Monsieur Pierre Duparc

La Sapaudia In: Comptes rendus des séances de l'Académie des Inscriptions et Belles-Lettres, 102e année, N. 4, 1958. pp. 371- 384.

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Duparc Pierre. La Sapaudia. In: Comptes rendus des séances de l'Académie des Inscriptions et Belles-Lettres, 102e année, N. 4, 1958. pp. 371-384.

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COMMUNICATION LA SAPAUDI A, PAR M. PIERRE DUPARC. La Sapaudia est une région de la Gaule, mentionnée par quelques textes entre la fin du ive et le début du vie siècle, dans laquelle on a voulu trouver l'origine, non seulement du mot, mais encore de la province de . Sans aborder ce dernier point, qui a trait à la formation d'un comté de Savoie au Moyen Age, sur lequel nous avons l'intention de revenir ultérieurement, nous essaierons de dégager la signification du mot Sapaudia, et en particulier de préciser sa situation géographique. La Sapaudia a déjà fait l'objet des recherches de plusieurs his toriens, qui sont arrivés à des conclusions fort différentes. Pour Boecking, l'éditeur de la Notitia Dignitatum, elle se serait étendue du lac de Neuchâtel au lac Léman1. Pour Camille Jullian, historien de la Gaule, elle désignerait les cités de Nyon et de Genève, et plus précisément « le pays que traverse le Rhône dès sa sortie du lac Léman et avant son entrée dans la région du Bugey »2. Pour P.-E. Martin, historien de la Suisse, elle correspondrait aux cités de Genève et de Grenoble, ainsi probablement qu'à la Maurienne et à la Tarentaise3. Enfin Ferdinand Lot voyait en elle : « la Sapinière... la partie montagneuse et sylvestre du grand territoire des »4. Si nous avons cru pouvoir reprendre cette question, c'est d'abord parce que les travaux antérieurs ont mis en valeur ses différents aspects. C'est aussi parce que les historiens se sont occupés tantôt de la Sapaudia, tantôt de la Savoie, mais n'ont pas mené de front l'étude de ces deux expressions géographiques. En cette matière, comme en bien d'autres, il est utile de faire des rapprochements entre les données du Bas-Empire et celles du Moyen Age. Ammien Marcellin La première mention de la Sapaudia se trouve dans un passage d'Ammien Marcellin, rédigé vers 390. Cet historien, parlant du cours du Rhône, s'exprime ainsi : « A Poeninis Alpibus efîusiore copia fontium Rhodanus fluens et proclivi impetu ad planiora degrediens, proprio agmine ripas occul- 1. Notilia Dignilalum lam civilium quam mililarium in parlibus Orientis et Occidentis ; éd. Boecking (Leipzig, 1839-1853), t. II, col. 1017. 2. Notes gallo-romaines. LXXXVI1I. Les origines de la Savoie. Dans Revue des études aiciennes, t. XXII (Bordeaux, 1920), p. 273-282. 3. Le problème de la Sapaudia. Dans Revue d'histoire suisse, t. XIII (Zurich, 1933), p. 183-205. 4. Les limites de la Sapaudia. Dans La Revue savoisienne, 76e année (Annecy, 1935), p. 146-156. 372 COMPTES RENDUS DE l' ACADÉMIE DES INSCRIPTIONS tat et paludi sese ingurgitât, nomine Lemanno, eamque intermeans nusquam aquis miscetur externis, sed altrinsecus summitates undae praeterlabens segnioris (qua)eritans exitus, viam sibi impetu veloci molitur. Unde sine jactura rerum per Sapaudiam fertur et Sequanos, longeque progressus Viennensem latere sinistro praes- tringit, dextero Lugdunensem et emensus spatia flexuosa Ararim, quem Sauconnam appellant, inter Germaniam primam fluentem... suum et nomen adsciscit, qui locus exordium est Galliarum »x. Ainsi le Rhône, d'après Ammien Marcellin, entre avec impétuosité dans le Léman ; « d'où sans perte il va à travers la Savoie et les Séquanes ; et, ayant beaucoup avancé, il longe la Viennoise du côté gauche, la Lyonnaise du côté droit ; et, après avoir suivi un cours sinueux, il... recueille la Saône ». D'après ce texte, la Sapaudia commence dès le débouché du Léman. Comprend-elle Genève, qui, plus tard, fut une des capitales burgondes, ou commence-t-elle après Genève ? On ne peut encore le préciser. En tout cas elle ne paraît pas s'être étendue au Sud du Léman, comme l'ont avancé certains auteurs à propos du passage de la Notitia Dignitatum que nous étudierons plus loin. On voit également dans le texte d'Ammien Marcellin que la Sapaudia se trouve en relation étroite avec les Séquanes. Pour la plupart des auteurs, ce serait une relation de contiguïté : il fau drait comprendre que le Rhône