Cahiers d’Asie centrale

9 | 2001 Études karakhanides

Vincent Fourniau (dir.)

Édition électronique URL : http://journals.openedition.org/asiecentrale/514 ISSN : 2075-5325

Éditeur Éditions De Boccard

Édition imprimée Date de publication : 1 juillet 2001 ISBN : 2-7449-0289-6 ISSN : 1270-9247

Référence électronique Vincent Fourniau (dir.), Cahiers d’Asie centrale, 9 | 2001, « Études karakhanides » [En ligne], mis en ligne le 13 janvier 2010, consulté le 10 mars 2020. URL : http://journals.openedition.org/asiecentrale/514

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La dynastie des Karakhanides (XIe-XIIIe siècles) est l’une des moins bien connues de l’histoire de l’Asie intérieure musulmane. Les Cahiers d’Asie centrale ont donc souhaité présenter un dossier sur ce groupe dynastique à la structure incomplètement comprise, évoluant à une période d’une rare complexité politique et culturelle. Dans cette situation, peut-on même parler de “période karakhanide” ou d’“Asie centrale karakhanide”, pour qualifier un ensemble de phénomènes historiques qui ne sont pas entièrement interdépendants ? Nous avons préféré constituer un dossier d’“études karakhanides”. Dans la géopolitique impériale de l’Asie centrale, les Karakhanides représentent une étape privilégiée de l’interaction entre la Transoxiane et la Steppe à une période de dislocation des structures étatiques qui reliaient la Transoxiane au Moyen-Orient, voire à la Méditerranée. À cette époque en effet, ce sont les Seldjoukides qui deviennent l’État turcique et musulman, originaire d’Asie centrale, dont le domaine se forme essentiellement au sud-ouest de cette dernière. Avec les Karakhanides, on constate un phénomène majeur, celui de la formation d’une aire politique propre, dans le cadre d’empires continentaux, d’une Asie centrale intérieure, qui se distingue nettement des aires politiques voisines, tout en nourrissant avec elles de très forts liens culturels : l’Iran et, dans une moindre mesure, la Chine. Après un article hors dossier sur les communautés luthériennes de l’Asie centrale et le renouveau identitaire des groupes concernés, malgré l’exode, ce volume comporte une riche section de notes et documents, décrivant les résultats récents des fouilles archéologiques françaises dans la région : on a demandé aux actuels responsables des programmes en cours de nous proposer un tour d’horizon de leurs activités, dont certaines concernent d’ailleurs des sites où l’on trouve la trace des Karakhanides. L’histoire des études karakhanides est aussi pleine d’enseignements sur le présent et la recherche dans ce domaine s’inscrit dans une vaste problématique. Avec ce nouveau numéro, les Cahiers d’Asie centrale ont l’ambition de continuer à apporter des éléments de documentation et de questionnement dans le champ si riche des recherches sur l’Asie centrale.

NOTE DE LA RÉDACTION

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SOMMAIRE

Avant-propos Vincent Fourniau

Tables de translittération

Dossier

Nouvelles pistes pour la recherche sur l’histoire de l’Asie centrale à l’époque karakhanide (Xe-début XIIIe siècle) Jürgen Paul

Les Samanides et les Karakhanides : une étape initiale de la géopolitique impériale Sergej Klâštornyj

Les frontières du royaume des Karakhanides Boris Kočnev

La chronologie et la généalogie des Karakhanides du point de vue de la numismatique Boris Kočnev

Qarakhanid Studies A View from the Qara Khitai Edge Michal Biran

À propos de deux capitales du kaghanat karakhanide Valentina Gorâčeva

A century of Chinese research on Islamic Central Asian history in retrospect Liu Yingsheng

Le rôle et la place des juristes hanafites dans la vie urbaine de Boukhara et de Samarcande entre le XIe et le début du XIIIe siècle Aširbek Muminov

La culture urbaine du du sud et du Semiretchie à l’époque des Karakhanides Karl Bajpakov

L’extraction des minerais et le mode de vie des mineurs au XIe siècle : l’exemple du Pamir Oriental M. A. Bubnova

Compléments pour une bibliographie karakhanide Ulugbek Mansurov

Hors dossier

Pour une histoire des mouvements chrétiens en Asie centrale : le cas de l’Église luthérienne Sébastien Peyrouse

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Notes et documents

Brève chronique des fouilles de la MAFOUZ (Mission Archéologique Franco-Ouzbèke) en 2000 Frantz Grenet et Muhammadğon Isamiddinov

L’action de la Mission Archéologique Franco-Ouzbèque de Bactriane Pierre Leriche et Šakir Pidaev

La Mission Archéologique Française en Asie centrale Henri-Paul Francfort

Kazakhstan – Habitat et modes de vie au Semirech’e dans l’Antiquité (Mission archéologique française en Asie centrale) Rémy Boucharlat

La Mission franco-kazakhe d’Akyrtash Karl Bajpakov et Alastair Northedge

La Mission Archéologique Franco-chinoise au (Chine) Corinne Debaine-Francfort

Brève notice sur la coopération archéologique franco-tadjike Roland Besenval

Un projet avorté de recherches archéologiques au Tadjikistan méridional Bertille Lyonnet

Activités archéologiques françaises au Turkménistan Olivier Lecomte

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Avant-propos

Vincent Fourniau

1 La dynastie des Karakhanides (XIe-XIIIe siècles) est l’une des moins bien connues de l’histoire de l’Asie intérieure musulmane. Les Cahiers d’Asie centrale ont donc souhaité présenter un dossier sur ce groupe dynastique à la structure incomplètement comprise, évoluant à une période d’une rare complexité politique et culturelle. Peut-on même parler de “période karakhanide” ou d’ “Asie centrale karakhanide”, pour qualifier un ensemble de phénomènes historiques qui ne sont pas entièrement interdépendants ? Nous avons préféré constituer un dossier d’ “études karakhanides”.

2 À la lecture des textes ci-après, il semble que peu de travaux occidentaux majeurs sur l’État karakhanide aient été publiés depuis plusieurs dizaines d’années, tandis que les historiens ou archéologues de l’ex-URSS continuaient à travailler activement dans ce domaine et que des spécialistes chinois s’y intéressaient de plus en plus. Tout récemment cependant, on observe un regain d’intérêt pour les Karakhanides parmi les jeunes chercheurs occidentaux. On a tenté de réunir ici les contributions permettant de brosser un tableau des connaissances actuelles, sur lesquelles J. Paul nous propose son analyse dans un article d’introduction à ce volume. 3 La somme de connaissances présentée ici devrait d’ailleurs permettre d’apporter des éléments de réponse, indiquant aussi que la recherche, même pointue, sur les Karakhanides, peut suggérer de nombreuses réflexions nouvelles sur l’histoire générale de l’Asie centrale. 4 L’évolution des études karakhanides est ainsi pleine d’enseignements sur le présent : les Karakhanides occupent peu de place dans la production à caractère historique des pays sur le territoire desquels leur empire s’est un jour étendu : le Kirghizstan, le Tadjikistan, le Kazakhstan du sud et l’Ouzbékistan. Depuis leur indépendance en 1991, ces pays ont-ils organisé des congrès internationaux pour célébrer la fondation de l’empire karakhanide, publié des ouvrages pour un public élargi, ou bien réalisé des films sur ce thème ? 5 Ce manque d’intérêt peut surprendre car le règne des Karakhanides constitue certainement une période charnière. Ils sont en effet la première dynastie turcique musulmane dans l’histoire de l’Asie centrale, à laquelle succéderont une vaste majorité

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de dynasties turk, ou turciques, musulmanes. Les Karakhanides sont en effet les vainqueurs et les successeurs des Samanides, dans lesquels le Tadjikistan reconnaît aujourd’hui un grand ancêtre, et c’est pourquoi des spécialistes tadjikistanais ont été contactés pour ce volume. 6 Plus important encore pour la géopolitique impériale de l’Asie centrale, les Karakhanides représentent une étape privilégiée de l’interaction entre la Transoxiane et la Steppe à une période de dislocation des structures étatiques qui reliaient la Transoxiane au Moyen-Orient, voire à la Méditerranée. À cette époque en effet, ce sont les Seldjoukides qui deviennent l’État turcique et musulman, originaire d’Asie centrale, dont le domaine se forme essentiellement au sud-ouest de cette dernière. Avec les Karakhanides, on constate un phénomène majeur, celui de la formation d’une aire politique propre, dans le cadre d’empires continentaux, d’une Asie centrale intérieure, qui se distingue nettement des aires politiques voisines, tout en nourrissant avec elles de très forts liens culturels : l’Iran et, dans une moindre mesure, la Chine. Des contributions ont donc été demandées à des auteurs qui utilisent à la fois les sources chinoises et musulmanes. 7 Ce faisant, c’est une période fondatrice pour des pans entiers des réalités contemporaines, la période karakhanide se distinguant notamment par les turcisations qu’elle engendre. À l’heure des redéfinitions actuelles, cela pourrait valoir aux Karakhanides un intérêt particulier qui, cependant, ne se dessine pas. Un autre État occupe peu de place dans l’actuelle évaluation du passé, c’est l’empire chaybanide (XVIe siècle), alors qu’il correspond, comme les Karakhanides, à une période fondatrice où les sociétés évoluent dans des empires continentaux. Or, dans l’interprétation de l’histoire dominant actuellement en Asie centrale, on donne la préférence aux liens avec les “grands foyers de la civilisation mondiale” et, dans l’Asie centrale méridionale, aux liens avec les “grands foyers” que sont le Proche-Orient et la Méditerranée orientale et qui s’illustrent par excellence à travers les figures d’Alexandre le Grand, des grands penseurs musulmans et de Tamerlan. 8 Deux autres périodes d’ordre continental, non plus à l’échelle régionale, mais mondiale, sont fortement minimisées dans l’élaboration actuelle de l’histoire, bien qu’elles aient une grande importance également, ce sont celles de l’empire mongol d’une part et des républiques soviétiques de l’autre. Concernant ces dernières, les raisons idéologiques d’un rejet plus ou moins explicite sont évidentes, et cet avant-propos n’est pas le lieu pour tresser plus avant les fils de parallèles ou d’explications possibles. On le voit, la recherche sur les Karakhanides s’inscrit dans une vaste problématique. 9 Nous avons souhaité accompagner ce dossier d’un complément bibliographique, puisque les principales publications nouvelles, concernant les Karakhanides depuis 20 ou 30 ans, sont en russe, dans une moindre mesure dans les langues de l’Asie centrale et en chinois. Pour ne pas inutilement répéter l’information bibliographique qui se trouve dans la Bibliography of Islamic éditée en trois volumes à Bloomington en 1995 sous la direction de Yuri Bregel, nous avons choisi le principe suivant : dans nos “Compléments pour une bibliographie karakhanide”, qui ont été patiemment rassemblés par Ulugh Beg Mansurov, ne figurent que des titres qui ne sont pas chez Y. Bregel. Nous les avons accompagnés d’une traduction française. À la fin des articles, nous avons conservé les bibliographies fournies par les auteurs, indépendamment du fait que les titres soient ou non mentionnés chez Bregel. Pour ces bibliographies d’articles, nous avons décidé de ne traduire que les titres qu’on ne retrouvera pas dans

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nos “Compléments”. Pour les autres, il convient de chercher leur traduction dans ces derniers. 10 L’article hors dossier sur les communautés luthériennes de l’Asie centrale donne un éclairage original sur un aspect vivant et d’actualité des pays de l’Asie centrale contemporaine, celui des églises chrétiennes et d’un renouveau identitaire des communautés concernées, malgré l’exode. 11 Ce volume comporte enfin une riche section de notes et documents décrivant l’activité et les découvertes récentes des fouilles archéologiques françaises dans la région. La coopération entre archéologues français et leurs collègues d’Asie centrale soviétique a été lancée dès 1979 par J.-C. Gardin notamment, et depuis un premier colloque à Douchanbe en 1982, elle a apporté des résultats remarquables : on a demandé aux actuels responsables des programmes commencés ou en cours de nous proposer un tour d’horizon de leurs activités, dont certaines concernent d’ailleurs des sites où l’on trouve la trace des Karakhanides. L’IFEAC est en contact étroit avec ces équipes archéologiques et les Cahiers semblaient le lieu indiqué pour ces mises au point. Que leurs auteurs soient ici remerciés. 12 Pour orthographier les termes et les noms d’Asie centrale, nous nous sommes résolus à utiliser deux systèmes, la translittération, mais aussi l’adaptation au français. Pour une série limitée de mots étrangers assez courants, nous avons adopté une orthographe francisée. Ainsi, on trouvera Samarcande, Boukhara, Avicenne. Par contre, les autres termes, généralement arabes, persans, de diverses langues turciques ou russes, ont été translittérés selon les normes utilisées dans les Cahiers d’Asie centrale. Cela concerne les articles que nous avons traduits. Pour les autres, l’orthographe proposée par les auteurs a été conservée. Pour les noms des auteurs des articles de ce volume, nous avons opté pour un double système, une version francisée pour la table des matières, plus facile à prononcer et une version de ces noms translittérés d’après les normes à la fin de chaque article, dans les articles mêmes, si ces auteurs y sont mentionnés et dans les bibliographies. Il va sans dire que tous les noms des bibliographies sont aux normes. 13 La francisation des noms propres a des inconvénients. Elle est inexacte et nécessairement incohérente. L’orthographe “karakhanide” par exemple est discutable à de nombreux égards, le suffixe permet pourtant aisément de le franciser, comme “anouchteginides” par exemple (nom d’une dynastie du Khorezm au XIIIe siècle). Ces inconvénients, dont nous sommes très conscients, sont cependant équilibrés par le confort de la lecture, pour des termes dont beaucoup se trouvent déjà dans les dictionnaires français. Enfin, plusieurs articles sont accompagnés de cartes. 14 Avec ce nouveau numéro, les Cahiers d’Asie centrale espèrent continuer à apporter des éléments de documentation et de questionnement dans le champ si riche des recherches sur l’Asie centrale.

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AUTEUR

VINCENT FOURNIAU

Directeur de l’Institut français d’études sur l’Asie centrale

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Tables de translittération

Table de translittération de l’alphabet arabe

• voyelles persane : a, â, e, i, o, u • voyelle arabes : a, â, à, i, î, u, û • ezâfa persan : -e / -i, -ye / -yi

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Table de translittération IFÉAC des alphabets cyrilliques utilisés en Asie centrale

alt. : altaïen az. : azéri bach. : bachkir kara. : karakalpak kar.-bal.: karatchaï-balkar kaz.: kazakh kir.: kirghiz koum.: koumyk nog.: nogaï ouz.: ouzbek tadj.: tadjik tat.: tatar touv.: touvin turkm.: turkmène

Table de translittération de l’alphabet russe

Lettres russes Translittération

а a

б b

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в v

г g

д d

е e

ё ë

ж ž

з z

и i

й j

к k

л l

м m

н n

о o

п p

р r

с s

т t

у u

ф f

х h

ц c

ч č

ш š

щ ŝ

ъ "

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ы y

ь '

э è

ю û

я â

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Dossier

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Nouvelles pistes pour la recherche sur l’histoire de l’Asie centrale à l’époque karakhanide (Xe-début XIIIe siècle)

Jürgen Paul

1 Les Karakhanides ? Pourquoi les Karakhanides ? C’est avec une certaine surprise que j’ai réagi à la proposition de Vincent Fourniau d’écrire une introduction à ce volume des Cahiers d’Asie centrale, consacré à l’histoire de cette première dynastie turk musulmane d’Asie centrale à avoir gardé son caractère tribal1. Les spécialistes comprendront très bien cette surprise ; car depuis longtemps déjà, l’unanimité (ou quasi-unanimité) s’est faite parmi les historiens de l’Asie centrale musulmane sur le fait que les sources ne suffisent pas à arriver à des résultats nouveaux, hormis toutefois quelques corrections mineures – une accession au trône avancée ou retardée d’un an ou deux, un souverain éphémère ajouté au tableau généalogique, une campagne indécise de plus – en somme rien qui vaille l’effort considérable d’essayer de réunir dans le numéro d’une revue des contributions de spécialistes de pays divers. Mais comme il ne faut jamais rien décider à l’avance, je promis au directeur de la revue de réfléchir à sa proposition. Et voilà, je fus surpris de nouveau car il suffit en effet de relire les chercheurs plus ou moins anciens pour arriver à la conclusion que l’histoire de l’Asie centrale sous les Karakhanides, c’est-à-dire du milieu du Xe siècle au milieu du XIIe, et si l’on veut jusqu’à l’invasion mongole du début du XIIIe, offre encore de grandes possibilités de recherche – au moins dans certains domaines, tandis que d’autres semblent vraiment être bien couverts. À cause justement de cette unanimité trop enracinée dans la pensée des chercheurs, il n’existe pas aujourd’hui d’étude de synthèse qui prenne en compte toutes les sources connues. Les dernières tentatives pour y parvenir au sein d’ouvrages d’envergure nettement plus vaste sont plutôt décevantes et ne correspondent pas, ne serait-ce que par leur faible volume, à ce dont on aurait besoin au vu de l’importance de l’époque2.

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2 Il y a plus de cent ans que Barthold écrivit son monumental Turkestan v èpohu mongol’skogo našestviâ, travail cité de nos jours encore comme donnant le récit le plus complet et le plus fiable des événements de l’histoire des Karakhanides3. Et il est vrai que Barthold connaissait déjà l’essentiel des sources écrites, tant narratives que documentaires (ou quasi-documentaires4) dont il a édité bon nombre dans le recueil de textes publié avec le Turkestan5. Les sources écrites (manuscrites6), découvertes depuis, sont peu nombreuses si nous nous limitons à celles provenant de l’historiographie musulmane. Les sources qui n’appartiennent pas à ce genre littéraire sont une autre affaire (voir plus bas, surtout pour les écrits juridiques, la contribution d’A. Muminov dans ce volume). Pour les sources non-musulmanes, chinoises en premier lieu, la situation est également très différente, et il suffit de renvoyer à la contribution de Michal Biran. 3 Barthold a pu consulter, déjà, les deux grandes œuvres littéraires produites par des Turks karakhanides, le Qutadghu Bilig de Yûsuf Khâṣṣ Ḥâjib et le Kitâb dîvân lughât at-turk de Mahmoud Kachgari, dans des éditions peut-être imparfaites, mais offrant quand même une impression assez fidèle du contenu, du style et de l’importance de ces deux monuments de la littérature turque karakhanide7. Mais il est évident que ces deux sources ne sont pas essentielles pour Barthold, surtout quand on compare le texte du grand savant russe aux études spécialisées de Genç, de Dankoff et de Grignaschi sur le Qutadghu Bilig et celles de Genç et de Dankoff et Kelly sur le Dîvân lughât at-turk 8. Ce “dictionnaire turk-arabe” a souvent été caractérisé comme un trésor d’informations sur l’ethnographie et l’histoire sociale de l’époque karakhanide, mais il a été jusqu’à maintenant surtout le domaine des linguistes ; quelques spécialistes seulement (comme ceux cités ici) se sont appliqués à rendre cette source plus utilisable. 4 De grands progrès ont pourtant été faits depuis Barthold dans les autres domaines qui peuvent contribuer à reconstruire l’histoire de l’Asie centrale sous les Karakhanides. La numismatique d’abord, le chemin parcouru peut être mesuré en étudiant les contributions de Boris D. Kočnev à ce volume. Dans une publication précédente, Kočnev a fait le point sur la question en résumant des décennies de recherches poursuivies patiemment avec d’autres chercheurs, E. A. Davidovič en premier lieu. M. M. Fedorov aussi a publié un grand nombre de trouvailles9. Ce travail a finalement permis d’établir une liste des souverains karakhanides, qu’il s’agisse de grands qaghans ou de souverains d’apanages, liste qu’on peut considérer comme à peu près définitive et qu’il était impossible de dresser au temps de Barthold10. Ce travail a conduit également à une révision sérieuse des théories en cours sur la structure intérieure de l’État karakhanide, proposées entre autres par Pritsak (voir plus bas). Les numismates ont également tenté d’aborder le problème de l’histoire économique de la région sur laquelle il y a très peu d’informations directes dans les sources historiographiques ; la recherche numismatique s’associe dans ce domaine à l’archéologie. Ensemble, l’archéologie et la numismatique offrent également la possibilité de délimiter les problèmes de géographie historique plus précisément que le permettraient les seules sources historiographiques (voir l’exemple donné dans ce volume par B. Kočnev11). Pour les efforts des savants chinois en numismatique (voir la contribution de M. Biran), il semblerait que les trésors découverts récemment au Xinjiang n’aient pas encore été pris en compte par Kočnev et ses collègues. 5 Un autre domaine où de grands progrès ont été faits au cours du siècle dernier est l’épigraphie. Les inscriptions du “mausolée d’Ouzgend” et d’autres ont été publiées par

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V. N. Nastič et V. D. Gorâčeva12 et revues par Nastič et B. D. Kočnev13. Lola Dodhudoeva a publié les documents épigraphiques de Samarcande jusqu’à la période mongole, la plupart datant de l’époque karakhanide14. Cela donne en somme un corpus de textes non négligeable dont il faudra tenir compte dans tout effort de synthèse. 6 L’archéologie est un troisième domaine qui a beaucoup progressé depuis le temps de Barthold, dans une mesure telle qu’il est impossible ici de résumer en quelques phrases tout ce qui a été fait. Les fouilles d’Afrasiab, de Bourana et d’Ak Bechim ne sont citées ici qu’à titre d’exemples15. Les archéologues ont réussi à identifier de nombreux sites dont Barthold ne savait pas encore où ils se trouvaient ; l’article de Gorâčeva dans ce volume l’illustre bien. L’archéologie minière est représentée ici par l’article de Bubnova. L’extraction des métaux précieux dans des conditions difficiles pose beaucoup de problèmes que les recherches centrées sur un site ou deux ne peuvent résoudre. L’archéologie minière peut également nous fournir des informations sur la “crise de l’argent” (serebrânnyj krizis) qui n’est peut-être pas aussi prononcée qu’il y paraît chez Bubnova16. 7 L’archéologie nous renseigne également sur la culture matérielle (objets manufacturés, architecture, culture funéraire, etc.) de la région, comme l’article de Bajpakov dans ce numéro le montre très bien. Les routes du commerce – qui en même temps sont des routes où circulent les idées, religieuses ou autres – nous sont connues par les sources écrites bien sûr (il y a une vaste littérature géographique et aussi des récits de voyages, tant du côté musulman que du côté chinois, Klâštornyj, dans sa contribution, cite quelques passages pris dans les “géographes arabes”, mais il faut ajouter qu’après l’an mil, cette source tarit du côté arabe), mais avant tout par les fouilles archéologiques et les découvertes qu’elles rendent possibles17. C’est à juste titre que Michal Biran insiste sur ce point dans son article : la route de la soie ne chômait certes pas au temps des Karakhanides. Klâštornyj donne un résumé vif de la situation telle qu’elle prévalait au Xe siècle, mettant en relief les échanges multiformes qui eurent lieu sur les routes caravanières au nord du . 8 La situation religieuse dans la région avant et pendant la montée des Karakhanides a été l’objet de beaucoup d’études tant philologiques qu’historiques et archéologiques. Les trouvailles de Tourfan (“Turfanfunde”, Xinjiang actuel) datent bien sûr du début du XXe siècle, mais elles sont néanmoins postérieures à la première publication du livre de Barthold, et le dépouillement de toutes ces richesses dure toujours18. La recherche des vestiges chrétiens, surtout syriaco-nestoriens, qui sont répandus dans les parties orientales de ce qui fut l’espace karakhanide a provoqué un intérêt tout particulier19. Mais même si la découverte spectaculaire d’une grande église à (près de l’actuel Ak Bechim, ancienne capitale des Turgech et d’autres États des Turks occidentaux, très proche de Quz Ordu, identifié comme la capitale des Karakhanides orientaux dans la contribution de V. D. Gorâčeva) nous force à repenser la question du poids spécifique des différentes religions sur place, l’importance du bouddhisme à côté des religions “natives20” semble rester acceptée par les spécialistes ; voir aussi l’article de Bajpakov dans ces pages. 9 Dans ce contexte, il convient de se rappeler que les changements, qu’ils soient religieux ou autres, surviennent plutôt lentement. C’est à juste titre que S. Klâštornyj souligne l’aspect de continuité, d’échanges séculaires entre Turks et Sogdiens et entre musulmans et non-musulmans. On a trop longtemps considéré l’arrivée des Turks – et par conséquent, des Karakhanides – comme non seulement un hiatus, mais comme une

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rupture pour ainsi dire totale dans l’histoire de l’Asie centrale, même si plus récemment, on a aussi insisté sur les éléments de continuité. 10 Le nom du seul chercheur ayant revu le champ travaillé par Barthold vient immédiatement à l’esprit de tous les spécialistes, celui d’O. Pritsak. Juste après la deuxième guerre mondiale, il a publié une série d’articles (basés sur une thèse restée inédite) ; cette série semble être le dernier grand effort pour systématiser les informations puisées dans les sources écrites, musulmanes surtout, mais avec référence à ce que Pelliot et d’autres avaient mis à la disposition des chercheurs, et en tenant compte des résultats de la recherche numismatique et archéologique21. Tout cela a conduit Pritsak à stipuler un système très élaboré de titres qui auraient été portés par les grands qaghans, les souverains participants (“Mit-Kaghan22”) et les seigneurs des apanages. S’il reste vrai que les régions sous domination karakhanide furent réparties entre un royaume de l’Est (le plus important dans la perception des Turks) et sa contrepartie (moins importante en théorie) de l’Ouest, le tout étant représenté dans la personne du Grand Qaghan, les deux parties se séparant définitivement vers le milieu du XIe siècle, et s’il est vrai que le système des apanages reste typique pour les États fondés par des Turks tribaux, aujourd’hui, il semble que la représentation de la hiérarchie des titres chez Pritsak est trop schématique. Dans sa contribution à ce volume, Kočnev en vient à conclure que les titres inscrits sur les monnaies ne reflètent pas une hiérarchie et que les titres principaux semblent être d’une égale valeur23. 11 La thèse de Pritsak a été maintes fois reprise, par Gronke par exemple, mais aussi par Soucek qui caractérise ce système comme “a kind of musical chairs succession24”. Il serait temps de la reprendre d’après les sources manuscrites à la lumière des résultats obtenus par la recherche numismatique. Il faudrait également tenir compte des sources chinoises et des études des collègues chinois. 12 La plupart des études historiques entreprises jusqu’à présent sur l’Asie centrale des Xe- XIIe siècles portent l’empreinte de l’approche de Barthold. Cela est vrai surtout pour la délimitation du champ de recherche. Barthold avait certes de vastes intérêts dans beaucoup de domaines, mais dans les passages consacrés à cette période, il se limite nettement à la reconstruction des événements et des successions dynastiques25. Et il faut dire que jusqu’à maintenant, les historiens modernes n’ont pas transposé à l’époque dite karakhanide les nouvelles directions de recherche qu’on poursuit depuis longtemps déjà dans d’autres domaines de l’histoire des mondes musulmans26. Les questions posées ici concernent toujours la dynastie et non pas la société dans son ensemble. Les résultats remarquables de la numismatique ont, par un retour singulier, contribué à faire durer cet état des choses, car les données des monnaies ont été utilisées en premier lieu pour corriger la liste des souverains et pour étudier la façon dont la famille régnante répartissait le pouvoir27. 13 En dehors de ces domaines de recherche déjà bien établis, plusieurs nouveaux départs sont à signaler, quelques-uns ayant trouvé une concrétisation dans ce volume. 14 D’abord, Aširbek Muminov nous rappelle que de nombreux fuqahâ’, avant tout de rite hanéfite, ont fait de l’Asie centrale, et plus particulièrement de certains centres de Transoxiane, la région où le système classique de leur école fut développé (il ne semble pas pour l’instant que les centres de la partie orientale des régions sous domination karakhanide, Kachgar par exemple, aient joué un rôle comparable à celui de Boukhara, de Samarcande ou même d’Ouzgend à cet égard28). Ce système rayonne par la suite sur tout le monde musulman, l’Empire Ottoman en premier lieu où le rite hanéfite était

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celui des souverains et faisaient donc figure d’école “officielle”. La littérature juridique n’a été que très faiblement étudiée jusqu’à présent, et jamais encore dans le contexte que Muminov explore : utiliser ces dizaines de milliers de pages pour l’histoire de la société centrasiatique. Muminov ne peut s’appuyer que sur un groupe très restreint de chercheurs, et il n’a pas de prédécesseur direct. Le livre de Y. Z. Kavakçı, comme Muminov le signale en passant, n’est somme toute qu’une liste des jurisconsultes transoxianiens et de leurs œuvres, ce qui est déjà beaucoup, un point de départ au moins29. Avant tout, il faut insister sur la quantité énorme de recueils de fatâvâ, opinions juridiques, dont Kavakçı signale une bonne trentaine. Dans une étude qui malheureusement n’a pas vraiment eu de suite, M. Khadr avait déjà montré que ces recueils présentent au moins un intérêt indubitable. Ils contiennent des documents, pas très nombreux certes, mais quand même précieux compte tenu de la pénurie de sources dont tout le monde se plaint30. Mais il ne faut pas trop insister sur ce matériel que les recueils de fatâvâ véhiculent. Un autre point est essentiel : des recherches entreprises pendant ces dernières années montrent que les fatâvâ n’étaient nullement de purs exercices intellectuels sans lien concret avec la réalité sociale mais, au contraire, qu’elles étaient une source importante, peut-être la plus importante, pour le développement du fiqh. De nombreux exemples pourraient être cités dans ce contexte, je me bornerai à nommer Baber Johansen, spécialiste du système juridique hanéfite31. Un autre exemple est donné par Michal Biran dans sa contribution ci-dessous32. 15 En lisant le livre de Kavakçı, une autre question se pose tout de suite. Si tant d’ouvrages du droit hanéfite classique se trouvent dans les fonds de manuscrits arabes d’Istanbul, qu’en est-il de Tachkent ? Il n’est pas exclu que plusieurs ou même beaucoup des traités que Kavakçı signale comme perdus soient retrouvés dans la bibliothèque de l’Institut d’Orientalisme de l’Académie des Sciences d’Ouzbékistan, et il serait souhaitable qu’une liste des ouvrages de fiqh hanéfite de cette époque, ou même mieux, un catalogue des manuscrits conservés à la dite bibliothèque, soit établi33. Cela serait un travail préparatoire d’une extrême valeur pour tout ce domaine de recherche qui pourrait bien s’avérer être un des plus fructueux. 16 Muminov nous rappelle aussi que les dictionnaires biographiques publiés ne sont pas les seuls existant, et qu’il est possible aujourd’hui, grâce surtout à la “Qandiyya arabe”, de cerner avec plus de précision, dans le temps et l’espace, la région et le moment considérés. Le dépouillement systématique de ce document précieux reste encore à faire, ainsi que celui de la grande oeuvre de Sam‘ânî, les Ansâb34. 17 En outre, les orientalistes ont trop longtemps négligé le fait, pourtant évident, que le centre du pouvoir karakhanide n’était pas, ou n’était pas seulement, la Transoxiane. Il est frappant que dans l’article récent de Davidovič, la partie orientale soit laissée dans l’ombre35. Pour la partie orientale, les sources musulmanes sont à peu près muettes (parce que leurs auteurs vivaient dans les régions voisines, dans le sud-ouest lointain vu de Balasaghoun, et ne s’intéressaient aux Karakhanides que dans le contexte de la politique extérieure des empires ghaznévide ou seljoukide), et peu de chercheurs sont qualifiés pour lire les textes chinois. Il est donc grand temps de corriger ce regard, disons boukharocentriste, par une lecture attentive des sources chinoises, lecture à laquelle Michal Biran nous invite. À cette invitation, il faut joindre celle de Liu Yinsheng qui nous offre quelques bribes de renseignements sur la recherche chinoise sur la région. Les deux articles ensemble nous mettent en garde contre le boukharocentrisme évoqué ici, ou plus généralement un certain islamocentrisme qui se

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fait sentir dans beaucoup d’études sur les Karakhanides. Ils font aussi surgir le souhait que les sources et les études chinoises soient mises à la disposition des chercheurs ne lisant pas cette langue. 18 L’orientation de la recherche sur l’histoire dynastique est aussi, au moins dans une certaine mesure, responsable du fait que les deux grandes œuvres littéraires citées plus haut, le Qutadghu Bilig et le Dîvân lughât at-turk, soient restées un peu marginales pour la recherche historique sur les Karakhanides. C’est vrai aussi pour les études spéciales qui leur sont consacrées. Cela vaut particulièrement pour les travaux écrits en turc, citons en exemple le livre de Reşat Genç, Le monde turk au XIe siècle d’après Mahmoud Kachgari. Ce livre offre un dépouillement systématique du “dictionnaire turk-arabe” du point de vue ethnographique, organisé selon les grands thèmes de la vie quotidienne, la famille, la tribu, la hiérarchie sociale, la vie religieuse, l’éducation et ainsi de suite jusqu’aux instruments de musique, aux vêtements, à la cuisine, et le livre finit sur la vie économique. Il s’agit bien d’une compilation et non pas d’une vue d’ensemble. Genç s’est proposé de retravailler la source de manière à la rendre accessible à ceux qui ne connaissent pas l’arabe. L’intégration de l’œuvre de Mahmoud Kachgari dans le discours historique reste donc toujours à faire36. 19 Je voudrais aborder, dans la seconde moitié de cette introduction, deux questions qui me semblent particulièrement urgentes : le problème de l’islamisation des Turks sous les Karakhanides et le problème de la langue, ou plutôt celui de la politique de la langue. 20 C’est un fait bien connu que le groupe familial qui, plus tard, devait devenir la dynastie karakhanide, se convertit à l’islam au milieu du Xe siècle de notre ère. On donne parfois une date plus précise, 960, pour l’islamisation d’une grande masse de Turks, suivant Ibn al-Aṯîr et Miskavayh37, et entre 921 et 94538, pour les proches de Satuq Bughrâ Khân39. Davidovič ne donne pas de date précise, elle se borne à déclarer que vers le milieu du Xe siècle, les Karakhanides eux-mêmes adoptèrent l’islam et commencèrent à se donner des titres (alqâb) musulmans40. La source la plus importante en la matière semble être Jamâl Qaršî. Le récit de cet auteur a été utilisé par Barthold41, il se trouve résumé assez fidèlement chez Pritsak42 et a aussi influencé Genç43. 21 Le récit de Jamâl Qaršî mérite de nous retenir ici un peu, et en voici d’abord la traduction à peu près intégrale44. 22 « Satuq Bughrâ Khân […] fut le premier des souverains (qaghan) turks de Kachgar et de Ferghana à se convertir à l’islam, c’était pendant que al-Muṭî’ lillâh était calife, pendant le règne de l’émir ‘Abd al-Malik b. Nûḥ, le Samanide45. L’imam très dévot […] Abû al- Futûḥ ‘Abd al-Ghâfir, fils du cheikh, du grand imam […] Abû ‘Abd Allâh al-Ḥusayn al- Faḍlî a cité (et nous avons déjà mentionné leur livre de târîkh 46 plus haut, chez les commentateurs du Coran) dans son Târîkh Kâšghar : Le premier pays des Turks à avoir adopté l’islam était Châch47. Les gens de cette province se convertirent du temps de Bilga Kul Qâdir Khân48 contre qui l’émir Nûḥ b. Manṣûr était parti en ghazva49 jusqu’à ce qu’il parvînt à Isfîjâb. Cette ville se soumit à lui et paya un tribut énorme50. Ensuite, il se retira. Ils échangèrent par la suite sans cesse des messages, jusqu’à la mort de Nûḥ b. Manṣûr. Quand Ismâ‘îl b. Manṣûr51 accéda au trône, il agit comme son frère : lui aussi envoyait constamment des messages. Le gouvernement des Turks échut alors à Oghulchaq Qâdir Khân […] qui ne voulut pas entendre ce que les messagers de l’islam avaient à dire jusqu’à ce que Naṣr b. Manṣûr prît la fuite de chez son frère [Ismâ‘îl], cherchant refuge à Kachgar. Oghulchaq l’accueillit en lui donnant les cadeaux qu’on

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offre au nouveau venu, et lui dit : “Tu arrives dans ta propre maison et tu descends chez ta famille. Moi, je te serai loyal quand ton frère te traitera durement”. Et il le nomma gouverneur de la province d’Artûj52. Et voilà que les caravanes venaient fréquemment à Artûj, de Boukhara et de Samarcande, et à peine avait-il (Naṣr b. Manṣûr) acheté des objets précieux, des meubles ou des vêtements de valeur incomparable, qu’il en envoya le premier choix à Qâdir Khân pour s’assurer ses bonnes dispositions. 23 Il [Abû al-Futûḥ ‘Abd al-Ghâfir, voir plus haut] continue : On m’a transmis, à propos de leur conversion à l’islam, qu’à cette époque, les infidèles53 chérissaient particulièrement54, parmi les étoffes et les robes, le brocart, et parmi les confiseries, le sucre, car ils ne connaissaient ni l’un ni l’autre et n’y avaient pas encore goûté. Il [Naṣr b. Manṣûr] fit si bien qu’il [Oghulchaq] fut convaincu de sa sincère amitié et s’appuya sur lui. Alors, Naṣr lui demanda de lui donner un terrain, grand comme la peau d’une vache, pour y construire une mosquée où il adorerait son seigneur. Il [Oghulchaq] répondit : “Prends cela, où tu veux!” Naṣr immola alors une vache et coupa sa peau en lanières, et de ces lanières, il entoura le terrain où se trouve la mosquée connue aujourd’hui sous le nom de “Mosquée d’Artûj”. Les infidèles s’étonnèrent de son habileté à formuler sa demande55. 24 Cet Oghulchaq était l’oncle paternel de Satuq, et quand Satuq eut complété ses douze ans révolus – et il était doué d’une beauté si exceptionnelle et d’un extérieur si pur, d’une intelligence naturelle et d’une clarté d’esprit si remarquables, d’un entendement si prompt et d’un jugement si raisonnable comme les princes turks n’en avaient pas montré trace auparavant – une caravane arriva un jour de Boukhara. Satuq partit à Artûj pour voir ce que les marchands amenaient et pour diviser ce qu’ils apportaient. Naṣr le Samanide lui donna des cadeaux pour l’accueillir. Quand vint l’heure de la prière du midi, les musulmans se levèrent pour la célébrer selon la prescription de la Loi. Satuq pourtant ne sentit pas encore l’appel au bonheur, mais regarda les gens faire par derrière. La prière terminée, il demanda au Samanide ce qu’ils avaient fait. Celui-ci lui répondit : “C’est un devoir pour nous de prier tous les jours et toutes les nuits cinq fois à des heures déterminées”. Satuq demanda : “Et qui vous a imposé ce devoir ?” Le Samanide commença alors à lui décrire le Créateur – Sa majesté est grande et Sa perfection sans borne – de par Ses beaux noms et Ses qualités sublimes56, et il écouta les prescriptions de la Loi énoncée par la bouche de Muḥammad – la paix soit sur lui – et parla aussi des qualités louables et des traits préférables de la communauté. 25 Vers : Il m’a fait sentir le vent de sa communauté avant que j’ai connu les désirs charnels et mon cœur a trouvé le repos et la quiétude. 26 Alors, Satuq dit : “Qui a plus de droits d’être adoré que ce Dieu, qui est plus sincère que ce prophète et qui a plus de droits d’être suivi, qu’est-ce qui est plus beau que cette religion et laquelle est plus digne d’être vécue ?” Et il déclara publiquement sa conversion à Dieu, qu’il soit loué, et à Muḥammad, la paix soit sur lui, et il accepta la Loi et ordonna à sa suite57 et à son entourage d’accepter aussitôt la foi et l’islam. Ils crurent tous et se convertirent à l’islam. Alors, le Samanide lui fit cacher cette histoire à son oncle Oghulchaq. Satuq apprit donc le Coran en cachette, de même qu’il prit connaissance des conditions de la foi et de l’islam et apprit ses règles. Il invita par la suite un groupe de sa famille à se convertir à l’islam en secret, et cinquante personnes le suivirent. Ceux-ci se soumirent à lui et en firent leur chef. 27 [Après un temps,] Oghulchaq sentit que Satuq était devenu musulman, et il détacha les espions les plus capables et les plus rusés pour le suivre au cas où ils le verraient un

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jour faire les ablutions rituelles ou prier. Ils l’informèrent de l’état des choses. Oghulchaq en parla à la khatoun son épouse qui, elle, inclinait du côté de Satuq. Elle envoya un messager chez lui en secret pour l’avertir et dit : “Ce samedi, ton oncle veut réparer le temple des idoles. Lui-même et ses intimes se chargeront du travail, et ce sera pour te mettre à l’épreuve. Lu dois donc faire un effort supplémentaire dans ce travail.” 28 Le jour venu, tous les participants portaient une brique en pisé, mais Satuq en portait deux à chaque tour. Ce faisant, il priait Dieu le Très-Haut et dit : “Mon Dieu, si Tu m’aides à remporter la victoire sur mes ennemis qui sont aussi ceux de Ta religion, si Tu fais triompher l’islam par ma personne et si Tu poses la parole du pouvoir dans mes mains, certes je ferai de cet endroit une mosquée pour y réunir Tes fidèles pour qu’ils T’obéissent, et j’y construirai une niche [miḥrâb] pour Tes fidèles, et j’y érigerai une chaire [minbar] pour Tes louanges. Après, j’appellerai à la prière, je me mettrai à la prière et je ferai moi-même office d’imam. [Je ferai tout cela] pour chercher Ta proximité et Ton accord”. Et c’est cela la mosquée d’Artûj. Et comme il montrait tellement d’ardeur et d’application à la tâche, la khatoun en tira un argument vis-à-vis de son époux et elle fit remarquer le grand effort de Satuq dans la construction [ordonnée par Oghulchaq]. L’oncle de Satuq était de nouveau content de lui et dit : “Qu’il s’éloigne de notre religion et fasse ce qu’il a fait ou qu’il traite mal mes enfants après ma mort, je ne le lui permets pas”. 29 Satuq, sur ces entrefaites, apprit le Coran par cœur et s’appliqua à comprendre ce que les versets signifient, et il en arriva à ses vingt-cinq ans. Alors, il convoqua cinquante personnes comme s’il partait à la chasse, mais il se dirigea vers une forteresse, c’était – Îghâj-Bâlîq58. Il s’y fortifia et y resta trois mois. Son oncle apprit tout cela et ne vit d’autre issue que d’abandonner la résistance à cause des dangers. Quand Satuq partit à la rencontre de son oncle, il y avait autour de lui 300 chevaliers de Kachgar, et des ghuzât (guerriers de la guerre sainte) arrivèrent du Ferghana, ce qui compléta le millier, et le premier lieu qu’ils prirent, c’était ât-Bâshî, et leur nombre atteignit 3 000 chevaliers. Alors, ils attaquèrent Kachgar qu’ils conquirent pour l’islam, et le parti des idolâtres s’affaiblit, et la parole de Dieu eut la victoire. […] Satuq Khân, le ghâzî, mourut en 344, son mausolée se trouve à Artûj, un village près de Kachgar, et il est en bon état aujourd’hui et un centre de pèlerinage. » 30 Je ne peux pas ici me livrer à une analyse de ce récit, d’autant plus qu’elle ne peut se faire sur ce simple extrait. Car il ne s’agit en réalité que d’une petite vague dans tout un courant narratif qui comprend, outre le texte traduit ici, plusieurs autres versions, connues sous le titre de “Tadhkira-i Bughrâ Khân59” et d’autres textes encore, par exemple, l’histoire sacrale locale de la ville de Sayram60 et la version de l’auteur ottoman Müneccimbaşı qui pourrait remonter à l’époque prémongole 61, et ce n’est probablement pas tout. Il faudrait en outre, pour en venir à une évaluation plus ou moins exacte des récits traitant de l’islamisation des peuples turks d’Asie centrale, tenir compte de récits provenant d’autres régions turcophones. Or, la recherche dans ces domaines en est encore à ses débuts62. 31 Ce qu’il est possible de faire dans le cadre de cette introduction, c’est de constater que jusqu’à maintenant, les chercheurs se sont limités à appliquer le schéma “noyau historique étouffé de légendes”, et la question se réduit alors à savoir quel type de “noyau historique” et combien de “légendes” ce récit – ou n’importe quel récit construit de la même manière – peut bien contenir. Cela est dû au fait que l’intérêt des

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chercheurs était surtout centré sur la question : “comment cela s’est-il passé?” Jamais encore ce récit – comme beaucoup d’autres racontant l’islamisation d’une région ou d’un groupe – n’a fait l’objet de la question : “comment les gens se sont-ils souvenu de ce grand événement ? Comment cela est-il raconté63 ?” 32 Il est évident en effet, et du premier coup d’œil, qu’il s’agit d’un récit, et même si l’œuvre où il se trouve se veut historique, d’un récit légendaire. Mais cela ne nous force aucunement à ne pas le prendre au sérieux. Car on distingue très nettement les vecteurs culturels qui aident à l’islamisation de la région de Kachgar : le commerce d’abord, la supériorité culturelle (supposée) du Mavarannahr sur le Turkestan oriental et l’intensité des contacts et échanges entre les deux régions (échanges surtout au profit du Mavarannahr), les guerriers de la guerre sainte (qui proviennent du Ferghana, ce qui n’est sans doute pas un hasard). Il est plus compliqué de comprendre le rôle du prince samanide fugitif, et c’est là qu’une étude de l’ensemble des textes est indispensable. Le personnage de Satuq Bughrâ, par contre, est investi de traits caractéristiques sur au moins deux plans. Celui du souverain (turk) modèle, capable physiquement et intellectuellement, supérieur à cet égard à ses prédécesseurs. En ce sens, il est même plus “turk” que son adversaire qui représente les souverains préislamiques, et la rupture que l’islamisation devrait représenter n’est donc pas totale. Celui du musulman dévot ensuite : il apprend tout ce qu’il faut pour être un musulman cultivé. Une analyse de tout le courant narratif devrait nous aider à comprendre si l’épisode de la réparation du temple des idoles est typique pour la situation où le récit fut écrit sous la forme que nous avons – la domination mongole conduisait beaucoup de musulmans à la collaboration, même à des efforts supplémentaires. Arrêtons-nous ici, le but étant de poser des questions, les éléments donnés ne peuvent servir qu’à illustrer la nature de celles-ci64. 33 Le deuxième problème que je voudrais évoquer très brièvement est celui de la langue. Le principe sera le même. Il faudrait prendre en compte l’intentionnalité des sources au sérieux. Jamâl Qaršî ne veut pas seulement conter les faits, il veut leur donner une signification. Mahmoud Kachgari ne veut pas seulement compiler un dictionnaire des dialectes turks destiné à un public arabophone, il ne le fait pas sans intention. Et cette intention, il l’a publiée dans l’introduction à son ouvrage. 34 « The slave [l’esclave de Dieu] Maḥmûd ibn al-Ḥusayn ibn Muḥammad, states: When I saw that God Most High had caused the Sun of Fortune to rise in the Zodiac of the Turks, and set their Kingdom among the Spheres of Heaven; that he called them ‘Türk’ and gave them rule; making them Kings of the Age, and placing in their hands the reins of temporal authority; appointing them over all mankind, and directing them to righteousness; that He strengthened those who are affiliated to them, and those who endeavor on their behalf; so that they attain from them the utmost of their desire, and are delivered from the ignominy of the slavish rabble, – [then I saw that] every man of reason must attach himself to them, or else expose himself to their falling arrows. And there is no better way to approach them than by speaking their own tongue, thereby inclining their ear, and bending their heart. And when one of their foes comes over to their side, they keep him secure for fear of them; then others may take refuge with him, and all fear of harm be gone!… I heard from one of the trustworthy informants among the Imams of , and from another Imam of the people of Nishapur; both of them reported the following tradition (ḥadîṯ), and both had a chain of transmission going back to the Messenger of God, may God bless him and grant him peace. When he

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was speaking about the signs of the Hour and the trials of the end of Time, and he mentioned the emergence of the Oghuz Turks, he said: ‘Learn the tongue of the Turks, for their reign will be long!’ Now if this ḥadîṯ is sound – and the burden of proof is on those two [transmitters] – then learning [this language] is a religious duty; and if it [i. e. the ḥadîṯ] is not sound, still wisdom demands it65. » 35 L’auteur s’efforce de rattacher les Turks au monde musulman, non pas à sa périphérie, mais à son centre. Le siècle des Turks est arrivé, il faut apprendre leur langue – qui désormais est une langue musulmane. Le turk “khâqânî” doit être un support de la culture musulmane, pareil à l’arabe. Puisque les Turks sont maintenant les seigneurs du monde musulman (le Dîvân a été écrit vers 1070, pas très longtemps après la conquête de Bagdad par les Seldjoukides en 1055 et fort probablement dans cette ville), ils sont politiquement supérieurs aux autres “nations” musulmanes. L’affirmation de l’identité linguistique n’est donc nullement une déviation de la bonne voie musulmane, au contraire, Mahmoud vise à combiner les deux éléments. 36 Le désir de combiner la langue turk et l’islam, en fait de faire de la langue un instrument de l’islamisation, est visible également dans les autres œuvres littéraires, surtout en langue turk, qui nous sont parvenues de cette époque. Bert Fragner, à la suite de ses recherches sur la “persophonie” – un ensemble culturel dont les limites géographiques ne sont pas stables temporellement – est arrivé à l’hypothèse d’une “turcophonie” modelée sur l’exemple persan66. Dans la région du Turkestan oriental, il semble donc qu’un système bilingue arabe-turk se soit établi, avec une transition vers l’écriture arabe pour le turk, même si l’écriture ouighoure subsistait. Les détails de ce système sont encore à élucider. Ce qui est frappant par contre, c’est la quasi-absence d’écrits en persan non seulement pour le Turkestan oriental (où les personnes dont le persan était la langue maternelle étaient peu nombreuses par rapport au Mavarannahr), mais dans toute la région se trouvant alors sous la domination des Karakhanides. Il semble bien qu’après la chute de la dynastie samanide, d’autres centres littéraires et culturels dans l’aire iranienne aient pris de l’éclat au détriment de Boukhara et de Samarcande67, tandis que sous les Karakhanides, on goûtait plutôt les écrits scientifiques en arabe (il n’y a pas de littérature savante en turk à cette époque), l’arabe et les traductions pour la religion (on connaît cependant des traductions du Coran en turk et aussi des œuvres de tafsîr), et le turk (au moins en partie) pour la littérature de cour. Ce n’est pas un hasard, comme B. Fragner le souligne fort justement, que la grande oeuvre écrite en turk “karakhanide” soit un miroir pour les princes, utilisant des modèles persans. Il me semble que certains cercles cultivés (y compris des membres de la famille régnante) ont poursuivi le but d’établir, dans la région en question, le turk comme deuxième langue musulmane. Mais tout cela reste conjectural, et la question serait à reprendre ; le modèle de Fragner peut servir ici de point de départ. 37 Pour conclure, ce volume montre bien qu’il est possible d’ouvrir de nouvelles pistes de recherche sur l’histoire des Karakhanides. Il aura atteint son but s’il encourage les chercheurs à s’y aventurer.

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NOTES

1. C’est comme cela que les Karakhanides sont présentés un peu partout et surtout dans la littérature turque, bien que les Bulghars de la Volga aient été musulmans probablement avant les souverains karakhanides et bien que le caractère tribal ou non tribal des Bulghars n’ait pas encore fait l’objet d’une étude approfondie. – Merci à Frantz Grenet (Paris), Aširbek Muminov (Tachkent/Bochum), Markus Mode (Halle) et Florian Schwarz (Bochum) de m’avoir prêté leur aide sous beaucoup de formes. 2. Davidovich E. A., “The Karakhanids”, p. 119. – Parmi les ouvrages de synthèse sur l’histoire de l’Asie centrale, il convient aussi de citer Soucek, Svat, A History of Inner Asia. Le chapitre sur les

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Karakhanides, pp. 84-92 est en partie consacré à une présentation d’Avicenne et de Firdavsî, ainsi que du Qutadghu Bilig et du Dîvân lughât at-turk. Un ouvrage de synthèse centré sur l’histoire des peuples turciques dans leur ensemble : Golden, Peter B., An introduction to the history of the Turkic peoples, très nettement supérieur à tous ses prédécesseurs en ce qui concerne l’histoire des peuples turcs avant l’islam, et par conséquent, pour la préhistoire des Karakhanides, mais malheureusement très succinct sur les Karakhanides eux-mêmes, sur lesquels le livre n’offre que quelques pages isolées, “The Early Qaraxanids” pp. 214-16, “Qaraxanids, and the Rise of the Seljuks”, pp. 216-19. Le même auteur a traité de l’époque en question plus en détail dans “The Karakhanids and early Islam”, mais là encore, le volume accordé à la période en question ne correspond guère à son importance. Avec ces publications récentes, il convient de nommer encore deux ouvrages qui ont paru tous les deux à Frunze (Bishkek) en 1983 : O. Karaev, Istoriâ karahanidskogo kaganata, et l’ouvrage collectif (édité par E. A. Davidovič), Kirgiziâ pri Karahanidah. Le premier livre, tiré à 600 exemplaires seulement, donne d’abord le relevé de toutes les sources narratives musulmanes. Cette énumération est introduite par la phrase (par trop catégorique) : “L’étude de l’histoire du kaganat karahanide se base exclusivement (hormis les monuments de la culture matérielle), sur les sources numismatiques et les sources écrites en arabe et persan” (31, ma traduction J.P.). Les sources chinoises sont ici consciemment ignorées, et les sources en langue turque – qui sont prises en compte par la suite – ne sont pas mentionnées. À part cela, Karaev donne le récit le plus circonstancié existant aujourd’hui de l’histoire karakhanide. L’ouvrage collectif, imprimé lui aussi à un tirage très faible (750 copies), s’efforce à faire un peu plus la lumière sur les régions orientales dominées par les Karakhanides qui, comme Michal Biran le rappelle dans sa contribution à ce volume, sont souvent négligées. 3. Bartol’d V. V. : Turkestan v èpohu mongol’skogo našestviâ. Les auteurs se référant à Barthold oublient régulièrement les résultats plus récents obtenus par les collègues soviétiques (voir la note précédente). 4. Comme très peu de documents de l’époque subsistent en tradition directe (comme “originaux”), on a recours à des documents qui nous sont parvenus en tradition littéraire (inshâ’, insertion dans des traités juridiques). Les “vrais” documents ont encore récemment été réédités par Monika Gronke, dans “The Arabic Yarkend documents”. Il s’agit de 5 actes de vente écrits selon le formulaire usuel en droit hanéfite. À ce corpus de textes, il faut ajouter encore trois autres documents, eux aussi écrits en arabe, publiés par Cl. Huart, “Trois actes notariés de Yârkand”, et encore trois autres, écrits en turk en caractères ouighours, publiés par Marcel Erdal : “The Turkish Yârkand documents”. Il y avait au début, quand les documents furent trouvés en 1911, deux autres documents en arabe et en plus cinq documents en turk, écrits en caractères arabes ; les sept derniers semblent avoir disparu. Pour l’histoire de ces documents, voir la publication de Gronke, p. 454-5. 5. Turkestan v èpohu mongol’skogo našestviâ. Tom 1 : Teksty. Barthold n’a utilisé qu’un seul des actes notariés de Yârkand (le seul qui soit intéressant du point de vue de l’histoire dynastique), mais pour l’inshâ’, il a largement puisé dans le manuscrit qui maintenant porte le numéro C-816 dans la collection de St Péterbourg, chapitre “Inshâ’” dans la publication de Barthold, p. 23-47. Pour une description détaillée du manuscrit, voir Köymen M. A, “Selçuklu Devri Kaynaklarına Dâır Araştırmalar I : Büyük Selçuklu Imparatorluğu âit Münşeat Mecmuları”. La seconde partie de ce manuscrit, négligée par Barthold et Köymen, contient des lettres des frères Juvaynî, voir Paul J., “Some Mongol inshâ’ collections : The Juvayni letters” – Outre le recueil prémongol dans le manuscrit C-816, Barthold a encore utilisé d’autres recueils qui aujourd’hui sont publiés. 6. Dans la liste de Karaev, il n’y pas de sources nouvelles. Mais les remarques de Barthold concernant la “Qandiyya arabe” par exemple, ont été corrigées par la découverte de deux fragments du dictionnaire biographique concernant la ville de Samarcande, voir Weinberger J., “The authorship of two twelfth century Transoxanian biographical dictionaries”, et Paul J., “The histories of Samarqand”. La vaste majorité des sources utilisées par Barthold est aujourd’hui

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disponible dans des éditions critiques ou au moins en imprimé. L’exception la plus importante est peut-être le travail historique de Jamâl al-Qarshî, “Mulḥaqât aṣ-Ṣurâh” (arabe, Teksty, 128-152). Deux manuscrits en sont connus, tous les deux découverts par Barthold, St Péterbourg, B-514 et C-286, mais le texte intégral n’a pas encore été édité. Voir aussi la traduction partielle (russe) dans : Materialy po istorii Srednej i Central’noj Azii X-XIX vv. Sur l’auteur, voir Bartol’d, “Mulḥaqât aṣ- Ṣurâh”. 7. Pour cette littérature, voir la contribution d’Ahmet Caferoğlu, “La littérature turque de l’époque des Karakhanides”. 8. Genç R., Karahanlı Devlet Teşkilatı, basé surtout et, pour les parties originales, presque exclusivement sur le Qutadghu Bilig. Grignaschi M., “La monarchie karakhanide de Kachgar et les relations de dépendance personnelle dans le ‘Kutadghu Bilig’ de Yûsuf Khâṣṣ Ḥâjib” donne très exactement ce que le titre annonce. Dankoff R., Yûsuf Khâṣṣ Ḥâjib: Wisdom of Royal Glory (Kutadgu Bilig). A Turko-Islamic mirror for princes. Cette traduction est pour l’instant la plus accessible (il existe en outre des traductions en turc moderne) et en même temps, elle est très bien faite, l’introduction – assez détaillée – est très utile. Le même auteur a, avec J. Kelly, préparé une traduction (annotée et pourvue d’une introduction soignée) du Dîwânu lughât at-turk sous le titre “Compendium of the Turkic dialects”. L’étude de Genç sur cet ouvrage s’appelle : Kaşgarlı Mahmud’a Göre XI Yiizyılda Türk Dünyası, 1997. Il s’agit en fait d’une version très peu mise à jour d’une thèse soutenue déjà en 1976. Néanmoins, le travail de Genç est très utile, car il offre un dépouillement précieux pour les domaines ethnographique et historique du dictionnaire en question qui, lui, est d’utilisation plutôt difficile même pour des lecteurs familiers avec la langue dans lequel il a été écrit, l’arabe. Pour la littérature en russe, voir en outre le livre de Karaev. 9. Kočnev B. D., Svod, avec les références bibliographiques. 10. Davidovich E. A., The Karakhanids, p. 119-20. 11. Les résultats de Kočnev présentés ici s’ajoutent aux cartes publiées par Yuri Bregel. Ce dernier fait un saut du IXe au début du XIIIe siècle ; une carte montrant les régions dominées par les Karakhanides, disons au milieu du XIe siècle, manque. Voir Bregel, Historical Maps. 12. Par exemple : Gorâčeva V. D., Nastič V. N., “Èpigrafičeskie pamâtniki Uzgenda XII-XX vv.”, et V. N. Nastič, “Pogrebal’naâ èpigrafika arabskogo pis’ma kak istočnik”. 13. Nastič V. N., Kočnev B. D., “K attribucii mavzoleâ Šah-Fazil”, des mêmes, “K attribucii ûžnogo uzgendskogo mavzoleâ”. 14. Dodhudoeva L. H., Èpigrafičeskie pamâtniki Samarkanda XI-XIV vv. 15. Les résultats de la recherche archéologique sont résumés de façon convenable dans la contribution de Bajpakov à ce volume ; Bubnova et Gorâčeva traitent de problèmes plus spécialisés. Afrasiab a été fouillée ces dernières années par une équipe francoouzbèke ; les résultats attendent encore d’être publiés. Le centre d’intérêt à Afrasiab (comme sur beaucoup de sites archéologiques de la Transoxiane) semble pourtant être la période de transition (du VIe au IXe siècle grosso modo), donc bien avant la période karakhanide. 16. Il y a tout un débat sur la “crise de l’argent” (serebrânnyj krizis) ; il est impossible de le retracer ici. Le représentant le plus décidé parmi ceux qui ne pensent pas qu’il y ait eu une telle crise est peut-être Alfred Lieber (voir bibliographie). Merci à Florian Schwarz d’avoir pris la peine de résumer le débat pour moi. 17. Les publications sur la “Route de la Soie” sont aujourd’hui innombrables. Un résumé fondé sur des recherches archéologiques, mais en même temps accessible au lecteur non-spécialiste, est donné par Bajpakov, dans Srednevekovye goroda. 18. Le travail du International Project a donné une nouvelle vigueur à ces recherches. 19. Klein, Wassilios, Das nestorianische Christentum. Klein a, dans une conférence tenue à Halle en janvier 2001, précisé les données sur ce qu’il annonce comme la grande église nestorienne d’Aq Bešim (Suyab). De grands problèmes de datation subsistent pourtant. Merci à W. Klein pour les

