Deuxième exemple Université de Caen

Normande et bretonne, la Baie du Mont-Saint-Michel

Sortie animée par Bernadette Tessier, Université de Caen

Partagée entre Normandie et Bretagne, aux confins du golfe normand-breton, la baie du Mont- Saint-Michel, site reconnu au patrimoine mondial, est un lieu privilégié qui permet l'observation d'un grand nombre de phénomènes de sédimentation actuels ou récents. La marée, incarnée par l'expression "comme un cheval au galop", en a forgé la notoriété; elle en est également le facteur naturel principal qui construit son environnement et contrôle son fonctionnement sédimentologique.

Introduction

La baie du Mont-Saint-Michel s'inscrit toute entière dans le cadre et dans l'histoire géologique récente du Massif armoricain. Ce n'est en effet vraiment qu'à partir du Quaternaire que commence le façonnement de la région qui va conduire aux paysages que l'on observe actuellement autour de la . Vers 1,6 millions d'années s'installe un régime climatique particulier qui voit l'alternance de périodes très froides, les glaciations, et de périodes plus tempérées, les stades interglaciaires. Pendant les périodes glaciaires le niveau des mers s'abaisse parfois considérablement en même temps que les fleuves incisent profondément leur substratum. Dès que le réchauffement s'amorce, le niveau marin remonte et la mer peut alors envahir les zones basses en les remplissant de sédiments marins. Depuis environ 1 million d'années, ces alternances climatiques se sont produites au rythme de l'ordre de 120 000 ans, les refroidissements étant souvent longs alors que les réchauffements étaient généralement plus rapides. La région n'a pas échappé à ces cycles, étant occupée soit par des steppes sibériennes, soit par des paysages littoraux et estuariens de climat tempéré.

Aujourd'hui, la baie du Mont-Saint-Michel est le résultat du dernier cycle glaciaire/interglaciaire, la chute du niveau marin liée au dernier refroidissement ayant eu pour effet d'éroder la totalité des sédiments marins déposés au cours de la transgression précédente. Il y a donc environ 20 000 ans la dernière glaciation était à son plus fort, le niveau de la mer se situait à 120 mètres au dessous du niveau actuel et la baie était soumise à un climat quasiment arctique. Elle était occupée par une steppe balayée par des vents violents qui provoquaient l'accumulation de sables éoliens au pied des reliefs et l'épandage de loess sur les plateaux environnants. A l'amorce du réchauffement, la mer est remontée progressivement en inondant la Manche. Il y a 9000 ans le niveau marin était à environ 30 mètres sous le niveau actuel et la mer s'insinuait alors dans des vallées fluviatiles surcreusées. Commence alors l'époque interglaciaire holocène et, avec elle, le remplissage de la baie qui se poursuit aujourd'hui.

Le parcours et les différents arrêts

Cette journée, suivie par une vingtaine de personnes, a consisté en une itinérance dans la partie orientale de la baie, depuis le Nord jusqu'à l'Ouest (fig. 1), de façon à examiner ses principaux sous- environnements morphosédimentaires (les barrières littorales sableuses du nord, le système estuarien à l'est, les estrans de marée et barrières coquillières au sud et à l'ouest), et ainsi comprendre comment fonctionne et évolue cet environnement littoral actuel. La constitution de termes de faciès, la géométrie et l'organisation séquentielle des différents corps sédimentaires qui participent au remplissage de la baie ont été regardées en détail.

Fig. 1- Carte du parcours avec emplacement des différents arrêts

Arrêt n°1 - Le point de vue à partir des Falaises de Champeaux

Entre et Saint-Jean-le-Thomas les falaises de Champeaux, formées du granite de Carolles (granodiorite cadomienne) et des cornéennes qui l'entourent, sont un magnifique belvédère à partir duquel la vue embrasse toute la baie. L'endroit est idéal pour appréhender la morphologie de ce vaste domaine, pour reconnaître les grands sous-ensembles morphosédimentaires (fig. 3) qui contribuent à son originalité et à sa singularité et pour évoquer les paramètres physiques qui régissent son fonctionnement.

A l'aide de la superbe coupure spéciale de la carte géologique de à 1/50 000ème "Baie du Mont-Saint-Michel" éditée il y a quelques années par le Servive géologique national (BRGM) l'animatrice de cette journée nous a fait la nécessaire présentation géographique, géomorphologique et géologique de la région.

