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Par Université Catholique de l'Ouest

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27 mars 2021 Le Monde ... se dévore avec un appétit d'ogre et une convivialité de troupe. Le cinéaste 3 multicésarisé Bertrand Tavernier, qui y était né le 25 avril 1941, n'a pas trahi, faisant honneur à ... 26 mars 2021 La passion réalisatrice Libération ... BERTRAND TAVERNIER Bertrand Tavernier Que la fête s'arrête «L'Horloger 6 de Saint-Paul», «Coup de torchon», «L.627», «la Vie et rien d'autre» Le réalisateur prolifique et bon vivant, mémoire ... 26 mars 2021 bertrand tavernier le parrain du cinéma français Le Figaro ... 'EST ÉTEINT LE 25 MARS À SAINTE-MAXIME. IL AVAIT 79 ANS.Par Éric 9 Neuhoff [email protected] et Étienne Sorin [email protected] cinéma était sa cour de récréation, sa salle d'études ... 26 mars 2021 Bertrand Tavernier, la passion et le lyrisme La Croix ... bibliothèque qui brûle. Voilà les images qui s'imposent à l'annonce du décès de 12 Bertrand Tavernier le 25 mars. Cet encyclopédiste du 7e art, de la littérature, de la musique, boulimique ...

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Samedi 27 mars 2021

Nom de la source Le Monde • p. 26 • 1677 mots Le Monde Type de source Bertrand Tavernier Presse • Journaux Périodicité Cinéaste Quotidien Couverture géographique Véronique Cauhapé Internationale Provenance L'engagement, une affaire de famille. n ne peut pas être de Lyon et Plus précisément un héritage venu du ne pas aimer la bonne chère, p. 26 père, René Tavernier, écrivain et critique O celle qui se dévore avec un littéraire qui fit acte de résistance en appétit d'ogre et une convivialité de fondant la revue Confluences, dans troupe. Le cinéaste multicésarisé laquelle il publia,sous l'Occupation, Bertrand Tavernier, qui y était né le 25 Paul Eluard et Louis Aragon. Ce dernier avril 1941, n'a pas trahi, faisant honneur trouva, avec Elsa Triolet, un abri dans la à cette nourriture qu'il a engloutie, villa des Tavernier, à Lyon. comme il a bouffé la vie et les films. Fidèle à sa ville où il tourna son premier Viscéralement de gauche long-métrage, L'Horloger de Saint-Paul (1974), et où il présida l'Institut Lumière C'est pour Geneviève, la mère de , aux origines, à la culture héritée des Bertrand, qu'il aurait écrit son poème Il anciens, aux amis, il était peut-être ar- n'y a pas d'amour heureux. Bertrand, rivé à satiété, comme on se plaît à le premier enfant du couple, né dans le croire. A bout de souffle. confort bourgeois et le fracas des bom- bardements, dans l'ombre d'un père Ce souffle dont la tuberculose le dépos- gaulliste avec lequel il faudra rompre, séda, dès son plus jeune âge, envoyant un jour ou l'autre. Ce qu'il fera. « Mon le gamin au sanatorium, et sur lequel il père a dilapidé son talent. J'ai fait beau- n'eut de cesse qu'il prenne sa revanche. coup de choses pour me différencier de Peu enclin à la tiédeur, Bertrand Tav- lui : je travaille énormément, je n'aime ernier n'était pas hom me d'engouements pas les dîners en ville », confiait-il, en et d'éner vements, mais de passions et mars 1999, à Libération. d'emportements. Lesquels firent en ten- dre sa voix quand il s'est agi de dénoncer Bertrand Tavernier choisira donc le la torture pendant la guerre d'Algérie, cinéma « Une manière inconsciente de de défendre la légalisation des sans-pa- me séparer de mon père et d'avoir mon piers, de combattre le Front national et propre domaine » - et sera toute sa vie le mauvais sort réservé aux banlieues. viscéralement de gauche. Prompt à dé- Militant aussi pour l'exception culturelle sobéir et à se mettre en colère. Quitte © 2021 SA Le Monde. Tous droits réservés. Le française, la lutte pour le respect du droit à diriger celle-ci contre les socialistes, présent document est protégé par les lois et conven- dont il juge la politique trop frileuse. tions internationales sur le droit d'auteur et son utilisa- des auteurs. La grande gueule et signa- tion est régie par ces lois et conventions. ture du cinéma français est morte jeudi Une mauvaise gestion du père, juste- Certificat émis le 26 mars 2021 à UCO à des fins de visuali- 25 mars, à l'âge de 79 ans, a annoncé sation personnelle et temporaire. ment, fait péricliter la revue Conflu- l'Institut Lumière à Lyon, dont il était le news·20210327·LM·1808762 ences et oblige la famille à abandonner président.

