Rapport d’expertise :

Contamination du Captage de Normanville (27) par du Tetrachloroéthylène BRGM/RP-61519-FR Septembre, 2012

Cadre de l’expertise :

Appuis aux administrations ❑ Appuis à la police de l’eau x

Date de réalisation de l’expertise : septembre 2012

Localisation géographique du sujet de l’expertise : Evreux – Normanville (, 27)

Auteurs BRGM : Didier Pennequin

Demandeur : Agence Régionale de Santé – Haute-Normandie / DT 27

Contamination du captage de Normanville (27) par du tétrachloroéthylène

L’original du rapport muni des signatures des Vérificateurs et Approbateurs est disponible aux Archives du BRGM. Le système de management de la qualité du BRGM est certifié AFAQ ISO 9001:2008. Ce rapport est le produit d’une expertise institutionnelle qui engage la responsabilité civile du BRGM.

Document à accès différé :

Le tirage initial de ce rapport, en nombre fixé par convention, est diffusé à son commanditaire. Sa communicabilité ultérieure à des tiers est liée à la prise d’une décision administrative formelle à laquelle il concourt, conformément à la loi n° 78-753 du 17 Juillet 1978. Ce rapport devient communicable dans un an à tout tiers extérieur qui en ferait la demande ; le BRGM ne peut plus être tenu comme responsable de l’usage qui pourrait en être fait et des éventuelles conséquences pouvant en résulter.

Ce document a été vérifié et approuvé par :

Approbateur : Nom : Didier Pennequin Date : 15/10/2012

Vérificateur : Nom : Pierre-Yann David cccccDate : 09/10/2012

Le système de management de la qualité du BRGM est certifié AFAQ ISO 9001:2008.

Mots clés : expertise – appui à la police de l’eau – Mots clés : pollution, PCE, TCE, COHV, captage eau, alimentation eau potable, origine pollution, transfert pollution, Normanville, Eure,

En bibliographie, ce rapport sera cité de la façon suivante :

D. Pennequin (2012) – Contamination du captage de Normanville (27) par du tetrachloroéthylène, Rapport final. Rapport BRGM/RP-61519-FR. 64 p., 9 fig., 7 ann.

© BRGM, 2012, ce document ne peut être reproduit en totalité ou en partie sans l’autorisation expresse du BRGM.

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Synthèse

Contexte :

Le captage dit « des Coutures » destiné à l’alimentation en eau potable situé sur la commune de Normanville, au nord et à environ à 5 km en aval d’Evreux dans la vallée de l’Iton (Eure), n’est plus utilisé depuis 2010 suite à sa contamination par du tetrachloroéthylène (PCE), à des teneurs supérieures aux Concentrations Maximum Admissibles (CMA). Le Syndicat Intercommunal d’Adduction en Eau Potable d’Evreux Nord (SIAP), gestionnaire du captage, a lancé à la demande du Préfet une étude pour connaitre l’origine de cette pollution, qui a été confiée au bureau d’études BURGEAP. Les deux premières phases ont été réalisées et ont conduit le bureau d’études à déterminer une origine possible à la pollution, mais qui reste encore largement à confirmer. Devant la complexité du problème rencontré, l’Agence Régionale de Santé de Haute-Normandie, et en particulier sa direction territoriale de l’Eure (ARS 27), a sollicité la direction régionale du BRGM en Haute-Normandie en juillet 2012 pour qu’il : 1- Donne son avis sur les conclusions émises à ce stade par le bureau d’études concernant l’origine possible de la pollution et sur les recommandations formulées au niveau des suites à donner à l’étude pour pouvoir confirmer son origine, 2- Propose des investigations ou études complémentaires éventuelles qu’il juge opportun de réaliser en vue de pouvoir confirmer l’origine de la pollution et évaluer l’étendue et la migration du panache de polluants, 3- Indique si des mesures de dépollution sont à prévoir et si des mesures de précautions sont à prendre au regard des risques liés à la présence de COHV (PCE et TCE en particulier) à des teneurs importantes dans la nappe. Cette expertise s’est effectuée dans le cadre de la mission « d’appui à la police de l’eau » du BRGM et a consisté à analyser les deux rapports issus de l’étude Burgeap, fournis par l’administration en juillet 2012.

Dossiers examinés :

Les documents examinés pour cette expertise incluent : 1- Rapport BURGEAP REMNNM00091-02 – 01/08/2011 : Captage AEP « Les Coutures » Normanville (27) – Phase 1 : synthèse documentaire. 2- Rapport BURGEAP REETNM00306-02 24/04/2012 : Captage AEP « Les Coutures » Normanville (27) – Phase 2 : Diagnostic de la qualité environnementale des eaux superficielles et souterraines. En outre, INFOTERRE et quelques rapports du BRGM jugés utiles ont été consultés, dont les principaux sont : 1- Rapport BRGM 86/HNO/79 – Décembre 1986 : Faisabilité de l’exploitation et du transfert des eaux des sources des vallées de l’Eure et de l’Iton – Etude complémentaire sur la qualité des eaux. 2- Rapport BRGM / RP–59301–FR – Décembre 2011 : Carte hydrogéologique de la région Haute-Normandie – piézométrie de moyennes eaux, échelle 1/10000.

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Diagnostic du BRGM :

D’une manière générale, la recherche de l’origine d’une pollution, afin ensuite de pouvoir prendre les mesures correctives qui s’imposent pour protéger les dispositifs d’alimentation en eau potable, reste un problème souvent complexe et délicat qu’il faut aborder dans le cadre d’une démarche par étapes, adaptée au contexte et aux polluants concernés. C’est l’esprit général de l’étude réalisée jusqu’à ce stade par Burgeap. Il faut regretter toutefois l’existence de certaines insuffisances qui ne permettent pas de conclure véritablement encore sur l’extension du panache de PCE, ni sur son ou ses origines potentielles. Malgré cela, l’étude Burgeap apporte un certain nombre d’éléments intéressants et, en fonctionnant par analogie avec d’autres vallées industrielles, ainsi qu’au regard de l’utilisation importante des solvants chlorés dans le secteur d’Evreux, il semble probable qu’un panache plus ou moins continu de pollution au PCE s’étende entre Evreux et la zone de résurgences aval (), certes avec des teneurs variables. Il est sans doute vraisemblable qu’une partie importante (si pas l’ensemble) de la vallée de l’Iton entre Evreux et la zone de résurgences soit affectée par au moins de faibles concentrations en PCE. Même si l’origine ou les origines potentielles de la pollution observée dans le forage de Normanville ne peuvent à notre sens pas encore être établies précisément à ce stade, des présomptions fortes pèsent sur la zone d’activité de qui représente une source fort probable de la pollution du captage, et peut-être même la principale au regard de sa proximité (~2km en amont du captage) et de la nature d’une partie de l’activité qu’elle héberge. Le site INITIAL BTB est suspecté à cet égard, mais d’autres sites sur la commune pourraient l’être également. Il ne peut non plus pas être exclu à ce jour que des sources de pollution dans le secteur d’Evreux puissent contribuer de manière plus ou moins importante à la pollution observée dans le captage de Normanville ; du PCE et TCE pourraient, par exemple, s’échapper périodiquement ou de manière continue du site d’ASPOCOMP pour migrer vers l’aval et atteindre le captage de Normanville. De même, sans plus d’information, le site de la MATMUT (ancien établissement Luchaire – production de caoutchouc et d’élastomères) ne peut en toute rigueur pas être écarté comme source potentielle de pollution au PCE. En dehors de la vallée de l’Iton, il existe aussi quelques sites sur les plateaux qui pourraient a priori représenter des sources de pollution potentielle pour le captage de Normanville, au regard des activités qu’ils hébergent ou ont hébergé, s’ils s’avèrent être pollués par du PCE, et si des connexions hydrauliques existent, comme par le biais de vallées sèches dont le sous-sol est souvent fissuré, fracturé, voire karstifié. Des décharges sauvages, non recensées ou non identifiées, pourraient aussi exister à proximité amont du captage. Les données disponibles à ce jour restent insuffisantes pour pouvoir, soit retenir, soit éliminer ces possibilités. Une origine multiple à la pollution ne peut non plus pas être écartée.

Recommandations du BRGM :

Pour mieux pouvoir préciser l’extension du panache de pollution et identifier, l’origine, ou les origines de la pollution du captage de Normanville avec un degré de confiance suffisant, afin de pouvoir à terme mettre en place des mesures correctives efficaces, une démarche est proposée qui repose sur les éléments obtenus à ce jour dans le cadre de l’étude Burgeap, sur la connaissance générale du secteur que nous pouvons avoir aujourd’hui et, sur le souci d’essayer d’avancer au plus vite, tout en gardant une ouverture nécessaire au regard des incertitudes qui demeurent. L’esprit général des travaux proposés par Burgeap pour la suite de l’étude est

4 BRGM/RP-61519-FR Contamination du captage de Normanville (27) par du tétrachloroéthylène maintenu, mais l’approche que nous préconisons se veut plus exhaustive, devrait être plus efficace et les méthodes proposées sont pour partie différentes. Ceci permettra notamment de réduire les incertitudes et de minimiser les risques de ne pas identifier certaines sources significatives de pollution. Dans un premier temps il conviendrait de se focaliser sur les sites les plus proches susceptibles d’être à l’origine de la pollution observée dans le captage de Normanville, voire dans certains captages AEP en aval. Le travail à réaliser à cet effet porterait sur le secteur allant de Gravigny à la zone de résurgences et sur plusieurs aspects. Il consisterait à : 1- Réaliser deux relevés piézométriques (hautes eaux et basses eaux) dans le secteur de Gravigny et en aval jusqu’à la zone de résurgences de Tourneville – Houetteville, à la fois dans la vallée de l’Iton et sur les coteaux. 2- Procéder à des investigations complémentaires plus fines à Gravigny et en aval, pour confirmer/infirmer l’existence d’une ou de plusieurs sources de pollution locales, incluant : a. Une enquête préliminaire à mener au moins sur les sept sites recensés dans BASIAS, dont INITIAL BTB pour rechercher ceux susceptibles d’être pollués, b. La mise en place de barrières de contrôle en aval et en amont du ou des sites suspectés de pouvoir rejeter du PCE et TCE, c. La réalisation d’une campagne synchrone d’échantillonnages et d’analyses d’eau dans le secteur allant de Gravigny à la zone de résurgences de Tourneville – Houetteville, d. Selon les besoins, la poursuite de la recherche des sources de pollution (en dehors des sept sites recensés dans BASIAS) dans la zone de Gravigny, au moyen de méthodes adaptées, e. La réalisation de traçages quantitatifs depuis les sites affichant une pollution avérée dans le secteur de Gravigny, pressentis comme pouvant être à l’origine d’au moins une partie de la contamination au PCE du captage de Normanville, f. La mise en place d’un suivi des teneurs en PCE adapté en fonction des temps de transferts souterrains, d’une part, sur le captage de Normanville et, de l’autre, au droit du ou des sites pollués qui auront été identifiés dans le secteur de Gravigny, g. Selon les besoins et en fonction des possibilités, la mise en place d’une barrière de contrôle perpendiculaire aux écoulements souterrains dans la vallée de l’Iton au sud de Gravigny, afin de pouvoir déterminer si une pollution significative arrive d’Evreux. Dans un deuxième temps, si une pollution significative arrivant en amont de Gravigny est détectée, des recherches complémentaires sur le secteur d’Evreux sont recommandées. A ce titre les actions à mener pourraient consister à : 1- Procéder à deux relevés piézométriques synchrones entre Evreux et Normanville, dans la vallée de l’Iton et sur les coteaux (hautes et basses eaux, avec nivellement des points), 2- Procéder en fonction des écoulements souterrains à la vérification (1) de l’état des connaissances des foyers de pollution avérés présents au sein des sites ASPOCOMP, MATMUT et éventuellement NAVARRE, et (2) de la fiabilité des dispositifs de contrôle mis en place pour surveiller la contamination dans la nappe de la craie au droit de ces sites,