Les grands traits morphologiques (fig. 2 & 3)

La baie du Mont-Saint-Michel dessine un vaste arc de cercle ouvert au nord-ouest sur la Manche. Elle est verrouillée au nord par le granite de Carolles et à l'ouest par le granite et les roches métamorphiques de la pointe du Grouin à Cancale. Son substratum est essentiellement fait de schistes briovériens qui affleurent peu sur le littoral immédiat si ce n'est à la pointe du Mont Manet (Genêts), au Grouin du Sud (Vains), à la pointe de Roche-Torin () ou à Château-Richeux (Saint-Méloir-des-Ondes). Avec un marnage de plus de 15 mètres en période d'équinoxe, les marées en baie du Mont-Saint- Michel se placent au troisième rang mondial après celles de la baie de Fundy au Canada, et de l'estuaire du Severn en Angleterre. Soumise au balancement incessant de ces marées, la baie présente un vaste estran d'environ 200 km2 qui peut atteindre 10km de large et dont la platitude est simplement rompue par les îlots granitiques de Tombelaine et du Mont-Saint-Michel. Cet espace démesurément vaste est prolongé vers l'intérieur par des zones conquises et aménagées par l'homme: marais de Dol, polders du Mont-Saint-Michel.

Trois rivières qui ont statut de fleuves, débouchent dans la baie: la Sée et la Sélune à l'est et, bien sûr, le Couesnon au pied du Mont. Leur débit est la plupart du temps faible et elles n'apportent quasiment pas de sédiments à la baie, sinon des particules argileuses. Malgré tout, elles débouchent sur la Manche par un vaste système estuarien dont le rôle est fondamental dans le fonctionnement sédimentaire de la baie.

La morphologie de la baie est très diverse. A l'ouest, dans la région de Cancale, la côte rocheuse est très découpée. On retrouve ce même type de falaises à l'extrémité du massif de Carolles où elles sont prolongées au sud par un long cordon dunaire tendu entre Saint-Jean-le-Thomas et le bec d'Andaine. La partie méridionale de la baie, entre Genêts et Château-Richeux, est différente. En avant des digues qui protègent marais et polders se développe un schorre (ou herbu, ou pré salé) parfois très large (plus de 2000 mètres) qui forme transition entre le milieu terrestre et le domaine maritime.

Protégée par les îles anglo-normandes et par la pointe du Grouin à Cancale, la baie est peu soumise aux grandes houles de nord-nord-ouest. Dans ce contexte, ce sont principalement et essentiellement les marées qui contrôlent le fonctionnement tant sédimentologique que biologique de la baie, les vents de tempêtes s'ajoutant efficacement aux processus sédimentaires.

Ainsi se constitue au fond de ce domaine un prisme de sédiments marins dû au fait que le bilan sédimentaire de chaque marée est inexorablement positif car la vitesse et par conséquent l'énergie de la marée descendante (jusant) est inférieure à celle de la marée montante (flot).

A l'entrée de la baie, en zone subtidale (en dessous des plus basses mers) on trouve des sables grossiers parfois riches en débris coquilliers, localement remplacés par des galets et des graviers. En zone intertidale (zone de balancement des marées) l'essentiel du sédiment déposé est constitué par du sable et surtout en zone supratidale par de la tangue, vase sablo-silteuse riche en calcaire, d'autant plus fine que sa position est élevée.

Fig. 2- Carte géologique simplifiée de la baie (d'après Larsonneur et coll., 1989; L'Homer et al., 1999)

Selon l'alternance d'épisodes transgressifs et régressifs, des sédiments marins s'intercalent dans des dépôts de tourbe d'origine continentale. Dans les zones recouvertes seulement aux marées de vive eau la tangue colonisée par la végétation constitue le schorre ou herbu. Au contraire, vers le large, les zones recouvertes à chaque marée sont dépourvues de végétation. C'est la slikke, séparée du schorre, soit par une microfalaise, soit par une zone de transition ou haute-slikke.