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Lyon pour Paris, où le petit Tavernier est écrivant dans de nombreuses revues spé- filial (distendu avant la réconciliation) envoyé en pension à l'école Saint-Mar- cialisées (le journal étudiant L'Etrave, est le vrai sujet du film. Le thème tra- tin-de-France, à Pontoise (Val-d'Oise), Les Lettres françaises, les Cahiers du versera bien d'autres films du cinéaste que dirige la congrégation des orato- cinéma, Positif) puis, comme attaché de (Un dimanche à la campagne, 1984; riens. De ces années, Bertrand Tavernier presse, pour le producteur français , 1990; La Princesse de gardera le souvenir du « sadisme des Georges de Beauregard, grâce à qui Montpensier, 2010, entre autres), profs de gym » et de l'humiliation. Peu Bertrand Tavernier réalise deux sketchs comme un ouvrage sans cesse remis sur sportif, l'enfant trouve refuge dans les pour Les Baisers, en 1963, et La Chance l'établi pour l'affiner, le corriger, le ré- livres, dont il fait un usage immod- et l'amour, en 1964. Dix années passent parer de ses imperfections, le compren- éré.Son tempérament est ainsi fait qu'il pendant lesquelles il promeut inlass- dre. n'est jamais amateur, mais fou de... lit- ablement les films oubliés ou boudés par térature et, plus tard, de jazz, de blues et la critique et écrit des scénarios pour les Un terrien pétri de culture de cinéma. cinéastes Riccardo Freda et Jean Leduc, Car Bertrand Tavernier est un artisan qui avant de parvenir à tourner son premier aime le travail bien fait, au point de se Le septième art, l'autre grande affaire long-métrage, en 1974, L'Horloger de voir parfois reprocher son académisme. de sa vie l'occupe très jeune. Etudiant à Saint-Paul. Pour coécrire à ses côtés le Un terrien pétri de culture qui observe, Paris, au lycée Henri-IV, puis à la Sor- scénario de l'adaptation du roman de saisit ce qui l'entoure, écoute les préoc- bonne, il fréquente la Cinémathèque au Georges Simenon, L'Horloger d'Ever- cupations de ses contemporains et revis- sein de laquelle il fonde, avec le futur ton, il fait appel à et ite le passé pour appréhender le présent. programmateur et conservateur Bernard Pierre Bost, ceux-là mêmes que Il en fait la matière de ses films, à Martinand et le poète Yves Martin, le François Truffaut avait violemment mesure que surgissent ses indignations. ciné-club Nickelodéon. Lieu où les trois montrés du doigt dans son article de jan- Ainsi qu'en témoigne Des enfants gâtés amis entendent réhabiliter le cinéma vier 1954 « Une certaine tendance du (1977), où un réalisateur (Michel Pic- américain des années 1940 et 1950, qui cinéma français . ne passait plus dans les salles. coli) rejoint les voisins de son immeuble Le roman situe l'intrigue aux Etats-Unis, dans leur lutte contre les méthodes abu- Du cinéma, Bertrand Tavernier aime le film la transporte à Lyon, ville à la sives du propriétaire, ou encore Ça com- tout. Polar, science-fiction, western, réputation bourgeoise et fermée de mence aujourd'hui (1999), plongée dans comédie musicale, petits et grands films. laquelle Tavernier souhaite rendre une la misère sociale à travers le quo tidien Il réfute les chapelles et revendique son autre image, tout aussi vraie. Celle des d'un directeur d'école maternelle, dans admiration pour le classicisme, la qual- bouchons où l'on célèbre le pied de co- le nord de la France. Il s'émeut aussi, ité française, héritière des Renoir, Du- chon, la charcuterie et le beaujolais, de façon saisissante et prémonitoire, des vivier, Autant-Lara. Il n'est pas de la celle des « appartements aux plafonds dérives du voyeurisme qu'encourage la lutte des cinéastes de la Nouvelle Vague très hauts, des cours où l'on entend des télévision dans La Mort en direct (Truffaut, Godard, Rivette, Rohmer...) enfants faire des gammes . Cette atmo- (1980), avec Romy Schneider. Et n'en qui ont à régler leurs comptes avec ceux sphère, en somme, si chère à Simenon, finit pas d'inter roger la violence, sujet de la génération précédente. Lui est de comme elle le fut à Claude Chabrol, lui- qui le fascine et fournit ses films les ceux qui prennent le cinéma dans son même bon mangeur et grand admirateur plus sombres. Parmi eux : L.627, sorti en semble. Il relève, par-delà les défauts, de l'écrivain. en 1992, chronique très documentée sur les mérites que chaque film comporte, une petite brigade de policiers, spécial- quel que soit le genre auquel il appar- L'Horloger de Saint-Paul, c'est aussi isée dans la lutte contre la drogue, que tient et la forme qu'il revêt. l'incompréhension, puis la rencontre en- le manque de moyens matériels conduit tre un père (, qui sera au délabrement moral et social. Et L'Ap- Curiosité sans borne longtemps l' « acteur autobiographique pât (1995), portrait de trois jeunes gens » de Tavernier) et son fils (Sylvain piégés par le goût du paraître, prison- Cet enthousiasme qui le porte à une cu- Rougerie), accusé du meurtre d'un niers de l'illusion de l'argent facile, et riosité sans borne, il le transmet en homme. Moins que l'enquête, le rapport que leur in culture et un manque de

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repères conduisent à commettre deux ma français (2016), un documentaire de crimes sordides. plus de trois heures dans lequel le réal- isateur revient sur sa vie à travers les Voracité et éclectisme nombreux films qu'il affectionne.

Bertrand Tavernier pratique le cinéma Le documentaire approfondit sa pensée, comme il l'a découvert et défendu. Avec prolonge ses enga gements, dénonce au- voracité il tourne pratiquement un film tant qu'il éclaire ce qui le fâche. Le for- par an et éclectisme, se promenant avec mat apporte un cadre idéal à ses protes- plus ou moins de réussite d'un genre à tations. Il l'adopte pour revenir sur la l'autre. Polars et films en costume (Que guerre d'Algérie et signe, avec Patrick la fête commence... , 1975; Le Juge et Rotman, La Guerre sans nom, où ceux l'Assassin, 1976; La Vie et rien d'autre, qui se sont toujours tus témoignent. Il 1989; Capitaine Conan, 1996; Laissez- l'utilise, en 2001, pour affirmer son sou- passer, 2002; La Princesse de Montpen- tien à ceux qu'on appelle les « double sier, 2010) nourrissent largement son peine » (parce que condamnés à la oeuvre. prison avant d'être expulsés vers leur pays) : Histoires de vies brisées. Les « Mais pas seulement. Avec Coup de tor- double peine » de Lyon, coréalisé avec chon (1981), fable tragique sur une hu- son fils, Nils Tavernier. manité pataugeant dans tous les vices, le cinéaste s'autorise une violente satire du Père aussi d'une fille, la romancière colonialisme et du racisme. Avec Autour Tiffany Tavernier, le cinéaste est tou- de minuit (1986), il signe son film mu- jours demeuré discret sur sa vie privée. sical et son hommage au jazz, et s'ac- Ce grand bavard timide, qui détestait se corde avec La Passion Béatrice (1987) regarder, s'analyser et parler de lui- une fresque médiévale. Il fait enfin, en même, préférait diriger son attention et 2009, sa première et unique expérience celle des autres vers ces humains que la américaine, et signe un polar méta- souffrance n'avait pas épargnés, ces in- physique en adaptant le roman de James connus dont les secrets, en ne cessant Lee Burke Dans la brume électrique jamais de l'intriguer, ont abreuvé ses avec les morts confédérés, avec Tommy films. Lee Jones en vedette.

