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L’assomoir Germinal de Claude Berri Thierry Horguelin

Numéro 70, décembre 1993, janvier 1994

URI : https://id.erudit.org/iderudit/22889ac

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Éditeur(s) 24/30 I/S

ISSN 0707-9389 (imprimé) 1923-5097 (numérique)

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Citer ce compte rendu Horguelin, T. (1993). Compte rendu de [L’assomoir / Germinal de Claude Berri]. 24 images, (70), 73–73.

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L'ASSOMMOIR

par Thierry Horguelin

erminal ne dépasse jamais le ni­ G veau de l'illustration académique. Il serait même exagéré de parler d'adapta­ tion. Le roman de Zola est simplement mis en boîte, d'une façon si respectueuse de l'anecdote du récit qu'elle en oublie l'essentiel, le souffle, l'ampleur, la vision. Pas l'ombre ici d'une idée de cinéma, de Etienne Lantier (Renaud) et Maheu (Gérard Depardieu). plan, de mise en scène. Claude Berri sem­ ble même n'avoir pas de point de vue sur le livre dont il s'inspire; il n'en suggère, témoin décalé d'un engrenage qu'il dé­ parisien de 1993. Les vêtements semblent comme on dit, aucune «lecture». Cette clenche presque malgré lui, suggèrent cet­ tout droit sortis du Musée. Les fêtes do­ absence de visée explique la difficulté te piste intéressante, malheureusement minicales virent au catalogue des Arts et qu'il y a à cerner le projet: pourquoi faire abandonnée aussitôt que suggérée. traditions populaires. La mine de Mont- Germinal aujourd'hui? Par piété filiale, Elle aurait pourtant permis de re­ sou, comme la Provence de Jean de Flo- comme l'indique la dédicace? Pour puiser trouver le roman par un biais inattendu. rette, ressemble à un srudio de cinéma. dans le passé de quoi éclairer le présent? Contre ses propres préceptes, le réalisme Dans les mouvements de foule, on croit Par devoir de mémoire, au moment où de Zola est un réalisme visionnaire. Ger­ encore entendre le cinéaste crier «Mo­ ferment les dernières mines, à une classe minal le livre n'est pas seulement une teur!» juste avant que les figurants ne ouvrière dont on dit un peu vite qu'elle enquête sans précédent sur la condition s'ébranlent, en trop bon ordre. Même la n'existe plus? Par amour pour un roman ouvrière et la question sociale à la find u misère, la houille, la sueur et les larmes qui vous a marqué? Pour continuer, après XIXe siècle, c'est une œuvre nourrie ont quelque chose d'immaculé. L «authen­ Pagnol et Marcel Aymé, de mettre à d'images, de hantises, d'obsessions (de ticité» de Germinal relève de la promo­ contribution le patrimoine littéraire? On l'écroulement, du feu, mais aussi de la fé- tion: le tournage a bien pris place dans le n'en sait trop rien après 160 minutes de condité, de la «germination») qui trans­ Nord de la France, les figurants sont d'an­ projection. figurent son matériau documentaire et lui ciens mineurs, mais il faut le lire dans le Elle entraîne aussi, cette absence de donnent sa puissance véritablement my­ dossier de presse pour l'apprendre, tant regard, l'indécision de la mise en œuvre. thique. La mine y est un vivant Moloch et cette «vérité»-là n'est pas inscrite dans la Germinal oscille entre le naturalisme plat le prolétariat, «une armée venue des pro­ matière du film, tant la mise en scène lui et l'image d'Épinal, enrre l'allégorie (Miou- fondeurs». reste étanche. Germinal ou le cinéma en Miou en Mère Courage) et la caricature Au contraire, le naturalisme de Ger­ conserve. • grinçante (les grands bourgeois, l'anar­ minal le film relève d'une conception sco­ chiste à tête de Lénine), sans jamais par­ laire, d'un réalisme quasi socialiste. La GERMINAL venir à fusionner ces registres, ni à tirer mise en scène selon Claude Berri esr une Ré.: Claude Betri. Scé.: Berri et Ariette Lang- parti de leurs contrastes. Ils s'annulent les esthétique du rabot. Elle nivelle et elle mann, d'après le roman d'Emile Zola. Ph.: Yves Angelo. Mont.: Hetvé De Luze. Mus.: Jean- uns les autres, tout simplement. Un mo­ égalise. Elle parvient même à neutraliser Louis Roques. Int.: Renaud, Gérard Depardieu, ment, Berri semble même tenté par le le jeu stupéfiant de Jean-Roger Milo qui, Miou-Miou, Jean Carmet, Judith Henry. 160 réalisme fantastique. L'histoire d'Etienne en brute hallucinée, se hausse seul à la minutes. Couleur Disc: C/FP. Lantier peut en effet se voir comme celle dimension «épique» du sujet. Elle reste d'un ange exterminateur venu d'ailleurs, finalement prisonnière des tares habituel­ surgissant, le visage blême, dans la nuit de les de la qualité française. Tout est propre la mine, et quittant la région après avoir et net, conforme et uniforme, rien ne dé­ semé le malheur et la mort. Le début du borde. L'un vient du Nord et l'autre du film, le jeu inexpressif du pâle Renaud, Midi, mais tous parlent avec l'accent

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