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3- Réaliser une campagne synchrone d’échantillonnages et d’analyses d’eau dans la vallée de l’Iton entre Evreux et Normanville, ainsi que sur les plateaux en aval des principales sources potentielles ou avérées de pollution. 4- Mener une enquête préliminaire sur les sites suspectés d’être pollués (en dehors des sites connus) pour évaluer le risque qu’ils représentent pour l’alimentation en eau potable en aval dans la vallée. Enfin, en fonction des résultats précédents, il conviendrait en toute rigueur de vérifier si une pollution au PCE arrive ou non du coteau SO, voire le cas échéant, des deux coteaux, dans le captage de Normanville. A ce titre une investigation limitée des coteaux et plateaux proches du captage est suggérée, consistant à : 1- Mettre en place une barrière d’observation constituée d’au moins deux mini- piézomètres au débouché de la vallée sèche située en rive gauche de l’Iton, en aval de Gravigny et, éventuellement, selon les écoulements souterrains, au débouché de la vallée qui arrive en rive droite à hauteur de Caer, 2- Procéder dans la mesure du possible à une enquête préliminaire sur les sites implantés sur le plateau, susceptibles a priori de pouvoir contaminer le forage des Coutures de par leur activité présente ou passée, 3- Réaliser une enquête de terrain en amont de Nomanville pour (1) mieux pouvoir situer certaines décharges et déchetteries et (2) repérer d’éventuelles décharges sauvages ou autres sites susceptibles de renfermer une pollution au PCE, non recensés actuellement dans les bases de données. La suite des opérations, et notamment en vue de pouvoir éliminer la ou les principales sources de pollution au PCE et protéger les captages AEP, ne pourra être déterminée qu’au regard des résultats qui seront obtenus à l’issue des travaux préconisés. Par ailleurs, il est recommandé de maintenir une vigilance particulière vis-à-vis du PCE dans la vallée de l’Iton, au moins entre Evreux et la zone de résurgences de Tourneville – Houetteville, et d’éviter d’utiliser l’eau souterraine pour la consommation humaine (au sens large du terme – ex. : arrosage de potager inclus), sauf à la traiter de manière appropriée avant. Cette recommandation pourrait être étendue aux coteaux adjacents en fonction des écoulements souterrains et des résultats des campagnes d’échantillonnages et d’analyses préconisées dans cette expertise. Par ailleurs, un renforcement du suivi des captages AEP en aval de Gravigny, voire d’Evreux, au niveau des PCE et TCE, est recommandé. Cette recommandation pourra ensuite également s’étendre à certains captages de la vallée de l’Eure (ex. Cailly/Eure) si des écoulements souterrains pollués importants y sont dérivés depuis la vallée de l’Iton. Enfin, pour pouvoir un jour éliminer le problème du PCE dans la vallée de l’Iton et préserver une capacité de prélèvements d’eau destinée à la consommation humaine en aval d’Evreux en toute sécurité, outre s’assurer du respect de la législation actuelle incluant les mises aux normes des activités polluantes pour réduire les intrants dans le milieu souterrain, et plus généralement dans le milieu naturel, une dépollution des principaux sites contaminés par des COHV est recommandée, s’ils représentent une menace avérée ou potentielle significative pour l’approvisionnement en eau potable. Différentes méthodes existent, il conviendra de retenir et d’adapter la ou les plus pertinentes pour chaque cas.

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Sommaire

1. Contexte général et demande de l’administration ...... 9

2. Situation du site ...... 11

2.1 RAPPEL DU CONTEXTE GEOLOGIQUE ...... 12

2.2 RAPPEL DU CONTEXTE HYDROGEOLOGIQUE ET HYDROLOGIQUE ...... 17 2.2.1 Contexte hydrogéologique et relation avec l’Iton ...... 17 2.2.2 Caractéristiques hydrauliques de la craie ...... 18 2.2.3 Captages d’eau pour l’alimentation en eau potable (AEP) ...... 19

2.3 CARACTERISTIQUES ET COMPORTEMENT DES COHV DANS LE SOUS-SOL ...... 23

3. Dossiers examinés et conclusions émises à ce stade sur l’origine de la pollution ...... 25

3.1 DOSSIERS EXAMINES ...... 25

3.2 HISTORIQUE DE LA POLLUTION, TRAVAUX REALISES ET PRINCIPALES CONCLUSIONS ISSUES DE L’ETUDE BURGEAP ...... 25 3.2.1 Historique de la pollution ...... 25 3.2.2 Travaux réalisés et principales conclusions issues de l’étude BURGEAP ...... 26

4. Diagnostic et avis du BRGM ...... 37

4.1 CONCERNANT L’ORIGINE DE LA POLLUTION OBSERVEE A NORMANVILLE ...... 38

4.2 CONCERNANT LA SUITE DE L’ETUDE ENVISAGEE PAR BURGEAP ...... 40

5. Recommandations du BRGM ...... 41

5.1 CONCERNANT LES SUITES A DONNER POUR MIEUX PRECISER L’EXTENSION DU PANACHE DE PCE ET L’ORIGINE OU LES ORIGINES DE LA POLLUTION ...... 41

5.2 CONCERNANT LES BESOINS DE PRENDRE DES MESURES DE PRECAUTION ET DE DEPOLLUER ...... 44

6. Annexes ...... 47

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Liste des illustrations

Figure 1a : Vue du captage de Normanville (Les Coutures) et de son environnement (rapport Burgeap REETNM00306-02) ...... 11 Figure 1b : Situation du captage (Les Coutures) de Normanville et de la station de jaugeage sur l’Iton à Normanville (rapport Burgeap REETNM00306-02) ...... 11 Figure 2 : Schéma montrant les grands ensembles lithologiques souvent rencontrés en Haute- Normandie (Laignel, 2003) ...... 12 Figure 3 : Configuration géologique de la vallée de l’Iton entre Evreux et la confluence avec l’Eure (source : carte géologique 1 :50000) ...... 15 Figure 4a : Historique d’évolution des niveaux dans le piézomètre de Normanville (n°BSS 01501X0002) ...... 18 Figure 4b : Carte hydrogéologique du la vallée de l’Iton entre Evreux et la confluence avec l’Eure – valeur des courbes iso-piézométriques en m NGF (Source : rapport BRGM / RP–59301–FR, modifié ...... 21 Figure 5a : Mécanismes affectant le déplacement d’une pollution de type « organochlorés aliphatiques » dans le sous-sol (Source : MACAOH) ...... 24 Figure 5b : Exemple d’un schéma de biodégradation possible de solvants chlorés dans les eaux souterraines (NOWAK, 2002) ...... 24 Figure 6a et b : Evolution des concentrations en PCE+TCE dans le captage AEP de Normanville et dans deux captages AEP en aval ( et ) depuis 1989 (rapports Burgeap REMNNM00091-02 et REETNM00306-02 ...... 26 Figure 6c : Evolution des teneurs en PCE+TCE au droit du site ASPOCOMP depuis 2004 dans l’aquifère de la craie (Rapport Burgeap REETNM00306-02) ...... 27 Figure 7 : Situation des captages AEP et des activités susceptibles de faire usage de PCE ou TCE (rapports Burgeap REMNNM00091-02 ) ...... 29 Figure 8 : Cotes piézométriques (niveau statique) en m NGF estimées suite à la campagne de mesures réalisée par Burgeap en 2011 et 2012 (rapport Burgeap REETNM00306-02) ...... 31 Figure 9 : Concentrations en PCE+TCE relevées lors des campagnes de prélèvements réalisées dans l’étude Burgeap en novembre 2011 et mars 2012 (figure issue du rapport Burgeap REETNM00306-02, modifiée - cf. annexe 6-6 pour le détail) ...... 33

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1. Contexte général et demande de l’administration

Depuis 2010, le captage dit « des Coutures » destiné à l’alimentation en eau potable sur la commune de Normanville, n’est plus utilisé suite à sa contamination par du tetrachloroéthylène (PCE), à des teneurs supérieures aux limites de qualité définies par le code de la Santé Publique et son arrêté d’application du 11 janvier 2007. Le Syndicat Intercommunal d’Adduction en Eau Potable d’Evreux Nord (SIAP), gestionnaire du captage, a lancé à la demande du Préfet une étude pour connaitre l’origine de cette pollution. Elle a été confiée au bureau d’études BURGEAP qui en a réalisé à ce jour les deux premières phases. Cette étude porte sur un secteur qui s’étend entre Evreux et l’aval de Normanville. Elle a, à ce stade, consisté à effectuer (1) une analyse bibliographique et (2) une campagne de repérage et de mesures sur le terrain pour essayer de cibler au mieux les sites susceptibles de pouvoir être à l’origine de la pollution et l’extension du panache de pollution qui affecte le captage des Coutures à Normanville. Les premières conclusions ont été rendues par le bureau d’études. Toutefois, devant la complexité du problème rencontré, l’Agence Régionale de Santé de Haute Normandie, et en particulier sa direction territoriale de l’Eure (ARS 27) a sollicité la direction régionale du BRGM en Haute-Normandie en juillet 2012 pour qu’il : 1- Donne son avis sur les conclusions émises à ce stade par le bureau d’études concernant l’origine possible de la pollution et sur les recommandations formulées au niveau des suites à donner à l’étude pour pouvoir confirmer son origine, 2- Propose des investigations ou études complémentaires éventuelles qu’il juge opportun de réaliser en vue de pouvoir confirmer l’origine de la pollution et évaluer l’étendue et la migration du panache de polluants, 3- Indique si des mesures de dépollution sont à prévoir et si des mesures de précautions sont à prendre au regard des risques liés à la présence de COHV (PCE et TCE en particulier) à des teneurs importantes dans la nappe. Cette expertise s’est effectuée dans le cadre de la mission « d’appui à la police de l’eau » du BRGM et a consisté à analyser les deux documents remis par l’administration (cf. chapitre 3.1 – dossiers examinés) et quelques autres documents jugés utiles pour mener à bien la tâche. Une visite rapide a pu être effectuée sur le terrain le 14 septembre dans la zone de Gravigny.