Son amour du cinéma s'est aussi traduit dans plusieurs ouvrages. Notamment un livre monumental de mille pages, Amis américains (Institut Lumière-Actes Sud, 2008), qui réunit les entretiens réalisés pendant un demi-siècle par Bertrand Tavernier avec les grands d'Hollywood (John Huston, Elia Kazan, Robert Alt- man...); et un recueil de souvenirs re- groupés par Noël Simsolo dans Le Ciné- ma dans le sang (Ecriture, 2001). Avec le même souci de partage, il réalise, à l'âge de 75 ans, Voyage à travers le ciné-

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Vendredi 26 mars 2021

Libération • p. 1,20,21 • 1517 mots Nom de la source Libération Type de source La passion réalisatrice Presse • Journaux Par DIDIER PÉRON Périodicité Quotidien BERTRAND TAVERNIER Bertrand Tavernier Que la fête s'arrête Couverture géographique «L'Horloger de Saint-Paul», «Coup de torchon», «L.627», «la Vie et rien Nationale d'autre» Le réalisateur prolifique et bon vivant, mémoire érudite du Provenance septième art et incarnation d'un cinéma populaire et hélas pesant, est France mort jeudi.Il allait avoir 80 ans. p. 1 p. 20 Roller Olivier ages 20-21

uelqu'un qui n'a jamais l'air de p lement qu'on mette trop de formalisme comprendre ce social entre les indivi- «Q dus pour leur faire comprendre qu'on ne qu'est le monde du travail, le monde de partage pas le même monde. C'est le la pénibilité, l'air complètement perdu côté sympathique du personnage, mais face aux travailleurs, en tout cas beau- aussi totale- ment envahissant et coup plus que face à des actionnaires, épuisant à vouloir toujours aplanir les peutêtre lignes de clivages, relativiser les prises de bec parfois violentes qui pouvaient qu'il peut devenir un bon personnage de opposer des ferveurs esthétiques con- fiction, l'antithèse de Gabin dans le traires toujours ramenées à des Président de Ver- neuil.» Le costard était taillé à Em- manuel Macron au débotté «querelles de chapelles» selon lui, des par Ber- luttes de clans dans un vain jeu de pou- voir. Gamin introverti, il avait détesté trand Tavernier, en février l'année le sadisme des profs de sport et plus dernière, devant les caméras de Pu- blic tard, assistant de son propre aveu peu ef- Sénat. Tavernier a fait beau- coup de ficace sur les tournages de Jean-Pierre films mais certains n'ont pu voir le jour, Melville, cinéaste gla- cial, maniaque, comme celui avec Jean-Pierre Marielle toujours dissimulé sur l'étrange aventure du président Paul Des- derrière ses lunettes noires, humiliant vo- lontiers ses acteurs, chanel, dans les années 20, qui avait basculé par la fenêtre d'un train en ses techniciens, il ne trouve pas sa place.

© 2021 SA Libération. Tous droits réservés. Le pleine nuit près de Montar- gis et avait Pas sa came, même si sans toujours s'en présent document est protégé par les lois et conven- été recueilli en pleine nuit par un rendre compte, per- dant de vue sa pro- tions internationales sur le droit d'auteur et son utilisa- tion est régie par ces lois et conventions. cheminot et sa femme, à qui il avait dû pre notoriété et le poids de ses décla- rations, il se dé- fendait des jugements Certificat émis le 26 mars 2021 à UCO à des fins de visuali- expliquer quel genre d'individu de haut sation personnelle et temporaire. péremptoi- res tout en tenant régulière- news·20210326·LI·168061286 rang il était. Celui qu'on appelait famil- iè- rement «Tatave» n'aimait pas tel - ment le rôle du distributeur automati-