aurait traversé d'abord la Sapaudia, puis la Séquanaise. Avant de se prononcer sur la Sapaudia, il serait donc nécessaire de préciser l'étendue du territoire des Séquanes, qui reste encore mal défini. Le passage d'Ammien Marcellin suppose en effet que le Rhône traverse le territoire des Séquanes. On a rejeté ce fait et on a même nié que la Séquanaise eût jamais atteint le Rhône. Edouard Philipon, dans son Dictionnaire topographique de l'Ain, attribue aux Allo- broges, sur la rive droite du Rhône, la Michaille et le Valromey, sous prétexte que ces régions firent ensuite partie du diocèse de Genève2. De même Camille Jullian, dans son Histoire de la Gaule, donne aux Allobroges le Valromey3. Ferdinand Lot, plus catégorique encore, affirme que « la Séquanaise n'arrivait pas jusqu'au Rhône »4. Dans ces conditions, et même si on admettait la correction proposée par Mommsen : prêter Sequanos, au lieu de per Sequanos5, il faudrait déclarer qu' Ammien Marcellin a commis une bévue géographique. Ce qui est en effet la conclusion de Ferdinand Lot. Cependant César avait déjà indiqué que les Séquanes allaient 1. Rerum geslarum, 1. XV, ch. 11, par.16-17. Éd. Clark (Berlin, 1910), p. 67* 2. Dans Dictionnaires topographiques de la France, Paris, 1911, in-4°. 3. T. II, p. 29, n. 5 (8 vol., Paris, 1921-1926). 4. Art. cit. supra, p. 153. 5. Ephemeris epigraphica, t. V, p. 517, n. 2. LA SAPAUDIA " 373 jusqu'au Rhône ; parlant de l'émigration des Helvètes par le chemin de l'Écluse et de la Michaille, c'est-à-dire par la rive droite du Rhône en aval du Léman, il la cite comme étant « via per Sequanos »x. D'autre part nul ne conteste que la civitas Equestrium, dont le chef- lieu était à Noviodunum ou Nyon, ait fait partie de la Provincia Maxima Sequanorum, comme l'indique la Notitia provinciarum, contemporaine d'Ammien Marcellin2. Si la cité des Équestres a compris d'abord la région de Nyon, qui forma plus tard le comitatus equestris et le pays de Gex, ou le doyenné d'Aubonne, il faut aussi lui rattacher une longue bande de terre le long du Rhône et allant jusqu'à Belley, c'est-à-dire au moins la Michaille, le Valromey, la Chautagne et une partie du Bugey. Les divisions ecclésiastiques, qui qui ont gardé si longtemps le moule romain, apportent de pré cieuses indications sur les origines et les transformations de ces pays. Si la cité des Équestres n'a pas donné un évêché en son chef-lieu, à Nyon, c'est probablement parce qu'elle en a donné un à son autre extrémité, à Belley. D'autre part il semble bien que la Maxima Sequanorum a subi au cours du Haut Moyen Age des démembre mentsimportants, dus à son étendue considérable et à sa situation géographique3 : la Première Lyonnaise a pénétré en coin dans le Jura jusqu'à Saint-Oyen de Joux, l'actuel Saint-Claude ; et la Viennoise s'est emparée des territoires isolés par la chaîne du Jura, c'est-à-dire le pays de Gex, le Valromey, la Michaille. C'est ce qui explique que le diocèse de Belley, à cheval sur le Rhône, relevant de la Séquanaise et de l'archevêché de Besançon, se soit trouvé au Moyen Age complètement séparé de sa province, et enclavé dans la Viennoise et la Lyonnaise. Nous pouvons donc admettre qu'à l'époque d'Ammien Marcellin la Séquanaise longeait la rive droite du Rhône sur presque tout son parcours nord-est — sud-ouest, du Léman au Guiers. Bien plus il est probable qu'elle tenait les deux rives du fleuve en bien des endroits, sinon en tous, comme dans la région de la Chautagne et du Bugey. Il reste maintenant à situer la Sapaudia du texte d'Ammien Marcellin. Il serait difficile de lui assigner une place sur le Rhône, si on devait la mettre entre le Léman et la Séquanaise, puisque nous venons de voir que la Séquanaise commençait presque immé diatement au débouché du Léman. Nous croyons donc qu'il faut traduire le texte d'Ammien de la façon suivante : « à travers la 1. Commentarii de bello gallico, 1. I, ch. ix et x. 2. Cf. A. Longnon, Allas historique de la France, Paris, 1884. 3. Voir Pouillés des provinces de Besançon, de Tarenlaise et de Vienne, publiés par Et. Clouzot (Paris, 1940, in-4°. Recueil des historiens de la France publié par l'Académie des Inscriptions et Belles-lettres ; Pouillés, t. VII), p. lvi-lviii ; Et P. Duparc, Le comté de Genève, IX°-XVe siècle (Genève, 1955, in-8°), p. 363-370. 374 COMPTES RENDUS DE L* ACADÉMIE DES INSCRIPTIONS

