BOIS ET FORÊTS DES TROPIQUES, 2001, N° 270 (4) DOSSIER 15 FILIÈRE BOIS ÉNERGIE / ZONES SÈCHES

Évolution de la filière bois énergie et dynamique des formations ligneuses autour de l’Office du Niger

L’accroissement démographique lié à l’extension des surfaces cultivées pose le problème de l’approvisionnement en bois alors que les ressources ligneuses se raréfient. Outre une gestion plus rigoureuse de ces Florence Brondeau ressources, l’introduction de nouvelles sources d’énergie semble inévitable. Université Paris-IV Sorbonne UMR 8586 PRODIG 191, rue Saint-Jacques 75005 Paris France

Photo 1. Marché de Siengo (mars 2000) vente de bois d’œuvre. Le bois domestique est vendu la nuit dans les rues, à l’écart des contrôles. Market at Siengo (March 2000) sail of timber. Household wood is sold by night in the street out of sight of the authorities. BOIS ET FORÊTS DES TROPIQUES, 2001, N° 270 (4) 16 DOSSIER DRY ZONES / FUELWOOD SECTOR

RÉSUMÉ ABSTRACT RESUMEN

ÉVOLUTION DE LA FILIÈRE BOIS DEVELOPMENT OF THE FUELWOOD EVOLUCIÓN DEL SECTOR ÉNERGIE ET DYNAMIQUE DES SECTOR AND DYNAMICS OF DENDROENERGÉTICO Y DINÁMICA FORMATIONS LIGNEUSES AUTOUR LIGNEOUS FORMATIONS AROUND DE LAS FORMACIONES LEÑOSAS EN DE L’ THE NIGER OFFICE TORNO AL OFFICE DU NIGER

Les périmètres irrigués de l’Office du The irrigated perimeters of the Niger Niger connaissent un renouveau de- Office have been undergoing a revival Las áreas de regadíos del Office du puis la fin des années 1980, qui se since the late 1980s, taking the form Niger han vuelto a entrar en un perío- traduit par un accroissement de la po- of a growth in population and in culti- do de dinamismo desde el final de los pulation et des superficies cultivées, vated areas, and including the pro- ochenta, que se refleja en un incre- ainsi que par la programmation de gramming of extension projects which mento de población y zonas cultiva- projets d’extension qui aboutiraient will culminate between now and 2008 das, y en la programación de proyec- d’ici 2008 à un doublement des su- in a doubling of developed areas. So tos de extensión conducentes, de perficies aménagées. Les besoins en fuelwood requirements are on the up, aquí al 2008, a duplicar las áreas or- bois énergie augmentent donc, alors while wood resources are being ex- denadas. Esto provoca un aumento que les ressources ligneuses s’épui- hausted on the edges of the Office en las necesidades de dendroenergía, sent aux abords de la zone de l’Office. zone. Wood supplies for urban cen- mientras que los recursos leñosos se L’approvisionnement en bois des tres and “colonat” villages are be- agotan en los alrededores del Office. centres urbains et des villages du coming a problem and depend more El abastecimiento de madera para « colonat » devient problématique et and more on neighbouring dry re- centros urbanos y pueblos de “apar- dépend de plus en plus des régions gions, sometimes a great many miles cería” se vuelve difícil y depende sèches voisines, éloignées parfois de away. Prices are undergoing very cada vez más de las regiones secas plusieurs dizaines de kilomètres. Les rapid inflation, while woodcutters vecinas que, a veces, están a varias prix connaissent une inflation très ra- have to travel ever greater distances. decenas de kilómetros. Los precios pide, tandis que les bûcherons doi- It should be said that the commercial experimentan una rápida inflación, vent parcourir des distances de plus sector is still very poorly organized. mientras que los leñadores deben re- en plus longues. Il faut dire que la fi- At a time when extension works are correr distancias cada vez más largas. lière commerciale est encore très mal getting under way, it is worth taking a Hay que señalar que el sector comer- organisée. À l’heure où les travaux look at the development of plant for- cial está aún muy mal organizado. En d’extension débutent, il est intéres- mations in one or two major logging el momento en que se inician las sant d’étudier l’évolution des forma- zones. The findings speak for them- obras de extensión, es interesante tions végétales dans quelques zones selves, though they need to be treat- estudiar la evolución de las formacio- principales de coupe. Le bilan est élo- ed with caution: wood resources are nes vegetales en algunas zonas prin- quent, bien qu’à nuancer : les res- becoming rarefied and degrading, in cipales de tala. El balance es elocuen- sources ligneuses se raréfient et se particular to the north of and in te, aunque deba matizarse: los dégradent, en particulier au nord de the regions of and , recursos leñosos se rarifican y se de- Niono et dans les secteurs de Diabaly while the gazetted and protected gradan, especialmente al norte de et Sokolo, tandis que les forêts clas- forests of the Macina are being more Niono y en las zonas de Diabaly y sées ou protégées du Macina sont de and more threatened by illegal felling. Sokolo, mientras que las reservas fo- plus en plus menacées par les coupes Yet this process of degradation can restales del Macina se hallan cada clandestines. Ce processus de dégra- also be attributed to other factors: cli- vez más amenazadas por las cortas dation est toutefois imputable à matic aridification, spread of areas clandestinas. No obstante, este pro- d’autres facteurs : aridification clima- put to crops, uncontrolled fires, over- ceso de degradación se puede acha- tique, extension des surfaces culti- grazing... A fuel supply programme car a otras causas: aridificación cli- vées, feux non maîtrisés, surpâtu- for the Office zone must take the mática, extensión de las áreas de rage… Un programme d’approvision- complexity of this situation into ac- cultivo, fuegos no controlados, sobre- nement énergétique de la zone de count. pastoreo... Los programas de abaste- l’Office doit prendre en compte la cimiento energético de la zona del complexité de cette situation. Keywords: fuelwood, consumption, Office deben tener en cuenta la com- supplies, plant formation, mapping, plejidad de esta situación. Mots-clés : bois énergie, consomma- Niger Office. tion, approvisionnement, formation Palabras clave: dendroenergía, con- végétale, cartographie, Office du sumo, abastecimiento, formación ve- Niger. getal, cartografía, Office du Niger. BOIS ET FORÊTS DES TROPIQUES, 2001, N° 270 (4) DOSSIER 17 FILIÈRE BOIS ÉNERGIE / ZONES SÈCHES

