Les Nouvelles Archives de la Flore jurassienne, 4, 2006 – Société Botanique de Franche-Comté

L’Isopyre faux-Pigamon (Thalictrella thalictroides (L.) E. Nardi.) en Franche-Comté

par Yorick Ferrez et Pierre Millet

Y. Ferrez, 32b rue Gabriel Plançon, F-25000 Besançon Courriel : [email protected] P. Millet, 7 rue Victor Considérant, F-25000 Besançon Courriel : [email protected]

Résumé – Cet article présente un bilan historique et actuel des connaissances franc-comtoises concernant l’Iso- pyre faux-Pigamon (Thalictrella thalictroides (L.) E. Nardi).

Mots-clés : Thalictrella thalictroides, Franche-Comté, , Doubs.

ans le deuxième numéro des Archives de la flore jurassienne Ddaté d’avril 1900, A. Magnin écrivait en introduction : « nous indiquerons, chaque mois, à partir de mars, les recherches à faire sur les plantes de la flore jurassienne dont les distributions géographi- ques sont encore mal connues dans cette région. Nous publierons dans les numéros suivants les réponses et les renseignements qui nous serons parvenus dans l’intervalle ».

Parmi les plantes évoquées dans cette publication (Ma g n i n , 1900) figure l’Isopyre faux-Pigamon (Thalictrella thalictroides (L.) E. Nardi = Isopyrum thalictroides L.). Il s’agit d’une élé- gante Renonculacée qui épanouit ses petites fleurs blanches dès la fin du mois de mars à mi-avril dans les bois plutôt frais. Elle est également remar- quable par la forme de sa souche fibreuse et fasciculée. Elle se ren- contre dans de nombreux départe- ments en , mais y est souvent rare. Elle est absente dans le Nord, le Nord-Est et le Sud-Est (source : http:// www.tela-botanica.org).

En Franche-Comté, deux pôles de distribution principaux sont connus, et ce, de longue date (Ma g n i n , 1900 ; Pr o s t , 2000). L’un, situé dans le Jura, est à cheval sur la Petite-Montagne et le Revermont et s’étend de au nord jusqu’à Savigna au sud, avec

une densité de populations plus Gilles Bailly

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rogames du Doubs (Gr e n i e r , 1843). Il indique : « dans les Combes à la lisière du Bois entre Courtefontaine et Byans ». Il ne s’agit pas d’une obser- vation personnelle de C. Grenier, comme il le précise lui-même, mais d’une d’information transmise par le Docteur Dumont d’, à qui l’on peut donc attribuer la décou- verte de l’Isopyre en Franche-Comté, comme le reconnaît d’ailleurs Ma g n i n (1914).

Cette station est d’abord reprise par C.-M.-P. Babey dans La Flore juras- sienne (Babey, 1845) en ajoutant une nouvelle localité : dans un petit bois,