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renseignements supplémentaires donnés au cours de cette conférence et ensuite. La situation religieuse dans la région est aussi décrite dans Bajpakov, Srednevekovye goroda. 20. Pour le terme “native religion” voir Devin DeWeese, Islamization and native religion in the Golden Horde. 21. Pritsak O., “Karachanidische Streitfragen, 1-4”; du même, “Von den Karluk zu den Karachaniden”; du même, “Die Karachaniden”, le dernier article avec une bibliographie détaillée ; c’est ce dernier article également qui a paru en turc dans Islam Ansiklopedisi. Le livre de Karaev pourrait être cité comme une autre tentative, plus récente, de synthèse. 22. Ce terme, de traduction malaisée, p. ex. Von den Karluk zu den Karachaniden, p. 287. 23. O. Karaev avait déjà proposé que même si l’opinion de Pritsak reste convaincante dans son ensemble, il faut néanmoins dire que “Pritsak n’a pas raison quand il dit que le principe hiérarchique était de rigueur”, Istoriâ, p. 93. 24. Soucek, A History of Inner Asia, p. 84. 25. Cela pourrait peut-être se dire également des recherches chinoises présentées dans ce volume par Liu Yinsheng. 26. La façon de nommer des époques d’après des dynasties est particulièrement néfaste dans l’histoire “médiévale” des pays musulmans. Les Karakhanides comme dynastie avaient-ils une telle influence sur la vie de la société centrasiatique qu’il soit acceptable de coller leur nom sur deux siècles d’une vaste partie de l’Asie centrale, nom qui d’ailleurs est une convention de la science européenne moderne ? 27. Un bel exemple de ce retour est l’article de Fedorov, “Očerk dinastijnoj istorii Vostočnyh Karahanidov”. Il reste à débattre si la proposition de Davidovič de relier le système des apanages karakhanides à l’institution de l’iqṭâ‘ mène dans la bonne direction (The Karakhanids, 136-140). L’espace nous manque pour ouvrir ce débat ici. Davidovič avait – à juste titre – émis des réserves à l’égard des apanages karakhanides en termes d’iqṭâ, déjà dans son introduction au volume Kirgiziâ pri Karahanidah, en soulignant – comme elle le fait dans son article récent – la nécessité d’étudier des sources locales. Mais ce qui est clair dès l’abord, c’est que le lien entre l’iqṭâ‘ et le système des apanages ramène l’orientation de la recherche sur des questions dynastiques. 28. Il serait intéressant d’analyser la “géographie savante” de la région à partir des sources prosopographiques et du matériel onomastique dans les manuscrits juridiques. 29. Kavakçı, Yusuf Ziya, XI. ve XII. Asırlarda Karahanlılar Devrinde Mâvara al-Nahr Islam Hukukçulari. Il faut dire que ce livre est tellement introuvable que tous les catalogues électroniques que j’ai consultés ne donnent, pour l’Europe entière, qu’un seul exemplaire (qui se trouve à Oxford). Merci à Aširbek Muminov de m’avoir envoyé une photocopie de son exemplaire personnel. 30. Khadr M. et Cahen Cl., “Deux actes de waqf d’un Qarakhanide d’Asie centrale”, avec les remarques de C. E. Bosworth dans la même revue. Khadr fournit également une liste des documents insérés dans les recueils qu’il a consultés ; ils concernent pour la plupart le VIIe siècle de l’hégire et sortent donc du cadre temporel karakhanide, p. 312-3. 31. Johansen B., The islamic law on land tax and rent. Malheureusement, Johansen ne se demande pas pourquoi c’est en Asie centrale – à l’époque karakhanide – qu’un changement assez profond s’est produit dans la manière de comprendre les contrats de métayage en droit hanéfite. Du même, Contingency in a sacred law. Legal and ethical norms in the Muslim Fiqh. Ce dernier ouvrage est en réalité un recueil d’articles publiés auparavant, muni d’un article introductif de caractère général : “The Muslim fiqh as sacred law”, pp. 1-76. La revue Islamic Law and Society, fondée en 1994, s’est fait le porte-parole de cette direction de recherche qui s’avère très fructueuse. 32. Voir la note 45 de l’article de M. Biran et le texte y afférant aussi bien que la suite. 33. Je me permets ici de signaler que de jeunes chercheurs ont commencé à s’intéresser à cet aspect de l’héritage culturel de l’Ouzbékistan. Comme premier exemple, citons la thèse de Muzaffar Kamilov : “Rol’ ‘Alâ’ ad-Dîna as-Samarqandî v razvitii fiqha v Mâvarâ an-nahre i

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značenie ego truda ‘Tuḥfat al-fuqahâ’”. Merci à Muzaffar Kamilov de m’avoir donné un exemplaire de son “avtoreferat”. 34. Sam‘ânî, al-Ansâb. Bien que cet auteur soit intéressant surtout pour l’oasis de , il paraît possible de retrouver à travers lui une certaine partie des ouvrages perdus, tel le dictionnaire biographique sur les savants de Boukhara établi par Ghunjâr. Barthold l’a utilisé dans une certaine mesure. 35. Elle semble beaucoup plus à l’aise en Transoxiane, du moins elle lui consacre la plus belle part de son texte. Mais c’est une observation qu’on peut aussi faire à propos de bien d’autres études encore : la recherche suit les sources de l’historiographie musulmane. 36. Genç, Kaşgarlı Mahmud’a Göre, il suffit d’étudier la bibliographie fort détaillée de ce travail pour conclure que ce ne sont pas les historiens jusqu’ici qui se sont intéressés à cette source. Karaev pourtant donne des détails intéressants sur l’épopée des premiers Karakhanides, qu’il tire dans une large mesure du dictionnaire de Kachgari, Istoriâ 103ff. 37. Golden P., Introduction, p. 215. Le texte, chez Ibn al-Aṯîr est lapidaire, on le trouve sous l’année 349 (qui correspond à 960, au moins pour sa plus grande partie) : « Dans cette année, environ deux cent mille tentes des Turks se convertirent » (va-fîhâ aslama min al-atrâk naḥva mi’atay alf kharkâh, al-Kâmil, Beyrouth 1979, tome VII, p. 532). C’est tout, on n’apprend ni de quels Turks il s’agit, ni de quelle région. La même phrase se trouve mot pour mot chez Miskavayh, Tajârib al- umam, texte arabe, p. 181. La mention d’un certain Kalamatî chez Sam‘ânî ne concerne peut-être pas les Turks karakhanides : « Il fut un de ceux qu’on mit à l’épreuve dans l’affaire d’Abû Aḥmad aẕ-Ẕuhlî. Il partit de Nichapour en 340, séjourna à Boukhara pendant quelques années et s’établit par la suite à Jûzjânân [entre l’Hindoukouch et l’Amou Darya, avec probablement une partie montagneuse vers le sud], où il se lia à des sultans. Il y mourut avant 350 » al-Ansâb, vol. 5, p. 89, (ma traduction, J.P.). La version donnée par Barthold : « Il se fixa chez al-khân khânân [sic, mais le problème de grammaire arabe a échappé ici à Barthold] et eut accès aux sultans à Awlil [Barthold pense que c’est une écriture corrompue de la capitale du kaghan turc] », (ma traduction, J.P., en suivant les propositions de Bartol’d, Turkestan, p. 316 ; Teksty, p. 65). Il est évident que quelque chose ne va pas dans le texte, il faudrait regarder les manuscrits. Ce n’est pas le lieu ici de revoir toutes les mentions de Turks islamisés dans les sources arabes. Une première liste de ces mentions est chez Golden, P., Karakhanids, pp. 354-356. 38. Genç, Karahanlı, p. 39-40 avec note 44, s’appuyant sur M. F. Grenard : “La légende de Satok Boghra Khan et l’histoire”. L’article de Grenard donne un résumé de la légende, l’auteur essaie par la suite d’en découvrir le “noyau historique”. 39. Pritsak, Karachaniden, p. 25, utilise les mêmes sources que Genç. 40. Davidovich, Karakhanids, p. 121, sans indiquer de source. La numismatique ne peut pas aider pour cette période ; les monnaies connues ne commencent que longtemps après l’islamisation de la dynastie. Voir la chronologie de Kočnev dans ce volume, et aussi la liste détaillée des monnaies karakhanides établie par le même auteur : Svod nadpisej na karahanidskih monetah. 41. Barthold cite en outre deux autres sources, Ibn al-Aṯîr et Miskavayh, Turkestan, 315 sq. Barthold remarque que le récit de Jamâl Qarshî fourmille d’anachronismes et que surtout les dates qu’il donne pour les Samanides ne sont pas fiables. C’est sans doute correct, mais dans notre contexte, il ne s’agit plus de dégager le “noyau historique” des légendes qui l’ont envahi. 42. Pritsak, Karachaniden, 24f. Pritsak semble le moins critique de ses sources. Il résume le processus de l’islamisation des Karakhanides comme suit : “Les rencontres avec les princes musulmans, voire avec les prédicateurs de l’islam non-officiel, l’islam soufique, eurent comme résultat qu’un neveu d’Oghulchaq, Satuq, s’est d’abord converti personnellement à l’islam et l’a ensuite introduit comme religion officielle dans la partie occidentale du royaume, après une lutte victorieuse contre son oncle”, (Ma traduction, J.P.). 43. Jamâl Qarshî, “Mulḥaqât aṣ-Ṣurâḥ”, in: Bartol’d, Teksty, pp. 130-2 ; MS St Pétersbourg C-286, 42b-43a. L’auteur écrivit ce livre d’histoire tout au début du XIVe siècle, à Kachgar. Voir Pritsak,

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Von den Karluk zu den Karachaniden, p. 282. Pour une présentation du texte et de son auteur, voir également Bartol’d, “Mulḥaqât aṣ-Ṣurâḥ”. 44. J’ai utilisé la version publiée par Barthold dans les Teksty et le manuscrit St Péterbourg, C-286. Les parenthèses carrées indiquent des omissions, surtout les généalogies, parfois longues, qu’on peut retrouver chez Pritsak. 45. al-Muṭî‘ : 944-974 ; ‘Abd al-Malik b. Nûḥ, 954-961. Le règne du dernier donne donc une période assez restreinte pour les événements contés. Satuq Bughrâ Khân à son tour serait décédé en 955. Mais comme les dates chez Qarshî ne sont pas fiables, il reste préférable de dater l’islamisation du Turkestan oriental vers le milieu du Xe siècle. 46. Plusieurs dictionnaires biographiques locaux s’appellent comme cela. Le Târîkh Kâshghar dont il semble être question ici pourrait très bien être un tel ouvrage. Voir Bartol’d, Turkestan, p. 315, et Devin DeWeese, “The Tadhkira-i Bughrâ-khân and the ‘Uvaysî’ Sufis of Central Asia”. Voir aussi Pritsak, Von den Karluk zu den Karachaniden, p. 282, avec un résumé du passage traduit ici et, dans les notes, aux pages 282 et 283, un débat sur la crédibilité de l’auteur du Târîkh Kâshghar. 47. La région de Tachkent. 48. En suivant Pritsak pour la forme de ce nom, Die Karachaniden, p. 24. 49. Un émir samanide de ce nom étant inconnu, Pritsak – suivant Barthold – suggère Nûḥ b. Asad dont on sait qu’il prit Isfîjâb au Karakhanide mentionné, Die Karachaniden, p. 24 ; Bartol’d, Turkestan, pp. 269-70. 50. Le terme arabe ṣûliḥa(t) (très fréquent dans les récits de conquête futûḥ) “elle se soumit” veut normalement dire que la ville, ou le groupe en question, accepte la domination du souverain musulman sans pour autant se convertir à l’islam. Que la domination des émirs samanides – donc la domination d’un État musulman – ait pu être acceptée dans les termes que l’islam prévoit à cet effet (le système de la ẕimma : garantie de la vie et des possessions des soumis ainsi que de leur liberté cultuelle contre payement), est suggéré aussi par un passage du Târîkh-i Bukhârâ, éd. Ridawi, p. 102, tr. Frye, p. 87 : L’émir de Taraz conquise bîrûn âmad va islâm âvard hâ bisyâr-i dihqânân. La formule islâm âvardan pourrait signifier “accepter la domination de l’islam” plutôt que la conversion personnelle. 51. Il s’agit d’Ismâ‘îl b. Aḥmad b. Asad (892-907), qui n’était pas le frère mais le petit neveu de Nûḥ b. Asad. 52. Au nord de Kachgar, c’est l’endroit où se trouve aujourd’hui le mausolée de Satuq Bughrâ Khân. Vocalisée de façon différente dans les sources et études que j’ai consultées, la forme donnée ici est celle de Jamâl Qarshî. 53. Au singulier dans tout le récit, mais il est évident que l’ensemble des infidèles, pas seulement Oghulchaq, est visé. 54. Lisant yastaẓrafu au lieu de yastaṭrafu, Bartol’d, Teksty, p. 131 ligne 6, MS C-286 43b, ligne 2 (le manuscrit omet le point diacritique qui fait la différence aussi dans le cas de ẓarâ’if, “objets de premier choix”, quelques lignes auparavant). 55. La “ruse de Didon” fait ici son apparition loin de la Méditerranée. Ce motif a été traité par Barthold dans un article spécial, “K skazke o hitrosti Didony”. 56. Les beaux noms de Dieu, au nombre de 99 la plupart du temps, jouent un rôle considérable dans les exercices pieux non seulement des soufis, mais de tous les musulmans dévots. Les qualités de Dieu (ṣifât) forment le sujet de beaucoup de spéculations théologiques, et les affirmer dans un certain sens est caractéristique de la théologie sunnite (voir article “ḥifa” de D. Gimaret in Encydopedia of Islam). Rien n’indique ici que la prédication, que la question de Satuq suscite, ait un caractère particulièrement soufi. 57. Le mot ghilmân, “pages”, est aussi employé pour une suite militaire (esclaves ou non). 58. La première consonne sans points chez Bartol’d, Teksty, p. 132, ligne 11 et dans le manuscrit C-286, p. 44b ligne 6.

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59. Voir la traduction partielle de Robert Berkeley Shaw, in: “A sketch of the Túrkílanguage as spoken in Eastern Turkestan”, vol. 1, Lahore 1875, pp. 3-31. Voir aussi Fr. Grenard : “La légende de Satok Boghra Khan et l’histoire”. Deux œuvres sont à discerner : une compilation hagiographique (qui fait souvent des centaines de feuillets), traduite – sur une base textuelle insuffisante et sans tenir compte de la situation textologique – par Julian Baldick sous le titre de “Imaginary Muslims. The Uwaysi Sufis of Central Asia” et une version centrée sur Satuq Bughrâ Khân, que Devin DeWeese appelle “ghazavât-nâma”. Cette dernière est évidemment la base de l’étude de Grenard. Mais somme toute, la version de Jamâl Qarshî peut être regardée comme un chaînon dans l’élaboration de la “légende”. Aujourd’hui, il est impossible de dire si c’est le chaînon le plus ancien que nous puissions saisir dans les sources écrites. Voir DeWeese, The Tadhkira-i Bughrâ-khân. 60. Analysé récemment par Devin DeWeese : “Sacred history for a Central Asian town”. 61. Voir, pour un résumé de cette version, Golden, Karakhanids, p. 357-8. 62. Voir les remarques de DeWeese dans Islamization, p. 19-22. Les remarques de Karaev sur les reflets de l’islamisation dans certaines versions du poème épique kirghiz, le Manas, donnent un exemple de ce qu’on peut trouver dans la littérature orale, Istoriâ, p. 98. 63. Les premiers efforts – très prometteurs – dans cette direction ont été entrepris par Devin DeWeese, mais pour une période plus basse. DeWeese résume l’état de la question : “In any case, most treatments of conversion to Islam, both in general and in Inner Asia in particular, have been concerned with “how it happened” and with imagining the conditions for and implications of extensive Islamization, as historical questions. Far fewer are studies that approach the question of Islamization from perspectives similar to that adopted for the present study: our theme is not “how it happened”, but “how it was understood to have happened” among the people most directly affected.” Islamization and native religion, p. 21-2. Les études que DeWeese cite dans ce contexte se réfèrent à l’Indonésie et à l’Afrique Noire. Pour les Karakhanides, il remarque que “its [the Qarakhanid dynasty] history remains obscure, as does the course of its Islamization”. op. cit., pp. 19-20. 64. Une étude de l’islamisation des Turks au Turkestan oriental pourrait encore s’appuyer sur les données prosopographiques et sur les quelques documents cités en note 4. Gronke a remarqué que le processus d’islamisation implique un passage du turk à l’arabe et de l’écriture ouighoure à l’écriture arabe, le deuxième passage (changement du système scripturaire) se faisant avant le premier, Yârkand documents, p. 457. Elle conclut de ses observations que le processus d’islamisation s’étendait sur plusieurs décennies, et il faut ajouter que les documents les plus anciens ne datent que de la fin du XIe siècle. Dans son analyse des noms propres, Gronke se borne à identifier des titres surtout militaires. Le grand nombre de ces titres laisse songeur. – Voir pour tout le complexe DeWeese, Islamization, p. 17. Il va de soi que l’étude d’un processus aussi compliqué que l’islamisation d’une grande région doit se prévaloir de toutes les sources accessibles : donc ajouter les données archéologiques (architecture, culture matérielle, surtout funéraire) et numismatiques. 65. R. Dankoff and J. Kelly, Compendium, vol. 1, pp. 70-71; also in S. Soucek, History of Inner Asia, 90. Maḥmûd al-Kâshgharî : Dîvân lughât at-turk., vol. 1, p. 2-3. 66. Bert G. Fragner, Die ‘Persophonie’. Regionalität, Identität und Sprachkontakt in der Geschichte Asiens, surtout p. 88-89. 67. Cette impression est confirmée quand on consulte E. G. Browne, A literary history of Persia. Vol. 2. Dans l’anthologie Lubâb al-albâb, de Muḥammad ‘Avfî, organisée par dynasties, il n’y a pas de chapitre sur les poètes “karakhanides”.

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INDEX

Mots-clés : historiographie, archéologie, Karakhanides Keywords : historiography, archaeology, Qarakhanids

AUTEUR

JÜRGEN PAUL

Université de Halle, Allemagne

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Les Samanides et les Karakhanides : une étape initiale de la géopolitique impériale

Sergej Klâštornyj Traduction : Alié Akimova

1 C’est dans une période troublée que le Khorassanien Abû Zayd al-Balkhî, sujet d’Ismâ‘îl Sâmânî et protégé du ministre samanide al-Jayhânî, rédigea son traité de géographie. L’ouvrage n’est conservé qu’à travers l’exposé qu’en donne son contemporain le géographe arabe al-Iṣṭakhrî, qui rapporte : « Toute la frontière du Mavarannahr est en proie aux hostilités : contre les Turks Oghouz, du Khorezm jusqu’aux environs d’Isfidjab, et contre les Turks Karlouks, d’Isfidjab aux confins du Ferghana ».

2 Il semblerait à première vue qu’une ligne de front continue a divisé l’Asie centrale en deux mondes hostiles, l’Iran et le Touran, condamnés à d’éternels oppositions et conflits tant ethniques et culturels que religieux, du moins à partir des IXe et Xe siècles. En effet, si l’islam était déjà bien établi à l’ouest du Syr Darya, dans les steppes à l’est du fleuve, on vénérait le dieu céleste Tangri et sa compagne, la déesse Umaï; et dans les villes et les localités du Semiretchie et du Ferghana, on officiait dans les églises chrétiennes et les couvents manichéens, et célébrait le culte dans les temples du feu et les monastères bouddhiques. 3 Pourtant, les écrits des autres géographes arabes et persans, basés sur les observations de voyageurs et de commerçants, voire d’espions ou d’ambassadeurs, offrent un tableau tout à fait différent. Dans les diverses localités du Mavarannahr, tant à l’ouest qu’à l’est du fleuve, Iraniens et Turks, musulmans et “infidèles” vivent ensemble en paix. Parmi les citadins et villageois du Semiretchie, les paysans sogdiens et leurs serviteurs sont majoritaires. Certains sont convertis à l’islam mais tous sont soumis à l’autorité du yabghu karlouk. Au Mavarannahr, la garde des Samanides est formée de soldats turks captifs (ghulâm), dont le commandement, lui aussi, est turk. De même, la frontière avec les Turks, à Isfidjab et Chach (localisés respectivement dans les environs de l’actuelle ville de Tchimkent au Kazakhstan et dans l’oasis de Tachkent), ainsi que celle avec les ghâzî iraniens, i.e. “combattants pour la foi”, était gardée et défendue, contre leurs

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compatriotes, par des milliers de soldats turks. Ibn-Ḥavqal, contemporain d’al-Iṣṭakhrî, décrit la ville frontière de Sutkent de la manière suivante : « (…) là sont regroupés des Turks appartenant à différentes tribus oghouz et karlouk, d’ores et déjà converties à l’islam. Selon leur usage, ils vivent dans des tentes et ne connaissent pas l’habitat construit ». Le même al-Iṣṭakhrî dit des Turks d’une autre bourgade frontalière, Biskent : « (…) ce sont des Oghouz, des Karlouks, et d’autres groupes tribaux, convertis à l’islam. (…) Tous sont des ghâzî ». Outre le titre honorifique de “ghâzi”, une autre appellation, celle de “Turkmènes”, désignait les Turks musulmans. Les plus grands savants centrasiatiques, comme le Khorezmien al-Birouni et le Mervien Ṭâhir Marvazî en témoignent. Mahmoud Kachgari, le philologue turk du XIe siècle, précise qu’on ne désigne comme « turkmènes » que les membres des deux tribus oghouz et karlouk. Il a écrit : « Les Karlouks sont une tribu turque nomade. Ils ne sont pas oghouz mais eux aussi sont turkmènes ». Et cette indication est indispensable pour comprendre les témoignages relatifs aux guerres menées par Ismâ‘îl Sâmânî contre les Turks. 4 Plusieurs siècles avant ces événements, les vallées du Tian Shan septentrional furent colonisées et urbanisées par des populations originaires de la Sogdiane et du Khorassan, du Ferghana et de Chach. La Route de la soie, reliant entre elles les civilisations de l’Extrême-Orient et de la Méditerranée, fut le moteur de ce mouvement de populations. Les caravanes commerciales drainaient des populations dépourvues de terre et d’aisance dans leur patrie d’origine. Ces gens ont construit des villes, labouré la terre, gardé et servi les caravanes et, plus important encore, se sont adaptés au monde environnant des nomades, avec lesquels ils ont créé un nouveau mode de relations et d’échanges. Vers le milieu du VIe siècle, des formes politiques de coexistence se sont mises en place entre les villes et les terres cultivées, d’une part, et les campements nomades et les territoires de pâture, de l’autre. Le Kaghanat turk, premier empire nomade d’Eurasie, dont le pouvoir était établi en Asie centrale et dont les frontières occidentales s’étendaient jusqu’à la Mer d’Azov et au Caucase, instaura ces nouvelles structures politiques. Cet empire intégrait tous les territoires qui reliaient alors la Chine à l’Iran et à Byzance. De la Sogdiane à la muraille de Chine, un monde pluri- ethnique et pluri-confessionnel se mit en place, rassemblant Turks et Iraniens au sein de formes de coexistence économique et de syncrétisme culturel solidement établies, dont la stabilité fut parfois menacée mais jamais détruite par le brigandage ni par les rivalités et hostilités locales. 5 Au début du VIIIe siècle, la situation changea. Dans le Mavarannahr, le pouvoir des Arabes se renforça et l’islamisation en cours devint irréversible à partir du milieu du siècle. Ceux qui refusèrent le nouveau pouvoir et la nouvelle foi traversèrent le Syr Darya, où ils furent confrontés à une autre menace, l’agressivité de la Chine des Tang. Entre 740 et 749, l’armée chinoise atteint le Syr Darya. Les souverains de Chach et de Taraz furent mis à mort, l’héritier des kaghans turks fut assassiné et sa capitale Souyab, détruite. Seuls les Karlouks résistèrent encore à l’armée Tang. 6 L’aide vint finalement de l’ouest. Le gouverneur arabe des provinces orientales, Abû Muslim, inquiet de la progression chinoise, envoya deux forts détachements dans le Semiretchie pour appuyer les Karlouks. Le destin du cœur de l’Eurasie se décida en 751 au cours d’une bataille qui dura cinq jours près du fleuve Talas, où les Arabes défirent les Chinois. Une fois les Arabes repartis vers le Khorassan, les Karlouks renforcèrent leur pouvoir entre le Syr Darya et l’Irtych Noir.

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7 En 840, le yabghu karlouk prit le titre de kaghan, dignité suprême dans la hiérarchie de la Grande steppe. La même année, Nûḥ ibn Asad Sâmânî, après la campagne victorieuse du Ferghana, s’empara d’Isfidjab. Il dut faire face aux deux États tribaux turks à la fois : au kaghanat karlouk dans le Semiretchie et à l’État des Oghouz du bas Syr Darya. Deux autres pouvoirs se formèrent alors dans leurs marges, celui des Kirghiz de l’Ienisseï et de l’Altaï et celui des Kimaks de la région de l’Irtych. 8 Les changements de configuration politique à l’est de l’Asie centrale créèrent une situation nouvelle pour l’État samanide. La menace militaire se faisait de plus en plus présente et dès lors, il n’était plus possible de se contenter d’une défense passive. C’est pourquoi, après s’être emparé d’Isfidjab, Nûḥ ibn Asad garda au pouvoir les représentants de l’ancienne dynastie des Qara-tigîn, devenus ses vassaux. De plus, il renonça aux revenus que lui procurait cette riche région. De fait, le gouverneur d’Isfidjab n’envoyait chaque année aux Samanides… que quatre monnaies de cuivre et un balai ! Ibn Ḥavqal décrit Isfidjab : « Cette région est vaste et fertile. De toutes les villes du Khorassan et du Mavarannahr, Isfidjab est la seule ville qui ne paie pas de kharâj ». Les représentants de la dynastie des Qara-tigîn, convertis à l’islam, occupèrent, plus d’une fois, de hauts postes à la cour des Samanides et le soutien d’un souverain fort et influent d’Isfidjab valait plus que de l’or. Cette ville occupait en effet une place clé, où se croisaient toutes les routes militaires et commerciales menant vers les pays de la Grande steppe : au nord vers les Oghouz, à l’est vers les Karlouks et au nord-est vers les Kirghiz et les Kimaks. 9 En 812, les villes d’Isfidjab et d’ attirèrent l’attention du futur khalife al-Ma’mûn, alors gouverneur du Khorassan. Il attribua à Sâmân un titre prestigieux et le persuada de se convertir à l’islam. Faḍl ibn Sahl, le général d’al-Ma’mûn, attaqua Isfidjab et l’oasis d’Otrar, envahit le territoire des Karlouks, tua le chef de la garde frontière et fit fuir le yabghu karlouk, qui se sauva chez les Kimaks. Le siège du yabghu se trouvait non loin d’Isfidjab, et al-Maqdisî écrit à son sujet : « Ordu est une petite ville où habite le souverain des Turkmènes. Il envoie constamment des présents au souverain d’Isfidjab ». Comme nous l’avons déjà souligné, le terme “Turkmènes” désigne les Karlouks, proches d’Isfidjab et convertis à l’islam. 10 Nûḥ ibn Asad apprécia correctement la situation et conclut une alliance avec un vassal puissant. L’oasis d’Otrar, sur le cours inférieur du Syr Darya – position qui permettait le contrôle de la frontière avec les Oghouz – ne futconquise qu’un quart de siècle plus tard par Naṣr ibn Aḥmad, neveu de Nûḥ et frère aîné d’Ismâ‘îl. 11 La ville de Taraz, capitale du Semiretchie occidental, offrait une autre position stratégique. Cette ville est mentionnée dans un manuscrit manichéen du IXe siècle comme « le pays doré d’Argu ». L’épanouissement de Taraz en tant que centre urbain est lié à la migration au VIe siècle de paysans (dihqan) boukhariotes. Jusqu’au XIe siècle, on y parlait encore le sogdien, conjointement avec le turk. Selon l’historien boukhariote Narshakhî, « l’émir et les dihqan » – c’est à dire la noblesse sogdienne – y régnaient. 12 Mais la ville obéissait aussi aux suzerains turks : au kaghan karlouk, prince de la tribu karlouk Tchigil, qui portait le titre somptueux de “lion tchigil, pilier du trône Alp Barguchan Tarkan-beg”. Taraz possédait la plus grande église chrétienne nestorienne et le plus grand monastère manichéen, que fréquentaient Iraniens, Sogdiens et Syriens.

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13 Le rôle stratégique et la richesse d’Isfidjab et de Taraz au IXe et Xe siècles, étaient dûs non seulement à leur position sur des grandes routes commerciales mais aussi à leur situation dominante sur le marché intérieur centrasiatique, dont le développement résulte d’un commerce intensif avec la Steppe. L’activité économique des nomades et leur prééminence militaire déterminait en grande partie la diversité et le volume des produits présents sur les marchés du Semiretchie. Les marchés de Taraz et d’autres villes étaient approvisionnés non seulement en chevaux, bétail, viande, laine et peaux, mais aussi en deux marchandises stratégiques et indispensables : l’argent et les esclaves. L’argent, grâce auquel on a frappé monnaie au Mavarannahr jusqu’au XIIe siècle, provenait entre autres des mines de Chaldji. Les captifs turks, avec lesquels les Samanides complétaient leur garde, étaient, eux, achetés très chers sur les marchés aux esclaves du Proche-Orient. Ces captifs turks constituaient la garde des Samanides. Les caravanes transportaient vers la Steppe du blé et des fruits secs mais surtout des tissus – de la simple cotonnade au brocart de Samarcande –, de la céramique de grande qualité et des produits manufacturés en métal. 14 Apparemment, les premières campagnes orientales des Samanides n’avaient pas d’autre objectif que de frapper l’ennemi par des attaques préventives et de constituer des lignes de défense. Pourtant, les guerres d’Ismâ‘îl Sâmânî sur le front oriental ne se limitèrent pas à cette seule stratégie. Ismâ‘îl Sâmânî mena en effet trois campagnes vers l’est dont nous allons analyser le déroulement et les conséquences. 15 Dans la littérature scientifique, on évoque seulement la prise de Taraz en 893. L’académicien V. V. Barthold constate1 que : « Ismâ‘îl a mené une campagne victorieuse contre Talas. Il a transformé la principale église de cette ville en mosquée ». A. Û. Âkubovskij soutient la même version, en ajoutant le fait suivant2 : « C’était la dernière grande campagne des Samanides contre la steppe nomade ». 16 Ces assertions ne font qu’effleurer le problème. En effet, nous sommes confrontés à toute une série de questions embarrassantes. Premièrement, on ne sait rien sur les diverses invasions des Turks dans le Mavarannahr au IXe siècle, bien que les sources témoignent de confrontations armées avec les Turks aux frontières d’Isfidjab, de Chach et du Ferghana. De même, il reste à élucider qui furent les initiateurs de ces hostilités, des ghâzî ou des pillards turks. Deuxièmement, une seule campagne – celle de 893 – est évoquée alors qu’en dix ans Ismâ‘îl en mena trois en territoire karlouk. Troisièmement, le refus d’Ismâ‘îl de rénover ou de construire des enceintes dans les oasis, immortalisé par le mot célèbre : « Je suis l’enceinte de Boukhara », montre qu’à cette époque, le Mavarannahr n’était pas sérieusement menacé par une invasion turcique. Tout cela nous oblige à considérer les objectifs des campagnes orientales d’Ismâ‘îl Sâmânî d’une façon tout à fait différente. 17 Notons qu’en 893, Ismâ‘îl était à la fois le souverain de Boukhara et le gouverneur d’une principauté du Mavarannahr ruinée par des guerres intestines, mais qu’il n’était pas encore devenu gouverneur du Khorassan. Ismâ‘îl effectua sa première campagne orientale à la veille de l’inévitable guerre contre le Khorassan. Le but de cette campagne était de s’approprier les trois mines d’argent permettant de payer l’armée et les fonctionnaires et d’accéder au plus grand marché aux esclaves turk-ghulâm, contingent principal de l’armée des Samanides. L’accès aux richesses des villes commerçantes du Khorassan permettait aussi de renflouer les finances du Mavarannahr, épuisé par les guerres intestines.

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18 La campagne de 893 fut d’abord dirigée contre le siège du khan karlouk à Ordu, c’est à dire contre l’armée mobile des Turks, et non contre Taraz. Le khan, son armée et ses dignitaires furent capturés au cours d’une attaque éclair. Juste après cette victoire et ce siège difficile (Narshakhî écrit en effet qu’Ismâ‘îl « eut beaucoup de difficultés »), Taraz et les bourgs environnants, en l’absence de soutien extérieur, capitulèrent. La plupart des enceintes furent détruites. Ismâ‘îl établit solidement et pour longtemps sa domination sur le pays conquis d’Argu. De toute évidence, tous les objectifs fixés furent atteints, les “infidèles” vaincus, leurs temples transformés en mosquées, leurs centres de commerce avec la steppe et les routes de transit contrôlés. Aux yeux du monde musulman, Ismâ‘îl devint le grand combattant pour la foi, celui qui propagea l’islam loin à l’est. En fait, cette campagne prépara politiquement et matériellement la guerre du Khorassan qui commença cinq ans plus tard. Pourtant, la victoire sur le khan karlouk n’était pas définitive. 19 Selon Ibn al-Faqîh, auteur en 903 du Kitâb al-buldân, Ismâ‘îl, devenu en 900 gouverneur du Khorassan, réunit vingt mille soldats et organisa une campagne victorieuse contre la Steppe. En 904, comme le rapporte Ibn al-Aṯîr, un général anonyme d’Ismâ‘îl conduisit une guerre épuisante et défit l’armée des Turks. Cette campagne fut la dernière guerre des Samanides contre les Turks jusqu’à la fin du Xe siècle. 20 Entre temps, comme le rappelle al-Mas‘ûdî, le khan karlouk s’est attribué le titre de Ṭabghâch-khân, littéralement “le khan de la Chine” (i.e. de Kachgarie). Quelques décennies plus tard, les Karlouks adoptèrent l’islam sous l’influence de la mission musulmane de Boukhara. Ainsi les Samanides, après avoir anéanti la puissance des Karlouks dans le Semiretchie occidental, déplacèrent le centre de gravité de ces derniers vers Kachgar et vers le lac Issyk-Koul. Les Karlouks, à la tête de l’union des tribus turciques qu’eux-mêmes islamisèrent, fondèrent la nouvelle dynastie de Ṭabghâch-khân. Ils se proclamèrent descendants de la “Maison d’Afrasiab” et du roi légendaire du Touran, et préparèrent ainsi la chute des Samanides vers la fin du millénaire.

NOTES

1. V. V. Barthold. Sočineniâ [Œuvres complètes], t. 1, p. 282. 2. A. Û. Âkubovskij, Istoriâ narodov Uzbekistana (Histoire des peuples de l’Ouzbékistan), t. 1, Tachkent, 1950, p. 222.

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INDEX

Mots-clés : géopolitique, Karakhanides, Samanides Keywords : geopolitics, Qarakhanids, Samanids

AUTEURS

SERGEJ KLŠTORNYJ

Académie des Sciences de Russie, St-Petersbourg, Russie

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Les frontières du royaume des Karakhanides

Boris Kočnev Traduction : Ulugbek Mansurov

1 À la suite d’O. Pritsak, il est traditionnellement convenu de considérer que la dynastie des Karakhanides est apparue en 840 et que pendant environ un siècle et demi leurs possessions se sont bornées au Tian Shan et aux régions voisines, c’est-à-dire, au Semiretchie et au Turkestan oriental. Mais quelles étaient les dimensions du royaume des Karakhanides d’alors, quelles régions en faisaient partie et quels furent les changements de ses frontières aux IXe et X e siècles ? On ne le sait pas. On sait par Mas‘ûdî et Narshakhî que, en 893, le Samanide Ismâ‘îl b. Aḥmad a conquit Taraz à la suite de sa victoire sur le roi des Karlouks. On estime que ce dernier était d’origine karakhanide1 mais bien que cela soit fort probable, le fait ne peut être entièrement prouvé. Même dans la deuxième moitié du Xe siècle, l’influence des Samanides s’étendait parfois plus loin à l’est. Ainsi le commandant samanide Fâ’ik a fait construire un rabât près de Mirka, à mi-chemin entre Taraz et Balasaghoun2.

2 Après avoir conquis le Mavarannahr au tournant des Xe et XIe siècles, les Karakhanides sont plus largement présents sur la scène historique. Ils apparaissent plus fréquemment qu’avant dans les sources écrites et frappent leur propre monnaie, ce qui fournit une source importante sur l’histoire de la dynastie. On peut donc, à partir de cette période, discuter de l’extension et des limites de l’empire karakhanide sur la base de faits fermement établis. Néanmoins, il est étrange que la question des frontières du royaume des Karakhanides n’ait pas été jusqu’à présent l’objet d’une étude spéciale. Même dans la monographie d’O. Karaev, consacrée à l’histoire du royaume des Karakhanides, l’auteur n’envisage que les frontières orientales. De plus, les idées de l’auteur sur les frontières méridionales sont si approximatives qu’il compte le minaret de Djarkourghan3 au nombre des monuments d’architecture karakhanide – oubliant l’existence d’une inscription portant le nom du Seldjoukide Sanjar sur ce monument. Et il est encore plus frappant que, sur “la carte du royaume des Karakhanides” de cette même monographie, les frontières ne soient pas indiquées. Certains ouvrages généraux et de référence indiquent ces frontières, cependant je ne connais aucune édition où

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elles sont toutes tracées correctement. Dans un de mes articles, j’ai publié la carte du royaume des Karakhanides4 où j’ai indiqué ses frontières approximatives, mais, en raison de la nature de l’article, aucune argumentation n’y était présentée. Je vais tâcher de combler ici cette lacune. 3 L’une des principales régions des Karakhanides était le Turkestan oriental, plus précisément la partie occidentale de celui-ci, avec Kachgar pour centre. Les Karakhanides y menaient déjà la guerre contre les infidèles à la fin du Xe siècle. En 388/988, le Karakhanide Arslân-khân ‘Alî b. Mûsâ a péri lors de la guerre pour la foi au nord-est de Yangi-Khissar. V. V. Barthold en a conclu que les terres des Karakhanides s’étendaient peu alors à l’est de Kachgar5. Qâdir-khân Yûsuf b. Hârûn/Ḥasan, qui est entré dans l’histoire et dans les légendes comme un combattant de la foi, a poussé les frontières karakhanides plus loin vers l’est. ‘Utbî et Ibn al-Aṯîr le mentionnent comme le souverain de Khotan en 397/10076. L’occupation de cette grande ville a probablement eu lieu à la limite des Xe et XIe siècles. Déjà en 406/1015-16, ou bien 407/1016-17, le même Qâdir-khân faisait frapper monnaie à Outch, l’Outch-Turfan actuel, ville du nord du Turkestan oriental7. Mahmoud Kachgari écrivait au début de la deuxième moitié du XIe siècle que les postes-frontières des Karakhanides au Turkestan oriental étaient Tchertchen (au sud), Koutcha et Boughour (au nord8). À première vue cette information est en contradiction avec les données des sources chinoises, selon lesquelles Koutcha reste un état indépendant jusqu’à la fin du XIe siècle (10969). Pour faire concorder ces témoignages, on peut dire que, tout en faisant partie du royaume des Karakhanides, Koutcha a gardé une autonomie considérable. 4 Plus loin vers le nord, selon Mahmoud Kachgari, la frontière entre les musulmans et les Ouïghours passait par la région du lac Youldouz10. Il désignait là bien évidemment l’endroit directement au nord de Boughour, au delà du col Kök-Teke, où se trouvent actuellement les vallées marécageuses du Grand Youldouz et du Petit Youldouz. Il est possible que le pouvoir karakhanide se soit étendu plus loin au nord : au début du XIIIe siècle, la limite d’extension de l’islam était la région de l’actuel Manas (à l’ouest d’Ouroumchi11). 5 Quant aux frontières nord-est du royaume des Karakhanides, O. Pritsak les fait passer par les lacs Ala Koul, Sassyk Koul et Balkhach12. Il n’argumente pas son point de vue, mais évidemment il est proche de la vérité. En effet, selon les données de Mahmoud Kachgari, les points avancés de l’islam se trouvaient à l’époque au nord de la rivière Ili, à l’endroit où celle-ci était proche du Balkhach et dans la région de la ville de Kemi- Talas13. Sur la carte de Mahmoud Kachgari, Kemi-Talas est située au nord de la ville d’Iki-Oghouz, que K. M. Bajpakov identifie à la ville de Dungen non loin de l’actuel Taldy-Kurgan14. Au nord-est d’Iki-Oghouz, se trouvait Kajalig qui était au début du XIIIe siècle le centre de la domination musulmane15. K. M. Bajpakov compare Kajalig aux vestiges de la ville d’Antonov, qui s’étendent sur la vallée de la rivière Lepsi au nord-est de Dungen16. O. Karaev reporte la conquête de ces territoires du nord-est par les Karakhanides à la deuxième moitié du Xe siècle 17. Or, la campagne menée par le souverain karakhanide Arslân-tigîn a eu lieu, non pas au Xe siècle, mais au milieu du XIe siècle18. Dans l’état actuel des connaissances, on peut considérer que la conquête des terres au-delà de l’Ili n’a pas eu lieu après le milieu du XIe siècle. 6 Depuis le Balkhach, la frontière du royaume atteignait le Syr Darya en passant par le cours inférieur du Tchou, mais les sources écrites n’en disent rien. Il est clairement établi qu’au XIIe et au début du XIIIe siècles, les Karakhanides possédaient Parab (Otrar)

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où existait un pouvoir assez fort pour battre monnaie19. Selon un document récent (XIXe siècle) 20 dont les données remontent à l’époque pré-mongole, ce royaume comprenait Yasi et probablement Souzak, ville sur le versant nord du Karatau. En effet, tant les monnaies de cuivre des Karakhanides de la deuxième moitié du XIe-XIIe siècles, retrouvées à Baba-Ata, au sud-est de Souzak21, que leurs dirhems de cuivre et de plomb frappés vers le milieu du XIe siècle et retrouvés dans les vestiges de la ville d’Artik-Ata à l’ouest de Yasi, sur la rive gauche du Syr Darya22, témoignent que les villes du versant nord du Karatau appartenaient aux Karakhanides. Toutefois Sighnak, une grande ville en aval du Syr Darya, ne faisait pas partie du royaume des Karakhanides ; encore au début du XIIIe siècle, elle était restée le centre du domaine des Kiptchaks infidèles. Dans la première moitié du XIe siècle, avant même l’arrivée des Kiptchaks, elle appartenait aux Oghouz23. Par conséquent la frontière du royaume des Karakhanides passait quelque part entre Yasi et Sighnak. 7 Cette conclusion est, semble-t-il, contredite par les informations de Mahmoud Kachgari sur les villes oghouz de Sabran, Karnak et Karatchouk que Bajpakov situe dans la région de Yasi24. Cela montre que durant la première moitié du XIe siècle, la région de Yasi appartenait aux Oghouz et que, quand ceux-ci tombèrent définitivement sous les attaques des Kiptchaks à la moitié du XIe siècle25, apparemment cette région passa, non pas aux Kiptchaks, mais aux Karakhanides. 8 On a émis l’idée que Parab, elle aussi, appartenait à cette époque au royaume des Karakhanides26. Comme l’indiquent les monnaies retrouvées à Otrar-Tobe et datant de la deuxième moitié du XIe siècle, Otrar appartenait clairement aux Karakhanides. Il n’est pas impossible qu’ils s’en soient même emparé plus tôt. Cette idée est suggérée par la disposition de Parab qui se trouve en aval de la rivière Arys, en amont de laquelle se trouvait Isfidjab qui faisait bien partie du royaume des Karakhanides au début du XIe siècle27. En outre, un unique fels karakhanide 28 frappé en 416/1025-26, a été émis, semble-t-il, à Farab (une autre forme du nom de Parab). 9 Djend, un centre important en aval du Syr Darya, a d’abord appartenu au yabghu oghouz du clan Barani, et ensuite aux Seldjoukides. Le Karakhanide Kamâl ad-Dîn Maḥmûd Arslân-khân s’y est établi pour une courte période. Il semble qu’il s’en soit emparé en 1138, mais il l’a perdu en 115229. Après ce bref épisode, Djend fut fermement conquis par les souverains du Khorezm (khorezmchah) de la dynastie des Anouchteginides. 10 On attribue parfois le Khorezm aux Karakhanides30, ce qui est incontestablement fautif. À la fin du Xe siècle, le pouvoir réel était aux mains des souverains de la dynastie locale des Mamounides qui sont restés des vassaux des Samanides jusqu’à la chute de ces derniers. Le Khorezmchah ‘Alî b. Ma’mûn a soutenu activement le dernier prétendant samanide Ismâ‘îl b. Nûḥ (Muntaṣir) pendant sa lutte pour le Mavarannahr. Quand Ismâ‘îl a repris Boukhara aux Karakhanides en 390/1000, les monnaies ont été émises au nom d’‘Alî b. Ma’mûn31. Selon Barthold, après la défaite et la mort de Muntaṣir, ‘Alî s’est trouvé un certain temps dépendant des Karakhanides32. V. V. Barthold s’appuyait pour cela sur les informations d’‘Utbî selon lequel en 396-1006, le commandant karakhanide battu au Khorassan par Maḥmûd Ghaznavî avait envoyé son convoi à ‘Alî b. Ma’mûn33. Toutefois ce seul fait n’est pas suffisant pour parler de “dépendance”, il s’agit tout au plus d’une influence considérable des Karakhanides. Si vraiment cette influence existait, elle n’a pas duré longtemps : dès 408/1017, Maḥmûd Ghaznavî conquit le Khorezm. Sous le règne de son successeur, ce pays obtint l’indépendance,

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puis pendant deux ans fut occupé par le souverain de Djend. Après quoi, durant longtemps, il fit partie de l’empire des Seldjoukides et à partir de la fin du XIe siècle, y régnèrent les Anouchteginides34. À la fin de 1138 et au début de 1139, le Seldjoukide Sanjar conquit le Khorezm à la suite des combats contre son vassal anouchteginide insoumis Atsiz, et y nomma son neveu Sulaymân comme souverain. À propos de ce dernier, j’avais eu l’idée qu’il était parent de Sanjar du côté maternel et d’ascendance karakhanide du côté paternel35. Aujourd’hui, cette hypothèse ne me semble pas plus heureuse qu’au moment de sa formulation, de plus, le fait est que Sulaymân n’a pas pu se maintenir longtemps au Khorezm et a dû s’enfuir peu de temps après le départ de Sanjar. Si le Khorezm n’a jamais réellement fait partie du royaume des Karakhanides, les frontières de ce dernier devaient aller depuis Yasi vers le sud en embrassant une zone étroite sur la rive gauche du Syr Darya; vers l’ouest se trouvaient les déserts immenses du Kyzyl-Koum où il ne pouvait alors y avoir aucune frontière réelle. Plus loin la frontière allait à travers les territoires septentrionaux de Sogd et tournait dans l’oasis de Boukhara vers l’Amou Darya où elle atteignait la région de Farabra, autrement dit Faraba, qui n’était pas bien entendu le Farab/Parab du Syr Darya. Farabra, qui se trouvait sur la rive opposée de l’Amoul (Amou, Amouï) n’appartenait déjà plus aux Karakhanides. Ici la frontière tournait vers le sud, le long de l’Amou Darya. Sur les cartes, on la trace d’habitude sur le fleuve jusqu’à la confluence du Piandj et du Vakhch et ensuite le long du Piandj. À vrai dire, la frontière karakhanide dans cette région s’est souvent déplacée et n’est jamais passée directement par l’Amou Darya. 11 Après qu’en 389/999 le pouvoir des Samanides se fut effondré, ses territoires ont été divisés entre les Ghaznévides et les Karakhanides. En 391/1001, un traité a été conclu selon lequel la frontière entre les deux États a été établie dans la région de l’Amou Darya. Il n’y a pas d’informations sur les détails de la délimitation. On ne doute pas que les conditions qui ont présidé à ce bornage correspondent à la situation légèrement postérieure lorsque seul Tchaganian (Ṣaghâniyân), parmi les régions du au nord de l’Amou Darya, appartenait aux Karakhanides et que leur pouvoir ne s’étendait même pas jusqu’à . La frappe de monnaie karakhanide à Ṣaghâniyân a duré jusqu’en 418/1027-28, mais peu de temps après 406/1015-16, cette région est probablement tombée sous l’influence des Ghaznévides et après 418/1027-28, elle est passée sous leur pouvoir. En 430/1039, le Karakhanide Ibrâhîm b. Naṣr a conquis Ṣaghâniyân et y a frappé sa monnaie jusqu’en 434/1142-43, après quoi la région est passée pour longtemps aux Seldjoukides36. À partir de cette époque, la frontière méridionale du royaume des Karakhanides est arrêtée, comme sous les Kouchans, dans les chaînes de montagnes du Khissar37 (Gissar). Ainsi, selon Abû Ḥafṣ ‘Umar Nasafî (mort en 537/1142-43), les terres du khan de Samarcande s’étendaient au sud jusqu’à Dâr-i âhanîn (la porte de fer)38. Déjà en 558/1162-63 et 559/1163-64, le Karakhanide Mas‘ûd b. Ḥasan frappait monnaie à Termez39 et vers 560/1164-65 ou bien exactement cette année-là, il conquit Balkh et Andkhoud avec l’aide des Karakhitay40. Le pouvoir karakhanide s’est alors propagé partout à travers le Tokharistan. Mais pas pour longtemps : en 587/1191, le Gouride Muḥammad b. Mas‘ûd a émis sa monnaie à Balkh41, bien que Ibn al-Aṯîr attribue la conquête de Balkh à son fils Samu et la date de 594/119842. V. V. Barthold présente le récit de la conquête de Vakhch et de Ṣaghâniyân par Muḥammad b. Mas‘ûd avec l’expression très prudente “si l’on en croit Jûzjânî43”, ce qui indique qu’il a douté de l’authenticité de cette information. Celle-ci est pourtant totalement confirmée par les dinars mentionnant le sultan gouride et frappés à Vakhch

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en 597/1200-0144 et à Khuttalân en 596/1199-1200 45. Les mêmes monnaies portent le titre des souverains karakhanides qui, par conséquent, ont gardé leur pouvoir sur quelques régions et villes du Tokharistan, y compris Termez, où le Karakhanide Maḥmûd a émis ses dinars en 604/1207-0846. Dans certaines régions, le pouvoir des Karakhanides a perduré même après les conquêtes de l’Anouchteginide Muḥammad b. Tikish qui, sur les dinars de Vakhch frappés vers 610/1213-14, est mentionné comme suzerain du Karakhanide ‘Arabshâh b. Abû Bakr47. Comme il n’y a pas de monnayage karakhanide connu à Balkh après 585/1189-90, et que dès 587/1191-92 celui des Gourides y est attesté, il est fort probable que de ce moment-là, jusqu’à la chute des Karakhanides, la frontière méridionale de leur territoire passait le long de l’Amou Darya. 12 Cette frontière passait, en effet, comme on le considère habituellement sur le Piandj, c’est à dire comprenait la partie tadjikistanaise du Pamir. Lors des fouilles du site de haute montagne de Bazardara, dans le Pamir oriental, on a trouvé des monnaies karakhanides du XIe siècle et des matériaux témoignant de l’existence de rapports avec d’autres parties du Pamir (Chougnan, Vakhan) et surtout avec le Ferghana. À la suite des études sur le matériel découvert, M. A. Bubnova en est également venue à la conclusion que les mines d’argent de cette région appartenaient aux Karakhanides48. 13 Plus loin vers l’est, la frontière débouche sur le Turkestan oriental où notre promenade à travers les frontières du royaume des Karakhanides avait commencé et où elle touche à sa fin. Il ne faut pas oublier que la carte ainsi dressée n’a pas le même degré de précision pour toutes les régions.

NOTES

1. O. Pritsak, “Die Karachaniden”, Der Islam, Bd. 31/1. Berlin, 1953, p. 24. 2. V. V. Bartol’d, “Turkestan v èpohu mongol’skogo našestviâ” [Le Turkestan à l’époque de l’invasion mongole], dans : Sočineniâ [Œuvres complètes], T.I, Moscou, 1963, p. 317. L’épisode de Fâ’ik et Mirka mentionné par Muqaddasî est tout à fait différemment commenté par O. Karaev. Selon lui, à la veille de leur chute, les Samanides ne pouvaient pas s’emparer de cette région. Fâ’ik a alors reçu Mirka comme lot de terrain (iqṭâ‘) pour son aide militaire aux Karakhanides en 995-996 et y a fait construire un rabâd (sous cette forme chez O. Karaev), « dont le marché lui a été très rentable » (O. Karaev, Istoriâ Karahanidskogo kaganata (X-načalo XIII vv. )[Histoire du kaganat karakhanide (Xe-début du XIIIe)], Frunze, 1983, p. 212). Certainement O. Karaev confond rabâd (banlieue) et rabât (fortification frontalière), mais surtout il oublie que Muqaddasî avait écrit sur l’époque samanide (pas plus tard qu’en 989). 3. O. Karaev, Istoriâ…, p. 253. 4. B. Kochnev, “The Trade Relations of Eastern Turkestan and Central Asia in the Eleventh and Twelfth Centuries according to Numismatic Data”, dans : Art and Archaeology, 3, Kamakura, 1994, p. 278. Pour une raison incompréhensible, la même carte est donnée dans l’article de S. Vivdenko sur l’art kouchane (ibidem p. 144). 5. V. V. Bartol’d, “Istoriâ Turkestana” [Histoire du Turkestan], dans : Sočineniâ [Œuvres complètes], T. II, čast’ 1, Moscou, 1963, p. 128.

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6. V. V. Bartol’d, “Turkestan…”, p. 342. 7. B. D. Kočnev, “Zametki po srednevekovoj numizmatike Srednej Azii” [Notes sur la numismatique médiévale de l’Asie centrale], čast’ 1, Istoriâ material’noj kul’tury Uzbekistana [Histoire de la culture matérielle de l’Ouzbékistan], Vypusk 14, Tachkent, 1978, pp. 124-125. 8. V. V. Bartol’d, “Dvenadcat’ lekcij po istorii tûreckih narodov Srednej Azii” [Douze leçons sur l’histoire des peuples turciques de l’Asie centrale], dans : Sočineniâ [Œuvres complètes], T. V., Moscou, 1968, p. 81. 9. A. G. Malâvkin, Ujgurskie gosudarstva v IX-XII vv. [Les États ouïghours aux IX e-XIIe siècles], Novosibirsk, 1983, p. 213. 10. O. Karaev, Istoriâ…, p. 112. 11. V. V. Bartol’d, “Tûrki (istoriko-ètnografičeskij obzor)” [Les Turks (aperçu historique et ethnographique)], dans : Sočineniâ [Œuvres complètes], T. V, Moscou, 1968, p. 590. 12. O. Pritsak, “Von den Kachgaruk zu den Karachaniden”, Zeitscbrift der Deutschen Morgenländischen Gesellscbaft, Bd. 101. Leipzig, 1951, Karte 2. 13. V. V. Bartol’d, “Dvenadcat’ lekcij…”, p. 85. 14. K. M. Bajpakov, Srednevekovaâ gorodskaâ kul’tura Ûžnogo Kazahstana i Semireč’â (VI-načala XIII vv. ) [La culture urbaine médiévale du Kazakhstan du sud et du Semiretchie (VIe – début XIIIe siècles)], Alma-Ata, 1985, p. 36. 15. V. V. Bartol’d, “Tûrki…”, p. 590. 16. K. M. Bajpakov, Srednevekovaâ gorodskaâ kul’tura…, p. 36. 17. O. Karaev, Istoriâ…, pp. 104, 112. 18. B. D. Kočnev, “Zametki po srednevekovoj numizmatike Srednej Azii” [Les notes sur la numismatique médiévale de l’Asie centrale], čast’ 9, Istoriâ material’noj kul’tury Uzbekistana [L’histoire de la culture matérielle de l’Ouzbékistan], Vypusk 22, Tachkent, 1988, pp. 200-203. 19. B. D. Kočnev, “Karahanidskij čekan Paraba (Otrara)” [La frappe de monnaie karakhanide à Parab (Otrar)], dans : Srednevekovaâ gorodskaâ kul’tura Srednej Azii i Kazahstana [La culture urbaine médiévale de l’Asie centrale et du Kazakhstan], Alma-Ata, 1983, pp. 109-120. 20. Je dois les données de ce document à l’amabilité de mon collègue de Moscou, V. N. Nastič. 21. E. N. Ageeva, G. I. Pacevič, “Iz istorii osedlyh poselenij i gorodov Ûžnogo Kazahstana” [L’histoire des colonies sédentaires et des villes du Kazakhstan du sud], Trudy instituta istorii, arheologii i ètnografii Akademii nauk Kazahskoj SSR [Travaux de l’Institut d’histoire, d’archéologie et d’ethnographie de l’Académie des Sciences de la RSS du Kazakhstan], T. 5, Alma-Ata, 1958, p. 60, note 4. Et dans ce cas-là, et plus loin, il s’agit de monnaies soit de cuivre, soit de mauvais aloi qui, à la différence des monnaies de bon aloi, circulaient seulement sur le territoire du pays de monnayage. 22. Ces monnaies non publiées, trouvées par G. M. Musabaeva, sont conservées au musée d’archéologie de l’Académie des Sciences du Kazakhstan. 23. V. V. Bartol’d, “Turkestan…”, pp. 392, 406-407; V. V. Bartol’d, “Očerk istorii turkmenskogo naroda” [Esquisses sur l’histoire du peuple turkmène], dans : Sočineniâ [Œuvres complètes], T. II, čast’ 1, Moscou, 1963, p. 560. 24. K. M. Bajpakov, Srednevekovaâ gorodskaâ kul’tura…, pp. 26-27, 127. 25. S. G. Agadžanov, Očerki istorii oguzov i turkmen Srednej Azii IX-XIII vv. [Esquisses sur l’histoire des Oghouzs et des Turkmènes de l’Asie centrale aux IXe-XIIIe siècles], Ašhabad, 1969, p. 158. 26. K. A. Akišev, K. M. Bajpakov, L. B. Erzakovič, Drevnij Otrar : Topografiâ, stratigrafiâ, perspektivy [L’ancien Otrar : topographie, stratigraphie, perspectives], Alma-Ata, 1972, p. 33. 27. R. Z. Burnaševa, V. N. Nastič, “Katalog monet iz raskopov i sborov na gorodiŝe Otrar-Tobe (1971-1977 gg.)” [Le catalogue de monnaies des fouilles du site d’Otrar-Tobe (1971-1977)], pp. 289-341 dans : K. A. Akišev, K. M. Bajpakov, L. B. Erzakovič, Drevnij Otrar… ; V. N. Nastič, “Katalog monet gorodiŝa Otrar-Tobe (1979-1985 gg.)” [Le catalogue de monnaies du site d’Otrar-Tobe

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(1979-1985)], pp. 224-254 dans : K. A. Akišev, K. M. Bajpakov, L. B. Erzakovič, Otrar v XIII-XVvv. [Otrar aux XIIIe-XVe siècles], Alma-Ata, 1987. 28. Monnaie non publiée de la collection de V. N. Nastič. 29. B. D. Kočnev, “K istorii Dženda XI-XII vv.”, Izvestiâ Nacional’noj Akademii nauk Respubliki Kazahstan, Seriâ obŝestvennyh nauk, 1995, n°4, pp. 67-73. 30. Historical Atlas of the Muslim Peoples, Compiled by Dr. R. Roolvink. With a foreword by H. A. R. Gibb, Amsterdam, 1957. Dans la carte numéro 14 représentant l’orient musulman vers 1090, le royaume des Karakhanides comprend tout l’espace entre l’Amou Darya et le Syr Darya jusqu’à la mer d’Aral, y compris le Khorezm du nord, mais le Ferghana, le Semiretchie et le Turkestan oriental sont attribués aux Karakhitay. 31. B. D. Kočnev, “Bor’ba Samanidov i Karahanidov za Buharu na rubeže X-XI vv.”, Obŝestvennye nauki v Uzbekistane, 1997, n°9-11, pp. 31-34. 32. V. V. Bartol’d, “Turkestan…”, p. 337. 33. ibid., p. 334. 34. V. V. Bartol’d, “Horezm”, dans : Sočineniâ [Œuvres complètes], T. III, Moscou, 1965, pp. 546-547. 35. B. D. Kočnev, “K istorii Dženda…”, pp. 71-72. 36. B. D. Kočnev, “Partiâ monet iz sklada, soderžaŝego dirhemy Saganiana XI veka”, Drevnosti Povolž’â i drugih regionov, Vypusk III, (Numizmatičeskij sbornik, T. II), Nižnij Novgorod, 2000, pp. 229-244. 37. Le fait que la chaîne de montagnes du Khissar était la frontière septentrionale du royaume kouchan, fut établi par M. E. Masson sur la base de découvertes monétaires (M. E. Masson, “K voprosu o severnyh granicah gosudarstva “Velikih Kušan” [À propos des frontières du nord de l’État des Grands Kouchans], Obŝestvennye nauki v Uzbekistane [Les sciences sociales en Ouzbékistan], 1968, n°8, pp. 14-25). La justesse des faits établis par M. E. Masson a été admirablement prouvée par son élève È. V. Rtveladze qui a découvert le système des fortifications de l’époque kouchane sur les montagnes du Khissar (È. V. Rtveladze, “Stena Darbanda Baktrijskogo” [Le mur de Darband de Bactriane], Obŝestvennye nauki v Uzbekistane [Les sciences sociales en Ouzbékistan], 1986, n°12, pp. 34-39. 38. V. V. Bartol’d, “Drevnetûrkskie nadpisi i arabskie istočniki” [Les inscriptions anciennes des Turcs et les sources arabes], dans : Sočineniâ [Œuvres complètes], T. IV, Moscou, 1968, p. 294 et note 62. 39. M. Fedorov, “The Genealogy of the Qarakhanid rulers of Tirmiidh and Balkh”, Oriental Numismatic Society Newsletter, n°164, Summer 2000, p. 19. M. Fedorov lui-même date ces dirkhems de Termez non des années 558-559 de l’hégire, mais de 568-569 de l’hégire, alors qu’ils portent le nom du calife Mustanjid mort en 566/1170. 40. V. V. Bartol’d, “Turkestan…”, pp. 399-400. 41. Dirhem d’une collection privée, St-Pétersbourg. 42. V. V. Bartol’d, “Turkestan..”, p. 408. 43. ibid., p. 402. 44. Les dinars de cette sorte ont été publiés pour la première fois par D. Sourdel (D. Sourdel, Inventaire des monnaies musulmanes anciennes du Musée de Caboul, Damas, 1953, p. 114, n°1258-1260), mais il n’a pas examiné une partie des inscriptions et en a lu fautivement une autre. L’identification est fondée sur le déchiffrement des trois monnaies analogues appartenant à la collection “Forschungsstelle für islamische Numismatik” de Tübingen (numéros d’inventaire 94-50-4, 96-7-40, F A 9 C 6). L’une d’elles porte le commencement de la date (“sept”) qui est reconstituée comme 597 de l’hégire grâce à la présence du nom du sultan gouride Samâ’ b. Muḥammad (588-602 de l’hégire). 45. F. Timmermann, M. Fedorov, “An Unpublished Dinar from the Wakhsh Area of present-day ”, Oriental Numismatic Society Nesletter, n°164, Summer 2000, p. 19.

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46. M. Fedorov, “The Genealogy…”, p. 20. 47. St. Album, A Checklist of Islamic Coins, Second edition, Santa Rosa, 1998, p. 88. 48. M. A. Bubnova, “Arheologiâ Pamira za 40 let” [40 ans d’archéologie du Pamir], dans : Pamirovedenie [Études du Pamir], Vypusk 2, Douchanbe, 1985, pp. 69-70; M. A. Bubnova, “K voprosu o zemledelii na Zapadnom Pamire v IX-XI vv.” [À propos de l’agriculture dans le Pamir de l’ouest aux IXe-XIe siècles], dans : Prošloe Srednej Azii [Le passé de l’Asie centrale], Douchanbe, 1987, p. 64.