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2. Situation du site

Le captage de Normanville, dit « Les Coutures » (indice national / n°BSS : 01501X0055/F) se situe dans la Vallée de l’Iton (Eure), sur la commune de Normanville, à environ 5 km au nord et en aval de l’agglomération d’Evreux (cf. fig.1 a et b).

Figure 1a : Vue du captage de Normanville (Les Coutures) et de son environnement (rapport Burgeap REETNM00306-02)

Figure 1 b : Situation du captage (Les Coutures) de Normanville et de la station de jaugeage sur l’Iton à Normanville (rapport Burgeap REETNM00306-02)

Avant son arrêt en 2010 pour cause de pollution au PCE, il représentait une source importante d’alimentation en eau potable pour le secteur nord d’Evreux (eau produite par le SIAEP d’Evreux Nord, vendue au Grand Evreux Agglomération – GEA – pour distribution sur les communes de Normanville, , Reuilly et Le Boulay Morin).

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Ses caractéristiques techniques connues sont résumées ci-dessous (cf. annexe 6-1) : 1- Cote au sol : 57 m NGF 2- Diamètre : environ 1 m 3- Profondeur : 35 m et crépiné à partir de 15 m de profondeur 4- Niveau statique de la nappe en 1974 : 12,32 m/sol 5- Débit autorisé : 240 m3/h 6- Débit d’exploitation moyen (m3/jour) avant son arrêt en 2010 : 573 m3/j 7- Equipement : 3 pompes de 50 m3/h (débit nominal)

L’environnement immédiat du forage de Normanville est constitué de parcelles agricoles sauf à l’Ouest où il y a une forêt. Concernant son environnement plus éloigné (cf. Figure 3) : - Entre 2 et 7 km au sud du captage de Normanville s’étend l’agglomération d’Evreux, dont Gravigny et sa zone industrielle qui n’est située qu’à environ 2 km du captage. - Au nord, à l’est et à l’ouest, en dehors de la vallée de l’Iton s’étend une zone essentiellement agricole. La vallée de l’Iton est bordée de forêts et de parcelles agricoles.

2.1 RAPPEL DU CONTEXTE GEOLOGIQUE

Le secteur d’Evreux dans lequel est inclus le captage de Normanville se situe dans la partie nord- ouest du Bassin de Paris. D’une manière générale, la craie du Crétacé supérieur constitue le substratum du secteur. Cette dernière est surmontée par des argiles à silex (altération de la craie) qui eux-mêmes peuvent servir d’assise aux limons des plateaux ou loess quaternaires (c’est un schéma classique dans le bassin parisien). Des dépôts sablo-argileux sont également présents entre l’Iton et l’Eure et sous forme de poches ponctuelles en rive gauche de l’Iton. Les vallées sont souvent recouvertes d’alluvions récentes ou anciennes (Figure 2).

Figure 2 : Schéma montrant les grands ensembles lithologiques souvent rencontrés en Haute- Normandie (Laignel, 2003)

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Régionalement, la craie est constituée de cinq étages stratigraphiques (Cénomanien, Turonien, Coniacien, Santonien et Campanien), mais dans le secteur Evreux – et en aval, seuls les horizons des Coniacien-Santonien et Campanien affleurent dans la vallée de l’Iton et, pour une large part, en rive droite sur les coteaux et parfois dans les pentes (NE) (Figure 3).

Le pendage général du mur de la craie reste faible, autour de 4 °/00 et est orienté SO Æ NE vers la vallée de l’Eure. Sur un plan local, à Normanville, l’examen de la coupe géologique du forage des Coutures (cf. Annexe 6-2) montre que : - Ce dernier est implanté à la frontière entre les colluvions de pentes et les alluvions anciennes, - Les formations superficielles (terre, argile à silex, sable argileux) se rencontrent jusqu’à 9,5 m de profondeur, - La craie apparait à 9,5 m de profondeur et présente différents faciès, avec une hétérogénéité marquée. En général, les faciès sont plus fissurés au sommet de la craie (5 à 6 premiers mètres), mais également vers 22 – 23 m de profondeur, et plus indurés en profondeur. Notons également un horizon de craie sableuse vers 26 -28 m.

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Figure 3 : Configuration géologique de la vallée de l’Iton entre Evreux et la confluence avec l’Eure (source : carte géologique 1 :50000)

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2.2 RAPPEL DU CONTEXTE HYDROGEOLOGIQUE ET HYDROLOGIQUE

2.2.1 Contexte hydrogéologique et relation avec l’Iton

Le bassin de l’Iton repose sur l’aquifère de la craie. C’est une nappe à surface libre dont la surface tend à épouser le relief de manière plus lissée. Le réservoir est formé par les formations du Crétacé supérieur et son mur est représenté par la fermeture des pores en profondeur. La puissance théorique de l’aquifère peut atteindre 150 m en moyenne dans le secteur d’Evreux, mais sa partie plus transmissive est en général moins importante et se situe souvent dans sa partie supérieure. Les écoulements souterrains régionaux sont orientés d’une manière générale le long d’un axe SO – NE avec un gradient de 2 °/00 vers la vallée de l’Eure. Toutefois dans le secteur d’Evreux et en aval, la vallée de l’Iton semble perturber ce schéma régional de manière significative. En effet, dans ce secteur l’analyse fine de la carte hydrogéologique des moyennes eaux de 2011 (Rapport BRGM / RP–59301–FR) montre qu’au moins les écoulements souterrains « superficiels » convergent plus ou moins vers la vallée de l’Iton (cf. figure 4b). Ils sont ainsi orientés : 1- O-SO ÆE-NE au nord de l’Iton jusqu’à l’aval de Gravigny, 2- S-SO Æ N-NE au sud de l’Iton jusqu’à l’aval de Gravigny, 3- S-SE Æ N-NO entre Gravigny et la zone des résurgences aval de Tourneville – Houetteville - Dans la vallée de l’Iton en aval d’Evreux et jusqu’à la zone des résurgences, au moins une partie superficielle des écoulements souterrains semblent donc plus ou moins suivre une direction analogue à celle de la rivière. Une partie des écoulements pourrait également migrer vers l’Eure en aval de Gravigny. Localement, les différents pompages peuvent aussi réorienter la direction naturelle des écoulements souterrains et conduire parfois à des inversions du gradient hydraulique normal. C’est potentiellement le cas dans des zones avec de nombreux points de prélèvement dans la nappe. Il convient par ailleurs de souligner que la craie est un milieu complexe sur le plan hydrogéologique, dans le sens où elle peut présenter une configuration multiforme, c’est-à-dire être à la fois un milieu poreux, fissuré, fracturé et karstique à différents endroits. Peu de connaissances existent à ce jour sur la répartition exacte entre les différentes configurations de la craie dans le secteur d’Evreux et en aval, mais il est vraisemblable que plusieurs faciès hydrogéologiques coexistent à grande échelle (craie dure poreuse, craie fissurée et sans doute horizons karstifiés ou micro-karstifiés). L’analyse des historiques piézométriques disponibles dans le secteur suggère que le sous-sol de la vallée de l’Iton (au moins certaines portions) fait l’objet de secteurs intensément fracturés, voire karstifiés par endroits (Figure 4a). La présence de bétoires est un autre indice (cf. Figure 4b). L’Iton est situé à environ 450 m au nord-est du captage de Normanville. Son cours est conditionné par des accidents tectoniques. Il coule ainsi : - Plus ou moins en direction S Æ N entre Evreux et Gravigny - En direction SE Æ NO entre Gravigny et Houetteville, de manière plus ou moins parallèle au cours de l’Eure Selon différentes sources (Rapports BRGM 86/HNO/79, BRGM/RP-57236-FR, …) l’Iton apparait déconnecté de la nappe (rivière perchée) entre Evreux et le lieu-dit « Les-Angles » en amont de

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Tourneville (ce linéaire pouvant vraisemblablement varier en fonction des saisons et du niveau piézométrique). Toutefois, les relations entre l’Iton et la nappe sont fortes comme en témoignent les traçages réalisés : l’eau de la rivière s’infiltre en effet à différents endroits dans la nappe entre Evreux et l’aval de Normanville, notamment par le biais de bétoires. En aval, dans la zone dite des résurgences (secteur de Tourneville – Brosville –Houetteville), la nappe et l’Iton se reconnectent. La similitude dans l’orientation d’au moins une partie des écoulements souterrains et l’Iton dans sa vallée peut s’expliquer par la configuration tectonique locale. Notons enfin, que des connexions entre le bassin de l’Iton et celui de l’Eure au niveau de la nappe de la craie semblent avoir été mises en évidence par des traçages (inventaire régional des bétoires et des traçages): celui réalisé sur le qualitomètre du CET du Boulay-Morin en novembre 1991 a, par exemple, montré une connexion entre ce site et les sources de Cailly-sur-Eure. Un autre traçage réalisé en rive droite de l’Iton a montré les mêmes résultats (cf. Figure 4b).

Figure 4a : Historique d’évolution des niveaux dans le piézomètre de Normanville (n°BSS 01501X0002)

2.2.2 Caractéristiques hydrauliques de la craie

Comme cela est indiqué ci-dessus, la Craie est un milieu hétérogène et possède des propriétés hydrodynamiques extrêmement variables. Dans sa partie poreuse non-altérée sur les plateaux en général, il n’est pas rare de trouver des porosités entre 15% et près de 50%. Cette porosité élevée en fond un réservoir ayant une fonction capacitive élevée. Par contre, la faible interconnexion naturelle des pores dans la craie (porosité efficace de 0,5% en moyenne) y rend les transferts souvent difficiles (perméabilités ou conductivité hydraulique souvent de l’ordre de 10-6 à 10-7 m/s, voire moins).