Sapaudia où sont les Séquanes » ; le et ne marquerait pas un rapport de succession, mais un rapport d'identité entre la Sapaudia et les Séquanes. A l'appui de cette interprétation on peut relever qu'Am- mien parle de la Sapaudia et des Séquanes, et non de la Sapaudia et de la Séquanaise. La suite du texte précise d'autre part que le Rhône fait un long trajet dans cette Sapaudia et chez les Séquanes, avant d'arriver à la Viennoise sur la rive gauche, à la Lyonnaise sur la rive droite. La Sapaudia aurait donc occupé la vallée du Rhône depuis le défilé de l'Écluse, en aval de Genève, et se serait étendue probablement jusqu'au confluent de l'Ain.

La Notitia Dignitatum La Notitia Dignitatum, rédigée vers 400, contient deux allusions à la Sapaudia. Énumérant après les préfectures de l'Italie les préfec tures de Gaule, elle commence ainsi : « In provincia Galliani parensi. Praefectus classis fluminis Rhodani Viennae sive Arelati. Praefectus barcariorum Ebruduni Sapaudiae. Praefectus militum musculariorum Massiliae Graecorum. Tribunus cohortis primae Flaviae Sapaudiae Calaronae »*. L'interprétation de ce texte et les identifications de lieux ont fait l'objet de plusieurs travaux, qui ont essayé de déterminer du même coup l'extension de la Sapaudia2. Dès la première ligne du texte une difficulté se présente : quelle est cette province, cette situation générale : « in provincia Galliani parensi » ? Les éditeurs et la plupart des critiques ont corrigé « Gal liani parensi » en « Gallia riparensi ». Il ne semble pas, en effet, qu'on puisse retenir la .correction : « in Gallia in provincia viennensi »3, qui est assez éloignée du texte et qui ne correspondrait pas au caractère du système défensif nautique exposé ensuite. On connaît des divi sions administratives ou des corps de troupes qualifiés de « rive rains » le long de la frontière du Danube par exemple, comme le « Ducatus Dacie Ripensis » ou « Riparensis »4, la « Provincia Pan- noniae secundae et ripariensis sive Saviae »5, les « legiones ripa- rienses » en Scythie et en Mésie6. Dans cette province de la « Gallia Riparensis », la Notitia énumère 1. Éd. Boecking, t. II, p. 118 ; éd. Seeck (Berlin, 1876), p. 215. 2. Voir en particulier P. E. Martin, Études critiques sur la Suisse à l'époque mérovin gienne, 534-715 (Genève, 1910, in-8°), p. 7-21 ; et F. Lot, art. cit. 3. Proposée par Mommsen, Ephemeris, cit., et P. E. Martin, Éludes, p. 13-14. 4. Notitia Dignitatum, éd. Boecking, t. I, ch. xxxix, p. 107 ; cf. ibidem, p. 492. 5. Ibidem, t. II, ch. xxxi, p. 91. 6. Ibidem, t. I, ch. xxxvi, p. 99 ; ch. xxxvn, p. 102. Cf. ibidem, p. 450-451. LA SAPAVDIA 375 quatre commandements militaires. Deux se laissent facilement identifier : le premier, le préfet de la flotte du Rhône, en garnison à Vienne ou à Arles ; et le troisième, le préfet de l'infanterie de marine, en garnison à Marseille. Les deux autres, qui nous intéressent directement puisque la Sapaudia apparaît dans le titre de leurs fonctions, ont fait l'objet de longues discussions. Le préfet de la flotte de barques d' « Ebrudunum Sapaudiae » a été placé en divers lieux : à Embrun sur la Durance, à Yverdon sur le lac de Neuchâtel, à Yvoire sur le lac Léman, ou à Yvorne dans la haute vallée du Rhône en amont du Léman. Mais Embrun se trouve dans une situation bien excentrique par rapport à la Sapaudia d'Ammien Marcellin et la Durance n'y est pas navigable1. Yvoire, était une bourgade peu importante, placée en dehors des voies romaines, dont le nom s'explique mal par Ebrodunum2. Yvorne, loin du Léman et près d'un Rhône non navigable, réunit contre elle toutes les objections précédentes3. Il reste Yverdon, contre lequel deux arguments ont été présentés : la ville était située dans la Maxima Sequanorum et par conséquent n'aurait pu être en Sapaudia ; elle n'aurait pas occupé une situation stratégique dans le cas d'une invasion barbare. La première objection tombe, puisque notre interprétation du texte d'Ammien Marcellin place la Sapaudia dans la Maxima Sequa norum, et non pas dans la Viennoise comme le croient les advers aires d'Yverdon. La deuxième objection dénote une méconnais sancedu système romain de communications : Yverdon est incon testablement un nœud de routes important entre cols des Alpes et cols du Jura, entre vallée du Rhône et vallée du Rhin. C'était un gîte d'étape fortifié sur la route du Grand-Saint-Bernard par Vevey et Moudon, sur celle de Besançon par Orbe et Sainte-Croix, sur celle du Rhône par Lausanne et Genève, et sur celle du Rhin par Avenches. Une étude plus attentive d'Yverdon et des flottilles militaires du Bas-Empire et en particulier les travaux de Denis Van Berchem permettent de mieux comprendre le texte de la Noti- tia*. Le castrum d'Yverdon contenait un gîte d'étape, une mansio, 1. Identification soutenue en dernier lieu par A. Coville, Recherches sur l'histoire de (Paris, 1928, in-8°), p. 109-114. Combattue par P. E. Martin, Le problème, cit., et F. Lot, art. cit., p. 147. 2. Yvoire, Haute-Savoie, arr. Thonon, cant. Douvaine. Identification proposée par P. E. Martin, Le problème, p. 199-201 ; F. Lot, art. cit., p. 150-151 ; E. Muret, Noms de lieu, vestiges archéologiques et vieux chemins, dans Revue d'histoire suisse, t. XI (Zurich, 1931), p. 409-427. 3. Aigle, Suisse, canton de Vaud. Identification proposée par W. Gisi, Ebrudunum Sapaudiae, dans Anzeiger fur schweizerische Altertumskunde (Zurich, 1884), p. 140-144 ; exposée par F. Lot, art. cit., p. 149. 4. Ebrudunum - Yverdon, station d'une flottille militaire au Bas-Empire, dans Revue d'histoire suisse, t. XVII (Zurich 1937), p. 83-95. L'identification avec Yverdon avait déjà été proposée par E. Desjardins, Géographie historique et administrative de la Gaule 376 COMPTES RENDUS DE L'ACADEMIE DES INSCRIPTIONS