Les sous-ensembles morphosédimentaires

* Au nord, entre le flanc du massif de Carolles et le Bec d'Andaine, s'individualise un trait de côte à contexte mixte: le substrat de la basse plage est de type estuarien à marais maritime, tandis que la partie haute de l'estran est de type plage dominée par la houle. En effet, fortement soumise aux houles d'ouest et de nord-ouest, la région de Saint-Jean-le-Thomas est actuellement la seule zone qui subit l'érosion. Le sable ainsi libéré est emporté par les courants de dérive littorale qui partent vers le sud. Ainsi se construisent et se modifie les flèches sableuses de Dragey et du Bec d'Andaine. A noter que ce phénomène naturel est depuis quelques années contrarié par les malencontreux enrochements réalisés à Pignochet sur la commune de St-Jean-le-Thomas.

*Au sud-est se développe une morphologie qui s'articule sur des chenaux de marée depuis une zone externe avec barres tidales et mégarides jusqu'aux larges embouchures de la Sée, de la Sélune et du Couesnon; c'est la baie estuarienne qui peut être subdivisée en trois secteurs: • la zone externe qui s'épanouit en un éventail pré-estuarien, encore appelé delta de marée. • La zone médiane qui est le débouché estuarien commun aux 3 fleuves côtiers de la baie. La grande largeur de cette zone estuarienne bordé de schorres (les herbus) est due à la navette quotidienne des courants de marée et à l'importance des volumes oscillants qui leur sont liés. • La zone interne représentée par les estuaires des trois principaux cours d'eau.

Fig. 3- Les grands ensembles morphosédimentaires (In L'Homer et al., 1999)

* Au sud-ouest et sud, à l'abri des houles dominantes et des courants de marée alternatifs se développe entre Cancale et le "Banc des Hermelles" (bioconstructions récifales actuelles dues à des vers annélides polychètes) un fond de baie à pente faible, régulière, où l'influence estuarienne est faible (tidal flat).

Descendre vers Saint-Jean-le-Thomas. A la sortie de ce village, en direction de Genêts, prendre à droite la D 483 qui part vers la plage de Pignochet. Après 500 mètres on trouve un rond-point; prendre à gauche la route vers Dragey (Chemin Montois) qui longe la côte en direction du sud vers le Bec d'Andaine. Après 1 kilomètre, face au chemin qui part à gauche vers le hameau de Obrey (rue de la Claire Douve), stationner sur la droite de la route pour aller à pied vers les dunes de Dragey et la plage.

Arrêt n°2 - Les dunes de Dragey - La tourbière de Saint-Jean-le-Thomas

Plus qu'ailleurs cette plage est exposée aux houles dominantes. Cette dynamique de haute énergie entraîne une érosion spectaculaire à la fois de la plage mais aussi des dunes qui la bordent. Comme le montrent divers documents aériens le recul a été d'environ 250 mètres depuis la moitié du XXème siècle.

Aujourd'hui, une petite falaise vive entame les cordons dunaires prouvant ainsi la persistance du phénomène érosif. Celui-ci est encore plus criant lorsque l'on va au sud vers La Dune (descente aménagée vers la plage).

L'estran lui-même est une vaste surface d'érosion pratiquement dépourvue de sédiments actuels qui laisse même apparaître des amas de galets mais surtout une assez vaste étendue de sédiments grisâtres, noirâtres ou bruns bien visibles lorsque la mer est basse. Il s'agit de niveaux vaseux et tourbeux que la marée descendante découvre peu à peu.

Les vases sont finement litées et les niveaux de tourbes montrent partout d'anciennes traces de racines, principalement de roseaux. Il s'agit là des restes fossilisés d'une vasière, avec son marigot, et d'un marais maritime, mis en place il y a quelque 4000 ans en arrière d'une ancienne barrière littorale qui a aujourd'hui entièrement disparu en raison de la remontée de la mer au cours des derniers milliers d'années. Avec un peu d'attention on peut même reconnaître des empreintes fossiles de bovidés. Cet affleurement de vasières et marais anciens mis au jour à la faveur de l'érosion est exceptionnel dans le contexte de comblement général de la Baie du Mont Saint Michel. Il permet de bien comprendre comment un paysage côtier, un environnement sédimentaire littoral peut évoluer et, notamment, être détruit sous l'influence d'une transgression.

Reprendre la route, laisser sur la droite le site de La Dune (Dragey-Plage) et continuer sur quelques centaines de mètres vers Genêts pour prendre sur la droite, juste avant un puits, un chemin qui mène à un petit parking. Continuer à pied vers le rivage.