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Dans ses parties fissurées, voire karstiques, une situation souvent rencontrée dans les vallées sèches et humides, mais aussi parfois à proximité des zones affectées par des accidents tectoniques ou des déformations structurales, le contraire existe : la fonction capacitive y est relativement faible, mais les transferts y sont beaucoup plus rapides. Il est par exemple commun d’y trouver des valeurs de perméabilité oscillant entre 10-4 et 10-1 m/s. Il existe à notre connaissance et selon BURGEAP par contre peu de données concernant les paramètres hydrodynamiques de la nappe de la craie dans le secteur qui s’étend entre Evreux et Normanville. Les valeurs retenues par le bureau d’études à ce stade sont pour la vallée de l’Iton : 1- Pour la transmissivité (paramètre décrivant la fonction transmissive de l’aquifère en prenant en compte sa hauteur mouillée utile) : entre 2 et 3.10-2 m2/s, 2- Pour le coefficient d’emmagasinement (fonction capacitive de l’aquifère) : entre 0,5 et 1% (valeur souvent retenue à défaut de valeur spécifique pour un site). Il convient de souligner que ces valeurs représentent vraisemblablement des valeurs moyennes et pourraient par endroits varier de manière significative dans les deux sens. Dans les zones intensément fracturées ou karstiques par exemple, la transmissivité (ou transmissivité apparente) pourrait être largement supérieure et conduire à des transferts beaucoup plus rapides. D’après les connaissances actuelles, ce type de zones pourrait exister dans la vallée de l’Iton : rappelons que différents traçages l’ont déjà suggérés.

2.2.3 Captages d’eau pour l’alimentation en eau potable (AEP)

Plusieurs captages destinés à l’alimentation en eau potable (AEP) existent dans le secteur d’Evreux et en aval dans la vallée de l’Iton (Figure 4b). Leurs principales caractéristiques sont reportées dans l’annexe 6-3.

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Figure 4b : Carte hydrogéologique du la vallée de l’Iton entre Evreux et la confluence avec l’Eure – valeur des courbes iso-piézométriques en m NGF (Source : rapport BRGM / RP–59301–FR, modifié)

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2.3 CARACTERISTIQUES ET COMPORTEMENT DES COHV DANS LE SOUS-SOL

La présence du perchloroéthylène ou tetracholroéthylène (PCE) et du trichloroéthylène (TCE) dans l’environnement n’est pas naturelle et est causée par son usage industriel important. En effet, le PCE et le TCE qui font partie de la famille des organo-chlorés aliphatiques, et notamment des chloroéthènes ou encore des composés organo-halogénés volatils (COHV), ont une utilisation multiple et, notamment, dans les domaines du nettoyage à sec, de la fabrication de textiles, du dégraissage et nettoyage de métaux ou encore de la fabrication de décapants pour peintures, vernis, encres d’imprimerie, produits de nettoyage spécifiques, etc. Étant donné leur caractère volatil, ils sont libérés principalement dans l’air. Cependant, à la suite de déversements accidentels ou encore d’une élimination inadéquate, ils peuvent pénétrer dans le sous-sol et migrer vers les eaux souterraines. Ce sont des liquides peu-miscibles dans l’eau et d’une densité généralement supérieure à cette dernière. Aussi, un déversement de PCE ou de TCE dans le milieu naturel entrainera souvent : 1- Dans un premier temps un déplacement sub-vertical vers la nappe dans la zone non-saturée (en fonction des caractéristiques et perméabilité du sous-sol), qui pourra être de nature tri-phasique avec une phase organique, une phase dissoute et une phase gazeuse. 2- Ensuite sub-horizontal di-phasique (phase organique, phase dissoute) dans la nappe, dans le sens général des écoulements souterrains. En général, lorsque les quantités déversées sont faibles, la phase gazeuse domine dans la zone non saturée, avec des concentrations qui varient de manière décroissante avec la distance du point d’entrée dans le sous-sol. Lorsque les volumes déversés sont plus importants, les trois phases peuvent y coexister en quantité significative : la phase organique peut alors en fonction de son volume et des caractéristiques de la zone non-saturée, soit s’y immobiliser après un parcours limité (cas souvent d’un volume faible à modéré), soit au contraire atteindre la nappe (cas souvent d’un volume plus important). Si la phase organique se trouve immobilisée dans la zone non-saturée, une dissolution lente souvent prend place en fonction des infiltrations météoriques et des COHV peuvent être entrainés jusqu’à la nappe et s’y introduire périodiquement en quantité variable (mobilisation de la phase dissoute). Dans le cas où elle atteint la nappe, la phase organique, généralement plus dense que l’eau dans le cas des COHV, aura tendance à migrer vers le mur de l’aquifère (fond de la nappe), où elle pourra se déplacer en fonction de l’effet combiné du champ de gravité et des écoulements souterrains. Son extension latérale par rapport à son point d’entrée dans le sous-sol reste en général modérée. Elle peut, d’une part, partiellement se disperser et former des lentilles indépendantes et, d’autre part, se dissoudre lentement dans l’eau pour constituer la phase dissoute qui, par contre, elle, peut migrer sur de grandes distances, entrainée par les mécanismes de convection (ou d’advection) et de dispersion. A ces mouvements généraux se greffent une multitude d’autres phénomènes qui peuvent impacter le transfert souterrain des COHV, dont l’adsorption-désorption (échanges avec la matrice solide qui ont pour effet de retarder le transfert des COHV) et les différents mécanismes de dégradation (le principal étant la biodégradation, surtout active en condition d’anaérobie / milieux réducteurs). Les mécanismes de dégradation peuvent conduire par exemple à une transformation du PCE en TCE, puis en dichloroéthène et en chlorure de vinyle.

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Du fait de leur faible et lente dissolution dans l’eau et des différents mécanismes en jeu, les PCE et TCE (et plus généralement les COHV) peuvent perdurer de nombreuses années, voire des décennies au sein d’un aquifère, sous une forme ou sous une autre, notamment en fonction de leurs capacités à se dégrader. Les figures 5a et 5b font état des principaux mécanismes en jeu qui contrôlent le déplacement d’une pollution de type « organochlorés aliphatiques » dans le sous-sol.

Figure 5a : Mécanismes affectant le déplacement d’une pollution de type « organochlorés aliphatiques » dans le sous-sol (Source : MACAOH)

Figure 5b : Exemple d’un schéma de biodégradation possible de solvants chlorés dans les eaux souterraines (NOWAK, 2002)

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3. Dossiers examinés et conclusions émises à ce stade sur l’origine de la pollution

3.1 DOSSIERS EXAMINES

Les documents examinés pour cette expertise incluent : 1- Rapport BURGEAP REMNNM00091-02 – 01/08/2011 : Captage AEP « Les Coutures » Normanville (27) – Phase 1 : synthèse documentaire. 2- Rapport BURGEAP REETNM00306-02 24/04/2012 : Captage AEP « Les Coutures » Normanville (27) – Phase 2 : Diagnostic de la qualité environnementale des eaux superficielles et souterraines. Ils ont été remis au BRGM par l’administration en juillet 2012 pour qu’il rende l’avis demandé. En outre, INFOTERRE et quelques rapports du BRGM jugés utiles ont été consultés, dont les principaux sont : 1- Rapport BRGM 86/HNO/79 – Décembre 1986 : Faisabilité de l’exploitation et du transfert des eaux des sources des vallées de l’Eure et de l’Iton – Etude complémentaire sur la qualité des eaux. 2- Rapport BRGM / RP–59301–FR – Décembre 2011 : Carte hydrogéologique de la région Haute-Normandie – piézométrie de moyennes eaux, échelle 1/10000.

3.2 HISTORIQUE DE LA POLLUTION, TRAVAUX REALISES ET PRINCIPALES CONCLUSIONS ISSUES DE L’ETUDE BURGEAP

3.2.1 Historique de la pollution

L’apparition de PCE dans le captage de Normanville remonte au moins à 1988 (Figures 6 a et b). Les concentrations en PCE+TCE y ont fluctué dans le temps entre quelques µg/l et plus de 40 µg/l. Il convient de noter que : 1- Les concentrations les plus élevées (env. 40 µg/l) ont été relevées en 2002 et en 2009, et elles ont dépassé 25 µg/l de manière continue (?) entre 2008 et 2010 et lors de la campagne de mesures de 2012 effectuée par Burgeap. Au moins une valeur de 20 µg/l a aussi été observée dès 1989. 2- Les concentrations les plus faibles ont été relevées en 1998 et en fin 2010. 3- Le principal polluant reste le PCE, le TCE n’apparaissant que ponctuellement et en concentration très faible (proche de la limite du seuil de quantification). En aval du captage des Coutures, une pollution au PCE+TCE a été détectée au moins dans les forages de Brosville et de La vacherie. Des concentrations relativement élevées (ex. > 75 µg/l - La Vacherie) y ont été détectées jusqu’à la fin des années 1990. Depuis 2004, le PCE y est très souvent détecté, mais en concentrations inférieures à 10 µg/l (CMA, valeur limite de qualité des eaux destinées à la consommation humaine – Arrêté du 11 janvier 2007, Annexe 1). En amont, seul un forage pour l’AEP à Evreux (01505X0005) appartenant à la Communauté d’agglomération d’Evreux (GEA) semble parfois montrer des traces de PCE+TCE.

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Figure 6a et b : Evolution des concentrations en PCE+TCE dans le captage AEP de Normanville et dans deux captages AEP en aval (Brosville et La Vacherie) depuis 1989 (rapports Burgeap REMNNM00091-02 et REETNM00306-02

3.2.2 Travaux réalisés et principales conclusions issues de l’étude BURGEAP Les principaux travaux réalisés dans les phases 1 et 2 de l’étude menées par Burgeap incluent : 1- Une synthèse documentaire comprenant un état des lieux général du secteur entre Evreux et en aval (géographie, géologie, hydrogéologie, hydrologie, recensement des captages d’eau – AEP, industrie, irrigation, occupation des sols), 2- La délimitation des bassins versants hydrologique et hydrogéologique, du bassin d’alimentation du captage (BAC) et de sa zone d’emprunt (calcul théorique), 3- Une synthèse de l’historique de la pollution (résumée ci-dessus), 4- Un recensement des activités potentiellement polluantes dans le secteur, 5- Un exposé théorique sur les COHV et leur comportement dans le milieu naturel, 6- La proposition d’un schéma conceptuel général, 7- Une campagne d’investigations dans des ouvrages captant la nappe de la craie, comprenant un relevé piézométrique, des prélèvements et des analyses d’eau, pour tenter d’établir la direction générale des écoulements souterrains dans la vallée de l’Iton, d’effectuer une première cartographie de la pollution et d’essayer de comprendre les mécanismes qui opèrent dans le sous-sol. Les paramètres analysés font l’objet de l’annexe 6-4, 8- Une campagne de prélèvements et d’analyses d’eau de l’Iton sur quatre points ; les mêmes substances que pour les eaux souterraines ont été recherchées. Le recensement des activités industrielles s’est vraisemblablement effectué dans un rayon de 5 à 8 kms (?) autour de la « zone d’étude » et principalement en amont du captage des coutures à Normanville. Ce périmètre a été motivé par l’ordre de grandeur du rayon d’influence déterminé pour le captage et de manière à pouvoir englober les zones urbanisées et industrielle du secteur d’Evreux – Gravigny situées en amont hydraulique. Ce recensement s’est principalement effectué au moyen d’une recherche documentaire incluant : - BASIAS (http://basias.brgm.fr/) – Inventaire des anciens sites industriels de France – base de données gérée par la BRGM, - BASOL (http://basol.environnement.gouv.fr/) – Inventaire des sites et sols pollués ou potentiellement pollués connus nécessitant une action des pouvoirs publics à titre préventif ou curatif, base de données publiques gérée par le BRGM, - Une ou des bases de données Burgeap, et par une « visite du secteur d’étude ».