destinée à l'emmagasinage des denrées pour le ravitaillement des troupes ; et les barcarii assuraient le transport des militaires ou de leurs vivres. Ces barcarii constituaient d'une manière générale une sorte de train des équipages ; leur rôle ne s'arrêtait pas avec les voies navigables : ils accomplissaient des opérations de portage, faisant passer, en l'absence d'écluses encore inconnues, bateaux et chargements d'un bassin dans un autre, et assuraient, au-delà des plans navigables, le transport sur route au moyen de charriots. Les barcarii d'Yverdon ont dû circuler ainsi sur les routes et les lacs de la Suisse entre Rhône et Rhin. L'autre commandant dont le titre est difficile à interpréter est le « Tribunus cohortis primae Flaviae Calaronae ». Calarona, la garni sonde ce tribun et de sa cohorte, a été placé en divers endroits : à Grenoble sur l'Isère ; à Glérolles dans le pays de Vaud, à Châtillon- sur-Chalaronne dans les Dombes. Mais Glérolles était sans import ance, semble-t-il, à l'époque romaine et ne peut être rattaché philo- logiquement à Calarona1. Chalaronne, qui est actuellement le nom d'une rivière, pourrait avoir été autrefois le nom d'une localité située sur cette rivière, comme Châtillon ; mais cette localité hypo thétique a laissé peu de traces et n'est pas citée ailleurs2. Grenoble, qui fut érigée en cité en 379, a toujours été au contraire un centre administratif et stratégique ; mais pour rapprocher son nom ancien, Cularo, de Calarona, on doit passer sur deux difficultés. Il faut d'abord supposer une erreur de graphie, la substitution d'un a au u. Il faut surtout admettre que la cohorte en question a encore porté à l'époque de la Notitia le nom ancien de Grenoble, Cularo, et non celui plus récent de Gratianopolis ; or certains auteurs font remar querqu'à l'époque de la Notitia, vers 400, Grenoble portait officie llement le nom de Gratianopolis, qu'il avait reçu en 379, au moment de son érection en cité3. Cette objection ne serait pas valable si la Notitia avait été rédigée vers 370, comme d'autres auteurs le pens ent4, ou du moins si certaines parties de la Notitia remontaient à cette date. La date de la composition de la Notitia, les refontes et les interpolations possibles, sont des questions encore non réglées6. L'identification de Calarona a d'ailleurs moins d'importance qu'on ne pourrait le croire, car cette ville n'était pas nécessairement en

(3 vol. in-8», Paris, 1876-1885), t. I p. 164 ; C. Jullian, Histoire, t. VI, p. 503, 508, t. VII, p. 54, t. VIII, p. 110, et Les origines, p. 272. Combattue par P. E. Martin, Le problème, p. 197, et F. Lot, art. cit., p. 148. 1. Identification proposée par Boecking, éd. cit., t. II, p. 1019. Combattue par F. Lot, art. cit., p. 152. 2. Identification soutenue par F. Lot, art. cit., p. 152-153. 3. F. Lot, art. cit., p. 146 et 152. 4. Desjardins, éd. cit., t. III, p. 487 et 494. 5. Voir à ce sujet F. Lot, art. cit., p. 154. ' LA SAPAUDIA 377

Sapaudia. La titulature de la cohorte n'est pas « Calarone Sapaudie », semblable à « Ebruduni Sapaudie », mais « Sapaudie Calarone » ; il ne s'agit pas de la cohorte de « Galarone in Sapaudia », mais de la cohorte « Sapaudie » à « Calarona ». Ce qualificatif de la cohorte vient après d'autres, et on pourrait traduire : le tribun de la cohorte, la première flavienne, celle de Savoie, de Calarona. Il arrivait souvent que des corps de troupe eussent ainsi conservé le souvenir de leur gar nison primitive ; et notre cohorte, après un long séjour en Sapaudia, aurait pris le surnom de « savoyarde ». Il n'est même pas besoin pour cela de supposer la lecture : « sapaudicae », au lieu de « Sapaudiae s1.

La Sapaudia Burgonde

La Chronica gallica de 452, faussement attribuée à Prosper Tiro ou Prosper d'Aquitaine, relate ainsi l'installation des Burgondes en Sapaudia : « la 20e année du règne de Théodose la Sapaudia est donnée au reste des Burgondes pour être partagée avec les indigènes »2. On admet généralement que, d'après ce texte, les Burgondes se seraient installés en 443 dans la région au Sud du Léman entre Rhône et Alpes3, et on a tendance à identifier la Sapaudia de 443 avec la Savoie actuelle. Certains auteurs ont d'ailleurs ajouté, à la suite de travaux qui ont paru sur l'avance des Alamans en Helvétie, que les Burgondes avaient dû progresser très tôt vers le Nord dans la cité des Helvètes : ils auraient fait une incursion dans la Maxima Sequanorum pendant la deuxième moitié du ve siècle4, et y auraient précédé les Alamans. Cette présentation des faits montre combien est tenace l'hypo thèsequi place la Sapaudia dans la Viennensis. Au lieu de parler d'une avance rapide des Burgondes dans la Maxima Sequanorum, il serait préférable d'admettre que c'est là qu'ils furent installés en 443 : ils auraient reçu en particulier la civitas Equestris et la civitas Helvetiorum, dont le centre en 517 était Windisch. Leur première expansion se serait produite en sens inverse de ce qui est générale mentadmis : ils auraient progressé vers le Sud du Léman, dans la Viennoise, après avoir occupé très tôt Genève, placée à la limite de leurs possessions. Au commencement du vie siècle, c'est-à-dire peu avant la