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que des bons et des mauvais points. aient vraiment pas quel type d'avenir d'un million d'entrées, est prix spécial à Tous ceux qui ont un jour partagé leur fils comptait obtenir des vanités du Berlin, prix Louis-Delluc Mais le ver de cinéma, eux qui le voyaient tranquille- l'académisme est déjà dans ce premier du temps avec Bertrand Tavernier, dîné ment faire du droit et devenir notable. fruit tout en trogne, ambiance maussade, en sa compagnie, racontent sa faconde, La protection de Claude Sautet, qui étude psychologique à l'ancienne, si- le puits d'anecdotes à fond perdu, la mé- vient lences qui en disent long et étude de moire cinéphile à plein régime, le grand la vie de province aux parfums de ces lecteur de gros romans (sa passion pour convaincre les parents sourcilleux de lui rideaux que des mains ridées écartent Balzac, Zola, Dumas depuis l'enfance), foutre la paix, lance Bertrand Tavernier, pour regarder la tristesse du le fin connaisseur de jazz et évidem- qui s'est forgé ses premières rencontres ment l'amateur de bonne chère nourri cinéma en fondant un ciné-club, le monde. aux bouchons lyonnais de- vant les Nickel Odéon, il écrit des articles pour grandes plâtrées matinales de cochon- plusieurs revues (Cahiers du cinéma, PÉDILUVE DE SUEURS ET DE nailles, abats, tartes aux pralines dans Combat, les Lettres françaises, Positif), VINAIGRE Comment faire quand on a des éclaboussures de côtes-du-rhône. forgeant son goût éclectique avec une rêvé la grandeur de l'Amérique pour forte inclination américaine et une pas- s'implanter dans la médiocrité RÉHABILITATION DE VIEUX sion pour les paysages et le ciel des mythologique de la France ? C'est l'écart MESSIEURS De nombreuses vocations grands westerns de John Ford, Raoul incommensurable entre le spectateur et d'écri- vains sont nées dans les concertos Walsh ou Anthony Mann. le cinéaste qui ne se comblera jamais de toux grasse des sanatoriums. Tu- vraiment, surtout lorsque «Tatave» se berculeux, le jeune Bertrand Taver- nier Ses parents lui ayant plus ou moins piquera de fresque épique auto-qualifiée y aura à 5 ans son premier vrai coupé les vivres, il doit désormais gag- par la promotion de «monument» pour ner sa croûte et s'oriente vers le boulot Capitaine Conan, sur le front des choc de cinéma, découvrant Dernier d'attaché de presse avec son ami Pierre Balkans pendant la Première Guerre Atout de Jacques Becker qui demeurera Rissient, figure de proue de la bande du mondiale, quelque chose comme les son «cinéaste favori». Il est né et a gran- cinéma Mac Mahon. Sentiers de la gloire de Stanley Kubrick di dans une grande famille d'intel- lectuels gaullistes. Son père, René Tav- Quand à 33 ans, il peut réaliser son pre- repavés à la truelle du bon sens moral ernier, a fondé la revue Confluence, mier film, il ne se met pas au travail près de chez nous. Ni démiurge, ni fou, publiant Eluard et Aragon pendant l'Oc- avec un jeune de son âge, il va chercher ni stratège, Tavernier illustre. C'est cupation. Le rapport à ce père héroïque pour le scénario de l'Horloger de Saint- d'ailleurs parfois porté par une certaine mais dont il ne partage pas les idées Paul, adaptation d'un roman de joie gracieuse, comme dans Que la fête fon- damentalement de droite se cristal- Simenon, le duo Jean Aurenche et Pierre commence mais le naturel de la démon- lise à la Libération, la revue péricli- tant Bost, qui ont plus de 70 ans et de nom- stration lourdingue rapplique souvent au et la famille devant s'installer à Paris breux films dans le rétroviseur dont un galop, comme la farce anti-coloniale : «Mon père a dilapidé son talent. J'ai bon nombre avec Claude Autant-Lara, Coup de torchon dans les années 80 fait beaucoup de choses pour me dif- qui aura été l'un des cinéastes vedettes avec ses stars (, férencier de lui : je travaille énormé- les plus vilipendés par la Nouvelle Philippe Noiret, Eddy Mitchell ) ment, je n'aime pas les dîners en ville», Vague, qui avait employé contre lui la pataugeant dans un pédiluve de sueurs expliquera Taver- nier lors d'une rencon- «manière forte» : «Nous, qui arrivions et de vinaigre, ou le film social sur fond tre-portrait pour Libération en 1999 où une demi-génération après, n'étions pas de région ravagée par le chômage et de se dé- voile, derrière celui qui apparaît dans ce rapport. Nous, on admirait.» En- bons sentiments dans Ça commence au- alors comme l'encombrant vieil on- treprise de réhabilitation de vieux jourd'hui (rebaptisé dans Libé : «Ça messieurs qu'il relance, puisque le film commence à bien faire»). cle un peu radoteur du cinéma français, avec Philippe Noiret et la figure d'un angoissé ayant eu à tailler sur un père découvrant que son fils est Certains films échappent à la leçon ou sa route contre des proches qui ne voy- un meurtrier, tourné à Lyon, fait plus aux grands mots, tel Une semaine de

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vacances, portrait sensible d'une pro- Comment faire quand on a rêvé la fesseure en dépression inter prétée par grandeur de l'Amérique pour s'implanter Nathalie Baye, mais aussi quand délais- dans la médiocrité mythologique de la sant la fiction, Bertrand Tavernier se France ? DISPARITION lance dans du travail de documentaire militant avec Histoires de vies brisées Illustration(s) : : les «double peine» de Lyon, cosigné avec son fils Nils Tavernier, de même Bertrand Tavernier sur le tournage de que De l'autre côté du périph, en 1997, Un dimanche à la campagne, en 1984. où il passe trois mois après que le min- PHOTO ROBERT DOISNEAU. GAM- istre de la Ville, Eric Raoult, ait cru bon MA RAPHO de narguer les MARY EVANS SIPA cinéastes français qui protestaient contre les lois Debré en restant confortable- Philippe Noiret et Jean Rochefort, dans ment installés dans leur périmètre nanti. l'Horloger de Saint-Pau(1974). PHOTO Ce journal de vie de quartier saisissait RONALD GRANT précisément les nuances que l'imagi- Jean-Roger Milo et Philippe Torreton naire tend chez lui à éroder. Son film dans L.627 (1992). PHOTO JACQUES sur la vie des flics, L.627, énervera très PRAYER/GAMMA-RAPHO fort Paul Quilès, ministre de l'Intérieur, ce qui peut être une raison suffisante de l'aimer : «Combien de policiers ont af- firmé face à moi, à la télé, que les bu- reaux dans des Algeco, cela n'existait pas ? Tous sont venus me trouver par la suite pour s'excuser en me disant qu'ils avaient agi sur ordre et que mon film était entièrement juste», racontera plus tard le cinéaste.

C'est une fois encore sur le terrain de l'engagement politique que Bertrand Tavernier, homme public tonitruant, saura se déployer sur plusieurs fronts, défendant les sans-papiers, vitupérant contre la colorisation des films, récla- mant la fin de la loi du silence sur la guerre d'Algérie, fustigeant la propaga- tion du modèle des multiplexes contre celui des cinémas de quartier mais aussi récemment l'inertie de la profession face aux géants des plateformes. Affaibli, ne trouvant pas les moyens financiers pour lancer un tournage, il s'était mis à écrire ses mémoires que le souffle court, la vue défaillante, il ne terminera jamais.