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Cinquante-trois sites (BASIAS) susceptibles d’utiliser des COHV (PCE et TCE en particulier) ont ainsi été recensés dans le secteur, la majorité sur l’agglomération d’Evreux et notamment à Gravigny qui se situe en amont immédiat du captage de Normanville – environ 2 km (figure 7 et annexe 6-4). Beaucoup se situent à proximité de l’Iton ou en sont relativement proche. De surcroit, trois sites dans Evreux en amont du captage des Coutures sont recensés dans la base de données BASOL comme ayant fait l’objet d’une pollution avérée par des COHV (figures 7, 8 et annexe 6-4) : 1- L’usine Navarre à l’ouest Evreux (fonderie et transformation de cuivre), située à 6,7 km en amont. A ce jour, seule une faible pollution au PCE (0,1 - 0,6 µg/l) et TCE (~1,7 µg/l) a été détectée dans un piézomètre lors de mesures réalisées en 2005 et en 2011 ; 2- L’usine ASPOCOMP (fabrication circuits imprimés et de céramiques) en rive droite de l’Iton et sur le coteau : une pollution PCE+TCE importante est avérée depuis 2004 avec des pics de concentration dans les eaux souterraines qui ont dépassé 500 µg/l en 2005 et 2007 et 200 µg/l aujourd’hui (Figure 6c). Ce site fait l’objet d’un suivi assuré par la société ERM depuis 2010 à l’aide de piézomètres d’une profondeur variant entre 60 et 80 m ; 3- Le site de la Matmut (ancienne usine Luchaire, production de caoutchouc et d’élastomères) : une pollution en hydrocarbure et COHV a été détectée sur ce site (BASOL), mais un suivi sur trois piézomètres en bordure de l’Iton n’avait jamais révélé de pollution dans la nappe jusqu’à ce qu’un quatrième piézomètre ait été implanté au nord (PZ4) qui a révélé des concentrations de 2 à 6 µg/l en PCE+TCE(?).

Figure 6c : Evolution des teneurs en PCE+TCE au droit du site ASPOCOMP depuis 2004 dans l’aquifère de la craie (Rapport Burgeap REETNM00306-02)

Notons aussi que l’étude Burgeap mentionne qu’au sein de la base militaire 105 à l’Est d’Evreux et en amont hydraulique du captage de Normanville, un puits serait contaminé par du TCE ; toutefois aucune information n’est donnée à ce sujet (pas disponible à l’époque de l’étude).

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Figure 7 : Situation des captages AEP et des activités susceptibles de faire usage de PCE ou TCE (rapports Burgeap REMNNM00091-02 )

La campagne d’investigations menées dans des ouvrages captant la nappe de la craie (relevé piézométrique et prélèvements/analyses d’eau) s’est déroulée en deux temps, d’une part en novembre 2011 pour une partie des points ((P1,P2,P3,P5,P7,P8) et, de l’autre, en mars 2012 pour l’autre partie (P9’’,P10,P11,P12,P13)). Les prélèvements d’eau souterraine ont été effectués selon la norme FDX 31-615 et les analyses ont été réalisées par le laboratoire AGROLAB, accrédité COFRAC, selon les normes en vigueur (ex.PCE et TCE = EN-ISO 10301). Notons enfin que les prélèvements au P4 (Site ASPOCOMP) ont été réalisés en décembre 2011 par la société ERM et fournis à Burgeap pour son étude. Les substances analysées incluent les principaux COHV aliphatiques et les BTEX : la liste fait l’objet de l’annexe 6-5.

Les résultats font l’objet des figures 8 et 9.

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Figure 8 : Cotes piézométriques (niveau statique) en m NGF estimées suite à la campagne de mesures réalisée par Burgeap en 2011 et 2012 (rapport Burgeap REETNM00306-02)

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Figure 9 : Concentrations en PCE+TCE relevées lors des campagnes de prélèvements réalisées dans l’étude Burgeap en novembre 2011 et mars 2012 (figure issue du rapport Burgeap REETNM00306-02, modifiée - cf. annexe 6-6 pour le détail)

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Les principales conclusions tirées à ce stade par Burgeap sont résumées ci-dessous : - Confirmation des écoulements de la nappe de la craie selon les axes de la vallée de l’Iton avec une probable déconnexion de l’Iton et de la nappe ; - Confirmation de la présence de PCE (TCE sous le seuil de quantification de 0,5 µg/l) dans le captage AEP des Coutures à Normanville à des teneurs semblables à celles observées avant l’arrêt du pompage (26 µg/l en mars 2012) ; - Mise en évidence de teneurs importantes en PCE (330 µg/l) et, dans une mesure moindre en TCE (32 µg/l) et en cis-1,2 – dichloroéthène (34 µg/l), dans les eaux souterraines au niveau de la zone d’activité (ZA) de Gravigny, particulièrement au droit du site de l’usine INITIAL BTB (blanchisserie industrielle), située à environ 2 km en amont du captage de Normanville, ainsi que dans le secteur d’Evreux au droit du site ASPOCOMP (point P4) ; - Mise en évidence de teneurs en PCE (et parfois TCE dans les zones à forte concentration de PCE) supérieures aux CMA (10 µg/l), le long d’un axe Evreux (P4 – ASPOCOMP) – Gravigny (P13 - INITIAL BTP, P7) – Normanville (P10 – captage AEP des coutures) – Tourneville (P12 : dans ce dernier cas les teneurs en PCE ne sont toutefois que très légèrement supérieures à la CMA de 10 µg/l) ; - Absence de teneurs significatives de PCE et solvants chlorés dans les eaux superficielles. Burgeap conclut à ce stade à deux principales zones de pollution aux COHV à l’échelle de l’agglomération d’Evreux, avec les sites ASPOCOMP et la zone d’activité de Gravigny. Cette dernière pourrait être « l’origine la plus probable de la pollution du captage AEP de Normanville ». Une suite à l’étude est maintenant proposée qui inclut : 1- Un suivi renforcé de la ressource pour les solvants chlorés au captage de Normanville (1 mesure / mois), 2- La proposition de restreindre la zone d’étude à un secteur allant de Gravigny au captage AEP de Normanville, 3- La réalisation de trois piézomètres complémentaires captant la craie : un premier, en amont du site INITIAL BTP dans la friche Patey, un second, entre la ZA de Gravigny et le p9’’ et, un dernier, entre le P9’’ et le captage de Normanville, 4- Une campagne de mesures complémentaires dans le secteur d’étude proposé comprenant un échantillonnage et des analyses d’eau sur 9 points, 5- Une enquête auprès des sites susceptibles d’être à l’origine de la pollution du captage de Normanville dans la ZA de Gravigny, 6- Dans un deuxième temps, la réalisation de pompages d’essai (paliers et longue durée) dans le captage AEP des Coutures pour en déterminer sa « productivité » et « sa zone d’emprunt ».

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4. Diagnostic et avis du BRGM

D’une manière générale, la recherche de l’origine d’une pollution, afin ensuite de pouvoir prendre les mesures correctives qui s’imposent pour protéger les dispositifs d’alimentation en eau potable, reste un problème souvent complexe et délicat qu’il faut aborder avec une démarche par étapes, adaptée au contexte et aux polluants concernés. C’est l’esprit général de l’étude réalisée jusqu’à ce stade par Burgeap (phases 1 et 2). Il faut regretter toutefois que la campagne de mesures sur le terrain (le relevé piézométrique et l’échantillonnage des eaux souterraines et de surface) n’ait pas pu avoir lieu de manière synchrone ; les données collectées relèvent d’au moins deux à trois périodes distinctes entre fin novembre 2011 et fin mars 2012. Des regrets peuvent également être formulés au regard du fait qu’un nombre de points restreint ait été échantillonné et mesuré et qu’il n’y ait pas eu, au minimum, deux campagnes de prélèvements/analyses sur chacun des points. Ceci ne permet donc pas encore à notre sens : 1- d’avoir une cartographie suffisamment précise de l’étendue du panache de polluant (PCE et TCE) dans la nappe de la craie, et notamment en aval de Gravigny où nous pouvons en toute rigueur encore nous poser la question de savoir si la pollution se retrouve plus ou moins de manière diffuse dans l’ensemble du sous-sol de la vallée de l’Iton ou, au contraire, plutôt concentrée le long d’un axe (ou d’axes) préférentiel(s). 2- de pouvoir affirmer que toutes les principales zones fortement polluées ont été identifiées à ce jour, 3- que les plus fortes concentrations relevées correspondent bien à des secteurs proches d’une source de pollution au COHV - PCE en particulier - et non, par exemple, au passage d’un panache à forte teneur en PCE lié à un déversement ou relargage ponctuel (récent ou ancien, répété ou accidentel) de polluants dans le milieu. Au regard de l’importance de l’utilisation des solvants chlorés dans le secteur et du nombre de sources potentielles de pollution identifiées, une campagne d’échantillonnage – analyses d’eau plus ambitieuse et portant sur au moins deux périodes distinctes aurait sans doute permis d’avancer plus vite et d’éliminer certains doutes qui demeurent. C’est d’autant plus vrai que les premiers éléments montrent que les concentrations en PCE dans la nappe peuvent fluctuer fortement dans le temps, sans doute en fonction des conditions climatiques et hydrauliques du système aquifère, mais également d’éventuels rejets ou relargages ponctuels importants de PCE dans le milieu naturel. Il est dommage également : 1- Qu’aucun nivellement des points mesurés n’ait pas pu être réalisé, ce qui empêche d’avoir la connaissance minimum nécessaire des écoulements dans la vallée pour pouvoir mieux orienter les campagnes de prélèvements et interpréter les résultats des analyses d’eau en terme de PCE (en effet il existe des fortes incertitudes sur les valeurs estimées des cotes piézométriques), 2- Qu’aucune information ne soit fournie sur les principaux puits ou forages existants dans le secteur d’étude (débits, modes et durées de pompage), et notamment sur ceux éventuellement en fonctionnement lors des campagnes de mesures des niveaux et de prélèvements, ce qui aurait permis d’avoir quelques indications sur les évolutions possibles dans le cheminement des polluants, 3- Qu’aucune mesure du niveau piézométrique n’ait pu être effectuée sur les coteaux, ni sur les plateaux E et NE en rive droite de l’Iton, en particulier à Gravigny et en aval, ce qui