1. Correction proposée par Boecking, t. II, p. 1017 ; par Seeck, p. 216 ; par F. Lot* art. cit., p. 154. 2. « Anno XX Theodosii Sapaudia Burgundionum reliquiis datur cum indigents dividenda » ; éd. Mommsen, dans Monumenta Germaniae historica, Auctores antiquissimi, Chronica minora, I, p. 660 (Berlin, 1892, in-4°). 3. Cf. P. E. Martin, Le problème de la Sapaudia. 4. P. E. Martin, La fin de la domination romaine en Suisse. Dans Bulletin de la Société d'histoire et d'archéologie de Genève, t. VI (Genève, 1935). 378 COMPTES RENDUS DE L* ACADÉMIE DES INSCRIPTIONS chute du royaume burgonde, la Sapaudia est de nouveau citée dans une lettre d'Avit, archevêque de Vienne, au roi Sigismond : Avit se plaint que le souverain burgonde soit allé de Sapaudia en Provence sans passer par Vienne1. Sigismond avait probablement préféré à la vallée du Rhône une autre route, peut-être par Grenoble. Mais ce texte ne permet pas de préciser l'emplacement et l'étendue de cette Sapaudia. De même Ennodius, qui écrivait entre 501 et 504, parle de la Sapaudia à propos d'événements survenus vers 495. A cette date Épiphane, évêque de Pavie, se rendit à Lyon auprès de Gondebaud, roi des Burgondes, pour demander la délivrance des prisonniers faits en 493 au cours d'une expédition en Italie du Nord. Quatre cents captifs furent remis en liberté à Lyon, et il en fut de même dans toutes les villes de la Sapaudia ou des autres provinces2. On peut en conclure simplement qu'à cette date le royaume burgonde se composait, outre la Sapaudia, de Lyon et d'autres provinces, et que la Sapaudia comprenait plusieurs villes3.

Le nom de la Sapaudia Nous avons passé en revue les textes, au nombre de cinq, qui citent la Sapaudia, et qui s'échelonnent de la fin du ive au début du vie siècle. Examinons maintenant le nom même de cette région. Peut-on déterminer l'origine du mot Sapaudia ? Réapparaît-il sous une autre forme ? Il ne paraît pas utile d'énumérer toutes les étymologies qui ont été proposées, surtout entre le xvie et le xvme siècle. La plupart ne reposent sur aucune base sérieuse : ainsi quand Pingon rapproche la Sabaudia du royaume de Saba4, ou quand le président Fauchet assimile les Sabaudi aux Bagaudib. Non moins fantaisiste, mais plus intéressante et significative, est l'étymologie officielle proposée par 1 . « Sufïïcit ergo ad consolationem desiderii mei, si omnium nostrum sanitas in vestra post Deum prosperitate consistit. Ceterum non absque scrupulo potest accipi quod de Sapaudia itineribus exquisitis ad Provinciam praeteriri > ; éd. Seeck, dans Monumenta Germaniae hislorica, Auclores antiquissimi, t. VI (Berlin, 1883), n° lxxviii, p. 93. Cf. P. E. Martin, Le problème, p. 204. 2. « Quadringentos homines die una de sola Lugdunensi civitate redituros ad Italiam fuisse dimissos ; identidem per singulas urbes Sapaudiae vel aliarum provinciarum factum indubitanter agnovimus, ita ut istorum, quos solae preces beatissimi viri liberarunt, plus quam sex milia animarum terris patriis redderentur » ; éd. Vogel, dans Monumenta Germaniae hislorica, Auctores antiquissimi, t. VII (Berlin, 1885), p. 105-106. 3. F. Lot, art. cit., p. 155, n. 2, en a conclu que la Sapaudia s'étendait sur plusieurs diocèses. C'est prendre, contrairement aux règles, le mot urbs dans le sens de civitas. 4. « Quia non minus provincia Sabaudiae felix est quam provincia Arabiae felicis, quae Saba dicitur » ; Philibert de Pingon, Inclytorum Saxoniae Sabaudiaeque principum arbor gentilitia ; Turin, 1581, in-fol. 5. Claude Fauchet, Les antiquitéz et histoires gauloises et françoises... Genève, 1611, in-4». LA SAPAUDI A 379 la maison de Savoie. On la trouve exposée en particulier au xve siècle par le chroniqueur Servion qui, après avoir énuméré les mesures de police prises par le comte Amédée n, conclut : « il réduyst le pays à telle seurté que en lieu du nom de Maie voye, le payz fust appelé Sauve voye »x. A l'époque moderne certains érudits ont fait venir le mot des racines celtiques sapa, résine, d'où viendrait également sapin, et vidu, bois ; en conséquence F. Lot voyait dans la Sapaudia une Sapinière2. En admettant que des philologues ratifient cette déri vation contestable, il faut relever le caractère peu vraisemblable de l'appellation. Comment aurait-on eu l'idée, dans les Alpes occident ales,de distinguer une région en la nommant « la Sapinière » ? Comment aurait-on choisi de donner ce nom à une région rhoda nienne, à l'exclusion des régions montagneuses et forestières, comme la Tarentaise et la Maurienne par exemple ? En l'absence d'une explication satisfaisante, contentons-nous de rapprocher Sapaudia du nom d'homme Sapaudus ; le toponyme et l'anthroponyme sont dans une relation quelque peu analogue à celle de Gallia et Gallus. Sans pouvoir préciser ce rapport, signalons simplement que plusieurs personnages historiques ont porté le nom de Sapaudus, en particulier dans la vallée du Rhône ; un enfant dans une inscription à Sainte-Colombe, en face de Vienne, au ive ou ve siècle ; un rhéteur de Vienne au ve siècle ; un abbé envoyé par l'évêque d'Angers au synode d'Orléans de 549 ; un évêque d'Arles mort en 568. On peut ajouter un abbé Sabaudus qui fut un familier du roi Clotaire, et un évêque de Trêves du même nom en 614 ; un prêtre Saupaudus au synode d'Auxerre de 573 ; un évêque Sebaudus à Périgueux3. Il est évidemment plus simple de suivre l'évolution du mot Sapaud ia.Le p en position faible a donné une sonore au vie siècle puis, en dehors du provençal, une fricative : p > b > v. La diphtongue au a donné o, et la palatale suivante, d, a développé un i : aud > oi. Nous avons donc eu successivement : sapaudia > sabaudia > saboia > savoye ou savoie. Entre sapaudia et savoie, on ren contre deux formes intermédiaires. La première, après sonorisation du p, est sabaudia, qui date du vie siècle environ : c'est à elle que se rattachent les anthroponymes sabaudus du type le plus récent ;