Introduction L’approvisionnement en bois des Les périmètres irrigués de tion, les périmètres irrigués semblent l’Office du Niger sont les plus vastes prendre un nouveau départ à la fa- périmètres irrigués d’Afrique de l’Ouest et leurs potentia- veur de réformes sans précédent, en- lités sont énormes. Ils couvrent ac- gagées par les programmes de réha- tuellement quelque 66 000 ha, mais bilitation néerlandais et français La consommation les aménagements projetés d’ici (Arpon et Retail) depuis le milieu des de bois : croissance 2008 prévoient une superficie de plus années 1980. Forts de leur réussite au rapide et évolution de 100 000 ha : 177 700 ha d’après le moins relative, ces programmes fu- vers un type urbain scénario le plus optimiste, 120 000 ha rent successivement reconduits et les selon les prévisions les plus réalistes projets d’extension se multiplièrent D’après le dernier recensement (SOCEPI, 1998 ; carte 1). sous l’égide de divers bailleurs de (1998), la zone de l’Office du Niger Ces périmètres ont été mis en fonds (carte 1). compterait environ 100 000 habitants place à l’époque coloniale, d’après Face au développement des cul- (tableau I). Les centres urbains de les études réalisées par l’ingénieur tures irriguées, et dans la perspective Niono, Macina, Diabaly, et Bélime à partir de la construction du des programmes d’aménagement concentrent près de barrage de , achevé en 1947. prévus à court terme, se pose le pro- 50 % de la population (45,3 %). Leur exploitation, au départ essen- blème de l’approvisionnement en Niono constitue de loin le plus gros tiellement orientée vers le coton, de- bois de cette région dont les res- centre urbain avec 18 500 habitants vait fournir des matières premières sources ont déjà souffert des séche- (tableau I). L’accroissement de la po- aux industries textiles françaises. La resses. Une réflexion sur l’évolution pulation est directement lié au déve- production rizicole, quant à elle, était de la filière bois énergie s’impose loppement des périmètres irrigués : destinée à sécuriser l’approvisionne- dans cette région au regard de l’ac- l’intensification de la production a ment alimentaire des populations lo- croissement démographique et de permis une réduction de la taille des cales, affectées par des disettes ré- l’évolution des modes de consomma- exploitations, les réhabilitations en currentes (les famines de 1911 et 1941 tion. Alors que les grandes villes afri- cours et les extensions prévues atti- furent particulièrement meurtrières). caines se dotent de schémas d’appro- rent beaucoup de candidats au « co- Par la suite, la riziculture devint rapi- visionnement en bois (Niamey, lonat », originaires des régions voi- dement la production principale …) et tendent vers une diver- sines, voire plus éloignées (ensemble (Schreyger, 1984). sification des sources d’approvision- du , Burkina). Des années durant, les résul- nement en énergie domestique, avec La consommation de bois liée à tats furent décevants, les colons re- la promotion du charbon de bois, du la production d’énergie domestique crutés de force bien souvent (les pétrole et de l’électricité (Matly, serait donc en accroissement Mossi du Yatenga en particulier) 2000), une telle évolution est-elle constant. Il faut dire que ce combus- étant peu motivés, confrontés à un di- déjà sensible et de semblables pers- tible représente, pour l’instant, quasi- rigisme voire un autoritarisme exces- pectives sont-elles envisageables à ment la seule source d’énergie utili- sif de la part de la France puis de l’É- l’échelle de l’Office du Niger ? sable et couvre pratiquement 100 % tat malien. Longtemps pénalisés par Cet article a pour but de synthé- des besoins (charbon de bois inclus). la répression de toute initiative indivi- tiser les données concernant l’appro- La consommation atteignait 64 000 t duelle et l’incohérence de leur ges- visionnement en bois de la zone de en 1998 (tableau I), pour l’ensemble l’Office et l’évolution consécutive des de la zone de l’Office. Les zones ur- formations végétales de la région, à baines y participent pour 39,7 %, les partir des résultats obtenus au cours zones aménagées pour 43,7 %. Il faut d’enquêtes réalisées sur le terrain en ajouter la consommation des zones 1998 et en 2000. sahéliennes adjacentes qui abritent environ 150 000 habitants (tableau II). Ce chiffre est obtenu en comptabili- sant la population des cercles de Photo 2. Route de Ségou, près de Siribala Niono et de Macina, à l’exception des (mars 2000), récolte de la canne à sucre. Au communes de la rive droite du Niger, fond, des boisements d’eucalyptus assurant dont l’évolution paraît indépendante les besoins en bois des usines sucrières, qui de celle de l’Office du Niger (soit par ailleurs utilisent essentiellement les 80 000 habitants). résidus de la canne comme combustible. The road to Ségou, near Siribala (March 2000), harvesting sugarcane. In the background, stands of eucalyptus meet the wood requirements of sugar-processing factories, which also essentially use the cane leftovers as fuel. BOIS ET FORÊTS DES TROPIQUES, 2001, N° 270 (4) 18 DOSSIER DRY ZONES / FUELWOOD SECTOR

Carte 1. Approvisionnement en bois de l’Office du Niger et pressions exercées sur les ressources ligneuses (réalisation : F. Bonnaud, 2000). Wood supply of the Niger Office and pressures on wood resources (drawn up by F. Bonnaud, 2000). BOIS ET FORÊTS DES TROPIQUES, 2001, N° 270 (4) DOSSIER 19 FILIÈRE BOIS ÉNERGIE / ZONES SÈCHES

En 1987, la consommation en les habitudes de la population en ma- taires des « colons » : le riz est souvent bois de la zone de l’Office du Niger tière de consommation de bois éner- fumé pour lui donner plus de saveur. était considérée comme de type rural gie (secteurs d’approvisionnement, En outre, les ménages dont le niveau (PIRL, 1987). Les villes étaient trop collecte ou achat, quantités néces- de vie a augmenté chauffent fréquem- petites pour générer l’organisation de saires…). La quantification de la ment l’eau du bain voire l’habitation réelles filières d’approvisionnement ; consommation a été définie à partir pendant la saison fraîche. Cette d’autre part, le niveau de vie des po- d’enquêtes réalisées auprès des cita- consommation de type urbain concer- pulations ne permettait pas d’effec- dins et des vendeurs de bois à l’inté- ne également les zones rurales amé- tuer des achats de bois ou de payer rieur des villes et sur les principaux nagées dont les besoins en bois éner- des bûcherons. Le charbon de bois axes qui les desservent. gie atteignent 0,57 t par habitant et n’était encore que très peu utilisé et Il ressort des données recueillies par an ; 30 % de ce bois est acheté (ta- chaque famille allait couper le bois que 31 à 95 % des citadins achètent bleau III). La consommation dans la nécessaire sur le finage du village. leur bois (tableau III). À Niono, à peine zone non aménagée est du même Il semble que, au cours de ces 5% des ménages le collectent eux- ordre (0,54 t), mais l’essentiel de l’ap- dix dernières années, cette situation mêmes. Ce mode de consommation provisionnement se fait encore direc- ait considérablement évolué. Dans le s’explique par l’augmentation du ni- tement dans la brousse (pour 83 % cadre de l’élaboration du rapport paru veau de vie des populations et la raré- des ménages environ ; tableau III). en 1998, l’étude AGEFORE-SOCEPI a faction des ressources ligneuses aux Le développement de la ville de mené des enquêtes précises dans 50 abords mêmes de la zone irriguée. Il Niono s’accompagne de l’installation villages (sur un total de 261), répartis s’accompagne d’une augmentation de d’activités commerciales et artisa- entre la zone aménagée (35) et les la consommation par habitant (0,44 t nales consommatrices de bois : bri- secteurs non aménagés (15), et dans en 1987, d’après le PIRL, contre 0,55 t queteries, rôtisseries, boulangeries, les trois villes principales (Niono, en 1998 ; tableau I). Cette évolution restauration, forges... Leur part dans Macina et Diabaly), afin de déterminer s’explique par les habitudes alimen- la consommation reste toutefois marginale (1 080 t en 1998 ; AGEFORE- SOCEPI, 1998). Tableau I Les usines de production de Consommation annuelle de bois énergie sucre de Dougabougou et Siribala dans la zone de l’Office du Niger, 1998. ne consomment que peu de bois (res- pectivement 192 et 5 994 t par an ; tableau I). En fait, les chaudières sont Nature de la Zone enquêtée Population Consommation Consommation alimentées par les résidus de canne à consommation par habitant (t/an) totale (t/an) sucre, le bois étant utilisé unique- Consommation Niono ment pour les allumer. D’ailleurs, ces urbaine (bois + charbon) 18 587 0,51 9 334 usines possèdent leurs propres boi- Macina 5 529 0,65 3 615 sements d’eucalyptus (entre la route Diabaly 8 375 0,26 2 188 de Niono et les champs de canne à sucre), dont la production couvre les Siribala 5 143 0,87 4 483 besoins en bois (photos 1,2 et 3). En Dougabougou 8 658 0,68 5 922 revanche, leur présence a suscité le Moyenne développement des centres urbains et sous-total 46 292 0,55 25 542 de Dougabougou et Siribala, peuplés Consommation Zone par les ouvriers et leurs familles (res- rurale non aménagée 6 196 0,54 3 347 pectivement 8 500 et 5 000 habitants Zone aménagée 49 655 0,57 28 072 environ recensés en 1998 ; tableau I). Consommation Briqueteries (4) 39 La consommation en bois de cette artisanale Rôtisseries (16) 337 population est la plus élevée de la ré- Boulangeries (18) 288 gion : 0,68 et 0,87 t par habitant (AGEFORE-SOCEPI, 1998). Restaurants (12) 134 En une dizaine d’années, la Forgerons (34) 278 consommation de bois énergie des Sous-total 1 076 populations de la zone de l’Office du Consommation Niger s’est donc rapidement rappro- industrielle Dougabougou (1) 191 chée d’un type urbain, y compris (sucreries) Siribala (1) 5 994 dans les zones rurales réaménagées. Total 102 143 64 222