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Vendredi 26 mars 2021

Nom de la source Le Figaro • no. 23824 • p. 30 • 1461 mots Le Figaro Type de source bertrand tavernier le parrain du Presse • Journaux Périodicité cinéma français Quotidien Neuhoff, Eric, Sorin, Etienne Couverture géographique Nationale Provenance Stephane Cardinale - Corbis/Corbis via France ISPARITION HOMME DE Getty Images TOUS LES COMBATS, LE p. 30 RÉALISATEUR DE « QUE Bertrand Tavernier au Festival international D du fim de Marrakech, en 2019. LA FÊTE COMMENCE... » ET DE « L'HORLOGER DE SAINT-PAUL » S'EST ÉTEINT LE 25 MARS À westerns américains. Dès ses débuts SAINTE-MAXIME. IL AVAIT 79 derrière la caméra, Bertrand Tavernier ANS.Par Éric Neuhoff eneuhoff@lefi- s'affirme comme un solide artisan, tour- garo.fr nant le dos aux affèteries alors à la mode. Pour ses débuts, il adapte et Étienne Sorin [email protected] Simenon et s'adjoint les services de Jean cinéma était sa cour de récréation, sa Aurenche et Pierre Bost, scénaristes et salle d'études. Bertrand Tavernier fait bêtes noires de la Nouvelle Vague, désormais l'école buissonnière. Le réal- cibles de Truffaut dans son article « Une isateur s'est éteint le 25 mars à Sainte- certaine tendance du cinéma français » Maxime, dans le Var, après soixante- . Tavernier représentera Aurenche sous dix-neuf ans d'une vie tout entière les traits de Denis Podalydès dans Lais- dédiée au « cinoche » . Enfant, il n'est sez-passer , inspiré des mémoires d'un pas marqué par un film en particulier autre artisan du cinéma français sous mais par tous les films puisqu'il voit l'Occupation, le réalisateur Jean De- tout, chefs-d'oeuvre ou navets. vaivre, joué par Jacques Gamblin.

Une fois adolescent, Bertrand Tavernier L'Horloger de Saint-Paul (1974) se déclare préférer le septième art aux passe à Lyon, sa ville natale. On la voit, études de droit. Son père, le poète René on la sent, avec ses places, ses quais, Tavernier, le met à la porte. Le fils re- ses marchés. Il faudrait compter le nom- belle fonde le cinéclub Nickelodéon et bre de séquences à table, où les convives la revue L'Étrave , devient attaché de commentent les résultats des élections presse pour la Warner, assure la promo- dans un bouchon, discutent de la peine tion des films de Kubrick et Godard ( de mort et de Guy Lux devant un tablier ), est propulsé assistant de de sapeur ou blaguent sur Michel Droit Jean-Pierre Melville. Il le rappelle dans © 2021 Le Figaro. Tous droits réservés. Le en se resservant un verre de beaujolais. présent document est protégé par les lois et conven- son formidable documentaire, Voyage à Il y a Noiret, qui sera le fidèle complice tions internationales sur le droit d'auteur et son utilisa- tion est régie par ces lois et conventions. travers le cinéma français (2016). du réalisateur - ils tournent cinq longs-

Certificat émis le 26 mars 2021 à UCO à des fins de visuali- métrages ensemble. La vie de ce com- sation personnelle et temporaire. Le passage à l'acte démange ce cinéphile merçant tranquille est bouleversée news·20210326·LF·872×20×21951097133 impénitent, biberonné aux polars et aux quand son fils tue le vigile d'une usine

