) Site du Puy de l’Arbre (Monsalvy), après aménagement adapté du site (V. fiche). Site de Notre-Dame-du-Château à Pleaux, avec extension aux gorges de la Site de la cascade de Salins, après aménagement du parking Pas de Cère

13.6. Liste des sites inscrits pouvant être désinscrits ou faire l’objet d’une mise en cohérence avec l’inventaire des monuments historiques :

Pont de Cabrières Château de Val Château de la Voulte et ses abords () Château de Cologne () Site du château de Murat (Saint-Etienne-de-) Site du château de Sourniac Château de Couzan et ses abords (Vebret) Colline du buis à Aurillac et extension

Ces éléments sont repris dans le tableau de synthèse suivant.

13.7. Liste des sites devant faire l’objet d’une visite rapide ou d’une étude paysagère :

Ceux de la liste 13.5 plus les sites suivants :

Ancien couvent de la visitation à Aurillac (classé) Site des plateaux de Massiac Lande d’Enchanet (Pleaux) Château de Messilhac (Raulhac) Orgues basaltiques de Saint-Flour Château de Mazerolles

246 TABLEAU DE SYNTHÈSE Classement Désinscription ZPPAUP exist Nom du site Commune(s) N° Page à étudier à étudier ou à étudier Rocher de la chapelle de Bredons Albepierre Bredons 27 19 Château de La Vigne et ses abords Ally 29 23 Château de Sailhant et cascade Andelat 30 27 x Pont de Cabrières et rives de la Cère Arpajon/Cère… 33 31 x Colline du château de Saint-Etienne Aurillac 18 35 x Quartiers anciens Aurillac 35 39 x Colline du buis Aurillac 36-37 39 x x Rocher ou « table » de Carlat Carlat 71 43 x Pont d’Aynes et ses rives Chalvignac 73 47 Ruines du château de Miremont Chalvignac 72 51 Chapelle Saint-Antoine et roc Chastel sur Murat 74 55 La roche de Landeyrat Landeyrat 104 59 x Château de Val Lanobre 105 63 x Ensemble formé par le bourg ancien Laroquebrou 106 67 x Ruines du château de Madic Madic 125 71 Château de la Voulte et ses abords Marmanhac 126 75 x Plateaux de Saint-Victor et Chalet Massiac 127 79 Site de Chastel Marlhac Le Monteil + Vebret 192 83 Site du Puy de l’Arbre Montsalvy 128 87 x Centre ancien de Murat Murat 129 91 x Château de Cologne et ses abords Naucelles 141 95 x Site de Notre-Dame du château Pleaux 148 99 x Ruines du château de Branzac Pleaux 146 103 Lande d’Enchanet Pleaux 147 107 Château de Vixouse et ses abords Polminhac 149 111 Propriété et château de Messilhac Raulhac 204 115 Chapelle Notre-Dame du château Saignes 214 119 Site du château de Murat Saint Etienne de Maurs 215 123 x Orgues basaltiques Saint-Flour 218 127 x Site du calvaire de Saint-Flour Saint-Flour 216 131 x Partie Est de Saint-Flour Saint-Flour 219 135 x Promenade Spy des Ternes Saint-Flour 217 139 x Château de la Laubie et Belliac Saint-Simon 220 143 Site de Salers Salers 221 147 x Site de la Cascade de Salins Salins 222 151 x Château de Mazerolles Salins 223 155 Site du château de Sourniac Sourniac 224 159 x Cascade du Faillitoux Thiezac 226 163 Cascade de la Roucoule Thiezac 225 167 Cascade du Pas de Cère Thiezac 227 167 x Site du château d’Anjony et village Tournemire 228 171 x Lacs de Lastioulles et de la Crégut Trémouille 229 175 Château de Couzan et ses abords Vebret 189 179 x Site de la cascade de la Conche Vic-sur-Cère 230 183 x 247 BIBLIOGRAPHIE

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