Source : AGEFORE-SOCEPI, 1998. BOIS ET FORÊTS DES TROPIQUES, 2001, N° 270 (4) 20 DOSSIER DRY ZONES / FUELWOOD SECTOR

Principales ressources partie de la commune de Karéri, c’est- Tableau II Population des cercles de Niono en bois : les zones sèches à-dire du cercle de Ténenkou). Ainsi, et Ké Macina en 1998. et les forêts classées l’épuisement progressif des res- sources ligneuses autour de Tougou Les ressources en bois étant de (carte 7) oblige les camions de bûche- Communes du cercle de Niono Population plus en plus rares autour de l’Office, rons à poursuivre leur chemin jusqu’à en 1998 les forêts protégées riveraines du fala Malémana, Nénébougou, Kerké ou 8 291 de Boky Wéré et du Niger sont dévas- Monimpébougou au sud. Les villa- Niono 40 513 tées par des coupes clandestines geois des zones sèches situées à (carte 1), mais la plupart des bûche- proximité immédiate des casiers par- Pogo 8 087 rons doivent se rendre de plus en tent eux-mêmes de plus en plus loin Siribala 15 441 plus loin en zone sahélienne. pour couper du bois, de manière à le Sirifila Boundy 21 547 La carte 1 met en évidence ces cir- revendre sur le marché de Siengo ou la Sokolo 17 010 cuits d’approvisionnement à l’échelle nuit dans les rues de Niono. Tel ce ven- Toridaga-Ko 16 824 de la région entière. Elle a été réalisée deur de bois sur le marché de Siengo Yérédon 11 763 de manière à synthétiser les données interrogé en mars 2000 : originaire du fournies par AGEFORE-SOCEPI (1998) village de Kanassako (zone partielle- Total cercle de Niono 139 476 et le PIRL (1987), ainsi que celles que ment aménagée du secteur de Communes du cercle de Ké Macina nous avons pu collecter en novembre- N’Débougou), il part toutes les se- Boky Wéré 13 030 décembre 1998 et mars 2000. Les bas- maines couper du bois au sud de 6 402 sins d’approvisionnement potentiel Tougou, à 35 km, et revient le vendre à Centre 11 056 des trois principaux centres urbains Siengo. Beaucoup de paysans de ce Kolongotomo 24 836 ont été définis à partir de relevés sur le secteur font comme lui, en particulier Macina 31 655 terrain et de l’analyse de spatio-cartes pendant la saison sèche, morte-saison Monimpébougou 27 838 mises à jour par AGEFORE-SOCEPI. pour ceux qui ne pratiquent pas de Les principales zones d’approvi- cultures de contre-saison. L’utilisation Matoma 12 827 sionnement en bois énergie des péri- de charrettes limite toutefois ces dé- 31 020 mètres irrigués sont les zones sahé- placements. D’après les villageois de Sana 21 297 liennes situées dans un rayon de 30 à Tougou, au moins un camion chargé 9 088 40 km, jusqu’à Sokolo, Monimpébou- d’une dizaine d’hommes passe Tongue 6 414 gou, Tougou (secteurs présentant des chaque jour pour ramener du bois vers Total cercle de Ké Macina 195 463 signes d’épuisement), et de plus en Niono. Une journée de coupe permet plus vers Malémana, Nénébougou et de remplir le camion. Les villageois de Total 334 939 Kerké (cartes 1 et 7). Tougou affirment ne percevoir aucune Source : MDRI, 1999. Les circuits d’approvisionnement rémunération ou compensation en qui s’organisent autour des res- échange du bois coupé sur leur finage. sources du Macina ont fait l’objet Eux-mêmes vendent du bois directe- d’une étude particulière (Brondeau, ment dans les villages des secteurs de 2001). Celle-ci met en évidence la dé- Niono et N’Débougou, en prenant soin pendance des secteurs de Niono et d’éviter les contrôles forestiers, car N’Débougou (villes et périmètres amé- peu d’entre eux paient le droit de nagés confondus) vis-à-vis des res- coupe. Ils ne passent pas par l’inter- sources ligneuses de ces zones médiaire des commerçants qui affrè- sèches, parfois fort éloignées encore tent les camions car le prix proposé (Nénébougou, Kerké et Malémana font par ces derniers est dérisoire. Tableau III Formes d’approvisionnement en bois énergie (en pourcentage des ménages enquêtés).

Zone rurale Zone non Zone Niono Diabaly Macina Dougabougou Siribala Moyenne ou ville aménagée aménagée Collecte en brousse 83 49 5 23 55 11 20 43 Achat 1 30 95 65 31 58 56 39 Collecte et achat 16 21 0 12 14 30 24 18

Source : AGEFORE-SOCEPI, 1998. BOIS ET FORÊTS DES TROPIQUES, 2001, N° 270 (4) DOSSIER 21 FILIÈRE BOIS ÉNERGIE / ZONES SÈCHES

Les colons des périmètres irri- de à l’ouest, atteint Tougou à Un commerce du bois gués du Macina (Kolongotomo, Kokry, l’est. Les villes de Dougabougou et de plus en plus lucratif Boky Wéré) s’approvisionnent, quant Siribala sont approvisionnées par des mais une filière encore à eux, à partir de coupes réalisées de coupes provenant du secteur sud de mal organisée façon massive dans les forêts clas- Niono, correspondant globalement aux sées et protégées ; les bûcherons se communes de Pogo et Siribala. Le sec- Dans ces conditions, les prix dirigent également de plus en plus teur de Macina possède des ressources connaissent une augmentation rapide, vers les secteurs plus éloignés, ligneuses de part et d’autre du fleuve. en particulier en hivernage (période Monimpébougou en particulier Au sud du Niger, les coupes s’étendent pendant laquelle le bois est rare, les (carte 1). jusqu’à Founou et Souleye. Le bois est zones d’approvisionnement n’étant Les villageois de Sokolo vont acheminé par pirogue jusqu’à Macina, pas accessibles) et au cours de la sai- couper la plupart du temps en direc- une partie allant certainement vers son fraîche (tableau IV). À Niono, le tion de Nara, sur les finages de vil- Ségou. Au nord, les forêts classées ou prix du bois a grimpé de 340 % en lages éloignés de plusieurs, voire dix protégées de Fy, Sabaly, Tinéma, moins de dix ans, à Molodo de 220 %, à quinze, kilomètres (enquêtes réali- Massamana ou Tangana sont mena- à N’Débougou de 178 % et à sées en mars 2000 : Famabougou, cées par ces coupes (cartes 4 et 5). Kolongotomo de 242 % sur la même Dyourdaka, Falimana…). Les res- Il reste que les centres urbains période. Le record revient à Diabaly sources de leur finage ne suffisent représentent moins de 40 % de la avec un accroissement de 469 % entre plus, d’autant qu’elles sont exploitées consommation de bois ; il faut tenir 1987 et 1996. C’est toutefois à Niono par des bûcherons venant des casiers compte des besoins des villages des que le bois se vend le plus cher : 11 000 irrigués du Kouroumari (Dar Salam, zones aménagées et non aménagées. FCFA la charrette en hivernage, contre Hamdallaye, Némabougou, Dougou- En effet, il est apparu, au fur et à me- 6 000 FCFA en saison sèche. ba, Médina Coura) ou des villages sure des enquêtes réalisées en no- proches de Diabaly (Ségou Koro, vembre-décembre 1998 puis en mars Kogoni, Niassoumana, Zitenga, Kou- 2000, que les zones d’approvisionne- Photo 3. Plantation d’eucalyptus de l’usine sucrière de Siribala (mars 2000). tiala Coura), auxquels il faut ajouter ment en bois de l’Office dépassaient Eucalyptus plantation at the sugar-processing les campements peuls, maures et bel- largement les limites des bassins factory of Siribala (March 2000). lah de la région. Cet épuisement des d’approvisionnement potentiels des ressources à proximité de Sokolo se- centres urbains, définis par AGEFORE- rait très sensible depuis cinq à six ans. SOCEPI. Les secteurs menacés d’épui- Ainsi, les villageois de Niafassi Bam- sement, cités par les villageois des bara (situé à quelques kilomètres au secteurs aménagés de N’Débou-gou sud-ouest de Molodo) coupaient le et Kolongotomo, et par les popula- bois sur leur finage il y a seulement tions des régions sèches voisines, quelques années, à deux ou trois kilo- sont ceux de Songo, Dianbé, Sira- mètres du village. Aujourd’hui, ils doi- ouma et Tougou (carte 1). Ces sec- vent s’éloigner jusqu’à 20 ou 30 km teurs font partie intégrante des bas- pour trouver des ressources suffi- sins d’approvisionnement des villes santes. Là aussi, l’épuisement des li- de Niono et Diabaly. gneux est imputé à la prolifération La zone d’approvisionnement en des coupes réalisées par les bûche- bois des périmètres irrigués dépasse rons des périmètres irrigués, du sec- donc largement les limites du bassin teur de Niono le plus souvent. d’approvisionnement potentiel des L’origine du bois destiné aux centres urbains défini par AGEFORE- principales villes de la région (cartes SOCEPI (carte 1). Les lieux de coupes 1 à 6) peut être étudiée plus précisé- sont de plus en plus éloignés en raison ment. de l’épuisement des ressources autour Le bassin d’approvisionnement de la zone de l’Office du Niger. Les pay- de Diabaly (carte 6) couvre un secteur sans qui, traditionnellement, ramas- compris entre Alatona au nord, Dianbé sent le bois mort nous affirment au- au sud, Songo à l’est et le fala de jourd’hui, quelle que soit la région, Molodo à l’ouest. Celui de la ville de couper du bois vert dans la mesure où Niono (cartes 2 et 3) s’étend au nord et ils n’ont plus d’autres solutions au re- au sud de la ville, jusqu’à Dianbé au gard des moyens de transport qu’ils nord et jusqu’au fala de Boky Wéré au utilisent (charrette pour environ 80 % sud. Son extension, bloquée par le fala ou mobylette ou vélo). BOIS ET FORÊTS DES TROPIQUES, 2001, N° 270 (4) 22 DOSSIER DRY ZONES / FUELWOOD SECTOR