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où travaillait sa petite amie. Attentif à prenant tout à coup pour le Bertolucci de Young sert de modèle). Cet éclectisme son époque - les prostituées manifes- 1900 . Des enfants gâtés (1977) suit à la ne l'empêche pas de signer un nanar taient dans les rues -, Tavernier décrit les trace un scénariste (Piccoli, à peine sorti médiéval ( La Passion Béatrice , 1987) rapports d'un père et de son garçon, leur de chez Sautet) et illustre les méfaits des ou de rendre un hommage à peine voilé difficulté à communiquer, leur soudaine promoteurs immobiliers dans un Paris à son père dans Daddy Nostalgie (1990), solidarité qui ressemble peut-être à un en pleine rénovation. La Mort en direct avec Dirk Bogarde. L.627 décrit le quo- amour muet. (1980) convoque Romy Schneider et tidien d'une brigade des stupéfiants, se Harvey Keitel dans un polar futuriste. rapproche du documentaire, genre que Le metteur en scène, qui s'était inscrit Retour à Lyon pour Une semaine de va- l'auteur affectionne ( De l'autre côté du sans rougir dans la lignée de cette qual- cances (1980), avec Nathalie Baye en périph' , La Guerre sans nom ). Il rend ité française si vilipendée, abandonne enseignante dépressive. Changement de hommage à Alexandre Dumas, l'un de ensuite le drame contemporain pour se décor avec Coup de torchon (1981), li- ses auteurs de chevet, dans La Fille de plonger dans la Régence avec Que la brement adapté de 1 275 âmes , « Série d'Artagnan (1994) avec une Sophie fête commence ... (1975), sans doute son noire » de , collection Marceau épée à la main, entourée de meilleur film. Son comédien fétiche y dont Tavernier raffole. L'Afrique occi- mousquetaires vieillissants. Il retrace un éclate en Philippe d'Orléans roué, élé- dentale française de 1938 remplace fait divers sanglant dans L'Appât (1995). gant. La débauche et les soupers fins l'Amérique profonde. Noiret est un Philippe Torreton est l'interprète de avaient une odeur de pourriture et tout policier qui n'arrête personne, une or- Capitaine Conan (1996), d'après Roger le monde se bouchait le nez. La révolte dure totale, veule, retorse. Eddy Vercel, sur les corps francs de la Pre- couvait et le marquis de Pontcallec Mitchell fait le demeuré, Isabelle Hup- mière Guerre mondiale, et de Ça com- (Jean-Pierre Marielle, irréprochable) rê- pert la maîtresse, le tout un peu forcé, mence aujourd'hui (1999), où le comé- vait d'une république bretonne tandis comme du Mocky light. dien incarne un instituteur aux prises que l'abbé Dubois (Jean Rochefort, sin- avec les aléas de son métier et la misère ueux en diable) soignait son ulcère à On voit par là qu'il est compliqué de sociale dans le Nord. Le cinéaste s'ef- coups d'aphorismes : « Je suis avare. classer Bertrand Tavernier. Les éti- face derrière le militant et pédagogue, C'est le seul vice qui ne me coûte rien » quettes ne sont pas pour lui. Le classi- pas toujours très subtil. , ou « Je suis naturellement païen et dif- cisme ne l'effraie pas. Du passé, il ne ficilement chrétien » . On apercevait en fait pas table rase, puisqu'il recommande Dans la brume électrique (2009) con- vitesse les silhouettes de Clavier, Blanc, Michael Powell ou André de Toth. firme son goût pour les romans noirs Lhermitte, pas encore célèbres. Bernard L'oeuvre des autres l'intéresse, le pas- et lui permet d'immerger Tommy Lee Tavernier se délectait de rappeler à sionne, peut-être plus encore que la si- Jones dans la Louisiane hantée de James plusieurs reprises que le médecin du ré- enne. Le patrimoine est une de ses ob- Lee Burke. Grâce à lui, les fantômes gent s'appelait Chirac. sessions, à l'instar d'un Martin Scorsese des soldats confédérés ne semblent alors aux États-Unis. Indigné permanent, il se plus si éloignés que ça des berges du Le Juge et l'Assassin (1976) vaut à Gal- bat pour le respect du droit d'auteur, Rhône. Jamais là où on l'attend, le voilà abru ses galons d'acteur sérieux, presque pour les sans-papiers, contre la colorisa- s'attaquant à une nouvelle de Madame tragique. Dans les monts d'Ardèche, en tion des films, l'extension des multiplex- de La Fayette, La Princesse de Mont- 1893, ce meurtrier anarchiste écrit dans es ou encore les critiques. Il est le prin- pensier (2010), n'hésitant pas à mettre la neige « Je vous salue Marie mère du cipal inspirateur d'un texte des cinéastes dans la bouche de Mélanie Thierry le ciel » , viole bergers et bergères avant de la société des auteurs-réalisateurs- style du Grand Siècle. Il surprend de de les égorger, joue au chat et à la souris producteurs (ARP) qui se plaint d'une nouveau, lui qui n'était pas réputé pour avec son juge (Noiret, évidemment, certaine critique hexagonale. Il aime la son humour, en filmant la bande dess- moustache et chapeau melon). Beau du- polémique, le combat. inée Quai d'Orsay (2013). Le héros est el à l'ancienne qui tient la comparaison un ministre des Affaires étrangères avec celui de Garde à vue , mais que Son goût pour le jazz se dévoile dans ressemblant dangereusement à Do- Tavernier ne peut s'empêcher de clore Autour de minuit , avec Dexter Gordon minique de Villepin qui aurait pris les par une grève avec drapeaux rouges, se en saxophoniste alcoolique (Lester traits de Thierry Lhermitte survolté.

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Quai d'Orsay est bien un film de Tav- ernier dans la mesure où il montre des gens au travail. « Oui, c'est un film sur le boulot, confie le cinéaste au Figaro . Comme, au fond, presque tous mes films : L.627, Ça commence aujourd'hui, même La Vie et rien d'autre et Capitaine Conan, car la guerre est aussi un métier. Les gens bossent tout le temps, ça me passionne. Les diplomates ne passent pas leur temps à manger des petits fours dans des cocktails. Les 35 heures n'ex- istent pas. Le mot « fonctionnaire » est devenu péjoratif mais certains fonction- naires ne comptent pas leurs heures et ont le sens de l'État. » Tavernier ne compte pas les siennes non plus. Le cinéma et rien d'autre. Sa vie aurait pu se résumer par cette formule. Tous les moyens sont bons pour transmettre sa passion. Livres, préfaces, bonus de DVD, interventions à l'Institut Lumière, dont il était le fondateur et le président.

Réunis sous le titre Amis américains , ses entretiens avec des cinéastes, de John Huston à Quentin Tarantino, res- teront la bible des amateurs. Tout comme son dictionnaire, 50 ans de ciné- ma américain , rédigé avec Jean-Pierre Coursodon. On se demande quel dernier film a vu cet insatiable dévoreur de pel- licules. Seul Dieu, auquel il ne croyait pas, connaît la réponse.

Il est compliqué de classer Bertrand Tavernier. Les étiquettes ne sont pas pour lui.