Gilles Bailly près de Petit-Villars, à 13 kilomètres Appareil racinaire de Thalictrella thalictroides. de Salins. La première localité est ensuite mentionnée un peu diffé- importante dans la région d’Orge- celle-ci ne concerne pas la Franche- remment dans la Flore de la chaîne let. Le second est situé dans le Jura Comté. La quatrième publication jurassique de C. Grenier (Gr e n i e r , bisontin à l’ouest de Besançon dans est celle, plus récente, de J.-F. Prost 1865) et dans Histoire naturelle du une zone grossièrement centrée sur parue dans le n° 421-422 du Monde Jura et des départements voisins Villars-Saint-Georges (25). Une loca- des plantes (Pr o s t , 1985). Bien sûr, d’E. Michalet (Michalet, 1864). Ces lité excentrée existe également au la plante est également indiquée deux auteurs indiquent : « Bois entre nord de ce secteur à Vaux-les-Prés dans la plupart des catalogues et Courtefontaine et Quingey », loca- (25). flores du Jura et du Doubs avec des lité citée d’après M. Garnier. La pre- localisations plus ou moins précises. mière mention pour le département Nous proposons, à travers l’analyse L’ensemble des indications fournies du Jura figure également dans ces de quelques publications, anciennes par ces ouvrages est repris et synthé- deux ouvrages : « » citée et plus récentes, d’étudier l’évolution tisé dans les quatre articles mention- d’après E. de Jouffroy-Gonsans. de la connaissance de la répartition nés ci-dessus. de cette plante en Franche-Comté et Dans sa publication de 1914, plus particulièrement dans le Jura L’une des premières mentions de A. Magnin propose une synthèse bisontin. Nous exposerons égale- l’Isopyre dans le massif jurassien est des observations réalisées depuis ment les résultats de nos observations probablement celle de S. Guyétant la découverte de la plante par le de terrain réalisées au printemps dans son Catalogue des plantes à Docteur Dumont et relate la décou- 2006 dans cette même région. fleurs visibles qui croissent dans les verte d’une nouvelle localité à Vaux- montagnes du Jura, et dans les plai- les-Prés (Magnin, 1914). La première Il existe, à notre connaissance, quatre nes qui s’étendent depuis ces mon- partie de l’article consacrée au statut publications spécifiques plus ou tagnes jusqu’à la Saône (Gu y é t a n t , de l’Isopyre dans le Jura bisontin moins importantes concernant la 1808). Cet ouvrage, constitué d’une apparaît un peu embrouillée, notam- répartition de l’Isopyre dans notre simple liste, ne précise cependant ment en ce qui concerne la localisa- région. La première est celle, sus pas l’emplacement des stations et ne tion communale des stations classi- citée, d’A. Magnin (Ma g n i n , 1900). permet donc pas d’affirmer la pré- ques dites de la « Combe Arange » Ce même auteur publia également sence de l’Isopyre dans le départe- et « Aux Planches ». La seconde une courte note quelques années ment du Doubs ni dans celui du Jura. partie est plus précise et nous nous plus tard en 1902 dans le n° 22 des En revanche, l’Isopyre n’est pas men- y référerons pour établir la réparti- Archives de la Flore Jurassienne tionné dans l’ouvrage de J. Girod tion connue de la plante en Franche- (Ma g n i n , 1902) et fit paraître une de Chantrans : Éssai sur la géogra- Comté à cette époque : synthèse plus importante dans le bul- phie physique, le climat, l’histoire – vallon de Balanod (cité d’après letin n° 28 de la Société d’Histoire naturelle du département du Doubs de Jouffroy) ; Naturelle du Doubs en 1914 (Ma g n i n , (Gi r o d de Ch a n t r a n s , 1810). – entre et (cité 1914). Il publia également une autre d’après Vualliat) ; courte note au sujet de cette plante La première indication relativement – Grusse (cité d’après Thévenot) ; dans le n° 63 des Archives de la flore précise est celle de C. Grenier dans – Cesancey (cité d’après Thévenot) ; jurassienne (Ma g n i n , 1906), mais son Catalogue des plantes phané- – Liesle ;

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Nous avons également observé une localité encore inédite dans le sud du Jura à Savigna.

Si l’on compare la situation entre le début du XXe siècle et le début du XXIe siècle, on se rend compte que la répartition (ou la connaissance de cette répartition) de cette plante n’a que peu évolué au cours du temps et que toutes les stations signalées par A. Magnin existent encore de nos jours. La carte n° 1 permet de rendre compte de cette évolution.

Les cercles blancs figurent les sta- tions indiquées depuis Ma g n i n (1914) et qui sont encore connues de nos jours (Pr o s t , 2000 ; obs. pers., 2006) ; les cercles noirs figurent les stations indiqués par Pr o s t (1985, 20001) non Localités signalées depuis le début du XXe siècle connues à l’époque d’A. Magnin ; les Localités signalées à partir de 1971 carrés noirs figurent les stations iné- Localités signalées à partir de 2006 dites découvertes en 2006.