INDEX

Mots-clés : géographie historique, frontières, numismatique, sources, Karakhanides Keywords : historical geography, boundaries, numismatics, sources, Qarakhanids

AUTEURS

BORIS KOČNEV

Institut d’archéologie de l’Académie des Sciences, Samarcande, Ouzbékistan

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La chronologie et la généalogie des Karakhanides du point de vue de la numismatique

Boris Kočnev Traduction : Alié Akimova

1 Pratiquement tous les ouvrages consacrés aux Karakhanides débutent par une même remarque : le manque de sources écrites concernant cette importante dynastie musulmane. Elle est malheureusement justifiée, car les informations sur les Karakhanides dans les sources écrites sont fragmentaires, contradictoires et même fausses. La dynastie a laissé une grande quantité de monnaies, mais jusqu’à récemment, celles-ci ont été peu exploitées dans les études la concernant. C’est pour cette raison que le chapitre qui lui est consacré dans le premier ouvrage de référence sur la chronologie et la généalogie des dynasties musulmanes, dont l’auteur est le célèbre St. Lane-Poole1, a une valeur uniquement anecdotique, comme document historiographique. Le chapitre sur les Karakhanides dans un ouvrage analogue plus tardif écrit par Bosworth2, le grand spécialiste de l’histoire médiévale de la partie orientale du monde musulman, est plus complet et plus précis, grâce notamment aux résultats de données numismatiques de Pritsak qui a étudié les monnaies locales. Ce même chapitre a été enrichi dans la traduction russe par P. Grâznevič qui a utilisé les études numismatiques d’E. A. Davidovič3. Dans la nouvelle édition de son livre, Bosworth y a inséré ces compléments ainsi que les données qu’apporte le nouvel ouvrage en anglais de Davidovič. Ainsi le nombre des souverains karakhanides a été augmenté de moitié4.

2 Dans la préface de la version russe de cet ouvrage, Bosworth a regretté que l’apport très important effectué par les savants soviétiques à l’étude de certaines dynasties musulmanes, restât méconnu5. Hélas, à l’heure actuelle, la situation a très peu évolué, et les chercheurs occidentaux ne connaissent toujours pas d’une façon satisfaisante les ouvrages publiés en russe. Pourtant, depuis quelques décennies, c’est en russe qu’on a publié des dizaines de travaux concernant la numismatique karakhanide et ceux-ci apportent énormément de nouvelles données sur les plans chronologique et

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généalogique. Tout cela m’a poussé à examiner le chapitre “karakhanide” du nouvel ouvrage de Bosworth et à le compléter par le matériel numismatique que j’ai découvert. 3 Selon Pritsak, l’apparition de la dynastie des Karakhanides remonte à 840, mais à partir de cette date, un siècle et demi de son histoire nous demeurent inconnus. C’est la raison pour laquelle Bosworth place leur règne entre 382/992 et 609/1212. En 380/990-382/992 le Karakhanide Bughrâ-khân Hârûn a conquis pour une très brève période la majorité des domaines samanides en Asie centrale (le terme “Asie centrale” est employé ici dans le sens soviétique traditionnel, appliqué uniquement aux territoires du Turkménistan, du Tadjikistan, de l’Ouzbékistan, du Kirghizstan et du Kazakhstan du sud). Quelques années plus tard, un autre Karakhanide, Naṣr b. ‘Alî, a répété l’exploit de son prédécesseur, Bughrâ-khân, et à la charnière du Xe-XIe s., le territoire de l’État karakhanide a été défini de façon plus durable. Il comprenait le Mavarannahr, Isfidjab, Taraz, le Semiretchie et la partie ouest du Turkestan oriental. Pendant un certain temps, l’État karakhanide a gardé son unité, mais en 431/1040, il s’est divisé en deux kaghanats : le kaghanat occidental, dont le centre était Samarcande, et le kaghanat oriental avec deux capitales – à Balasaghoun et à Kachgar. En 482/1089, les Seldjoukides ont envahi le kaghanat occidental et, selon les sources écrites, n’ont occupé le kaghanat oriental que d’une manière nominale, en maintenant les Karakhanides au pouvoir. Les infidèles Karakhitay (Khitans) qui, vers 536/1141, ont envahi tous les domaines des Karakhanides, ont suivi la même politique. Gûrkhân, le roi des Karakhitay, a choisi Balasaghoun comme centre de son État, et Kachgar est devenu la seule capitale du kaghanat oriental. Ayant perdu le Semiretchie, les Karakhanides ont agrandi leur territoire en y ajoutant la région de Balkh, des deux côtés de l’Amou Darya. Sous le règne des Khitans, le kaghanat occidental s’est divisé en plusieurs domaines, dont deux deux des plus importants avaient pour centres Samarcande et Ouzgend. Au début du XIIIe siècle, le Khorezmchah Muḥammad b. Tikish, de la dynastie des Anouchteginides, a conquis les Karakhanides de l’Asie centrale et les a réduits à l’état de vassaux. En 609/1212, la dynastie s’est éteinte après l’échec de la révolte du khân samarcandais Uṯmân6. 4 Bosworth, à la suite de Pritsak, a réparti les souverains karakhanides en 4 groupes : Les Grands kaghans du kaghanat uni, les Grands kaghans du kaghanat occidental, les Grands kaghans du kaghanat oriental, les kaghans du Ferghana. Selon Pritsak, la dénomination “grand” révèle le système dualiste du pouvoir chez les Karakhanides : deux kaghans se trouvaient en même temps au pouvoir suprême de l’État – le Grand kaghan ou l’aîné, qui avait le titre d’Arslân-khân, et le kaghan co-régent, ou le cadet qu’on appelait généralement Bughrâ-khân. L’existence d’un système dualiste du pouvoir est confirmée par une série de témoignages écrits. En 423/1031-32, après le décès du chef de la dynastie, ses deux fils ont hérité du pouvoir : l’aîné Arslân-khân a obtenu le trône et les domaines de son père, tandis que le cadet, Bughrâ-khân, a hérité d’une partie du Mavarannahr7. Ce fait pourrait signifier que le titre d’Arslân-khân est plus élevé que celui de Bughrâ-khân. Pourtant, le revers (côté honorifique) des dirhems de Quz Urdû (Balasaghoun) de 454/1062 portent le nom d’Ibrâhîm b. Naṣr en lui attribuant le titre de Ṭabghâch-khân, tandis que l’avers (qui est moins honorifique), porte le nom de son vassal ‘Abd al-Khâliq, sous le titre d’Arslân-khân8. Sur les autres monnaies, Ibrâhîm b. Naṣr est nommé Ṭafghâch Bughrâ Qara-khâqân, Ṭabghâch Bughrâ-khân, Bughrâ Qara-khâqân9, et l’on comprend que le titre d’Arslân-khân n’est ni moins, ni plus élevé que celui de Bughrâ-khân. L’analyse générale des titres portant l’élément “khân” démontre que les titres des khâns sont au-delà de toute définition et

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il est impossible de préciser lequel des khâns régnants occupait la situation la plus élevée10. Pour savoir cela, il est nécessaire d’utiliser d’autres voies de recherche. 5 Le système du pouvoir du kaghanat au moment de son unité reposait sur le principe du majorat, et logiquement, c’est l’aîné de la lignée qui devait être le Grand kaghan. Mais on voit là apparaître différents problèmes : il est souvent impossible de déterminer l’ordre des naissances des khâns héritiers, car les sources écrites et le matériel numismatique restent pauvres. D’autre part, nous ignorons quelle aînesse était prioritaire – l’aînesse physique ou bien l’appartenance à la branche “aînée” de la dynastie. Enfin, le pouvoir suprême pouvait être usurpé en dépit du principe de majorat, et les sources écrites ont pu ne pas mentionner ce fait. 6 Les informations fragmentaires laissent supposer que le kaghanat uni avait deux capitales – Balasaghoun (Quz Ordu), dans la vallée du Tchou, et Kachgar au Turkestan oriental, mais c’est Balasaghoun qui occupait la première place. Ainsi dans les récits des événements du début du XIe siècle, voit-on apparaître en même temps le souverain de Kachgar, Qâdir-khân Yûsuf b. Hârûn et un certain “Grand khân11”. Les monnaies de cette période qui mentionnent deux khâns – Qâdir-khân et Ṭungha-khân Aḥmad b. ‘Alî, démontrent d’une façon tout à fait certaine qu’Aḥmad était le souverain en chef, et Balasaghoun sa capitale12. Plus tard, lorsque Ṭughân-khân II s’est emparé des domaines des Karakhanides en Asie centrale, y compris Balasaghoun, Qâdir-khân considérant son droit de majorat bafoué, a envahi l’Asie centrale. L’objectif et le résultat de cette guerre ne furent autres que la conquête de Balasaghoun13. Mais Kachgar est toujours restée la résidence de Qâdir-khân. Le chef de la dynastie devait posséder Balasaghoun, mais nous ne savons pas si son statut de Grand kaghan était lié à cette possession. Nous voyons donc qu’il est extrêmement difficile de définir le “Grand kaghan” ou “Grand khân”. Il est par conséquent plus cohérent de ne pas employer ce terme dans la description des quatre groupes de Karakhanides définis par Bosworth et de définir le premier groupe par le terme : “Les kaghans du kaghanat uni”.

I. Les kaghans du kaghanat uni

7 Hârûn (Ḥasan) b. Sulaymân. Ce souverain ne figure pas sur la liste de Bosworth, car son titre de Bughrâ-khân a poussé Pritsak à le considérer comme le Petit et non pas le Grand kaghan. Pourtant Hârûn était non seulement le premier conquérant du Mavarannahr, mais il possédait aussi les deux capitales karakhanides : Balasaghoun et Kachgar14. C’est pour cela qu’il a été le chef de la dynastie jusqu’à sa mort en 382/992.

8 ‘Alî b. Mûsâ. Selon les sources écrites, il détenait les titres d’Arslân-khân, de Ṭungha- khân et de Qara-khân. Il est mort en 388/998 et a été enterré dans le mausolée de famille non loin de Kachgar15. Il est probable qu’‘Alî soit devenu Grand kaghan après la mort de Hârûn, entre 382-88/992-98. 9 Aḥmad b. ‘Alî. Selon l’opinion de Pritsak, que Bosworth partage, il est devenu le chef de la dynastie après le décès de son père en 388/998. Cette date est bien plausible, mais elle n’est pas incontestable, au contraire de la date de son décès (408/1017-18), qui est confirmée par les sources et les monnaies. On ne sait pas non plus si Aḥmad est resté au pouvoir jusqu’à sa mort, car en 405/1014-15 ou en 406/1015-16, il a perdu Balasaghoun16. Le titre d’Arslân-Qara khân est attribué à Aḥmad b. ‘Alî par Pritsak, qui

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est persuadé que ce titre est systématiquement attribué au Grand kaghan. Pourtant, aucun document n’indique qu’il a porté ce titre, même pas les monnaies. 10 Manṣûr b. ‘Alî. Bosworth pense qu’il n’est devenu le chef du kaghanat qu’après le décès d’Aḥmad b. ‘Alî en 408/1017-18. Pourtant on trouve son titre d’Arslân-khân sur les monnaies de 404/1013-14. Depuis 406/1015-16 et jusqu’à sa mort en 415/1024-25, il possédait Balasaghoun. 11 Muḥammad b. Ḥasan/Hârûn. Les monnaies centrasiatiques de 415-18/1024-28 portent de nouveau le titre de Ṭughân/Ṭungha-khân. Bosworth met en doute l’attribution de ce titre à Aḥmad b. Ḥasan et se demande s’il ne s’agit pas de son frère, Muḥammad b. al-Ḥasan Ṭungha khâqân 17. Les inscriptions de certains dirhems confirment cette seconde version. 12 Yûsuf b. Hârûn /Ḥasan. Pour ce souverain, Bosworth propose les dates de 417-424/1026-1032. Les monnaies démontrent qu’il fut khân (Qâdir-khân) dès 395/1004-05. Il est difficile de prouver la date à laquelle il est devenu le chef de la dynastie, mais on peut faire certaines suppositions. En 415/1024-25 après le décès d’Arslân-khân Manṣûr, des guerres intestines ont éclaté au cours desquelles le trône de Balasaghoun fut usurpé par Muḥammad b. Ḥasan. Yûsuf b. Hârûn avait le titre de khân à l’époque où Muḥammad n’était qu’un des princes (Ṭungha-tigîn), il était par conséquent plus âgé18. Selon les lois de légitimité karakhanide, il avait davantage droit au titre de chef de la dynastie et pouvait se proclamer tel après la mort du souverain précédent, Arslân-khân Manṣûr, ou bien après la proclamation de Muḥammad b. Ḥasan en 415/1024-25. Dans ce cas, les deux khâns auraient été considérés comme “Grands”. Nous ignorons la réalité des faits, mais en 415/1024-25, Balasaghoun a été envahi par Muḥammad et en 416/1025-26, cette ville est passée entre les mains de Yûsuf19. C’est pourquoi il est préférable de dater le début du règne de Yûsuf b. Hârûn en 416/1025-26. La date de sa mort est 423/1031-32, selon ibn al-Aṯîr, et, selon Jamâl al-Qarshî, au début 424/fin 1032. Mais puisque le fils et successeur de Yûsuf frappait ses monnaies à Kachgar dès 423, la première version paraît plus probable20. 13 Sulaymân b. Yûsuf. Selon Bosworth, Yûsuf b. Hârûn est le dernier Grand kaghan du kaghanat uni, mais comme on le verra, la division de l’État n’a eu lieu qu’en 431/1040, par conséquent le dernier chef de la dynastie fut Sulaymân, le fils aîné et l’héritier de Qâdir-khân. Sulaymân garde le pouvoir entre 423/1031 et 431/1040. 14 ‘Alî b. Naṣr. Un dirhem unique de Quz Ordu, daté de 427/1035-36, a été émis non par Arslân-khân Sulaymân, mais par un certain Ṭungha-khâqân ‘Alî21. Excepté la légende de cette monnaie, le nom de Ṭungha-khâqân ‘Alî n’est mentionné nulle part, et sa provenance reste donc inconnue. On peut seulement supposer que ce nom est identique à celui d’Abû b. Naṣr (fils du second conquérant du Mavarannahr Naṣr b. ‘Alî b. Mûsâ), qu’on rencontre sur les fels frappés en 412/1021-22 à Khumrak22, une des villes de l’oasis de Tachkent. Puisque les sources n’en parlent pas du tout, et qu’il existe très peu de monnaies portant le nom de Ṭungha-khâqân ‘Alî, on suppose qu’il s’agit d’un souverain éphémère qui a régné très peu de temps. Malgré cela, il doit être considéré comme un des kaghans du kaghanat uni.

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II. Les kaghans du kaghanat occidental

15 Selon Bosworth, ‘Alî-tigîn b. Hârûn/Ḥasan (411/1020-21 – 425/1034) fut le premier Grand kaghan du kaghanat occidental. Ses deux fils, Yûsuf et Arslân-tigîn (425/1034 – vers 433/1042) lui succédèrent et régnèrent ensemble. L’auteur de cet article a déjà écrit dans les Cahiers d’Asie Centrale que ‘Alî b. Ḥasan est monté sur le trône de Boukhara en 411/1020-21 et a régné au Mavarannahr central jusqu’à 426/1034. Il y a fondé une souveraineté assez indépendante, mais n’est resté que prince. Il a été d’abord tigîn, ensuite Arslân-ilek, ce qui signifie “le premier parmi les princes23”. Ce n’est que trois ans avant son décès qu’il obtint le titre de khân et monte une marche supplémentaire de l’échelle hiérarchique ; c’est en effet à ce moment que le chef de la dynastie, Qâdir- khân, est mort. Le fait que Bosworth a inclu le fils cadet d’‘Alî-tigîn parmi les souverains du Mavarannahr central (en plus des Grands kaghans du kaghanat occidental) s’avère être un malentendu : il n’est mentionné sur aucune monnaie, et c’est son frère Yûsuf qui, avant de devenir ilek, frappait ses monnaies avec le titre d’Arslân-tigîn. Il n’était pas souverain et régnait en commun avec son frère Yûsuf (selon Bayhaqî, après le décès de ‘Alî-tigîn « c’est son fils aîné qui a hérité du royaume24 »). En ce qui concerne Yûsuf b. ‘Alî, il n’a hérité que du trône de Samarcande, sans le titre de khân, et il est resté Arslân-ilek pendant son règne25. ‘Alî b. Ḥasan et Yûsuf b. ‘Alî, quelque indépendants qu’ils aient été, ont donc été obligés de respecter le système du pouvoir et la hiérarchie des Karakhanides. Autrement dit, ils ont suivi le principe d’aînesse propre au kaghanat uni et, par conséquent, ne peuvent pas être considérés comme les premiers souverains du kaghanat occidental.

16 Bosworth pense également que Muḥammad b. Naṣr (vers le 433/1042 – vers 444/1052) fut le chef de cet État. Il est en accord avec Pritsak qui attribue à Muḥammad le titre d’Arslân-khân, et en conclut que celui-ci a été le premier Grand kaghan du kaghanat occidental, tandis que son frère Ibrâhîm n’était que son co-régent et le kaghan cadet. Pourtant Mme Davidovič a prouvé d’une manière tout à fait convaincante qu’entre 430 et 440 c’est Sulaymân b. Yûsuf qui a porté le titre d’Arslân-khân, et pas Muḥammad b. Naṣr, qui est resté toute sa vie un des princes apanagés. C’est son frère Ibrâhîm qui fut le premier chef du kaghanat occidental26. 17 Ibrâhîm b. Naṣr b. ‘Alî. Selon Bosworth, il était à la tête du kaghanat occidental entre 444/1052 et 460/1068. Les monnaies démontrent qu’Ibrâhîm s’est proclamé khân en 431/1040, par conséquent la date de la formation du kaghanat occidental remonte à cette année et à l’année suivante. Il a régné comme souverain absolu jusqu’en 460/1067-68. On a cru que c’était l’année de son décès. Or, le matériel numismatique démontre qu’en 461/1068-69, il était encore en vie et régnait en qualité de co-régent de son fils et successeur, Shams al-Mulk Naṣr27. 18 Khiḍr b. Ibrâhîm. Bosworth estime la fin de son règne à 473/1080-81, en considérant cette date comme douteuse. Ahabî, auteur du XVIe siècle, mentionne 479/1086-8728. Il est probable que cette date indique la dernière année de son règne. Un dirhem de Samarcande de 479 porte la légende anonyme de « al-khâqân al-mu’aẓẓam sulṭân29 ». Le titre de sultan est présent sur l’émission d’Aḥmad b. Khiḍr, mais pas sur celle de son père30, ce qui nous amène à la conclusion que ce dirhem de 479 aurait été frappé par Aḥmad. 19 Aḥmad b. Khiḍr. Selon les données des sources historiques, le sultan seldjoukide Malik-Shâh a conquis Samarcande en 482/1089, il a capturé Aḥmad et l’a envoyé à

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Ispahan. En 485/1092, le sultan a rendu le trône de Samarcande à Aḥmad qui, en 488/1095, a été exécuté suite à un complot de son cousin Mas‘ûd b. Muḥammad b. Ibrâhîm31. Ce dernier est ainsi monté sur le trône. Bosworth n’indique pas que le règne d’Aḥmad b. Khiḍr est divisé en deux périodes, avec un intervalle entre elles. 20 Muḥammad b. Ibrâhîm b. Naṣr. Bosworth écrit que Ya‘qûb b. Sulaymân a succédé à Aḥmad b. Khiḍr. Mais selon les données monétaires, c’est l’oncle d’Aḥmad, Muḥammad b. Ibrâhîm, qui fut son successeur. Les dinars de Samarcande de 482-83/1089-91 portent son nom32. Outre Muḥammad, on y trouve le nom du Seldjoukide Malik-Shâh, qui a sans aucun doute placé ce Karakhanide sur le trône de Samarcande. 21 Ya‘qûb b. Sulaymân b. Yûsuf b. Hârûn. Ce représentant des Karakhanides orientaux, qui possédait Atbâsh (une ville du Tian Shan), a reçu le trône de Samarcande grâce à un émir rebelle qui s’est révolté après le départ de Malik-Shâh du Mavarannahr, mais qui fut bientôt obligé de fuir à Atbâsh, après le siège de Samarcande par le sultan seldjoukide33. Nous ignorons les dates de ces événements, mais les données monétaires déjà mentionnées laissent supposer que Ya‘qûb est venu à Samarcande avant 483/1090-91 ou peut-être cette année-là. Il est possible que les dinars de Samarcande de 483/1090-91 portant le nom de Malik-Shâh, aient été frappés après sa seconde conquête du kaghanat occidental. Dans ce cas, le bref règne de Ya‘qûb à Samarcande daterait de 483/1090-91. 22 Sulaymân b. Dâvûd b. Ibrâhîm. Bosworth lui donne le titre de Qâdir Ṭafghâch-khân, suivant Pritsak, qui lui attribue les monnaies portant le nom de Sulaymân Qâdir Ṭafghâch-khân34. En réalité ces monnaies sont émises par un autre souverain à une autre époque (XIIe siècle35) et les monnaies de Sulaymân b. Dâvûd ne sont pas encore connues. 23 Maḥmûd. Selon les historiens seldjoukides, Maḥmûd est monté sur le trône de Samarcande grâce au sultan seldjoukide Berquyaruk. Ibn al-Aṯîr écrit : « Le grand-père de Maḥmûd était issu de ces rois (Seldjoukides), il était sourd ». Barthold a compris que le sourd en question était Maḥmûd, mais Pritsak pense que c’était le grand-père qui devait être sourd car ‘Utbî évoque le sourd Arslân-khân (Manṣûr b. ‘Alî ). Or, celui-ci était le grand-père de Maḥmûd36. Cependant, tous les protégés seldjoukides sur le trône de Samarcande ont appartenu à la descendance d’Ibrâhîm b. Naṣr, ce qui veut dire que les Seldjoukides ont respecté le droit au pouvoir des descendants du chef de la dynastie du kaghanat occidental. De plus, les fels de Maḥmûd portent son laqab ‘Imâd ad-Davla, qui était populaire dans cette famille et que nous trouvons chez Ibrâhîm b. Naṣr, Muḥammad b. Ibrâhîm et Aḥmad b. Khiḍr b. Ibrâhîm37. C’est pour cela qu’il nous semble que ce n’est pas Manṣûr b. ‘Alî qui était l’ancêtre de Maḥmûd (comme l’assurent Pritsak et Bosworth), mais bien Ibrâhîm b. Naṣr. 24 Les mêmes auteurs datent le règne de Maḥmûd de 490/1097 à 492/1099. La première date est mentionnée par les sources écrites, elle figure aussi sur toutes les monnaies datées de Maḥmûd38. La seconde date est “calculée” par Pritsak en considérant que Jibra’il b. ‘Umar fut le successeur de Maḥmûd et qu’il possédait effectivement Samarcande en 492/109939. Pourtant les historiens seldjoukides considèrent Hârûn40 comme le troisième protégé de Berquyaruk. Le règne de Maḥmûd et de Hârûn se situe donc entre 490/1097-492/1099. 25 Jibra’il b. ‘Umar. Pritsak a tenté sans justification de l’identifier à Hârûn. Mais Hârûn, tout en restant le protégé des Seldjoukides, était apparenté aux Karakhanides occidentaux, tandis que Jibra’il appartenant aux kaghans orientaux – on parlera plus

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tard de sa généalogie – a envahi le Mavarannahr et a péri dans la lutte contre le Seldjoukide Sanjar b. Malik-Shâh en 495/110241. 26 Muḥammad b. Sulaymân b. Dâvûd b. Ibrâhîm. La seule monnaie datée de Jibra’il est un fels boukhariote de 494/1100-1101. La même date est indiquée sur les premières monnaies de Muḥammad b. Sulaymân. On pourrait donc remettre en question la date de la transition du pouvoir de l’un à l’autre, mais l’émission d’Ibrâhîm, datée de 494, n’étant connue que par un seul dirhem, il est possible que la date ne soit pas authentique42. La révision de la datation traditionnelle soutenue par Bosworth nous paraît anticipée. Il est difficile de déterminer la date de la fin du règne de Muḥammad. À la fin de son règne, il fut atteint de paralysie et son fils Naṣr devint co-régent. Après la mort de Naṣr, son second fils Aḥmad a occupé ce poste. En 524/1130, Sanjar envahissait Samarcande, déportait Muḥammad b. Sulaymân et le remplaçait par un autre Karakhanide43. Bosworth a inclus Naṣr et Aḥmad dans la liste des khâns du kaghanat occidental. Il n’y a aucune donnée confirmant que Naṣr a détenu le titre de khân, alors qu’Aḥmad est nommé khân dans les sources manuscrites et monétaires. Par ailleurs, Muntajab ad-Dîn Juvaynî, contemporain de ces événements et porte-parole officiel des Seldjoukides, date la prise de Samarcande vers 524/1130. Muḥammad b. Sulaymân était considéré par les Seldjoukides comme le seul souverain de Samarcande44. Par conséquent, cette date détermine la fin de son règne. 27 Aḥmad b. Muḥammad b. Sulaymân. Sur les fels de Samarcande de 523 et 524, il est nommé khâqân et il est le seul à frapper ses monnaies45. Il est souverain absolu de la capitale du kaghanat occidental et par conséquent, de tout l’État. Nous avons donc suffisamment de raisons pour l’inclure dans la liste des khâns du kaghanat occidental. 28 Ḥasan b. ‘Alî b. ‘Abd al-Mu’min. C’est par ce nom que l’appelle Ibn al-Aṯîr, sans noter l’origine de ‘Abd al-Mu’min. G. Hovers, en s’appuyant sur les données du Ta’rîkh-i Alfî (fin du XVIe siècle), a conclu que Ḥasan était le descendant d’‘Alî-tigîn. Pritsak a supposé qu’‘Abd al-Mu’min était le fils de Yûsuf b. ‘Alî, fils d’‘Alî-tigîn46. Pourtant Muntajab ad-Dîn Juvaynî, le contemporain le mieux informé de Ḥasan, pense qu’il est le fils de l’oncle de Muḥammad b. Sulaymân47. Dans ce cas, Ḥasan et Muḥammad devaient avoir un grand-père commun, mais les sources manuscrites disent qu’‘Abd al-Mu’min était le grand-père du premier, tandis que le grand-père du second fut Dâvûd b. Ibrâhîm. De deux choses l’une, ou bien ‘Abd al-Mu’min et Dâvûd sont deux fils d’Ibrâhîm b. Naṣr, ou bien c’est une seule et même personne qui portait deux noms : le nom musulman ‘Abd al-Mu’min et celui, biblique, de Dâvûd. Dans les deux cas, Ḥasan et Muḥammad sont les arrière-petits-fils d’Ibrâhîm. Selon Bosworth, Ibrâhîm b. Sulaymân est le successeur de Ḥasan. Ce nom ne figure que sur un seul document48, mais le texte de ce document étant très abîmé, on peut supposer que ce Karakhanide n’a pas existé49. Bosworth croit que le règne du kaghan occidental suivant Maḥmûd b. Muḥammad b. Sulaymân commence en 526/1132, bien que les sources manuscrites le mentionnent pour la première fois en 531/113750. C’est plutôt le titre que portent les dirhems de Samarcande de 530/1135-36 qui peut être attribué à Maḥmûd51. Le règne de Ḥasan n’a donc pas dépassé cette date. 29 Maḥmûd b. Ḥusayn b. Ḥasan b. ‘Alî. Les sources manuscrites appellent ‘Alî b. Ḥasan 52 le successeur d’Ibrâhîm b. Muḥammad (536/1141-551/1156). Selon Bosworth il a régné vers 551/1156 – 556/1161. Mais les monnaies de Samarcande de 552/115753 et de 553/115854 sont émises par Maḥmûd b. Ḥusayn. En 553/1158, ‘Alâ ad-Dîn Juvaynî

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mentionne déjà ‘Alî b. Ḥasan 55 et c’est donc à cette date que doit avoir eu lieu la passation du pouvoir de Maḥmûd à ‘Alî. 30 ‘Alî b. Ḥasan b. ‘Alî. Son règne s’est achevé avant 556/1160-61, au moment où le khân Mas‘ûd, son successeur, est arrivé au pouvoir56. Dans un catalogue d’une vente aux enchères, on a attribué à ‘Alî b. Ḥasan les dinars portant les nom des califes Mustarshid (512/1118-529/1135) et Muqtafî (530/1136-555/116057). Si cette attribution s’avérait correcte, il faudra remettre en question toute la chronologie des Karakhanides du second tiers du XIIe siècle. Pourtant le nom de celui qui a émis ces dinars (“malik ‘Alî”) exclut toute appartenance aux Karakhanides, qui avaient une autre titulature monétaire et incluaient le titre de khân/khâqân. Aucune monnaie émise par Alî b. Ḥasan b. ‘Alî n’est connue à ce jour58. 31 Mas‘ûd b. Ḥasan. On connaît des monnaies émises par ce khân à Samarcande pour la période allant de 558 à 56659. Durant son règne (556-566) on a aussi émis des dirhems de Samarcande sans date précise, mais portant le nom du calife de Mustanjid (555-566) et de Malik al-‘Umarâ al-Ḥusayn b. ‘Abd ar-Raḥmân. Le titre de celui qui les a émis, qui n’est pas du tout typique des Karakhanides, désigne leur origine non-karakhanide. C’est pourquoi on peut identifier al-Ḥusayn b. ‘Abd ar-Raḥmân à l’émir karlouk Ḥusayn Ayyâr-bîk, qui s’est révolté contre Mas‘ûd et s’est emparé de la capitale, Samarcande, après quoi il fut défait et exécuté60. Dans les sources écrites, la date de cette révolte n’est pas indiquée, mais on suppose qu’elle a eu lieu en 561 ou en 562, car avant 561, Mas‘ûd a émis des dirhems d’un certain type, et après 562, d’un autre type. 32 Muḥammad b. Mas‘ûd. Selon Bosworth, il mourut en 569/1174, bien que le début du règne de son successeur, le khân Ibrâhîm, soit daté de 574/1178. Jamâl al-Qarshî écrit que 569 est la date du décès de Muḥammad b. Mas‘ûd. Mais cette date est fausse, comme en témoignent les monnaies frappées entre 566 et 57461. 33 ‘Abd al-Khâliq b. Ḥusayn b. Ḥasan. Le nom de ce Karakhanide inconnu des auteurs médiévaux (ainsi que de Pritsak et de Bosworth), existe sur un dirhem de Samarcande dont la date est perdue, mais qui mentionne le calife Mustadi (566/1170-575/118062). Le nombre très réduit de ces monnaies indique que son règne fut bref, entre celui de Muḥammad b. Mas‘ûd et celui d’Ibrâhîm. 34 Ibrâhîm b. Ḥusayn. Bosworth pense qu’il a régné jusqu’en 600, mais le matériel numismatique témoigne que son règne a pris fin un an avant cette date63. Selon Bosworth, Ibrâhîm a régné au Ferghana jusqu’en 574, puis à Samarcande. En réalité, après l’avènement d’Ibrâhîm sur le trône de Samarcande (576), c’est son fils Aḥmad qui est monté sur le trône du Ferghana64.

III. Les kaghans du kaghanat oriental

35 Sulaymân b. Yûsuf. Selon les sources manuscrites, au cours de guerres intestines Arslân-khân Sulaymân b. Yûsuf fut capturé par son frère Bughrâ-khân Muḥammad, qui n’a régné que 15 mois. L’épouse de Bughrâ-khân a alors assassiné les deux frères en 44965. Des monnaies portant le nom d’Arslân-khân ont été frappées jusqu’en 447, et dans certaines cours monétaires, on a frappé les dirhems d’abord du nom d’Arslân- khân, et ensuite du nom de Bughrâ-khân66. Ces faits témoignent de ce que le règne de Sulaymân s’est achevé à la fin de 447/début de 1056, et non en 448, comme le pensent certains chercheurs, dont Bosworth. Arslân-khân mourut en 449/1057.

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36 Muḥammad b. Yûsuf. Les monnaies montrent qu’il a accepté le titre de Bughrâ-khân en 426/1034-3567, mais c’est en 447/1056-449/1057 qu’il est devenu le chef du kaghanat oriental. 37 Les ouvrages d’ibn al-Aṯîr nous fournissent une information concernant les successeurs de Bughrâ-khân. Cette information est présente dans trois récits différents. Dans le récit du règne d’Arslân-khân, on raconte que la femme de ce dernier a tué son mari en 439 et a installé sur le trône son fils, Ibrâhîm, qui périt au cours de la guerre contre le souverain de Barskhân. Dans le récit suivant, concernant Ṭafghâch-khân Ibrâhîm b. Naṣr, on raconte que celui-ci a cédé le pouvoir à son fils Shams al-Mulk, après quoi ce dernier a été attaqué par Bughrâ-khân Hârûn et Tughrîl Qara-khân, qui ont envahi toutes ses terres, y compris le Ferghana jusqu’à Khodjent. Dans le récit concernant Kachgar et Turkestan (v. XI, p.213), on raconte que Kachgar a appartenu à Arslân-khân, ensuite c’est Bughrâ-khân qui y a régné pendant 15 mois. Tughrîl-khân lui a succédé et il est resté au pouvoir à Balasaghoun pendant 16 ans, son fils Tughrîl-tigîn a ensuite régné pendant deux mois. Bughrâ-khân Hârûn lui a succédé. Il a envahi Kachgar, Khotan et Balasaghoun et il est resté au pouvoir pendant 29 ans (jusqu’en 496). Barthold a étudié et analysé les données d’Ibn al-Aṯîr et ayant trouvé une certaine disparité chronologique et généalogique, il a essayé de les corriger à l’aide d’autres sources manuscrites. Dans son article de 1923, il a proposé la chronologie suivante des successeurs de Bughrâ-khân Muḥammad : Ibrâhîm b. Muḥammad de 449 à 451 ; Tughrîl-khân Yûsuf, 451-467 (16 ans) ; Tughrîl-tigîn, 467 (2 mois) ; Bughrâ-khân (Ṭabghâch Bughrâ Qara-khâqân) Hârûn (Ḥasan) b. Sulaymân 467-496 (29 ans68). Les études de Barthold ont été acceptées par la majorité des spécialistes, y compris Pritsak et Bosworth. En 1923, les monnaies de ces souverains n’étaient pas encore connues, et l’information écrite les concernant a été découverte beaucoup plus tard. L’auteur de ces lignes a étudié du matériel numismatique non publié et dans son article de 1988, a conclu qu’il existe une certaine disparité dans la chronologie courante69. M. Fedorov n’a pas accepté cette conclusion et a proposé de reprendre la chronologie traditionnelle, confirmée par un spécialiste de l’envergure de Barthold70. Tout en rendant hommage à ce grand orientaliste, aujourd’hui je suis plus convaincu que jamais qu’il faut réviser ses études chronologiques, car on a trouvé depuis de nouvelles et importantes monnaies. 38 Les émissions d’Arslân-khân Ibrâhîm b. Muḥammad sont connues grâce aux dirhems de Quz Ordu de 45371 et de Taraz de 449 et 45472. Puisqu’en 450 et en 451 les monnaies de Quz Ordu ont été émises par un certain Tungha-khân73 (il correspond probablement à Naṣr, dont le nom figure sur les mêmes monnaies), Ibrâhîm ne se serait pas emparé de Balasaghoun immédiatement après son accession au trône, mais plus tard, entre 451 et 453. En 454, c’était déjà un autre Karakhanide oriental, ‘Abd al-Khâliq, qui portait le titre d’Arslân-khân, ce qui signifie qu’à cette date, Ibrâhîm Muḥammad avait péri dans la guerre contre le souverain de Barskhân. Le pouvoir d’Ibrâhîm donc ne s’étendait pas jusqu’à Barskhân et Kachgar (c’est probablement pour cette raison qu’il n’a pas été mentionné par Ibn al-Aṯîr dans sa liste des souverains de Kachgar). Ainsi Ibrâhîm b. Muḥammad a régné de 448/1057 à 454/1062, et ce n’est que de 451 à 454 qu’il a tenu la capitale Balasaghoun et a pu prétendre au titre de Grand kaghan. 39 Comme les monnaies le démontrent, en 454-460, tous les domaines centrasiatiques des Karakhanides, y compris Balasaghoun, ont fait partie du kaghanat occidental74. Par conséquent les Karakhanides orientaux ne possédaient que le Turkestan oriental. C’est là que devaient se trouver Bughrâ-khân Hârûn et Tughrîl-khân Yûsuf. Ce dernier a

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occupé une place hiérarchique plus élevée : selon une source chinoise, en 1063 c’était Tokelouer75, c’est à dire Tughrîl-khân, qui était le régent des Karakhanides. Le récit d’Ibn al-Aṯîr (3e passage), nous permet de conclure qu’il est devenu le maître de Kachgar à une époque antérieure, peu de temps après la mort de Bughrâ-khân Muḥammad en 449/1057. Selon l’émission de Tughrîl-khân (dirhem de Marghînân de 461, de Chach de 462, de Taraz de 462, 467, 468 et 472)76, après l’arrivée de Shams al- Mulk au pouvoir à Samarcande, il a remporté la victoire dans la lutte contre les Karakhanides occidentaux et a restitué tous les anciens domaines des Karakhanides orientaux en Asie centrale. Les récits des sources, concernant les guerres intestines au kaghanat occidental liées au règne de Shams al-Mulk, laissent supposer que Balasaghoun, qui se trouvait à proximité du Turkestan oriental, a été envahi par Tughrîl-khân Yûsuf vers 460 (mais pas plus tard que 462). Selon Ghars an-Ni‘ma, en 473/1080-81 le Mavarannahr a été attaqué par Tughrîl-tigîn ‘Umar (b. Yûsuf), ce qui démontre que son père Tughrîl-khân était encore en vie. Que le commencement du règne de Tughrîl-khân remonte à 449/1057 (la date de la mort de Bughrâ-khân Muḥammad), à 454/1062 (la mort d’Ibrâhîm b. Muḥammad), ou à 1063 (la mention de Tughrîl-khân dans la source chinoise), de toute manière son règne a duré plus de 16 ans. Le texte d’Ibn al-Aṯîr (3e passage) nous engage à conclure que ces 16 années comprenaient aussi la période durant laquelle il a dominé Balasaghoun et fut le Grand kaghan. Si tel est le cas, il n’a pu décéder qu’entre 476 (460+16) et 478 (462+16). Alors, la date des deux mois du règne de Tughrîl-tigîn ‘Umar b. Yûsuf reste indéterminée. 40 Il est plus difficile encore de concilier le récit d’Ibn al-Aṯîr concernant la durée du règne de Bughrâ-khân Hârûn (Ḥasan b. Sulaymân) avec les autres témoignages. Le texte du poème Qutadghu bilig consacré à Ḥasan démontre qu’il était déjà le khân de Kachgar en 462/1069-7077. Il est fort probable qu’il ne soit devenu le souverain absolu de Kachgar qu’après la montée de son frère Tughrîl-khân sur le trône de Balasaghoun, en 460/1067-68. Comme le démontrent les monnaies (dirhems de Taraz de 481 et de Kâsân dont la date est perdue78), plus tard, entre 473 et 481 (ou entre 476 et 481 ou bien 478-81) Ḥasan a étendu son pouvoir sur les anciens domaines de Tughrîl-khân, dont Balasaghoun. Il est devenu non seulement le souverain suprême, mais aussi le seul khân du kaghanat oriental. Si le règne de Ḥasan commence dès 473, cela fait moins de 29 ans jusqu’à 496, et s’il a débuté son règne à Kachgar vers 460, mais pas après 462, il reste une période indéterminée. Dans les deux cas, les paroles d’Ibn al-Aṯîr concernant la durée du règne des Karakhanides orientaux pour la deuxième moitié du XIe siècle, ainsi que les chiffres cités ne concordent pas avec l’information des sources numismatiques, lesquelles sont très sûres. Et si l’on peut mettre en doute l’authenticité de la date de base – 496, comme celle de la mort de Ḥasan b. Sulaymân, sa mort n’a pu avoir lieu après cette date, car c’est en 498 qu’Aḥmad b. Ḥasan, l’autre khân de Kachgar, ayant hérité du trône de son père après sa mort, a envoyé l’ambassade au calife79. Dans tous les cas, en 492, Qâdir-khân Jibra’il b. ‘Umar b. Yûsuf (petit-fils de Tughrîl-khân) était le souverain de Taraz et de Balasaghoun80, villes qui, en 481, appartenaient à Ḥasan b. Sulaymân. Malheureusement, on ne sait pas si Jibra’il est arrivé au pouvoir grâce à ses conquêtes militaires ou suite à la mort ou à la captivité de Ḥasan. Cette dernière supposition est la plus probable. Ibn al-Aṯîr dans son récit sur “l’insoumission de Samarcande” (v. X, p. 114-115), énonce que peu après la seconde conquête du Mavarannahr par le Seldjoukide Malik-Shâh (probablement en 483), un certain Tughrîl b. Yinâl a attaqué le khân de Kachgar et l’a capturé. Le nom et le titre de khân ne sont pas mentionnés, mais Barthold, en se basant sur la date de la mort de Hârûn en 496, a

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conclu que ce khân était Hârûn/Ḥasan b. Sulaymân, qui a été ensuite remis en liberté81. Selon Pritsak, Tughrîl b. Yinâl correspond à Jibra’il b. ‘Umar82. Rien ne confirme, ni n’infirme que Jibra’il ait pu s’emparer de Taraz bien avant 492/1098-99, entre 481/1088-89 et 483/1090-91. 41 Quoiqu’il en soit, la chronologie n’est pas correcte. Il y a aussi des contradictions dans les données généalogiques, en particulier en ce qui concerne l’origine de Tughrîl-khân Yûsuf qu’on appelle tantôt le fils de Qâdir-khân Yûsuf b. Hârûn, tantôt le frère de Bughrâ-khân Hârûn, fils de Ṭafghâch Bughrâ-khân. Pritsak a adopté la première version83, mais elle ne semble pas authentique : Abû al-Faḍl Bayhaqî, le contemporain de ces événements, qui était bien informé sur les Karakhanides, a connu et mentionné deux fils de Qâdir-khân : Arslân-khân et Bughrâ-khân. Dans ce cas, Tughrîl-khân n’est pas l’oncle mais le frère de Bughrâ-khân Hârûn/Ḥasan b. Sulaymân. Pritsak pense que c’est Niẓâm ad-Davla Maḥmûd qui détient le titre de Tughrîl-khân. Ce nom figure effectivement sur certaines monnaies de 460, mais ce personnage n’était qu’un des princes apanagés et ne correspond pas à Tughrîl-khân84. Ainsi, contrairement à Pritsak et Bosworth, je pense que c’est Yûsuf b. Sulaymân qui correspond à Tughrîl-khân et pas Maḥmûd b. Yûsuf. 42 La chronologie des derniers Karakhanides orientaux n’est pas suffisamment précise, car les dates manquent dans les sources manuscrites, et les monnaies ne sont pas connues ou ne portent pas de dates. Selon Bosworth, le règne d’Aḥmad Ḥasan va jusqu’à 522/1128, même si Pritsak a eu raison de déclarer qu’Aḥmad avait dû mourir entre 522/1128 et environ 535/114085. La date de la fin du règne de son fils et successeur Ibrâhîm86 citée par Pritsak est approximative, et non la date mentionnée par Bosworth qui est en revanche précise. Pritsak ignorait la date d’accession au trône de Yûsuf b. Muḥammad b. Ibrâhîm. Les émissions monétaires de ce souverain éclaircissent en partie ce problème : elles portent la mention du calife Nâṣir (575/1180-622/1225) ; les monnaies de son père portent le nom des califes Mustanjid (555/1160-566/1170) et Mustaḍî’ (566/1170-575/1180), ce qui veut dire que Yûsuf a remplacé Muḥammad vers 575/1179-80. Yûsuf b. Muḥammad est décédé en 601/1205, et son fils Arslân-khân Muḥammad est mort en 607/1210-11 sans avoir accédé au trône de Kachgar87. On ignore si un Karakhanide parvient à ce trône entre 601 et 607. Il reste difficile de savoir si Pritsak et Bosworth ont raison lorsqu’ils affirment que Muḥammad b. Yûsuf fut le dernier khân oriental car il possédait le titre royal d’Arslân-khân, alors qu’en fait il ne gouverna jamais. 43 Pritsak et Bosworth citent le second nom d’Aḥmad b. Ḥasan, Hârûn. On suppose que Pritsak a utilisé les données du document de 474/1082, qui évoque le souverain de la région de Yarkand, nommé à ce poste par le Ṭafghâch Bughrâ Qara-khâqân Ḥasan b. Sulaymân et par son fils Chaghrî-tigîn Hârûn. Mais ce dernier n’est pas nommé comme le successeur et selon Barthold, qui a publié ce document, il y est mentionné comme le souverain direct de Yarkand88. Ainsi, Aḥmad et Hârûn seraient les deux fils de Ḥasan.

IV. Les kaghans du Ferghana

44 Pritsak pense que l’État indépendant karakhanide (selbstandiges karachanidisches Reich) avec pour capitale Ouzgend, s’est formé dans la vallée du Ferghana vers 536/1141, après la conquête de l’Asie centrale par les Karakhitay (Khitans89). Bosworth place en tête de la liste des kaghans du Ferghana le nom de Naṣr b. ‘Alî b. Mûsâ (386/996-403/1013),

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suivi de Manṣûr b. ‘Alî (403/1013-415/1024), de Muḥammad b. Naṣr (vers 432/1041-444/1052) et Ibrâhîm b. Naṣr (à partir de 451/1069). Pourtant, ni Naṣr b. ‘Alî, ni Muḥammad b. Naṣr n’ont été khân. Manṣûr et Ibrâhîm ont certes détenu le titre de khân, mais le premier était à la tête du kaghanat uni, tandis que le second était le chef du kaghanat occidental et non pas du kaghanat du Ferghana. Tous les quatre contrôlaient le Ferghana, mais au XIe siècle, cette région se trouvait encore entre les mains de toute une série de souverains, y compris des khâns dont les domaines se limitaient à cette vallée (Qâdir-khân Sulaymân, Ṭughân-khân Muḥammad b. Ḥasan en 43090). Mais aucun d’eux n’a installé au Ferghana une souveraineté héréditaire, ni une entité étatique. La liste des kaghans du Ferghana par Bosworth comprend aussi, mais sans justification, ‘Abd al-Mu’min et ‘Alî b. ‘Abd al-Mu’min. On ignore si ces Karakhanides ont jamais régné. Ces deux noms sont suivis de ceux de Ḥasan b. ‘Alî b. ‘Abd al-Mu’min, lequel obtint le trône de Samarcande et non pas d’Ouzgend, et de Ḥusayn b. Ḥasan qui, selon Pritsak et Davidovič, fut le premier khân du Ferghana 91, ce qui est tout à fait juste. Selon les monnaies, bien avant l’avènement de Ḥusayn, il y eut dans la vallée du Ferghana un apanage qui appartenait à Qâdir-khân Aḥmad b. Muḥammad b. Sulaymân92. Les inscriptions monétaires le décrivent souvent comme le vassal de son père, chef du kaghanat occidental. D’autre part, il n’a pas légué son domaine à sa descendance et ne peut donc pas être fondateur du kaghanat indépendant du Ferghana. En ce qui concerne Tughrîl-khân Ḥusayn, on sait qu’il a légué à son fils le trône d’Ouzgend et le titre de khân. À partir de là, il y eut transmission du pouvoir de père en fils. Ce n’est donc que sous le règne de Ḥusayn b. Ḥasan que le Ferghana s’est transformé en un domaine héréditaire dirigé par ses propres khâns et a pris le nom de kaghanat du Ferghana. Sur les monnaies, émises du vivant de son père, Ḥusayn est appelé le vassal de celui-ci, mais il avait alors déjà le titre de Tughrîl-khân. Plus tard, probablement après le décès de Ḥasan b. ‘Alî, il a émis son propre monnayage 93. Par conséquent, Ḥusayn est monté sur le trône d’Ouzgend entre 524/1130 et 530/1135-36, d’abord comme souverain vassal du khân de Samarcande, et ce n’est qu’ensuite qu’il a obtenu son indépendance. Bien que Pritsak pense que le kaghanat du Ferghana a été fondé après la bataille de Katvan en 536/1141, quand les Karakhanides se sont emparés de tout le Mavarannahr, la séparation du Ferghana a dû avoir lieu avant cette date. Selon Abû Ḥafṣ ‘Umar Nasafî (mort en 537/1142-43), les domaines du souverain de Samarcande ne dépassaient pas le Syr Darya (âb-i Khujand94). Il est probable que Ḥusayn b. Ḥasan a cessé d’obéir au khân de Samarcande après la bataille de Khodjent en 531/1137, lorsque les Khitans ont défait le kaghan occidental Maḥmûd b. Muḥammad95, ou bien même avant cette date.

45 Bosworth pense qu’après le décès de Ḥusayn en 551/1156, son fils Maḥmûd lui a succédé, mais celui-ci possédait Ouzgend et non pas Samarcande, et c’est donc son autre fils, Ibrâhîm, qui a dû hériter du trône. Sa frappe monétaire96 est connue par les monnaies de 559-574/1163-117997. Après Ibrâhîm, Bosworth place Naṣr b. Ḥusayn et Muḥammad b. Naṣr, mais Muḥammad et peut-être même Naṣr, étaient souverains de Kâsân et non pas d’Ouzgend98. Selon le matériel numismatique, Ibrâhîm b. Ḥusayn, étant monté en 574/1179 sur le trône de Samarcande, a transmis celui d’Ouzgend à son fils Qâdir-khân Aḥmad qui a émis des monnaies jusqu’en 607/1210-121199. 46 Davidovič a depuis longtemps élucidé l’origine de Qâdir-khân100, et les doutes de Bosworth qui hésite à le considérer soit comme le fils de Ḥusayn, soit comme le fils de Naṣr, sont sans fondement. Son règne, selon Bosworth, a duré jusqu’en 606 environ, et

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celui de son successeur Maḥmûd b. Aḥmad jusqu’en 610. Maḥmûd a laissé des dirhems d’Ouzgend portant deux dates : la première, 608, qui ne suscite pas de doutes, et la seconde pour laquelle on hésite entre 607 ou 609. Je serais plutôt en faveur de la première date101, car Maḥmûd a succédé à son père sur le trône d’Ouzgend en 607/1210-11 et il a perdu le pouvoir en 608/1211-12 ou en 609/1212-13. Bosworth considère Maḥmûd comme le vassal du Khorezmchah et ensuite comme celui de Kutchluk. La première assertion se déduit des inscriptions de monnaies datées de 607(609 ?), qui mentionnent non seulement le nom du khân karakhanide, mais également celui de son suzerain, le sultan anouchteginide Muḥammad b. Tikish. Les dirhems datés de 608 ne portent pas le nom du Khorezmchah, d’où la conclusion de Bosworth à propos de la domination de Kutchluk, qui fut le chef non musulman des Naymans, et qui, en 607/1210-11, pilla le trésor du Gûrkhân karakhitay à Ouzgend et qui avait capturé celui-ci102. La lutte entre le sultan et Kutchluk eut des résultats mitigés et les circonstances auraient pu forcer le souverain musulman (dont les monnaies portent le laqab Jalâl ad-Dunyâ va-d-Dîn, ce qui signifie “grandeur du monde et de la foi”) à se soumettre à l’infidèle Kutchluk. Il n’y a aucun document concret qui puisse confirmer ou infirmer le point de vue (plus précisément – l’hypothèse) de Bosworth. 47 Dans la liste des kaghans du Ferghana de Bosworth, on a trouvé 14 personnes, mais comme nous l’avons démontré, il n’y a en fait que quatre noms qui puissent y figurer. Deux des quatorze personnes étaient des souverains de Kâsân – un apanage au nord de la vallée du Ferghana apparu durant la deuxième moitié du XIIe siècle. Les monnaies révèlent aussi les autres apanages karakhanides dont les centres étaient Marghînân, Binâkat, Parab (Otrar), Termez, Vakhch, Balkh103. Les souverains de ces apanages ont non seulement frappé leurs monnaies, mais ils ont porté le titre de khân. Leur statut est donc tout à fait comparable à celui des souverains d’Ouzgend. Et dans ce cas, il serait plus logique d’intituler cette rubrique “Les souverains d’Ouzgend” et non “Les khâns du Ferghana”, en y ajoutant encore quelques rubriques selon le nombre d’apanages. Ainsi, il en va de la dynastie des Ayoubides qui, dans les ouvrages de référence de généalogie et de chronologie, comprend outre la branche principale en Egypte, plus de cinq autres branches. Quant à moi, je me contenterai des rubriques proposées par Bosworth, parce que l’émission de la majorité des apanages karakhanides est beaucoup moins étudiée que celle de Samarcande et d’Ouzgend. Il n’y a pas de doute que du nouveau matériel numismatique éclairera certains problèmes. Dans les années à venir, les ouvrages de chronologie et de généalogie des dynasties musulmanes seront certainement complétés par de nouvelles données, sans parler des modifications des rubriques traditionnelles. 48 Il est possible de présenter l’ensemble de ce qu’on vient d’énoncer sous forme de tables chronologiques et généalogiques (nous n’indiquerons que la titulature monétaire, car cet article n’est basé que sur du matériel numismatique104).

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Les cours monétaires karakhanides (d’après B. D. Kotchnev)

ANNEXES

Les kaghans du kaghanat uni

Hârûn (Ḥasan) b. Sulaymân (?-382/992). Bughrâ-khân, Turk-khâqân, Malik al-Mashriq, Shîhâb ad-Davla, Ẓâhir ad-Da‘va. ‘Alî b. Mûsâ (382/992-388/998). Pas de monnaies connues. Aḥmad b. ‘Alî (388/998-408/1017-18, à Balasaghoun jusqu’en 405/1014-15 ou 406/1015-16). Ṭughân Qara-khâqân, Qara-khâqân/khân ; Quṭb ad-Davla (va) Naṣr al- Milla, Sayf ad-Davla, Nâṣir al-Ḥaqq, al-Mu’ayyid al-‘Adl ; Abû Naṣr, Abû al-Muẓaffar. Manṣûr b. ‘Alî (404/1013-14-415/1024-25 ; ) Balasaghoun à partir de 405/1014-15 ou 406/1015-16). Arslân-khân/khâqân/Qara-khâqân ; Shams ad-Davla, Nûr ad-Davla (va) Shams al-Milla, ‘Umdat ad-Dîn ; Abû al-Muẓaffar. Muḥammad b. al-Ḥasan/Hârûn (415/1024-25-418/1027-28, à Balasaghoun en 415-416/1024-26). Ṭughân/Ṭungha-khân/khâqân, Qara-khâqân ; Malik al-Mashriq, Niẓâm ad-Davla, Nâṣir al-Ḥaqq ; Abû al-Muẓaffar. Yûsuf b. Hârûn al-Ḥasan (avant 395/1004-05-423/1031-32 ; à Balasaghoun à partir de 416/1025-26). Qâdir-khân/khâqân ; Malik al-Mashriq (va-ṣ-Ṣîn), Nâṣir ad-Davla, Nâṣir ad-Dîn, Nâṣir al-Ḥaqq (va-d-Dîn).

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Sulaymân b. Yûsuf (423/1031-32-431/1040). Arslân-khân/khâqân/Qara-khâqân ; Malik al-Mashriq (va-ṣ-Ṣîn), Sharaf ad-Davla, Fakhr al-Milla, ‘Izz ad-Dîn, Nâṣir Amîr al- Mu’minîn ; Abû Shujâ‘, Abû al-Muẓaffar. ‘Alî (b. Naṣr?) (à Balasaghoun en 427/1035-36 et certaines années suivantes ?) Ṭughân khâqân.

Les kaghans du kaghanat occidental

Ibrâhîm b. Naṣr (431/1040-460/1067-68 ; en 460/1067-68-461/1068-69 cohabitation avec son fils Naṣr). Ṭabghâch/Ṭafghâch/Ṭamghâch Bughrâ-khân/Qara-khâqân, Ṭabghâch/ Ṭafghâch/Ṭamghâch-khân, Bughrâ Qara-khâqân ; Malik al-Mashriq (va-ṣ-Ṣîn), al- Mu’ayyid al-‘Adl, Nâṣir al-Ḥaqq, ‘Imâd ad-Davla (va) Tâj al-Milla, ‘Izz al-Umma (va) Kahv al-Muslimîn, Sayf Khalîfat Allâh ; Abû Isḥâq. Naṣr b. Ibrâhîm ‘460/1067-68-472/1080 ; en 460/1067-68-461/1068-69 cohabitation avec son père). Sultân al-Mashriq/ash-Sharq va-ṣ-Ṣîn, Sulṭân Arḍ ash-Sharq ; Shams al-Mulk, Nâṣir al-Ḥaqq va-d-Dîn. Khiḍr b. Ibrâhîm (472/1080-479/1086-87(?)). Ṭabghâch/Ṭafghâch/Ṭamghâch khân ; Burhân ad-Davla. Aḥmad b. Khiḍr, le premier règne (479/1086-87(?)-482/l089). Sulṭân ; al-Mu’ayyid al-‘Adl, ‘Imâd ad-Davla, Sayf Khalîfat Allâh. Muḥammad b. Ibrâhîm (482/1089-483/1090-91). Arslân-khân, Qîlîch Arslân-khân ; Sulṭân ; Mu’ayyid al-‘Adl, ‘Imâd ad-Davla va Tâj al-Milla. Ya‘qûb b. Sulaymân (Karakhanide de l’Est ; 483/1090-91(?)). Pas de monnaies connues. Aḥmad b. Khiḍr, le deuxième règne (485/1092-488/1095). Mas‘ûd b. Muḥammad (488/1095-490/1097 (?)). Arslân-khâqân, al-Mu’ayyid al-‘Adl.105 Sulaymân b. Dâvûd (490/1097). Pas de monnaies connues. Maḥmûd (490/1097-avant 492/1099). Ṭafghâch-khân ; ‘Imâd ad-Davla ; Abû al-Qâsim. Hârûn (environ 490/1097-492/1099). Pas de monnaies connues. Jibra’il b. ‘Umar (Karakhanide de l’Est ; avant 492/1099-495/1102). Ṭabghâch-khân. Muḥammad b. Sulaymân (495/1102-524/1130 ; en 523/1129-524/1130 cohabitation avec son fils Aḥmad). Arslân-khân, Ṭabghâch/Ṭafghâch-khân ; ‘Alâ’ ad-Davla. Aḥmad b. Muḥammad (en 523/1129-524/1130, cohabitation avec son père). Qâdir-khân. Al-Ḥasan b. ‘Alî (524/1130-avant 530/1135-36). Qara-khân. Maḥmûd b. Muḥammad (avant 530/1135-36-536/1141). Pahlavân ash-Sharq ; ‘Alâ’ ad- Davla, Nâṣir ad-Dîn, Nuṣrat al-Ḥaqq va-d-Dîn. Ibrâhîm b. Muḥammad (536/1141-551/1156). Rukn ad-Dunyâ va-d-Dîn ; Abû al- Muẓaffar. Maḥmûd b. al-Ḥusayn (551/1156-553/1158) ; Ṭughân-khân, Qâdir Ṭughân-khân ; Jalâl ad-Dunyâ va-d-Dîn ; Abû al-Muẓaffar. ‘Alî b. al-Ḥasan (553/1158-556/1160-61).

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Mas‘ûd b. al-Ḥasan (556/1160-61-566/1170-71). Qîlîch Ṭabghâch/Ṭafghâch khâqân/ khân, Qîlîch-khâqân ; Rukn ad-Dunyâ va-d-Dîn ; Abû al-Muẓaffar. Al-Ḥusayn b. ‘Abd ar-Raḥmân, rebelle d’origine non-karakhanide (561/1155-56-562/1156-57?). Malik al-‘Umarâ, Nuṣrat ad-Dunyâ va-d-Dîn. Muḥammad b. Mas‘ûd (566/1170-71-574/1178-79). Qîlîch Ṭafghâch-khân/khâqân, Igdish Ṭafghâch-khân/khâqân ; Ghiyâṯ ad-Dunyâ va-d-Dîn ; Abû al-Muẓaffar. ‘Abd al-Khâliq b. Ḥusayn (574/1178-79 ?). Qutlugh Bilga-khân ; Ghiyâṯ ad-Dunyâ va-d- Dîn ; Abû al-Muẓaffar. Ibrâhîm b. al-Ḥusayn (574/1178-79-599/1202-03). Arslân-khân/khâqân, Kuch Arslân- khân, sulṭân, ulugh sulṭân, sulṭân as-salâṭîn, ulugh sulṭân as-salâṭîn ; Nuṣrat ad-Dunyâ va-d-Dîn. ‘Uṯmân b. Ibrâhîm (599/1202-03-609/1212). Sulṭân, ulugh sulṭân as-salâṭîn ; Nuṣrat ad- Dunyâ va-d-Dîn.

Les kaghans du kaghanat oriental

Sulaymân b. Yûsuf (431/1040-447/1056). Muḥammad b. Yûsuf (447/1056-449/1057, khân à partir de 426/1034-35). Bughrâ-khân/ khâqân/Qara-khân, Malik al-Mashriq, Malik al-Islâm ; Qavâm ad-Davla, Sulṭân ad- Davla, Mushayyid ad-Davla (va) Mu’ayyid al-Milla, Zayn ad-Dîn, Sharaf al-Islâm, Valî Khalîfat Allâh Ṣafî Amîr al-Mu’minîn. Naṣr (?) (environ 449/1057-451/1059-60). Ṭungha/Ṭughân-khân/khâqân/ Qara- khâqân ; Zayn ad-Davla va Mu‘în al-Milla, Jamâl ad-Dîn. Ibrâhîm b. Muḥammad (449/1057-454/1062, à Balasaghoun plus tard qu’en 451/1059-60). Arslân-khâqân/Qara-khâqân, Malik al-Islâm, Abû al-Muẓaffar. Yûsuf b. Sulaymân (449/1057 (?) – après 473/1080-81, à Balasaghoun à partir de 460/1068( ?)). Ṭughrîl Qara-khâqân, ‘Imâd ad-Davla. ‘Umar b. Yûsuf (deux mois entre 473/1080-81 et 481/1088-89). Sharaf ad-Davla, Zayn ad-Dîn. Al-Ḥasan (Hârûn) b. Sulaymân (460/1068 (?) – 496/1102-03, à Balasaghoun avant 481/1088-89 – avant 492/1098-99). Jibra’il b. ‘Umar (à Balasaghoun avant 492/1098-99-495/1102). Ṭabghâch-khân. Aḥmad b. al-Ḥasan (Hârûn) (496/1102-03 – entre 522/1128 et 535/1140). Arslân-khân. Ibrâhîm b. Aḥmad (entre 522/1128 et 535/1140 – environ 553/1157-58). Pas de monnaies connues. Muḥammad b. Ibrâhîm (environ 553/1157-58 – environ 575/1179-80). Arslân-khân. Yûsuf b. Muḥammad (environ 575/1170-80-601/1205). Arslân-khân.