Arrêt n°3 - Les dunes de Dragey (suite)

Cet arrêt montre un vaste ensemble de cordons dunaires qui ne progressent plus. Ils présentent une morphologie caractéristique, les cordons étant parallèles et séparés par des dépressions d'ailleurs aujourd'hui sillonnées de pistes qui voient le passage des chevaux à l'entrainement (une activité typiquement locale!).

Ces flèches sableuses, surmontées de dunes dans leurs parties les plus élevées, constituent une barrière littorale en arrière de laquelle se déposent des sédiments fins lorsque les grandes marées parviennent à la contourner, voire à la submerger. Ces vasières d'arrière-barrière (les "bâches") se comblent peu à peu et finissent par être entièrement occupées par la végétation d'herbus dans les parties les plus internes.

A l'est, l'horizon est marqué par les hauteurs constituées de sédiments briovériens; il s'agit d'un ancien littoral rocheux ("falaise fossile"). Une zone marécageuse (marais de la Claire Douve) longe cet ancien littoral.

A la sortie de Genêts prendre à droite la direction de Saint-Léonard, rejoindre la côte au Grand Port. La route passe devant l'une des Maison de la Baie (relais de Vains-Saint-Léonard) puis monte légèrement pour offrir un superbe point de vue sur le Mont.

Arrêt n°4 - La pointe rocheuse du Grouin du Sud

A la confluence de la Sée et de la Sélune, le Grouin du Sud est une pointe rocheuse qui permet d'apprécier la nature du substratum de la baie. Celui-ci est constitué de sédiments protérozoïques du domaine nord-armoricain rangés dans le Briovérien. Ce sont des siltites et des grès fins à litage très bien exprimé. Les figures sédimentaires y sont fréquentes. On remarquera que ces roches ont été exploitées sur le flanc sud de la pointe où il est possible d'identifier une ancienne carrière littorale. C'est aussi un point d'accès à la baie à partir duquel des traversées sont organisées (un guide est indispensable).

Poursuivre le long du littoral et rejoindre . Prendre la voie rapide pour aller en direction de . Prendre sur la droite la sortie Le Val-Saint-Père et suivre la direction du Gué de l'Epine.

Arrêt n°5 - Le schorre du Gué de l'Epine

La pause du déjeuner s'est effectuée au Gué de l'Epine, dans la zone estuarienne franche de la Sélune. A l'horizon, le Mont émerge d'un schorre très largement développé, parcouru de petits chenaux secondaires qui se jettent dans la slikke du chenal de divagation du fleuve. En cet endroit, comme en d'autres, le phénomène du mascaret est observable lors de marées favorables.

Rejoindre via Argennes.

A Pontaubault, juste avant de franchir la Sélune, un chemin part sur la droite le long du fleuve, passe sous le pont de chemin de fer. Il est possible de stationner juste après.

Traverser l'herbu (attention aux clôtures!) pour rejoindre la Sélune.

Arrêt n°6 - A Pontaubault, la tangue des bords de la Sélune

A proximité même de Pontaubault la Sélune entame en microfalaise le schorre laissant apparaître la tangue qui comble l'estuaire, apportée par les marées successives..

Dans la partie estuarienne de la baie, à chaque marée montante, le flot apporte en effet un volume considérable de sédiments que le jusant, de vitesse généralement plus faible, n'arrive pas a rapporter à la mer dans sa totalité. C'est ainsi que l'estuaire se comble naturellement, et que le Mont-Saint- Michel s'ensable. L'une des caractéristiques sédimentologiques de l'estuaire de la baie du Mont-Saint-Michel tient dans la nature du sédiment qui s'y dépose, la tangue.

Il s'agit d'un matériel fin (sables très fins à silts), de couleur grise contenant en moyenne 50% de particules carbonatées, l'autre moitié étant constituée de grains de quartz, de feldspath et de roches. La fraction carbonatée est composée d'une fine mouture de débris de coquilles d'organismes marins, brisées et apportées sous l'action des courants de marée et des houles dans la baie.