Tableau IV Évolution du prix du bois de chauffe entre 1988 et 1997 (prix de la charrette en FCFA).

Zone Office du Niger 1988 1997 Augmentation (%) Niono 2 000-3 000 6 000-11 000 340 Photo 6. N’Débougou (mars 2000). Ici, quelques Diabaly 600-1 000 3 500-4 000 469 tas de bois sont stockés à proximité d’une concession ; ils sont destinés à la consommation Molodo 2 000-3 000 5 000-6 000 220 de la famille mais également à la vente. N’Débougou 3 000-4 000 5 000-7 500 178 N’Débougou (March 2000). Here piles of wood Kolongotomo 1 000-2 000 3 250-4 000 242 are stacked near a concession; they are earmarked for family consumption and for sale.

Source : AGEFORE-SOCEPI, 1998. sèche. Il faut disposer d’un moyen de Dans les autres secteurs, les prix transport rudimentaire, charrette varient entre 3 500 et 7 500 FCFA (ta- ou vélo, manié généralement par bleau IV). ces derniers ; 78 % du bois vendu à Le commerce du bois est donc Niono chaque jour est transporté en devenu très attractif pour les paysans charrette (AGEFORE-SOCEPI, 1998 ; des zones sahéliennes alentour, tout photo 4). Ces petits vendeurs effec- au moins dans un périmètre d’une tuent la plupart du temps un charge- quarantaine de kilomètres (d’après ment par semaine en saison sèche, et nos entretiens avec les villageois de vont vendre leur bois sur le marché Tougou ou du secteur de Monimpé- de Siengo et surtout dans les villages bougou). Il faut dire que ces régions des casiers irrigués, ou encore la nuit subissent de plein fouet les effets de la dans les rues de Niono. Le commerce sécheresse et souffrent de la chute des nocturne du bois est ainsi très actif à rendements en culture sèche (mil en Niono, alors que seul le bois d’œuvre particulier). Les hommes se sont mas- se vend sur le marché hebdomadaire sivement tournés vers cette activité (photos 1 et 5). D’aucuns essaient de même si leur marge bénéficiaire (envi- former des stocks pour vendre plus ron 5 %) reste très en deçà de celle des cher en hivernage (photo 6). En zone commerçants en gros (45 %). De ce sahélienne, le besoin d’argent est fait, la consommation par habitant trop grand pendant la soudure et les Photo 4. Quartier de Sokolo en mars 2000. Un villageois dans les zones sèches a tendance à villageois vendent au fur et à mesure revient de la brousse après avoir coupé un chargement baisser depuis ces dix dernières et à bas prix. Certains jeunes de de bois destiné aux besoins domestiques de sa famille années : 0,64 t par habitant en 1987, Niono ou des environs se spécialisent ou à la vente. 0,54 en 1998 (AGEFORE-SOCEPI, 1998). dans ce commerce et coupent en hi- Neighbourhood of Sokolo in March 2000. A villager Au cours des enquêtes réalisées en no- vernage alors que la demande est returns from the bush after cutting a load of wood vembre-décembre 1998 et en mars plus forte et que les prix augmentent, earmarked for the household needs of his family, or sale. 2000, les villageois de Monimpébou- tandis que les paysans des zones gou, Markala, Nianzana et Tougou ont sèches et les colons des casiers sont affirmé que chaque famille participait trop occupés dans les champs. dorénavant au commerce du bois, pour Beaucoup de colons participent au tenter d’accroître ses revenus. La plu- commerce du bois, paient des sala- part du temps, les paysans vendent la riés ou emploient les jeunes de la fa- charrette de bois à un prix inférieur aux mille pour aller couper en brousse. chiffres avancés précédemment qui Ils revendent en partie seulement constituent une moyenne. Les prix les chargements ; il s’agit d’une acti- cités par les villageois ne dépassent vité complémentaire mais lucrative pas 5 000-6 000 FCFA en hivernage, et (photo 6). plafonnent autour de 2 500-3 500 FCFA Le commerce du bois est toute- en saison sèche. fois de plus en plus dominé par les La collecte du bois destiné à la commerçants de gros, qui affrètent vente est plutôt réservée aux hom- des camions et emploient des bûche- mes dans les villages de la zone rons. Ces camions se dirigent vers les Photo 5. Marché de Siengo (mars 2000) vente de bois d’œuvre. Market at Siengo (March 2000) sail of timber. BOIS ET FORÊTS DES TROPIQUES, 2001, N° 270 (4) DOSSIER 23 FILIÈRE BOIS ÉNERGIE / ZONES SÈCHES