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Les kaghans de Ferghana (Ouzgend)

Al-Ḥusayn b. al-Ḥasan (environ 531/1137-551/1156). Tughrîl-khân, Jalâl ad-Dunyâ va-d- Dîn. Ibrâhîm b. al-Ḥusayn (551/1156(?)-574/l 178-79). Arslân-khâqân/khân, Nuṣrat ad- Dunyâ va-d-Dîn. Aḥmad b. Ibrâhîm (574/1178-79-607/1210-11). Qâdir-khâqân/khân, ulugh sulṭân, Jalâl ad-Dunyâ va-d-Dîn. Maḥmûd b. Aḥmad (607/1210-11-608/1211-12 ou 609/1212-13). Kuch Arslân-khâqân, Mu‘izz ad-Dunyâ va-d-Dîn, Jalâl ad-Dunyâ va-d-Dîn.

Les cours monétaires des Karakhanides

Les cours monétaires karakhanides pourraient faire l’objet d’un article106 à part entière. Notre objectif cependant est beaucoup moins ambitieux. Il s’agit de recenser tous les noms des cours monétaires qui sont lisibles sur les monnaies karakhanides de la fin du Xe siècle au début du XIIIe siècle, et d’accompagner cette liste, si nécessaire, de brefs renseignements sur la localisation des villes et des districts concernés. La liste comprend 58 noms, mais elle ne reflète pas tout ce qui est inscrit sur les monnaies, car la lecture définitive de certains noms de cours monétaires n’est pas encore établie. Parmi les villes mentionnées dans la liste, deux ne faisaient pas partie du khanat karakhanide, notamment Nichapour et Herat. Cependant, au début du XIe siècle, elles ont été conquises par les Karakhanides pendant une courte période durant laquelle ces derniers ont eu le temps d’y battre leur monnaie, ce qui nous donne une raison formelle pour les intégrer dans la présente liste : 1. Adakhkat 2. Akhsîkat (Khshîkat, Akhsî) 3. Balasaghoun 4. Balkh 5. Barskhân 6. Binâkat 7. Binkat 8. Budukhkat 9. Boukhara 10. Jinânjikat 11. Dakhkat 12. Dabûsiyya 13. Îl Urdû 14. Ferghana 15. Ghannâj 16. Haftdih 17. Hirât 18. Îlâq 19. Ishtikhan 20. Isbîjâb

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21. Karmîna 22. Kâsân 23. Kâshghar 24. Kish 25. Kushânî 26. Kharashkat (Kharajkat) 27. Khujanda 28. Khumrak 29. Al-Khuṭṭalân 30. Madînat al-Bayda 31. Madînat al-Maḥfûẓa 32. Marghînân 33. Navkat 34. Nîshâbûr 35. Urdû 36. Bârâb 37. Qubâ 38. Quz Urdû (Quz Urdûkand) 39. Qutlugh Urdû (Khutlugh Urdû, Khutlukh Urdû) 40. Rishtân 41. Ṣaghâniyân 42. Samarcande 43. Sughd 44. Shâsh 45. Shaljî 46. Tarâz 47. Termez 48. Tûnkat 49. Ûj (Ûch) 50. Ûsh 51. Usrûshana (Ustrûshana, Sutrûshana, Surûshana) 52. Ûzgand (Ûzjand, Ouzgend) 53. Vakhsh 54. Valvâlij 55. Yârkand 56. Zâmin 57. Junkat(?) 58. Khuqand (?) Certaines cours monétaires sont mentionnées sous deux noms différents : Balasaghoun = Quz Urdû ; Isbîjâb = Madîna al-Baida ; Samarcande = Madîna al-Maḥfûẓa ; Dabûsiyya = Qutlugh Urdû. Environ deux dizaines de localités ont gardé jusqu’à nos jours, intégralement ou en partie, leurs noms de l’époque : Balkh, Boukhara (Ouzbékistan), Ishtikhân (= Ichtikhan, dans la région de Samarcande, Ouzbékistan), Kâsân (= Kasansay, dans la vallée de Ferghana, Ouzbékistan), Karmîna (= Karmana, Ouzbékistan), Kachgar (Xinjiang), Khujanda (= Khodjend, ex-Leninabad, Tadjikistan), Marghînân (= Marghilan, Ouzbékistan), Qubâ (= Quva, Ouzbékistan), Rishtân (dans la vallée de Ferghana, Ouzbékistan), Samarcande (Ouzbékistan), Tarâz (ex-Djamboul, Kirghizstan), Termez (=

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Termez, Ouzbékistan), Ûch (= Ûch-Turfân, au Xinjiang), Ûsh (= Och, dans la vallée de Ferghana, Kirghizstan), Ûzgand ( = Ouzgend, dans la vallée de Ferghana, Kirghizstan), Yârkand (au Xinjiang), Zâmin (dans la région de Djizak, Ouzbékistan). Certains des noms mentionnés correspondent à des localités précises, tandis que pour d’autres, la localisation n’est qu’approximative : 1. Adakhkat – ville du nord de la région de Taraz. 2. Akhsîkat – ville au sud-ouest de l’actuel Namangan, près du village de Sahand, sur l’une des rives du Syr Darya. 3. Balasaghoun – ville à 10 km au sud, sud-ouest de l’actuel Tokmak (vallée du Tchou). 5. Barskhân – ville à l’embouchure de la rivière Barskhân sur le lac Issyk-koul. 6. Binâkat – ville à l’ouest de l’actuel Almalyk, à 5 km à l’ouest du village Shâhrûhiya, à la confluence de l’Ahangaran et du Syr Darya. 7. Binkat – ville située sur le territoire de l’actuelle vieille ville de Tachkent. 8. Budukhkat – ville entre Isbîjâb et Taraz, à 50 km environ de l’actuel Chymkent. 10. Jinânjikat – ville proche de l’actuelle vieille ville de Cinaz. 11. Dakhkat – ville située à l’emplacement de l’actuel Dukent, à 15 km à l’ouest d’Angren. 12. Dabûsiyya – ville légèrement à l’est de l’actuel Ziâddin (Ziëvuddin), dans la région de Samarcande. 13. Îl Urdû – probablement situé dans la vallée du Tchou. 14. Ferghana – région qui correspond à la vallée du Ferghana, la monnaie avec l’inscription « Ferghana » étant battue à Ouzgend, la capitale karakhanide de la région, ainsi qu’à Akhsîkat, Marghînân, Qubâ. 15. Ghannâj – ville de la région de Chach. 16. Haftdih – localité de la partie nord-est de la vallée du Ferghana. 18. Ilâq – région du bassin de la rivière Ahangaran ; la cour monétaire « Îlâq » se situant probablement à Navkat. 20. Isbîjâb – ville située légèrement à l’est de l’actuel Chymkent, près du village de Sajram. 24. Kish – ville à l’emplacement de l’actuel Chahr-i Sabz. 25. Kushânî – ville située entre Ištihan et Dabûsiyya. 26. Kharashkat (Kharajkat) – ville située à 10 km environ au sud de l’actuel Akkurgan (région de Tachkent). 28. Khumrak – ville qui se trouvait probablement à 15 km environ à l’est de Binâkat. 29. Al-Khuṭṭalân – région dont le centre se trouvait à Hulbuk (près de l’actuel village de Kurban-Šaid, à 7 km au nord-ouest de Kolhozabad, au Tadjikistan). 33. Navkat – ville située au sud de l’actuel Tachkent, près de Tojtepa, sur le réservoir de Tuâbuguz. 35. Urdû – ville qui se situait probablement à 5 km au nord-ouest de Balasaghoun. 36. Bârâb – ville située à 10 km à l’ouest de la station ferroviaire Timur, près du village de Talapty. 41. Ṣaghâniyân – district du bassin du fleuve Sourkhan Darya. Le chef lieu du même nom se trouve à 6 km au sud-est de l’actuel Denau. 43. Sughd – région dont le centre se trouvait à Samarcande, où se situait probablement la cour monétaire « Sughd ». 44. Shâsh – région située dans le bassin de la rivière Čirčik. Le chef-lieu le plus probable au XIe siècle serait Binkat.

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45. Shaljî – région en amont de la rivière Talas et ville près de l’actuel village de Kirovskoe 48. Tûnkat – ville à 15 km à l’est, nord-est de l’actuel Almalyk. 51. Usrûshana (Ustrûshana, Sutrûshana, Surûshana) – région entre Samarcande et Khodjent. 53. Vakhsh – région dans le bassin de la rivière Vakhsh, sa capitale était à Halavard (site de Lagman près du village Uzun, sur la rive gauche du Vakhsh, à 12 km de Kolhozabad). 54. Valvâlij – ville voisine de l’actuel Kunduz (). 57. Junkat – la lecture n’est pas définitive, mais il est certain que la ville se situait dans la vallée de Ferghana, dans sa partie nord-est le plus vraisemblablement. 58. Khuqand – ville située certainement dans la vallée de Ferghana, identifiée à l’actuel Kokand.

NOTES

1. St. Lane-Poole, The Mohammadan Dynasties. Chronological and genealogical tables with historical introductions. London, 1894. À Samarcande, où j’ai rédigé cet article, je n’ai eu accès qu’à la version russe de cet ouvrage. : St. Len-Pul’, Musul’manskie dinastii. Hronologičeskie i genealogičeskie tablicy s istoričeskimi vvedeniâmi [Dynasties musulmanes. Tables chronologiques et généalogiques avec une introduction historique]. Traduction et notes de Barthold. St. Peterbourg, 1899. La partie consacrée aux Karakhanides est complétée et enrichie par le traducteur, mais même avec ces compléments, elle est déjà dépassée. 2. Cl. E. Bosworth, The Islamic Dynasties. Chronological and Genealogical Handbook. Edinburg, 1967. 3. K. E. Bosvort, Musul’manskie dinastii. Spravočnik po hronologii i genealogii, perevod s anglijskogo âzyka P. A. Grâzneviča [Dynasties musulmanes. Guide de généalogie et de chronologie. Traduction de l’anglais de Grâznevič] M., 1971, pp. 156-160. 4. Cl. E. Bosworth, The New Islamic Dynasties. Chronological and Genealogical Manual. Edinburg, 1996, pp. 181-183. 5. K. E. Bosvort, Musul’manskie dinastii…, p. 14. 6. O. Pritsak, “Die Karachaniden”, Der Islam. BD. 31/1. Berlin, 1953, pp. 22-58 ; E. A. Davidovich . “The Karakhanids”, dans : History of Civilizations of Central Asia. Vol. IV. Pt 1. Ed. M. S. Asimov, Cl. E. Bosworth. Paris, 1998, pp. 119-136 ; O. Karaev, Istoriâ karahanidskogo kaganata (X-načalo XIII vv.) [Histoire du kaganat karakhanide (Xe-début du XIIIe)], Frunze, 1983, pp. 94-196 ; B. D. Kočnev, Karahanidskie monety : istočnikovedčeskie i istoričeskoe issledovanie, avtoreferat doktorskoj dissertacii M., 1993, pp. 23-34. 7. V. V. Bartol’d, “Očerk istorii Semireč’â” [Étude sur l’histoire de Semiretchie], dans : Sočineniâ [Œuvres complètes], T.2, č.l, M., 1963, pp. 43-44. 8. Les monnaies non publiées des collections privées de A. M. Kamšyev et V. G. Koševar (Bichkek, Kirghizstan). 9. B. D. Kočnev, Karahanidskie monety…, p. 22 10. Ibid., p. 17 11. V V Bartol’d, “Turkestan v èpohu mongol’skogo našestviâ” [Turkestan à l’époque de l’invasion mongole], dans : Sočineniâ [Œuvres complètes], T.1, M., 1963, pp. 332, 335. 12. B. D. Kočnev, Karahanidskie monety…, p. 24. 13. Ibid., p. 27 ; V. V. Bartol’d, Turkestan…, p. 356. 14. V V. Bartol’d, “Bogra-Han”, dans : Sočineniâ [Œuvres complètes], T.2, č.2, M., 1964, pp. 506-507. 15. O. Pritsak, Die Karachaniden, p. 25-26. 16. B. D. Kočnev, Karahanidskie monety…, p. 25-26.

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17. B. D. Kočnev, “Svod nadpisej na karahanidskih monetah : antroponimy i titulatura”, (č.1), dans : Vostočnoe istoričeskoe istočnikovedenie i special’nye istoričeskie discipliny, Vyp. 4, M., 1995, p. 248, n° 643. 18. B. D. Kočnev, Karahanidskie monety…, p. 22, 26-27. 19. B. D. Kočnev, “Svod…”, p. 247, n° 622, 623, p. 249, n° 657. 20. V. V. Bartol’d, “Turkestan…”, p. 357. 21. Collection de A. M. Kamšyev. 22. B. D. Kočnev, “Svod…”, p. 247, n° 634. La date est précisée par la monnaie de la collection de V. A. Kalinin (Moscou). 23. B. Kochnev, “Histoire de ‘Ali Tegin, souverain qarakhanide de Boukhara (XI e siècle) vue à travers les monnaies”, Cahiers d’Asie centrale, n° 5-6, Tachkent – Aix-en-Provence, 1998, p. 19-36. 24. Abu-l-Faḍl Bayhaqî, Istoriâ Mas‘ûda (1030-1041). Perevod s persidskogo, vvedenie, kommentarii i priloženie A. K. Arendsa [Histoire de Mas‘ûd (1030-1041). Traduction de l’anglais, l’introduction, les commentaires et les notes par A. K. Arends], M., 1969, p. 570. 25. B. D. Kočnev, Karahanidskie monety…, p. 22, 27-28. 26. E. A. Davidovič, “O dvuh karahanidskih kaganatah” [De deux kaghanats karakhanides], Narody Azii i Afriki [Les Peuples d’Asie et d’Afrique], 1968, n° 1, pp. 69-76. 27. B. D. Kočnev, Karahanidskie monety…, p. 28, 30. 28. Al-Ḍahabî, Kitab duwal al-islam (Les dynasties de l’islam). Traduction annotée des années 447/1055-6 à 656/1258. Introduction, lexique et index par A. Nègre. Damas, 1979, p. 36, note 2. 29. B. D. Kočnev, “Svod nadpisej na karahanidskih monetah : antroponimy i titulatura”, (č.2), dans : Vostočnoe istoričeskoe istočnikovedenie i special’nye istoričeskie discipliny, Vyp. 5, M., 1997, p. 257, n° 979. 30. Ibid, p. 257, n°973-978. 31. O. Karaev, Istoriâ…, pp. 153-156. 32. B. D. Kočnev, Karahanidskie monety…, p. 31 ; B. D. Kočnev, “Svod…” č.2, pp. 257-258, n° 980-981. Le numéro 980 contient la description du dinar de 482. Le dinar de 483 a été publié par M. N. Fedorov et L. Iliš, mais on l’a par erreur attribué à Aḥmad b. Khiḍr (M. Fedorow, L. Ilisch, “Qarakhanid Gold Coins of the 11th century A.D.”, ]armouk Numismatics. Vol. 8. Irbid, 1996, p. 31-32). 33. V. V. Bartol’d, “Turkestan…”, p. 379-380. 34. O. Pritsak, Die Karachaniden…, p. 48. 35. B. D. Kočnev, “Svod…” č.2, p. 313. 36. O. Pritsak, Die Karachaniden…, p. 49. 37. B. D. Kočnev, Karahanidskie monety…, p. 22. 38. B. D. Kočnev, “Svod…” č.2, p. 258, n°982-984. 39. O. Pritsak, Die Karachaniden…, p. 49. 40. V. V. Bartol’d, “Turkestan…”, p. 381. 41. Ibid. 42. B. D. Kočnev, Karahanidskie monety…, p. 31. 43. V. V. Bartol’d, “Turkestan…”, p. 382-383. 44. Muntajab ad-Dîn Badî‘ Atabîk al-Juvaynî, Stupeni soveršenstvovaniâ katibov (‘Atabât al-kataba), perevod s persidskogo, vvedenie i kommentarii G. M. Kurpalidisa [Les degrés de perfectionnement des katib (‘Atabat al-kataba). Traduction du persan, introduction et commentaires par G. M. Kurpalidis], M., 1985, p. 24. 45. B. D. Kočnev, “Svod…” č.2, p. 259, n° 1000. 46. O. Pritsak, Die Karachaniden…, p. 52. 47. Muntajab ad-Dîn…, p. 24. 48. V. V. Bartol’d, Turkestan v èpohu mongol’skogo našestviâ [Le Turkestan à l’époque de l’invasion mongole], č.1, Teksty, SPb. 1898, p. 24.

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49. Les monnaies d’Ibrâhîm b. Sulaymân ne sont pas connues, mais on connaît bien l’émission d’Ibrâhîm b. Muḥammad b. Sulaymân qui a régné plus tard. Sa titulature est complètement identique à celle qui est mentionnée dans ce document. Je pense qu’il y manque le nom du père, il faut lire « Ibrâhîm b. Muḥammad b. Sulaymân » et non pas « Ibrâhîm b. Sulaymân ». Par manque de place, il m’est impossible d’approfondir cette hypothèse, car il faudrait faire avant tout une étude textologique détaillée du document. 50. O. Pritsak, Die Karachaniden…, p. 53. 51. B. D. Kočnev, “Svod…” č.2, p. 298. 52. O. Pritsak, Die Karachaniden…, p. 54. 53. B. D. Kočnev, “Svod…” č.2, p. 262, n° 1047. 54. M. Fedorow, L. Ilisch, “Qarakhanid Gold Coins…”, p. 36, note 9. 55. V. V. Bartol’d, “Turkestan…”, (1963), p. 397. 56. O. Pritsak, Die Karachaniden…, p. 55. 57. Dr. Busso Peus Nachf. Münzhandlung. Katalog 291. Auction 30. März – 1. April 1977, n° 1339-1341. 58. En fait, j’ai attribué (sans en être tout à fait sûr) à ‘Alî b. Ḥasan b. ‘Alî le fels samarcandais sans date, et portant le nom d’‘Alî b. Ḥasan (B. D. Kočnev, Svod…” č.2, p. 262, n° 1046, p. 300), mais maintenant je crois qu’il faut l’attribuer à ‘Alî b. Ḥasan Sulaymân (‘Alî-tigîn), qui a régné au XI e siècle. Le shahâda se trouve des deux côtés de cette monnaie, comme c’était le cas sur les frappes du XIe siècle, tandis que sur les émissions du second tiers du XII e siècle, le shahâda est ou bien absent, ou bien présent sur un seule côté du cercle monétaire. 59. B. D. Kočnev, “Svod…” č.2, p. 263, n° 1050-1055. 60. B. Kochnev, “The Samarqand coins of the rebel Husain b. Abdarrahman (12th Century)”, dans : XIIth International Numismatic Congress. Abstracts of Papers. Berlin, 1997, p. 199. 61. B. D. Kočnev, “Svod…” č.2, pp. 268-264, n°1058-1064. 62. Ibid., p. 264, n° 1065. 63. Ibid., pp. 302-303. 64. Ibid. ; pp. 268-269 ; n° 1105-1106. 65. V. V. Bartol’d, “Bogra-Han, upomânutyj v Kutadgu bilik” [Bughrâ-khân, mentionné dans Qutadghu bilik], dans : Sočineniâ [Œuvres complètes], T.5, M., 1968, pp. 419-420. 66. B. D. Kočnev, “Svod…” č.2, pp. 280-281, n° 1227-1229, 1242-1245. 67. B. D. Kočnev, “Svod…” č.1, pp. 257-258, n° 797, 798, 808. 68. V. V. Bartol’d, “Bogra-Han…”, p. 419-420. 69. B. D. Kočnev, “Togryl-han i Togryl-tegin (Numizmatičeskie dannye k istorii Vostočnyh Karahanidov vo vtoroj polovine XI v.)” [Togryl-khan et Togryl-tegin (Le matériel numismatique concernant l’histoire des Karakhanides de l’est à la deuxième moitié du XIe siècle) ], Èpigrafika Vostoka [Épigraphie de l’Orient], XXIV. L., 1988, pp. 57-67. 70. M. N. Fedorov, A. M. Mokeev, “Serebrânaâ čaša XI v. iz Kyrgyzstana”, Rossijskaâ arheologiâ, 1995, n° 1, pp. 171-173. La version allemande de l’article a paru plus tard : M. N. Fedorov, A. M. Mokeev, “Eine silberne Schale des 11. Jahrunderts aus Kyrgyzstan”, Eurasia Antiqua. Zeitschrift für Archäologie Eurasiens. Bd. 2. Berlin, 1996, pp. 485-492. Cet article est écrit par deux auteurs, mais c’est Fedorov qui a rédigé la partie concernant la chronologie des Karakhanides. Malheureusement, on y voit l’approche superficielle qui caractérise toute l’œuvre de M. N. Fedorov (voir B. D. Kočnev, “O datirovke Akšyjrakskogo sosuda”, Rossijskaâ arheologiâ, 1996, n° 3, p. 211-215). 71. Un dirhem semblable a été publié par M. N. Fedorov (M. N. Fedorov, “Očerk istorii Vostočnyh Karahanidov konca X-načala XIII v. po numizmatičeskim dannym”, dans : Kirgiziâ pri Karahanidah [Le Kirghizstan sous les Karakhanides], Frunze, 1983, p. 138, n° 21), mais cette monnaie est par erreur datée de 430-434 (M. N. Fedorov, “ pri Karahanidah (po dannym numizmatiki)” [Balasaghoun sous les Karakhanides. Le matériel numismatique], Izvestiâ AN Kirg. SSR [Bulletin de

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l’Académie des Sciences de la RSS de Kirghizstan], 1975, n° 2, p. 91). La vraie date – 453 – est relevée sur les monnaies de la collection de A. M. Kamyšev et de V. G. Koševar. 72. B. D. Kočnev, “Svod…” Č.2, p. 286, n° 1315, 1321. 73. Ibid., p. 286, n° 1316-1317 ; M. Fedorov, “Some Unknown Qarakhanid Appanage Rulers of North Kirghizstan in the Time of Internecine Wars (1057-1068 A.D.)”, Jarmouk Numismatics. Vol. 11, Irbid, 1999, p. 37-38. 74. B. D. Kočnev, “Svod…” č.2, pp. 250-253. 75. Vèj Lântao, L’histoire de la dynastie Karakhanide (en chinois), Urumchi, 1986, p. 145. 76. B. D. Kočnev, “Svod…” č.2, pp. 287-288, n° 1328-1342. 77. V. V. Bartol’d, “Bogra-Han, upomânutyj v Kutadgu bilik…”, pp. 419-420. 78. B. D. Kočnev, “Svod…” č.2, p. 288, n° 1343-1345. 79. O. Pritsak, Die Karachaniden…, p. 42. 80. Ibid, p. 49 ; V. V. Bartol’d, “Očerk…”, p. 45. 81. V. V. Bartol’d, “Očerk…”, p. 45. 82. O. Pritsak, Die Karachaniden…, p. 42, 49. 83. Ibid, p. 41. 84. B. D. Kočnev, “Togryl-han…”, p. 62-63. 85. O. Pritsak, Die Karachaniden…, p. 42. 86. Ibid, p. 43. 87. V. V. Bartol’d, “Turkestan…”, pp. 427, 431. 88. V. V. Bartol’d, “Bogra-Han…”, p. 422. 89. O. Pritsak, Die Karachaniden…, p. 57. 90. B. D. Kočnev, Karahanidskie monety…, p. 27. 91. O. Pritsak, Die Karachaniden…, p. 57 ; E. A. Davidovič, “Numizmatičeskie materialy dlâ hronologii i genealogii sredneaziatskih Karahanidov” [Le matériel numismatique pour la chronologie et la généalogie des Karakhanides d’Asie centrale], Numizmatičeskij sbornik [Recueil de Numismatique], č.2 (Trudy Gosudarstvennogo istoričeskogo muzeâ [Ouvrages du Musée Historique d’État], Vyp. XXVI), M. 1957, p. 118. 92. B. D. Kočnev, Karahanidskie monety…, p. 31. 93. B. D. Kočnev, “Svod…” č.2, p. 259, n° 1008, 1009 ; p. 268, n° 1102, 1103. 94. V. V. Bartol’d, “Drevnetûrkskie nadpisi i arabskie istočniki” [Les inscriptions anciennes turques et les sources arabes], dans : Sočineniâ [Œuvres complètes], T.5, M, 1968, p. 294, note 62. 95. V. V. Bartol’d, “Turkestan…”, p. 386. 96. Les monnaies karakhanides tardives portent le nom arabisé du centre de frappe – Uzjand. 97. E. A. Davidovič, “Numizmatičeskie materialy…”, p. 118. 98. B. D. Kočnev, Karahanidskie monety…, p. 32. 99. Ibid. 100. E. A. Davidovič, “Numizmatičeskie materialy…”, p. 99-100. 101. B. D. Kočnev, “Novye numizmatičeskie dannye po istorii Karahanidov vtoroj poloviny XII- načalo XIII v.” [Nouveau matériel numismatique concernant l’histoire des Karakhanides de la seconde moitié du XIIe, début du XIIIe siècle], dans : Kirgiziâ pri Karahanidah [Le Kirghizstan sous les Karakhanides], Frunze, 1983, p. 88 ; B. D. Kočnev, “Svod…” č.2, p. 305. 102. V. V. Bartol’d, “Turkestan…”, pp. 428, 431. 103. B. D. Kočnev, “Svod…” č.2, pp. 270-275. 104. Voir : B. D. Kočnev, Karahanidskie monety…, p. 21-23 ; B. D. Kočnev, “Svod…” č.1, 2 105. M. Fedorov, “Rare Qarakhanid Coins from the Collections of Bishkek”, Oriental Numismatic Society Newsletter, n° 161. Autumn 1999, p. 10, n° 6. 106. La question des cours monétaires karakhanides a été partiellement traitée dans la thèse de doctorat de l’auteur (B. D. Kočnev. Karahanidskie monety : istočnikovedčeskoe i istoričeskoe issledovanie, M., 1993 ; leur liste a été publiée dans le résumé de cette thèse. Les noms suivants

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n’ont pas été intégrés dans le résumé en question : Adakhkat (les monnaies ne sont pas publiées), Khuṭṭalân (F. Timmermann, M. Fedorov. “An unpublished Dinar from the Wakhsh Area of present-day Tajikistan”, Oriental Numismatic Society Newsletter, N°164, summer 2000, p. 19), Dakhkat et Tirmiẕ (B. D. Kočnev. “Svod nadpisej na karahandiskih monetah : antroponimy i titulatura”, parties 1 et 2. dans : Vostočnoe istoričeskoe istočnikovedenie i special’nye istoričeskie discipliny. Fasc. 4-5, M., 1995, p. 275 ; M., 1997, p. 314.), Valvâlij (Fritz Rudolf Künker Münzenhandlung. Katalog zur 27 Auktion. Osnabrück, Mai 1996, S. 78, N° 840). Pour la localisation des noms qui figurent dans la liste, on peut se référer à l’ouvrage de A. M. Belenickij, I. B. Bentovič, O. G. Bol’šakov. Srednevekovyj gorod Srednej Azii [La ville médiévale de l’Asie centrale], L., 1973, p. 182-208 ; Û. F. Burâkov. Istoričeskaâ topografiâ Taškentskogo oazisa : istoriko- arheologičeskij očerk Cača i Ilaka [La topographie historique de l’oasis de Tachkent : une étude historique et archéologique de Chach et d’Ilak], Tachkent, 1975 ; Š. S. Kamaliddinov. Istoričeskaâ geografiâ Ûžnogo Sogda i Toharistana po araboâzyčnym istočnikam IX – načalo XIII vv., Tachkent, 1996, pp. 132-148, 169-201 ; B. D. Kočnev. “O lokahsacii domongol’skih monetnyh dvorov Fergany”, dans : Oš i Fergana v istoričeskoj perspective, Bichkek, 2000, p. 77-78.

INDEX

Keywords : chronology, genealogy, titles of honor and nobility, Qarakhanids Mots-clés : chronologie, généalogie, titres honorifiques et nobiliaires, Karakhanides

AUTEURS

BORIS KOČNEV

Institut d’archéologie de l’Académie des Sciences, Samarcande, Ouzbékistan

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Qarakhanid Studies A View from the Qara Khitai Edge

Michal Biran

AUTHOR'S NOTE

I would like to thank Dr. Yuri Pines (The Hebrew University of Jerusalem) for his valuable comments on this study.

1 People often confuse the Qarakhanids with the Qara Khitai. Indeed, the two dynasties bore the title “Qara” (black), and ruled roughly the same territory in close chronological proximity. Moreover, from the early twelfth century and until nearly the end of their rule, the Qarakhanids were vassals of the Qara Khitai. Not less significant for the purpose of this study, both dynasties are poorly-documented and therefore have attracted relatively meager scholarly attention, a fact that adds to the general confusion. Despite these similarities, however, there are also obvious differences between the two dynasties. Perhaps the most important one is that the Qarakhanids embraced Islam and became the first Muslim Turkic dynasty, while the Qara Khitai, despite their close familiarity with the Muslim world, continued to adhere to their former religious tradition (of native Khitan religion as well as of Buddhism). Another major difference is that while the Qarakhanids originated in the Steppes, the Qara Khitai came to Central Asia after more than two hundred years during which they had ruled Manchuria, and parts of north as the Liao dynasty (907-1125). Throughout their rule in Central Asia (1124-1218), the Qara Khitai retained several Chinese features and were considered a legitimate Chinese dynasty, known as the Western Liao (Xi Liao), by traditional Chinese historiography. Contemporary Muslim authors, although usually referring to the Western Liao as Qara Khitai or just Khitā, often denote its rulers as “the Chinese”.1 One of the practical implications of this last feature of the Qara Khitai is that it is obvious to any of the still few scholars who deal with the Qara Khitai that they should combine information from Muslim and Chinese sources. This notion is much less obvious to those dealing with the Qarakhanids.

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2 What this short and somewhat impressionistic study, deriving mainly from my own work on the Qara Khitai, would like to stress, is that in order to write a fuller history of the Qarakhanids, one must also take into account the Chinese sources for Qarakhanid history, both literary and archaeological. Moreover, taking into account the eastern and western sources can also illuminate an important, albeit frequently neglected, aspect of Qarakhanid history, namely their role in the Silk Road trade and in their contemporary world system. 3 An important reservation should be added at this stage:Chinese materials are unlikely to create a revolution in Qarakhanid studies. The archaeological literature is not abundant, and Chinese literary sources on the Qarakhanids are fragmentary. Like most of the Muslim sources, they were written by people from outside the Qarakhanid realm, who often misunderstood them. Moreover, as will be discussed below, there is no consensus even regarding the question of which Chinese designations refer to the Qarakhanids. Yet, ignoring the Chinese information, meager as it is, is counter productive, particularly in the light of the paucity of literary sources on the Qarakhanids. Only systematic synthesis of contemporary and later works with the archaeological literature can provide a fuller picture of Qarakhanid history, especially of its economic and intellectual aspects.

The Qarakhanids and China

4 Qarakhanid inclusion in the Chinese orbit is much less obvious than that of the Qara Khitai. Yet, part of the Qarakhanid territory, and most of the territory of the eastern khanate, are now included in the Chinese province of Xinjiang. Therefore, archaeological and numismatic studies of the remnants of the dynasty are conducted mainly in Chinese. However, the Qarakhanid connection with China is not only a product of modern boundaries. During the early part of the Tang period (618-906), until the battle of Talas in 751, most of what later became the Qarakhanid territories were under Chinese suzerainty as part of the Anxi province of the Tang. In the Qarakhanid realm of the eleventh-twelfth centuries, China, though vaguely known, was closely connected with notions of grandeur and prestige. Most of the Muslim regions subject to the Qarakhanids (e.g., , Transoxania) considered themselves to have been parts of China, if not in the present then in the past.2 Moreover, among the Qarakhanid rulers the title Tamghaj (or Ṭabgâch) Khan (Turkic:the Khan of China) was a highly prestigious title, translated as “of great and inveterate rule.”3 The Arabic form of this title, Malik al-mashriq wa’l-Ṣīn (the King of China and the East) also stresses the connection with China. The wide use of the title among Qarakhanid rulers is apparent at least from the early eleventh century, and after the dissolution of the Qarakhanid realm into eastern and western khanates in 1041, Tamghaj Khan was used by most of the rulers of the western khanate, and by several important rulers of the eastern khanate.4 This high status of China in the Qarakhanid realm certainly facilitated the ability of the “Chinese” but non-Muslim Qara Khitai to legitimize their rule among their Muslim subjects.5 It also testifies to the importance the Qarakhanids ascribed to their eastern neighbors. Indeed, the Qarakhanids established commercial and sometimes even matrimonial relations with the Sinitic states of their time:the Khitan state of the Liao (907-1125), and its successor in Manchuria and north China, the Jurchen Jin dynasty (1115-1234), the Han-Chinese Song dynasty (960-1279), and the

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Tangut state of the Xi Xia centered in Gansu (1032-1227)6. It is from the fragmentary and scattered information in the sources of those dynasties that we can collate some information about the Qarakhanids.

What are the Qarakhanids called in Chinese?

5 The contemporary Chinese usages – Kalahan, Halahan or Heihan (black [i.e. Qara] khan) – are transliterations or translations of the modern term Qarakhanids, although the usage Heihan appears at least in two literary works of the Song dynasty. 7 Yet in order to find out what Chinese sources have to say about the Qarakhanids, one has first to ascertain what the Qarakhanid were called in Chinese medieval sources. The answer to this question, however, is not at all obvious, and, moreover, is often connected to one of the most highly debated issues in Chinese scholarship on the Qarakhanids, the question of their origins.8 Thus, for example, Wei Liangtao, one of the leading Chinese authorities on the Qarakhanids, identifies them with the names of the Heihan mentioned three times in the official history of the Song dynasty (the Song shi) where it refers to a particular group of Uighurs, that after the dissolution of the Uighur empire in 840 migrated westward, and later settled in Khotan.9 Due to his belief in the Uighur origin of the Qarakhanids, Wei also identified the term Asalan Huigu (the Arslan Uighurs), that appears frequently in the official history of the Liao dynasty, the Liao shi as referring to the Qarakhanids.10 Both conclusions are rejected by Liu Yingsheng. 11 Another possible term relating to the Qarakhanids is the more general designation Dashi. Dashi derives from the Arabic nisba of the ‘Tāy tribe (ṭāzî), that eventually developed into the term Tajik. In Chinese it originally meant Arabs or Arabia. Gradually it included the subjects of the Arab empire, including Persians and later Turks. Eventually the term signified Muslims in general. In the Song shi section devoted to the Dashi, the state is defined as originating in Iran (Bosi). yet Qian Baiquan claimed that some of the references to the Dashi in the Song shi actually refer to the Qarakhanids. 12 To make things more complicated, Dashi sounds just like the first name of the founder of the Qara Khitai dynasty, Yelii Dashi (1087-1143). Yelti Dashi’s successors also bore his first name as a title, and the Qara Khitai state is often denotes in Chinese sources as “the state of Dashi.”13 Pritsak also tends to identify some early tenth century general references to the Tujue (Turks) as relating to the Qarakhanids. 14 Some of those identifications are certainly questionable, and more research is needed to determine whether all or most of them are correct. Those who accept them, however, use the chapters devoted to the Uighurs (Huihu) and the Dashi in the official histories of the Tang (the old and new Tang history, Jiu Tang shu and Xin Tang shu) and the Song as relevant for the Qarakhanids. One may feel on firmer ground when looking at the sections of the Chinese histories that deal with place names in the Qarakhanid territory, most notably Khotan (Yutian). The official histories of the Song and the Liao, as well as the collection of Song memorials the Song huiyao, all have special sections on Khotan, and one can consider their material from the eleventh century onward as relating to the Qarakhanids. Other Qarakhanid cities, such as (Qiuci) or Balasaghun (Husi woerduo or its variants), are also mentioned in those and other Chinese sources. For example, Balasaghun is mentioned in the official history of the Jin dynasty, the Jin shi, while Khotan is also mentioned in several Song literary works (see above). The information about those places reflects mainly the close commercial and diplomatic relations between Khotan and the Song and Liao states, (or the less frequent

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relations between Balasaghuni merchants and the Jin). This kind of information is also what can be gleaned from the other Chinese materials in which the other possible Qarakhanid designations appear.

The Archaeological and Numismatic Evidence

6 As in the western realm of the Qarakhanids, the main remnants of the dynasty in its eastern territories are its coins. Most of the numismatic evidence unearthed before or in the 1980s is neatly summarized in Jiang Qixiang’s monograph on Qarakhanid coins from Xinjiang. The book reviews the findings of the Qarakhanid coins, both the Artux (Atushi) hoard with its 18,000 coins and the smaller hoards found in south Xinjiang, that add up to several few thousand coins. However, most of those coins are undated, and the mint is also lacking in many of them. A considerable number of those coins (about 500) bear the name of Sulaymān Qadr Tamghaj Khan, whom Jiang identifies as Sulaymān b. Yūsuf (1032-1056). The Artux hoard also includes nine coins of the Northern Song dynasty, dated to the period between 1004-1007 (Jingde) and 1111-1117 (Zhenghe), thereby attesting to the commercial relations between the two kingdoms, and to the possible dating of the coins.15 The Moyu hoard unearthed near Khotan in 1992 contains only two Qarakhanid coins but more than 1 000 bronze coins of the Northern Song. This fact encouraged the Khotanese archaeologists to suggest that Song coinage was the currency of the Qarakhanids.16

7 The literature dealing with Qarakhanid non-numismatic remains is also very limited. However the findings (in the vicinity of Artux, Kashgar and Khotan) include several buildings, especially Muslim shrines (mazār), most notably the shrine of Artux, allegedly built by Satuq Bughra Khan after he adopted Islam in the early 10th century, as well as glass vessels, copper articles and several kinds of cloth.17 8 Another kind of evidence is provided by the Dunhuang documents.18 Most relevant among them is a Khotanese letter, written in 970 by the king of Khotan and sent to the prince of Shazhou (Dunhuang), which describes the eight-years’ war with the Qarakhanids of Kashgar19. Other Dunhuang documents can also be a source hitherto not widely used for Qarakhanid studies.20

The State of Research

9 So far, the use of Chinese sources for Qarakhanid history has remained almost exclusively in the hands of Chinese scholars. While Chinese scholars are certainly aware of non-Chinese sources and studies on the Qarakhanids,21 though they are not always updated, non-Chinese scholars tend to ignore Chinese materials completely. Chinese scholars have access to Muslim sources on the Qarakhanids directly (as in the case of Hua Tao), or more often through secondary means. These include the collections of sources published in the Soviet Central Asian republics, such as Materialy po istorii Kirgizov i Kirgizii (Information on the history of the Qyrghyz and Qyrghyzstan). 22 Although the Russian translations are usually accurate, the reading of selected passages instead of the whole book can sometimes distort the historical context. Another channel to Muslim sources is the use of the ever-growing body of scholarly translations of Muslim literary works to Chinese. Apart from two of the three main

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Qarakhanid-Turkic literary works (Qutadghu Bilig and ‘Atabat al-Haqā’iq), 23 there are Chinese translations of the major works of the Persian historians of the Mongols, Juwaynī and Rashīd al-Dīn, the first at least is crucial for understanding the end of the Qarakhanids;of Jamal Qarshi’s Mulkhaqāt al-ṣurāḥ, that cites from the now lost eleventh century history of Kashgar one of the most detailed descriptions of Satuq’s islamization; and of other important Arabic works such as Mas‘ūdī’s Murūj al-dhahab. Chinese scholars also have access to Muslim sources through the secondary works such as those of Barthold, Pritsak, and the general Soviet works on the histories of the Central Asian peoples and republics24. The Chinese debate on Qarakhanid origins, for example, takes into account the western approaches to the issue, notably Barthold’s Yaghma hypothesis and Pritsak’s Qarluq theory,25 while Central Asian or Western literature ignores the Chinese viewpoint altogether. This is also true in the field of numismatics,26 where certain Russian articles are even translated to Chinese, but not vice versa. It should also be noted that since some of the archaeological and numismatic studies were carried out after the publication of Wei Liangtao’s monograph on the Qarakhanids in 1986,27 and since there has been no serious attempt at a new synthesis of the subject since then, the Chinese numismatic and archaeological materials are not fully used even by Chinese scholars.28

10 What then can Chinese sources and studies on the Qarakhanids add to the general knowledge of this dynasty? Their main contribution is, quite naturally, related to the history of the eastern realm of the Qarakhanid, that later became the eastern khanate, which is usually marginalized in the research literature written outside China.29 Not only can we obtain much more information on the conquest of Khotan, but the social and economic history of the Qarakhanids in general, and the eastern khanate in particular, can also be advanced by the information gained through its coins and other remains. Certainly the old debate on Qarakhanid origins can be enriched, though not necessarily concluded, by adding Chinese views on the subject. Another theme that can greatly benefit from Chinese materials is the Qarakhanid role in the Silk Road trade detected through their connections with the Chinese states.

Qarakhanids, the Silk Road and World System

11 Despite the recent “boom” in Silk Road studies, perhaps the most neglected period is that of the tenth till twelfth centuries, a period which is generally described as “a time of decline.” This decline is explained by the dissolution of the , from the late ninth century, on the one hand, and by the slightly earlier disintegration of the Abbasid Caliphate’s eastern provinces, on the other.30

12 Certainly east-west contacts were more developed at the height of the Tang or under the Mongol world empire. Yet describing the tenth to twelfth centuries simply as a “time of decline,” contradicts at least two other oftenrepeated facts. The first is that the name Khitai (or Cathay), originating in the nomadic Khitans who ruled Mongolia, Manchuria and parts of north China for more than 200 years (907-1125), and flourished in Central Asia as the Qara Khitai for nearly a century afterwards, became the standard name for China in , West Asia and Europe.31 The second, is that this same period was also a time of great Islamic expansion to the east, which led to the conversion of many Central Asian Turks, including of course the Qarakhanids.32 It is therefore clear that cross-cultural contacts continued during this period, and with quite a significant

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scope, though the political fragmentation and the nature of the sources make it more difficult to follow them closely. 13 In order to reconstruct this “neglected Silk Road,” one has to combine information from both east and west, using literary and archaeological sources together. My own work on the Qara Khitai, that deals with the twelfth century, suggests that Jin and Song artifacts found their way to Balasaghun and ,33 and that Khitāirobes were highly appreciated among the Saljūqs and the Khwārizm shāhs.34 Qara Khitai wine, on the other hand, was warmly welcomed in Jin markets,35 and Muslim Balasaghuni merchants, as well as other Qara Khitai subjects, arrived at Jin markets, though not regularly.36 Most of the Qara Khitai eastern trade (and therefore also Qarakhanid trade) seems to have been conducted through the Tangut state,37 and Muslim traders from Bukhara, Khojand and Turkestan also conducted trade with Mongolia.38 14 The Khitan Liao dynasty, the forefathers of the Qara Khitai, probably played a prominent role in the Silk Road trade of the tenth to early-twelfth centuries. Although there are Chinese studies on the Khitans’ role in the Silk Road,39 the reconstruction of Central Asian trade with China in this period could benefit greatly not only from taking into account the remains in Xinjiang, but also from a fuller use of the vast materials from the Liao tombs, a significant number of which have been excavated in the last decades in north China.40 The rich findings of the Liao tombs include several artifacts of Muslim origin. A first attempt to exploit this material is Ma Wenkuan’s article, which focuses on Islamic glass vessels found in Liao tombs and pagodas, and concludes that they reached the Liao through the Qarakhanids.41 15 For the question of islamization in this period, Chinese works are usually less useful.42 For clarifying this aspect, or perhaps the intellectual atmosphere of the Qarakhanid realm in general, a closer look at the Muslim religious works from the Qarakhanid period can be helpful. Those Arabic texts, many of them still in manuscript, include several Ḥanafî legal works,43 as well as treatises dealing with religious concepts; books of sermons; theological works etc.,44 most of them written under the western Qarakhanids. While many of these works are liable simply to reproduce former works or to ignore contemporary events completely, some can shed a certain light on the issues involved. For example, Kitab al-siyar, part of the famous legal work of Qāḍî Khan, that was composed in late twelfth century Farghāna, contains an indirect evidence of religious syncretism. While discussing the issue of whom Muslims are allowed to take captive in dār al-ḥarb, Qāḍî Khan insisted that they were allowed to capture those who fasted, read the Qur’ān, but also worshipped idols or venerated their own kings.45 Qādî Khan might not have treated those syncretics as Muslims, but what is important for us here is that we have a concrete proof of the often claimed (but rarely documented) notion of syncretism (people using Muslim rites together with their own), as a stage in the islamization process. 16 A much better example of the possible use of Muslim religious works as a source for Qarakhanid religious (and political) history, though not with regard to islamization, is given in Shahab Ahmed’s recent study of al-Faryābī’s Kitāb khāliṣat al-ḥaqā’iq, written in Bukhara in 1200A.D. Faryābī’s book on morality and piety was dedicated to a Bukharan ṣadr ṣudūr al-‘ālam, that Ahmed identifies with the Burhānid ṣadr, Muḥammad II b. Aḥmad (d.1219). Yet the author also praises Ibrāhīm, the Sultan of Samarkand, thereby asserting the rule of the Qarakhanid Ibrāhīm b. Ḥusayn in Bukhara at that time. More important, al-Faryābī’s book contains a bibliography of the works on which he drew for

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compiling it. By analyzing this bibliography and identifying the scholars on Faryābī’s list, Ahmed concluded that the great majority of those scholars came from Transoxania and Khurāsān, and that a regional north-eastern Islamic tradition evolved, especially in the eleventh-twelfth centuries, in the western Qarakhanid realm.46 The use of Muslim religious works therefore can result in a better understanding of the intellectual background of an important segment of the western Qarakhanid elite, and in broadening the discussion of Qarakhanid intellectual culture, which often tends to emphasize only the major two surviving Turkic works (or three if we count the ‘Atabat al-ḥaqā’iq as well). 17 The intellectual boundaries, just like the trade routes, are not identical with political boundaries (the Qarakhanids never ruled in Khurāsān, for example),47 but the general context in both east and west, in which the Qarakhanid were active, is essential for understanding their history, and their role on the frontiers of both China and the Muslim world. 18 To sum up, the reconstruction of Qarakhanid history, just like that of the Qara Khitai, is certainly not going to be an easy task. It requires the use of several languages and disciplines, and the painstaking work of combining fragmentary bits of information and trying to make sense out of them. Yet, the juxtaposition of eastern and western information, including both a fresh look on old sources and a first look on new kinds of sources, can move Qarakhanid studies at least one step forward.

APPENDIXES

GLOSSARY OF CHINESE CHARACTERS

Asalan Huihu: 阿薩蘭回鶻 Atushi: 阿圖什 Bosi: 波斯 Dashi (Arabs, Muslim Qarakhanids): 大食 Dashi (Western Liao): 大石 Dunhuang: 敦煌 Halahan: 哈喇汗 Hei han (as in the Song shi): 黑韓 Hei han (black han): 黑汗 Heiyi Dashi: 黑依大食 Hua Tao: 華濤 Huihu: 回鶻 Husi woerduo (Gusi eluduo): 虎思斡耳朵 (骨思訛魯朵) Jiang Qixiang: 蔣其詳 Jin: 金Jin shi: 金史 Jingde: 景德Jiu Tang shu: 舊唐書

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Kalahan: 喀喇汗 Liao: 遼Liao shi: 遼史 Ma Wenkuan : 馬文寬 Moyu: 墨玉 Qiuci: 龜茲 Shazhou: 沙州 Song: 宋Song huiyao: 宋會要Song shi: 宋史 Tujue: 突厥 Wei Liangtao: 魏良弢 Xi Liao: 西遼 Xi Xia: 西夏Xin Tangshu: 新唐書 Yelü Dashi: 耶律大石 Yutian (Khotan): 于闐 Zhenghe: 政和

NOTES

1. For the Qara Khitai see M. Biran, “China, Nomads and Islam:The Qara Khitai (Western Liao) Dynasty”, unpublished Ph.D dissertation, The Hebrew University of Jerusalem, 2000; Ji Zongan, Xi Liao shi lun:Yelü Dashi yanjiu (Historical essay on the Western Liao:Yelü Dashi’s studies), Urumchi, 1996; Wei Liangtao, Xi Liao shi gao (A draft history of the Western Liao), Beijing, 1991; Wei Liangtao, Xi Liao shi yanjiu (Studies on Western Liao history), Ningxia, 1987; G. G. Pikov, Zapadnye Kidani, Novosibirsk, 1989; K. A. Wittfogel and Feng Chia-sheng, History of Chinese Society:Liao (907-1125), Philadelphia, 1949, pp. 619-74; V. V. Barthold, Turkestan down to the Mongol Invasion, 4th ed., London, 1968, pp. 323-80. 2. Biran, “China, Nomads and Islam”, pp. 191-99; M. Biran, “Sinicization outside of China:The Case of the Western Liao,” paper read at the 51st annual meeting of the American Association of Asian Studies, Boston, March 1999. 3. Maḥmūd Kāshgharī, Compendium of the Turkic Dialects (Dīwān Lughāt al-Turk), trans. R. Dankoff in collaboration with J. Kelly, Cambridge, Mass., 1982-85, vol. 1, p. 341. Tamghaj derives from the name of the Tabgach, the royal clan of the Northern Wei dynasty (386-534), transcribed Tuoba in Chinese. It was the common Turkic name for China in the Orkhon inscriptions and till the early 13th century. See Jiang Qixiang, Xinjiang Hei Han chao qianbi (Coins of the Qarakhanid dynasty of Xinjiang), Urumchi, 1990, pp. 106-7; Zhou Jianqi, “Guanyu Taohuashi,” (On Tamghaj), Nei Menggu daxue xuebao, 1985, no. 4, pp. 57-65; Biran, “China, Nomads and Islam,” pp.196-8. 4. B. D. Kochnev, Karakhanidskie monety:Istochnikovedcheskoe i istoricheskoe issledovanie, Moscow, 1993, pp. 22-3; Jiang Qixiang, p.107; Biran, “China, Nomads and Islam,” p. 197. 5. Biran, “China, Nomads and Islam,” pp. 198-200. 6. See, e.g., Wei Liangtao, “Kalahan wangchao yu Song, Liao ji Gaochang Huigu de guanxi”, (On the relations between the Qarakhanids and the Liao, Song and the Uighurs of Gaochang), Zhongya xuekan, vol.1 (1983), pp. 212-23; Qian Baiquan, “Dashi yu Liao chao de jiaowang he Yelü Dashi de xizheng” (The contacts between the Liao dynasty and the Qarakhanids and their connection to Yelü Dashi’s journey westward) Zhongguo gudai shi (er), 1995, no.6, pp. 24-31; Zhang Yu, “Caoyuan Sichou zhi lu – Qidan yu Xi Yu” (The grassland Silk Road:The Khitans and the Western Regions), in:Nei Menggu dongbu qu kaogu xue wenhua yanjiu xue, Beijing, 1991, pp. 110-18; D. Sinor, “The Kitans and the Kara Kitay,” in M. S. Asimov and C.E. Bosworth (eds.), History of Civilizations of Central Asia. Vol. IV:The Age of Acheivements 750AD to the end of the Fifteenth Century. Part One:The Historical, Social and Economic Setting, Paris, 1998, pp. 227-42; L. Sokolovskaya and A. Rougelle,

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“Stratified Finds of Chinese Porcelains from Pre-Mongol Samarqand (),” Bulletin of the Asia Institute, vol. 4 (1992), pp. 87-98. 7. Wei Liangtao, “Guanyu Kalahan wangchao qiyuan de ji ge wenti” (Some questions related to the problem of Qarakhanid origin), Minzu yanjiu, 2000, no.4, p. 61. The two works are Cai Tao’s Tiewei shan congtan (Collection of talks from the Iron mountains surrounding this mundane world) written in south China c. 1130 and Zhang Shinan’s Youhuan jiwen (Zhang Shinan’s literary collection), also written in south China in the early 13th century. Both mention the term as a title of the ruler of Khotan. On those works see, e.g., E. Hervouet, ed. A Sung Bibliography (Hong Kong, 1978), pp. 105, 339-40. The Heihan mentioned in the Song shi is written differently (see glossary). 8. For details, see Liu Yingsheng’s article in this volume. 9. Tuo Tuo, Song shi, (Beijing, 1977), ch. 490, pp. 14107, 14117. Wei Liangtao, “Kalahan wangchao qiyuan Huihu shuo bu zheng,” (Supplement to the hypothesis of the Uighur origin of the Qarakhanids), Lishiyanjiu, 1983, no. 3, pp. 112-19; Wei Liangtao, “Guanyu Kalahan wangchao qiyuan,” pp. 59-60. 10. Tuo Tuo, Liao shi, Beijing, 1974, e.g. pp. 35, 47, 91, 93, 100, 130, 133, 140, 142, 148, 161, 232, 245, 267, 429, 756, 1125, 1373, 1382. Wei Liangtao, “Kalahan wangchao yu Song, Liao”, pp. 212-23. 11. See Liu Yingsheng’s article in this volume. 12. Qiao Baiquan, “Dashi, Heiyi Dashi, Kalahan wangchao kaoshi,” (Dashi, black-clothes’ Dashi, an inspective factualization of the Qarakhanid dynasty), Minzu yanjiu, 1995, no. 1, pp. 75-82. A term equivalent to the “black clothes” Dashi appears in a Dunhuang Khotanese text that relates the Qarakhanid war with Khotan, about which see below; in the Song shi, ch. 490, p.14118, the same term refers to the Abbasid dynasty (750-1258), famous by its black flags. 13. See, e.g., Tuo Tuo, Jinshi (Beijing, 1976), ch. 121, p. 2637; Yuan Haowen, Yishan xianshengji (no place stated, 1850), ch.1, p. 2a; Wu Guangcheng, Xi Xia shu shi, Taibei, 1968, ch. 38, p.10b. 14. O. Pritsak, “Von dem Karluk zu den Karachaniden,” ZDMG, vol. 101 (1951), pp. 294-5 and see the criticism of this identification in Hua Tao, “Kalahan chaowang shizushu wenti yanjiu,” (On the Origins of the Qarakhanids), Yuanshiji beifang minzu shi yanjiu jikan, vol. 12-13 (1990), p. 111. 15. Jiang Qixiang, Xinjiang Heihan, passim:for later literature on Qarakhanid coins see, e.g., Wang Tao, “Xin faxian de yi bi Taohuashi Kehan qianbi”, (Newly found coin of Tamghaj Khaqan), Xinjiang qianbi, 1996, no.3. 16. Li Yinping, “Xinjiang Moyu xian chutu de jiaocang tong qian,” (Bronze coins unearthed from a hoard in Moyu county, Xinjiang), Xinjiang wenwu, 1996, no. 1, pp. 64-68. 17. See, e.g., Jiang Qixiang, “Atushi, Kashi, Hetian diqu Qalahan chao yiji diaocha,” (A Survey of the ruins of Karakhan [sic] period in Artux, Kashgar and Khotan perfectures), in Xinjiang wenwu kaogu xin shouhuo, 1979-1989 (New achievements in archaeological research in Xinjiang during the time span 1979-1989), Urumchi, 1995, pp. 582-92; Li Yinping, “Heihan wangchao shiqi de liang jian tongqi,” (Two copper articles of the Qarakhanids), Xinjiang wenwu, 1996, n° 3, pp. 84-87. 18. For an introduction to the huge collection of Dunhuang manuscripts, the earliest dated from 359 and the latest from 1196, which were discovered in the in the early twentieth century see, e.g., E. Wilkinson, Chinese History:A Manual, Cambridge, Mass., 1998, 791-99 and the references there. 19. The Khotanese text was published in 1964 by Bailey, who translated it to English. (H. Bailey, Khotanese Texts vol. 2 [1964], pp.125-29). In 1984 it was translated to Chinese, and published in the periodical Lishi dili (1984, no.3). 20. The easiest access to the Dunhuang texts as well as to information on new discoveries from Dunhuang is through the International Dunhuang Project Website (http://idp.bl.uk). 21. See, e.g., Wei Liangtao, “Guanyu Halahan wangchao de shiliao, wenxian ji yanjiu qinkuang,” (On the historical sources, documents and the state of research on the Qarakhanid dynasty), Xinjiang daxue xuebao, 1982, pp. 43-54. 22. Edited by Institut Vostokovedeniia AN SSSR and Institut Istorii AN KirgSSR, Moscow, 1973.

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23. There is also an Uighur translation of Kashghari’s Dīwān Lughāt al-Turk published in 1981. 24. E.g., B. G. Gafurov, Istoriia Tadzhikskogo naroda, Moscow, 1964; M. P. Viatkin et al (eds.), Istoriia Kirgizii, Frunze, 1956; Akademiia Nauk Kazakhskoj SSR. Istoriia Kazakhskoj SSR, Almaty, 1979. Several of Barthold’s work, including A ShortHistory of Turkestan and Zwölf Vorlesungen über die Geschichte der Türken Mittelasiens were translated into Chinese in the 1980s. 25. See Wei Liangtao’s articles mentioned in n. 9 and Hua Tao, loc.cit. Non of those, however, mentions later developments on the subject, such as Karaev’s Cigil hypothesis (O. Karaev, Istoriia Karakhanidskogo kaganata [Frunze, 1983], 74-80; I never saw this monograph mentioned in Chinese studies), or Kochnev’s recent contribution (B. D. Kochnev, “The Origins of the Qarakhanids:A Reconsideration,” Der Islam, vol. 73 [1996], pp. 352-7). I did not, however, have access to Hua Tao’s recent book (published in 2000, and see Liu Yingsheng’s article in this volume), which might be more updated. 26. Cf. for example the reference in Jiang Qixiang’s book (n.3) to coins of the eastern khanate found outside of China (see especially the table in pp. 36-43, based on the works of Fedorov, Davidovich etc.), with Kochnev’s article on the eastern khanate that ignores Chinese material all- together. (B. D. Kochnev, “The Trade Relations of Eastern Turkestan and Central Asia in the Eleventh and Twelfth Centuries according to Numismatic Data,” Silk Road Art and Archaeology, vol. 3 (1993/4), pp. 277-89. 27. Wei Liangtao, Kalahari wangchao shi gao (A draft history of the Qarakhanid dynasty), Urumchi, 1986. 28. For a recent attempt of synthesis, heavily drawing on Wei’s studies see, e.g., Li Jinxin, Xinjiang Yiselan hanchao shilue (An outline history of the Muslim khanates of Xinjiang), Beijing, 1999), pp. 2-100. 29. For a recent example see, e.g., E.A. Davidovich, “The Karakhanids”, in Asimov and Bosworth, pp. 119-44. 30. See, e.g., D. Christian, “Silk Roads or Steppe Roads?The Silk Roads in World History,” Journal of World History, vol. 11 (2000), pp. 1-26, who hardly treats the period between the Tang and the Mongols; M. Rossabi, “The Decline of the Central Asian Caravan Trade,” in G. Seaman (ed.) Ecology and Empire, Los Angeles, 1989, p.81; J. Bohavia, The Silk Road, 6th edition, Hong Kong, 1999, 29-30. Moreover, even books that specifically deal with this period usually hardly mention the Qarakhanids as participants in the medieval world system. Thus, Bently does not mention the Qarakhanids at all in his discussion of the period of 1000-1350AD (J. Bentley, Old World Encounters, Oxford, 1993, pp. 111-64; the same is true for Liu Xinru, Silk and Religion:An Exploration of Material Life and the Thought of People_AD 600-1200, Oxford, 1998, whose only reference to the Muslim world between the 10th-12th centuries is on p.184; see also the very short note in LiuYingsheng, Sichou wenhua:Caoyuan juan (The Culture of the Silk Road:The Grassland), Zhejiang, 1995, pp. 234-6. 31. See, e.g., P. Pelliot, Notes on Marco Polo, Paris, 1973, vol. 1, pp. 221ff. 32. See, e.g., P. B. Golden, “The Karakhanids and Early Islam,” in D. Sinor (ed.), The Cambridge History of Early Inner Asia, Cambridge, 1990, pp. 343-70. 33. Sokolovskaya and Rougeulle, pp. 87-98; “Saheng Tayi, Fukangxian, Sangongxiang Xi Liao tong jing,” (A Western Liao bronze mirror of the Sangong village in the Fukang county), in Zhongguo kaogu xue nianjian, 1993, Beijing, 1995, pp. 265-6; Bernshtam, Trudy Semirechenskoj arkheologicheskoj expeditsii Chujskaia dolina, Moscow, 1950, pp. 47-55, 139-42. 34. Ibn Isfandiyār, Ta’rīkh-i Ṭabaristān (n.p.s., 1941), vol. 2, p. 130; Nīshāpūrī, Saljūq nāmah, Tehran, 1954, p.74. 35. Yuan Haowen, ch.1, p.2a. 36. Tuo Tuo, Jin shi, ch. 50, p. 1114; ch. 121, p. 2637; ch. 134, p. 2870. 37. See E. I. Kychanov (trans. and ed.), Izmenennyi i zanovo utverzhdennyi kodeks devisa tsarstvovaniia nebesnoe protsvetanie (1149-1169), Moscow, 1987, vol. 2, pp. 225-27 (ch. 7, art. 440), and the discussion in Biran, “China, Nomads and Islam,” p. 272.

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38. See in general Biran, “China, Nomads and Islam,” pp. 271-73. 39. See, e.g.,Chinese studies mentioned in n. 6 above. 40. For locating recent literature on Liao tombs see e.g. the annual Zhongguo kaogu xue nianjian (Yearbook of Chinese archaeology), and since 1996 also the periodical Archaeology and Art Index published in Hong Kong. For an attempt to analyze the materials in Liao tombs (though without any connection to the Qarakhanids or the Muslim world) see Tsao Hsingyuan, “From Appropriation to Possession:A Study of the Cultural Identity of the Liao through their pictorial Art”, unpublished Ph.D dissertation, Stanford, 1996. 41. Ma Wenkuan, “Liao mo Liao ta chu tu de Yiselan boli: Jiangtan Liao yu Yiselan shijie de guangxi,” (Islamic glass unearthed in Liao tombs and pagodas:the relations between the Liao and the Muslim world), Kaogu, 1994, no. 8, pp. 736-43. 42. Though not necessarily. See, e.g., the famous remark of Wugusun Zhongduan, who in 1220 was sent by the Jin dynasty to Transoxania to offer Chinggis Khan a peace agreement with the Jurchens. In his travelogue, Wugusun included a short history of the Qara Khitai which he ended with the note that “now there are only few of them left, and their dress is like that of the Muslims (Huihe).” This statement is often taken as a proof of the islamization of the remnants of the Qara Khitai after the dissolution of their empire. See the discussion in Biran, “China, Nomads and Islam,” p. 390. 43. For a preliminary list see the relevant entries in C. Brockelman, Geschichte der arabischen Litteratur, Leiden, 1943, vol. 1, pp. 459-479 (e.g. entries no. 4, 10, 11, 12, 16, 18, 19, 21, 23, 24, 27, 30, 31, 41). 44. See, e.g. Brockelman, vol. 1, pp.548-9, 568. 45. Qāḍî Khān, Fatāwa Qāḍî Khān (Cairo, 1892-3), vol. 1, p. 585. Even if this legal discussion began before Qāḍî Khan’s times, it is still significant that he chose to reproduce them in his book. Cited in Biran, “China, Nomads and Islam,” p. 391. 46. Shahab Ahmed, “Mapping the World of a Scholar in Sixth/Twelfth Century Bukhara:Regional Tradition in Medieval Islamic Scholarship as Reflected in a Bibliography,” Journal of the American Oriental Society, vol. 120, no.1 (2000), pp. 24-43. 47. Ahmed, 43.