1. Gestez et croniques de la mayson de Savoye... publ. par F. E. Bollati (Turin, 1879, in-8»), p. 180. 2. Art. cit., p. 156. Opinion déjà développée par R. Thumeysen, dans Stàhelin, Die Schweiz in rômischer Zeit (Zurich, 1927, in-8°), p. 283. — Ce fut aussi « le pays du vin résiné » ; voir J. Lapaume, Origine et signification du plus ancien nom de la Savoie, dans XXXe Congrès scientifique de France (Chambéry, 1866, in-8»). 3. Voir la liste dans Paulg's Real-Encgclopddie, éd. G. Wissowa, 2e série, 1er vol. (Stuttgart, 1914, in-8°), col. 2319-2321. 1958 26 380 COMPTES RENDUS DE L* ACADÉMIE DES INSCRIPTIONS c'est elle qu'adopte la chancellerie des comtes dits « de Savoie », pour latiniser leur titre. L'autre forme intermédiaire, latine, anté rieure à l'affrication du b, est saboia : c'est elle qu'on rencontre dans un texte du ixe siècle, ainsi que nous allons le voir.

La Saboia carolingienne Après le début du vie siècle et pendant trois siècles, jusqu'au début du ixe siècle, on n'a plus aucun indice sur la Sapaudia, sur ce qu'elle est devenue. Mais à l'époque carolingienne apparaît, une seule fois, la forme contractée Saboia. Cette région est mentionnée à l'occasion du premier partage fixant des frontières allant de l'Ouest à l'Est dans la région des Alpes, lorsque Charlemagne divise son empire entre ses trois fils en 806. Charles reçoit la Francie, la Bourgogne septentrionale, l'Alémanie septentrionale, le Nordgau bavarois, la Thuringe et la Saxe, avec accès en Italie par le Val d'Aoste; Pépin l'Italie, la Bavière, l'Alémanie méridionale; Louis enfin l'Aquitaine, la Gascogne, la Provence, et, en Burgondie, les comtés de Nevers, d'Avallon, d'Auxois, de Chalon, de Mâcon, de Lyon, la Saboia, la Maurienne, la Tarentaise, avec le Mont-Cenis et le Val de Suse jusqu'aux cluses pour accéder en Italie1. Ce partage resta d'ailleurs à l'état de projet, à cause de la mort prématurée de Charles et de Pépin, et Louis recueillit toute la succession de Charle magne. Pour essayer de déterminer ce qu'était la Saboia de 806, il faut rapprocher les termes de ce partage du texte d'un autre accord qui a établi des frontières allant de l'Ouest à l'Est dans la région des Alpes : il faut comparer le partage de 806 à l'accord de 858. Mais quelle était la situation à cette date ? Elle avait été fixée par les deux partages intervenus en 843 et 855. Le traité de Verdun, en 843, avait divisé l'empire de Louis Ier en trois bandes allant du Nord au Sud : royaume de Charles à l'Ouest, royaume de Louis à l'Est, et, entre les deux, royaume de l'empereur Lothaire ier, qui recevait, outre l'Italie, la France orientale, la Burgondie orientale et la Provence. A la mort de Lothaire ier, en 855, 1. « (1) Aquitaniam totam et Wasconiam, excepto pago Turonico, et quicquid inde ad Occidentem atque Hispaniam respicit, et... cum ipso Nivernense, pagum Avalensem atque Alsensem, Cabilionensem, Matisconensem, Lugdunensem, Saboiam, Moriennam, Tarentasiam, montem Cinisium, vallem Segusianam usque ad clusas, et inde per ter- minos Italicorum montium usque ad mare... Ludovico dilecto fllio nostre consigna- vimus... (3) ... Ita ut Karolus et Hluduwicus viam habere possint in Italiam ad auxilium ferendum fratri suo, si ita nécessitas extiterit, Karolus per vallem Augustanam, quae ad regnum ejus pertinet, et Hluduvicus per vallem Segusianam, Pippinus vero et exitum et ingressum per Alpes Noricas atque Curiam... » Divisio imperii : Capitularia regum Francorum, éd. Boretius et Krause (Hanovre, 1883-1897), 2 vol. in-4°, dans Monumenta Germaniae historica. Cf. M. Chaume, Les origines du duché de Bou gogne (Dijon, 1925- 1937, 4 vol. in-8°), t. I, p. 137-138. LA SAPAUDIA 381 ses États avaient été subdivisés entre ses trois fils : Louis n avait reçu l'Italie avec le titre d'empereur et la province bourguignonne du Val d'Aoste ; Lothaire n avait reçu la Lotharingie, et en outre la Bourgogne jurane avec le cours du Rhône jusqu'au Lyonnais, le Valais et la Tarentaise, qui le reliaient au Val d'Aoste et à l'Italie ; Charles avait reçu le royaume de Provence et le duché de Lyon, qui comprenait le Viennois et la Maurienne, autre route vers l'Italie. C'est peu après cette répartition que se place l'accord de 858 : Lothaire n cède alors deux diocèses de ses États, ceux de Belley et de Tarentaise, à son frère Charles1. L'année suivante, en 859, il cédait à son autre frère, Louis n, les diocèses de Lausanne, Genève et Sion2. Les diocèses de Belley et Tarentaise, possessions les plus méridionales de Lothaire n, qui sont cédées par lui en 858, se trou vent entre les diocèses de Lyon à l'Ouest, de Genève au Nord, d'Aoste à l'Est, et de Maurienne au Sud-Est. Charles de Provence, qui acquiert ces diocèses de Belley et Tarentaise, les joint à ses pos sessions voisines les plus septentrionales : diocèses de Lyon et de Maurienne. Si on fait un rapprochement avec la liste des possessions les plus septentrionales de Louis en 806, à savoir comtés de Lyon, Saboia, Maurienne, Tarentaise, on constate que le diocèse de Belley de 858 correspond à la Saboia de 806. Nous avons donc encore une fois une indication qui conduit à identifier la Sapaudia avec l'extré mitéméridionale de la Séquanaise.