Le fait le plus marquant mis en évi- dence par cette carte est l’acquisi- tion récente de stations modernes (cf. Carte n°1 : répartition de Thalictrella thalictroides (L.) E. Nardi en Franche- Pr o s t , 1985) dans le sud du Jura dans Comté (données de 1914 à 2006) la région d’ et l’observation en 2006 d’une localité à Savigna, à – Fourg ; – Villars-Saint-Georges à Combe proximité d’. Ceci montre – Byans-sur-Doubs ; Arange ; que la répartition de l’Isopyre dans – Villars-Saint-Georges à Combe – Villars-Saint-Georges et Roset- cette partie du Jura (Petite-Montagne Arange ; Fluans au Bois des Planches. et Revermont) est probablement mal – Villars-Saint-Georges et connue et sous-estimée à l’heure Courtefontaine au Bois des Dans son Catalogue des plantes actuelle et que la connaissance de ce Planches ; vasculaires de la chaîne jurassienne pôle mériterait d’être approfondie. – Vaux-les-Prés au Bois du Cotard. (Pr o s t , 2000), la répartition donnée de l’Isopyre est quasiment identi- Cette carte permet également de En 1985, J.-F Prost (Pr o s t , 1985) que à celle de 1985. Une localité visualiser la répartition de l’Isopyre décrit la situation de la plante à cette inédite est ajoutée sur la commune dans le Jura bisontin. Elle s’articule date en Franche-Comté. Toutes les de Franois (25). autour de deux pôles, un principal, stations ont été revues par l’auteur centré sur Villars-Saint-Georges, et entre 1971 et 1984 : Au printemps 2006, nous avons un secondaire initialement connu – Balanod ; recherché l’Isopyre dans quelques- dans le secteur de Vaux-les-Prés puis – Cressia et Loisia au Bois de unes de ses stations classiques du confirmé par l’existence d’une sta- Charnay ; Jura bisontin. Nous l’avons revu dans tion à Franois. – Entre Cesancey et Grusse ; toutes les localités visitées : – Présilly à la Combe de Présilly ; – Liesle, Bois de la Fassure et Bois Il apparaît donc, suite à l’exposé de –  au Bois de la Cour (cité du Chanois ; ces données, que la connaissance d’après P. Chevassus) ; – Lombard, le Grand Bois ; de la répartition de l’Isopyre faux- – Entre Messia et (cité – Villars-Saint-Georges, Combe pigamon a peu progressé depuis d’après G. Marec) ; Arange et les Grandes Planches 1914 et que les quelques informa- – Liesle ; (= Bois des Planches) ; – Fourg ; – Courtefontaine (39) ; 1 Comm. pers. J.-F. Prost : l’Isopyre existe encore – Byans-sur-Doubs ; – Vaux-les-Prés : les Cotards. entre et Cesancey (13 avril 1984). Il ne s’agit pas de Messia au sud de Lons-le-Saunier, mais d’un petit hameau au sud d’Orgelet.

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tions acquises récemment plaident Bibliographie Mag n i n A., 1902. Quelques localités nouvelles pour des plantes du Jura, en faveur d’une répartition plus large Isopyrum thalictroides L. Archives de que celle connue actuellement, au Bab e y C.-M.-P., 1845. La Flore jurassienne. la flore jurassienne, 22, p. 13. moins dans le Jura. En conséquence, 2 vol., Paris, Audot libraire-éditeur, 523 nous proposons d’explorer les quel- et 532 p. Mag n i n A., 1906. Notes sur quelques ques pistes suivantes : plantes jurassiennes, notamment Gi r o d d e Ch a n t r a n s J., 1810. Essai sur des plantes vernales, Isopyrum ­– actualiser les données dans le Jura la géographie physique, le climat, thalictroides L. Archives de la flore bisontin en confirmant la présence l’histoire naturelle du département du jurassienne, 22, p. 13. de l’Isopyre dans les communes de Doubs. Imp. Chez Courcier, 2, 432 p. Franois, Fourg, Byans-sur-Doubs et Mag n i n A., 1914. L’ « Isopyrum Gr e n i e r C., 1843. Catalogue des plantes Roset-Fluans ; thalictroides » ; nouvelles localités ; phanérogames du Doubs. Besançon, distribution géographique ; castration ­– actualiser les données en Petite- 72 p. parasitaire par le « Triphragmium Montagne et dans le Revermont ; Gr e n i e r C., 1865. Flore de la chaîne isopyri ». Bull. Soc. Hist. Nat. du Doubs, – préciser la localisation, l’éten- jurassique. Imp. Dodivers, Paris, 28, p. 31- 39. due et l’importance des stations 1001 p. connues ; Mi c h a l e t E., 1864. Histoire naturelle du Jura et des départements voisins. – rechercher de nouvelles localités, Gu y é t a n t S., 1808. Catalogue des plantes Tome II, Botanique. Paris, 400 p. notamment dans le sud du Jura, où à fleurs visibles qui croissent dans les montagnes du Jura, et dans les plaines il semble y avoir le plus gros défi- Pr o s t J.-F., 1985. Isopyrum thalictroides L. qui s’étendent depuis ces montagnes cit d’informations, et dans le sec- en Franche-Comté. Le Monde des jusqu’à la Saône. Imp. J.F. Couché, plantes, 421-422, p. 8-8. teur nord du Jura bisontin. Besançon, 56 p. Pr o s t J.-F., 2000. Catalogue des plantes Avis aux amateurs ! Mag n i n A., 1900. Recherches à faire en vasculaires de la chaîne jurassienne. mars-avril, Isopyrum thalictroides L. Lyon, édition Société linnéenne de Archives de la flore jurassienne, 2, Lyon, 428 p. p. 7.

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