Contenant très peu d'argile, la tangue manque de cohésion et est facilement remise en suspension par les courants de marée. Elle peut cependant être aisément drainée et ainsi se compacter rapidement. Toutes ces propriétés font de la tangue un sédiment particulier, à la fois très mobile sous l'action des courants et susceptible de conserver en son sein les figures sédimentaires qu'ils peuvent créer. C'est donc un sédiment "parfait" pour enregistrer la marée, en particulier son caractère cyclique.

En coupe, la tangue présente un aspect laminé, montrant une alternance de lits clairs et sombres de quelques millimètres d'épaisseur. Les lits clairs sont constitués de sables fins et les lits sombres sont des silts plus ou moins argileux. Chaque "doublet sédimentaire" lit clair-lit foncé représente l'enregistrement sédimentaire d'une marée: le flot dépose un lit de sable puis, au moment de l'étale de haute mer, les sédiments plus fins peuvent décanter, drapant alors le lit sableux du flot. Le jusant, de faible vitesse, ne remobilise que très rarement ce doublet qui a le temps de se compacter, de se solidifier et d'être ainsi préservé par le doublet suivant.

Si, dans le domaine de la slikke, on examine encore plus près ce litage, on remarque que bien souvent les doublets se regroupent par 10-12 pour former des paquets séparés les uns des autres par un mince lit noir. Cette disposition correspond à l'enregistrement sédimentaire du cycle tidal de 14 jours dit "semi-lunaire", de morte-eau/vive-eau/morte-eau. Avec deux marées par jour, un cycle semi-lunaire complet comporte 28 marées.

Le domaine de la haute-slikke est seulement atteint par les marées de vive-eau ce qui explique pourquoi les paquets sédimentaires "semi-lunaires" n'y comptent qu'une douzaine de doublets. En période de morte-eau la surface de la tangue est émergée subit une "dessiccation" et durcit. Cette émersion prolongée permet une forte activité bactériologique qui se traduit par le mince lit noir.

Les enregistrements sédimentaires des cycles tidaux semi-lunaires sont appelés "rythmites tidales". Ils se forment typiquement dans les parties internes des estuaires comme c'est ici le cas à proximité de Pontaubault, là où les courants de marée ne sont pas contrariés par l'action des vagues.

L'existence des rythmites tidales permet de mesurer la rapidité des phénomènes naturels de comblement qui caractérisent les domaines estuariens en général et la baie en particulier, auxquels est lié l"ensablement" du Mont-Saint-Michel. Par ailleurs, la position des chenaux de l'estuaire dicte l'emplacement des aires où les tangues peuvent se déposer tranquillement et des aires où, au contraire, elles sont érodées. Du fait de la migration incessante des chenaux, des rythmites tidales déposées au cours de plusieurs années sont souvent érodées, complètement ou en partie, par la suite.

La haute slikke demeure le domaine privilégié pour le dépôt des rythmites tidales dont les aspects sont très variés. A l'opposé, dans le domaine du schorre, seulement inondé par les marées d'équinoxe, les tangues très fines ne montrent pas de rythmites tidales d'origine semi-lunaire. Les paquets de "doublets" y sont l'expression sédimentaire du cycle annuel au cours duquel alternent périodes de dépôt (automne, printemps) et périodes de sédimentation extrêmement réduite favorisant le développement de la végétation des herbus (été).

Il faut noter que les rythmites tidales reconnues dans la baie du Mont-Saint-Michel sont fréquemment citées en référence par les spécialistes qui travaillent sur les sédiments estuariens et que par ailleurs de tels dépôts sont connus et reconnus dans les sédiments estuariens fossiles.

Depuis Pontaubault rejoindre la N.175 qui va vers Pontorson et le Mont-Saint-Michel. Au niveau de Pontorson prendre la sortie Saint-Jean-de-Gréhaigne (D 797). La route longe la falaise fossile constituée ici du granite de Saint-Broladre entouré de cornéennes briovériennes. Elle offre de beaux points de vue sur les polders. A Cherrueix rejoindre la zone des moulins à vent implantés sur la digue et stationner pour traverser l'herbu et atteindre la zone des cordons coquilliers.

Arrêt n°7 – Le fond de baie et les cordons coquilliers de Cherrueix (Ille-et- Vilaine)

Au droit de Cherrueix, le fond de la baie du Mont-Saint-Michel correspond à un environnement de plage à très faible pente. Ce sont les courants de marée qui sont responsables de cette morphologie et de la nature granulométrique relativement faible de l'estran (sand flat).