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aurait notamment permis de mieux connaitre le sens des écoulements en rive droite et de savoir si toute possibilité de contamination du captage de Normanville par cette rive pouvait être définitivement écartée ou non. Les valeurs affichées sur les figures 8 et 9 sont donc à prendre avec précaution. Par ailleurs, il existe une certaine ambigüité sur (1) l’emprise exacte de la zone de recherche des activités susceptibles de pouvoir contribuer à la pollution observée dans le captage de Normanville (8 km ? 5 km ? 12 km ?) et de son caractère exhaustif ou non, et (2) la nature de la « visite du secteur d’étude » (en quoi a–t-elle consisté ?). Il est sans doute probable que l’essentiel des activités présentes ou passées aient été identifiées par Burgeap, mais il ne peut pas être exclu non plus qu’il n’existe pas, par exemple, des décharges sauvages non recensées à ce jour en amont du captage. Certaines incertitudes demeurent aussi sur le positionnement de certaines décharges/ déchetteries agréées. Malgré cela, l’étude Burgeap apporte déjà un certain nombre d’éléments intéressants et en fonctionnant par analogie avec d’autres vallées industrielles, ainsi qu’au regard de l’utilisation importante des solvants chlorés dans le secteur d’Evreux, il semble a priori probable qu’un panache plus ou moins continu de pollution au PCE, s’étende entre Evreux et la zone de résurgences aval (Tourneville – Houetteville), certes avec des teneurs variables. Il est ainsi sans doute vraisemblable qu’une partie importante (si pas l’ensemble) de la vallée de l’Iton entre Evreux et la zone de résurgences soit affectée par au moins de faibles concentrations en PCE, sauf peut-être dans certains endroits où des zones d’écoulements préférentiels existent, qui auraient tendance à concentrer la pollution. Enfin, une analyse récente de l’eau prélevée dans le nouveau piézomètre de Normanville a révélé une teneur en PCE de l’ordre de 5 µg/l, suggérant qu’une partie de la pollution pourrait aussi être déviée vers la vallée de l’Eure en aval de Gravigny (ce qui serait conforme à certains résultats de traçage), ou alors provenir d’une source locale située sur le coteau nord (cf. Annexe 6-7).

4.1 CONCERNANT L’ORIGINE DE LA POLLUTION OBSERVEE A NORMANVILLE

L’amont hydraulique du captage de Normanville est vraisemblablement constitué principalement du coteau SO de la vallée de l’Iton (rive gauche) avec un écoulement régional orienté SO - NE, et de la vallée de l’Iton elle-même dans laquelle le sous-sol saturé est fortement fissuré, fracturé, voire karstifié en partie, et qui peut représenter un vecteur de transfert souterrain important, et sans doute relativement rapide par endroits. Faute de données précises sur la piézométrie dans le secteur, on ne peut pas exclure à ce stade qu’une partie du coteau Est et nord-est de la vallée de l’Iton (rive droite) soit drainé également par le forage de Normanville lors qu’il est en fonctionnement. Ainsi, au regard des activités susceptibles de pouvoir rejeter des COHV dans le secteur et, en particulier du PCE et du TCE, la grande majorité des sources de pollution potentielles pour le captage de Normanville se situe en amont dans la vallée de l’Iton. L’origine ou les origines potentielles de la pollution observée dans le forage de Normanville ne peut ou ne peuvent toutefois à notre sens pas encore être établie(s) avec certitude à ce stade. Des présomptions fortes pèsent cependant sur la zone d’activité de Gravigny qui représente une source fort probable de la pollution du captage, et peut-être même la principale au regard de sa proximité (~2km en amont du captage) et de la nature d’une partie de l’activité qu’elle héberge (nettoyage à sec, blanchisserie industrielle, teintures, apprêt et tannage du cuir, fabrication et stockage de peintures, vernis, encres, …). Le point P13 au droit de la blanchisserie industrielle INITIAL BTB a en effet montré des concentrations très élevées en PCE et des recherches complémentaires sont à mener dans ce secteur. La pollution repérée aux points P7 et

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P8 lors de la campagne de mesures menée par Burgeap en 2011 et 2012 pourrait avoir pour origine, en grande partie, celle mise en évidence au droit du site INITIAL BTP (P13), au regard des COHV détectés, mais cela reste aussi à confirmer, notamment lié au fait que les campagnes de mesures n’ont pas été synchrones (novembre 2011 pour P7 et P8, mars 2012 pour P13) et, que seul un nombre de points restreint a pu être échantillonné. Le site INITIAL BTB parait donc être une source de pollution au PCE probable, mais d’autres sites à Gravigny pourraient a priori l’être également. Il ne peut non plus pas être exclu à ce jour que d’autres sources de pollution dans le secteur d’Evreux puissent contribuer de manière plus ou moins importante à la pollution observée dans le captage de Normanville ; du PCE et TCE pourraient par exemple s’échapper périodiquement du site d’ASPOCOMP, pour migrer vers l’aval et atteindre le captage de Normanville. Effectivement, ce site renferme une pollution reconnue et des concentrations élevées en PCE+TCE sont relevées périodiquement depuis fin 2004 dans des piézomètres de suivi implantés sur le site (ex. : > 500 µg/l en 2007, > 200 µg/l en 2011). Deux autres sites dans le secteur d’Evreux sont également connus comme étant contaminés par des COHV, notamment le site de la Matmut (ancien établissement Luchaire – production de caoutchouc et d’élastomères) et l’ancienne usine de Navarre (activité de fonderie et de transformation du cuivre). Le premier en particulier pourrait a priori potentiellement contribuer à la pollution constatée dans le captage des Coutures. En effet, il se situe en amont hydraulique du captage de Normanville, et la faible concentration en PCE affichée sur la figure 9 ne reflète peut- être pas le degré réel de contamination du site et de ce qui peut en être relargué vers la nappe ; soulignons à ce titre que Burgeap n’a pu obtenir que « des données partielles » sans beaucoup de précision et qu’un doute peut être émis sur l’efficacité du dispositif de suivi de la pollution qui semble surtout se situer dans la nappe alluviale (piézomètres de 5 à 7 m de profondeur) et qui est, peut-être, mal placé par rapport aux écoulements souterrains et aux foyers de pollution présents sur le site (aucune information n’est disponible à ce sujet). Mentionnons également la Base militaire 105 pour laquelle peu d’informations existent si ce n’est qu’un puits est contaminé au moins par du TCE. En dehors de la vallée de l’Iton, il existe quelques sites sur les plateaux qui pourraient aussi a priori représenter des sources de pollution potentielle pour le captage de Normanville, au regard des activités qu’ils hébergent ou ont hébergé, s’ils s’avèrent être pollués par des COHV et si des connexions hydrauliques le permettent, comme par le biais de vallées sèches dont le sous-sol est souvent fissuré, fracturé, voire karstifié. Un site comme celui de l’ancienne entreprise d’assainissement Maillot (stockage de déchets industriels banals et spéciaux notamment, n0 40 figure 7 et annexe 6-4) pourrait ainsi, par exemple, en toute rigueur aussi être considéré a priori comme une source de pollution potentielle du captage AEP des Coutures au regard de l’allure générale de la configuration piézométrique en moyenne eau (Rapport BRGM / RP–59301–FR) et de son activité passée. Des décharges sauvages non recensées ou non identifiées pourraient aussi exister à proximité amont du captage. Ainsi, au stade actuel des connaissances et des informations disponibles dans les rapports 1 et 2 de Brugeap, il n’est donc pas possible encore d’avoir de certitude sur l’origine ou les origines de la pollution observée dans le captage des Coutures, même si vraisemblablement l’essentiel du PCE pourrait arriver de la ZA Gravigny. Les données disponibles à ce jour restent encore insuffisantes pour pouvoir, soit retenir, soit éliminer les différentes possibilités énumérées ci-dessus. Par contre une origine multiple à la pollution au PCE observée dans la vallée de l’Iton ne peut être écartée à ce stade, et des investigations dans ce sens devraient être effectuées (rappelons en effet que deux foyers ou zones de forte contamination ont déjà été mis en évidence : au droit d’ASPOCOMB à Evreux et du site INITIAL BTB à Gravigny).

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4.2 CONCERNANT LA SUITE DE L’ETUDE ENVISAGEE PAR BURGEAP

La solution proposée par Burgeap pour poursuivre l’étude et la recherche de l’origine de la pollution, consistant à se focaliser sur le secteur de la ZA Gravigny à Normanville, nous parait cohérente avec l’idée qu’il pourrait vraisemblablement exister dans cette zone d’activité, la ou une source de pollution qui affecte le captage des Coutures, à savoir le secteur du site INITIAL BTB (proximité, concentrations en PCE élevées détectées en 2011 et 2012). Les seules données disponibles aujourd’hui (rapports Burgeap transmis pour cette expertise), nous empêchent cependant d’exclure l’existence de plusieurs sources de pollution à Gravigny, ni même encore qu’une ou plusieurs sources en amont, à Evreux par exemple, puissent aussi avoir une part significative de responsabilité dans cette contamination. Par ailleurs, la réalisation d’une cartographie plus fine de la répartition du PCE et TCE sur le secteur Gravigny – Normanville et la mise en place de piézomètres en amont et en aval de la source de pollution pressentie (hypothèse faite qu’INITIAL BTB soit cette source), nous paraissent aussi aller dans l’esprit de la démarche à mener pour pouvoir remonter à la source de pollution, mais les trois piézomètres complémentaires proposés – en amont d’INITIAL BTB, en aval immédiat de la ZA de Gravigny et entre le P9’’ et le captage de Normanville – nous paraissent trop focalisés sur le seul site d’INITIAL BTB, et exclure d’emblée la possibilité que d’autres sources de pollution puissent exister à Gravigny, voire en amont. D’autre part, le manque de connaissance du détail des écoulements souterrains dans ce secteur peut conduire à ne pas placer correctement ces piézomètres, et à manquer l’objectif poursuivi de (1) tester le lien pressenti entre la pollution observée au droit du site d’INITIAL BTB et celle relevée dans le captage des Coutures et (2) vérifier si une pollution arrive de l’amont du site. Ce risque est d’autant plus important que la vallée pourrait refermer des secteurs karstifiés ou macro-fracturés, conduisant à des circulations le long d’axes préférentiels. La proposition de mettre en place un suivi plus régulier de la mesure en solvants chlorés sur le captage de Normanville parait pertinente, mais pour avoir un intérêt réel, il faudrait aussi qu’il soit complété par la mise en place d’un suivi similaire et synchrone sur la ou les sources de pollution pressenties en amont, de manière à pouvoir établir des liens de cause à effet. En outre, le pas de temps de ce suivi devrait être déterminé en fonction de l’hydrodynamique du système aquifère (non connue aujourd’hui). Enfin, il n’est pas certain qu’une connaissance plus fine de la « zone d’emprunt théorique » du captage de Normanville, telle qu’elle semble être envisagée par le bureau d’études en procédant à un pompage d’essai, apporte beaucoup d’éléments complémentaires dans le cas présent pour le problème posé (recherche de la ou des sources de pollution du captage) ; en effet, l’important serait surtout de pouvoir définir plus précisément la géométrie réelle des écoulements souterrains entre Gravigny (voire Evreux) et Normanville, avec un relevé piézométrique synchrone nivelé, si possible dans différentes situations hydrodynamiques et de configurations de pompage (prise en compte de l’ensemble des puits et forages actifs ayant un débit significatif).