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Vendredi 26 mars 2021

La Croix • no. 41970 • p. 21,22 • 1807 mots Nom de la source La Croix Type de source Bertrand Tavernier, la passion et le Presse • Journaux Périodicité lyrisme Quotidien Le cinéaste, scénariste, dialoguiste, producteur, écrivain est mort le 25 mars Couverture géographique à Sainte-Maxime, dans le Var. Il avait 79 ans. Nationale Provenance Jean-Claude Raspiengeas France p. 21 p. 22 zomiques, établissant sans cesse des n chêne qu'on abat. Une bib- liens inattendus, soudain évidents, liothèque qui brûle. Voilà les comme naguère « les dames du télé- U images qui s'imposent à l'an- phone » jonglaient avec les fiches pour nonce du décès de Bertrand Tavernier le établir la communication. 25 mars. Cet encyclopédiste du 7e art, de la littérature, de la musique, boulim- Il charriait ses interlocuteurs dans le tor- ique de tout, de nourriture, d'actualités, rent de sa fascinante logorrhée. De ces de rencontres, de partages laisse une heures passées avec ce joyeux drille, oeuvre considérable qui ne se réduit pas dont les anecdotes étaient ponctuées à la somme de ses trente films. d'un rire irrésistible et de l'invariable « Formidable !... Hein ?... Hein ?... For- Ce suractif sur-réactif turbinait comme midable ! », jailli d'une voix qui grim- une centrale nucléaire, sans que l'on pait dans les aigus, scellant une con- sache si le coeur du réacteur fonction- nivence immédiate, on ressortait groggy nait à la fission ou à la fusion. Son et enrichi. Submergé par une vague de courant alternatif oscillait toujours entre références, nourri d'un savoir nouveau. l'admiration et l'indignation. Jamais en Si certains possèdent l'oreille absolue, retard d'une colère, ni d'un enthousi- Bertrand Tavernier avait « le goût ab- asme, il prenait la terre à témoin, prêt à solu », sûr et juste. Son testament, son dégainer une tribune pour s'insurger ou émouvant et admirable Voyage à travers s'enflammer. Il avait d'ailleurs accepté le cinéma français, en administre la de tenir une chronique au début des an- preuve. Cette oeuvre ultime demeure le nées 2000 dans La Croix . De ses poches legs de son insatiable curiosité. Le blog dépassaient livres et journaux qu'il s'em- qu'il tenait sur le site de la SACD, inven- pressait de distribuer à ses amis. Ce taire régulier de ses trouvailles et relec- gourmet cuisinait des plats savoureux tures, est à archiver à la BNF, au même pour le plaisir d'en prolonger le bonheur titre que la conservation des manuscrits dans les volutes d'échanges animés et la des grands auteurs. On y retrouve, projection en petit comité de trésors de comme dans sa conversation, érudition, © 2021 la Croix. Tous droits réservés. Le présent sa volumineuse vidéothèque. Bertrand document est protégé par les lois et conventions in- traits d'esprit, goût pour l'histoire, im- ternationales sur le droit d'auteur et son utilisation est Tavernier était un compagnon disert, régie par ces lois et conventions. périeux désir de toujours partager. volcanique, qui filait dans le dédale Certificat émis le 26 mars 2021 à UCO à des fins de visuali- sation personnelle et temporaire. amusant de ses souvenirs, l'étendue L'inaction l'angoissait. Le silence le news·20210326·LC·o4lx-1356931 abyssale de ses connaissances rhi- paniquait. Il remplissait l'espace pour

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mieux s'éviter. Être paradoxal, ce géant se jeter dans les cinémas parisiens où L'ambiance sur ses tournages virait à la exubérant avait des pudeurs de rosière, se forge son imparable cinéphilie. Très partie de campagne, bordée d'excellents des brusqueries de timide, de brèves et vite, avec une bande, il fonde un ciné- repas qui soudent les équipes et font jail- soudaines colères, résumées par son club éclectique, le Nickel-Odéon, écrit lir les bons mots. Mélomane averti, féru gimmick d'impatient « Qu'est-ce qu'on dans des revues, ferraille, sans dogma- de jazz, il accordait un soin particulier attend ? » qui deviendra le titre de l'un tisme, dans ces combats d'intransigeants aux musiques de ses films dont les de ses livres. Cet hypersensible était esthètes. La passion l'emporte sur l'inhi- mélodies et les thèmes devenaient inou- désarmant d'attentions mal formulées. Il bition. Le cinéma, c'est la vraie vie. bliables. se servait du cinéma pour traduire émo- tions et sentiments qu'il ne savait pas Claude Sautet et Jean-Pierre Melville À la longue, il pouvait indisposer par exprimer dans la vie. Colo, sa première adouberont cet adolescent trop vite ses emportements perpétuels, courant le femme, l'appelait tendrement « Ours » . monté en graine, maladroit mais fervent. risque de banaliser ses prises de parole, La mère de leurs enfants, Nils et Tiffany, Piètre assistant, il deviendra un attaché de se transformer en notable de la qui eut tant d'importance dans sa vie de presse redouté dans les années 1960, protestation. Mais avant de tempêter, les comme dans son oeuvre (coscénariste d' capable de retourner les critiques, en les injustices le dévastaient. Il n'avait que Une semaine de vacances, Un dimanche harcelant. Et les victimes en redeman- faire de la prudence ou des considéra- à la campagne , La Passion Béatrice , dent, tant le climat de débat incessant tions tactiques. Sa tendance à la disper- Daddy nostalgie, L'Appât ), est morte en qu'installe ce stakhanoviste de la con- sion était le pendant de sa générosité. Il juin dernier. viction les aiguillonne et les amuse. Il fustigeait sa famille politique, la gauche, parvient à ses fins en 1973 en réalisant prise en flagrant délit d'arrogance ou Bertrand René Maurice Tavernier est né son premier long-métrage, L'Horloger d'irresponsabilité. Il n'hésitait pas à pendant la guerre, le 25 avril 1941, dans de Saint-Paul, tourné à Lyon, sa ville défendre des populations oubliées de la une ville occupée, rejeton d'une famille natale, prix Louis-Delluc (le Goncourt banlieue (De l'autre côté du périph) , à d'importance enracinée à Lyon depuis le du cinéma). Accoucheur de scénaristes : montrer la vie quotidienne d'enseignants XVIe siècle, fils du poète et résistant il a réhabilité Aurenche et Bost de maternelle dans une région, le Nord, René Tavernier, fondateur de la revue (« flingués » par Truffaut et la Nouvelle fracassée par le chômage, la misère, la Confluences . Sur les hauteurs de Vague), lancé Colo Tavernier, puis sa sous-alimentation (Ça commence au- Montchat, sa maison natale servait de fille Tiffany, remis en selle Jean Cos- jourd'hui). Humaniste engagé, il croyait boîte aux lettres et de repaire furtif à mos, fait naître Michel Alexandre (un à l'optimisme de la volonté. l'armée des ombres. Initié par ses par- policier) et Dominique Sampiero (un in- ents à la lecture, par sa grand-mère au stituteur). Bertrand Tavernier fut un dé- Au-delà de ses engagements citoyens, cinéma dans les salles de Lyon, le jeune couvreur de talents : Christine Pascal, Bertrand Tavernier aura écrit et filmé Bertrand est harponné, fasciné par les Sabine Azéma, Pascale Vignal, Char- une histoire de France que saluaient les images. L'antre des salles obscures sera lotte Kady, Nils Tavernier, Jacques historiens. Contemporaine ( Des enfants sa source et son refuge. « L'amour du Gamblin. On lui doit l'émergence sur gâtés, sur la spéculation immobilière , cinéma, disait-il, m'a permis de trouver grand écran du saxophoniste Dexter Une semaine de vacances , sur le une place dans l'existence. » Gordon ; la révélation d'un nouveau malaise des enseignants ; L.627 , sur la , le retour d'un oublié, condition des policiers ; , sur Tuberculeux, il est envoyé en sanato- Louis Ducreux ( Un dimanche à la cam- les tourments de l'adoption à l'étranger). rium. La famille Tavernier quitte Lyon pagne ). Il a fait tourner Romy Schnei- Ou sur le passé avec une série de films pour Paris quand il a 6 ans. L'été, le der et Harvey Keitel, Jean-Pierre admirables, célébrés pour leur précision clan se retrouve à Sainte-Maxime. Pen- Marielle, Jean Rochefort, Isabelle Hup- et leur liberté de ton ( Que la fête com- sionnaire solitaire chez les oratoriens de pert, Nathalie Baye, Sophie Marceau, mence... , sur la Régence ; Le Juge et Saint-Martin de France à Pontoise, l'es- Eddy Mitchell, Jane Birkin et même l'Assassin , stupéfiante évocation d'un prit enfiévré par ses lectures d'Alexan- Martin Scorsese. Il eut, par périodes, des serial killer rural au XIXe siècle ; La dre Dumas, de Victor Hugo, de Zola, acteurs fétiches : Philippe Noiret, Passion Béatrice , au temps des il guette les sorties du week-end pour Philippe Torreton, Jacques Gamblin. cathares ; deux chefs-d'oeuvre : La Vie et