INDEX

Mots-clés: sources, numismatique, frontières, Karakhanides Keywords: sources, numismatics, boundaries, Qarakhanids

AUTHOR

MICHAL BIRAN

The Hebrew University of Jerusalem

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À propos de deux capitales du kaghanat karakhanide

Valentina Gorâčeva Traduction : Alié Akimova

1 L’actuel territoire du Kirghizstan a été le centre historique des Turks anciens depuis le Ve siècle jusqu’à l’abolition de leur empire par les Khorezmchahs et les Mongols au début du XIIIe siècle. C’est là où se trouvaient les capitales permanentes (Ordukent, Taraz, Souyab, Naveka, Balasaghoun, Ouzgend), et les capitales d’été (Minbulak, Kemin) des Turks-Tugou, des Turgech, des Karlouks et des Karakhanides.

2 À la fin du XIXe et au début du XXe siècle, l’académicien V. V. Bartol’d, en compilant les sources historiques concernant les peuples turciques du Semiretchie, a démontré que ces capitales se trouvaient dans les vallées du Tchou et du Talas (Ouzgend dans la vallée de Ferghana). Par la suite, leur localisation a été précisée davantage grâce aux fouilles archéologiques menées dans la région. 3 La localisation de ces capitales a été au centre des recherches que j’ai effectuées et dont les résultats ont pris place dans plusieurs publications et dans la thèse que j’ai consacrée à la culture urbaine du Kirghizstan à l’époque des Karakhanides. D’autres études – géographiques, épigraphiques et numismatiques –, confirment la localisation que j’ai déterminée, et apportent de nouvelles données concernant l’histoire des Karakhanides. 4 Ces éléments me permettent ainsi de proposer une synthèse des connaissances actuelles sur la partie ouest du kaghanat karakhanide, en particulier sur Balasaghoun (Kuz-Ordu) et Ouzgend.

I. Balasaghoun – Kuz-Ordu dans le Semiretchie

5 On appelle par ces noms la capitale du kaghanat karakhanide fondée en 940 par une nouvelle dynastie, issue du milieu karlouk, yagma et tchigil, et appelée dans les sources arabo-persanes “la Maison d’Afrasiab”. À partir de 1130-31, Balasaghoun devient la capitale d’Eluy Dashi, fondateur de l’État des Khitans ou Liao occidentaux. Sans aborder

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l’histoire politique des Karakhanides, je m’arrêterai brièvement sur le problème de l’identification de Balasaghoun au site de Bourana, sur la stratification sociale de cette ville, ses monuments culturels, ses relations commerciales et monétaires et certaines autres activités de cette capitale.

6 “Ordu est une ville située non loin de Balasaghoun. C’est pourquoi Balasaghoun est aussi appelé Kuz-Ordu” a écrit Mahmoud Kachgari. Ce témoignage a aidé à résoudre le problème de la localisation de la capitale de la dynastie des Karakhanides et des Khitans. 7 Dans un de ses premiers ouvrages, V. V. Bartol’d a supposé, avec beaucoup de prudence d’ailleurs, que Balasaghoun pourrait se trouver sur le site de Bourana. Les petites dimensions de ce site l’ont cependant troublé, et il a opté pour le site d’Ak Bechim qui se trouve à 6 km au sud-ouest de la ville de Tokmak et à 6 km au nord-ouest de Bourana. V. V. Bartol’d identifie donc Ak Bechim à Balasaghoun, et croit que le site de Bourana n’est que sa banlieue1. La génération suivante des historiens et des archéologues partageait cet avis jusqu’aux grandes fouilles du site de Bourana, menées à l’occasion de la restauration d’un minaret, appelé “la Tour de Bourana” et à la création, en 1976, d’un musée à ciel ouvert2. Dans les années 1970-1980, on y a découvert les derniers vestiges d’une architecture monumentale et d’un art cultuel, des fragments d’inscriptions en écritures arabo-persane, syriaque et nestorienne, et l’on a rassemblé du nouveau matériel stratigraphique et topographique concernant le site et ses environs. Compte tenu de ces découvertes, j’ai élaboré un schéma du développement de la ville qui, à ma connaissance, n’a pas encore été contesté. 8 La première étape de l’existence de Balasaghoun est liée à la capitale des kaghans turks du Semiretchie – Ordu, ville appelée également Souyab. Vers le Xe siècle, la ville tombe en décadence et ses habitants se déplacent vers les montagnes en remontant la rivière Bourana, qui, en se jetant dans le Tchou, formait un profond ravin qui est actuellement à sec et traverse le site d’Ak Bechim. La ville nouvelle est fondée à 5-6 km en remontant la rivière, non loin du col de Chamsi (ou Zambi, d’après Mahmoud Kachgari). La distance entre les deux bourgs est si insignifiante que lorsqu’à la fin du XIXe siècle, la région de Tokmak a été explorée et habitée par les Russes et les paysans dungans, ces vestiges ont été perçus comme ceux d’une seule grande ville. La topographie d’Ak Bechim correspondait à celle des villes médiévales du Mavarannahr, avec un shahristân et une citadelle, tandis que Bourana n’a ni citadelle ni shahristân densément peuplé. Bourana représente un cas à part parmi les sites de la vallée du Tchou. 9 L. R. Kyzlasov avait nié le déplacement possible de l’ancienne ville depuis le site d’Ak Bechim vers Bourana, en s’appuyant sur l’insuffisance de ses dimensions et sur l’absence de céramique des XIIIe-XIVe siècles3. Pourtant les recherches effectuées plus tard sur ces deux sites ont démenti son opinion. Plusieurs chercheurs confirment les grandes dimensions de Bourana (V. P. Rovnâgin, V. D. Gorodeckij, M. E. Masson, P. N. Kožemâko) et les examens topographiques des dernières années en témoignent aussi. Le Xe siècle donc, ne représente pas la date finale de l’existence d’Ak Bechim : une des parties du bourg a fonctionné jusqu’au XIIe siècle4. 10 Les ruines de Bourana livrent du matériel des Xe-XIVe siècles et elles appartiennent à la dernière période de l’existence de colonies, ou bourgs, dans la vallée du Tchou. Pour mieux dater le site et pour classer la céramique de Bourana, j’ai effectué en 1984-1986, une fouille stratigraphique à l’angle nord-est du palais. Nous avons commencé à creuser à 8 m sous la couche de référence (pour les couches supérieures, la

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stratigraphie est établie en fonction des fouilles effectuées sur le palais du XIe-XIIe siècles) et nous avons atteint la couche de sable et de galet à 13,5 m. Nous avons trouvé au fond, dans une couche d’argile dense, des fragments de vaisselle à glaçure typique de Chach, Ilak et Samarcande (Xe siècle). À cette époque, il n’y avait pas encore de vaisselle à glaçure de production locale au Semiretchie. Les épitaphes que portent les qayrak (galets) de Bourana, dont on parlera plus tard, témoignent aussi de ce que la vie dans ce bourg a existé jusqu’au milieu du XIVe siècle. 11 Ainsi, on peut conclure que les deux villes Ordu-Souyab et Balasaghoun-Kuz-Ordu, ont coexisté pendant deux siècles, mais l’une a décliné avec le temps, tandis que l’autre a continué de prospérer. Ce phénomène de déplacement du rôle de capitale régionale parmi les villes telles que Samarcande, Tachkent, Merv, Kech et beaucoup d’autres, est connu dans l’histoire de l’Asie centrale médiévale (doc. 1).

doc. 1.1. Le site d’Ak-Bechim (Souyab), Ve-Xe siècles. Plan de la partie centrale de la ville

I. Temple bouddhique 1 ; II. Temple bouddhique 2 ; III. Fouilles stratigraphiques ; IV. Église et cimetière chrétiens ; V.Château du VIe -VIIe siècle ; VI. Monastère bouddhique et chapelle

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doc. 1.2. Le site de Bourana (Balasaghoun). Croquis de localisation

doc. 1.3. Le site de Bourana (Balasaghoun), Xe-XIVe siècles. Plan de la partie centrale de la ville

I. Minaret ; II. Mausolée octaèdre ; III. Mausolées cylindriques à portails ; IV. Mosquée dans l'ensemble du kbânaqâh

12 Ces données archéologiques et topographiques correspondent-elles aux informations des sources écrites ? Les auteurs médiévaux ne mentionnent la capitale de l’État

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karakhanide, nommée Balasaghoun, que depuis le Xe siècle. Avant cette époque, les sources arabes et persanes (Ibn Khurdâdbih et Qudâma) mentionnent « une ville du kaghan turgech » à 4 farsakh du grand village de Saryg5 sur la route menant de Taraz à Issyk Koul. Al-Muqaddasî parle aussi de cette ville-résidence des Turks dans la vallée du Tchou, et mentionne en même temps Ordu, qui signifiait aussi “la capitale du khan6”. Il est logique que le terme ordu – “capitale, centre” – ait été employé comme nom propre.

13 La ville de Souyab et son nom sont aussi sujets à discussion. V. F. Minorskij suppose que le nom de Souyab vient de “Chû-âb”, ce qui veut dire “la rivière, l’eau du Tchou”, “su” étant la version arabe du terme local “chû7”. Certaines sources considèrent cette ville comme la capitale des kaghans turks et des yabghus karlouks. L’information la plus ancienne sur une ville au bord de la rivière Tchou provient d’un pèlerin bouddhiste, Suan Tsan, qui a traversé la vallée du Tchou en 629 pour se rendre en Inde. D’après lui, la ville se trouve en amont de la rivière à 500 li au nord-ouest du lac Limpide (Issyk Koul). “Sû-i Shuy est un endroit de rassemblement de commerçants de tous les pays limitrophes” – écrit-il8. 14 Nous ne partageons pas l’opinion d’A. N. Bernštam, qui comparait Souyab aux sites de Novorossijsk9. Une étude topographique de la vallée du Tchou, entreprise par les archéologues kirghizes ces dernières années, afin d’élaborer une carte archéologique de la république, montre qu’à l’époque du Haut Moyen Âge, il n’existait pas, à l’est de l’actuel Tokmak, de colonies assez grandes pour être considérées comme des villes. Quant aux sites de Novorossisk, ils se trouvent dans la vallée étroite du Tchon-Kemin, à 25 km en amont du confluent avec le Tchou, à l’écart de la route du commerce international. Les fouilles effectuées par P. N. Kožemâko, dans les années 50, ont apporté du matériel provenant de couches culturelles peu épaisses, datant des XIe-XIIe siècles. Il s’agit dans ce cas, soit de constructions militaires et défensives, soit d’une résidence d’été de l’un des souverains karakhanides10. 15 Il faut noter que les informations sur “la capitale du kaghan turk”, Souyab et Ordu, sont extrêmement contradictoires. Certains auteurs considèrent qu’on est en présence de villes différentes, tandis que d’autres sous-entendent qu’il s’agit d’une seule ville. L’emplacement de Souyab est aussi ambigu : certaines sources le placent sur la rive gauche du Tchou, d’autres – sur la rive droite (ou sur la rive nord). Il est probable que les différents auteurs entendaient tantôt Souyab, tantôt Ordu, en parlant de la “capitale du kaghan turk”. 16 Le colophon d’un manuscrit manichéen (VIIIe-IXe siècles) intitulé “Le livre sacré des deux fondements”, mentionne Ordoukent comme l’une des villes du Semiretchie où habitait une communauté manichéenne11. C’est l’information la plus ancienne concernant la capitale Ordu. Muqaddasî trouve Ordu trop “petite” pour une ville de la seconde moitié du Xe siècle, mais note en même temps qu’elle possède une enceinte, une citadelle et un fossé rempli d’eau. Il mentionne aussi Balasaghoun, en la disant grande et prospère12. Mahmoud Kachgari qui « a arpenté chaque pouce des steppes et des localités des Turks », appelle Balasaghoun, “Kemi-ordu”, ce qui veut dire “petite capitale”, à la différence de la grande capitale dite Ordoukent-Kachgar. Il écrit dans son célèbre Dîvân lughât at-turk (Dictionnaire des dialectes turks) : « Ordu est une ville située non loin de Balasaghoun, et c’est pourquoi Balasaghoun est appelé Kuz-Ordu ». Il évoque aussi un autre nom de Balasaghoun : Kuz-Uluch13. Yûsuf al-Balâsâghûnî, contemporain de Mahmoud et auteur du premier poème en turk Qutadghu bilig (Le savoir donnant le bonheur) ne donne, hélas, aucune information concernant sa ville

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natale, mais lui donne le nom de Kuz-Ordu. Il faut croire que dans la deuxième moitié du XIe siècle, Balasaghoun a été connu sous le nom de Kuz-Ordu. 17 À l’époque mongole, la capitale des Karakhanides et des Khitans du Semiretchie s’appelait Karalyg, Gor-Balyk (Kuz-Balyk), un nom qui correspond au terme turcique Kuz-Ordu. Dans les chroniques de l’Extrême-Orient datées des XII-XIVe siècles, Balasaghoun est connu sous les noms de Hosun-Ordu, Gusy-eluudo, Husy va-erdo, ce qui est traduit comme “ville forte” ou “ville des Oguz14”. Plusieurs chercheurs ont expliqué ce fait de plusieurs façons. N. I. Umnâkov et H. Hasanov pensent que le nom le plus ancien de Balasaghoun est “Beklig” ou “Beklilig” et c’est sous ce nom qu’il est mentionné dans l’ouvrage Ḥudûd al-‘âlam (Xe siècle), ainsi que chez Gardîzî (XIe siècle15). 18 Bartol’d pense que la ville a reçu son nom d’après le matériel utilisé pour sa construction (“baliq” signifie “argile” en vieux turk16) ; S. P. Tolstov voit dans “balsagun” une forme mongole du mot turk “baligh”, qui signifie “ville17”. N. Mahmudov explique le toponyme Balasaghoun, comme une forme abrégée de deux mots, “baliq” où le “q” final est omis, et “sag-kun”, qui signifie “ce qui se trouve du côté droit”. Il pense que ces mots sont d’origine pré-turcique et le nom de la ville peut être traduit dans ce cas comme “ville du bek” ou “ville du khan18”. K. M. Bajpakov croit que c’est un oïkonyme composé qui peut-être traduit comme “une ville de Sagun-Ségun”, où “sengun” est le titre héréditaire du souverain de Beklig (une grande localité dans le pays des Turgech) et des hauts dignitaires des Khitans19. 19 Il est évident que Kuz-Ordu (Balasaghoun) et Ordu (la capitale des kaghans turks) étaient deux villes différentes, mais elles se trouvaient si près l’une de l’autre, qu’à l’époque de Mahmoud Kachgari (les années 70 du XIe siècle), on les considérait (ou nommait) comme une seule et même ville. Après le XIe siècle, Ordu n’est plus mentionné dans les sources écrites, mais ce toponyme a été conservé dans la mémoire des peuples turcophones et en particulier, dans l’épopée de Manas20. 20 Les ouvrages de V. V. Bartol’d contiennent un résumé détaillé des renseignements historiques concernant la capitale orientale des Karakhanides et des Khitans jusqu’au XVIe siècle. On peut également trouver des informations complémentaires sur cette ville dans les ouvrages des orientalistes soviétiques et étrangers. Ces informations proviennent de nouvelles sources historiques médiévales, de sources épigraphiques et des monnaies. 21 La Géographie de Maḥmûd ibn Valî (1634-1641) mentionne que “Balasaghoun est une des villes de Turkistânzamîn, région connue également sous le nom de Mogholistan. Avant la conquête mongole, elle n’était peuplée que de musulmans. Plusieurs savants en sont originaires. Selon Mustavfî, Balasaghoun est un pays vaste et agréable, un pays des sixième et septième climats. Le climat y est très froid. Certains manuscrits disent que son enceinte faisait 2,5 (gaz) de large. Balasaghoun avait 40 mosquées du vendredi et 200 mosquées ordinaires, 20 khânaqâh et 10 medressa. Les habitants de Balasaghoun sont sunnites de rite hanéfite. Les sciences du fikh et des hadiths y sont plus développées que les autres domaines de la connaissance. Avant la conquête mongole, et avant que la présence mongole ne l’ait endommagée, cette ville était florissante et bien aménagée. Depuis cette époque et jusqu’à nos jours, elle est en ruine et abandonnée. Un voyageur de Kachgar nous a raconté au moment de la rédaction de ce livre sur Balkh qu’un jour, le souverain de Kachgar a envahi le Mogholistan pour juger et punir les Kalmouks. Deux mois plus tard, en suivant la direction est-nord, il a atteint un endroit où les toits des hautes constructions ressortaient des sables au niveau de 4 à 5 zira.

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C’étaient des minarets, des palais, des medressa et on les voyait à une distance de 4 farsang. Une bataille eut lieu alors. Nous avons pris beaucoup de prisonniers parmi ces infidèles et en rentrant, nous sommes venus à l’endroit où il y avait les vestiges de constructions et avons demandé aux prisonniers le nom de ce lieu. Ils nous ont répondu : nous savons seulement que jadis, la ville de Balasaghoun se trouvait ici. À l’époque de Gengis Khan, le sable l’a couverte, et parfois on y voit encore des pièces avec tous les ustensiles de ménage : des chaudrons, des bols en argile, des récipients et des vases, mais les tapis et d’autres affaires ont disparu. Dans certaines pièces, reposent des gens. Bref, elle fut une des meilleures villes de ce pays dans le passé, mais maintenant, même son nom est oublié21”. 22 D’après cette source, on voit que Balasaghoun se trouvait en Kirghizie du nord (Mogholistan), à une distance de deux mois de route caravanière, à travers les cols du Tian Shan central, au nord-ouest de Kachgar. Cette description de la ville peut-être reprise pour décrire les vestiges de Bourana, qui fut située dans une large vallée, au pied de l’Ala-Too kirghiz et qu’on peut voir à une distance de plusieurs kilomètres par temps clair. Bien que les informations de Maḥmûd ibn Valî concernant le nombre de constructions et les caractéristiques de la ville soient exagérées, elles fournissent du matériel supplémentaire sur la topographie de la cité et de ses environs. 23 Les témoignages des sources écrites sont complétés par des données numismatiques. Les recherches archéologiques montrent qu’aucun site de la vallée du Tchou, ou en dehors de cette vallée (à l’exception de celui de Krasnoretchensk), n’a fourni autant de monnaies turgech qu’Ak Bechim. À l’heure actuelle, on ne connaît que quelques types de monnaies turgech, tukhuss, aslanides et karakhanides. Grâce aux travaux archéologiques sur ces sites, on a réuni quelques centaines de pièces. B. A. Livšic, savant iranisant, S. G. Klâštornyj, savant turcologue et les numismates V. N. Nastič, M. N. Fedorov, B. D. Kočnev, L. Baratova et A. M. Kamyšev, distinguent de nouveaux types et sous-types de monnaies, inconnus jusqu’alors, qui montrent sous un jour nouveau l’histoire de la circulation monétaire au Semiretchie22 et en particulier à Balasaghoun23, où divers types de monnaies furent frappés. Les premières monnaies de Balasaghoun sont frappées d’après les types de monnaies chinoises ou turgech : un rond en bronze avec un bord, portant le tamga sur son averse, mais avec des inscriptions arabes coufiques à la place des caractères chinois (ou de la légende sogdienne). De telles monnaies ont été retrouvées pour la première fois sur les sites de Taltar (non loin d’Almaty) et de Krasnoretchie. Quelques monnaies semblables ont été découvertes à Bourana au cours des deux dernières décennies. Elles ont été étudiées et décrites par B. D. Kočnev, mais les résultats ne sont pas encore publiés. Comme l’ont remarqué V. V. Bartol’d, M. E. Masson et toute une pléiade d’archéologues et de numismates, les monnaies d’or, les dinars des XIIe et XIIIe siècles et les innombrables trésors, qu’on a trouvé à Bourana plus qu’ailleurs, démontrent le rôle important de cette ville, tant sur le plan économique que politique. 24 L’épigraphie locale confirme d’une façon incontestable que le site de Bourana est identique au Balasaghoun historique. Outre les inscriptions en syriaque et en turk sur les pierres tombales nestoriennes du XIIIe-XIVe siècles, découvertes dès le XIXe siècle par F. V. Poârkov, N. N. Pantusov et V. P. Rovnâgin, et décrites dans les travaux de l’Académie Impériale des Sciences et de la Commission des Orientalistes de la Société archéologique de Moscou, on a découvert dans la partie centrale du site, des galets (qayrak) portant des inscriptions en arabe et en turk. À l’heure actuelle, on connaît à

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peu près 30 inscriptions en caractères arabes, dont la moitié est datée d’une période postérieure. Tous les qayrak de Bourana sont traduits et étudiés par V. N. Nastič24. 25 Les épitaphes des pierres tombales sont consacrées aux représentants du clergé – fakih, mufti, imam et prêcheurs. La continuité dans la succession des titres et des fonctions spirituelles est évidente. On y mentionne les qualités des défunts, leur piété et leurs mérites envers l’islam, ainsi que leurs pèlerinages dans les villes saintes de la Mecque et de Médine. 26 La première information indirecte sur ces monuments appartient à l’orientaliste V. V. Vel’âminov-Zernov, qui a publié des extraits du texte de Muḥammad Ḥaydar Dughlât, Târîkh-i Rashîdî (œuvre de la première moitié du XVIe siècle). On y cite le texte complet de l’épitaphe d’un cheikh, originaire d’une ville située sur la rivière Tchou “dont on ignore le nom, mais que les Mongols appellent Mounara (tour, minaret)”. Le texte et la traduction de l’épitaphe au nom de “l’Imâm Muḥammad Faqîh Balâsâghûnî” et la date de son décès – 711/1311-1312, sont complétés par le nom de celui qui a fait l’inscription – “le forgeron ‘Umar al-Balâsâghûnî25”. L’identité de Mounara et de Bourana est incontestable, il existe une unanimité sur ce point. De plus, dans la vallée de Tchou et au Kirghizstan, on ne trouve de qayrak que sur le site de Bourana. Târîkh-i Rashîdî de Muḥammad Ḥaydar concernant la ville de Mounara parle donc sans aucun doute de la ville de Bourana. 27 Le qayrak n° 3 est le plus intéressant. Il a été trouvé en 1979 lors des fouilles d’une mosquée à une seule pièce de l’ensemble d’un khânaqâh (voir plus bas) et décrit par V. N. Nastič. Le nisba du cheikh défunt “al-Balâsâghûnî” et la ressemblance évidente entre l’inscription de ce qayrak et l’épitaphe décrite dans Târîkh-i Rashîdî sont d’un intérêt particulier. Le texte de l’épitaphe est écrit sur un galet de 64 cm de longueur et de 13 à 25 cm de largeur. Le texte n’est pas encadré, il est rédigé en suls mi-italique par un calligraphe expérimenté, et il dit : “Ceci est le tombeau d’un cheikh, d’un imam excellent, représentant de la grandeur et de la piété humaines, fierté des commentateurs, couronne des enseignants, et qui s’appelle Muḥammad, fils du juriste ‘Umar al-Balâsâghûnî. Qu’Allâh illumine sa couche! Amin”. 28 Les textes du qayrak de Mounara, cités par Muḥammad Haydar, et celui de Bourana, portent les mêmes noms de défunts, les mêmes nisba et titres, y compris celui de fakih – qualité qui est plus personnalisée que celle de “cheikh” ou “d’imam”. Quant au nom d’‘Umar, il concorde aussi, bien que Muḥammad Haydar le cite comme celui de l’auteur de l’inscription, tandis que sur le qayrak, c’est le nom du père du défunt qui figure. Il s’agit sans doute de deux inscriptions tombales différentes, concernant deux personnes différentes. Pourtant, la présence dans les deux épitaphes du nisba “al-Balâsâghûnî” est riche d’enseignements. Le troisième qayrak, avec le même nisba, se trouve sur la tombe d’un savant de Balasaghoun, Sa‘îd ibn Mas‘ûd al-Balâsâghûnî. Ce qayrak a été trouvé en 1986 au cours des fouilles d’une mosquée du khânaqâh (doc. 2).

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doc. 2. qayrak au nom du savant Sa‘îd ibn Mas‘ûd al-Bâlâsâghûnî (mosquée-mausolée).

29 L’architecture monumentale de Bourana confirme aussi la localisation de Balasaghoun que nous avons proposée. 30 Le minaret de la mosquée (la Tour de Bourana), daté du XIe siècle, est un des plus anciens minarets d’Asie centrale26. Lors des fouilles, on a déterminé que ce minaret a été construit dans la seconde moitié du Xe siècle. On y a ajouté un revêtement et un nouveau parement au XIe siècle. Près des fondations, à une profondeur de 5-6 m, il y avait une sculpture en pierre d’un Turk, enlevée d’un kourgane pour le rite de creusement des fondations du minaret (ou de la mosquée). Ainsi les Karakhanides ont symboliquement “mis fin” au paganisme pour devenir des musulmans fervents. On sait qu’en 960, Satuq Bughrâ-khân et son fils Mûsâ ont converti à l’islam toute la population de Balasaghoun et qu’ils ont tué quelques milliers de bêtes pendant la Fête du sacrifice (‘îd al-qurbân27). 31 En cherchant les vestiges de la mosquée, on a découvert près du minaret les bases inférieures de trois mausolées. Quelques dizaines de tombeaux musulmans formaient un gouristan (cimetière), autour de ces sépultures vénérées. Dans le cadre de cet essai de reconstitution de l’histoire urbaine de Balasaghoun, je me contenterai de les évoquer. Leurs caractéristiques architecturales et archéologiques sont bien reconstituées dans les travaux de G. A. Pugačenkova et S. Â. Peregudova. 32 Le premier des mausolées trouvés à Bourana avait un fondement octaèdre (au diamètre de 10,95 x 11,20 m sur le périmètre extérieur); l’épaisseur des murs variait entre 1,55 m et 1,70 m. Il ne restait qu’une partie du soubassement avec quatre sépultures dans le sous-sol. Selon les coutumes musulmanes, les corps ont été enterrés dans des caisses en brique dont l’une s’est avérée être un cénotaphe. On a enterré dans ce mausolée encore 28 personnes à une époque postérieure. Les débris des constructions ont livré des morceaux de revêtement, de stuc, de terre cuite, ainsi que des briques sculptées. Les

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reconstructions qui ont été proposées donnent à ce mausolée une forme de tour de 15-18 m de hauteur, couronnée d’un haut conique. 33 Le deuxième et le troisième mausolées sont d’un autre type, avec un portail et des sépultures rondes aux coupoles sphériques. Ces mausolées se trouvent côte à côte, les façades tournées vers la rivière. Il n’en reste que les bases avec plusieurs sépultures très anciennes, qui se trouvent sous la terre, sur le sol, entre des caisses de briques (cistes), dans les murs et dans les passages entre les portails. Les mausolées ont 10 m de large (la distance entre leurs murs intérieurs est de 10 m-10,2 m) et l’épaisseur des murs de la base atteint 1,80 m. Les piliers du portail font 12 m x 2,20 m, mais ils se sont conservés sur 1,10 m-1,20 m de hauteur. Ces angles sont flanqués de trois-quarts de colonnes, la façade est ornée de stuc sculpté, de briques ajourées et de terre cuite. Les mausolées de Bourana sont construits dans les traditions architecturales du Turkestan du nord, mais les coupoles et les tours ont des homologues au Khorassan, au Mazandéran et en Azerbaïdjan. 34 En 1984-1986, on a découvert dans la partie sud-est du site une mosquée à une seule pièce faisant partie de l’ensemble du khânaqâh. La présence de certains détails, caractéristiques des communautés soufies, me fait penser que cette mosquée contient aussi le tombeau d’un cheikh vénéré (doc. 3 et 4). Le bâtiment a subi plusieurs reconstructions identifiables par le revêtement du portail, le pavement de la cour devant la façade, etc. On y a aussi ajouté toutes sortes de constructions latérales et un portail pour le second bâtiment en brique qui donne sur la cour. Au début, le bâtiment faisait entre 16,5 et 13,2 m de long et était orienté selon un axe est-ouest. L’épaisseur des murs varie, de 2,60 m – pour le mur d’est; de 2,30 m – pour le mur d’ouest et d’1,90 m – pour les murs latéraux. Ces murs épais ont dû porter une coupole de grand volume dont les vestiges ont été trouvés pendant les fouilles. Tous les murs avaient des niches avec des ṣuffa. On a également trouvé des traces de niches sous les coupoles, des débris du décor intérieur – du stuc, des briques sculptées et de la terre cuite (doc. 5). Par analogie avec le décor des autres constructions centrasiatiques, la mosquée est datée du XIe siècle. Au XIIIe siècle, probablement à cause d’un danger que courait la ville, l’entrée de cette mosquée, abritant la tombe d’un saint soufi, a été condamnée à l’aide de grosses pierres.

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doc. 3. Plan de la mosquée-mausolée à pièce unique dans l’ensemble du khânaqâh

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doc. 4. Sol en briques crues. Couche de gravats

1. Vue générale de profl ; 2. Vue générale de côté ; 3. Vue d'en haut ; 4. Plan des sépultures ; 5. Coupe.

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doc. 5. Décor architectural des Xe-XIIe siècles. Stuc sculpté de la mosquée du site de Bourana

1.2.7. Compositions ornementales sur les pans de la galerie de la coupole ; 3.4. Fragments de la niche du mihrâb ; 5. Décor en forme de rubans : ceinturons, bande verticale ; 6. Dessin des sculptures de la coupole (?).

35 En Asie centrale, les constructions à une pièce avec coupole et portail servaient à la fois de mosquée, de mausolée et de darvazhona (entrée principale). Les tombeaux (probablement des chefs de l’ordre des derviches) sont devenus des lieux de pèlerinage et ont contribué à la formation de l’ensemble monastique. L’orientation du bâtiment selon les points cardinaux et non vers le qibla, ainsi que l’absence de mihrâb, font de cette mosquée un édifice funéraire (zyâratkhâna) auprès d’un tombeau vénéré. Les rites funéraires n’obligeaient pas les fidèles à être tournés vers la Mecque. Au contraire, ils devaient prier le visage tourné vers le défunt. Plus tard, avec l’apparition d’une sépulture de type saghâna, les fonctions du bâtiment ont changé.

36 Les mausolées, le minaret de la mosquée du vendredi et le khânaqâh, représentent un seul ensemble cultuel situé dans la partie centrale de la ville reconstruite par les Karakhanides, lorsqu’ils se convertirent à l’islam. Les monuments de Bourana, comme ceux des autres capitales, Samarcande, Ouzgend et Boukhara, devaient glorifier la puissance de l’État karakanide à travers ses souverains et le clergé. 37 Les édifices de Bourana occupent une place toute particulière dans l’architecture médiévale du Tian Shan et du Semiretchie. Elles illustrent les rites funéraires locaux, mais aussi les procédés raffinés de construction et de décoration élaborés parmi les populations sédentaires d’Asie centrale. L’interaction d’idées et d’images artistiques et esthétiques se manifeste surtout dans le revêtement extérieur des bâtiments, où la maçonnerie décorative est enrichie de stuc sculpté et de terre cuite. Cela démontre une fois de plus que les traditions architecturales des centres culturels du Tian Shan et du Semiretchie médiévaux sont étroitement liées à celles du Proche-Orient et du Moyen-

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Orient, et que les Karakhanides ont apporté une contribution considérable à l’histoire centrasiatique.

II. Ouzgend sous les Karakhanides

38 L’actuel Ouzgend est une ville très ancienne. Ses habitants l’appellent Ozgon, ce qui veut dire “dépassant”, et lient ce nom au fleuve impétueux du Kara Darya. Les auteurs médiévaux appellent la capitale du Ferghana des XIe-XIIe siècles Ouzgend (Özkend, Ouzkend ou Ouzdjend, dans la transcription arabe). D’après Bartol’d, ce nom est d’origine turcique et il signifie “notre ville à nous28”.

39 Il est vrai que dans le compendium de Mahmoud Kachgari, le mot öz signifie “propriété”, et le mot kent “district”. On peut donc supposer que lorsque les populations turciques s’établirent dans la vallée du Ferghana aux VIIe-VIIIe siècles, on désignait par ce nom toute l’oasis d’Ouzgend, et ce n’est que plus tard qu’il fut attribué à une ville nouvellement fondée. Dans les années 30 du Xe siècle, al-Iṣṭakhrî dit que « Ouzgend est le nom d’une ville, et qu’il n’ y a pas d’autres villes dans cette région29 ». 40 Les travaux sur le site d’Ouzgend et ses témoignages architecturaux ont donné naissance à une série d’études, dont j’ai essayé de présenter un aperçu général30. Depuis, sont apparus de nouveaux faits concernant la topographie historique de la ville et les caractéristiques épigraphiques et artistiques de ses monuments. 41 La ville a été fondée sur une haute terrasse, au-dessus des rives submersibles du Kara Darya, non pas à l’époque kouchane, comme le croyait A. N. Bernštam31, mais au Haut Moyen Âge32. Elle a quatre parties séparées les unes des autres par de profonds ravins naturels. Ces parties sont désignées comme les shahristân 1-4. Le shahristân 3 représente la partie la plus ancienne où se trouvait la citadelle. Elle a été rasée et remplacée par un stade. Le shahristân 1 (Ouzgend 1 d’après Û. A. Zadneprovskij) a été transformé au Moyen Âge en grand cimetière avec le tombeau de Burhân al-Dîn Qîlîch, un soufi local issu de la dynastie des ṣadr boukhariotes. Ce cimetière est vénéré jusqu’à présent et c’est de là que provient le plus grand nombre de galets portant les épitaphes des soufis locaux. Ouzgend 2 abrite actuellement le jardin public, Ouzgend 4 est occupé par le cimetière musulman. À l’extrémité nord-est du cimetière, on trouve encore trois mausolées et un minaret. La mosquée et la medressa ont été rasées pour faire place aux constructions modernes de la ville. Les fouilles et les coupes, de même que la céramique qu’on trouva à l’endroit de ces constructions, ont permis d’élaborer le tableau général du développement de la ville et les dimensions de ses composants (doc. 6), du VIIIe au XVIe siècle. La ville a subi une longue crise sociale et économique, qui a duré jusqu’à la fin du XIXe siècle, lorsque la vie a repris sur les ruines médiévales.

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doc. 6. Plan schématique d’Ouzgend au Moyen Âge

42 La ville fut le plus densément peuplée aux Xe-XIe siècles, quand elle a atteint sa superficie maximale, 12 à 15 km². 43 La position d’Ouzgend, au centre de l’oasis, et sur l’ancienne route caravanière menant du Mavarannahr au Turkestan oriental, contribuait à son développement culturel et économique. Les sources écrites médiévales suivent assez bien son histoire au cours des différentes étapes de son existence. Ainsi, selon Ibn Khurdâdbih et Qudâma ibn Ja‘far, au IXe siècle, Ouzgend appartenait à un prince turcophone, le dihqân Chur-tigîn, dont les domaines s’étendaient loin à l’est et au nord. Les auteurs des Xe-XIe siècles annoncent qu’Ouzgend se trouvait au Ferghana oriental à la frontière avec les populations turciques non islamisées, dans le district de Miyan-Roudan, et avec pour capitale Haylam (Hatlam selon Ḥudûd al-‘âlam et Hayralam selon al-Muqaddasî). En ce qui concerne Ouzgend même, ibn Ḥavqal écrit : « Ouzgend fait les deux tiers d’Och… Il a une citadelle, un shahristân et un rabâd dans lequel se trouvent les bazars. Ouzgend est une ville commerciale à la frontière des domaines turks. Elle est entourée de vergers florissants et de canaux…33 » 44 Al-Muqaddasî complète cette information : « Près de la porte d’Ouzgend, il y a un fleuve qu’il faut passer à gué, faute de pont. Le faubourg est entouré d’une enceinte. Le shahristân a une population dense, on y trouve des bazars, une mosquée du vendredi et une citadelle. L’eau coule dans toutes les parties de la ville. Ouzgend a quatre portes, et je ne connais aucune autre ville dans la région possédant une citadelle34 ». 45 L’auteur anonyme de l’ouvrage Ḥudûd al-‘âlam écrit : « Ouzgend est une ville à la frontière du Ferghana et des Turks. Il y a deux fleuves à ses extrémités : l’un d’eux s’appelle Tabagar et il descend du Tibet, tandis que l’autre s’appelle Barskhân et prend sa source dans la région de Khalluh35 ». Apparemment c’est le Kara Darya formé par les deux rivières : Tar et Karakouldji, qui est nommé Tabagar. Quant au Barskhân, que l’auteur appelle ailleurs le fleuve d’Ouzgend, c’est le fleuve Yasi, bien que l’affluent principal du Syr Darya soit plutôt le Naryn. Mais dans Ḥudûd al-‘âlam, quand on mentionne le fleuve d’Ouzgend, il s’agit bien du Yasi, car le chemin direct d’Ouzgend à

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la ville de Barskhân, qui au Xe siècle appartenait aux Karlouks, passait par le col de Yasi36. 46 Iṣṭakhrî répète les renseignements d’IbnḤavqal, mais il les complète par des informations sur les vergers et sur l’eau courante. 47 Les sources écrites datant des XIe-XIIIe siècles ne sont pas nombreuses. Elles ne mentionnent Ouzgend que comme résidence des premiers Karakhanides, capitale du Mawarannahr au début du XIe siècle et capitale de la région du Ferghana, de la seconde moitié du XIe siècle jusqu’à la mort du dernier karakhanide en 1212. 48 Yâqût écrit dans son célèbre Dictionnaire (géographique) des pays (XIIIe siècle), qu’Ouzgend fait partie de la région du Ferghana. “…On l’appelle aussi Ouzdjent. On m’a communiqué que le mot “kend”, dans la langue des habitants de ce pays, signifie “village”… Ouzkend est une des dernières villes du Ferghana qui se trouve en état de guerre (avec les non musulmans). Cette ville possède une enceinte, kouhendiz et quelques portes. Le marché des Turks y est contigu. On y trouve des vergers et de l’eau courante…” Ensuite, l’auteur raconte que certaines personnes célèbres telles que ‘Alî ibn Sulaymân ibn Dâvûd al-Khaṭîbî Abû al-Ḥasan al-Uzkandî37, sont originaires d’Ouzgend. 49 Jamâl Qarshî mentionne aussi les constructions d’Ouzgend et ses célèbres personnalités. Il parle en particulier du tombeau – mashhad, de l’avant-dernier ilek, qu’on vénérait déjà dans la seconde moitié du XIIIe siècle, ainsi que des tombeaux des ṣadr de la lignée des Bourkhanides, de la mosquée du vendredi, dont les portes donnaient sur le marché38. 50 On trouve certains renseignements concernant Ouzgend dans les Mémoires de Ẓâhir ad- Dîn Muḥammad Bâbur, qui la décrit comme une “bonne forteresse”. L’une des miniatures du manuscrit du Bâbur-nâma, représente la bataille d’Ouzgend en 1494 et on y voit les différentes parties de la ville entourées d’enceintes avec des tours et des créneaux. Mais Ouzgend n’est plus mentionnée parmi les huit villes du Ferghana au XVe et au début du XVIe siècle39. 51 L’étude archéologique et topographique d’Ouzgend et de ses environs que j’ai effectuée, confirme les informations provenant des sources. Les inscriptions locales découvertes depuis 20 ans, complètent son histoire d’une façon considérable40. 52 Aussi, cet article n’aborde-t-il pas le problème des sources numismatiques concernant la généalogie et la chronologie des souverains d’Ouzgend, qui sont déjà brillamment présentées dans les ouvrages de E. A. Davidovič, B. D. Kočnev et d’autres numismates. 53 Aux Xe-XIe siècles, les constructions urbaines se trouvaient dans leur majorité à l’intérieur de la citadelle, le shahristân, et dans le rabâd. La ville était entourée de propriétés avec des vergers et des potagers. Ils s’étendaient jusqu’au Yasi, fleuve qui constituait une limite naturelle au nord, formée au sud par le Kara Darya. Ainsi, la ville pouvait s’agrandir vers la rive droite du Yasi, où il y avait de l’espace pour construire une enceinte. À l’est et à l’ouest, il y avait déjà des remparts dont les vestiges se trouvent à 5 km à l’est et à 7,5 km à l’ouest du shahristân 3. 54 Le rempart dans son état actuel a 25,5 m de large et 5,5 m de haut. En coupe, il est constitué de 6 blocs en bauge, entre lesquels il y a des espaces remplis de terre. Le mur fait 6,6 m de haut et il s’élargit vers le bas. 55 La troisième étape de l’existence de la ville est liée à l’ascension des Karakhanides d’Ouzgend (milieu du XIIe siècle), qui correspond à la présence, dans cet État, en

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particulier à Ouzgend, des Khitans41. Cette étape dure jusqu’à la conquête mongole. D’après les données stratigraphiques, le centre de la ville se déplace vers le nord-ouest, et des cimetières remplacent l’ancien shahristân. 56 La particularité principale d’Ouzgend vient de son architecture : trois mausolées dynastiques qui sont connus comme le Mausolée moyen (1012-1013), le Mausolée du nord (1151-1152) et le Mausolée du sud (1186-1187). Ces dates ont été précisées grâce aux inscriptions monumentales, arabes et persanes, sur les portails. Des fouilles autours de ces monuments ont livré des fragments de terre cuite sculptée, ornés, y compris par des lettres. Les tombes des mausolées ont été également fouillées et ces derniers ont été restaurés dans les années 80, mais à cause du non respect des procédés anciens de maçonnerie, d’hydro-isolation et d’autres technologies, cette restauration n’est pas un succès. Les études archéologiques et architecturales, ainsi que les découvertes épigraphiques, ont apporté certaines corrections à l’histoire des Karakhanides d’Ouzgend. On suppose que le mausolée le plus ancien, le Mausolée moyen, ne peut pas être celui du premier représentant de la dynastie des Karakhanides, Naṣr ibn ‘Alî42. Comme l’écrit V. V. Bartol’d, « le conquérant de Mavarannahr, Naṣr ibn ‘Alî (mort en 403 /1012-1013), est enterré à Ouzgend d’après les sources historiques, mais son tombeau n’est pas conservé43 ». Le mausolée pourrait alors appartenir à l’un des membres de la dynastie, mort à la charnière des XIe-XIIe siècles ou au début du XII e siècle. D’après les données numismatiques, il s’agirait le plus vraisemblablement de Ḥasan ibn ‘Alî. Son fils Ḥusayn aurait fait construire le Mausolée du nord – “Davlat Khân”, dont la construction a commencé « mercredi, le 4 rabî’ aṯ-ṯânî 547 (le 9 juillet 1152) », le constructeur lui-même n’est mort qu’en 551/1156. 57 Hormis des citations du Coran et des sentences religieuses, l’inscription historique sur le portail du Mausolée du sud comporte trois dates, quelques titres, mais aucun nom. D’après V. Nastič, « l’inscription en partie conservée démontre que le mausolée a été construit sur l’ordre du souverain décédé la même année, vendredi, le 14 ẕû-1-ḥijja (le 26 février 1187) ». La troisième date informe qu’un an auparavant (en rabi’II 581/1185) un sipahsalar (commandant en chef de l’armée du kaghan) y a été enterré. La construction a été commencée du vivant du souverain et fut achevée après sa mort. À la différence du Mausolée du nord, on y trouve la date et le jour de la semaine du décès du défunt, ce qui est caractéristique de la majorité des constructions funéraires médiévales de l’Orient musulman. 58 Les épitaphes des qayrak que j’ai étudiées, ainsi que V. N. Nastič (traduction et commentaires) dans les cimetières médiévaux d’Ouzgend et dans les mausolées conservés (doc. 7), fournissent d’importantes informations sur la stratification sociale de la ville. Il est possible de cerner plusieurs familles du clergé, originaires de différentes régions du Khorassan (Nichapour), du Mavarannahr (Boukhara et Samarcande) et de la Mecque. Ainsi, quatre épitaphes d’Ouzgend permettent de reconstituer la généalogie de toute une dynastie de ṣadr locaux, qui, selon les inscriptions, possédaient un grand pouvoir et jouissaient d’une énorme autorité dans le Ferghana pré-mongol. Le long kunya (Ouzgend 2) de l’un d’entre eux, complété par le nisba an-Nîsâbûrî, nous emmène au Khorassan de la seconde moitié du X e siècle. Les derniers noms de ce kunya coïncident avec ceux des célèbres dirigeants de la secte khorassanienne de la Karramiyya, qui était active à Nichapour sous Maḥmûd Ghaznavî – Abû Ya‘qûb Isḥâq (m. en 993) et son fils Abû Bakr Muḥammad (m. après

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1030). Ceci renforce l’hypothèse selon laquelle les cheikhs du Ferghana viennent de la Karramiyya.

doc. 7. Vue d’un des cimetières du Moyen Âge parmi les constructions actuelles d’Ouzgend

59 Trois autres épitaphes (Ouzgend 8, 9 et 10) sont dédiées aux représentants d’une autre dynastie de ṣadr : au fondateur de la branche des Bourkhanides dans le Ferghana, un cheikh soufi, Burhân ad-Dîn Qîlîch al-Uzjandî et deux de ses descendants44. 60 On trouve également des épitaphes sur les tombes des femmes nobles qui portent des noms turks ou tadjiks, tels que Khâtûn-i Khâtûnân de la famille des Bourkhanides de l’époque mongole. On y trouve aussi des noms de professions : forgeron (ḥaddâd), charpentier (najjâr), commerçant (fakhr at-tujjâr). Pourtant, la plupart des épitaphes sont dédiées aux cheikhs, imâms, muftîs, aux gens de loi, aux récitants et commentateurs du Coran (muftî, ‘âlim, faqîh, mu’aẕẕin) ; aux savants (fâḍil, nabîh, khwâja). 61 Les monuments épigraphiques d’Ouzgend ne sont pas encore complètement étudiés. Comme sources locales, ils peuvent fournir de nouvelles pages dans l’histoire et la culture du Ferghana des Karakhanides et des époques postérieures.

NOTES

1. Bartol’d V. V., “Otčet o poezdke v Srednûû Aziû s naučnoj cel’û. 1893-1894 gg. [Compte rendu du voyage en Asie centrale dans un but scientifique. 1893-1894]”, dans : Sočineniâ [Œuvres complètes], T.4, M., 1966, pp. 55-57. 2. L’histoire détaillée des études de la question se trouve dans : Gorâčeva V. D., Srednevekovye goroda i monumental’naâ arhitektura Kirgizii, Aftoreferat kandidatskoj dissertacii [Les villes médiévales et l’architecture monumentale du Kirghizstan. Résumé de thèse de candidat], Frunze,

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1976; Gorâčeva V. D., Srednevekovye gorodskie centry i arhitekturnye ansambli Kirgizii. Burana, , Safed-Bulan [Les centres urbains et les ensembles architecturaux médiévaux du Kirghizstan. Bourana, Ouzgend, Safed-Boulan], Frunze, 1983 ; Masson M. V., Gorâčeva V. D., Burana : istoriâ izučeniâ gorodiŝa i ego arhitekturnyh pamâtnikov [Burana : histoire de l’étude du site et de ses monuments], Frunze, 1987. 3. Kyzlasov L. R., “Arheologičeskie issledovaniâ na gorodiŝe Ak-Bešim v 1953-1954 gg. [Les fouilles archéologiques sur le site d’Ak-Bechim en 1953-1954]”, Trudy Kirgizskoj arheologo-ètnografičeskoj èkspedicii [Travaux de l’expédition archéologique et ethnographique kirghize], T.2, M., 1959, p. 236. 4. Kožemâko P. N., Rannesrednevekovye goroda i poseleniâ Čujskoj doliny [Les villes et les colonies médiévales de la vallée du Tchou], Frunze, 1959, p. 178. 5. Bernštam A. N. identifie Saryg avec le site de Krasnorečenskoe situé à 18 km à l’ouest d’Ak Bechim. Cf. : Bernštam A. N., “Čujskaâ dolina : Trudy Semirečenskoj arheologičeskoj èkspedicii [La vallée du Tchou : Travaux de l’expédition archéologique du Semiretchie]”, Materialy i issledovaniâ po arheologii SSSR [Matériaux et recherches sur l’archéologie de l’URSS], n° 14, M.-L., 1950, pp. 30-47; passage sur Balasaghoun, ibid., pp. 47-55. 6. Volin S., “Svedeniâ arabskih istočnikov IX-XVI vv. o doline r. Talas i smežnyh rajonah [Les renseignements des sources arabes des IXe-XVIe siècles sur la vallée de Talas et les régions limitrophes]”, Trudy Instituta istorii, arheologii i ètnografii AN KazSSR [Travaux de l’Institut d’histoire, d’archéologie et d’ethnographie de l’Académie des sciences de la RSS du Kazakhstan], T.8, Alma-Ata, 1960, pp. 74-80. 7. Ḥudûd al-‘âlam. The Regions of the World. A Persian geography 372 A.H. – 982 A.D., Translation and explanations by V. Minorsky, London, 1937, p. 303, note 1. 8. Zuev Û. A., “Kitajskie izvestiâ o Suâbe [Les sources chinoises sur Souyab]”, Izvestiâ AN KazSSR, seriâ istorii, arheologii i ètnografii [Bulletin de l’Académie des sciences de la RSS du Kazakhstan, série d’histoire, d’archéologie et d’ethnographie], 1960, Vyp. 3 (4), p. 88; Bartol’d V. V., “O hristianstve v Turkestane [Sur le christianisme au Turkestan”, dans : Sočineniâ [Œuvres complètes], T.2, č.2, pp. 282, 288, etc. 9. Bernštam A. N., “Čujskaâ-dolina…”, op. cit., pp. 21-22. 10. Kožemâko P. N., Rannesrednevekovye goroda…, op. cit., pp. 163-166. 11. Klâštornyj S. G., Drevnetûrkskie runičeskie pamâtniki, kak istočnik po istorii Srednej Azii [Les monuments runiques des peuples turcs anciens comme source sur l’histoire de l’Asie centrale], M., 1964, p. 131. 12. Volin S., “Svedeniâ arabskih istočnikov…”, op. cit., p. 80. 13. ibid. 14. Wittfogel K. A., “Feng Chia-sheng. History of Chinese Society : Liao (907-1125)”, dans : Transaction of the American Philosophical Society, Philadelphia, 1949, v.36, p. 645; Malâvkin A. G., “Materialy po istorii ujgurov v IX-XII vv. [Les matériaux sur l’histoire des Ouïghours aux IXe-XIIe siècles”, dans : Istoriâ i kul’tura Vostoka Azii [L’histoire et la culture de l’Asie orientale], T.2, Novosibirsk, 1974, p. 149, note 525. 15. Ḥasanov H., Mahmud Kašgarij [Mahmoud Kachgari], Tachkent, 1963, p. 48; Umnâkov I. I., “Samaâ staraâ tureckaâ karta v mire (XI v.) [La carte turque la plus ancienne (XIe siècle)]”, Trudy Samarkandskogo pedagogičeskogo instituta im. A. M. Gor’kogo [Travaux de l’Institut pédagogique de Samarcande], T.1, Samarkand, 1940, p. 110. 16. Bartol’d V. V., Sočineniâ [Œuvres complètes], T.5, M., 1968, p. 73. Ailleurs, Barthold avait suggéré que “Balasaghoun” viendrait de “bala” (enfant) et “sagun” (titre subalterne dans la hiérarchie princière). 17. Tolstov S. P., “Goroda guzov [Les villes des Gouz]”, Sovetskaâ Ètnografija [Ethnographie soviétique], 1947, n° 3, p. 72.

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18. Mahmudov K., “Balasagun [Balasaghoun]”, Obŝestvennye nauki v Uzbekistane [Les sciences sociales en Ouzbékistan], 1972, n° 2, p. 49. 19. Bajpakov K. M., O drevnih gorodah Suâb i Balasagun…, p. 73, avec un renvoi au : Klâštornyj S. G., “Sogdijcy v Semireč’e [Les Sogdiens dans le Semiretchie]”, Sovetskaâ arheologiâ [Archéologie soviétique], 1959, n° 1, pp. 9-10; Klâštornyj S. G., Drevnetûrkskie runičeskie pamâtniki…, op. cit., p. 132. 20. K. Ajdarkulov, qui fait des recherches sur la poésie épique, nous a indiqué que dans Manas, on trouve les noms de deux anciennes villes : Ordo et Bulagasyn (le plus vraisemblablement Balasaghoun déformé), qui se trouvaient l’une de l’autre à une distance égale « à la portée de la voix humaine ». Dans la région du Tchou, il y a la ville de Tchoulou (“ču bojunda čulu bar”). En outre, Ordo et Tchoulou se trouvaient au nord-ouest de Bulagasyn. Comme les habitants de ces villes attendaient toujours l’ennemi du côté du Tchong-Kemin, c’étaient les guerriers des villes de Tchoulou et d’Ordo qui affrontaient tout d’abord l’ennemi, suivis de ceux de Bulagasyn. On trouve dans la poésie épique les termes “Ak bechim” et “Akounbechim” pour le nom du souverain d’Ordo et de Bulagasyn. Cf. : Manas. (version de S. Orozbakova), T.2, Frunze, 1983, pp. 36-38, 76, 101, 120, 128, etc. 21. Maḥmûd ibn Valî, More tajn otnositel’no doblestej blagorodnyh (geografiâ), vvedenie, perevod, ukazateli B. A. Ahmedova, Tachkent, 1977, p. 24. 22. Cf. : Nastič V. N., “Monetnye nahodki s gorodiŝa Krasnaâ Rečka (1978-1983 gg.) [Les trouvailles numismatiques du site de Krasnaâ Rečka]”, dans : Krasnaâ Rečka i Burana : Materialy i issledovaniâ Kirgizskoj arheologičeskoj èkspedicii [Krasnaâ Rečka et Bourana : Matériaux et recherches de l’expédition archéologique kirghize], Frunze, 1989, pp. 96-120; Baratova L. S., Drevnetûrkskie monety Srednej Azii (tipologiâ, ikonografiâ, istoričeskaâ interpretaciâ) [Les monnaies turks anciennes de l’Asie centrale (typologie, iconographie, interprétation historique)], Tachkent, 1995; Kamyšev A. M., “O načale denežnogo obraŝeniâ v Semireč’e”, dans : Novoe o drevnem i srednevekovom Kyrgyzstane, Bichkek, 1999, pp. 54-56; et d’autres. 23. Fedorov M. N., “Balasagun pri Karahanidah (po dannym numizmatike) [Balasaghoun sous les Karakhanides (d’après les données numismatiques)]”, Izvestiâ AN Kirgizskoj SSR [Bulletin de l’Académie des sciences de la RSS du Kirghizstan], 1975, n° 2, pp. 87-94; Kočnev B. D., “Monetnyj čekan Kuz-Ordu – Balasaguna (XI v.)”, Krasnaâ Rečka i Burana : Materialy i issledovaniâ Kirgizskoj arheologičeskoj èkspedicii [Krasnaâ Rečka et Bourana : Matériaux et recherches de l’expédition archéologique kirhize], Frunze, 1989, pp. 144-158. La plupart des monnaies n’est pas encore publiée. 24. Nastič V. N., “Arabskie i persidskie nadpisi na kajrakah s gorodiŝa Burana [Les inscriptions arabes et persanes dans les qayrak du site de Bourana]”, dans : Kirgizija pri Karahanidah [Le Kirghizstan sous les Karakhanides], Frunze, 1993, pp. 221-234; Nastič V. N., “Pogrebal’naâ èpigrafika arabskogo pis’ma kak istočnik po srednevekovoj istorii Kirgizii i ûžnogo Kazahstana [L’épigraphie funéraire en écriture arabe comme source sur l’histoire médiévale du Kirghizstan et du Kazakhstan du sud]”, dans : Istočnikovedenie i tekstologiâ Srednevekovogo Bližnego i Srednego Vostoka [L’étude des sources et des textes du Proche et du Moyen-Orient], M., 1984, pp. 161-177; Nastič V. N., “K èpigrafičeskoj istorii Balasaguna : (Analiz izdannyh nadpisej i novye nahodki) [Sur l’histoire épigraphique de Balasaghoun (Analyse des inscriptions publiées et des nouvelles inscriptions)]”, dans : Krasnaâ Rečka i Burana : Materialy i issledovaniâ Kirgizskoj arheologičeskoj èkspedicii [Krasnaâ Rečka et Bourana : Matériaux et recherches de l’expédition archéologique kirghize], Frunze, 1989, pp. 158-177; et d’autres. 25. Vel’âminov-Zernov V. V., Issledovanie o Kasimovskih carâh i carevičah [Études sur les souverains de Kasimov], č.2, SPb., 1864, pp. 162-163. 26. À propos du minaret Cf. : Bernštam A. N., Arhitekturnye pamâtniki Kirgizii [Les monuments du Kirghizstan], L., 1950; Pribytkova A. M., “Konstruktivnye osobennosti sredneaziatskih minaretov [Les particularités de la construction des minarets d’Asie centrale”, Arhitekturnoe nasledstvo

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[Héritage architectural], Vyp.17, M., 1964, pp. 197-202; Nusov V. E., Arhitektura Kirgizii s drevnejših vremen do naših dnej [L’architecture du Kirghizstan, de l’Antiquité jusqu’à nos jours], Frunze, 1981 ; Vinnin D. F., “Bašnâ Burana [La tour de Bourana]”, PamâtnikiKyrgyzstana [Les momuments du Kirghizstan], Vyp.2, Frunze, 1974, pp. 55-56; Gorâčeva V. D., Srednevekovye gorodskie centry i arhitekturnye ansambli Kirgizii, op. cit., pp. 22-37; et d’autres. 27. Bartol’d V. V., “Očerk istorii Semireč’â [L’histoire de Semiretchie]”, dans : Sočineniâ [Œuvres complètes], T.1, č.1, M., 1963, p. 46. 28. Bartol’d V. V., “Dvenadcat’ lekcij po istorii tureckih narodov Srednej Azii [Douze conférences sur l’histoire des peuples turks de l’Asie centrale]”, dans : Sočineniâ [Œuvres complètes], T.5, M., 1968, p. 76. 29. Materialy po istorii kirgizov i Kirgizii [Matériaux sur l’histoire des Kirghiz et du Kirghizstan], Vyp.1, L., 1973, p. 31. 30. Gorâčeva V. D., Srednevekovye gorodskie centry i arhitekturnye ansambli Kirgizii, op. cit., pp. 68-75. 31. Bernštam A. N., Drevnââ Fergana [Le Ferghana ancien], Tachkent, 1951; Bernštam A. N., “Istoriko-arheologičeskie očerki Central’nogo Tân’-Šanâ i Pamiro-Alaâ [Les récits historiques et archéologiques sur le Tian Chan central et le Pamir-Alay]”, Materialy i issledovaniâ po arheologii SSSR [Matériaux et recherches sur l’archéologie de l’URSS], Vyp.26, M.-L., 1952, pp. 253-262. 32. Zadneprovskij Û. A., qui a étudié pendant plusieurs années les monuments de la région d’Och et d’Ouzgend, a revu, en particulier, les dates et le schéma de développement des villes à partir des IXe et X e siècles. Cf. : Zadneprovskij Û. A., “Arheologičeskie raboty v Užnoj Kirgizii [Les travaux archéologiques au Kirghizstan du sud]”, Trudy Kyrgyzskoj arheologo-ètnografičeskoj èkspedicii [Œuvres de l’expédition archéologique et ethnographique kirghize], T.4, M., 1960, pp. 245-248. 33. Bartol’d V. V., “Fergana [Ferghana]”, dans : Sočineniâ [Œuvres complètes], T.3, M., 1965, pp. 531-533. 34. Citation d’après Karaev O., Arabskie i persidskie istočniki XI-XII vekov o kirgizah i Kirgizii [Les sources arabes et persanes des XIe-XIIe siècles], Frunze, 1968, pp. 80-82. 35. Materialy po istorii kirgizov i Kirgizii, Vyp.1, L., 1973, p. 45. 36. Bartol’d V. V., “Očerk istorii Semireč’â”, dans : Sočineniâ, T.2, č.1, M., 1963, p. 38. 37. Mu‘jam al buldân (Slovar’ stran [Le dictionnaire des pays],) de Yâqût (traduction de O. B. Frolova). Manuscrit, Fonds de manuscrits de l’Académie nationale des sciences de la République de Kirghizstan. 38. Bartol’d V. V., Turkestan v èpohu mongol’skogo našestviâ [Le Turkestan à l’époque de l’invasion mongole], č.1, teksty, SPb., 1898, pp. 80-81. Traduit de l’arabe par V. N. Nastič. 39. Bâbur Ẓâhir ad-Dîn Muhammad, Bâburnâma [Les mémoires de Babour], Tachkent, 1958, p. 16; Miniatûry rukopisi “Bâbur-nâma” [Les miniatures du manuscrit de “Babour-nâma”], M., 1960, p. 5. 40. Gorâčeva V. D., Srednevekovye gorodskie centry i arhitekturnye ansambli Kirgizii, op. cit., pp. 93-104; Gorâčeva V. D., Nastič V. N, “Èpigrafičeskie pamâtniki Uzgenda XII-XX vv. [Les monuments épigraphiques d’Ouzgend des XIIe-XXe siècles]”, dans : Kirgiziâ pri Karahanidah [Le Kirghizstan sous les Karakhanides], Frunze, 1983, pp. 140-193; Nastič V. N., “Pogrebal’naâ èpigrafika arabskogo pis’ma…”, op. cit., pp. 161-177; Nastič V. N., “Novaâ publikaciâ èpigrafičeskih pamâtnikov Kirgizii [Une nouvelle publication des monuments épigraphiques du Kirghizstan]”, Èpigrafika Vostoka [Épigraphie de l’Orient], Vyp.24, M.-L., 1988, pp. 119-122; Nastič V. N., Srednevekovaâ èpigrafika Fergany i Semireč’â, Avtoreferat dissertacii kandidata istoričeskih nauk, L., 1990. 41. Ibn al-Aṯîr écrit qu’ils « habitaient Ouzgend, Balasaghoun, Kachgar et les environs », mais Juvaynî dit qu’à Ouzgend « il y avait la trésorerie de gûrkhân ». Cf. : Bartol’d V. V., “Fergana”, op. cit., p. 53; Materialy po istorii kirgizov iKirgizii, Vyp.1, L., 1973, p. 73. 42. A. N. Bernštam à la suite de E. Kon-Vinner a répété cette attribution (Bernštam A. N., Arhitekturnye pamâtniki Kirgizii, op. cit., p. 46).