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5. Recommandations du BRGM

5.1 CONCERNANT LES SUITES A DONNER POUR MIEUX PRECISER L’EXTENSION DU PANACHE DE PCE ET L’ORIGINE OU LES ORIGINES DE LA POLLUTION

Pour mieux pouvoir préciser l’extension du panache de pollution et identifier l’origine ou les origines de la pollution du captage de Normanville avec un degré de confiance suffisant, afin de pouvoir à terme mettre en place des mesures correctives efficaces, une démarche est proposée qui repose sur les éléments obtenus à ce jour dans le cadre de l’étude Burgeap, sur la connaissance générale du secteur que nous pouvons avoir aujourd’hui et sur le souci d’essayer d’avancer au plus vite, tout en gardant une ouverture nécessaire au regard des incertitudes qui demeurent. L’esprit général des travaux proposés par Burgeap pour la suite de l’étude est maintenu, mais l’approche que nous préconisons se veut plus exhaustive, devrait être plus efficace et les méthodes proposées sont pour partie différentes. Ceci permettra notamment de réduire les incertitudes et de minimiser les risques de ne pas pouvoir identifier certaines sources significatives de pollution. Dans un premier temps il conviendrait de se focaliser sur les sites pouvant être a priori les sources connues les plus probables qui pourraient être à l’origine de la pollution observée dans le captage de Normanville, voire dans certains captages AEP en aval. Le travail à réaliser à cet effet porterait sur le secteur allant de Gravigny à la zone de résurgences et sur plusieurs aspects. Il consisterait à : 1- Réaliser deux relevés piézométriques (hautes eaux et basses eaux) dans les puits et forages disponibles dans le secteur de Gravigny et en aval jusqu’à la zone de résurgences de Tourneville - Houetteville. Ceux-ci devraient inclure des points répartis de manière appropriée dans l’ensemble de la vallée de l’Iton, mais également sur les coteaux et plateaux encaissants. Les même points devraient être mesurés en hautes et basses eaux, de manière synchrone, et faire l’objet d’un nivellement du repère de mesures. Les principaux forages et puits actifs du secteur devraient être recensés et les données concernant leurs modes de fonctionnement, débits d’exploitation, coupes techniques et d’éventuels pompages d’essai réalisés, collectées. L’objectif est d’établir (1) la configuration des écoulements souterrains et son évolution possible en hautes et basses eaux dans la vallée de l’Iton, ainsi qu’en fonction des pompages, et (2) de connaitre le sens des écoulements sur les coteaux en rive droite et en rive gauche. Un premier relevé piézométrique, l’établissement d’une première carte des écoulements souterrains et la connaissance des principaux pompages sont des préalables nécessaires pour pouvoir mener correctement plusieurs des actions mentionnées ci-après. 2- Procéder à des investigations complémentaires plus fines dans la zone d’activité au nord de Gravigny, et plus généralement dans cette commune et en aval, pour confirmer/infirmer l’existence d’une ou de plusieurs sources de pollution locales. Celles-ci devraient inclure : a. Une enquête préliminaire à mener au moins sur les sept sites recensés dans BASIAS pour essayer d’identifier d’éventuels secteurs pollués et des activités ou actions qui auraient pu entrainer dans le passé, ou entrainent encore aujourd’hui, une pollution au COHV, et plus particulièrement au PCE et TCE vers la nappe de la craie. Ces sites sont répertoriés sur les figures 7 et 8 et en annexe 6-4 (imprimerie OFFSET/n°1, TREBOUET N./n°2, ECO-PRESSING/n°3, TISSUS de Gravigny/n°4, Cray Valley (Total)/n°5, INITIAL BTB/n°39 et Dubois André-Désiré/n°41). Une enquête de terrain est fortement recommandée pour repérer d’autres sites potentiels (peinture / carrosserie etc.).

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b. La mise en place de barrières de contrôle en aval et en amont du ou des sites suspectés de pouvoir rejeter du PCE et TCE de manière significative dans la nappe de la craie, suite aux résultats de l’enquête préliminaire menée en 2a. Ces barrières de contrôle pourraient être constituées d’ouvrages existants sur le site (puits, forages, piézomètres) et complétées selon les besoins de mini-piézomètres à installer notamment en aval des foyers de pollutions pressentis, de manière adaptée notamment en termes de distance, profondeur et de hauteur crépinée. Ces derniers doivent pouvoir faire l’objet de pompages pour y effectuer des prélèvements d’eau en vue de leur analyse pour les teneurs en PCE et TCE au moins. L’objectif de la démarche est de repérer le ou les site(s) éventuel(s) dans Gravigny qui rejettent de manière significative du PCE et TCE dans la nappe de la craie en amont du captage de Normanville. En l’absence d’information ou en cas de doute, il pourrait être intéressant ici de recourir préalablement sur ces sites à une technique de micro-sondages ciblés avec prises d’échantillons d’eau de la nappe de la craie à différentes profondeurs et analyses sur site pour déterminer leurs teneurs en PCE et TCE (exemple : principe du type GEOPROBE/analyse sur site en temps réel). Ceci permettrait de pouvoir (1) rapidement confirmer la présence d’une pollution ou, au contraire, écarter le site comme source de pollution potentielle et (2) optimiser l’emplacement des mini- piézomètres de suivi en cas de pollution détectée. c. La réalisation d’une campagne d’échantillonnages et d’analyses d’eau dans les puits, forages, et piézomètres (mini-piézomètres des barrières de contrôle inclus) disponibles dans le secteur allant de Gravigny à la zone de résurgences de Tourneville - Houetteville, de manière synchrone et en mesurant la profondeur du niveau de la nappe par la même occasion. Cette campagne devrait idéalement pouvoir porter sur les points utilisés pour les relevés piézométriques et, en tous cas, sur des points répartis dans l’ensemble de la vallée de l’Iton, et sur les coteaux. L’objectif est de compléter les données sur les teneurs en PCE et TCE mesurées dans la phase 2 de l’étude Burgeap, et de pouvoir établir une cartographie plus précise du panache de pollution à partir de Gravigny. Seuls le PCE et le TCE pourraient être analysés dans cette campagne, ce qui devrait permettre de réduire les coûts d’analyse et d’inclure plus de points (la prédominance démontrée de PCE, les faibles concentrations en TCE et la relative absence de produits intermédiaires de biodégradation (dichlorioéthylène, chlorure de vinyle, …), sauf peut-être dans les zones fortement polluées, suggèrent que le milieu est a priori en grande partie suffisamment oxygéné pour empêcher ou limiter les mécanismes de dégradation du PCE (les principaux modes de biodégradation opérant en effet dans des conditions d’anaérobie/milieux réducteurs). d. Selon les besoins (si la démarche en 2a, 2b et 2c a mis en évidence l’existence d’un panache de PCE en provenance de Gravigny, sans avoir pu encore établir avec certitude son origine), la poursuite de la recherche de la ou des sources(s) de pollution dans la zone de Gravigny au moyen de méthodes adaptées (à déterminer le cas échéant). e. La réalisation dans la mesure du possible des traçages quantitatifs depuis les sites affichant une pollution avérée dans le secteur de Gravigny, pressentis comme pouvant être à l’origine d’au moins une partie de la contamination au PCE du captage de Normanvile, en fonction des résultats issus des travaux précédents. Outre le captage de Normanville, il conviendrait de suivre l’arrivée du traceur dans quelques ouvrages à déterminer en fonction des trajets supposés ; à ce titre, l’installation de deux mini-piézomètres entre la ZA de Gravigny et le captage de Normanville, en amont et en aval du débouché de la vallée sèche sur la rive gauche de l’Iton, pourrait s’avérer nécessaire si aucun ouvrage fonctionnel n’existe actuellement. Il faudra aussi maitriser la configuration des pompages durant les

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opérations de traçage, de manière à éviter le piégeage d’une partie du traceur et à minimiser les temps de parcours vers le captage. Il est recommandé de réaliser les traçages en période de hautes eaux et d’activer le pompage du captage des Coutures durant la totalité des opérations de traçage. L’objectif des traçages est d’établir l’existence ou non d’un lien hydraulique entre la ou les sources de pollution et la cible pressentie (le captage de Normanville) et, le cas échéant, de calculer les vitesses de transfert et de quantifier en première approche, si possible, la part de la pollution attribuable à chaque source s’il y en a plusieurs. f. La mise en place d’un suivi des teneurs en PCE adapté en fonction des temps de transferts souterrains, d’une part, sur le captage de Normanville et, de l’autre, sur la ou les sources identifiées comme étant vraisemblablement responsables de sa contamination (au PCE). L’objectif est de pouvoir établir un ou des liens de « cause à effet » entre la ou les sources et la cible. Ce dispositif pourrait également être étendu aux captages AEP en aval de Normanville. g. Selon les besoins et en fonction des possibilités, la mise en place d’une barrière d’observation perpendiculaire aux écoulements souterrains dans la vallée de l’Iton au sud de Gravigny, du même genre que celles préconisées ci-dessus (2b) autour des sites a priori suspectés de pouvoir rejeter du PCE et TCE dans la nappe de la craie. Son objectif est de déterminer si une pollution significative au PCE - TCE arrive du secteur d’Evreux à Gravigny, et si elle peut a priori jouer un rôle significatif dans la contamination du captage de Normanville.