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rien d'autre , sur la pathétique recherche questions de citoyenneté que pour la le romancier américain Russell Banks), des disparus en 1920 et Capitaine Co- qualité de la vie en bas de chez lui. il rédigeait ses mémoires à tout jamais nan , sur l'armée d'Orient égarée dans Président bénévole de l'Institut Lumière, inachevés, travaillait à sa collection de les Balkans en 1919 ; Laissez-passer , il multiplie les allers-retours Paris-Lyon livres de western, L'Ouest, le vrai, chez sans doute le plus secrètement person- pour travailler de concert avec Thierry Actes Sud, mettait la dernière main à nel, sur le cinéma sous l'Occupation ; Frémaux, son alter ego, convaincre les la nouvelle édition enrichie de son clas- La Princesse de Montpensier , sur les élus régionaux, accueillir des cinéastes, sique 100 ans de cinéma américain dont errances du coeur). Il alterna drames ( leur rendre des hommages fraternels. il ne verra pas la publication. Son La Mort en direct , futuriste, prémoni- Ensemble, ils lanceront le Festival Lu- héritage posthume, un monument de toire, sur le cynisme de la télévision) mière, assurant son succès populaire et référence. L'un de ces flambeaux que et comédies ( Coup de torchon , satire son rayonnement international. Tav- nous laisse ce vibrant défricheur. de la France coloniale ; Quai d'Orsay , ernier ne rechignait jamais à sillonner la « Éclairer la vie, disait-il encore récem- adaptation de la BD sur la diplomatie France pour animer une séance de ciné- ment , c'est un beau programme. » au temps du fantasque Dominique de club dans un village introuvable, ni à se Villepin), fictions ( Autour de minuit , déplacer pour l'ouverture d'un cinéma de sur son amour du jazz ; L'Appât , sur proximité... Il avait eu droit à quatre bi- l'absence de conscience de jeunes crim- ographies, dont une parue en Angleterre, inels ; Dans la brume électrique , son et plusieurs livres d'entretiens. Homme grand film américain) et documentaires de mots autant que d'images, il publia ( Philippe Soupault, sur le dernier sur- des ouvrages passionnants (journaux de réaliste ; Mississippi Blues, tourné avec tournages, livres d'entretiens avec ses le cinéaste Robert Parrish ; La Guerre pairs d'Hollywood, Amis américains ). sans nom , sur le traumatisme des ap- Graphomane, il entretenait une corre- pelés de la guerre d'Algérie). Et au mi- spondance enthousiaste avec un cercle lieu, une curiosité, pour la télévision, de complices. Lyon, regard intérieur , déclaration d'amour à son père et à cette ville. Hors de France, Bertrand Tavernier était perçu comme le dernier représentant du Peu de créateurs auront autant remis sur grand cinéma français classique. le métier, variant les thèmes, les sujets, Comme un moderne Jean Renoir. Ja- le traitement, passant du film d'actualité mais serein, assailli de doutes à chacun à la fresque picaresque, de l'épopée de de ses films (financement, distribution, cape et d'épée (La Fille de d'Artagnan) exploitation, critique, accueil du public), au documentaire d'intervention (His- son manque de confiance le dévorait. Il toires de vies brisées. Les "double fonçait, arrachait le morceau auprès de peine" de Lyon) , de la biographie mu- producteurs réticents. Le succès comme sicale au road-movie américain, du non- la reconnaissance l'apaisaient à peine. Il sens africain aux conséquences de revendiquait la noblesse et l'originalité 14-18, de la sonate intimiste au film de de son travail, lyrique et ample. « J'ai guerre... défendu un cinéma large, ouvert sur le monde, attentif aux personnages et aux Agitateur d'idées depuis le début des an- êtres, dramatique autant que jubilatoire. nées 1960, on le voit sur tous les fronts, Mais jamais soumis, ni étriqué. » déployant une énergie contagieuse, un activisme inoxydable qui trouve à s'ex- Ces derniers temps, affaibli, amaigri, ercer aussi bien pour des causes plané- conscient qu'il ne tournerait plus mais taires, des combats professionnels, des voulant y croire encore (un projet avec

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