Conclusion. Origines militaires de la Sapaudia Le Bas-Empire a créé des divisions administratives nouvelles, dues essentiellement à des nécessités militaires et défensives. C'est ainsi qu'aurait été formée une hypothétique provincia Gallie ripa- rensis. De cette tardive et éphémère province nous n'avons qu'une seule mention et nous ne savons presque rien. Elle aurait constitué, le long du Jura et du Rhône inférieur, une défense avancée des passages alpestres et de l'Italie ; bien que située à l'intérieur de l'Empire, elle aurait été organisée comme une véritable province- frontière ; ses troupes, créées probablement par Dioclétien, auraient 1. « Lotharius rex cum fratre suo Karlo Provinciae rege amicitiam firmat, datis ei duobus episcopatibus ex regni sui portionibus, id est Bilisio et Tarentasia ». Annales Bertiniani, a. 858, éd. Waitz, dans Scriptores rerum Germanicarum in usum scholarum (Hanovre, 1883). Cf. Poupardin, Le royaume de Provence sous les Carolingiens (855- 933 ?) ; dans Bibliothèque de l'École des Hautes- Études, Sciences historiques et philo logiques, fasc. 131 (Paris, 1901, in-8°), p. 20. M. Chaume, Les origines du duché de Bourgogne, op. cit., t. I, p. 8. 2. « Lotharius fratri suo Ludoico Italorum régi quamdam regni sui portionem adtribuit, ea videlicet quae ultra Juram montem habebat, id est Genavam, Lausonnam et Sedunum civitates ». Annales Bertiniani a. 859, ibid., p. 53. Cf. Pourpardin, Le royaume de Bourgogne (888-1038). Étude sur les origines du royaume d'Arles, ibidem, fasc. 163 (Paris, 1907, in-8°), p. 8. 382 COMPTES RENDUS DE L* ACADÉMIE DES INSCRIPTIONS eu deux missions essentielles, suivant qu'elles avaient affaire à des forces romaines ou ennemies : ou bien faciliter la circulation, le pas sage de la vallée du Rhin à la vallée du Rhône et le franchissement de ce fleuve ; ou bien arrêter l'irruption des Barbares dans le secteur fortifié entre Rhône et Alpes1. Nous sommes un peu mieux rensei gnéssur une des parties de la Gallia riparensis : la Sapaudia. La Sapaudia, qui apparaît à la fin du ive siècle, à peu près à la même date que la Provincia Gallie riparensis, serait la partie, ou une partie, septentrionale de cette provinces militaire. Elle cor respondrait sur le plan civil des anciennes divisions administrat ives,à la partie, ou à une partie, méridionale, de la Maxima Sequa- norum. Elle se serait étendue sur la région entre Alpes et Jura : au Nord du Léman sur le large plateau des lacs suisses, au Sud-Ouest sur la vallée du Rhône jusqu'à l'Ain2. C'était un vaste chemin de rocade conduisant du Rhin au Rhône, recueillant les débouchés des cols des Alpes, Grand et Petit-Saint-Bernard, et des cols du Jura, vrai carrefour des routes d'Italie, de Gaule et de Germanie. Au milieu du ve siècle ce seraient également des raisons militaires, suivant un plan appliqué en bien d'autres endroits, qui auraient amené les empereurs à confier la Sapaudia aux Burgondes. On pourrait donc voir en la Sapaudia une sorte de tractus de routes3, comme il y en eut plusieurs en Gaule, constituant un secteur mili taire particulièrement important.