zones de coupe les plus éloignées en l’exploitation de cette ressource. Impact moins d’une journée, les salariés cou- Apparemment, aucun droit d’accès des coupes pent rapidement et repartent parfois n’est imposé aux bûcherons. Les villa- le jour même ou le lendemain (photos geois interrogés à ce sujet en mars de bois sur la 7 et 8). Ces commerçants ont la capa- 2000, à Tougou et à Sokolo, se sont dynamique cité de constituer des stocks, de ma- montrés très fatalistes et plutôt pes- nière à réaliser un bénéfice maximal simistes quant aux avantages du dé- des formations en saison des pluies, faisant même, coupage communal. Celui-ci devrait éventuellement, venir du bois du sud être accompagné d’une législation ligneuses du Mali. La pénurie de bois pendant instaurant des taxes d’entrée et de cette période est d’autant plus gran- sortie sur le territoire communal. Les de que certaines zones de coupe éloi- villageois rétorquent que cet argent La sélectivité gnées, au-delà de Tougou en particu- sera perçu par l’administration et cer- des coupes lier, sont inaccessibles. tainement pas par eux. Se pose ici le La filière bois énergie est encore problème crucial de l’intéressement très peu organisée dans la région. des populations à la gestion du patri- Toutes les espèces ne sont pas Seuls quelques groupes de commer- moine forestier. Une réflexion sur les systématiquement coupées. Une liste çants locaux tendent à se former dans mesures fiscales qui ont accompagné des essences ligneuses les plus ex- la ville de Niono. À l’exception de la création des marchés ruraux de ploitées autour de l’Office du Niger et quelques gros commerçants, la vente bois énergie dans le cadre des sché- des espèces les plus prisées comme de bois reste encore une activité sai- mas directeurs d’aménagement bois de cuisine a été établie (SOCEPI, sonnière voire occasionnelle, au dé- (SDA) des grandes villes au Mali et au 1998). En outre, au cours des en- part complémentaire, mais qui tend à Niger devrait être un préalable à la quêtes, il a été systématiquement de- occuper une place prépondérante mise en place de ces nouvelles taxes mandé aux villageois de Tougou, dans la structure des revenus des fa- (Attari, 1997 ; Montagne, 1997). Les Sokolo et Niafassi Bambara quelles milles des régions sèches. Les villa- SDA de Niono, Diabaly, Ké Macina, espèces étaient coupées, quelles es- geois des zones de coupe ne perçoi- Dougabougou et Siribala ont été pèces étaient conservées et pour vent pourtant guère de bénéfices de adoptés seulement en avril 2000 et il quels motifs (tableau V). est bien tôt pour préjuger de leur Tableau V impact. Coupes de bois et sélection des espèces autour de l’Office du Niger.

Exemple dans trois villages Espèces coupées Espèces conservées Sokolo Anogeissus leiocarpus Acacia tortilis Guiera senegalensis Acacia arabica Acacia senegal Tougou Anogeissus leiocarpus Strophantus sarmentosus Grewia bicolor Bauhinia rufescens Photo 7. Stocks de bois le long de la piste Niono- Phyllanthus prieurianus Strychnos spinosa N’Débougou (mars 2000). Wood stocks along the Niono-N’Débougou track Tinospora bakis (March 2000). Acacia tortilis Niafassi (Molodo) Vitelleria paradoxa Guiera senegalensis Adansonia digitata Anogeissus leiocarpus Faidherbia albida Bauhinia reticulata Bombax costatum Balanites aegyptiaca Combretum glutinosum Calotropis procera Combretum micranthum Combretum kerstingii Annona senegalensis Combretum tomentosum Celtis integrifolia Photo 8. Sud de Niono, le long de la route goudronnée Landolphia integrifolia (mars 2000). Les commerçants de gros affrètent des Ziziphus mauritiana camions et emploient des salariés. Ici, ils chargent du bois qui a été stocké le long de la route. Citrullus vulgaris South of Niono, along the asphalt road (March 2000). Wholesalers charter trucks and employ salaried Source : enquêtes réalisées en mars 2000 par F. Brondeau et B. Thibaud. personnel. Here they are loading wood that has been stocked along the road. BOIS ET FORÊTS DES TROPIQUES, 2001, N° 270 (4) 24 DOSSIER DRY ZONES / FUELWOOD SECTOR

Les essences les plus fréquem- ment coupées pour le bois de cuisine sont Pterocarpus lucens (60 % des ménages l’utilisent) et Anogeissus leiocarpus, auxquelles il faut ajouter en zone sahélienne, dans les secteurs de Sokolo et Tougou, Guiera senega- lensis, Grewia bicolor, Phyllanthus prieurianus. Les espèces conservées sont Acacia tortilis (qui se consume très mal), A. arabica (apprécié pour sa gomme) ; A. senegal et Bauhinia ru- fescens sont omniprésents dans le paysage (A. senegal est utilisé dans la confection de substances pour la peau). Tinospora bakis est conservé pour ses gros fruits, tandis que ses tiges servent probablement à lier les fagots. Strychnos spinosa sert à la fa- brication d’un liant à partir des tiges écrasées, utilisé pour badigeonner l’intérieur des maisons (tableau V). Dans la région de Molodo, la flore est déjà plus riche, plus typique- ment soudanienne. Les espèces cou- pées sont Anogeissus leiocarpus, Guiera senegalensis, Bauhinia reticu- lata, Balanites aegyptiaca, Calotropis spp., Combretum kertingii, C. tomen- tosum. Les espèces conservées sont Vitelleria paradoxa (le karité, pour ses noix utilisées dans la fabrication de beurre), Adansonia digitata (le baobab, pour ses fruits et ses feuilles qui entrent dans les ingrédients des sauces accompagnant le to, plat tra- ditionnel à base de pâte de mil), Faidherbia albida (qui garde ses feuilles en saison sèche), Bombax co- statum, Combretum glutinosum et C. micranthum (leurs feuilles ont des vertus médicinales), Annona senega- lensis, Celtis integrifolia, Landolphia integrifolia, Ziziphus mauritiana, Citrullus vulgaris (les fruits de ce melon d’eau sont appréciés pour leur pouvoir désaltérant) (tableau V).

Carte 2. Dynamique des formations végétales et de l’occupation du sol dans le bassin septentrional d’approvisionnement potentiel de la ville de Niono (d’après AGEFORE, 1998). Dynamics of plant formations and land use in the northern basin of potential supplies for the town of Niono (based on AGEFORE, 1998). BOIS ET FORÊTS DES TROPIQUES, 2001, N° 270 (4) DOSSIER 25 FILIÈRE BOIS ÉNERGIE / ZONES SÈCHES

Dynamique des formations végétales dans les bassins d’approvisionnement des principales villes L’inventaire établi par le PIRL s’ap- Arpon et Retail ayant globalement puie sur l’interprétation d’images débuté en 1985 ; d’autre part, les SDA Les villes ne représentent que satellitaires datant du milieu des an- de Niono, Ké Macina, Diabaly, Douga- 39 % de la consommation de bois de nées 1980, complétées par des relevés bougou et Siribala ont été adoptés l’Office du Niger. Nous avons vu néan- de terrain dans des zones tests. Les très récemment, et un état des lieux moins que leur bassin d’alimentation données relatives aux bassins d’ap- avant leur application est nécessaire. correspondait en partie à celui de provisionnement potentiel des princi- l’ensemble des périmètres aména- pales villes, cartographiées par AGE- Secteurs de Niono nord et sud gés. De ce fait, une analyse de la dy- FORE-SOCEPI, constituent une mise à Les zones nord et sud de Niono namique des formations végétales jour du travail du PIRL à partir de rele- (cartes 2 et 3) correspondent égale- dans ces zones donnera une idée vés réalisés dans des unités de son- ment, en partie, aux bassins d’appro- assez représentative (mais non ex- dage de 25 m sur 50 m, disposées visionnement des villages de la zone haustive) de l’impact des coupes de selon un système de transects équi- irriguée, des secteurs de Niono et bois et du développement des cul- distants de 300 m. Leur intégration N’Débougou au nord, de la ville de tures autour de l’Office du Niger. dans un système d’information géo- Niono et d’une partie du secteur de Dans cette perspective, nous compa- graphique a permis des calculs précis Kolongotomo au sud. rerons les cartes de végétation et de superficie pour chaque formation. D’une façon générale, l’évolution d’occupation du sol élaborées par L’étude de l’évolution de la cou- constatée au nord de Niono est mar- l’étude AGEFORE-SOCEPI en 1998 verture végétale au cours de cette pé- quée par une réduction drastique des pour chaque bassin d’approvisionne- riode récente de onze années peut surfaces occupées par les savanes ar- ment en bois (cartes 2 à 6) et la carte s’avérer très intéressante, pour deux borées (– 59,4 %). Les forêts-galeries des formations végétales de 1987 raisons. D’une part, l’impact des pro- localisées le long d’anciens bras morts (carte 7), réalisée à partir des résul- jets de réhabilitation et d’extension du Niger, en particulier entre Niono et tats du Projet d’inventaire des res- n’est perceptible qu’à partir de la Kélésséré, se sont considérablement sources ligneuses (PIRL, (1990). fin des années 1980, les programmes rétractées (– 50,3 %). Cette dégrada-