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43. Bartol’d V. V., “Fergana”, op. cit., p. 534. 44. Nastič V. N., Srednevekovaâ èpigrafika Fergany i Semireč’â, op. cit., p. 13.

INDEX

Keywords : sources, archaeology, numismatics, epigraphy, capitals (cities), Qarakhanids Mots-clés : sources, archéologie, numismatique, épigraphie, capitales, Karakhanides

AUTEURS

VALENTINA GORÂČEVA

Institut d’histoire, d’archéologie et d’ethnographie, Bichkek, Kirghizstan

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A century of Chinese research on Islamic Central Asian history in retrospect

Liu Yingsheng

1 The term Central Asia is not precisely defined. In this paper, we will consider it to cover the territory of the present-day Chinese province of Xinjiang, former , the northern parts of Pakistan, Afghanistan and the eastern parts of Iran. We will concentrate on Xinjiang and the areas that border on it. The term Islamic Central Asian History covers the period from the Arab conquest until the end of the 19th century.

2 China has a long tradition of Islamic Central Asian studies since part of its territory is situated in this area and it has been linked with the West since ancient times by the famous Silk Roads. 3 Not long after the death of the prophet Muhammad, the news of the political and cultural changes taking place in Western Asia reached the court of the Tang empire. According to the Description of Da Shi (大食, Arab) of Xin Tang Shu (« 新唐书 », “A New History of the Tang”), in the year 651 the king of the Arabs Han Mi Mo Ni (瞰密莫末腻, Medieval Chinese *k’am-miet-mak-mei, is a transcription of the Arabic Amir al- mu’minin, namely Caliph Othman, 644-656) sent “tribute” to the Tang. According to Che Fu Yuan Gui (« 册府元龟 ») and other Tang sources, between 651 and 798, 39 Arab delegations arrived at the Tang court. The close relationship that existed between Central Asia and the Central Plain of China enables us to find a number of descriptions of Islamic Central Asia in Chinese sources compiled at different times, amongst which, histories written by scholars sponsored by Chinese governments as well as by private historians, gazetteers compiled under the supervision of different local governments at different times, private works, inscriptions, etc. 4 In a book entitled Mi Shu Jian Zhi (« 秘书监志 ») written by Wang Shidian and Shang Qiweng in the early 14th century, there is a list of so called “Hui Hui books,” namely Islamic books which was prepared in 1273 (all the titles of the books collected in this list were transcribed into Chinese characters, as well as being provided with Chinese

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translations). The 17th book on this list is entitled “Tie Li Hei” (帖里黑) and contains three chapters. The Chinese translation is given as “Histories and Names of Countries”.1 Apparently, this “Tie Li Hei” is the Chinese transcription of the Persian or Arabic “Tarikh”, and it could be either a Persian or an Arabic historic book. In the early 18th century Liu Zhi, a famous Chinese Hui Muslim scholar, published two books entitled Tian Fang Dian Li (« 天方典礼 » and Tian Fang Xing Li (« 天方性礼 »), in which he cited about 70 Islamic books, mainly Arabic and Persian. Both transcribed names and translations were given. Among these books, we find several historical books like Ji Suo Mi Er La Zhi (古所一密迩剌直,Qisas-i Mi’raj), Ji Suo An Bi Ya (吉所一安秘雅, Qisas al- Anbiya’), Te Zi Qi Er Qao Li Ya (特白启尔一奥理雅, Tadkir al-Auliya), She Zhe Er Na Me (设哲尔一拿默, Shajar Nama), etc.2 5 Unfortunately, all these above mentioned sources were unknown to Chinese scholars of that time. Despite the fact that missionaries increasingly introduced Chinese sources to Europe from the first quarter of the 16-century onwards, when the Portuguese arrived in Southeast China, until the end of the 19th century Chinese scholars relied mainly on Chinese sources for their research. Apart from the Secret History of the Mongols, they had almost no idea about the sources written in non-Chinese languages, nor of the contributions of their foreign colleagues. 6 Things changed at the end of 19th century. In 1887 Hong Jun (洪钧), minister-counselor of Qing China in Russia, Germany, Holland and Austria arrived in Europe for 3 years. Hong Jun himself was very interested in Mongolian history. He found two important works during his period of service: one was the History of the Mongols written by H.H. Howorth and published in London between 1876 and 1888, and the other was the original Persian text and Russian translation of Jami’ al-Tawarikh, namely the Collection of Histories written by the Persian historian Rashid al-Din around the beginning of the 14th century (published by I. N. Berezm). The former is a work based on Islamic sources and the later is an original source that was unknown to Hong Jun. With the help of his translators, he introduced this discovery to Chinese scholars when he returned to China (Yuan Shi Yi Wen Zheng Bu « 元史译文证补 », published in 1897 in Beijing). 3 His work opened a new world to Chinese scholars and this in turn led to a new era of comparative study between Chinese and Islamic sources. Under his influence many Chinese scholars realized that sources written in Persian, Arabic, or Chaghatay Turkish, contained important descriptions, which should be given the same value as those contained in Chinese sources. 7 After the 1910s more and more Chinese scholars learned foreign languages, such as English, French, German and Japanese. They thus gained direct access to publications in these languages and more and more European and Japanese works were introduced to China through their efforts. Increasingly Chinese scholars compared Chinese sources with the non-Chinese sources mentioned by foreign scholars. This represented great progress. The most representative researches of this period were the papers of Wang Guowei 王国维4 and Chen Zhongmian 岑仲勉5 and the work of Tu Ji 屠寄 entitled Meng Wu Er Shi Ji « 蒙兀儿史记 ».6 8 Unfortunately none of them realised the importance that the knowledge of Islamic languages had for their studies. It is therefore not surprising that many faulty identifications were made during this period between Chinese terms and those of the Islamic sources which were known through western-language translations of the originals. Here is a typical example: in the Tarikh-i Jahan Gusha, Ata Malik Juwaini

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mentioned that after Gur Khan, the founder of the Qara Khitay, was enthroned, he sent his Shihnas to Qam-Kemchik, Barskhan, Taraz and Yafinch. 7 Only Taraz is correct. The other three of these four places names were spelled Kum-Kidjik, Barserdjan, Tamjdj in “Mediaeval Researches from Eastern Asiatic Sources” of E. Bretschneider.8 Based on Bretschneider’s transcription, Chen Zhongmian, a famous Chinese scholar identified the Kidjik of Kum-Kidjik with Hai Ya Li (海押立, Qayaliq), Barserdjan with Ba Er Zhin (八儿真, Barjin), Tamidji with Te Er Mi (忒儿迷, Termez). Actually, Bretschneider’s transcriptions of the above mentioned four place names were based on the incorrect transcriptions made by C. D’Ohsson’s in his Histoire des Mongols. 9 Chen Zhongmian’s identifications are wrong and of no value at all when we check the original Persian forms of these names in Juwaini’s works.10 Because information on Islamic Central Asia in Chinese literature is so rich that it is possible to do research only relying on Chinese sources, the tradition of this school has continued till our days. 9 From the 1930s a new generation educated in faculties of oriental studies in either European or American universities appeared. They realized that the field of Mongol- Yuan studies is unique in Islamic Central Asian Studies because Yuan Shi (« 元史 », History of the Yuan Dynasty), Sheng Wu Qin Zheng Lu (« 圣武亲征录 », A History of the Campaign of Chingis Khan), The Secret History of the Mongols and Jami’ al-Tawarikh originated from a common source. Since then Mongol-Yuan studies have been one of the most vibrant fields in Islamic Central Asian studies in China. 10 Reading the works of Paul Pelliot, they realised that good research could never be achieved on the basis of a second hand translation. Islamic sources of this period were all written in Arabic script. The pronunciation of a word written in this script relies on diacritical points: the pronunciation changes when the number and position of the points change. Manuscripts of Islamic sources are usually full of mistakes of points in place names, personal names and official titles of non-Persian or Arab origin. In these cases relevant descriptions in Chinese sources can be very useful for correcting these copyists’ mistakes in Islamic sources. 11 Representatives of this generation were Han Rulin (韩儒林), Shao Xunzheng (邵循正) and Weng Dojian (翁独健). Following the example of Hongjun, they were specialists of Mongol-Yuan Studies. They all knew Persian, Mongolian and European languages, and some of them knew Turkish and Tibetan, and used both Chinese and Islamic sources in their researches. The main method of their research was the comparative study between these two kinds of sources namely Chinese and Islamic, especially Persian. The works they used most were the Jami’ al-Tawarikh of Rashid al-Din and the Tarikh-i Jahan Gusha of Ata Malik Juwaini. 12 Between the second half of the 1930s and the end of the 1940s, they made many valuable contributions. The most outstanding achievements were: Prof. Shao Xunzheng11 identification of the Chinese version of a diplomatic letter of the Ming emperor contained in Ming Shi (« 明史 », History of the Ming Dynasty) with the Persian version of this letter given in Hafiz Abru’s work of the 15th century “Zubdat al- Tawarikh” and the papers on the comparative studies of Chinese and Persian sources by Prof. Han Rulin.12 Their research can be considered to be up to international standards. 13 For more than 25 years, between 1949 and the end of the Cultural Revolution (1976), studies of Islamic Central Asian history in Mainland China almost ceased. During the Cultural Revolution (1966-1976) the only topic remaining for Chinese scholars was to

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try and prove that the area along present-day China’s north-western border occupied by Russian from the 1860s was historically Chinese territory. 14 After this period, like in all fields of scientific research, studies of Islamic Central Asian history revived in many universities and institutions. In 1978 China joined the project of “A History of the Development of Civilizations in Central Asia” organized by Unesco. Realizing the huge differences between their own research and that being conducted in the Western world, the Institute of Asian Studies of Nanjing University 1 by Prof. Han Rulin started a project to get it’s young scholars to learn one or two Central Asian languages in addition to their mother tongue, Chinese, and at least two modern Western languages. Meanwhile young scholars of Beijing University headed by Prof. Ji Xianlin (季羡林) and Prof. Zhang Guangda (张广达) began to learn Arabic, Persian and Tibetan. Their investigations extended beyond the Mongol-Yuan period, from the early Islamic period to 1900, but were all confined to the eastern part of Central Asia. Meanwhile, however, most scholars in other universities still followed the traditional path of education and research. 15 Nowadays the most valuable contributions are usually published either in Zhong Ya Xue Kan (« 中亚学刊 », Central Asian Studies), a non periodical publication since 1983; Xi Yu Yan Jiu (« 西域研究 », Studies of the Western Regions), a quarterly published m Urumqi and Xi Bei Min Zu Yan Jiu (« 西北民族研究 », Studies on North-western Ethnic Minorities), a biannual publication edited in Lanzhou. The most important studies of this period are: Xi Yu Shi Di Cong Gao Chu Bian (« 西域史地丛稿初编 », Collection of Papers on the History and Historical Geography of the Western Regions) of Zhang Guangda 张广达; 13 Tang Tu Bo Da Shi Guan Xi Shi (« 唐吐蕃大食关系史 », Studies on Relations between the Tang, Tibet and the Arabs) of Wang Xiaopu 王小甫;14 Xi Yu Li Shi Yan Jiu-Ba Zhi Shi Shi Ji (« 西域历史研究一八至十世纪 », Studies on the History of the Western Regions) of Hua Tao华涛;15 Wei Liangtao’s Xi Liao Shi Gang (魏良韬 « 西辽史 纲 », A History of the Qara Khitay)16 and Ye Er Qiang Han Guo Shi Gang (« 叶尔羌汗国史 纲 », A History of Yarqand Khanate);17 and Liu Zheyin and Wei Liangtao’s Xi Yu He Zhuo Jia Zu Yan Jiu (刘正寅, 魏良韬 « 西域和卓家族研究 », A Study on Khwaja’s Family of the Western Regions), etc.18 16 Chinese scholars have been interested in the Qarakhanids since the 1930s. Their interest mainly focuses on the problem of the origin of Qarakhanids rather than on their history. Wang Riwei was the first Chinese scholar who suggested that the Qarakhanid dynasty was established by Uygurs who migrated from Mongolia to Central Asia after 840 A.D. in two papers published in 1935 and 1936.19 It is obvious that Wang Riwei was influenced by Bretschneider. The Japanese scholar Abe Dakeo agreed with Wang Riwei in his book “Xini Uygur Kokoshi No Kenkiju” (安部健夫 : « 西ヮィグル国 史の研究 ») published in 1953.20 17 In 1955, Feng Jiasheng and his assistants followed the idea of Wang Riwei in their book. 21 After the Cultural Revolution, based on the researches of Russian and western scholars, above all the studies of V.V. Bartol’d and O. Pritsak, some Chinese scholars raised new suggestions about the problem of the origin of the Qarakhanids. For instance Wang Zhilai suggested Turk and Uygur in 1977, Guo Pingliang suggested Qarluq, Yaqma and Toghusghuz in 1980.22 Meanwhile Liu Yitang, a Taiwanese scholar writing in 1975 continued to believe that the Qarakhanid dynasty was established by Uygurs.23

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18 In the 1980s Qarakhanid studies was one of the most active areas in Islamic Central Asian research in China. Wei Liangtao was the most important Chinese scholar in this period in Qarakhanid studies. Most of his publications about Qarakhanids were published between 1982 and 1984. His most important papers are: 19 “Sources and Literature about the History of the Qarakhanids”.24 It is the first paper looking for Chinese sources about the history of the Qarakhanids. The main Chinese sources he mentioned were the descriptions of Turks and Uygurs (Hui Hu Zhuan « 回鹘 传 » Hui He Zhuan « 回纥传 » and Tu Jue Zhuan « 突厥传 » in Jiu Tang Shu(« 旧唐书 », the Old Tang History) and m Xin Tang Shu (« 新唐书 », the New Tang History); descriptions of Khotan, Uygurs and Qocho (Yu Tian Zhuan « 于阗传 », Hui Hu Zhuan « 回鹘传 » and Gao Chang Zhuan « 高昌传 ») of Song Shi (the History of the Song Dynasty (« 宋史 »); descriptions of Khotan and Qucha (Yu Tian « 于阗 », Qiu Ci « 龟兹 ») of the Fragments of the Memorial of the Song Dynasty (Song Hui Yao Ji Gao « 宋会要辑稿 »); and the History of the Liao Dynasty (Liao Shi « 辽史 »). His list of Chinese sources (about) the history of the Qarakhanids is based on the idea that the Qarakhanid dynasty was established by the Uygurs who had escaped from Mongolia. Basing himself on these Chinese sources, Wei published another paper entitled “Relationships between the Qarakhanids, Song, Liao and Uygurs of Qocho”25 one year later. 20 “A Short Political History of the Qarakhanids.”26 The history of the Qarakhanids given in this paper was based on the researches of V. V. Bartol’d, O. Pritsak and E.A. Davidovich. A little earlier, Geng Shimin, a Chinese Turkologist, published an article discussing the same topic: “Ka La Han Chao Li Shi Jian Shu”(A Short History of the Qarakhanids) in a journal entitled Xinjiang She Hui Ke Xue, Urumuqi, 1982, N°1 (耿世民: « 喀拉汗朝历史简述 », 刊于 « 新疆社会科学 », 1982年, 第1期). 21 “Supplement to the Hypothesis of the Uygur Origin of the Qarakhanids.”27 This paper is based on another paper of his entitled “The Origin and the Names of the Qarakhanids” (魏良韬: « 关于喀喇汗王朝的起源及其名称 », 刊于 « 历史研究 », 1982 年, 第2期).The main ideas of these two papers are that the Qarakhanid dynasty was established by Uygurs and that the Uygur Hei Han (黑汗) of Khotan in the Song Sources should be a Chinese transcription of Qara Qaghan because Hei Han in Chinese means Black Khan. Based on his above mentioned papers, Wei published a monograph entitled History of the Qarakhanids in Urumqi in 1986. 22 In fact, apart from the descriptions of the activities of the Qarluq in the Chu valley and a short sentence saying that some Uygurs moved westwards looking for the protection of the Qarluq after 840A.D. no sources mention that the royal family of the Qarakhanids was Uygur. The most important paper denying the racial link between the royal family of the Qarakhanids and the Uygurs was Qian Baiquan’s “Ka La Han Wang Chao Shi Pang Te Qin Chuang Jian De Ma-Hui Hu Xi Qian He Pang Te Qin Wen Ti” (Was the Qarakhanid dynasty established by Pang Tegin ? -the problems of the westwards movement of Uygurs and Pang Tegin) published in Xi Bei Min Zu Wen Cong (Studies on Northwestern Ethnic Minorities), Lan Zhou, 1982, N°2. (钱伯泉 : « 喀喇汗王朝是庞特勤创建的吗 ? 回 鹘西迁和庞特勤问题 », 刊于 « 西北民族文丛 », 第3辑, 1983年). We should not forget that the Uygurs experienced many political changes during the time when they were in Mongolia as well as in the early stage of their settlement in the eastern part of Xinjiang. The Uygurs that settled in Xinjiang were quite different from those who had resided in Mongolia.

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23 Additionally, the term Hei Han (黑汗) of Khotan in the Song sources is apparently a Chinese transcription of Qaghan rather than a Chinese translation of “Black Khan” (Qara Qaghan). The most valuable source mentioning the name of the tribe living in Quz Ordu (Bala Saghun) before the period of the Qara Khitay is the description in the Biography of Nian Ge Han Nu (Nian Ge Han Nu Zhuan « 粘割韩奴传 ») in the Jin Shi (History of the Jin Dynasty, « 金史 ») saying that in the period of Da Ding (大定, 1161-1189) three people of Hui He Yi Xi Lan (回纥移习览) arrived at the Jin border. They reported that they belonged to a tribe called Hui He Zou Kuo (回纥邹括) living in a town called Gu Si E Lu Duo (骨斯讹鲁朵). They heard from their ancestors that when the Qara Khitay came, their forces were so weak that they had to surrender to the Qara Khitay.28 Apparently the term Hui He Yi Xi Lan could be a Chinese transcription of Uygur Islam (Muslim Uygur), and the name of the town Gu Si E Lu Duo is a Chinese transcription of Quz Ordu. The most important dung here is that the author says that the tribe living in Quz Ordu in the time of the Qarakhanids is called Hui He Zou Kuo. Hui He was the Chinese transcription of Uygurs in the Tang period. But in the Jin period, this term usually means Turkic-speaking Muslims, like the Uygur Islam (Muslim Uygur) mentioned above. Therefore the key word in this term is Zou Kuo. I suggest that this Zou Kuo could be a Chinese transcription of the tribe name of Cigil. If this hypothesis is correct, dais would mean that the royal family of the Qarakhanids came from the Cigil. 24 Another problem in Wei’s researches is that he identified A Sa Lan Hui Hu (Arslan Uygur) of Liao Shi with the Qarakhanids. 29The History of Liao compiled during the first half of the 14th century mentioned that shortly after 1012 Liao troops started a western campaign, reached the Irtish area and then met the forces of Arslan Uygur at a place called Bai Ba Lie (白拔烈). This Bai Ba Lie was mentioned several times in the Chinese sources of the Mongol-Yuan period and is apparently a Chinese transcription of Berbaliq. The Chinese name of this town was Du Shan Cheng (独山城) situated not far from Beshbaliq. Therefore it is clear that this Arslan Uygur is another name for the Uygurs in the area of Beshbaliq and Qocho and that it has nothing to do with the Qarakhanids. 25 Another scholar interested in the Qarakhanids in the 1980s was Liu Ge (刘戈). She published several papers in different publications of Xinjiang between 1985—1986, but made no important contribution. One of the main problems with the publications of this period is that none of the authors could read Arabic or Persian and that they had very limited idea about the regulation of vowel harmony in the Turkic languages. In addition they paid less attention than would have been necessary to the rules of Chinese transcriptions of non-Chinese terms in the literature of the 11th and 12th centuries. Therefore we find many transcription mistakes in their publications. 26 From the second half of the 1980s, the old generation of scholars noticed the difficulties in the comparative study between Islamic sources and Chinese sources and progressively withdrew from Qarakhanid studies. Meanwhile a new generation of Islamic Central Asianists appeared. Hua Tao is one of the most distinguished amongst them. In 1986 and 1987 he published his annotated Chinese translation to Jamal Qarshi’s Supplement to the Surah’s Dictionary. 30In 1989 he finished his Ph.D. University entitled “The Activities of Turkic Speaking Tribes in the Tianshan Area and the Beginning of Their Islamisation” in Nanjing.31 In his paper entitled “On the Origin of the Karakhanids” Hua Tao rejected the hypothesis of an Uygur origin by using evidence

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showing that the ancestors of Satuq Khan appeared in the western Tianshan area before 840 A.D. when Uygurs began to migrate towards west.32 His monograph entitled Xi Yu Li Shi Yan Jiu--Ba Zhi Shi Shi Ji (Studies on the History of the Western Regions – between the 8th and the 10th century) was published in 2000. This work represents the latest result of Qarakhanid studies in China. 27 During the last twenty years numerous books and articles concerning this field have been published. They show us that each university has it’s own tradition and that different tendencies have existed. Not all of them were up to the same level: some universities did not even ask their scholars to concentrate first on some specialist topic and publish their papers before starting to write a book. They judged the level of their scholars simply according to the number of books they wrote, with no regard for quality, while some institutes adhered to scientific criteria in their research. 28 Thanks to its huge population and territory and its economic development, China has many publishing houses, and therefore the number of the books on Islamic Central Asian history published in the past 20 years is more than that in the previous centuries combined. Unfortunately not all of them are up to the standards followed by scientists all over the world. For instance, two authors wrote a book entitled A History of Documentary Exchanges between Last and West and published in 1999 33 without having published any previous papers on this topic. It is therefore not surprising that this book says nothing about the relations between the Tang court and the Central Asian kingdoms during the Arabic conquest, the intermarriage between the royal dynasties of the Liao and Ghaznawids, the period of the Qara Khitay, about the contacts between the Mongols and the Popes, between the Yuan court and the other Mongolian khanates, between the Ming and the Timurids. There is no need to mention all the unqualified publications of this kind here. 29 In one word, two great leaps forward were made in the first half of the 20th century. New competition has just begun in the last twenty years of the 20th century between science and non-science. We will never be satisfied with our passed efforts.

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APPENDIXES

GLOSSARY

Abe Dakeo : 安部健夫 Ba Er Zhin : 八儿真, Barjin Bai Ba Lie : 白拔烈, Berbaliq Che Fu Yuan Gui : 册府元龟

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Chen Yonggang : 陈永刚 Chen Zhongmian : 岑仲勉Da Shi: 大食, Arab Du Shan Cheng : 独山城, Berbaliq Gao Chang Hui Hu : 高昌回鹘, Uygurs of Qocho Gu Si E Lu Duo : 骨斯讹鲁朵, Quz Ordu Guan Tang Ji Lin : 观堂集林 Hai Ya Li : 海押立, Qayaliq Han Mi Mo Ni : 瞰密莫末腻, Amir al-Mummen Han Rulin : 韩儒林 Hei Han : 黑汗, Qaghan, Qara Khan Hua Tao : 华涛 Hui He Yi Xi Lan : 回纥移习览, Uygur of Islam (Turkic speaking Muslim) Hui He Zou Kuo : 回纥邹括, Uygur/Cigil (?) (Turkic Cigil?) Hong Jun : 洪钧 Ji Suo An Bi Ya: 吉所一安秘雅, Qisas al-Anbiya’ Ji Suo Mi Er La Zhi : 古所一密迩剌直, Qisas-i Mi’raj Ka La Han Wang Chao : 喀喇汗王朝, Qarakhanids *k’am-miet-mak-niei : 瞰密莫末腻, Amir al-Mummen Liu Ge : 刘戈 Liu Zhengyin : 刘正寅 Meng Wu Er Shi Ji : 蒙兀儿史记 Mi Shu Jian Zhi : 秘书监志 Ming Shi: 明史 Pan Yutian : 潘玉田 Pang Te Qin : 庞特勤, Pang Tegin Qian Baiquan: 钱伯泉 Qiong Lu Ji: 穹庐集 Shang Qiweng : 商启翁 Shao Xunzheng : 邵循正 Shao Xunzheng Li Shi Lun Wen Ji : 邵循正历史论文集 She Zhe Er Na Me : 设哲尔一拿默, Shajar Nama Sheng Wu Qin Zheng Lu : 圣武亲征录 Tang : 唐 Tang Hou Hui Hu Kao : 唐后回鹘考 Tang Tu Bo Da Shi Guang Xi Shi : 唐吐蕃大食关系史 Te Er Mi: 忒儿迷 Te Zi Qi Er Qao Li Ya : 特白启尔一奥理雅, Tadkir al-Auliya Tian Fang Dian Li : 天方典礼 Tian Fang Xing Li : 天方性礼 Tie Li Xei: 帖里黑 Tu Ji : 屠寄 Wang Guowei : 王国维 Wang Riwei : 王日蔚 Wang Shidian: 王士点 Wang Xiaopu : 王小甫 Wei Liangtao : 魏良韬 Weng Dojian: 翁独健

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Xi Bei Min Zu Yan Jiu : 西北民族研究 Xi Liao Shi Gang : 西辽史纲 Xini Uygur Kokoshi No Kenkiju : 西ヮィグル国史の研究 Xi Yu He Zhuo Jia Zu Yan Jiu : 西域和卓家族研究 Xi Yu Li Shi Yan Jiu--Ba Zhi Shi Shi Ji : 西域历史研究一八至十世纪 Xi Yu Shi Di Cong Gao Chu Bian : 西域史地丛稿初编 Xi Yu Yan Jiu: 西域研究 Xin Tang Shu: 新唐书 Ye Er Qiang Han Guo Shi Gang : 叶尔羌汗国史纲 Yuan Shi : 元史 Yuan Shi Yan Jiu Zhi Hui Gu Yu Qian Zhan : 元史研究之回顾与前瞻 Yuan Shi Yi Wen Zheng Bu : 元史译文证补 Zhang Guangda : 张广达 Zhong Wai Shi Di Kao Zheng : 中外史地考证 Zhong Xi Wen Xian Jiao Liu Shi : 申西文献交流史Zhong Ya Xue Kan : 中亚学刊

NOTES

1. Wang Shidian & Shang Qiweng, Mi Shu Jian Zhi, Zhejiang Guji Chubanshe (王士点, 商启翁 : « 秘 书监志 », 浙汪吉籍出版社), 1992, pp. 128-129. 2. Donald Daniel Leslie and Mohamed Wassel, Central Asiatic Journal, 1982, n°1-2, pp. 79-85. 3. Han Rulin, “Yuan Shi Yan Jiu Zhi Hui Gu Yu Qian Zhan” (韩儒林: « 元史研究之回顾与前瞻 », Notes on Yuan Studies), in the collection of papers of the author Qiong Lu Ji « 穹庐集 », Shanghai, 1982, pp. 61-68. 4. His papers collected in Guan Tang Ji Lin « 观堂集林 », Zhong Hua Shu Ju申华书局, Beijing, 1999. 5. His papers collected m Zhong Wai Shi Di Kao Zheng « 中外史地考证 », Zhong Hua Shu Ju, Beijing, 1959. 6. Facsimile published by Zhong Guo Shu Dian, Beijing, 1984. 7. The History of the World Conqueror, tr. J.A. Boyle, Manchester, 1958, pp. 355-356. 8. London, 1888, first vol., p. 228. 9. The Hague and Amsterdam, 1834-5; Chinese translation, tr. Feng Chengjun, 1936, Shangwu Yingshuguan, vol.1, p. 185. 10. Han Rulin, “Guan Yu Xi Liao De Ji Ge Di Ming” (韩儒林: « 关于西辽的几个地名 », On Several Place Names of Qara Khitay”, in Yuan Shi Ji Bei Fang Min Zhu Shi Yan Jiu Ji Kan (« 元史及北方民族史 集刊 »), Nanjing University, 1980, pp. 48-50). 11. Yu Ming Chu Ye Yu Tie Mu Er Di Guo Zhi Guan Xi (« 有明初叶与帖木儿帝国之关系 », Communication between the Early Ming and the Temurids), in Shao Xunzheng Li Shi Lun Wen Ji(« 邵循 正历史论文集 », Collection of Papers of Historical Researches of Shao Xunzheng, Beijing, 1985, pp. 86-98 12. Collected in Qiong Lu Ji, Shanghai Renmin Chubanshe (« 穹庐集 », 上海人民出版社), 1982. 13. Shanghai Gu Ji Chubanshe 上海古籍出版社, 1995. 14. Beijing University Press 北京大学出版社, 1992. 15. Shanghai Gu Ji Chubanshe 上海古籍出版社, 2000, Feb. 16. Ren Mm Chubanshe 人民出版社, 1991. 17. Hei Long Jiang Jiao Yu Chubanshe 黑龙江教育出版社, 1994. 18. Zhong Guo She Hui Chubanshe 中国社会科学出版社, 1998. 19. Wang Riwei, “Cong Ling Xi Hui Hu Kao” (A Study on the Uygurs in the Area West from the Onion Mountain), in Yu Gong (王日蔚: « 葱岭西回鹘考 », 刊干 « 禹贡 »), N° 4-5, 1935, Beijing,

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pp. 8-10; and the same author’s “Tang Hou Hui Hu Kao” (A Study on Uygurs after the Tang Dynasty), in Shi Xue Ji Kan (王日蔚: « 葱岭西回鹘考 », 刊干 « 禹贡 »), 1936, Beijing, pp. 19-70. 20. Abe Dakeo, Xini Uygur Kokoshi No Kenkiju (安部健夫: « 西ヮィグル国史の研究 »), Chinese translation Xi Hui Hu Guo Shi Yan Jiu, by Song Suyin, Liu Meisong, Xu Baifu, Xinjiang Renmin Chubanshe, 1986, Urumqi (宋肃瀛, 刘美崧, 徐伯夫译 « 西回鹘国史研究 », 新疆人民出版社, 1986 年, 乌鲁木齐), pp. 277-279. 21. Feng Jiasheng, Cheng Suluo & Mu Guangwen, Wei Wu Er Shi Liao Jian Bian (Sources of the History of Uygurs), book one, unopenly published in 1955, openly published in Beijing (冯家升, 程溯洛, 穆广文: « 维吾尔史科简编 », 上册), 1958; See Wei Liangtao, Ka La Han Wang Chao Shi Gao (History of Qarakhanids), Xinjiang Ren Min Chubanshe (魏良韬: « 喀喇汗王朝史稿 », 新疆人民出版社), Urumuqi, 1986, p. 50. 22. Wang Zhilai, “Lun Yi Si Lan Jiao Za Xinjiang De Fa Zhan” (On the Development of Islam in Xinjiang), in Xinjiang Li Shi Lun Wen Ji (王治来 : « 论伊斯兰教在新疆的发展 », 刊干 « 新疆历史论 文集 »), Urumuqi, 1977, p. 254; Guo Pingliang, Xinjiang Jie Shi (A Short History of Xinjiang), Xinjiang Renmin Chubanshe, Urumuqi (郭平梁: « 新疆简史 », 新疆人民出版社), 1980, p. 155. 23. Liu Yitang, Wei Wu Er Yan Jiu (Studies on Uygurs), 1975 (刘义裳: « 维吾尔研究 »); See Wei Liangtao, Ka La Han Wang Chao Shi Gao (History of Qarakhanids), Xinjiang Ren Min Chubanshe (魏良韬: « 喀喇汗王 朝史稿 », 新疆人民出版社), Urumuqi, 1986, p. 50. 24. Wei Liangtao, “Guan Yu Ka La Han Wang Chao De Shi Liao, Wen Xian Ji Yan Jiu Qing Kuang”, in Academic journal of Xinjiang University, Urumuqi, 1982, N°1 (魏良韬 : « 关于喀喇汗王朝的史科, 文献及研究情况 », 刊干« 新疆大学学报 », 1982年, 第1期), pp. 43-55. 25. Wei Liangtao, “Ka La Han Wang Chao Yu Song Liao Ji Gao Chang Hui Liu De Guan Xi”, in Zhong Ya Xue Kan (Central Asian Studies), N°1, Beijing, 1983 (魏良韬 : « 喀喇汗王朝与宋, 辽及高昌回鹘 的关系 », 刊干 « 中亚学刊 », 第一辑, 1983年), pp. 212-223. 26. Wei Liangtao, “Ka La Han Wang Chao Zhang Zhi Shi Lue Shu”, in Academic journal of Xinjiang University, Urumuqi, 1982, No.2 (魏良韬 : « 喀喇汗王朝政治史略述 », 刊干« 新疆大学学报 », 1982年, 第2期), pp. 16-47. 27. Wei Liangtao, “Ka La Han Wang Chao Qi Yuan Hui Hu Shuo Bu Zheng”, in Hi Shi Yanjiu (Historical Researches), Beijing, 1983, No.3 (魏良韬: « 喀喇汗王朝起源回鹘说补正 », 刊干 « 历史 研究 », 1983年, 第3期),pp. 112-119. 28. Biography of Nian Ge Han Nu, Juan 121 of Jin Shi (« 金史 » 卷121 « 粘割韩奴传 »), p. 2637. 29. Wei Liangtao, “Relationship between Qarakhanids, Song, Liao and Uygurs of Qocho”, in Zhong Ya Xue Kan (Central Asian Studies), N°1, Beijing, 1983, p. 218. 30. Hua Tao, “Jia Ma Er Ke Er Shi He Ta De Su La He Ci Dian Bu Pian” (Jamal Qarshi and his Mulhaqat at-Surah),in Studies in the History of the Yuan Dynasty and of the Northern Nationalities, N°10. Nanjing University, 1986, pp. 60-69; and N°11, and 1987 (华涛: « 贾玛尔喀尔施和他的<苏拉赫词 典补编> », 上, 下, 刊于 « 元史及北方民族史研究集刊 », 第10, 第11辑, 南京大学). 31. Hua Tao, “Tu Jue Yu Zhu Bo Zai Tian Shan Di Qu De Huo Dong Ji Qi Yi Si Lan Hua De Kai Shi”, Ph.D. dissertation, Nanjing University, 1989 (华涛: « 突厥语诸部在天山地区的活动及其伊斯兰 化的开始 ») 32. Hua Tao, “Ka La Han Wang Shi Zu Shu Wen Ti Yan Jiu”, in Studies in the History of the Yuan Dynasty and of the Northern Nationalities, N°12-13. Nanjing University, 1989-1990, pp. 116, p. 112 (华 涛: « 喀喇汗朝王室族属问题研究 », 刊于 « « 元史及北方民族史研究集刊 », 第13辑, 南京大学 » 1989-1990). 33. Written by Pan Yutian 潘玉田 and Chen Yonggang 陈永刚, Zhong Xi Wen Xian Jiao Liu Shi « 申 西文献交流史 », Beijing Tushuguan Chubanshe 北京图书馆出版社 (the Publishing House of Beijing Library), 1999.

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INDEX

Mots-clés: sources, historiographie, Karakhanides Keywords: sources, historiography, Qarakhanids

AUTHOR

LIU YINGSHENG

Nanjing University, China

Cahiers d’Asie centrale, 9 | 2001 117

Le rôle et la place des juristes hanafites dans la vie urbaine de Boukhara et de Samarcande entre le XIe et le début du XIIIe siècle

Aširbek Muminov Traduction : Kirill Kuzmin

NOTE DE L'AUTEUR

Recherche effectuée avec le soutien de la fondation “Alexander-von-Humboldt” (Allemagne). L’auteur remercie la fondation, ainsi que le professeur Stefan Reichmuth, le Prof. Anke von Kuegelgen et le Docteur Michael Kemper pour l’avoir invité à travailler à l’Université de la Ruhr (Ruhr-Universität) dans la ville de Bochum.

1 L’activité des juristes (sing. faqîh, pl. fuqahâ’) du maḏhab 1 hanafite dans les deux villes principales du Mavarannahr central est importante pour l’étude de la vie urbaine à l’époque des Karakhanides (389-609/999-1212). La fonction de ces juristes s’exerçait, d’une part, sur les citadins ordinaires, et d’autre part, sur les souverains. Le Mavarannahr à l’époque karakhanide connaît une période classique caractérisée par le développement du maḏhab hanafite, ce qui explique l’attention que lui ont accordée certains chercheurs. S. Bilhan, dans sa thèse non publiée, a surtout analysé l’activité pédagogique des faqîh du Mavarannahr2, en se fondant essentiellement sur deux documents de vaqf concernant la fondation d’une madrasa et d’une maison d’hôte à Samarcande3. La monographie de Y. Kavakcı présente, quant à elle, un recueil de biographies de faqîh, la partie consacrée à l’analyse se limitant à trois pages4. Les deux auteurs cités ci-dessus n’ont, le plus souvent, utilisé que cinq à six ouvrages publiés alors qu’il existe une trentaine d’ouvrages historiques et biographiques (‘abaqât al- ḥanafiyya). Malgré l’intérêt incontestable de ces ouvrages biographiques hanafites, on constate un décalage par rapport aux réalités du Mavarannahr karakhanide du point de

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vue chronologique (leur rédaction date des XIVe-XIXe siècles), aussi bien que géographique (ils étaient écrits en Egypte, en Syrie et en Asie mineure). De plus, ils ont été très influencés par les études de hadith (et avant tout par le Kitâb al-qand fî ḏikr ‘ulamâ’ Samarqand de Abû Ḥafṣ an-Nasafî, mort en 537/1142 et le Kitâb al-Ansâb de Abû Sa‘d as-Sam‘’ânî, mort en 562/1167) et comportent des zones d’ombre quant aux aspects sociaux et juridiques de l’activité des faqîh centrasiatiques.

2 Il est à noter que trois types de sources d’information locales ont jusqu’à maintenant échappé à l’attention des chercheurs : 1) les ouvrages des faqîh du Mavarannahr eux- mêmes, 2) les monuments épigraphiques se rapportant aux hanafites et les œuvres littéraires connexes écrites dans le genre dit des “descriptions de nécropoles comme sanctuaires de savants théologiens” à Samarcande et à Boukhara. D’ailleurs, ces derniers sont très importants pour la confirmation des renseignements fournis dans les biographies, 3) les notes marginales de tout type, laissées par les copistes et les lecteurs sur les manuscrits du Mavarannahr karakhanide. Il faut noter que leur étude est rendue difficile par de nombreux problèmes, tels que l’absence de publications critiques de ces ouvrages, l’éparpillement de leurs copies manuscrites dans différents pays du monde et le grand nombre d’ouvrages eux-mêmes. Nous avons alors pris conscience de la difficulté de procéder à l’analyse sociologique des données recueillies dans ces sources, sans résoudre les problèmes relatifs à l’étude des sources. Néanmoins, on peut aujourd’hui parler de premiers résultats des recherches dans ce domaine. 3 On sait qu’au Mavarannahr la transition entre le pouvoir de la dynastie samanide (204-389/819-999) et celui des Karakhanides (225-609/840-1212) n’était pas un simple changement de dynastie. Pour la première fois depuis l’islamisation, le Mavarannahr entre dans la composition d’un État qui comprend les régions intérieures de l’Asie centrale, connues des premiers auteurs musulmans sous le nom de “Arâḍî at-Turk” (“Terres des Turks”, “Terres des infidèles”). Il faut remarquer l’hétérogénéité des méthodes et des degrés d’islamisation sur ces deux territoires. Les rivalités permanentes, les oppositions et les guerres entre Karakhanides et Ghaznévides (366-582/977-1186), Seldjoukides (431-590/1040-1194) et Khorezmchah- Anouchteginides (470-628/1077-1231), avaient affaibli les relations autrefois solides du Mavarannahr avec le Khorassan. De plus, le système de gouvernement en usage dans l’État des Karakhanides, fondé sur un principe de division en apanages, a favorisé un développement plus spontané des centres urbains. La somme de tous ces facteurs a stimulé le développement indépendant des centres locaux de science musulmane en Asie centrale. Les changements sociaux dans les villes karakhanides ont été de puissants générateurs de développement. Les faqîh hanafites y participaient activement et jouaient un rôle des plus importants, car les hanafites exerçaient traditionnellement une grande influence dans les villes du Mavarannahr. Cela s’explique par le fait que lors de l’islamisation de cette région, les premières communautés musulmanes étaient concentrées autour de leurs propres mosquées et conservaient un caractère tribal et fermé. Elles étaient constituées d’envahisseurs arabes, représentants de la “classe supérieure”. Ces derniers s’efforçaient de compliquer la procédure d’adoption de l’islam par la population locale, afin de limiter leur accès à la classe privilégiée. À l’inverse, les premiers hanafites, héritiers de l’école murdji’ite, possédant leurs propres mosquées dans le Mavarannahr, favorisaient les procédures de conversion à l’islam. Ainsi, les mosquées hanafites étaient ouvertes à la population locale. Par la suite, la protection des intérêts de la population locale musulmane auprès des autorités

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continua d’être un pan de l’activité des hanafites. Intégrés dans la population et originaires de la classe moyenne, les faqîh étaient devenus les chefs spirituels des citadins. À leurs yeux, ils faisaient figure d’hommes de science, de porteurs de la “loi sacrée”. Hormis les juristes (faqîh) proprement dits, il y avait parmi les hanafites des théologiens (mutakallim, faqîh), des interprètes de hadith (muḥaddith), des interprètes de l’Écriture sainte (mufassir), des sages (ḥakîm) et des ermites (‘âbid, zâhid). Ils satisfaisaient aux différents besoins spirituels de la population. Les faqîh ne se limitaient pas à expliquer les thèses de la nouvelle religion, ils oeuvraient à ce qu’elle soit proche des gens, prenant soin qu’ils en comprennent le discours, le système de valeurs et les notions. D’après les sources, les théologiens communiquaient avec la population en persan, langue locale, tandis que leurs discussions savantes se déroulaient en arabe, utilisé aussi pour rédiger les textes. Il faut noter que l’arabe était la langue de l’islam “scientifique” ou “théorique” à l’époque pré-mongole, à quelques exceptions près. 4 Après le partage de l’État samanide entre les Karakhanides et les Ghaznévides, Boukhara passait parfois d’une zone d’influence à l’autre, ce qui s’illustrait d’abord par la nomination d’un nouveau juge (qâḍî) pour la ville. On ignore qui a nommé le premier d’entre eux, Abû ‘Alî an-Nasafî (mort en 424/1032-33). C’est le sultan Maḥmûd Ghaznavî (388-421/998-1030) qui nomma un faqîh hanafite de Nichapour, Abû Muḥammad an- Nâṣiḥî (447/1055-56) au poste de qâḍî de Boukhara. 5 Les Karakhanides nommèrent Abû al-Ḥasan ‘Alî b. al-Ḥusayn as-Sughdî (mort en 461/1068-69), lié probablement aux Karramites (Lewinstein, 1994), au poste de juge suprême (qâḍî al-quḍât). Un conflit entre les autorités et les faqîh de Boukhara eut lieu à son époque et provoqua de vives polémiques dans la société. Un citadin boukhariote porta plainte contre un proche de la famille du khan au sujet d’une somme d’argent importante. Les faqîh de tous les quartiers de Boukhara, représentés par leur chef ‘Abd al-‘Azîz b. Aḥmad al-Ḥalvâ’î/Ḥalvânî (mort en 448 ou 449/1056-58), issu d’une famille de commerçants – confiseurs, appuyèrent la plainte de l’habitant boukhariote, le juge suprême restant le seul à soutenir le proche du khan. L’intervention du khan fut le seul moyen de résoudre l’affaire en faveur de son proche. On y voit pour la première fois dans l’histoire du Mavarannahr, une manifestation collective de la guilde des hanafites. C’est al-Ḥalvâ’î qui fut le premier à porter le titre honorifique de “Shams al-A’imma” (“Soleil des imams”) en tant que chef (ra’îs al-ḥanafîya) de cette guilde. 6 Le deuxième conflit de al-Ḥalvâ’î eut lieu avec le qâḍî suivant, ‘Anbasa (XI e siècle). Le qâḍî karakhanide remit en question le vieux droit des faqîh boukhariotes de donner des recommandations écrites (fatâvâ, maḥââir) au sujet des décisions des juges. C’est probablement ce conflit qui provoqua l’exil de al-Ḥalvâ’î à Kesh, où d’importantes garnisons karakhanides étaient basées. Le corps de al-Ḥalvâ’î, après sa mort en exil, fut transporté de Kesh à Boukhara pour y être enseveli. 7 Contrairement à ses prédécesseurs, le khan Naṣr b. Ibrâhîm (460-472/1068-1080) mena une politique active. Il visait tout d’abord à devenir une sommité religieuse (‘âlim), en copiant des manuscrits de sa belle écriture et en dictant des hadith à ses disciples. Il s’attribua le titre de “Shams al-Mulk” (“Soleil de l’État”) afin de contrebalancer les faqîh boukhariotes. Ceux qui s’opposaient à sa politique étaient fermement et sévèrement punis. Le premier qui en pâtit fut Ismâ‘îl b. Aḥmad al-Vâ’ilî aṣ-Ṣaffâr (assassiné en 461/1068-69), représentant de l’un des groupes de faqîh de Boukhara et issu d’une famille de chaudronnier. Il fut exécuté pour avoir donné “des conseils au khan sur ses

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agissements”. La même accusation pesait sur Shams al-A’imma Muḥammad b. Aḥmad as-Sarakhsî (mort en 481/1088-89), déporté de Boukhara dans la lointaine ville d’Ouzgend. As-Sarakhsî passa de longues années en prison, où il dictait à ses disciples le texte de ses ouvrages qui devinrent par la suite des classiques. Il ne fut libéré qu’en 480/1087. Cependant, on ne le laissa pas rentrer à Boukhara et on l’envoya de Samarcande à Balkh où il mourut en 481/1088-89. En compensation, ses disciples furent nommés qâḍî par les Karakhanides : Shams al-A’imma Bakr b. Muḥammad az-Zaranjarî (mort en 512/1118-19) à Boukhara et Maḥmûd b. ‘Abd al-‘Azîz al-Uzgandî (Ve/XIe siècle) à Samarcande, avec le titre de “Shams al-Islâm” (“Soleil de l’islam”). 8 Au début du règne des Karakhanides, les faqîh, nommés aux postes religieux dans la capitale Samarcande, venaient des villes qui faisaient partie de l’État karakhanide avant même la conquête du Mavarannahr. Ainsi, Aḥmad b. Manṣûr al-Isbijâbî (mort en 480/1087-88) et ‘Atâ’ b. Aḥmad al-Kâsânî (Ve/XIe siècle) furent nommés qâḍî, et ‘Abd ar- Raḥmân b. Yaḥyâ aj-Jikilî (mort en 516/1122) fut nommé khaṭîb. Ces faqîh se distinguèrent de leurs homologues et de la population locale, d’une part, en rédigeant leurs propres ouvrages qui se fondaient sur les œuvres hanafites de l’école iranienne, bravant les sommités locales; d’autre part, en n’intégrant pas le milieu scientifique local, ne laissant pas de disciples et n’osant pas annoncer publiquement les fatâvâ qu’ils avaient formulées. Par exemple, après la mort d’al-Isbijâbî, on trouva un coffre entier rempli de fatâvâ qu’il n’avait pas rendu publiques de son vivant. 9 Parmi les faqîh de Samarcande de l’époque, on distingue as-Sayyid Abû Shujâ‘ Muḥammad b. Aḥmad al-‘Alavî al-Madînî (mort après 458/1065-66), qui porte le titre honorifique de “Shaykh al-Islâm”. Descendant d’al-‘Abbâs b. ‘Ali b. Ṭâlib, il bénéficiait d’une grande autorité. Abû Shujâ‘ était en bonne relation avec al-Ḥalvâ’î, as-Sughdî, al- Ḥasan al-Mâturîdî (XIe siècle). Lui et ses disciples, ‘Atâ’ b. Ḥamza as-Sughdî (XI e siècle) et Abû Ḥafṣ an-Nasafî ont laissé une grande quantité de fatâvâ qui peuvent servir d’illustrations concrètes aux différents aspects de la vie urbaine de Samarcande durant le XIe et le XII e siècle. Les descendants d’Abû Shujâ‘, Abû al-Vaḍḍâḥ Muḥammad al-‘Alavî (mort en 491/1098) et as-Sayyid al-Ashraf (mort en 523/1129) ont joué par la suite un rôle important dans la vie politique de la ville (voir plus bas). 10 Il est intéressant d’observer l’efficacité de l’activité sociale, politique et scientifique menée à Samarcande par un groupe de faqîh venant du district de Nasaf. Fakhr al-Islâm ‘Alî b. Muḥammad al-Pazdavî/Bazdavî (mort en 482/1089) a rédigé d’importants travaux sur le fiqh hanafite. Son frère, Ṣadr al-Islâm Abû al-Yusr Muḥammad b. Muḥammad al-Pazdavî (mort en 493/1099-1100), était également l’auteur de célèbres ouvrages hanafites et portait le titre de qâḍî al-quḍât. Abû al-Mu‘în Maymûn b. Muḥammad an-Nasafî (mort en 508/1114), autre représentant de Nasaf, réorganisa l’enseignement de Abû Manṣûr al-Mâturîdî (mort en 333/944-45), en l’orientant vers l’enseignement théologique de tout le maḏhab hanafite. Ce phénomène est probablement dû à l’ascension à ce moment-là, à Samarcande, d’une branche des premiers Ilek-khan, gouverneurs de Nasaf au début du XIe siècle. Cependant, l’intervention de Malikshâh (465-485/1073-1092) dans les affaires du Mavarannahr en 1089, mit fin au succès de ce groupe de savants à Samarcande : Fakhr al-Islâm al- Pazdavî fut déporté à Kech, où il mourut la même année, Abû al-Yusr et Abû al-Mu‘în, avec leurs familles et disciples, déménagèrent à Boukhara. Le départ de ce groupe de savants, ainsi que celui de leur disciple ‘Ala’ ad-Dîn as-Samarqandî (mort en

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539/1144-45 environ) joua un rôle fondamental dans la propagation de l’enseignement de la Mâturîdiyya et dans son futur succès parmi les théologiens boukhariotes. 11 La politique des Seldjoukides dans le Mavarannahr provoqua l’affaiblissement du pouvoir central des Karakhanides, la politisation d’une partie de la population et la création de milices populaires. Dans ce contexte, l’importance du rôle de la famille Sayyid à Samarcande s’est accrue. Abû al-Vaḍḍâḥ, fils d’Abû Shujâ‘, outre son influence dans la capitale, avait également de solides relations dans le Khorassan, notamment avec la famille aṣ-Ṣâ’idî de Nichapour. Son fils as-Sayyid al-Ashraf était si puissant qu’il pouvait destituer et nommer les khans karakhanides. Il fut assassiné en 523/1129, lors de l’une de ces révolutions de palais. 12 Nous connaissons encore mal l’ampleur de l’influence des Karakhitay (536-607/1141-1211) sur la vie sociale et religieuse de Samarcande. En 556/1160-61, as- Sayyid Abû al-Qâsim Muḥammad b. Yûsuf al-‘Alavî al-Madînî fut exécuté. Il avait appelé à limiter le pouvoir des gouverneurs non-musulmans sur la population musulmane et à renforcer le rôle des ‘ulama’. Ses nombreux ouvrages, ainsi que ceux de Muḥammad b. ‘Abd al-Ḥamîd al-Usmandî as-Samarqandî (mort en 552/1157-58), autre faqîh hanafite productif de l’époque, peuvent constituer des sources abondantes pour l’étude historique de la vie urbaine. 13 Comme on l’a vu plus haut, les Karakhanides avaient plusieurs moyens d’exercer leur influence sur la masse des ‘ulama’: poursuivre les chefs insoumis, les nommer aux postes de qâḍî al-quḍât, khaṭîb, muḥtasib, shaykh al-islâm, former leurs propres cadres dans leurs propres madrasa, etc. À différentes époques, l’’épicentre de cette lutte passa par diverses institutions religieuses. Dès l’avènement du règne du sultan Sanjar (490-552/1097-1157) à Boukhara, le khaṭîb devint une figure-clé. Selon la tradition en usage à Boukhara à cette époque, c’était le khaṭîb nommé par le pouvoir qui, le jour de la prière du vendredi, prononçait la khuṭba, après quoi la communauté accompagnée du sultan disait la prière sous la direction du faqîh le plus instruit de la ville. Lorsque Sanjar occupa Boukhara en 495/1102, il exila Ibrâhîm b. Ismâ‘îl aṣ-Ṣaffâr (mort en 534/1139-40), imam principal de Boukhara, dans la capitale de Merv, après avoir nommé au poste de khaṭîb ‘Abd al-‘Azîz b. ‘Umar Mâza (mort en 518/1124), faqîh de Merv et premier ṣadr. 14 Respectant l’équilibre des forces et des intérêts, les représentants de cette dynastie (495-629/1102-1232) passèrent du statut de khaṭîb à celui de gouverneur de facto de la ville. Quatre de ces représentants, soit le fondateur de la dynastie, ses deux fils, Ḥusâm ad-Dîn ‘Umar (mort en 536/1141) et Tâj ad-Dîn Aḥmad (VIe-XIIe siècles), ainsi que Burhân ad-Dîn Maḥmûd al-Bukhârî (mort en 570/1174-75 environ), fils de ce dernier, étaient d’éminents savants. Comme le démontre l’étude des manuscrits de la “Bibliothèque de Khwâja Muḥammad Pârsâ”, ils avaient fondé à Boukhara une bibliothèque publique pour les faqîh et pris en charge six mille faqîh (an-Nasavî, Sîrat, 63) durant l’année de la conquête de Boukhara par le Khorezmchah Muḥammad (596-617/1200-1220). C’est pourquoi ils avaient de toute évidence des opposants dans le milieu des faqîh. Ḥammâd b. Ibrâhîm aṣ-Ṣaffâr (mort en 576/1180-81), représentant de la famille al-Vâ’ilî, habitait à Samarcande; Iftikhâr ad-Dîn al-Bukhârî, chef d’une autre branche, fut obligé de partir pour Sarakhs, où il s’est éteint en 542/1147-48. Fakhr ad- Dîn al-Ḥasan b. Manṣûr al-Uzgandî (mort en 592/1196), disciple des deux faqîh cités ci- dessus, fut nommé avec le titre honorifique de qâḍîkhân au poste de qâḍî de Boukhara par les Karakhanides, qui essayaient de toute évidence d’élargir leur zone d’influence

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dans cette ville à la fin du XIIe siècle. Dans ce but, ils bâtirent la madrasa “Tîmcha-i khân”. On l’apprend à travers la copie manuscrite de l’ouvrage “al-Hidâya” de Burhân ad-Dîn al-Marghînânî (mort en 593/1197), qui a été faite dans cette madrasa en 605/1209 (Manuscrit de la bibliothèque Suleymaniye, Yazma Bağişlar 673, f. 314b). Comme on le sait, Burhân ad-Dîn al-Marghînânî, le shaykh al-islâm des Karakhanides, avait éradiqué “l’hérésie parmi les ‘ulamâ’ de Samarcande”. En effet, il avait engagé une lutte contre les groupes de faqîh locaux de la ville. C’est probablement la raison pour laquelle les faqîh de Samarcande, après sa mort, n’ont pas permis son inhumation à Châkardîza, cimetière sacré des ‘ulamâ’. Il a donc été enterré près des portes dudit cimetière. Après lui, les postes de shaykh al-islâm et de khaṭîb furent occupés par ses descendants5. Le premier et le seul propagateur de son “al-Hidâya” à Boukhara était Shams al-A’imma Muḥammad b. ‘Abd as-Sattâr al-Kardarî (mort en 642/1244) et originaire du Khorezm. 15 On connaît plusieurs cas d’‘ulamâ’ de Boukhara au XIIe siècle qui cherchèrent à établir des relations diverses et notamment scientifiques avec les savants du Khorezm. Tel était le cas de Muḥammad b. ‘Abd-Allâh as-Surkhakatî (mort en 518/1124-25), de Mas‘ûd b. al-Ḥusayn al-Kushânî (mort en 520/1126-27), de Ḥammâd aṣ-Ṣaffâr, de Ẓahîr ad-Dîn al-Marghînânî, de al-Khutanî, etc. 16 Lors de la conquête de Boukhara, le Khorezmchah Muḥammad fit prisonnier le chef des ṣadr et nomma au poste de khaṭîb Majd ad-Dîn Mas‘ûd b. Ṣâliḥ al-Farâvî (assassiné en 615/1219 environ), faqîh du Khorassan (an-Nasavî, Sîrat, 63-64). L’intervention du Khorezmchah dans les affaires du Mavarannahr perturba pour la première fois l’ordre social qui s’était instauré dans les villes de cette région, durant un XIIIe siècle si riche en troubles. Le dérèglement de la vie urbaine à Boukhara, à Samarcande et dans les autres villes du Mavarannahr annonçait le début de la crise du fiqh. L’agonie latente et le recul de l’école régionale de fiqh qui se poursuit aux XIII-XIVe siècles, ont transformé le fiqh, science traitant des changements subtils de la vie sociale, en science scolastique. Dans un tel contexte, les forces renouvelées de la société trouvèrent l’expression de leurs intérêts dans l’action des confréries soufies. 17 Les conditions évoquées ci-dessus ont, dans une certaine mesure, favorisé l’apparition d’un grand corpus d’ouvrages comportant des témoignages encore inconnus de cette époque. Ces ouvrages peuvent être divisés en plusieurs sous-groupes selon leur genre : 18 1. Recueils de légendes d’Abû Ḥanîfa (Musnad Abî Ḥanîfa). La transmission et le rassemblement des hadith et autres types de traditions venant d’Abû Ḥanîfa (mort en 150/767) se sont poursuivis à l’époque karakhanide, mais avec un moindre zèle. À l’intérieur de ce genre littéraire, se développe la description des “mérites d’Abû Ḥanîfa” (“manâqib Abî Ḥanîfa”). Comme le montre le texte de Shams al- A’imma az-Zaranjarî, il sert alors à établir des normes de comportement, des “exemples à suivre” pour les autres musulmans (az-Zaranjarî, “Manâqib Abî Ḥanîfa”). 19 2. Méthodologie du fiqh (Uṣûl al-fiqh). Parmi les neuf ouvrages du genre, les plus significatifs sont “Taqvîm al-adilla” d’Abû Zayd al-Dabûsî (mort avant l’an 428/1037), “Kitâb al-uṣûl” de Shams al-A’imma as- Sarakhsî et “Kanz al-vuṣûl ila ma‘rifat al-uṣûl” de Fakhr al-Islâm al-Pazdavî. 20 3. Commentaires des six ouvrages essentiels des fondateurs du maḏhab (“Sharḥ Ẓâhir ar-rivâya”). Ce genre comprend plus de quarante ouvrages (Sezgin, 1967, 422-431). Ils montrent combien les hanafites du Mavarannahr devaient sans cesse rendre l’enseignement du

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maḏhab conforme à la tradition, ordonner ses postulats, abréger les détails superflus, supprimer les répétitions et les autres erreurs. L’ouvrage auquel on attache le plus d’importance est “al-Jâmi‘ aṣ-ṣaghîr” de Muḥammad b. al-Ḥasan ash-Shaybânî (mort en 189/804-05). Shams al-A’imma as-Sarakhsî, quant à lui, regroupe ses questions par ordre d’importance dans le cadre du maḏhab (as-Sarakhsî, “Sharḥ”) ; aṣ-Ṣadr ash- Shahîd le retravaille pour en faire un ouvrage à part entière, en résume les questions et les classe selon l’ordre (tartîb) d’Abû Ṭâhir ad-Dabbâs (début du XIe siècle; aṣ-Ṣadr ash- Shahîd, al-Jâmi‘). Fakhr ad-Dîn Qâḍîkhân expose ses questions en se fondant sur la version d’az-Za‘farânî (mort en 393 ou en 394/1002-04; Fakhr ad-Dîn Qâḍîkhân, “Sharḥ”). 21 4. Élimination des divergences dans la transmission des thèses du maḏhab (“Mukhtalif ar-rivâya”). Ce genre indépendant est issu de celui évoqué plus haut. Il s’est créé à partir des ouvrages “Mukhtalif ar-rivâya” d’Abû al-Qâsim aṣ-Ṣaffâr al-Balkhî (mort en 336/947-48) et d’Abû al-Layth as-Samarqandî (mort en 373/983-84). “Ta’sîs an-naẓar” d’Abû Zayd ad-Dabûsî, “al-Mabsûḍ fî-l-khilâfîyât” d’aṣ-Ṣadr ash-Shahîd, “al-Manẓûma fî-l- khilâfîyât” d’Abû Ḥafṣ an-Nasafî, “Ḥaṣr al-masâ’il va qaṣr al-dalâ’il” d’al-Usmandî avaient pour but de réduire au minimum les contradictions entre les fondateurs du maḏhab et d’asseoir la réputation de “fondateur” d’Abû Ḥanîfa, éponyme du maḏhab hanafite. 22 5. Recueil de fatâvâ (al-Fatâvâ). Ils sont très nombreux, les procédures de recherche et d’enregistrement de leurs listes dans les fonds de manuscrits, à travers le monde, sont loin d’être achevées. Pour l’instant, environ quarante recueils conservés ont été identifiés, dont les plus précieux sont ceux qui comportent des fatâvâ de savants (“Fatâvâ Abî Ḥafṣ al-Bukhârî”, “Fatâvâ Abî Sa‘îd ar-Rustughfanî”, “Fatâvâ Abî Bakr Muḥammad b. al-Faḍl al-Bukhârî”, “Fatâvâ ‘Aṭâ’ b. Ḥamza as-Sughdî”, “Fatâvâ Abî Ḥafṣ an-Nasafî”) ou d’un groupe de savants (“al- Jâmi‘ al-aṣghar” de Muḥammad b. al-Valîd as-Samarqandî, XIe siècle ; “al-Ḥâvî li-l- fatâvâ” de Muḥammad b. Ibrâhîm al-ḤAṯîrî, mort en 500/1106-07 ; “Majmû’ al-ḥavâdith va-l-vâqi‘ât” d’Aḥmad b. Mûsâ al-Kashshî, mort en 550/1155-56 ; “Majma’ al-fatâvâ” d’Aḥmad b. Muḥammad b. Abî Bakr, XIIe siècle). Avec le temps, ces fatâvâ furent regroupées dans des recueils et mélangées à celles de savants d’autres régions et aux normes du maḏhab formulées antérieurement et citées dans les ouvrages des catégories “ẓâhir ar-rivâya” et “ghayr ẓâhir ar-rivâya”, ce qui a donné lieu à de volumineux ouvrages, dont les exemples les plus marquants sont : “Kitâb al-Muḥîṭ” de Burhân ad- Dîn Maḥmûd al-Bukhârî et “Fatâvâ Qâḍîkhân” de Fakhr ad-Dîn Qâḍîkhân. Par la suite, la composition des recueils de fatâvâ s’est transformée en simple présentation des normes et règles du maḏhab dans chaque nouvelle parution (Schacht, 1971). 23 6. Manuels de fiqh. Les ouvrages “al-Kâfî” d’al-Ḥâkim ash-Shahîd (mort en 334/945), “Mukhtaṣar” de Abû Ja‘far aṭ-Ṭaḥâvî (mort en 321/933), d’Abû al-Ḥasan al-Karkhî (mort en 340/952) et d’Abû al-Ḥasan al-Qudûrî, imprégnés des meilleures réalisations de l’école irakienne, étaient largement étudiés et commentés. On créa de nouveaux manuels, prenant en considération la réalité locale et les changements de l’époque. Des ouvrages tels que “al-Mabsûṭ” de Shams al-A’imma as-Sarakhsî et “Tuḥfat al-fuqahâ’” d’‘Alâ’ ad-Dîn as- Samarqandî obtinrent succès et reconnaissance. Pourtant, l’un d’eux – “Kitâb al- hidâya”, était destiné à occuper une place importante dans l’histoire du fiqh. L’auteur

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reçut une bonne éducation : il fit d’abord des études au Ferghana, chez des savants locaux, puis chez les faqîh hanafites traditionalistes de Samarcande et de Boukhara, étudia les hadith sous la direction de Minhâj ash-Sharî’a Muḥammad b. Muḥammad (mort après l’an 535/1140-41) à Merv et d’‘Uthmân b. ‘Alî al-Paykandî (mort en 552/1157-58) à Boukhara. Il faut noter qu’al-Marghînânî avait d’abord commenté l’ouvrage “al-Jâmi‘ aṣ-Ṣaghîr” de ash-Shaybânî, mis en ordre et divisé en chapitres les fatâvâ recueillies par aṣ-Ṣadr ash-Shahîd dans son ouvrage “Kitâb at-tajnîs va-1-mazîd”, puis s’était consacré à son chef-d’œuvre. Dans cet ouvrage, il ne prend pas les fatâvâ des imams du maḏhab comme point de départ, mais il s’inspire des thèses exposées dans le Coran et la Sunna. Cette approche stricte et traditionaliste a déterminé le succès de l’ouvrage. Il faut remarquer le fait que de tous les isnâd existants, Shams al-A’imma al- Kardarî est le premier et le seul propagateur de cette œuvre. L’ouvrage commence à être largement diffusé et commenté à travers le monde musulman, à partir du milieu du XIIIe siècle environ. 24 À la lumière de ce que nous avons évoqué ici, il ressort que l’étude de l’activité et des œuvres des faqîh du Mavarannahr est importante au moins pour deux aspects. D’une part, l’activité des faqîh hanafites est étroitement liée à l’histoire de la région, car la littérature religieuse peut jouer un rôle important en cas d’insuffisance de sources pour illustrer l’histoire sociale, politique, économique et culturelle du Mavarannahr karakhanide. D’autre part, l’importance des ouvrages des faqîh du Mavarannahr dépasse largement les limites de ce dernier. Ils ont été appréciés à leur juste valeur dans les pays du Proche-Orient et surtout dans l’Empire ottoman, c’est-à-dire dans le plus grand État musulman de l’Histoire, État où le maḏhab hanafite s’est vu attribuer le statut de maḏhab officiel. Les traditions hanafites y ont servi de fondement à la création et au développement de l’école locale.