*** M. Georges Tessier souligne la nouveauté de la thèse développée par M. Duparc qui exclut de la Sapaudia le territoire de la. Savoie actuelle. Le caractère paradoxal de cette opinion s'atténue, si on 1. Sur la question délicate de la réorganisation militaire et les réformes de Dioclétien ou de Constantin, voir en particulier : Nesselhauf, Die spàtrômische Verwaîtung der gal- lisch-germanischen Lànder, dans Abhandlungen preussischen Akademie (Berlin, 1938), p. 56 ; W. Seston, Dioclétien et la tétrarchie, dans Bibliothèque des Écoles françaises d'Athènes et de Rome, fasc. 162 (Paris, 1946), t. I, p. 112-113, 325 ; D. Van Berchem, L'armée de Dioclétien et la réforme constantinienne, dans la Bibliothèque d'archéologie et d'histoire de l'Institut français d'Archéologie de Beyrouth, t. LVI (Paris, 1952). 2. Il peut paraître paradoxal de placer la Sapaudia hors de la Savoie actuelle. Mais les déplacements géographiques du sens des toponymes sont fréquents : dans une région voisine le Chablais a glissé de l'Est à l'Ouest (cf. P. Duparc, op. cit., p. 377) ; en Italie la Calabre, cas bien connu, est descendue vers le Sud. Entre la Sapaudia et la Savoie actuelle il subsiste d'ailleurs un point de coïncidence, un pivot : le Bugey savoyard ; et au milieu du xie siècle un des premiers membres de la famille dite de Savoie a pris le titre de comte de Belley (Previte Orton, The earlg history of the house of , Cambridge, 1912, p. 55 et 83-85). Nous croyons enfin, et nous avons l'intention de revenir ultérie urement sur ce point, qu'il y a solution de continuité entre la Sapaudia et la Savoie : le comté de Savoie serait la création d'une dynastie, aussi bien dans sa forme politique que dans son appellation ; la Sabaudia ne serait pas antérieure au xme siècle. 3. C'est l'opinion développée déjà avec maîtrise par C. Jullian, art. cit. Mais l'auteur excluait le Bugey de cette région. LA SAP AUDIA 383

AU V* 5|£CL£ en pointillé 384 COMPTES RENDUS DE L* ACADÉMIE DES INSCRIPTIONS admet avec M. Duparc que le mot Savoie a été ressuscité artificiell ementau Moyen Age, après être tombé en désuétude, et qu'on lui a donné alors un contenu différent de celui de la Sapaudia du ve siècle ou de la Saboia de 806. M. Albert Grenier accepte l'hypothèse émise ; elle lui semble séduisante. MM. Robert Fawtier, Henri Grégoire et Charles-Edmond Perrin présentent des observations.

LIVRES OFFERTS M. Alfred Merlin a la parole pour des hommages : « Au nom de la Mission archéologie française en Tunisie, j'ai l'honneur de déposer sur le bureau deux volumes de Karthago, les tomes VII et VIII, années 1956 et 1957. Le tome VII se compose de plusieurs mémoires, sous des signatures diverses : M. A. Lézine ouvre le volume par un article sur la maison des chapiteaux histo riésà Utique, où il attire l'attention sur des éléments d'architecture et des pro cédés de construction d'époque républicaine qu'on n'avait pas jusqu'ici signalés en Afrique du Nord. C'est aussi sur des questions d'architecture que porte le mémoire suivant, dans lequel M. Louis Poinssot et moi-même avons traité des éléments arch itecturaux trouvés en mer près de Mahdia, dont nous avons offert un tiré à part à l'Académie voici quelques semaines. M. A Lézine donne ensuite des précisions topographiques sur un épisode de la Guerre civile : il s'agit d'événements qui se sont déroulés alors aux abords d'Utique et d'une nouvelle identification des monuments et des lieux mentionnés à propos de l'expédition de Curion. M. P.-A. Février rend compte des fouilles effectuées à Utique en 1957, qui ont fourni des renseignements intéressants pour l'histoire de la cité et sur l'évolution de la céramique campanienne richement représentée dans les découvertes. M. L. Foucher étudie un Priape ithyphallique provenant d'Ain Djelloula, à une trentaine de kilomètres à l'Ouest de Kairouan. M. Jean Cintas s'occupe de l'alimentation en eau dans l'antiquité de Thys- drus, aujourd'hui El-Djem. Contrairement à l'opinion selon laquelle aucune canalisation n'amenait l'eau dans la ville, il a reconnu des vestiges des installa tionsqui la desservaient, mais il admet que les efforts des hydrauliciens se sont en définitive soldés sur ce point par un échec. M. Noël Duval a rédigé des notes d'épigraphie chrétienne africaine. Il com mente surtout une épitaphe trouvée à Sbritla et relative à un archidiacre de Carthage à l'époque byzantine, qui s'ajoute aux trois textes connus mentionnant des clercs régionaux de la capitale. M. Pierre Cintas termine le volume par une chronique où il rend compte de certains ouvrages, d'accès peu aisé, concernant les antiquités de l'Afrique. Le volume est édité avec beaucoup de soin, orné de nombreux dessins et de planches bien venues qui ajoutent encore à son intérêt.