D'après : carte PIRL 1987 ; AGEFORE-SOCEPI, septembre 1998. D'après : interprétation spatiocarte 1996 ; AGEFORE-SOCEPI, septembre 1998. Carte 3. Dynamique des formations végétales et de l’occupation du sol dans le bassin méridional d’approvisionnement potentiel de la ville de Niono (d’après AGEFORE, 1998). Dynamics of plant formations and land use in the southern basin of potential supplies for the town of Niono (based on AGEFORE, 1998). BOIS ET FORÊTS DES TROPIQUES, 2001, N° 270 (4) 26 DOSSIER DRY ZONES / FUELWOOD SECTOR

tion des formations arborées s’est moins clandestinement sur le ré- N’Débougou et des bas-fonds. Le dé- faite au profit des savanes arbustives seau), rattachés au périmètre de veloppement des surfaces cultivées et des cultures. Les savanes arbus- Béwani, prolifèrent ici. Les forêts-ga- est encore plus frappant au cœur de tives voient leur superficie multipliée leries, quant à elles, progressent net- la zone sèche (à l’est des villages de quasiment par 7,5. Les cultures et les tement le long des falas et des bas- Siraouma, Kélésséré et Tougou, au jachères se sont également dévelop- fonds dans le secteur ouest (Niougou, nord de Monimpébougou), caractéri- pées pendant cette courte période (ex- Finébougou, Tosma), mais disparais- sé par un défrichement massif des tension spatiale de 30,6 %). sent quasiment le long du fala de zones de bas-fond. La chute des ren- L’analyse de l’évolution des for- Boky Wéré, en particulier entre dements en mil est directement res- mations végétales au sud de Niono Tomoba et Dossiguela. La riziculture ponsable de l’extension des surfaces confirme ces remarques, mais la dé- par submersion non contrôlée se dé- mises en culture. Les savanes arbo- gradation des formations arborées veloppe ici rapidement, et avec un vif rées ne subsistent plus que sous la est nettement moins marquée. En succès (les rendements sont compa- forme d’îlots, tandis que les forêts- effet, les savanes arborées, bien rables à ceux des périmètres irrigués galeries sont véritablement relic- qu’en régression (14 % de leur super- de Kokry), ce qui explique en grande tuelles. La raréfaction de ces forma- ficie de 1987), restent omniprésentes partie la disparition de ces forêts- tions arborées aux alentours des dans le paysage. On note cependant galeries. périmètres irrigués et de la ville de une nette progression des savanes La dégradation des formations Niono comme l’allongement des tra- arbustives, aux dépens des forma- végétales autour de Niono est donc jets effectués par les bûcherons pour tions arborées, dans la zone sèche imputable certes aux coupes de bois accéder aux zones de coupe expli- entre N’Dola et Kalangola. mais également, en grande partie, à quent aisément les sommets atteints On observe une nette progres- la prolifération des zones de culture. par le prix du bois. sion des cultures entre Moussa Wéré Les cultures hors casiers se sont par- et Fyébougou, le long du fala de ticulièrement développées entre Molodo. Les champs dits « hors ca- Niobougou et Niono, aux abords des siers » (c’est-à-dire branchés plus ou périmètres aménagés de Niono et

D'après : carte PIRL 1987 ; AGEFORE-SOCEPI, septembre 1998. D'après : interprétation spatiocarte 1996 ; AGEFORE-SOCEPI, septembre 1998. Carte 4. Dynamique des formations végétales et de l’occupation du sol dans le bassin septentrional d’approvisionnement potentiel de la ville de Macina (d’après AGEFORE, 1998). Dynamics of plant formations and land use in the northern basin of potential supplies for the town of Macina (based on AGEFORE, 1998). BOIS ET FORÊTS DES TROPIQUES, 2001, N° 270 (4) DOSSIER 27 FILIÈRE BOIS ÉNERGIE / ZONES SÈCHES

Secteurs de Macina nord et sud Le bassin d’approvisionnement potentiel de la ville de Ké Macina dé- fini par la SOCEPI est là aussi divisé en deux secteurs, nord et sud, sépa- rés par le fleuve Niger (cartes 3 et 4). Le secteur de Macina nord est particulièrement affecté par les coupes de bois pour alimenter la ville de Ké Macina, les villages des casiers rizicoles et des hors casiers des sec- teurs de Kokry et Boky Wéré. Il faut dire que cette région est riche en res- sources forestières, protégées et classées pour la plupart (forêt clas- sée de Fy, forêts protégées de Tinama, Massamana, Tangana…). Entre 1987 et 1998, la surface de ces espaces forestiers a régressé de près de 50 % au profit de savanes arbo- rées et arbustives. Cette dégradation des ressources forestières se mani- feste également par une réduction très nette de l’extension des forêts- galeries, dont la surface a été divisée par 2,6. Les savanes arborées connaissent par conséquent un net accroissement (de l’ordre de 26 %). Les superficies occupées par les cultures et les jachères restent à peu près stables pour la période 1987- 1996. On observe une rétraction des champs au sud de Fantiguila et Tou- gouna, tandis qu’une nette extension des cultures est visible autour des vil- lages du secteur de Monimpébougou. Si les ressources ligneuses sem- blent encore abondantes dans le sec- teur de Macina nord, leur classement ne les protège pas pour autant des coupes clandestines. Les forêts clas- sées de Kolongotomo, Sossébougou et Mio, situées plus à l’ouest, le long du fala de Boky Wéré, connaissent de graves dégradations du fait de la proximité des casiers irrigués de Kolongotomo, Kokry et Boky Wéré. La création de périmètres rizicoles à Ké Macina risque de menacer les massifs de Fy et Sabaly, ainsi que les forêts villageoises alentour. Au sud de la ville de Macina, la couverture végétale est sans doute protégée par le fleuve, même si les pi- Carte 5. Dynamique des formations végétales et de l’occupation du sol dans le bassin méridional d’approvisionnement potentiel de la ville de Macina (d’après AGEFORE, rogues permettent de le traverser ai- 1998). sément. Il ne semble pas que les Dynamics of plant formations and land use in the southern basin of potential supplies for the town of Macina (based on AGEFORE, 1998). BOIS ET FORÊTS DES TROPIQUES, 2001, N° 270 (4) 28 DOSSIER DRY ZONES / FUELWOOD SECTOR