BIBLIOGRAPHIE

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Shihâb ad-Dîn Muḥammad an-Nasavî, Sîrat as-sultân Jalâl ad-Dîn Mankburnî (žizneopisanie sultana Džalal ad-Dina Mankburny – Biographie du sultan Jalâl ad-Dîn Mankburnî), Izdanie kritičeskogo teksta, perevod s arabskogo, predislovie, kommentarii, primečaniâ i ukazateli Z. M. Buniâtova (publication du texte critique, traduction de l’arabe, préface, commentaires, notes et références par Z. M. Buniâtov), Moskva, 1996.

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Bakr b. Muḥammad az-Zaranjarî, Manâqib Abî Ḥanîfa, manuscrit de la Bibliothèque Süleymaniye, Kasideci zade 677, ff. 343b-365b.

NOTES

1. maḏhab – orientation ou école religieuse et juridique. 2. Bilhan, 1973. 3. Khadr, 1967; Bilhan, 1982. 4. Kavakcı, 1976, 304-307. 5. Cf. la généalogie des descendants d’al-Marghînânî – manuscrit IVRU-1, 1462, f. 160b.

INDEX

Keywords : Islamic law, hanafites, lawyers, Bukhara, Samarkand, Qarakhanids Mots-clés : droit islamique, hanéfites, juristes, Boukhara, Samarkand, Karakhanides

AUTEURS

AŠIRBEK MUMINOV

Institut d’orientalisme, Tachkent, Ouzbékistan

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La culture urbaine du Kazakhstan du sud et du Semiretchie à l’époque des Karakhanides

Karl Bajpakov Traduction : Kirill Kuzmin

1 Le Kazakhstan du sud et le Semiretchie constituent une région unie du point de vue géographique, naturel, historique et culturel. Elle comprend le territoire qui s’étend de la mer d’Aral à l’ouest, jusqu’au lac Ala Koul à l’est, et, au nord, du lac Balkhach, du plateau désertique du Betpak Dala et du Kyzyl Koum jusqu’aux crêtes du Tian Shan au sud (cf. cartes).

2 En ce qui concerne les conditions naturelles, le Kazakhstan du sud et le Semiretchie ont beaucoup de traits communs avec l’Asie centrale méridionale. Les plaines reçoivent peu de précipitations mais jouissent de suffisamment de chaleur. En même temps, l’humidité naturelle du piedmont et des montagnes y est élevée. Comme en Transoxiane, la zone des piedmonts est la plus favorable à la vie. Leurs sols gris et marron clairs, pourvus abondamment en eau, possèdent toutes les qualités pour l’agriculture irriguée, l’horticulture et la viticulture. L’agriculture bogar1 convient plutôt aux steppes montagneuses et aux plateaux de haute montagne. 3 La majeure partie de la région est constituée de steppes, de semi-déserts et de déserts. L’irrigation rend ces terres extrêmement fertiles, et l’agriculture s’est donc développée dans les vallées fluviales2. Sur tout ce territoire, il existe des pâturages de printemps, d’automne et d’été, ainsi que des hivernages et des pâturages utilisés toute l’année. 4 On peut cependant distinguer trois grandes régions – le Kazakhstan du sud (la vallée du Syr Darya), le Semiretchie du sud-ouest (les vallées du Talas et du Tchou) et le Semiretchie du nord-est (la vallée de l’Ili). Chacune d’entre elles se caractérise par ses propres conditions naturelles et géographiques, ainsi que par les spécificités du développement historique, notamment celui de la culture urbaine3. 5 Se trouvant dans la zone de contact entre les steppes et les régions agricoles sédentaires de Transoxiane, les villes du Kazakhstan du sud et du Semiretchie reliaient

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ces deux vastes régions, différenciées du point de vue économique. Le développement des régions et villes sédentaires de l’Asie centrale méridionale et du Kazakhstan du sud, ainsi que celui des nomades était conditionné par des liens économiques et culturels étroits, indispensables pour les citadins aussi bien que pour les habitants des steppes. Ces relations étaient déterminantes pour l’évolution des uns et des autres, souvent à l’intérieur d’un même État et d’un même système économique. 6 Pendant la période du Haut Moyen Âge, les villes se sont formées le long du fleuve Syr Darya sur la base des colonies sédentaires des Kangûj. La culture urbaine y avait absorbé les traditions de la culture locale et les innovations de la culture des cités de la Sogdiane, située à un stade supérieur de développement. Dans le Semiretchie du sud- ouest, l’urbanisation a été influencée par le commerce sur la Route de la soie, ainsi que par les colonies sogdiennes qui se sont créées entre le Semiretchie et Lob Nor4. La propagation de la culture urbaine a été le résultat d’une colonisation, qui a entraîné un déplacement de population sogdienne, même si certains chercheurs refusent cette idée5. L’intégration culturelle des populations sédentaires et nomades a eu un rôle fondamental dans le développement de ce phénomène. La culture matérielle et spirituelle sogdienne représentait un modèle qui correspondait aux normes de ces sociétés au Haut Moyen Âge6. C’est pour cela que nous observons sur tout le territoire qui s’étend entre la Sogdiane, l’Issyk Koul et le Karatau du nord des ressemblances frappantes dans le domaine de l’architecture et du bâtiment, dans celui de la poterie en céramique, l’écriture, la peinture murale, ainsi que dans la sculpture sur bois et les croyances religieuses. 7 C’est aussi l’époque où la culture turcique est en train de se répandre au Kazakhstan ainsi qu’en Asie centrale du sud. Sous l’influence des Turks, de nouveaux types d’armes, de bijoux et de vaisselle métallique font leur apparition. Une culture urbaine originale prend forme dans le Semiretchie, comme résultat des facteurs migratoires, politiques et culturels. 8 Le kaghanat des Turks occidentaux, ainsi que les États des Turgech, des Karlouks, des Oghouz et des Kiptchaks ont constitué des entités qui ont su créer au sein de leur culture une synthèse des traditions des peuples sédentaires et nomades. L’État karakhanide, qui a étendu son pouvoir politique aux Xe-XIIe siècles sur tout le pays entre les deux fleuves de Transoxiane, représente une des meilleures réalisations de ce type de synthèse. 9 Après la conquête arabe, le facteur musulman a exercé une influence importante sur la vie de toute l’Asie centrale7. La conquête d’Isfidžab, de Farab, de Taraz et de Cheldža par les Samanides à la fin du IXe et au début du Xe siècle, a favorisé la propagation plus intense de l’islam parmi les populations urbaines et nomades de la région. Après s’être formés au milieu du Xe siècle sur le territoire du Semiretchie et du Kazakhstan méridional, les Karakhanides envahissent Boukhara et conquièrent les terres des Samanides en 999. Le Semiretchie et le sud du Kazakhstan font partie des deux kaghanats karakhanides : le premier appartenait au kaghanat oriental tandis qu’une partie du Kazakhstan du sud était rattachée au kaghanat occidental. De plus, à l’intérieur de chaque kaghanat il y avait de nombreux apanages. Ainsi, dans la partie ouest de l’État karakhanide, dans le Mavarannahr, dont le centre était Samarcande, les plus grands apanages étaient ceux de Gdžent, de Marghiyâna et de Kâsân8. Sur le territoire du Kazakhstan du sud, un des plus grands apanages était celui de Farab (Parab), dont la capitale était à Otrar. Conformément aux renseignements du Nasab-

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nâma, écrit par Mavlân Ṣafî ad-Dîn Urung (Urîn) Kuylakî, dans la seconde moitié du XIIIe siècle, récemment découvert et publié, la dynastie karakhanide qui y gouvernait était représentée par les gouverneurs suivants : « Chaghri tegin a gouverné 33 ans à Sajram. Son fils Qîlîch Arslân est venu à Otrar et a gouverné 40 ans. Son fils Ismâ‘îl khân, son fils Ilyâs khân, son fils Aḥmad khân, son fils Sanjar khân, son fils Ḥasan khân, son fils Muḥammad khân, dont le laqab est Bilga khân, son fils ‘Abd al-Khâliq khân ont tous gouverné à Otrar. Muḥammad Sulṭân, le sultan d’Urgentch, est venu et a assassiné Bilga khân. Ensuite, c’est Qayirkhân qui est devenu khan. La lignée de Bilga khân s’est rompue. Qayirkhân était qanghlî9 ». 10 La généalogie des gouverneurs karakhanides d’Otrar est confirmée et détaillée en partie grâce à l’étude des monnaies, frappées à Otrar (Farab – Parab) au nom des gouverneurs karakhanides entre 1173/74 et 1210 et des monnaies provenant des trésors trouvés à Otrar, à Taraz et à Kermine (dans la région de Boukhara10). Les monnaies en question sont des dirhems en argent de trois types, sur lesquels sont lisibles les noms des deux gouverneurs, ‘Abd al-Khâliq et Qutlugh Bilga-khâqân Ḥasan b. ‘Abd al-Khâliq. Ce dernier était également connu sous le nom de Tâj ad-Dîn Bilga khân, qui a été, selon plusieurs sources et notamment selon Nasavî, écarté du pouvoir par le Khorezmchah Muḥammad en 1210 et exilé à Nisa, où il a été assassiné en 121211. En ce qui concerne ‘Abd al-Khâliq, il n’était pas le fils mais le père de Bilga khân, contrairement à ce qui est indiqué dans le Nasab-nâma. 11 Grâce aux monnaies, nous pouvons identifier un autre apanage karakhanide au sud du Kazakhstan, dont le centre était situé dans la ville de Buduhket, identifiée au site de Kazatlyk12. On battait monnaie à Buduhket, située sur le chemin d’Isfidžab à Taraz. En 1020-21, le gouverneur général de Buduhket était ‘Abd al-Malik. ‘Alî lui a succédé plus tard13. 12 L’État des Oghouz, dont la capitale était Yangikent, s’étendait aux IXe-Xe siècles sur une partie du Kazakhstan du sud et surtout sur le bas Syr Darya. Les Oghouz régnaient également sur une série de villes sur le cours moyen du Syr Darya, telles que Karnak, Karačuk, Džend et Sutkent14. Cependant, les monnaies trouvées à Džend témoignent de l’appartenance de cette ville à l’empire karakhanide15 de 1138 à 1152. 13 Les yabghu des Karlouks se trouvaient, à cette époque, au nord-est du Semiretchie et avaient comme capitale la ville de Kajâlyk16. Une autre partie du nord-est du Semiretchie appartenait alors aux Kimaks, qui avaient leur capitale sur le fleuve Irtych17. 14 Le déclin de l’État karakhanide facilite la prise du pouvoir politique dans la région par les Karakhitay, qui ont installé leurs quartiers près de Balasaghoun. Les Karakhitay, un peuple essentiellement nomade, se limitaient à lever le tribut sur les populations locales sédentaires et nomades, et ils ont donc gardé les traditions économiques et culturelles héritées des Karakhanides. 15 Au milieu du XIIe siècle, les querelles intertribales et la persécution religieuse ont commencé sur les terres des Karakhitay et provoqué des soulèvements de la population musulmane locale. Les habitants de Balasaghoun se révoltèrent, appuyés par le Khorezm, qui s’était déjà libéré de l’emprise des Karakhitay. Le soulèvement fut étouffé, mais le pouvoir des Karakhitay en a été définitivement déstabilisé. Les Naymans saisissent alors pour une courte période le pouvoir au sud-ouest du Semiretchie, le Syr Darya moyen étant passé sous le contrôle du Khorezmchah Muhammed, qui a nommé des gouverneurs18 dans les villes de la région. Le sort des villes situées dans la bande

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frontalière, entre les terres des Naymans et des Khorezmchah était aux mains de Muḥammad, qui a ordonné leur destruction19. 16 Au début du XIe siècle, les régions urbaines du Syr Darya inférieur, qui appartenaient alors aux Oghouz, ont été annexées par les Kiptchaks. À la fin du XIe siècle, les Kiptchaks ont pénétré jusqu’aux alentours de Taraz. Quant à la partie nord de la vallée de Talas, la ville de Kendžek-Sengir20 était déjà en leur possession. Pourtant, nous pouvons dire que la période “karakhanide” au Kazakhstan du sud et au Semiretchie a duré jusqu’à la conquête mongole et a concerné les deux régions. 17 Selon V. V. Barthold et A. Û. Âkubovskij, dans la vie socio-économique de l’Asie centrale, c’est le système des apanages qui avait été favorisé, l’iqṭâ‘21 devenant la forme dominante de propriété de la terre22. Selon O. G. Bol’šakov, l’iqṭâ‘ n’était pas, au contraire, largement répandu23. E. A. Davidovič, quant à elle, traite la question de l’iqṭâ‘ dans le domaine karakhanide de façon prudente24. 18 Nous constatons à cette époque une croissance économique et un essor vigoureux de l’artisanat et du commerce, dans le cadre du développement des villes25. La même observation est valable pour le Kazakhstan du sud et pour le Semiretchie. Comment pouvons-nous la confirmer et la préciser à travers les sources archéologiques ? 19 Le nombre de villes s’accroît : à l’époque karakhanide, au Kazakhstan du sud et dans le Semiretchie, il y avait trente-sept villes, dont trente-trois sont mentionnées dans les sources écrites, tandis que du VIIe au début du IXe siècle il y en avait trente, dont six seulement sont mentionnées dans les sources de l’époque. Cela est dû à une plus grande qualité dans la précision des sources historiques et littéraires aussi bien qu’à un renforcement du rôle des villes qui faisaient partie du réseau économique et culturel de l’Orient et de l’Eurasie. Les sources mentionnent de nouvelles villes, telles que Džumišlagu et Mankent, situées dans la zone des piedmonts, ainsi que le district de Kendžde sur le cours moyen de l’Arys, dont le centre était Usbaniket. À part Otrar, dans le district de Farab, les auteurs du Moyen Âge mentionnent Keder, la nouvelle capitale, ainsi que les villes de Vesidž et Buruh. À Šavgar, apparaissent Yasi, Šagildžan, Karnak et Karačuk. On entend pour la première fois parler de la ville de Sauran, ainsi que de Sygnak, Yangikent, Džend, Asanas et Barčkent, en aval du Syr Darya. Sur les versants nord du Karatau, se développent les villes de Baladž et de Beruket, ainsi que Sutkent sur le Syr Darya moyen. Dans la vallée du Talas, apparaissent Džikil, Balu, Šeldži, Tekabket, Kul, Sus et Kendžek. Dans la vallée du Tchou, le rôle de capitale est attribué à la ville de Balasaghoun. Elle est située sur le site d’une ville plus ancienne. Comme sur les sites “anciens”, nous y trouvons environ quarante turtkul, attribués aux bâtiments militaires, aux citadelles et aux habitations des agriculteurs26. L’apparition d’un grand nombre de nouvelles cités dans les vallées du Talas et du Tchou témoigne clairement du développement d’un mode de vie sédentaire et urbain dans la région. 20 Une nouvelle région urbaine se forme dans le nord-est du Semiretchie, au XIe et au début du XIIIe siècle. Le nombre de sites sur son territoire avoisinait la dizaine aux IXe- Xe siècles, pour atteindre soixante-dix entre le XI e et le début du XIII e siècle. Des sources rapportent l’existence, au Xe siècle, de deux villes, Talhiz (Talhir) et Laban, situées sur la rive gauche de l’Ili. C’est aussi là que les sources écrites médiévales situent les villes prospères de cette époque : Iki-Oghouz, Kajalyk, les “villages nestoriens”, la “capitale de la région” et Ili-Balyk. 21 La superficie des villes s’accroît, on le voit bien sur l’exemple du rabâd 27 d’Otrar, qui avait atteint 170 hectares, bien que ce chiffre ne puisse pas être définitivement établi

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avant des fouilles plus amples. Si la superficie générale des sites dans leur majorité nous restait inconnue, à l’exception de ceux dont les couches supérieures datent des Ve- VIIIe siècles, les chercheurs possèdent maintenant des informations concrètes, y compris sur les dimensions des monuments, ce qui permet d’établir une typologie. 22 Les sites du Kazakhstan du sud dont la surface est supérieure à 30 hectares peuvent être rattachés à un premier groupe, qui comprend Sajram, Otrar-Tobe, Šor-Tobe, Kujruk- Tobe, Sunak-Ata, Čuj-Tobe, Sauran, Džankent, Džan-Kala et Kumkent. L’identification de ces sites nous permet de faire les rapprochements suivants : le site de Sajram correspond à la ville de Sajram-Isfidžab, celui de Šor-Tobe corespond à Usbaniket, celui d’Otrar-Tobe à Otrar, celui de Kujruk-Tobe à Keder, celui de Čuj-Tobe à Šavgar, celui de Džan-Kala à Džankent, celui de Sunak-Ata à Sygnak et celui de Sutkent à Sutkent. Selon les sources écrites, toutes ces villes, sauf celles de Sauran et de Sutkent, étaient des chefs-lieux de district, la ville d’Isfidžab étant le chef-lieu de tout le Kazakhstan du sud. Yangikent était la capitale des Oghouz, les Kiptchak ayant choisi Džend et Sygnak comme centres de leurs domaines aux XIIe et au début XIIIe siècles. 23 Ainsi, les sites du premier groupe sont, soit des vestiges de chefs-lieux de district, ou de principautés isolées, soit des vestiges de villes encore plus importantes. 24 Ces sites ressemblent dans leur majorité à la ville d’Isfidžab. Les vestiges des villes de dimension moyenne, entre 15 et 30 ha, constituent un second groupe. 25 Les vestiges des petites villes, un troisième groupe, sont les plus nombreux. La majorité correspond à celles qui sont répertoriées par les sources écrites. Le site de Šaraphana correspond à la ville de Gazgerd, celui de Bulak-Koval à Mankent, celui de Tamdy à Beruket et celui de Kazatlyk à Buduhket. 26 Nos estimations du nombre d’habitants, basées sur l’identification des maisons sur les terrains constructibles et sur le nombre moyen de personnes dans une famille, permettent d’avancer le chiffre de 40 000 habitants pour Isfidžab, 26 000 pour Otrar, 3 000 environ pour les villes moyennes, et 1 500 environ pour les petites villes. 27 Dans le sud-ouest du Semiretchie, le nombre de villes mentionnées dans les sources atteint vingt-six sites. Cette augmentation est due à la formation de villes dans la vallée du Talas, notamment Džikil, Balu, Šeldži, Takabket, Kul, Sus et Kendžek. De nombreux turtkul ont fait leur apparition, trente-six en tout. 28 Les vestiges des parties centrales des sites occupent toujours la même superficie, tandis que la densité des constructions le long des murs augmente. Nous y découvrons des propriétés dont le plan fait apparaître que les bâtiments étaient situés les uns en face des autres. Cette planification s’est conservée et peut être visible dans la topographie des sites tels qu’Aktobe Stepninskoe, Tolekskoe et Sretenskoe, peu touchés par les travaux menés à notre époque. Prenant comme base la surface des vestiges centraux et celle du territoire entouré par le rempart, nous identifions trois types de sites dans le sud-ouest du Semiretchie. 29 Le premier comprend ceux de Taraz (Žambyl), Krasnaâ Rečka et Šištobe, le second inclue Aktobe Talasskoe, Čaldovar, Merke, Aspara, Sokuluk, Belovodskaâ krepost’, Tolekskoe, Groznenskoe et Kysmyči; le troisième groupe comprend les sites tels qu’Aktobe Orlovskoe, Džuvantobe, Tortkol-Tobe, Tojmakent, Karakemir I et II, Konurbajtobe, Čoltobe, Ohhum, Sadyr-Kurgan, Frunzenskoe, Šekerskoe, Lugovoe, Ornek, Kaindinskoe, Aleksandrovskoe, Aktobe Stepninskoe, Klûčevskoe et Poltavskoe. La superficie des vestiges centraux des sites du premier groupe dépasse 30 ha : ce sont

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des chefs-lieux et des grandes villes, notamment Balasaghoun (Bourana), Souyab (Ak Bechim), Navaket (Krasnaâ Rečka), Taraz (Taraz) et Nuzket (Šištobe). 30 Dans le nord-est du Semiretchie, tous les sites appartiennent au type dit des turtkul. Ces derniers possèdent un plan rectangulaire, trapézoïdal ou arrondi, légèrement surélevé et entouré d’un rempart muni de tours sur les angles ainsi que sur le périmètre. Il y a une, deux, trois ou quatre entrées, situées au milieu des murs. La comparaison de leur surface ainsi que l’analyse des données quantitatives concernant les turtkul du Semiretchie de nord-est permettent d’y distinguer trois groupes de constructions. 31 Le premier comprendrait les sites tels qu’Antonovskoe, Dungene et Čilik; le second – ceux de Talgar, de Sumbe et d’Akmola; et le troisième – ceux d’Almaty, de Lavar, de Kapal, de Bajauly, d’Aktam, d’Arsan, ainsi que tous les autres. 32 Le premier groupe, comprenant les sites supérieurs à 30 ha, se compose de sites à plusieurs stratifications culturelles, l’épaisseur des couches atteignant 2-3 mètres, voire plus. Les fouilles ont permis de découvrir sur les sites des céramiques de différentes variétés, du verre, des monnaies, des ateliers d’artisans et des déchets de production, signes du développement de l’artisanat et du commerce. Certains de ces sites correspondent à des villes connues, comme le site de Talgar qui correspond à Talhiz, celui d’Antonovka à Kajalyk et Dungene à Iki-Oghouz. Le site d’Antonovka est le plus grand et correspond à Kajalyk, capitale du yabghu karlouk. Les turtkul du premier groupe constituent des grandes villes et des chefs-lieux. 33 Le second groupe comprend les villes de dimensions moyennes, comme Talgar, Sumbe, Čilik et Saga-bien. La superficie de ces sites oscille entre 10 et 30 ha. Les trouvailles témoignent de la présence d’une production artisanale et d’objets importés. 34 Les sites du troisième groupe occupent une surface inférieure à 10 ha. Leur construction a été étudiée lors de vastes fouilles du site de Žaksylyk. Ils se caractérisent par des habitations concentrées à l’intérieur, près des murs, et par la présence d’une cour. Ce groupe d’habitations de la vallée de l’Ili caractérise les petites villes et les habitations rurales. Certaines d’entre elles pouvaient constituer des caravansérails. Quelques sites possédant deux ou même trois fortifications doivent être distingués, notamment Sarydžas, Biže et Ajna-bulak, proches les uns des autres. Ils se singularisent par leur situation au croisement des routes qui ont gardé leur tracé depuis le Moyen Âge. Selon des calculs, il y avait 13 000 habitants à Kajalyk, environ 5 000 à Čilik et Dungen, et environ 4 000 à Talgar. 35 À l’époque karakhanide, la construction de plusieurs villes évolue. Les fouilles de la citadelle de Kujruk-Tobe ont révélé le changement total de sa planification après l’incendie qui a détruit l’ensemble des bâtiments du palais dans la première moitié du XIe siècle. À l’intérieur des gros murs de l’ensemble des constructions du VII e – première moitié du IXe siècle, se forme un quartier de constructions ordinaires. Un quartier de potiers existait à cet endroit au XIe-début du XIIIe siècle. Les habitations sont également présentes sur les sites des citadelles d’Oksus et de Bozuk, cette dernière étant située dans l’oasis d’Otrar, sur la rive droite du Syr Darya. 36 Les fouilles montrent que chacun des quartiers d’habitation de la ville conserve une autonomie par rapport à l’ensemble du tissu urbain. La particularité de leur planification réside dans le fait que les entrées des maisons donnent toutes sur la même ruelle, à l’intérieur du quartier. Deux quartiers de la seconde moitié du IXe-première moitié du Xe siècles, situés dans la partie est du site de Kujruk-Tobe, ont été en partie

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fouillés, un autre l’étant dans son intégralité. Ce dernier occupait toute la superficie de l’ancienne citadelle. Il s’étendait sur 35 m de long et 30 m de large. Les maisons étaient concentrées autour de la ruelle en forme de U. Cinq maisons sont bien conservées et identifiables. Le quartier ne comprenait pas moins de 12 habitations, dont une partie a été détruite par les eaux ou bien remplacée par des constructions ultérieures. Dans la partie sud du site de Kujruk-Tobe, deux quartiers des Xe-XIe siècles composés de 8 à 10 maisons chacun ont été partiellement découverts. 37 L’étude de la ville implique le traitement de la question de la spécialisation des quartiers d’artisans. Certains chercheurs supposent, en se fondant sur les sources écrites, qu’à l’époque pré-mongole, l’organisation des quartiers correspondait à celle de l’artisanat28. D’autres considèrent ces coïncidences comme exceptionnelles. Selon eux, bien que les sources écrites mentionnent des toponymes tels que « le quartier des changeurs », « le quartier des charpentiers », « le quartier des tanneurs », « le quartier des bijoutiers » ou « le quartier des parfumeurs », cela n’est pas suffisant pour prouver que les artisans d’un même métier résidaient dans le quartier portant le nom de ce métier. D’autant plus que les sources écrites mentionnent des quartiers où résident les commerçants aussi bien que des artisans de métiers différents29. 38 Les fouilles de Kujruk-Tobe n’ont pas révélé de concentration par quartier d’artisans d’un même métier, sauf un seul cas, qui permet de parler d’un quartier de potiers. 39 Il est intéressant de considérer plutôt la stratification sociale des quartiers. Selon les observations topographiques et les sources écrites, dans certaines villes, nous observons la division des quartiers selon le statut social et la richesse de la population30. Les matériaux recueillis au Kazakhstan ne permettent cependant pas de faire une distinction claire entre les quartiers riches et pauvres. 40 La mosquée est un nouvel élément des constructions urbaines de la période qui nous occupe ici. Dans les sources écrites des Xe-XIIe siècles, la description d’une ville comporte obligatoirement la mention de la mosquée et sa localisation31. 41 Dans le Semiretchie du sud-ouest, on a relevé des modifications de construction des citadelles. Sur le territoire de la citadelle du site de Krasnaâ Rečka, les habitations ordinaires apparaissent à l’endroit où se trouvait le palais entre le VIIe et la première moitié du IXe siècle. Dans la citadelle du site d’Aktobe Stepninskoe, on trouve une riche maison urbaine et un bain32. Dans la citadelle de Taraz, les fouilles ont également révélé des vestiges d’un bain des Xe-XIe siècles33 (doc. 1).

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doc. 1. Site d’Otrar. Le bain du XIIe siècle

42 Dans le Semiretchie du nord-est, les fouilles du site de Talgar ont permis d’identifier plusieurs quartiers au sein de l’ensemble des constructions. Un quartier du XIe-début du XIIIe siècle, couvrant une superficie de 4 000 m² environ, a été entièrement découvert. Il est constitué de maisons regroupées sur une partie de la rue principale et isolées des autres bâtiments par des murs latéraux. 43 En comparant le quartier de Talgar avec ceux de Kujruk-Tobe, datant de la même époque, nous constatons que la surface de celui de Talgar est plus grande : le terrain occupé par le quartier y est quatre fois supérieur, tandis que le nombre de maisons est le même dans les deux cas. Cela peut s’expliquer par la spécificité des villes de la vallée de l’Ili, qui se sont formées à la suite de la sédentarisation des nomades et semi- nomades, conservant certains traits hérités de leur mode de vie, comme par exemple l’existence de vastes étables. 44 Les maisons urbaines des Xe-XIe siècles que nous connaissons grâce aux fouilles d’Otrar et de Kujruk-Tobe appartiennent au même type (doc. 2). Elles ont deux ou trois pièces, dont un local d’habitation et un dépôt. Pour entrer dans la maison, il fallait passer par un sas. Dans la chambre, il y a un ṣuffa34 en forme de U, le long des murs, d’une hauteur de 1 m à 1,5 m et d’une largeur de 0,3 m à 0,4 m. Sur le sol de la pièce, au centre, se trouve un foyer ayant la forme d’une élévation anthropomorphe avec bordure. Ses dimensions sont de 1,2 m x 1,5 m. L’âtre lui-même se trouve dans la partie antérieure du foyer, décorée de deux saillies arrondies. La partie à fonction économique, avec une meule et des récipients plantés dans le sol, était séparée de la pièce par une cloison. À proximité, sur le bord du ṣuffa, se situe un socle de 0,6 m de haut avec un tandyr 35. Des niches de stockage sont aménagées dans le mur à coté du tandyr. La couverture plate de la maison était soutenue par quatre poteaux, qui ont laissé des creux dans le sol. Les foyers anthropomorphes décorés de saillies constituent une des variantes développées

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à partir des foyers rectangulaires plus anciens avec bordure. Les foyers possédant les mêmes saillies ont été trouvés dans le nord de l’Asie centrale36. Il est possible que cet anthropomorphisme se retrouve dans les deux saillies (čiga – poitrine) des tandyr des habitants de la vallée de Yaghnob37. Des foyers, ou autels, ont été également trouvés. Ce sont des réchauds à braise aménagés sur le sol, abondamment sculptés de motifs végétaux, architecturaux et solaires. Ce sont des « sandal38 », largement connus par les travaux ethnographiques39. La ressemblance de ces réchauds richement sculptés avec les petits foyers de Samarcande liés au culte du feu est évidente40.

doc. 2. Site de Talgar. Habitations urbaines

45 À part les foyers fixes, nous avons rencontré des fragments de foyers portatifs sous forme de cylindres sans fond, aux parois abondamment décorées de motifs estampés, collés ou modelés. Des fragments de foyers en forme de U sont également présents. 46 Au XIIe siècle apparaissent des tašnau. Initialement, il s’agissait d’une construction présentant une plate-forme rectangulaire en argile, munie de parois et reliée à un tuyau ou à un récipient enterré. À la fin du XIIe et au début du XIIIe siècle, les tašnau se transforment en terrains pavés de briques cuites dont une couvrait le fond percé d’un grand récipient renversé et enterré. L’eau s’écoulait par une petite ouverture aménagée dans la brique. 47 Aux Xe-XIe siècles, dans le sud-ouest du Semiretchie, de nouveaux types d’habitats se répandent. Le premier type est caractérisé par la disposition des chambres et des pièces à fonction économique autour d’une salle ou d’une cour centrale. Cette organisation signale les habitations des gens aisés. Ces maisons sont regroupées de façon compacte au sud des vestiges centraux du site de Krasnaâ Rečka41. Les constructions s’étendaient sur une superficie allant de 200 à 400 m². Les murs des salles d’apparat étaient décorés de dalles en plâtre sculptées et de crépi en argile, sculpté et peint de couleurs

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différentes. Ces maisons étaient chauffées à l’aide de foyers portatifs et de tandyr fixes, munis de courtes cheminées qui passaient par le ṣuffa et débouchaient à l’extérieur par un passage vertical dans un des murs. Les habitations de ce type sont connues également grâce aux fouilles du site d’Aktobe Stepninskoe, sur lequel une propriété entière d’un hectare a été étudiée. Elle comprenait une maison et un terrain entouré d’une clôture. La pièce centrale de la maison est carrée (3,3 m x 3,3 m) et reliée aux chambres et aux pièces à fonction économique connexes. 48 L’organisation de toutes les pièces de la maison autour d’une cour centrale peut être considérée comme le trait caractéristique du plan des constructions du second type. Ces constructions sont connues d’après les fouilles du district d’Aktobe Orlovskoe42. Une partie des maisons analysées, situées hors des limites des vestiges centraux mais à l’intérieur de la “grande enceinte”, représentait probablement les résidences rurales de citadins43. À l’intérieur de la grande enceinte, outre les riches résidences rurales, nous identifions un autre type de constructions : le secteur rural se composait essentiellement de ces maisons à deux ou trois pièces, situées à l’écart ou groupées par cinq ou neuf et qui formaient parfois des sortes de carrés avec un terrain inoccupé au milieu. 49 Pour donner une caractéristique générale de l’habitat urbain du Semiretchie du sud- ouest, il faut mentionner, parmi ses particularités, l’existence d’un plan spécifique, la présence d’un tandyr avec des courtes cheminées dans les maisons, l’utilisation du stuc sculpté, ainsi que la présence de yourtes dans l’enceinte de certaines maisons. Les fouilles menées sur le site de Talgar dans le nord-est du Semiretchie ont permis de découvrir plus de trente habitations. Nous analyserons ainsi une maison de ce site. 50 Cette maison se composait de la partie habitée et d’une cour, et possédait deux entrées aménagées dans les murs, au sud et à l’ouest. L’entrée principale se situait à l’ouest, celle du sud ouvrant sur la cour et constituant une large entrée pour le bétail. La maison, enfoncée dans le sol, se compose de six pièces dont les murs sont faits de blocs de pierre, fixés à l’aide d’une solution argileuse. Trois de ces six pièces étaient habitées, les autres étant des locaux auxiliaires, notamment des dépôts dont certains étaient munis de coffres à blé. Dans deux des trois chambres, il y avait des ṣuffa avec des tandyr intégrés, la troisième portant les traces d’un foyer ouvert aménagé dans le sol. À coté des tandyr, dans les ṣuffa, il y avait des coffres à blé de taille moyenne. Parmi les quatre pièces à fonction économique, il y en a une qui attire l’attention par son plan particulier. Elle mesure 32 m² et possède 7 compartiments à blé. 51 Une vaste cour de 180 m² entourée d’un mur en pierre occupait la seconde moitié de la propriété. Toutes les dépendances touchaient au mur sud de la cour. À droite de l’entrée, se situaient quatre étables, dont trois étaient destinées aux ovins, notamment aux chèvres et aux moutons. La quatrième, munie d’un foyer en forme de U, situé au sol, était destinée à abriter les jeunes animaux durant la saison froide. Dans la partie sud-est de la cour, il y avait une autre étable, avec 3 mangeoires installées le long du mur ouest. Nous supposons que cette étable servait à abriter les chevaux et les ânes. À l’intérieur des trois propriétés, à part les étables, il y avait trois yourtes fixes. 52 Les habitations trouvées sur les sites de l’Ili ont un plan particulier. L’habitat de Talgar est construit sur le principe du logement à une pièce, qui remplissait à la fois les fonctions de chambre et de dépôt. Ces maisons sont typiques du village de Žaksylyk, dans lequel les fouilles ont permis de découvrir des maisons à une pièce, dont la partie réservée au foyer était isolée à l’aide de cloisons44. La combinaison de l’habitat et d’une

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grande basse-cour est intéressante, car ce principe est caractéristique d’une population qui avait gardé un mode de vie lié à l’élevage. Nous pouvons constater que durant les premiers siècles, les habitations d’hiver des Wusun de la vallée du Talas comprenaient déjà des étables45. La combinaison de l’habitat et des étables a été constatée à des époques plus récentes chez les Kazakhs de la vallée de l’Ili46. 53 Les traditions d’élevage et de nomadisme, présentes dans les familles du village de Talgar, s’expriment d’une façon particulière, notamment à travers l’installation des yourtes fixes dans les cours de certaines propriétés. La présence d’une yourte à coté d’une maison est un signe des traditions héritées du nomadisme : elle témoigne de la sédentarisation de la population nomade d’un coté, et de l’autre – du rôle important de l’élevage dans la vie économique des citadins. En même temps, les maisons à plusieurs pièces, avec des murs en pierre, en pisé, en briques cuites et en bois, témoignent du caractère sédentaire des habitants des villes qui menaient une vie économique liée à l’artisanat et au commerce47. 54 Nous ignorons presque tout de l’état de l’industrie textile dans les villes et dans les villages. Il n’y a qu’al-Maqdisî qui parle de l’exportation des esclaves mais également des “tissus blancs48” d’Isfidžab. Il est toutefois évident que l’industrie textile était développée, ce qui est confirmé par de nombreuses trouvailles, notamment des outils de tissage, du coton brut carbonisé, ainsi que par les sources écrites mentionnant la culture du coton. 55 Les céramiques, ainsi que les fours et les ateliers de poterie, confirment la présence d’une activité intense dans le quartier des potiers au XIe siècle à de Kujruk-Tobe. Un des ateliers découverts se composait d’une partie domestique et d’une partie à fonction économique. La partie à fonction économique se divisait en deux pièces, dont une occupait une superficie de 24 m². Il y avait trois compartiments pour la conservation de l’argile et des autres composants nécessaires à cette production. Dans un espace inoccupé, du côté sud de la pièce, il y avait des fosses à rebuts, remplies de céramiques. Le four se situait dans un local couvert de 22,5 m². Le foyer de ce four était piriforme. La chambre de cuisson ne s’est pas conservée. Le foyer était divisé en deux à l’aide d’une paroi qui consolidait la chambre de calcination. La partie habitée de l’atelier se composait de trois pièces, reliées par un couloir latéral. Nous ne pouvons pas tirer de conclusions sur l’organisation de la production artisanale et sa spécialisation en nous fondant sur l’analyse d’un seul atelier, ce qui nous prive d’un élément déterminant pour l’évaluation du développement de la production artisanale et des mutations qu’elle a subies. 56 Les matériaux du Kazakhstan ne nous permettent de parler de cette spécialisation qu’à partir de ces indices indirects. Nous constatons notamment que les céramiques de rebut et les déchets de production, qui remplissent les fosses dans le quartier des potiers, appartiennent à certains types de vaisselle. Dans certains cas, il s’agit de céramiques de cuisine, dans d’autres – de vaisselle de table. Un four de dimension moyenne servant à la cuisson des récipients sphériques ou coniques et trouvé à Taraz49, peut également en être une preuve. Les vaisselles à glaçure les plus répandues à cette époque étaient la coupe et le plat sur un support en forme de disque. La glaçure couvrait également des lampes, des pots et des cruches. Il existait plusieurs types de glaçure et de façons de peindre la vaisselle (doc. 3). Certains objets en céramique portent une couche de peinture transparente couleur azur, appliquée sur un engobe blanc, rose ou jaune, décoré d’un dessin réalisé avec de la couleur marron, verte ou

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jaune. À part la peinture, l’engobe peut être sculpté. Les dessins les plus populaires représentent une forme ressemblant à une hélice, une étoile à plusieurs rayons, une fleur stylisée, un motif pointillé ou bien une rosace ressemblant à un tourbillon. Le bord de ces objets est décoré de touches de peinture, inclinées ou en forme de L. Parfois, les surfaces libres sont décorées de bouquets stylisés ou bien de grandes feuilles. Il est rare de voir des motifs anthropomorphes ou zoomorphes sur la vaisselle du Semiretchie. Les céramiques les plus répandues sont couvertes de glaçure verte et brillante avec un reflet olive dans certains cas.

doc. 3. Sites d’Otrar et de Kujruk-Tobe. Céramiques à glaçure des XIe-XIIe siècles

57 Dans les villes du Kazakhstan, on a fait de nombreuses trouvailles d’objets en verre datant du Xe siècle. Nous constatons l’absence de tout changement de forme, de type et de genre des objets en verre, de cette époque et jusqu’au XIIIe siècle, ainsi qu’une ressemblance des objets en verre provenant des différentes villes du Kazakhstan. 58 La majeure partie des objets est produite par soufflage, le moulage étant utilisé pour le reste. La vaisselle moulée possède des motifs en forme de cellules d’abeilles, des lignes concentriques et des rosaces. Les objets soufflés portaient des anses soudées. L’incrustation avec des morceaux de verre multicolore est plus rare. Les nombreuses trouvailles d’objets en verre témoignent du développement important de cette production dans les villes médiévales et de leur utilisation par les couches les plus diverses de la population. À part la vaisselle, les artisans maîtrisaient la production du verre à vitres par petites plaques circulaires, dont les débris blancs, mats, verts et roses, ont été trouvés à Taraz50. 59 La ferronnerie était également un métier largement répandu, comme le démontrent les découvertes réalisées. On a trouvé des loupes dans une forge située sur le site d’Almaty. Ce sont des gueuses de fer avec une section rectangulaire de 10-15 m x 5-7 cm.

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Certaines loupes ont été découpées, afin de voir la qualité du fer. Dans la forge de Talgar, des produits semi-finis, barres et morceaux de fer forgé, ont également été trouvés. La ferraille et les rebuts de fonte étaient utilisés dans la production de divers autres objets, comme le confirment les débris d’un chaudron de fonte trouvés dans la forge d’Almaty. Le mauvais état des vestiges rend difficile la reconstitution de l’organisation des ateliers. Dans la forge d’Almaty, le fourneau à fondre le fer était construit en briques crues, il avait une forme cylindrique, de 2 mètres environ à la base. Il était rempli de cendres, de charbons et de morceaux de briques de sa couverture écroulée. Quatre cruches pour transporter l’eau se situaient à coté du fourneau. Elles étaient utilisées pour conserver de l’eau ou des solutions pour mastiquer les articles. Un creuset en céramique épaisse se trouvait à proximité. 60 Lors des fouilles sur les sites de Talgar et d’Almaty, des instruments de forgerons ont été trouvés, notamment des burins, des enclumes et un creuset en forme de truelle (doc. 4). Les outils trouvés dans les ateliers, notamment les produits finis de la forge du site d’Aleksandrovskoe (vallée du Tchou), tels que haches, lames d’instruments aratoires, ketmen51, planes, čut52, ciseaux, clous, crampons et burins, ainsi qu’un casque de combat, permettent de constater l’absence de spécialisation. Dans les forges de Talgar et d’Almaty, les produits fait à partir des rebuts sont très diversifiés. Il s’agit de détails en fonte et en métal forgé des instruments aratoires, des ketmen, des haches et des pics, ainsi que des čut. Les fouilles sur ces sites ont permis de découvrir une multitude de couteaux à manche, dont la lame était aplanie d’un coté, ainsi que des éléments d’armement tels que sabres, épées, pointes de flèches, cottes de mailles, plaques de cuirasse et casques. Les ustensiles à fonction plus domestique sont représentés par des ciseaux, des clous, des crampons, des chaînes et des crochets. Le fer était également utilisé dans la production des chaudrons avec anses53. L’analyse des objets en fer provenant du site de Talgar a permis d’identifier un groupe d’objets en acier de Damas, ce qui témoigne du niveau technique avancé du développement de la ferronnerie54. La fabrication d’articles en cuivre était également répandue, grâce à la faible distance entre les mines de minerai composite55 et de cuivre, et les centres urbains du Karatau, de l’Alatau kirghiz, ainsi que des Alatau de l’Ili et du Talas. Les artisans produisaient de la vaisselle, des chandeliers, des lampes et des bijoux. Souvent, ils travaillaient les métaux, pratiquant également le métier de bijoutier. Les objets métalliques des Xe-XIIe siècles se caractérisent par une série de lampes et de supports dont la majeure partie était en cuivre56 (doc. 5).

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doc. 4. Site de Talgar. Enclumes en fer

doc. 5. Site de Talgar. Les lampes en bronze

61 Une série de cruches a été également trouvée à Taraz, à Kujruk-Tobe et à Talgar (doc. 6). À proximité de Taraz, une cruche piriforme a été découverte accidentellement. La partie supérieure de cette cruche représente une tête de loup, dont les yeux sont

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incrustés de cuivre rouge. Sur le bout de son nez, deux palmettes sont gravées ainsi qu’un élément végétal ondulé en forme de cœur, orné de quatre points. Les oreilles de l’animal sont également décorées d’éléments ondulés en forme de cœur. Sur son corps, il y a un motif en forme de médaillon dont chacune des extrémités est percée en 20 endroits, ce qui indique peut-être l’emplacement d’incrustations en pierres fines ou en verre. La cruche est datée des XIe-XIIe siècles57.

doc. 6. Site de Talgar. Cruches en bronze.

62 Le bronze servait pour la production des bracelets, des pendentifs, des boucles d’oreilles et des ceintures (doc. 7). Une collection très intéressante d’objets en bronze a été constituée durant ces dernières années dans la vallée du Tchou, notamment à partir des sites de Krasnaâ Rečka, de Bourana et de Šortobe. C’est un ensemble de ceintures en plaques métalliques de formes différentes, décorées de motifs végétaux et zoomorphes, ainsi que d’inscriptions arabes. De nombreuses boucles sont également décorées par des figures de lions et de panthères. Il s’agit également de pendentifs ornés de motifs végétaux, de masques et de représentations de cerfs et d’êtres humains, de têtes de bœufs et de chameaux. On y trouve beaucoup de pinces à cheveux décorées de dessins d’oiseaux ainsi qu’un grand nombre d’objets portant l’image d’un lion ou d’une panthère. Le bronze était également utilisé pour la production de miroirs, par imitation des objets importés de Chine, d’Asie centrale méridionale et d’Iran. Une série de miroirs a ainsi été trouvée lors des fouilles des sites de Talgar et de Taraz.

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doc. 7. Site de Kujruk-Tobe. Plaques en bronze d’une ceinture du Xe-XIe siècle

63 Lors des fouilles de Žaksylyk, un anneau portant une inscription runique a été découvert dans une couche datant du XIe siècle58. 64 Les bracelets en spirale et en argent avec du filigrane qui proviennent du trésor de Čimkent et de la vallée du Tchou (Xe-XIe siècles), présentent un intérêt certain. Ces bracelets caractéristiques de la région du Semiretchie et du Syr Darya ont continué à être produits durant les époques ultérieures. Les bijoux les plus répandus sont les colliers en verre et en pierres fines, notamment la cornaline, l’agate, le cristal, la lazulite, le jais, le jaspe, le corail et le nacre. Ils ont été trouvés lors des fouilles des sites tels qu’Otrar, Kujruk-Tobe, Krasnaâ Rečka, Talgar, Antonovka et Kysmyči. 65 Le traitement de la corne et de la sculpture artisanale sur corne sont attestés par les cornes sciées des animaux sauvages et domestiques, privées de leur couche superficielle. De telles cornes ont été trouvées sur le site de Kujruk-Tobe. Dans l’une des fosses à déchets, il y avait un grand nombre de morceaux de cornes, de plaques et d’articles semi-finis. Des aiguilles et des pièces d’échecs en corne ont aussi été trouvées à Talgar. 66 On sait que le commerce jouait un rôle important dans le développement des villes et de la culture urbaine de la région à l’époque des Karakhanides. La partie kazakhe de la Route de la soie commençait à Gazgird (près de l’actuel col de Kazykurt), elle passait ensuite par Isfidžab, Taraz, Kulan, Navaket, Balasaghoun et, en traversant le col de Bedel et celui d’Aksu, se dirigeait vers le sud du Turkestan. De Taraz, la route traversait le col de Beš-Taš et celui de Kugar pour atteindre la vallée du Ferghana, puis passait par les villes d’Adahkes et de Deh-Nudžikes pour rejoindre les Kimaks59. Les caravanes quittaient Isfidžab, traversaient Usbaniket, Keder, Sygnak et arrivaient à Yangikent. Il y avait des routes qui menaient d’Usbaniket, Keder et Sygnak vers les villes situées au nord du Karatau, notamment Baladž et Suzak, reliées à leur tour au Betpak-Dala et au Dasht-i Qipchâq. La route qui menait aux terres des Kimaks commençait à Yangikent, se

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dirigeait vers Sarysu, vers les piedmonts de l’Ulutau et vers la vallée de l’Irtych60, en suivant les rives de l’Išim. Au Xe siècle, de nouvelles voies caravanières sont tracées à travers la vallée de l’Ili. Les voies qui la reliaient à la vallée du Tchou passaient par les cols de Kurdaj et de Kastek et celles qui la liaient à la dépression du lac Issyk Koul, par Santaš. À Talhir (site de Talgar), une des villes-étapes, la voie caravanière bifurquait. La voie qui passait au sud de l’Ili traversait les sites d’Issyk et de Čilik pour atteindre Kegen et continuait ensuite jusqu’au Turkestan du sud. De Čilik, une autre voie menait vers le site de Sumbe, puis continuait jusqu’à Almalyk. La voie qui passait au nord de l’Ili menait vers le site de Žaksylyk et vers la gorge de Tamgaly-Tas, en traversant la rivière Ili. Ensuite, elle passait par les villes d’Iki-Oghouz (site de Dungene) et de Kajalyk (site d’Antonovka) et par les rives de l’Ala-Koul pour atteindre Almalyk. La même voie traversait le Tarbatagaj, pénétrait dans la vallée de l’Irtych, chez les Kimaks, et allait jusqu’en Mongolie. La voie du nord était reliée à celle du sud par une piste qui reliait Čilik à Borohudzir, traversait l’Ili à cet endroit et continuait jusqu’à Almalyk61, en traversant les vallées de Koktal, d’Usek et d’Horgos. 67 La ville d’Isfidžab possédait un marché couvert et un marché aux tissus62. Des établissements commerciaux d’Isfidžab, nous connaissons des tim. Ce sont de grands caravansérails avec des locaux spéciaux pour les tissus – karbas63. Selon al-Maqdisî, dans les rabâd d’Isfidžab on trouvait des caravansérails dont certains étaient habités par des gens de Nahšeb et de Samarcande. À cette époque, les commerçants d’Isfidžab allaient jusqu’à Bagdad. Comme les commerçants de Merv, de Balh, de Boukhara et de Khorezm, ils y logeaient au rabâd de Ḥarb ibn ‘Abd Allâh al-Balkhî 64. D’autres sources nous disent de l’oasis d’Otrar que « Farab est un district riche, son chef-lieu s’appelle Keder… C’est un lieu de concentration de commerçants ». Les fouilles de l’un des quartiers de Kujruk- Tobe, autrement dit de la ville de Keder, ont révélé des vestiges de boutiques – dukkân. L’une d’elles occupait une surface de 8,5 m². Jouxtant le mur d’une maison, elle donnait sur la rue et était reliée à celle-ci par un passage large de 1,45 m. Le coffre à marchandises se trouvait dans le coin nord-ouest tandis qu’un ṣuffa occupait le coin opposé. Il y avait aussi des foyers en terre ainsi que des khum65 enterrés. La présence de ces khum dans les boutiques de Kujruk-Tobe rappelle un texte d’al-Maqdisî qui mentionnait les « caves à vin » de Keder66. En aval du Syr Darya, c’est Yangikent qui jouait le rôle de centre commercial doté d’une colonie de marchands du Khorezm67. 68 Taraz était également un important centre commercial. Cette ville est mentionnée dans certaines sources comme « le lieu d’échanges commerciaux entre les musulmans et les Turks » ou « la ville des commerçants ». Le principal article d’exportation du Semiretchie était l’argent, que l’on extrayait en amont du Talas. La production d’argent était concentrée dans les villes de Šeldži, de Tekabket et de Kul68. Les études archéologiques ont permis d’y découvrir des mines et les lieux où on fondait l’argent69. Les centres du commerce de la vallée de l’Ili étaient Talgar et à Kajalyk. 69 Le commerce intensifiait les liens entre les villes, d’une part, et entre les villes et leurs environs d’autre part. Ce n’est pas un hasard que les textes médiévaux sur ces villes décrivent tout d’abord les marchés et les prix des marchandises locales70. La production agricole était écoulée dans les villes, où les ruraux achetaient aussi des articles d’artisanat : des objets en céramique, en verre, ainsi que des bijoux et des objets décoratifs. Le commerce avec les steppes avait également une grande importance. Profitable pour la ville aussi bien que pour la steppe, ce commerce est décrit dans un document seldjoukide de la façon suivante : « Les objets que les nomades échangent,

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assurent le profit et le bien-être des sédentaires. Les notables ainsi que les gens simples ont chacun leur part de ce profit71 ». Le commerce sous forme de foires se développait surtout dans les villes proches du monde nomade, notamment à Sauran, à Yangikent et à Deh-Nudžikes. Le bétail et les produits de l’élevage arrivaient à Isfidžab par Deh- Nudžikes72. Selon Ibn Ḥavqal, Sauran était le centre du commerce avec les Oghouz73. Ces derniers faisaient du commerce aussi dans les villes de Baladž et de Beruket. Yangiket jouait le rôle d’intermédiaire dans les échanges entre les Oghouz avec le Khorezm, il permettait d’atteindre les steppes du Kazakhstan, la région de la Volga, la Khazarie et le monde slave74. 70 La population des oasis et des villes achetait des chevaux, du bétail, de la laine, du cuir, du feutre, des produits laitiers et des esclaves. Certaines villes étaient spécialisées dans l’exportation des biens provenant directement des steppes. Al-Maqdisî écrit que « Chach exporte des selles en peau de chagrin de bonne qualité, des carquois et des tentes. La peau vient du pays des Turks, elle est tannée ensuite… Les esclaves turks, les tissus blancs, les armes, les épées et le fer viennent du Ferghana et d’Isfidžab. Les peaux de chèvres viennent de Taraz, l’argent, de Šeldži. Les chevaux et les mules viennent du Turkestan ou bien du Khuṭṭal75 ». Les chevaux et les moutons turks étaient particulièrement appréciés et les Kimaks élevaient des chevaux destinés à la vente. Selon Iṣṭakhrî, « les moutons élevés par les Haladž, les Oghouz et les Karlouks fournissent de la viande dans des quantités supérieures à leurs besoins76 ». Les fourrures77 étaient également un article d’exportation. Les esclaves78 en était un autre, selon les sources de l’époque. Les tribus des steppes fournissaient des métaux venant du Kazakhstan central79. Les mines de fer, de cuivre, d’argent et d’or des Kimaks80 sont mentionnées dans les textes d’al-Idrisi. À partir du IXe siècle, les échanges monétaires remplacent progressivement le troc. Des villes comme Taraz, Isfidžab, Otrar, Buduhket, Džend et probablement Talgar81 possédaient leurs cours monétaires. Au Mavarannahr, la qualité des dirhems avait subi une chute subite et le pourcentage d’argent avait baissé jusqu’à 20 %. À la fin du XIe siècle, la « crise de l’argent » touche tout l’Orient musulman, y compris les villes de la région en question. C’est pour cette raison que la valeur de la monnaie était calculée alors par rapport à l’or, qui avait pris une place dominante dans la circulation monétaire82. 71 La croissance de la population urbaine exigeait une intensification de la production agricole et une meilleure utilisation de la terre, car la superficie des terres arables dans certaines oasis du Kazakhstan du sud, ainsi qu’à l’intérieur des murs des villes du sud- ouest du Semiretchie, était limitée. Selon les estimations, la superficie globale de la terre arable dans la vallée du Tchou resta pratiquement inchangée jusqu’à la fin du XIXe siècle. Il n’y avait donc pas de terres “en trop” et l’utilisation de chaque parcelle visait la plus grande rentabilité. En conséquence, on cherchait à améliorer le système d’irrigation artificielle. Dans l’oasis d’Otrar, entre le Xe siècle et le début du XIIIe siècle, les systèmes d’irrigation devenaient plus complexes, avec l’aménagement de deux prises d’eau et d’une ramification plus dense. Les surfaces irriguées ont augmenté, accroissant le produit provenant de l’agriculture intensive83. L’irrigation se développa également en aval de la rivière Ili84. 72 Les ruraux, ainsi qu’une partie de la population urbaine, cultivaient du blé, des cucurbitacées, entretenaient des jardins et des vignobles, pratiquaient l’élevage et assuraient les premières étapes de la transformation des produits agricoles. Les fouilles du site d’Aktobe Stepninskoe ont révélé deux unités de production de vin85. Dans les

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maisons des citadins, il y avaient des coffres pour conserver le blé et les fruits secs. Le volume des coffres à Talgar suggère qu’une partie du blé était destinée à la vente. Tous avaient des animaux domestiques – des chevaux, des ânes, des chameaux, des vaches, des moutons et des chèvres. Les renseignements archéologiques confirment le rôle important de l’agriculture pour les citadins. 73 C’est à cette époque que les fondements d’un nouveau type d’architecture se sont mis en place, partant des traditions locales d’architecture et de construction86. Les bâtiments publics et religieux évoluent conformément aux canons de l’islam. Ils suivent également les tendances générales de l’architecture des pays de “l’Orient musulman”, où les ensembles à fonction cultuelle jouissaient d’une attention particulière. Certaines de ces constructions subsistent jusqu’à nos jours, notamment, le minaret de Bourana (au Kirghizstan), qui faisait à l’époque partie d’une mosquée du vendredi. Érigé à la fin du Xe et au début du XIe siècle, il date de l’époque de l’islamisation de la population du Semiretchie. C’est le minaret le plus ancien de l’architecture monumentale d’Asie centrale. Dans la vallée du Talas, l’ensemble religieux le plus intéressant est constitué des mausolées de Bâbâji-Khâtûn (XIe siècle) et d’Aysha-Bîbî (XIIe siècle)87. 74 Des informations supplémentaires sur les constructions monumentales du Moyen Âge sont fournies par l’archéologie. Les fouilles au sud du Kazakhstan et dans le Semiretchie ont mis à jour des mosquées et des bains. Les vestiges de la mosquée la plus ancienne se trouvent sur le site de Kujruk-Tobe, au centre du shahristân. Ses murs sont constitués d’une association de briques cuites et crues. La mosquée se situe sur un axe allant du sud-ouest au nord-est (36,5 m x 20,5 m), les dallages au sol n’étant visibles que par endroits. La partie au nord-ouest est la mieux conservée, avec des bases en briques crues pour 16 colonnes. Il y en avait 50, dont 5 par rangée courte et 10 par rangée longue. Les colonnes sont disposées à une distance de 3 m à 3,2 m les unes des autres. Les fouilles du site ont également permis de dégager un ensemble de céramiques datant du Xe-début du XIIe siècle. Une mosquée analogue a été découverte sur le site d’Ornek dans la vallée du Talas, elle a pu être fouillée en partie. Son entrée se trouve du coté sud et comporte un couloir de 3,5 m de long et 3 m de large. Sur le sol de la mosquée, des bases de colonnes ont été trouvées. Deux de ces bases étaient en pierre, une autre portait des visages incisés, et la quatrième était constituée d’un bloc de pierre avec un gradin. Des pierres plates formaient les bases des autres colonnes. Il y en avait 55 en tout, disposées à 3 m-3,5 m les unes des autres. 75 Les mosquées de Kujruk et d’Ornek font partie des mosquées dites “à colonnes”. La distance entre les colonnes de ces mosquées était de 3,5 m à 4,6 m, le nombre des carrés formés par la succession des colonnes varient selon la taille des mosquées. Une mosquée semblable a été découverte sur le site de Sapalli-Tepe dans la région du Sourkhan Darya, en Ouzbékistan. Elle date de la première moitié du XIIe siècle. Le même type de construction que la mosquée du vendredi de Kujruk et d’Ornek trouve son illustration dans les mosquées du XVIIIe siècle à et à Hazarasp et dans les mosquées du début du XXe siècle à Ourgentch88. 76 Les bains ont fait leur apparition dans les villes du Kazakhstan du sud à l’époque des Karakhanides. En Transoxiane, leur construction a commencé un peu plus tôt89. Les fouilles du rabâd d’Otrar ont permis de découvrir deux bains des XIe-XIIe siècles. Le plan général du bain dans le rabâd du nord a également été reconstitué. Le bain se situe sur un terrain aplani et couvert d’une couche d’argile. Ses murs sont orientés dans les quatre directions du monde. Ses dimensions dans l’axe nord-sud sont de 11,5 m, et dans

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l’axe est-ouest, de 16,5 m. Son plan a la forme d’une croix, avec quatre pièces adjacentes à chacun des cotés d’une salle centrale. À part la salle centrale, le bain possède une salle où l’on se lavait, un vestiaire et une pièce de repos. Dans la partie est du bain, se trouvaient le foyer et les salles avec des réservoirs d’eau, ainsi qu’un puits qui alimentait le bain. Ce dernier a pu être dégagé lors des fouilles. Ses parois sont faites en briques cuites. L’eau usagée était évacuée dans un fossé spécial au moyen de tuyaux. Un système de conduits de chaleur était utilisé pour le chauffage. La construction de ce bain est analogue à ceux de l’Asie centrale, du Caucase, du Proche-Orient et de l’Extrême-Orient90. 77 Deux bains ont été découverts aussi à Taraz. Le premier, avec ses 13,4 m de long et 12,4 m de large, se composait de sept pièces à fonctions différentes. Son chauffage reposait également sur un système de conduits. L’aménagement intérieur, notamment les ṣuffa, les bancs, les cuves, les bassins, les niches et la peinture polychrome de ses murs, témoigne de la richesse de la décoration intérieure de cet édifice. Le premier bain de Taraz est daté du XIe siècle91. Les vestiges du second bain ont été trouvés à proximité du premier. Son plan n’est pas complètement reconstitué. Son chauffage ressemblait à celui du premier par son système de conduits. 78 Cet art décoratif et appliqué médiéval se rencontre le plus souvent dans l’ornement de la vaisselle, les objets en métal, la décoration intérieure et extérieure des bâtiments. Les procédés décoratifs étaient étroitement liés aux matériaux (argile, loess et plâtre) et à la construction. Souvent les constructeurs animaient la structure monotone d’un mur en disposant des briques sur une arête et en créant un motif. Cette technique de briquetage artistique a ensuite été appliquée aux bâtiments en briques cuites. En disposant les briques à la verticale ou à l’horizontale et en les faisant ressortir de l’ensemble, les décorateurs obtenaient des motifs et des jeux de lumière très divers. Le briquetage de briques posées sur l’arête avait également un avantage du point de vue antisismique. À partir du XIe siècle, des briques sculptées et polies commencent à être utilisées (doc. 8). Ces briques sont le signe précurseur de l’arrivée de la terre cuite dans l’architecture à partir des XIe-XIIe siècles.