Dans un deuxième temps, si une pollution significative arrivant d’Evreux en amont de Gravigny est détectée, des recherches complémentaires sur le secteur d’Evreux sont recommandées. A ce titre les actions à mener pourraient consister à : 1- Procéder à deux relevés piézométriques synchrones entre Evreux et Normanville (hautes et basses eaux, avec nivellement des points) de manière à pouvoir établir la configuration des écoulements souterrains et leur évolution dans la vallée de l’Iton et sur les coteaux, et de façon suffisamment précise pour pouvoir connaitre leur orientation au droit des principales sources potentielles de pollution au PCE/TCE. Il conviendrait aussi de recenser les principaux forages et puits actifs entre Evreux et Normanville (plateaux inclus) et de collecter les données concernant leurs caractéristiques, débits et modes d’exploitation, et si possible les éventuels pompages d’essai réalisés. L’objectif est de savoir si des cônes de rabattement importants peuvent se former et servir de pièges aux polluants (voire aux traceurs éventuels). 2- Procéder en fonction des écoulements souterrains à la vérification (1) de l’état des connaissances des foyers de pollution avérés présents au sein des sites ASPOCOMP, MATMUT et éventuellement NAVARRE, et (2) de la fiabilité des dispositifs de contrôle mis en place pour surveiller la contamination dans la nappe de la craie au droit de ces sites, en aval des foyers de pollution recensés. Si nécessaire il faudra réaliser une cartographie 2D ou 3D de ces sites pour mettre en exergue les foyers de pollution au PCE et TCE et renforcer les dispositifs de contrôle de la pollution. Il faudrait aussi, dans la mesure du possible, prendre connaissance de l’état de la pollution au niveau de la base militaire 105 et des actions de suivi/dépollution éventuellement en place. Enfin, il conviendrait d’adapter les suivis des teneurs en PCE et TCE sur ces sites de manière à ce qu’ils puissent être synchrones avec celui à réaliser sur le captage de Normanville. L’objectif de ce travail consiste à assurer une connaissance minimum nécessaire de ces sources de pollution avérées afin de pouvoir préconiser les suites à donner en fonction du danger qu’elles représentent pour les captages d’eau potable en aval. La mise aux normes de ces sites est bien entendu recommandée.

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3- Réaliser une campagne synchrone d’échantillonnages et d’analyses d’eau dans les puits et forages disponibles dans la vallée de l’Iton entre Evreux et Normanville, ainsi que sur les plateaux en aval des principales sources potentielles ou avérées de pollution. Les mêmes points que ceux utilisés pour le relevé piézométrique ci-dessus (et incluant ceux de l’étude Burgeap) pourraient être échantillonnés. L’idée ici est de compléter les informations obtenues précédemment dans la phase 2 de l’étude Burgeap et de vérifier si d‘autres zones montrent des teneurs élevées en PCE et TCE. Cela permettra, avec les données déjà collectées, d’apporter également quelques éléments complémentaires sur le caractère continu ou épisodique de la pollution dans ces zones. 4- Mener une enquête préliminaire sur les sites suspectés d’être pollués (en dehors des sites connus) pour évaluer le risque qu’ils représentent pour l’alimentation en eau potable en aval dans la vallée. Parallèlement, il faudrait en toute rigueur, en fonction des résultats précédents, de la configuration des écoulements souterrains et de leur évolution possible, vérifier si une pollution au PCE arrive ou non du coteau SO, voire le cas échéant, des deux coteaux, dans le captage de Normanville. A ce titre une investigation limitée des coteaux et plateaux proches du captage est suggérée. Le travail pourrait consister à : 1- Mettre en place une barrière de contrôle constituée de deux ou trois mini- piézomètres au débouché de la vallée sèche située en rive gauche de l’Iton en aval de Gravigny (celle qui traverse la forêt de Gravigny - vallée Soulier). Cette installation pourrait être guidée éventuellement, selon les besoins, par quelques micro- sondages/échantillonnages/analyses du PCE comme pour Gravigny. Selon les écoulements souterrains, la même opération pourrait éventuellement être effectuée au débouché de la vallée qui arrive en rive droite à hauteur de Caër (vallée du Mesnil). L’objectif est de vérifier si une pollution significative arrive ou non des plateaux vers le captage de Normanville par le biais de ces vallées. 2- Procéder, dans la mesure du possible, à une enquête préliminaire sur les sites implantés sur le plateau, susceptibles a priori de pouvoir contaminer le forage des Coutures de par leur activité présente ou passée (secteur à déterminer en fonction des résultats précédents et de la configuration des écoulements souterrains). 3- Réaliser une enquête de terrain en amont de Nomanville pour (1) mieux pouvoir situer certaines décharges et déchetteries (en fonction de ce que Burgeap aura déjà pu réaliser lors des phases 1 et 2 de son étude) et (2) repérer d’éventuelles décharges sauvages ou autres sites susceptibles de renfermer une pollution au PCE, non recensés actuellement dans les bases de données. La suite des opérations, et notamment en vue de pouvoir éliminer la ou les principales sources de pollution au PCE et protéger les captages AEP, ne pourra être déterminée qu’au regard des résultats qui seront obtenus à l’issue des travaux ci-dessus.

5.2 CONCERNANT LES BESOINS DE PRENDRE DES MESURES DE PRECAUTION ET DE DEPOLLUER

Au stade actuel des connaissances, il semble plus probable que le panache de pollution au PCE puisse s’étendre sur une grande partie, voire sur l’ensemble (?) de la vallée de l’Iton en aval d’Evreux. Au regard des données disponibles, il parait aussi probable que des concentrations en PCE supérieures aux CMA apparaissent régulièrement dans un grand nombre d’endroits de la vallée, et notamment dans les zones de pompage de la nappe de la craie ; rappelons simplement que c’est déjà le cas dans certaines parties des secteurs d’Evreux et de Gravigny, du forage de Normanville, et que des concentrations supérieures aux normes ont même été relevées jusqu’à la zone de résurgences de Tourneville – Houetteville.

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Face à la multitude des activités passées et présentes susceptibles de pouvoir entretenir ce panache et aux mécanismes relativement lents de mise en solution du PCE dans les eaux souterraines, il faut s’attendre à ce que ce dernier se retrouve pendant longtemps encore dans la vallée de l’Iton, même si la décision est prise d’éliminer les principaux foyers de pollution. Il est donc recommandé (1) de maintenir une vigilance particulière vis-à-vis du PCE dans la vallée de l’Iton, au moins entre Evreux et la zone de résurgences de Tourneville – Houetteville, et (2) d’éviter d’utiliser l’eau souterraine pour la consommation humaine (au sens large du terme – ex : arrosage des potagers inclus), sauf à la traiter de manière appropriée avant. Cette recommandation pourrait être étendue aux coteaux adjacents en fonction des écoulements souterrains et des résultats des campagnes d’échantillonnages et d’analyses préconisées ci-dessus. Par ailleurs, un renforcement du suivi des captages AEP en aval de Gravigny, voire d’Evreux, au niveau des PCE et TCE, est recommandé. Cette recommandation pourra ensuite également s’étendre à certains captages de la vallée de l’Eure (ex. Cailly/Eure) si des écoulements souterrains pollués importants y sont dérivés depuis la vallée de l’Iton. Enfin, pour pouvoir un jour éliminer le problème du PCE dans la vallée de l’Iton et préserver une capacité de prélèvements d’eau destinée à la consommation humaine en aval d’Evreux en toute sécurité, outre s’assurer du respect de la législation actuelle incluant les mises aux normes des activités polluantes pour réduire les intrants dans le milieu souterrain, et plus généralement dans le milieu naturel, une dépollution des principaux sites contaminés par des COHV est recommandée, s’ils représentent une menace avérée ou potentielle significative pour l’approvisionnement en eau potable. Différentes méthodes existent, il conviendra de retenir et d’adapter la ou les plus pertinentes pour chaque cas.

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6. Annexes

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Annexe 6-1 : Coupe du forage de Normanville (Source : Rapport BURGEAP REMNNM00091-02)

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Annexe 6-2 : Coupe géologique au droit du captage de Normanville (source : INFOTERRE / BRGM)

Fiche Dossier du sous-sol

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Annexe 6-3 : Captages destinés à l’alimentation en eau potable (AEP) dans le secteur d’Evreux et en aval (Source : Rapport BURGEAP REMNNM00091-02)

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Annexe 6-4 : Principales activités recensées par Burgeap dans son étude susceptibles d’utiliser des COHV dans le secteur d’Evreux et en aval (Source : Basias)

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(Source : Basol)

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Annexe 6-5 : Liste des substances analysées dans le cadre de l’étude menée sur la pollution du captage de Normanville (eaux superficielles et souterraines).

COHV aliphatiques

Tétrachloroéthène Trichloroéthène 1,1-dichloroéthène Cis-1,2-dichloroéthène Trans-1,2-dichloroéthène Monochloroéthène (chlorure de vinyle) Hexachloroéthane Pentachloroéthane 1,1,1,2-tétrachloroéthane 1,1,2,2-tétrachloroéthane 1,1,1-trichloroéthane 1,1,2-trichloroéthane 1,1-dichloroéthane 1,2-dichloroéthane Chloroéthane Tétrachlorométhane Trichlorométhane Dichlorométhane Chlorométhane

Paramètres spécifiques permettant de comprendre les phénomènes de dégradation

Nitrates Sulfates Méthane Ethane Ethène Chlorures Carbone organique dissous 1 BTEX

(Rapport BURGEAP REETNM00306-02)

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Contamination du captage de Normanville (27) par du tétrachloroéthylène

Annexe 6-6 : Résultats des analyses obtenus à l’issue des campagnes de mesures menées par Burgeap en novembre 2011 et en mars 2012 (Vallée de l’Iton entre Evreux et la zone de résurgences)

BRGM/RP-61519-FR 61 Contamination du captage de Normanville (27) par du tétrachloroéthylène

62 BRGM/RP-61519-FR Contamination du captage de Normanville (27) par du tétrachloroéthylène

Annexe 6-7 : Résultats d’analyses réalisées sur le nouveau piézomètre de Normanville 0150-2X-0089

BRGM/RP-61519-FR 63 Contamination du captage de Normanville (27) par du tétrachloroéthylène

64 BRGM/RP-61519-FR Contamination du captage de Normanville (27) par du tétrachloroéthylène

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Contamination du captage de Normanville (27) par du tétrachloroéthylène

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