coupes de bois destinées à l’approvi- Secteur de Diabaly sionnement des villes et des villages La carte 6 ne concerne, d’après de l’Office du Niger affectent sensible- nous, qu’une partie de la zone d’ap- ment la dynamique des formations li- provisionnement de la ville de Diabaly Photo 9. Àla sortie de Kolongotomo, aux abords gneuses de cette région, qui évolue, et des périmètres irrigués de ce sec- de la route goudronnée, panneau de sensibilisa- de notre point de vue, de façon indé- teur. Les enquêtes ont montré que les tion pour le respect de la forêt classée. pendante vis-à-vis des bouleverse- coupes affectent aussi les régions si- Leaving Kolongotomo, beside the asphalt road, ments récents dont a bénéficié l’Office tuées à l’ouest de la ville, vers Sokolo an informational hoarding about respecting the du Niger. Tel était déjà notre sentiment et au-delà. Néanmoins, la comparai- gazetted forest. au terme des enquêtes ; il fut confirmé son des cartes de 1987 et 1998 du par l’analyse des cartographies citées. secteur est de la ville de Diabaly per- Au total, dans ce secteur, les su- En effet, aucun villageois n’a fait réfé- met des observations intéressantes. perficies occupées par les cultures rence à des coupes réalisées de l’autre Les savanes arborées qui jalon- ont été largement multipliées par côté du fleuve. Le rapport AGEFORE- naient le fala de Molodo en 1987 ont deux. Les savanes arborées ont consi- SOCEPI intègre sans doute à juste rai- disparu en grande partie en 1996, à dérablement régressé aux abords du son le secteur de Macina sud au bas- l’exception d’un étroit liseré entre fala de Molodo, mais se sont recons- sin d’approvisionnement potentiel de N’Dounkala et Diabaly. Elles ont lais- tituées partiellement au nord de la ville de Ké Macina, mais apparem- sé la place à des formations dégra- Diambé. Finalement, les ressources ment le commerce du bois provenant dées, des savanes arbustives. Vers le ligneuses se raréfient surtout aux de ce secteur ne concerne que de sud (village de Gounando), c’est la abords immédiats de la ville de faibles quantités. Ce bois est vendu en prolifération des cultures hors casiers Diabaly et de la zone irriguée (casiers grande partie sur le marché de Ké qui a entraîné le défrichement de ces et hors casiers), en particulier le long Macina (le samedi), assez peu fré- savanes arborées, jusqu’à Diambé, du fala de Molodo. Si la savane arbo- quenté d’ailleurs du fait de l’enclave- dans une région sillonnée par des rée tend à se reconstituer dans cer- ment relatif de la ville par rapport au falas encore non aménagés. tains secteurs, elle se trouve mena- reste de la région et à l’ensemble de cée par l’extension des cultures l’Office du Niger. sèches et des cultures hors casiers.

Carte 6. Dynamique des formations végétales et de l’occupation du sol dans le bassin méridional d’approvisionnement potentiel de la ville de Diabaly (d’après AGEFORE, 1998). Dynamics of plant formations and land use in the southern basin of potential supplies for the town of Diabaly (based on AGEFORE, 1998). BOIS ET FORÊTS DES TROPIQUES, 2001, N° 270 (4) DOSSIER 29 FILIÈRE BOIS ÉNERGIE / ZONES SÈCHES

État des ressources ligneuses dans le secteur de Tougou-Kerké

L’analyse de l’état des res- Tableau VI sources ligneuses entre les villages Évaluation des taux de mortalité de Tougou et Kerké (carte 7) nous pa- des ligneux à Kerké en 1987. raît intéressante car cette région typi- quement sahélienne constitue une Espèces ligneuses Représentation de l’espèce Nombre d’individus des principales zones d’approvision- (diamètre supérieur à 10 cm) dans le cortège floristique morts sur pied nement en bois des périmètres irri- Pterocarpus lucens 22,8 30,9 gués du Kala (Niono, N’Débougou en Grewia bicolor 21,5 27,4 particulier). Guiera senegalensis 17,6 13,9 Toute la partie orientale du fi- Combretum micranthum 9,1 10,5 nage de Tougou est marquée, en Acacia seyal 4,3 23 1985, par l’extension des zones de culture et de jachère, et par l’abon- Commiphora africana 3,6 6 dance des faciès de dégradation an- Combretum glutinosum 3,3 21,5 thropique. La steppe arbustive domine Boscia senegalensis 2,7 1,9 largement, localement très ouverte, Feritia apodanthera 2,5 7 laissant apparaître des sols nus. Il est Boscia angustifolia 1,9 1,5 impossible d’évaluer l’impact des Ziziphus mauritania 1,7 20,5 coupes de bois sur ce paysage végé- tal à partir des données dont nous Acacia senegal 1,4 11,7 disposons à ce jour. Toutefois, nous Grewia flavescens 1,3 3,3 savons qu’en 1985 les travaux de ré- Dichrostachys cinerea 16,4 habilitation à l’Office du Niger sont à Acacia ataxacantha 13 peine amorcés. Ensuite, d’après les Balanites aegyptiaca 0,9 6,9 entretiens que nous avons eus avec Anogeissus leiocarpus 0,7 30 les villageois, les bûcherons se sont déplacés jusqu’à Tougou seulement Sclerocarya birrea 0,7 22,5 depuis quelques années. La dégra- Source : PIRL, 1991. dation des formations végétales, déjà très sensible en 1985, s’explique donc autrement. La sécheresse a fortement affec- té les ligneux de cette région. D’après les relevés effectués par le PIRL au- Tableau VII tour de Kerké, en 1987, le pourcen- Production forestière des zones tage d’individus morts sur pied paraît à aménager, 1998. être considérable (tableau VI). D’autre part, cette région constitue la Localisation Superficie (ha) Volume de bois Volume total de bois (m3) zone pastorale d’hivernage de gros par hectare (m3/ha) troupeaux sahéliens et d’une partie Béwani 15 000 17,72 265 800 des troupeaux de l’Office du Niger. La Ké Macina 4 000 8,51 34 040 régénération des pâturages étant pé- Niono ext. 2 500 8,51 21 275 nalisée par l’aridification climatique, le surpâturage intervient certaine- Siengo ext. 6 000 14,41 84 000 ment dans le processus de dégrada- Alatona 4 000 14,41 57 640 tion de la végétation. Les ligneux sont Molodo nord 6 500 14,41 93 665 particulièrement sollicités en tant Diadian 3 500 9,13 48 389 que fourrage aérien ; l’émondage Singo 5 500 9,13 50 215 s’avère très nocif dans la mesure où HC Macina 1 500 8,51 12 765 les bergers le pratiquent sur les mêmes arbustes à plusieurs reprises HC Sahel 5 000 14,41 72 050 dans l’année. En outre, l’extension Retail ext. 3 500 14,41 50 435 Sossé Siribila 3 000 8,51 25 530 Total 60 000 815 804

Source : AGEFORE-SOCEPI, 1998. BOIS ET FORÊTS DES TROPIQUES, 2001, N° 270 (4) 30 DOSSIER DRY ZONES / FUELWOOD SECTOR

Carte 7. État de la végétation dans le secteur de Tougou-Kerké en 1987 (cartographie : Lahaye, 2000). State of the vegetation in the Tougou-Kerké sector in 1987 (mapping: Lahaye, 2000). BOIS ET FORÊTS DES TROPIQUES, 2001, N° 270 (4) DOSSIER 31 FILIÈRE BOIS ÉNERGIE / ZONES SÈCHES