Une seconde unité morphosédimentaire est représentée par les alignements de grands bancs coquilliers qui prennent appui sur la bordure du schorre ou de la haute plage. Ces "langues coquillières" ont une amplitude de 60cm à 1mètre pouvant localement atteindre 1,5 à 2 mètres. Elles peuvent mesurer jusqu'à 800 m de long pour 100 m de large. La section de ces cordons est dissymétrique, le versant abrupt faisant face à la digue de la Duchesse Anne. Le matériel est essentiellement coquillier mais admet des graviers et des petits galets. Ces thanatocénoses (assemblages d'organismes morts) sont en majorité constituées de bivalves, sauvages ou domestiques: Ostrea, Cerastoderma, Mactra, Mytilus, Solen, Tellina, Macoma.

L'origine de ces coquilles est à rechercher dans les peuplements du domaine infralittoral; les marées n'étant pas susceptibles de réaliser ce type d'accumulation, il faut y voir la manifestation de phénomènes plus violents comme le déferlement des houles de tempêtes qui parviennent à atteindre le fond de la baie. Sous l'action des houles, les coquilles sont triées puis acheminées vers le haut de l'estran où elles s'amoncellent. En arrière des cordons s'individualisent des microdispositifs lagunaires uniquement fonctionnels en vives eaux, à pleine mer. Des vasières d'arrière-cordons, abritées des houles constituent des cellules de décantation où se produit une sédimentation vaseuse très fine qui se signale en période d'assèchement par de larges fentes de retrait. Les cordons coquilliers avançant vers le domaine continental, ils laissent derrière eux ces vases qui affleurent, formant de grandes plaques horizontales sur les sables du haut estran.

Dans la baie, les cordons coquilliers les mieux développés et les plus accessibles à l'observation sont localisés à l'ouest de la commune de Cherrueix.

Rédaction du compte-rendu : Jean Plaine, Juillet 2004 Clichés Jean Plaine

Orientation bibliographique

On trouvera une bibliographie complète dans la notice explicative de la Feuille Baie du Mont-Saint-Michel: A. L'HOMER et al. 1999- Feuille Baie du Mont-Saint-Michel, n°208, éditions du BRGM (Orléans).

BAJARD J. 1966- Figures et structures sédimentaires dans la zone intertidale de la partie orientale de la baie du Mont- Saint-Michel. Rev.géogr.phys. et géol. dyn.,ns,t.8,fasc.1,p.39-111.

BONNOT-COURTOIS C., CALINE B., L'HOMMER A & LE VÔT M. 2002- La Baie du Mont-Saint-Michel et l'estuaire de la Rance. Environnements sédimentaires, aménagements et évolution récente. Mémoire Elf-Aquitaine, n°26.

CALINE B., LARSONNEUR C., L'HOMER A. 1982- La baie du Mont-Saint-Michel: principaux environnements sédimentaires. Mém.géol.Univ.Dijon,7,Livre Jubilaire Gabriel Lucas,p.37-51.

COMPAIN P., LARSONNEUR C. & WALKER P. 1988- Les sédiments et leur dynamique dans la partie nord-est de la Baie du Mont-Saint-Michel. Bull.Soc.linn.Normandie,112/113, 109-114.

EHRHOLD A. 1999- Dynamique de comblement d'un bassin sédimentaire soumis à un régime mégatidal: exemple de la baie du Mont-Saint-Michel. Thèse de Doctorat, Univ. Caen,294p. + annexes.

LARSONNEUR C. 1989- La baie du Mont-Saint-Michel. Bull.Inst.geol. du bassin d'Aquitaine,n°46,p.1-75.

TESSIER B. 1990- Enregistrement des cycles tidaux en accrétion verticale, dans un milieu actuel (la Baie du Mont- Saint-Michel), et dans une formation ancienne (La molasse marine miocène du bassin de Digne). Thèse de l'Université de Caen, 122p.

TESSIER B. 2002- Les faciès d'estuaire interne. Les rythmites tidales dans les tangues du Gué de l'Epine. In Bonnot- Courtois et al. (Eds) La Baie du Mont-Saint-Michel et l'estuaire de la Rance. Environnements sédimentaires, aménagements et évolution récente. Mémoire Elf-Aquitaine, n°26.