Légende carte 7. BOIS ET FORÊTS DES TROPIQUES, 2001, N° 270 (4) 32 DOSSIER DRY ZONES / FUELWOOD SECTOR

Conclusion

et perspectives pens des dernières savanes arborées de la zone. Au total, d’après les cal- Les ressources ligneuses des ré- culs réalisés par l’étude AGEFORE- gions sèches autour des périmètres ir- SOCEPI en 1998, 815 800 m3 de bois des superficies cultivées est nette- rigués et des centres urbains de seraient ainsi défrichés. ment perceptible sur la carte 7. Il faut l’Office du Niger se sont sensiblement Il était donc urgent d’envisager dire que Tougou est un gros village à dégradées au cours des dix dernières un programme sérieux d’approvision- mil, comptant en 1998 quelque 510 années, en particulier au nord et à nement en énergie de cette région habitants (MDRI, 1999). En 1985, les l’est de Niono, ainsi qu’aux alentours dont le mode de consommation et le bas-fonds situés à l’est du village ap- de Diabaly et de Sokolo. Les forêts niveau de vie se rapprochent de ceux paraissent d’ores et déjà massive- classées riveraines du fala de Boky des villes. Les SDA de Niono, Ké ment défrichés. La proximité d’autres Wéré sont elles-mêmes fortement me- Macina, Diabaly, Dougabougou et gros villages comme Nénébougou nacées par les coupes clandestines. Siribala ont été adoptés dans ce but, (1 167 habitants) renforce l’emprise L’extension des surfaces cultivées et mais il faut rappeler que ces villes ne agricole dans ces bas-fonds. Enfin, il le surpâturage interviennent pour une représentent que 39 % de la consom- faut noter que les feux de brousse large part dans ce processus de dégra- mation de la zone de l’Office. peuvent causer des ravages considé- dation, en particulier dans les zones Des programmes de reboisement rables dans ces régions. Lors de notre de coupe situées à proximité des gros massif, intégrés au programme de dé- passage en mars 2000, nous avons villages de la zone sahélienne veloppement agricole de la région, traversé, juste avant d’arriver à (Tougou), ou aux abords des casiers peuvent être envisagés, sur le modèle Tougou, une steppe complètement de l’Office. Quoi qu’il en soit, l’approvi- des plantations d’eucalyptus qui sub- carbonisée par le passage d’un feu sionnement en bois de l’Office du viennent aux besoins des usines su- très récent, et ce sur des kilomètres Niger devient déjà problématique : les crières. Cette solution sera, quoi qu’il (photo 10). zones de coupe sont de plus en plus en soit, insuffisante au regard de D’après nos enquêtes, les bû- éloignées, le prix de la charrette de l’évolution des besoins. L’organisation cherons confrontés à l’épuisement bois augmente très rapidement… Les du commerce du bois, la création de des ressources autour de Tougou projets d’extension des périmètres ir- marchés ruraux de bois énergie, dans se déplacent dorénavant jusqu’à rigués prévus à très court terme abou- le cadre d’un schéma directeur de ges- Nénébougou et Kerké. En 1985, une tiraient, selon le scénario le plus réa- tion des ressources sur le modèle de steppe arbustive à Pterocarpus lu- liste (AGEFORE-SOCEPI, 1998), à un ce qui existe pour Ségou, Bamako et la cens, Grewia bicolor, Guiera senega- doublement des surfaces aménagées plupart des grandes villes au Mali, ou lensis, Combretum micranthum domi- en 2008 (tableau VII, carte 1). encore au Niger, doivent être étudiées nait, présentant des faciès de Les programmes d’aménagement en priorité par les bailleurs de fonds. dégradation nets à l’ouest de Kerké se répartissent dans tous les secteurs. Un intéressement financier et une inté- qui correspondaient à des jachères et Le périmètre de Béwani (à l’est de la gration des villageois des zones sahé- à des parcours du bétail. Les forma- commune de Pogo) connaîtrait une ex- liennes à la filière commerciale doi- tions arborées étaient surtout déve- tension de 15 000 ha, de nouveaux ca- vent être absolument envisagés. Une loppées à l’est de Kerké (carte 7). siers seraient aménagés à Ké Macina meilleure gestion du patrimoine fores- Nous ne pouvons donc qu’insis- sur une surface de 4 000 ha et à tier se fera à cette condition. Il n’en ter sur l’origine multiple de la dégra- l’ouest de Kolongotomo sur 3 000 ha. reste pas moins que la diffusion de dation des ressources ligneuses dans Ces régions possèdent encore des res- nouvelles sources d’énergie s’avère à la région de Tougou et sur l’antério- sources ligneuses importantes, mais court terme indispensable, au regard rité de ce processus par rapport au les forêts classées et protégées du des ressources en bois néanmoins in- début des coupes massives perpé- Macina, déjà fortement dégradées, ris- trinsèquement limitées de cette région trées par les bûcherons engagés par quent de souffrir cruellement de cet sahélienne. L’utilisation du charbon les colons de l’Office ou par les com- accroissement des besoins en bois, de bois semble déjà répandue en ville merçants en bois. Ces coupes sont les périmètres irrigués prévus à Ké et dans les villages de l’Office. certes nettement perceptibles dans le Macina étant accolés aux forêts clas- L’amélioration des conditions de vie paysage actuel et ne peuvent qu’ag- sées de Fy et Sabaly. Des extensions dans les périmètres irrigués et l’aug- graver une dynamique déjà régres- conséquentes affecteraient également mentation dissuasive du prix du bois sive, mais leur impact reste à nuancer. les secteurs de Niono, Molodo, permettront sans doute l’introduction Diabaly, Siengo, Alatona (carte 1). Or, plus massive du pétrole, voire de nous avons vu que les ressources li- l’électricité, si toutefois la production gneuses étaient ici déjà sévèrement de la centrale de Markala est capable dégradées. L’extension prévue entre de subvenir à des demandes crois- Alatona et Diabaly se ferait aux dé- santes. BOIS ET FORÊTS DES TROPIQUES, 2001, N° 270 (4) DOSSIER 33 FILIÈRE BOIS ÉNERGIE / ZONES SÈCHES

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Photos 10, 11, 12. Formes de dégradation du couvert ligneux, impact d’un feu non maîtrisé aux abords de Tougou (photo 10 t), coupes massives des arbustes dans la zone sèche de Niono et N’Débougou (photos 11 et 12 o). Forms of degradation of the wood cover, impact of an uncontrolled fire near Tougou (photo 10 t), massive cuts of bushes in the dry zone of Niono and N’Débougou (photos 11 and 12 o). BOIS ET FORÊTS DES TROPIQUES, 2001, N° 270 (4) 34 DOSSIER DRY ZONES / FUELWOOD SECTOR

Synopsis These thriving prospects, in terms of The toll being paid by plant forma- both farming and foodstuffs, are at- tions in the region is a heavy one, but DEVELOPMENT OF THE tracting a lot of candidates to the this process of degradation can be FUELWOOD SECTOR AND “colonat” throughout Mali and the largely attributed to the spread of cul- DYNAMICS OF LIGNEOUS neighbouring countries, Burkina Faso tivated areas in dry zones, like on the FORMATIONS AROUND in particular. In addition, the intensifi- immediate edges of irrigated plots, THE NIGER OFFICE cation of production has gone hand in and use by fast-growing livestock glove with a reduction in the size of herds. Florence BRONDEAU farms, dictated by redevelopment programmes; so the number of farms The organization and structuring of The irrigated perimeters has risen, as has the number of fami- the wood trade, and the incorpora- of the Niger Office, mainly rice-grow- lies. We should add that the urban tion of proper wood resource man- ing, are the largest in West Africa, and centres of the Office, and Niono in agement programmes should be pri- contribute to the country’s self-suffi- particular, have undergone consider- orities for funding agencies in the ciency in food, while other cereal able development in that past few planning of future extensions. crops have been suffering a drop in years. The Niger Office zone had yields since the onset of the some 100 000 inhabitants in 1998, It is vital that the State shows a polit- droughts. The reforms undertaken in with 18 500 people in Niono alone. ical determination to anticipate the the mid-1980s, largely involving reha- Among other problems, this popula- introduction of rural market type bilitation programmes funded by tion growth is posing supply prob- structures for household wood, as French and Dutch Cooperative lems for local people in terms of part of a regional wood supply schemes (Retail and Arpon), are turn- wood for household use fuel and fire- scheme. The adoption of develop- ing out to be an overall success: wood. ment masterplans in Niono, Ké yields have doubled, and even Macina, Diabaly, Dougabougou and tripled, out-of-season crops are de- The average standard of living in the Siribala represents a first step, but veloping, and growing techniques are region is still very low, so wood is still these towns only represent 39% of improving... More ambitious exten- the sole currently useable fuel Office zone fuelwood consumption. sion projects are making provision for source. Consumption is rising fast Whatever else, the introduction of the development of an additional 60 (64000 t in 1998), and evolving swift- new sources of fuel seems inevitable, 000 ha by 2008. It should be said that ly towards an urban type, including in given the intrinsic dearth of wood re- the irrigation potential of this ancient villages in the irrigated zone. The in- sources in this Sahelian region, and inland delta of the Niger is enormous. creasingly rarefied wood resources the rising needs which will inevitably on the immediate edges of the irrigat- accompany the development of these ed perimeters is forcing settlers and irrigated perimeters in the next ten the woodcutters they employ to fetch years. their supplies in areas that are at times a great many miles away. In this context, the price of wood is reaching hitherto never recorded levels: the cartload costs 11 000 FCFA in Niono in winter, and increased by 470% be- tween 1987 and 1996 in Diabaly. The wood trade is accordingly becoming very attractive for local people in neighbouring dry regions, which have become more and more impoverished since the droughts.