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doc. 8. Site de Kujruk-Tobe. Mosquée du Xe-XIe siècle. Briques sculptées

79 Après le soulèvement de Muqanna‘ (776-780), l’islam conquiert définitivement le Mavarannahr. L’Asie centrale et le Proche-Orient se rapprochent, favorisant l’apparition de ressemblances importantes dans les cultures des peuples convertis à l’islam92. Le Kazakhstan du sud et le Semiretchie subissent aussi ces transformations. L’islamisation de ces territoires était assez avancée bien qu’ils ne faisaient pas partie du califat. La civilisation urbaine médiévale de l’Asie centrale et du Kazakhstan devient partie intégrante de la civilisation musulmane globale. 80 En effet, les sources écrites confirment cette islamisation. En 840, Nûḥ ibn Asad conquiert Isfidžab93. En 859, son frère Aḥmad ibn Asad réalise une campagne militaire visant la ville de Šavgar94. Ces conquêtes s’accompagnaient de la propagation de l’islam. Les Karlouks, qui avaient conquis en 776 le pouvoir politique dans le Semiretchie et dans le sud du Kazakhstan, subissaient le plus fortement l’influence de la culture musulmane. Nous supposons qu’ils étaient déjà convertis à l’islam à l’époque du calife Mahdî (755-785). Pourtant, cela n’a dû concerner qu’une partie d’entre eux, car il existe des témoignages de la transformation de l’église principale de Taraz en une mosquée sur l’ordre d’Ismâ‘îl ibn Aḥmad, après sa conquête de cette ville en 89395. 81 Au début du Xe siècle, Satuq, le fondateur de la dynastie des Karakhanides, s’est converti à l’islam. Son fils fait de même en 960 et instaure l’islam comme religion d’État96. Selon les sources écrites, c’est dans le milieu urbain que l’islam s’est initialement propagé. Il y a un témoignage par Ibn Khurdâdbih de l’arrivée des troupes musulmanes à Keder, la ville principale du Farab. 82 Al-Maqdisî mentionne la présence de mosquées, bâtiments indispensables dans une ville dans sa liste des cités du Kazakhstan du sud et du Semiretchie97. Les cultes païens, nestoriens et bouddhistes résistent malgré la propagation de l’islam parmi les citadins.

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L’islam n’était pas le seul système spirituel et religieux existant à l’époque, comme le confirment les sources écrites et les données archéologiques. 83 Nous constatons, pour conclure, que l’intégration du sud du Kazakhstan et du Semiretchie au sein de l’État karakhanide a favorisé son rapprochement avec la Transoxiane. Un rôle important dans l’évolution de la culture était désormais dévolu à la nouvelle religion qu’était l’islam. 84 Aux Xe-début du XIIIe siècles, la culture urbaine est en pleine expansion, comme le prouve le développement des villes, de l’artisanat et du commerce ainsi que de l’agriculture. 85 Elle se répand aussi dans de nouvelles régions, telles que le nord-est du Semiretchie et le Kazakhstan central. Les places principales des villes s’élargissent et les constructions sont de plus en plus denses à l’intérieur des murs. Des ateliers d’artisanat et des quartiers entiers de potiers apparaissent comme on a tenté d’en décrire quelques uns ci-dessus. 86 En analysant le développement de la culture urbaine de la Transoxiane et du Kazakhstan, on note que la croissance des villes du Kazakhstan aux XIe-XIIe siècles était plus soutenue qu’en Transoxiane. Cela est dû aux processus de sédentarisation, comme en témoignent les sources écrites, qui mentionnent des Turks parmi les habitants des cités et donnent des descriptions des villes des Karlouks, des Oghouz, des Kimaks et des Kiptchaks. 87 L’apparition de nouveaux types d’habitat et de céramique sont un des signes de l’arrivée d’éleveurs dans le milieu sédentaire et urbain. Les yourtes installées dans les maisons urbaines montrent l’attachement des citadins à la vie nomade. 88 L’évolution progressive de la culture urbaine dans le Kazakhstan du sud et dans le Semiretchie est interrompue par l’invasion mongole. Elle a eu des conséquences néfastes sur les villes du Semiretchie, ces dernières disparaissant entre le XIIIe et le début du XVe siècle. Dans le sud du Kazakhstan, par contre, la culture urbaine réapparaît au milieu du XIIIe siècle, pour perdurer jusqu’à l’époque actuelle.

LISTE DES SIGLES

1. VAN KazSSR – Vestnik Akademii Nauk Kazahskoj SSR (Le messager de l’Académie des sciences de la RSS du Kazakhstan). 2. Izvestiâ AN KazSSR – Izvestiâ Akademii Nauk Kazahskoj SSR (Bulletin d’information de l’Académie des sciences de la RSS du Kazakhstan). 3. Izvestiâ NAN RK – Izvestiâ Nacional’noj Akademii Nauk Respubliki Kazahstan (Bulletin d’information de l’Académie nationale des sciences de la République du Kazakhstan). 4. KSIIMK – Kratkie soobŝeniâ Instituta Material’noj kul’tury (Brèves communications de l’Institut de la culture matérielle). 5. MITT – Materialy po istorii Turkmen i Turkmenii (Matériaux sur l’histoire des Turkmènes et du Turkménistan). T.I. M.-L., 1939. 6. NÈ – Numizmatika i èpigrafika (La numismatique et l’épigraphie). 7. SA – Sovetskaâ arheologiâ (Archéologie soviétique). 8. SÈ – Sovetskaâ ètnografiâ (Ethnographie soviétique).

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9. Trudy IIAÈ AN KazSSR – Trudy Instituta istorii, arheologii i ètnografii Akademii Nauk Kazahskoj SSR (Les travaux de l’Institut d’histoire, d’archéologie et d’ethnographie de l’Académie des sciences de la RSS du Kazakhstan). 10. Trudy OVGÈ – Trudy Otdela Vostoka Gosudarstvennogo Èrmitaža (Les travaux du département de l’Orient de l’Hermitage).

Le cours inférieur du Syr Darya

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Le Semiretchie

Les bassins du Tchou et du Talas

NOTES

1. Agriculture sèche sans recours à l’irrigation. 2. Rossiâ. Pol’noe geografičeskoe opisanie našego Otečestva. T. XIX. Turkestanskij kraj [La Russie. Description géographique complète de notre Patrie. T. XIX. Turkestan]. SPb., 1913, pp. 180-272;

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Kazahstan. Prirodnie usloviâ i estestvennye resursy SSSR [Le Kazakhstan. Les conditions et les ressources naturelles de l’URSS] M., 1969, pp. 299-382. 3. Čupahin V. M. Prirodnoe rajonirovanie Kazahstana [Les régions naturelles du Kazakhstan], Alma- Ata, 1970, pp. 186-188, 339-340; Čupahin V. M. Fizičeskaâ geografiâ Tân’-Šanâ [La géographie physique du Tian-Chan] Alma-Ata, 1964, pp. 224-247; Ilijskaâ dolina, eë priroda i resursy [La vallée de l’Ili, sa nature et ses ressources], Alma-Ata, 1963; Bajpakov K. M. Srednevekovaâ gorodskaâ kul’tura Ûžnogo Kazahstana i Semireč’â VI – načalo XIII vv. [La culture urbaine du Moyen Âge au Kazakhstan du sud et dans le Semiretchie, VIe-début du XIIIe siècle], Alma-Ata, 1986, pp. 7-132. 4. Bartol’d B. B. Sočineniâ [Œuvres complètes], t. 2. M. – L., 1963, pp. 265-302, 461-470; Klâštornyj S. G. Drevnetûrkskie runičeskie pamâtniki kak istočnik po Srednej Azii [Les monuments runiques anciens des Turks comme source sur l’Asie centrale], M., 1964, pp. 78-135; Bartol’d V. V. Sočineniâ [Œuvres complètes], t. 1. M. – L., 1963, p. 32. 5. Senigova T. N., Srednevekovyj Taraz [Taraz au Moyen Âge], Alma-Ata, 1972, p. 205. 6. Masson V. M., “Rannesrednevekovaâ arheologiâ Srednej Azii i Kazahstana [L’archéologie du haut Moyen Âge en Asie centrale et au Kazakhstan]”, Uspehi sredneaziatskoj arheologii [Les succès de l’archéologie centrasiatique], fasc. 4, 1979, p. 6. 7. Belenickij A. M., Bol’šakov O. G., Bentovič I. B., Srednevekovyj gorod Srednej Azii [Les villes médiévales de l’Asie centrale], L., 1973, pp. 143-162. 8. Kočnev B. D., “Karahanidskij čekan Paraba (Otrara)”, Srednevekovaâ gorodskaâ kul’tura Kazahstana i Srednej Azii [Frappe karakhanide de Parab (Otrar), La culture urbaine du Moyen Âge au Kazakhstan et en Asie centrale], Alma-Ata, 1983, p. 109. 9. Hodžaev M., “Novyj istočnik po srednevekovoj istorii Central’noj Azii [Nouvelles sources pour l’histoire médiévale de l’Asie centrale]”, Izvestiâ NANRK, Seriâ obŝestvennaâ [Bulletin de la NAN RK, Série des sciences sociales], N° 4, 1995, p. 101. 10. Bajpakov K. M., Nastič V. N., “Novye dannye po istorii Otrara X-XIII v.”, Izvestiâ AN KazSSR, Seriâ obŝestvennaâ [Nouvelles données sur l’histoire d’Otrar aux Xe-XIIIe siècles, Le bulletin d’information de l’AN de la RSS de Kazakhstan], N° 2, 1978 ; Kočnev B. D. Karahanidskij čekan Paraba (Otrara) [Frappe karakhanide de Parab (Otrar)], p. 109-120. 11. Kočnev B. D., Karahanidskij čekan Paraba (Otrara) [Frappe karakhanide de Parab (Otrar)], pp. 116-120. 12. Bajpakov K. M., Srednevekovaâ gorodskaâ kul’tura Kazahstana i Srednej Azii [La culture urbaine du Moyen Âge au Kazakhstan et en Asie centrale], 1986, p. 24. 13. Kočnev B. D., “Buduhket – novyj kazahstanskij monetnyj dvor, XI v. [Buduhket – une nouvelle cour monétaire du Kazakhstan, XIe s.]”, Izvestiâ AN KazSSR. Seriâ obŝestvennaâ, N° 1, 1986, p. 46-54. 14. Agadžanov S. G., Očerki istorii oguzov i turkmen Srednej Azii IX-XIII vv. [Esquisses de l’histoire des Oghouz et des Turkmènes en Asie centrale aux IXe-XIIIe siècles], Ašhabad, 1969. 15. Kočnev B. D., “K istorii Dženda [Histoire de Djend]”, Izvestiâ NAN RK. Seriâ obŝestvennaâ, N° 4, 1995, pp. 67-73 16. Bartol’d V. V., Sočineniâ [Œuvres complètes], t. 1 M.-L., 1963, pp. 53-54. 17. Kumekov B. E., Gosudarstvo kimakov [L’État des Kimaks], Alma-Ata, 1972, p. 108. 18. Bartol’d V. V., Sočineniâ [Œuvres complètes], t. 1 M.-L., 1963, pp. 53-54. 19. Volin S. L., “Svedenià arabskih istočnikov IX-XVI vv. o doline r. Talas i smežnih rajonah [Informations des sources arabes des IXe-XVIe siècles concernant la vallée du Talas et les régions voisines]”, dans : Trudy IIAÈ AN KazSSR [Travaux de l’Institut d’histoire, d’archéologie et d’ethnographie de l’Académie des Sciences de la RSS du Kazakhstan]; t. 8. Alma-Ata, 1960, pp. 86-87, 89. 20. Volin S. L., Svedeniâ arabskih istočnikov…, p. 84. 21. Mode de concession de la terre, traduit parfois par « fief ».

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22. Bartol’d V. V., Socineniâ [Œuvres complètes], t. 1 M.-L., 1963, pp. 330, 367; Âkubovskij A. Û., “Voprosy periodizacii istorii Srednej Azii v srednie veka, VI-XV vv. [Questions de périodisation de l’histoire de l’Asie centrale au Moyen Âge, VIe-XVe siècles]”, KSIIMK, fasc. 28. L., 1949, pp. 30-43. 23. Belenickij A. M., Bol’šakov O. G., Bentovič I. B., Srednevekovyj…, p. 134. 24. Davidovič E. A., “Predislovie [Avant-propos]” dans : Kirgiziâ pri Karahanidah [Le Kirghizstan à l’époque des Karakhanides], Frunze, 1983, pp. 3-9. 25. Belenickij A. M., Bol’šakov O. G., Bentovič I. B. Srednevekovyj… p. 135. 26. Kožemâko P. N., Rannesrednevekovye goroda i poseleniâ Čujskoj doliny [Villes et villages du Haut Moyen Âge dans la vallée du Tchou], Frunze, 1983, p. 3-9. 27. Les alentours, la banlieue de la ville. Selon nos estimations, à Souyab il y avait 15 500 habitants, à Navaket – 17 000 et à Balasaghoun – 6 000. Les villes moyennes regroupaient 6 000 habitants, les petites villes n’en avaient que 1 500. 28. Istoriâ narodov Uzbekistana s drevnejših vremën do naših dnej [Histoire des peuples de l’Ouzbékistan depuis l’antiquité jusqu’à nos jours], t. 1. Tachkent, 1950, p. 245. 29. Belenickij A. M., Bol’šakov O. G., Bentovič I. B., Srednevekovyj…, pp. 299-300. 30. Masson V. M., Pugačenkova G. A. “Šahrisâbz pri Timure i Ulugbeke [Chakhrisabz à l’époque de Timur et d’Oulougbek]”, Trudy SAGU. Novaâ seriâ. [Travaux de l’Université d’État d’Asie centrale. Nouvelle série], fasc. 40, p. 33; Stužina È. P. Kitajskij gorod IX-XIII vv. [La ville chinoise des IX e-XIIIe siècles], M., 1979, pp. 16-22. 31. Volin S. L. Svedeniâ arabskih istočnikov…, pp. 80-81. 32. Šalekenov U. H., Eleulov M. E., Aldabergenov N. O., “Raskopki citadeli gorodiŝa Aktobe [Les fouilles de la citadelle du site d’Aktobe]”, dans : Voprosy istorii socialističeskogo i kommunističeskogo stroitel’stva v Kazahstane [Questions sur l’histoire de la construction du socialisme et du communisme au Kazakhstan], Almaty, 1978, pp. 161-179. 33. Bernštam A. N., “Banâ drevnego Taraza i eë datirovka [Le bain de Taraz ancien et sa datation], Trudy OVGÈ, t. 2, L., p. 183. 34. Partie surélevée du sol, en pierre, en planches, en terre ou en briques, pouvant servir de lit ou de table. 35. Four circulaire pour la cuisson de pain. 36. Pisarčik A. K, “Tradicionnye sposoby otopleniâ žiliŝ osedlogo naseleniâ Srednej Azii [Les moyens traditionnels de chauffage de la population sédentaire de l’Asie centrale]”, dans : Žiliŝa narodov Srednej Azii i Kazahstana [Habitats des peuples de l’Asie centrale et du Kazakhstan, M., 1982, p. 78. fig. 1]. 37. Davydov A. S., “Žiliŝe [Habitat]”, dans : Material’naâ kul’tura tadžikov verhov’ev Zeravšana [La culture matérielle des Tadjiks du haut Zeravchan], Douchanbe, 1973, p. 43. 38. Réchaud typique d’Asie centrale, aménagé dans le sol d’une pièce et alimenté avec du bois ou du charbon. 39. Pisarčik A. K., Tradicionnye…, pp. 93-100, 103. 40. Pugačenkova G. A., Rempel’ V. I., “Samarkandskie očažki [Les foyers de Samarcande]” dans : Iz istorii velikogo goroda [L’histoire d’une grande ville], Tachkent, 1972, p. 234. 41. Kožemâko P. N., “Raskopki žiliŝ gorožan X-XII vv. na Krasnorečenskom gorodiŝe [Fouilles des habitations urbaines des Xe-XIIe siècles sur le site de Krasnaâ Rečka] dans : Drevnââ srednevekovaâ kul’tura Kirgizstana [Culture ancienne et médiévale du Kirghizstan], Frunze, 1967, pp. 53-90. 42. Bubnova M., “Srednevekovoe poselenie Aktobe 1 u s. Orlovka [Le site médiéval de Aktobe-1 près du village d’Orlovka]”, dans : Arheologičeskie pamâtniki Talasskoj doliny [Les monuments archéologiques de la vallée du Talas], Frunze, 1963, pp. 135-137. 43. Belenickij A. M., Bol’šakov O. G., Bentovič I. B., Srednevekovyj…, p. 264. 44. Bajpakov K. M., Srednevekovaâ gorodskaâ kul’tura…, p. 158. 45. Akišev K. A., “Zimovki-poseleniâ i žiliŝa drevnih usun’ej [Hivernages et maisons des Usun’ des époques anciennes]”, Izvestiâ AN KazSSR. Seriâ obŝestvennyh nauk, 1969, p. 35-44.

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46. Baskakov N. A., “Žiliŝa priilijskih kazahov [Habitations des Kazakhs de la vallée de l’Ili]”, Sovetskaâ ètnografiâ [Ethnographie soviétique], N° 4, 1971, p. 112-115, fig. 6. 47. Bajpakov K. M., “Rannesrednevekovye goroda i poseleniâ Severo-vostočnogo Semireč’â [Villes et villages du Haut Moyen Âge dans le nord-est du Semirechie]”, dans : Novoe v arheologii Kazahstana [Nouvelles de l’archéologie du Kazakhstan], Almaty, 1968, pp. 82-84. 48. Volin S. L., Svedeniâ arabskih istočnikov…. 49. Pacevič G. I., “Raskopki na territorii drevnego goroda Taraza v 1940 g. [Les fouilles sur le territoire de la ville ancienne de Taraz en 1940]”, Trudy IIAE AN KazSSR [Travaux de l’Institut d’histoire, d’archéologie et d’ethnographie de l’Académie des Sciences de la RSS du Kazakhstan], t. 1. Almaty, 1956, pp. 76-79. 50. Ageeva E. I., “Srednevekovoe steklo iz Taraza [Le verre médiéval de Taraz]”, dans : Po sledam drevnih kul’tur Kazahstana [Sur les traces des cultures anciennes du Kazakhstan], Almaty, 1970, Fig. 2. 51. Outil individuel pour labourer la terre, pelle ressemblant à un couperet ou hachoir. 52. Hache de charpentier. 53. Savel’eva T. V., Zinâkov N. M., Voâkin D. A., Kuznečnoe remeslo Severo-Vostočnogo Semireč’â [Les forgerons du nord-est du Semirechie], Almaty, 1998. 54. Bajpakov K. M., Zinâkov N. M., Savel’eva T. B., “Bulatnaâ stal’ srednevekovogo Tal’hira [L’acier de damas de Tal’hir médiéval]”, dans : Vzaimodejstvie kul’tur i civilizacij [L’interaction des cultures et des civilisations], Saint-Pétersbourg, 2000, p. 226-231. 55. Minerai comprenant du cuivre, du plomb, du zinc, etc. 56. Senigova T. N., “Osvetitel’nye pribory Taraza i ih svâz’ s kul’tom ognâ [Les lampes de Taraz et leur lien avec le culte du feu]”, Sovetskaâ arheologiâ [Archéologie soviétique] N° 1, 1968, pp. 208-225. 57. Rempel’ L. I., Interesnaâ arheologičeskaâ nahodka v doline Talasa, Vestnik AN KazSSR [Une trouvaille archéologique intéressante de la vallée de Talas, Le messager de l’Académie des sciences de la RSS de Kazakhstan], N° 4, 1952, p. 81. 58. Amanžolov A. S., “Runičeskaâ nadpis’ na bronzovom kol’ce, r. Ili [L’inscription runique sur un anneau de bronze; rivière d’Ili], Vestnik AN KazSSR, N° 1, 1971, pp. 64-66. 59. Volin S. L., Svedeniâ arabskih istočnikov…, p. 77. Les plus grands centres du commerce étaient Isfidžab, Keder, Otrar et Angikent au sud du Kazakhstan; Taraz, Balasaghoun et Navaket dans le sud-ouest du Semiretchie et Talgar et Kajalyk au nord-est de la même région. 60. Ahinžanov S. M., “Drevnie karavannye puti kimakov [Les anciennes voies caravanières des Kimaks]”, dans : Materialy 1-oj naučnoj konferencii molodyh učënyh AN KazSSR [Matériaux de la première conférence scientifique des jeunes chercheurs de l’Académie des Sciences de la RSS du Kazakhstan], Almaty, 1968, p. 429; Kumekov B. E., Gosudarstvo kimakov…, pp. 50-52. 61. Bajpakov K. M., “O lokalizacii gorodov Severo-vostočnogo Semireč’â [À propos de la localisation des villes au nord-est du Semiretchie]”, Vestnik AN KazSSR [Le messager de l’Académie des sciences de la RSS du Kazakhstan], N° 7, 1968, pp. 21-25. 62. Volin S. L., Svedeniâ arabskih istočnikov…, p. 80. 63. Smirnova O. I., Očerki iz istorii Sogda [Esquisses de l’histoire du Soghd], M., 1970, pp. 132-133. 64. Volin S. L., Svedeniâ arabskih istočnikov…, p. 74. 65. Récipient ressemblant à une amphore. 66. Volin S. L., Svedeniâ arabskih istočnikov…, p. 80. 67. Bartol’d V. V., Sočineniâ, t. 1., p. 234. 68. Volin S. L., Svedeniâ arabskih istočnikov…, p. 82, 73, 79, 83. 69. Bubnova M. A., Srednevekovoe poselenie Aktobe…, pp. 225-262. 70. Volin S. L., Svedeniâ arabskih istočnikov…, pp. 81-82. 71. Agadžanov S. G., Očerki istorii oguzov… p. 100. 72. Volin S. L., Svedeniâ arabskih istočnikov…, p. 80.

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73. Materialy po istorii Turkmen i Turkmenii [Matériaux pour l’histoire des Turkmènes et du Turkménistan], p. 183. 74. Bartol’d V. V., Sočineniâ, t. 1, pp. 240. 75. Volin S. L., Svedeniâ arabskih istočnikov…, p. 83. 76. Kumekov B. E., Gosudarstvo kimakov…, p. 91. 77. Materialy po istorii Turkmen i Turkmenii [Matériaux pour l’histoire des Turkmènes et du Turkménistan], p. 178. 78. Volin S. L., Svedeniâ arabskih istočnikov… p. 82. 79. Margulan A. H., Džezkazgan – drevnij metallurgičeskij centr, gorodiŝe Milykuduk [Djezkazgan – un centre métallurgique ancien, le site de Milykuduk], pp. 3-42. 80. Kumekov B. E., Gosudarstvo kimakov…, pp. 97-99. 81. Bosworth K. E., Musul’manskie dinastii [Les dynasties musulmanes], M., 1971, p. 157; Davidovič E. A. “Novye dannye po istorii Samanidov : Klad mednyh monet IX-X vv. iz Samarkanda [Données nouvelles pour l’histoire des Samanides : le trésor des pièces de monnaie en cuivre des IXe-Xe siècles de Samarcande]”, dans : Srednââ Aziâ v drevnosti i srednevekov’e [Asie centrale antique et médiévale], M., 1977, pp. 122-115, 124; Bajpakov K. M., Nastič V. N. Novye dannye…, pp. 45-46; Kočnev V. D. Karahanidskij… p. 119; Burnaševa R. Z., “Moneta Sulejmana b. Daudas gorodiŝa Talgar [La monnaie de Sulaymân b. Dâvûd venant du site de Talgar]”, dans : Poiski i raskopki v Kazahstane [Recherches et fouilles au Kazakhstan], Almaty, p. 18-186. 82. Davidovič E. A., “Denežnoe obraŝenie v Maverannahre pri Samanidah [La circulation monétaire dans le Mavarannahr Samanide]”, NE [Numismatique et Épigraphie], fasc. 6, 1966, p. 116. 83. Grošev V. A., Irrigaciâ Ûžnogo Kazahstana v srednie veka : po materialam Otrara i severnyh sklonov Karatau. Avtoref. diss. kand. nauk [L’irrigation du Kazakhstan du Sud au Moyen Âge d’après les données d’Otrar et du versant nord de Karatau. Résumé de thèse], L., 1980, p. 11. 84. Akišev K. A., Bajpakov K. M., “Zemli drevnego orošeniâ v nizov’âh reki Ili [Les terres irriguées dans l’antiquité en aval de la rivière Ili]”, dans : Zemli drevnego orošeniâ [Les terres irriguées dans l’antiquité], M., 1969, pp. 84-96. 85. Bajpakov K. M., Rannesrednevekovye goroda… p. 68. 86. Man’kovskaâ L. Û., Tipologičeskie osnovy zodčestva Srednej Azii, IX – načalo XX v. [Les bases typologiques de l’architecture de l’Asie moyenne, IXe-début du XXe siècle], Tachkent, 1980. 87. Bernštam A. N., “K proishoždeniû mavzoleâ Babadži-Hatun [Sur les origines du mausolée de Babaji-Khâtûn]”, KSIIMK, fasc. 61, 1956, pp. 86-95, Arheologičeskaâ karta Kazahstana [Carte archéologique du Kazakhstan], Almaty, 1960, p. 270. 88. Man’kovskaâ L. Û., Tipologičeskie osnovy zodčestva… p. 108-112, fig. 8. 89. Belenickij A. M., Bol’šakov O. G., Bentovič I. B., Srednevekovyj… p. 264. 90. Bajpakov K. M., Rannesrednevekovye goroda… p. 68. 91. Bernštam A. N., Banâ drevnego Taraza… p. 183. 92. Belenickij A. M., Bol’šakov O. G., Bentovič I. B., Srednevekovyj… p. 132. 93. Volin S. L., Svedeniâ arabskih istočnikov… p. 75. 94. Bartol’d V. V., Sočineniâ, t. 1, p. 268. 95. Bartol’d V. V., Sočineniâ, t. 1, p. 282. 96. Bartol’d V. V., Sočineniâ, t. 1, p. 318. 97. Volin S. L., Svedeniâ arabskih istočnikov…, pp.80-83.

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INDEX

Keywords : material culture, urban archaeology, Qarakhanids, Semirech’e, Kazakhstan Mots-clés : culture matérielle, archéologie urbaine, Karakhanides, Semiretchie, Kazakhstan

AUTEURS

KARL BAJPAKOV

Institut d’archéologie de l’Académie des Sciences, Almaty, Kazakhstan

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L’extraction des minerais et le mode de vie des mineurs au XIe siècle : l’exemple du Pamir Oriental

M. A. Bubnova Traduction : Kirill Kuzmin

1 Les recherches sur l’histoire de l’extraction minière en Asie centrale ont fait l’objet de plusieurs ouvrages et de nombreux articles. Certains travaux traitent de la question dans toute la région, d’autres dans des localités particulières ou pour des périodes précises1. Des études ont été consacrées aux méthodes d’extraction des minerais, aux outils de l’industrie minière2 et à l’histoire de la métallurgie3.

2 La liste des publications indiquées dans la note 1, qui est loin d’être exhaustive, témoigne du niveau technique avancé de l’exploitation minière pour chaque période, en particulier du IXe au XIe siècle. Néanmoins, il est rare que ces travaux comportent des informations sur l’organisation de l’exploitation des mines, le mode de vie des mineurs et de leurs familles, leurs conditions de vie4, etc. 3 Les informations peu nombreuses, fournies par des sources écrites, montrent que la vie dans les localités minières était rude. Nous ne citerons qu’un seul exemple, mentionné par Biruni : « un témoin m’a raconté que dans les montagnes du Khuttal, se trouve un village dont les habitants sont dans le dénuement et manquent de vivres ». Les moyens d’existence de ses habitants provenaient de l’extraction de l’or « qu’ils exploitent pour payer leur nourriture – viande et autres produits –, et assurer leurs différents besoins. Sans cet échange, personne n’irait là-bas, sans or, personne ne pourrait y vivre5 ». 4 L’extraction des métaux précieux était naturellement prioritaire dans l’activité d’exploitation des minerais, surtout celle de l’argent. Ce dernier n’alimentait pas uniquement le système monétaire interne. Il était également exporté vers des pays occidentaux. À la fin de la période samanide, le manque d’argent se ressentait déjà, à la suite de l’épuisement sensible des ressources minières6. 5 Au XIe siècle7, éclata une “crise de l’argent” dont l’État karakhanide a plus souffert que l’État samanide. Le complexe minier du Pamir oriental8 est la meilleure illustration des

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moyens utilisés pour l’extraction du minerai d’argent. Il comprend six sites : Karadara, Zurčercek-Karadimur, Aličur, Akdžilga-Bazardara et Sasyk qui, situé à 5 000 m d’altitude, est le plus haut de tous. L’ensemble est situé dans l’actuel district de Murgab, dans la Région autonome du Haut-Badakhchan. 6 L’exploitation des gisements d’argent de la haute vallée du Gunt (district de Šugnan dans le Haut-Badakhchan9), tel que Tokuzbulak (Pamir occidental) – a précédé celle des mines d’argent du Pamir oriental. Dans chacune des régions mentionnées, nous connaissons l’existence de petites localités constituées de maisons et de bâtiments à fonction économique et industrielle. Dans le Pamir occidental (district de Šugnan), certains villages de mineurs étaient situés à proximité des mines, d’autres dans la vallée. L’activité principale de ces derniers était la transformation des déchets de la production métallurgique. Ils sont localisés dans une zone agricole et pastorale, et les habitations des mineurs ressemblent à celles des agriculteurs (maisons à plusieurs pièces). Dans le Pamir oriental, les villages des mineurs ont une structure générale plus simple, bien que le plan des habitations soit plus complexe (Sasyk, Zurčercek). Cependant, ils se caractérisent tous par la rusticité de leur construction et de l’aménagement des locaux. 7 Bazardara, ville de mineurs et centre du complexe minier du Pamir oriental, offre un aspect totalement différent. Elle est située en altitude, au fond de l’étroite vallée de l’Akdžilga (affluent de rive gauche du Murgab), dans l’Aličur septentrional. La ville se trouve dans la partie moyenne de la vallée, où elle fut construite sur une terrasse rocheuse, en bas de versant. L’espace occupé par la ville domine de 60 m le lit majeur, dans la partie sud, alors qu’il rejoint presque la haute terrasse inondable dans la partie nord. Sa longueur maximale est de 580 m et sa largeur de 220 m, à une altitude de 3 980 m. 8 Quelles particularités présente le plan de Bazardara ? Son statut de ville est-il justifié ? La construction de l’espace urbain prit naturellement un certain temps ; de même que son déclin. Nous analysons ce complexe dans sa totalité : nous y distinguons quatre parties dont un cimetière. Elles sont séparées les unes des autres par des petits espaces inoccupés. 9 1. Le caravansérail occupait la partie supérieure de la terrasse. Cette construction au plan rectangulaire était entourée d’un mur en pierre (40 m x 50 m). À l’intérieur, il y avait des chambres, une grande salle, des locaux à fonction économique, une cuisine commune ainsi que des entrepôts et des locaux pour abriter les animaux de charge. La rue centrale reliait les deux entrées. L’une s’ouvrait sur la ville et l’autre sur le chemin d’accès aux mines, en passant par l’extérieur. Des ṣuffa10 étaient installées dans la rue, deux d’entre elles étant de part et d’autre de l’entrée principale11. 10 L’espace libre situé entre le caravansérail et la partie habitée formait une place commune. Il faut noter qu’à l’entrée principale du caravansérail, il y avait un bâtiment (que nous appellerons maison n° 1). Un détail est à souligner dans son plan – la grande salle avec des ṣuffa le long des murs possédait une sortie vers le caravansérail. Les locaux d’habitation et ceux à fonction économique ne communiquaient pas avec la grande salle. Ils possédaient leurs propres sorties sur la place. D’après nos interprétations, un centre administratif occupait la maison n° 1. 11 2. La partie totalement construite occupait une superficie d’environ 1 hectare. D’après les résultats des fouilles et le plan établi, 80 à 85 maisons s’y trouvaient. La superficie moyenne de celles-ci était de 100 à 110 m² (celle de la plus petite habitation était de 70

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m²). Les maisons étaient construites sur le même modèle. Elles abritaient deux à trois familles. C’est là que les vestiges d’un sanctuaire du feu, temple circulaire zoroastrien, ont été trouvés12. 12 3. Le cimetière compte plus de 500 tombes. Hors des limites du cimetière, fut trouvé un bain possédant un chauffage dans le sous-sol. Le fait qu’il soit bâti à l’extérieur de la ville s’explique par sa proximité avec la rivière13. Quelques constructions se trouvent dans son voisinage. 13 Dans quelle mesure ce complexe peut-il prétendre au statut de ville ?

14 Les chercheurs s’appuient sur plusieurs critères dans leurs analyses de l’apparition et du développement des villes en Asie centrale14 : les dimensions du complexe ou la superficie occupée, la place du système de remparts et de la citadelle dans l’oasis ou dans la région. La division tripartite de l’ensemble est un signe moins important, mais également pris en compte par les archéologues. Ces derniers soulignent les limites d’une approche qui ne peut être que préliminaire15, car elle est fondée sur une collecte de premiers indices16. Il n’est probablement pas pertinent d’attribuer à ces signes un caractère universel pour déterminer le statut d’une ville17. Il est certain que les critères socio-économiques et industriels sont plus fiables, mais ils sont donc plus difficiles à appréhender que les signes dits apparents18. 15 Quels sont les caractères originaux du complexe de Bazardara ?

16 De par sa superficie, sa structure et son plan, Bazardara ne correspond à aucun des critères cités précédemment. Cela est dû aux conditions naturelles et climatiques. Le caravansérail se démarque du type classique des constructions de ce genre19. Néanmoins, Bazardara jouait les rôles de centre administratif d’une grande région minière, de centre commercial et de lieu d’échange du minerai, concentré et enrichi (contre les produits agricoles et artisanaux), de centre religieux avec un temple du feu et de lieu de coordination de tous les procédés de fabrication liés à l’extraction du minerai d’argent sur tous les sites de la région. 17 Nous rencontrons des preuves de la présence de villes dans les montagnes, dans plusieurs sources écrites. Ibn Ḥavqal décrivit « la dernière ville minière de Maremend, qui n’a pas de vergers ni de vignobles, mais qui est alimentée en eau courante. Les froids très forts empêchent la ville d’avoir des vergers20 ». C’est également Ibn Ḥavqal qui mentionna la ville de Džarâns, qui se trouve sur les sites argentifères du Pendžihir (Afghanistan) : « Džarâns est une ville plus petite que Pendžihir. Des sites miniers existaient entre ces deux villes, où les habitants vivaient sans avoir de vergers ni de terre arable21 ». De cette manière, le complexe de Bazardara justifie pleinement son statut de ville, ses spécificités étant liées aux conditions naturelles, aux activités industrielles et à l’exploitation minière22. 18 La ville était bien aménagée pour son époque. Pour l’évacuation des déchets, un système d’égouts reliait les maisons à des fosses creusées à l’extérieur des bâtiments, dans des “cours” spéciales entourées d’un mur de pierre. L’autre technique consistait à aménager des dépotoirs dans des pièces destinées à cet unique effet, situées à coté de la cuisine. On couvrait ces dépotoirs de grandes dalles, en laissant une fente de dimension moyenne. Sur la terrasse rocheuse, à proximité du cours d’eau, était le bain. Il fonctionnait avec un système de chauffage souterrain et possédait une couverture voûtée.

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19 D’après les études de certains archéologues, les sources ethnographiques, les caractéristiques industrielles et le nombre de mineurs de fond, la population maximale devait atteindre environ 1 500 personnes, enfants et femmes compris (en 1980, nous avions estimé ce nombre à 1 47623). 20 La principale activité des habitants de Bazardara était l’extraction et la première étape de l’enrichissement du minerai d’argent. Leurs conditions de vie, et par conséquent leur capacité de travail, dépendaient de la satisfaction des besoins élémentaires, qui était rendue difficile par la rudesse du milieu et l’absence d’agriculture. Sans analyser tous les types de production artisanale recensés, nous nous concentrerons sur ceux qui nécessitaient à la fois de la matière première locale et de la matière première importée. 21 Les habitants de Bazardara tiraient de l’élevage, de la laine, des os et de la peau. La laine servait à la confection des lainages, du feutre et des chaussures. Les peaux étaient utilisées dans l’industrie du cuir. Les analyses montrent que l’on produisait plusieurs sortes de cuir (cuir d’oeuvre, peau de daim, etc.), employées ensuite pour produire des vestes, des chaussures, des pièces de harnachement, des objets ménagers (sacs, nappes circulaires de cuir pour étaler la pâte, etc.). L’os et la corne servaient à la production de petits articles, notamment des boucles et des porte-aiguilles. À partir du bois exploité localement, on construisait les toitures et les portes des maisons, aussi bien que des petits objets pour la vaisselle ou des instruments de musique24. Les tailleurs de pierre fabriquaient des meules, de la vaisselle, des chaudrons et d’autres articles artisanaux. De toute évidence, la poterie était peu répandue. Il n’y pas de déchets de production, on trouve seulement des fragments d’ustensiles altérés. La vaisselle était essentiellement importée, compte tenu de la rareté des fragments identifiés par rapport à l’ensemble des découvertes. Des ateliers de chaudronnerie, de bijouterie et de cordonnerie ont été également trouvés dans les maisons. 22 L’activité de tissage employait des matières premières importées. Au cours des fouilles, du coton a été découvert et des petits “paquets” ont été retrouvés dans les locaux de stockage du caravansérail. Par ailleurs, des cotonnades et des fils de différents types (plus de 3 000 fragments et morceaux de vêtements25) ont été recensés. 23 Il ne s’agit ici que de métiers domestiques qui n’étaient pas orientés vers l’exportation. Toutefois, le plus souvent, les produits finis étaient mis en vente. Les relations commerciales étaient développées, comme le prouvent les pièces de monnaie découvertes sur les sites. E. A. Davidovič a montré que ces monnaies étaient essentiellement des dirhems karakhanides, associés à des fels26 pour la petite monnaie. L’existence d’un caravansérail en est également un signe. Les caravanes transportaient des matières premières et des produits finis27, principalement issus de l’agriculture. La production locale se limitait à la viande et aux produits laitiers. Plus de 20 types de produits étaient importés : des céréales, différentes sortes de fèves, des cucurbitacées, ainsi que des fruits et des baies28. D’après des sources ethnographiques sur le Pamir occidental, dans le Yaghnob et dans la vallée du Ferghana, la consommation annuelle de produits d’origine végétale de chaque personne s’élevait à 17 pouds29. La consommation annuelle de la population de Bazardara pouvait en conséquence s’élever à 25092 (17 x 1476 =) pouds30. 24 Toutes les sources démontrent qu’il fallait importer l’essentiel des vivres, mais aussi des produits artisanaux. Les résultats des analyses chimiques31 prouvent que la vaisselle à glaçure et les articles en verre (des petits verres et des coupes notamment) viennent de la vallée du Ferghana. Des objets coniques, des articles métalliques (coins

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estampillés en acier de qualité pour les travaux miniers) ont également été découverts, ainsi que de la soie, brute dans sa majorité, des cotonnades de qualité, du papier32, etc. Il devait y avoir un flux inverse plus important, pour que le transport de grandes quantités de marchandises, dans une région aussi éloignée et difficile d’accès, reste rentable, car même des pastèques, du raisin et des pêches étaient amenés à Bazardara. Le minerai d’argent enrichi constituait la base des exportations, l’activité des habitants de la ville étant concentrée sur son extraction. Dans le contexte de la crise de l’argent qui a marqué le XIe siècle, nous constatons que le coût des marchandises transportées ainsi que les “frais” de transport étaient couverts par l’exploitation des gisements. 25 Le rôle de la ville n’était pas seulement de relier les petites implantations de mineurs entre elles, mais aussi de contrôler l’exploitation des gisements et d’en être le centre administratif. Ce dernier se situait dans la maison n° 1, déjà mentionnée ci-dessus. Les fonctions de l’administration comprenaient aussi le contrôle des opérations commerciales, intérieures et extérieures. Des fragments de documents trouvés lors des fouilles, confirment que des comptes-rendus étaient rédigés au cours du travail. Le support utilisé pour leur rédaction était le papier. Celui-ci était fabriqué avec du chanvre et du tille de mûrier33. Les documents étaient rédigés en persan à l’encre de Chine de couleur noire (un stylo a été trouvé)34. 26 Les gisements d’argent furent exploités pendant près de cent ans, l’extraction ayant cessé à la fin du XIe siècle. Dès lors, confrontée aux difficultés politiques et socio- économiques de l’État karakhanide, la ville s’éteignit.

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NOTES

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11. 11. Bubnova, 1990a. 12. Bubnova, 1997. 13. Bubnova 1985 : 141-148. 14. Masson 1961 : 36 ; Zadneprovkij, 1973 ; Litvinskij, 1981 ; Burâkov 1982 : 9-10. 15. Burâkov 1982 : 9-10. 16. Rtveladze 1973 : 31. 17. Kvarkveliâ et Radililovskij 1989 : 113-114. 18. Košelenko 1983 :224. 19. Man’kovskaâ 1980 :51-68. 20. Betger 1957 :20. 21. Rittner 1867 :279. 22. Bubnova 1998. 23. Bubnova 1980 : 44-45. 24. Bubnova 1990 : 138-140. 25. Bubnova, 1992. 26. Davidovič 1978 : 89. 27. Bubnova, 1979. 28. Bubnova 1987 :60-61. 29. 1 poud = 16,38 kg 30. Bubnova 1980 : 45-46 31. Abdurazakov et Bubnova, 1984 32. Bubnova et Polovnikova, 1984 33. Flât et Vere, 1978 34. Akimuškin, 1977 ; Bubnova, 1992

INDEX

Keywords : sources, archaeology of mines, mines et extraction, miners, precious metals, Qarakhanids, Pamir Mots-clés : sources, archéologie minière, mines et extraction, mineurs, métaux précieux, Karakhanides, Pamir

AUTEURS

M. A. BUBNOVA

Institut d’archéologie, d’histoire et d’ethnographie, Douchanbe, Tadjikistan

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Compléments pour une bibliographie karakhanide

Ulugbek Mansurov

1 Abdakimov A., Istoriâ Kazahstana [Histoire du Kazakhstan], Almaty, 1994, pp. 28-35.

2 Agadžanov S. G., Gosudarstvo Sel’džukidov i Srednââ Aziâ v XI-XII vv. [L’État des Seldjoukides et l’Asie centrale aux XIe-XIIe siècles], Moskva, 1991. 3 Almas Turgun, Ujgury [Les Ouïghours], čast’ 2: Gosudarstvo Karahanidov [L’État des Karakhanides], 1993. 4 Amanbaeva V. E., “Srednevekovaâ Banâ-Hammam v Oše : predvaritel’nye itogi izučeniâ [Un bain-hammam médiéval à Oš : bilan préliminaire des recherches]”, dans : Izučenie drevnego i srednevekovogo Kyrgyzstana [Études sur le Kirghizstan antique et médiéval], Bichkek, 1998, pp. 44-45. 5 Anarbaev A., Ahrarov I., “Banâ srednevekovogo Ahsikenta [Le hammam de la ville médiévale d’Ahsikent]”, dans : Istoriâ material’noj kul’tury Uzbekistana [Histoire de la culture matérielle de l’Ouzbékistan], 25, Tachkent, 1991. 6 Arheologiâ, numizmatika i èpigrafika srednevekovoj Srednej Azii. Materialy naučnoj konferencii, posvâŝennoj 60-letiû so dnâ roždeniâ doktora istoričeskih nauk B. D. Kočneva [L’archéologie, la numismatique et l’épigraphie de l’Asie centrale médiévale. Matériaux de la conférence consacrée au 60e anniversaire du docteur en histoire B. D. Kotchnev], Samarcande, 2000. 7 Artykbaev Ž. O., Istoriâ Kazahstana [Histoire du Kazakhstan], Astana, 1999, pp. 101-121.

8 Bajtur Anvar, Kyrgyz taryxynyŋ lekciâlary [Cours d’histoire des Kirghiz], 2, Bichkek, 1992, pp. 10-14. 9 Bajpakov K. M., Ternovaâ G. A., “Animističeskie predstavleniâ gorožan ûžnogo Kazahstana v srednevekov’e [Les représentations animistes chez les citadins du Kazakhstan du sud au Moyen Âge]”, Izvestiâ Ministerstva nauki AN Respubliki Kazahstan : seriâ obŝestvennyh nauk [Bulletin du Ministère des Sciences. Académie des Sciences du Kazakhstan : sciences sociales], 1999, n° 1, pp. 92-102.

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10 Bajpakov K. M., Zinâkov N. M., Savel’eva T. B., “Bulatnaâ stal’ srednevekovogo Tal’hira [L’acier de damas du Talhir médiéval]”, dans : Vzaimodejstvie kul’tur i civilizacij [L’interaction des cultures et des civilisations], St-Pétersbourg, 2000, pp. 226-231. 11 Bajpakov K. M., Northedge A., “Novye dannye ob Akyrtaše [Nouvelles données sur Akyrtaš]”, Izvestiâ Ministerstva nauki AN Respubliki Kazahstan : seriâ obŝestvennyh nauk [Bulletin du Ministère des Sciences. Académie des Sciences du Kazakhstan : sciences sociales], 1997, n° 1, pp. 83-93. 12 Bajpakov K. M., Grigor’ev F. P., “O topografii gorodiŝa Taraz [Sur la topographie du site de Taraz]”, dans : Problemy drevnej i srednevekovoj istorii Kazahstana : Materialy II Meždunarodnyh čtenij po tvorčestvu Muhammada Hajdara Dulati [Questions d’histoire ancienne et médiévale du Kazakhstan : matériaux du IIe colloque international sur l’œuvre de Muḥammad Haydar Dûghlat], Almaty, Dajk-Press, 1999, pp. 50-67. 13 Bajpakov K. M., Srednevekovye goroda Kazahstana na Velikom Šelkovom puti [Les villes médiévales du Kazakhstan sur la Grande Route de la Soie], Almaty, Ġylym, 1998. 14 Bajpakov K. M., “Taraz i srednevekovye goroda Talasskoj doliny [Taraz et les villes médiévales de la vallée du Talas]”, dans : Problemy drevnej i srednevekovoj istorii Kazahstana : Materialy II Meždunarodnyh čtenij po tvorčestvu Muhammada Hajdara Dulati [Questions d’histoire ancienne et médiévale du Kazakhstan : matériaux du IIe colloque international sur l’œuvre de Muḥammad Haydar Dûghlat], Almaty, Dajk-Press, 1999, pp. 22-37. 15 Baktygulov Dž. G, Mombekova Ž. K., Istoriâ kyrgyzov i Kyrgyzstana s drevnejših vremen do naših dnej [Histoire des Kirghiz et du Kirghizstan depuis les temps anciens jusqu’à nos jours], Bichkek, 1999, pp. 42-48. 16 Baldick J., Imaginary Muslims. The Uwaisi Sufis of Central Asia. New York & London, 1993.

17 Baratova L. S., Drevnetûrkskie monety Srednej Azii : tipologiâ, ikonografiâ, istoričeskaâ interpretaciâ [Les monnaies anciennes des Turks de l’Asie centrale : typologie, iconographie, interprétation historique], Tachkent, 1995. 18 Bernštam A. N., Izbrannye trudy po arheologii i istorii kyrgyzov i Kyrgyzstana [Oeuvres choisies sur l’archéologie et l’histoire des Kirghiz et du Kirghizstan], II, Bichkek, Ajbek, 1998, pp. 290-311. 19 Bernštam A. N., Ujġur xalqining qadimgi va ūrta asr tarixining qissalari [Récits sur l’histoire ancienne et médiévale des Ouïghours], Alma-Ata, 1951, pp. 106, 177-179. 20 Bilhan S., Les juristes hanafites de l’Asie centrale à l’époque des Qarakhanides. Thèse de doctorat de 3 e cycle, soutenue à l’Université de Droit et d’Economie et de Sciences Sociales de Paris (Paris II), Paris, 1973. 21 Bilhan S., “Buğrā Hān Tamgāç Medresesi Vakif Belgesi [Les documents de vaqf du madrassa de Bughrâ khân Ṭamghâch]”, Ankara Universitesi Eğitim Fakultesi Dergisi [Revue de la Faculté d’Éducation de l’Université d’Ankara], n° 15, 1982, pp. 117-124. 22 Biran M., China, Nomads and Islam : The Qara Khitai (Western Liao) Dynasty, unpublished Ph. D dissertation, The Hebrew University of Jerusalem, 2000. 23 Biran M., “Like a Mighty Wall : The Armies of the Qara Khitai”, Jerusalem Studies in Arabic and Islam, 25 (2001). 24 Biran M., Sinicization outside of China : The Case of the Western Liao. Paper read at the 51st annual meeting of the American Association of Asian Studies, Boston, March 1999.

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25 Bregel Y. (ed.) : Historical Maps of Central Asia. 9th-19th Centuries A.D. Bloomington 2000 (Papers on Inner Asia : Special Supplement). 26 Bubnova M. A., “Drevnie muzykal’nye instrumenty s territorii GornoBadahšanskoj avtonomnoj oblasti : po arheologičeskim materialam [Les instruments de musique anciens de la région autonome du Haut-Badakhchan : d’après les données archéologiques]”, dans : Borbad i hudožestvennye tradicii narodov Central’noj i Perednej Azii : istoriâ i sovremennost’ [Borbad et les traditions artistiques des peuples d’Asie centrale et intérieure : histoire et actualité], Douchanbe, 1990, pp. 136-144. 27 Bubnova M. A., “Karavan-saraj Bazar-Dary [Le caravansérail de Bazardara]”, Pamâtniki Turkmenistana [Les monuments du Turkménistan], Achgabad, 1990, N° 5, pp. 6-8. 28 Bubnova M. A., Kadastr drevnih rudnikov Gorno-Badahšanskoj avtonomnoj oblasti Tadžikskoj SSR [Le cadastre des mines anciennes de la région autonome du Haut-Badakhchan, RSS du Tadjikistan], Douchanbe, 1991. 29 Bubnova M. A., “K voprosu o gramotnosti v srede remeslennikov XI veka [Le niveau d’instruction dans le milieu des artisans au XIe siècle]”, dans : Vklad iranskih narodov v razvitie mirovoj civilizacii : istoriâ i sovremennost’ [L’apport des peuples iraniens dans le développement de la civilisation mondiale : histoire et actualité], Douchanbe, 1992, pp. 48. 30 Bubnova M. A., “Èlementy kostûma i tkani, bytovavšie u remeslennikov XI v. [Éléments de costumes et de tissus utilisés par les artisans au XIe siècle]”, dans : Meždunarodnaâ konferenciâ : Srednââ Aziâ i mirovaâ kul’tura [Colloque international : l’Asie centrale et la culture mondiale], Tachkent, 1992, pp. 32-33. 31 Bubnova M. A., Drevnie rudoznatcy Pamira [Les minéralogistes anciens du Pamir], Douchanbe, 1993. 32 Bubnova M., “From worship of fire to temple”, dans : Research in Ancient Iran and Avesta : Amera 7-10 October 1997, The Netherlands – Paris, 1997, Vol. 1, pp. 275-290. 33 Bubnova M. A., “Strukturno-planirovočnye osobennosti goroda Bazardara, Vostočnyj Pamir [Les particularités de la structure et du plan de la ville de Bazardara, Pamir oriental]”, dans : Drevnie civilizacii Evrazii : istoriâ i kul’tura. Tezis doklada na Meždunarodnoj naučnoj konferencii Tadžikistana [Les civilisations anciennes de l’Eurasie : histoire et culture. Résumé de la communication à un colloque international au Tadjikistan] M., 1998, pp. 26-27. 34 Bubnova M., “The XIth Century Miners’ Town of Bazar-Dara (The East Pamir) : Planning and Structure)”, dans : Islamic Art Resources in Central Asia and Eastern and Central Europe, (Edited by Wijdan Ali, Khalid Deemer), Mafraq, Al al-Bayt University, 2000, pp. 27-37. 35 Bohavia J., The Silk Road, 6th edition, Hong Kong, 1999, pp. 29-30.

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Kurgan, en république du Kirghizstan : d’après les données numismatiques]”, dans : Problemy drevnej i srednevekovoj istorii Kazahstana : Materialy II Meždunarodnyh čtenij po tvorčestvu Muhammada Hajdara Dulati [Questions d’histoire ancienne et médiévale du Kazakhstan : matériaux du IIe colloque international sur l’œuvre de Muḥammad Haydar Dûghlat], Almaty, Dajk-Press, 1999, pp. 76-81. 40 Burnasheva R. Z., “Matériaux numismatiques : source pour la caractérisation des rapports féodaux au Kazakhstan du sud du VIIe au XVII e siècle”, dans : Recherches archéologiques au Kazakhstan. Mémoires de la Mission Archéologique française en Asie centrale, tome X, Paris : De Boccard, 1998; pp. 53-57. 41 Caferoğlu A., “La littérature turque de l’époque des Karakhanides”, dans : Fundamenta philologiae turcicae, II, Wiesbaden, 1964, pp. 267-275. 42 Chen Zhongmian, Zhong Wei Shi Di Kao Zheng, Zhong Hua Shuju [Études sur la géographie historique de la Chine et des régions voisines], Beijing, 1959. 43 Christian D., A History of Russia, Central Asia and Mongolia, vol. 1, Oxford, 1998.

44 Christian D., “Silk Roads or Steppe Roads ? The Silk Roads in World History”, Journal of World History, vol. 11 (2000), pp. 1-26. 45 Čoroev T. K., “Dîvân lughât at-turk Mahmuda Kašgari kak istočnik po istorii tûrkoâzyčnyh narodov Srednej Azii [Dîvân lughât at-turk de Mahmoud Kachgari comme source pour l’histoire des peuples turciques de l’Asie centrale]”, dans : Orientalistika v Kirgizii [L’orientalisme au Kirghizstan], Frunze, 1987, pp. 12-26. 46 Čoroev T. K., “O roli arabografičeskih istočnikov v izučenii ètničeskoj istorii tûrkskih narodov Central’noj Azii IX-načala XIII vv. [Le rôle des sources en écriture arabe dans l’étude de l’histoire ethnique des peuples turciques de l’Asie centrale du IXe au début du XIIIe siècle]”, dans : Iz istorii i arheologii drevnego Tân’-Šanâ [Histoire de l’archéologie du Tian Shan ancien], Bichkek, 1995, pp. 210-217. 47 Čorotegin T., Ètničeskie situacii v tûrkskih regionah Central’noj Azii domongol’skogo vremeni [Situations ethniques dans les régions turciques de l’Asie centrale pré-mongole], Bichkek, 1995. 48 Čorotegin T. K., Moldokasymov K. S., Kyrgyzdardyŋ žana Kyrgyzstandyŋ kyskača taryxy [Histoire brève des Kirghiz et du Kirghizstan], Bichkek, 2000, pp. 31-37. 49 Čorotegin T., “Ob istokah kyrgyzskoj gosudarstvennosti [Sur les origines de la tradition étatique des Kirghiz]”, Èho sobytij [L’Écho des événements], 1995, n° 3, du 27 janvier – au 2 février. 50 Dankoff R., “Qarakhanid Literature and the Beginnings of Turco-Islamic Culture”, dans : Central Asian Monuments, Istanbul, The Isis Press, 1992, pp. 73-80. 51 Davidovich E. A., “The Karakhanids”, dans : History of Civilisations of Central Asia, IV, Paris, 1998, pp. 119-143. 52 Davidovič E. A., “Karahanidskie fel’sy Hudžanda 390/999-1000 g. : voprosy attribucii [Les fels karakhanides de Khodjend de 390/999-1000 : questions sur leur attribution]”, dans : Bližnij Vostok i Gruziâ [Le Proche-Orient et la Géorgie], Tbilisi, 1991, pp. 161-162. 53 Davidovič E. A., “Novye dirhemy Ahsiketa : dlâ istorii Karahanidov pervoj četverti XI v. [Les nouveaux dirhems d’Ahsiket : à propos de l’histoire des Karakhanides dans le premier quart du XIe siècle]”, dans : Vostočnoe istoričeskoe istočnikovedenie i special’nye

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istoričeskie discipliny [Études des sources historiques orientales et des disciplines historiques spécialisées], 4, Moscou, 1995, pp. 97-118. 54 Davidovič E. A., “Numizmatičeskie materialy dlâ istorii razvitiâ feodal’nyh otnošenij v Srednej Azii pri Samanidah [Matériaux numismatiques pour l’histoire du développement des rapports féodaux en Asie centrale sous les Samanides]”, Trudy Akademii nauk Tadžikskoj SSR [Travaux de l’Académie des Sciences de la RSS du Tadjikistan], 27, Douchanbe, 1954, pp. 69-117. 55 Davidovič E. A., “O nazvaniâh dirhemov XII veka v gosudarstve Karahanidov [Sur les dénominations des dirhems du XIIe siècle dans l’État des Karakhanides]”, dans : Vostok : prošloe i buduŝee narodov. Tezisy IV Vsesoûznoj konferencii vostokovedov [L’Orient : le passé et l’avenir de ses peuples. Communications de la IVe conférences des orientalistes], II, Moscou, 1991, pp. 98-100. 56 Davidovič E. A., “Poslednie Karahanidy i Muhammad b. Tekesh : numizmatičeskie korrektivy [Les derniers Karakhanides et Muḥammad b. Tekesh : précisions à partir des sources numismatiques]”, dans : Vostočnoe istoričeskoe istočnikovedenie i special’nye istoričeskie discipliny [Études des sources historiques orientales et disciplines historiques spécialisées], 2, Moscou, 1994. 57 DeWeese Devin, Islamization and native religion in the Golden Horde. Baba Tükles and conversion to Islam in historical and epic tradition. University Park PA, 1994. 58 DeWeese Devin, “Sacred history for a Central Asian town. Saints, shrines and legends of origin in histories of Sayram, 18th-19th centuries”, dans : Figures mythiques des mondes musulmans. Sous la direction de D. Aigle. REMMM 89-90 (2000), pp. 245-295. 59 Dudakov S. A., Istoriâ gornorudnogo dela srednevekovoj Fergany. Avtoreferat dissertacii kandidata istoriceskih nauk [Histoire de l’industrie minière du Ferghana au Moyen Âge. Résumé de thèse de doctorat], Tachkent, 1996. 60 Esin E., “Türk san’at tarihinde Kara-hanli devrinin mevkii [Le rôle de l’époque karakhanide dans l’histoire de l’art turc]”, dans : Türk tarih kongresinin bildirileri [Communications au Congrès d’histoire turque], VI, Ankara, 1967, pp. 100-130. 61 Fakhr ad-Dîn Qâḍîkhân, Sharḥ al-Jâmi‘ aṣ-ṣaghîr [Commentaire de la petite collection]. Manuscrit de la Bibliothèque Süleymaniye, Fatih, 1687. 62 Fedorov M. N., Mokeev A. M., “Eine silberne Schale des 11. Jahrunderts aus Kyrgyzstan”, Eurasia Antiqua. Zeitschrift fur Archäologie Eurasiens. Bd. 2. Berlin, 1996, pp. 485-492. 63 Fedorov M., “The Genealogy of the Qarakhanid rulers of Tirmidh and Balkh”, Oriental Numismatic Society Newsletter, n° 164, summer 2000, p. 19. 64 Fedorov M., “Rare Qarakhanid Coins from the Collections of Bishkek”, Oriental Numismatic Society Newsletter, n° 161, autumn 1999, p. 10, n° 6. 65 Fedorov M. N., Mokeev A. M., “Serebrânaâ čaša XI v. iz Kyrgyzstana [Un bol d’argent du XIesiècle du Kirghizstan]”, Rossijskaâ arheologiâ [L’archéologie russe], 1995, n° 1, pp. 171-173. 66 Fedorov M., “Some Unknown Qarakhanid Appanage Rulers of North Kirghizstan in the Time of Internecine Wars (1057-1068 A.D.)”, Jarmouk Numismatics , XI, Irbid, 1999, pp. 37-38.

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67 Fedorov M. N., “Uzgend v XII-načale XIII vv. : po dannym Karahanidskoj numizmatiki [Ouzgend au XIIeet au début du XIIIesiècle : d’après les données de la numismatique karakhanide]”, dans : Iz istorii i arheologii drevnego Tân’-Šanâ [Histoire de l’archéologie du Tian Shan ancien], Bichkek, 1995, pp. 208-210. 68 Fedorov M., Ilisch L., “Qarakhanid Gold Coins of the 11th century A.D.”, Jar~ mouk Numismatics, VIII, Irbid, 1996, pp. 31-32. 69 Feng Jiasheng, Cheng Suluo, Mu Guangwen, Wei Wu Er Shi Liao Jian Bian [Les sources sur l’histoire des Ouïghours], Beijing, 1958. 70 Fourniau Vincent, “Le Semiretchie et la Transoxiane : leurs liens dans l’histoire des turcisations et des sédentarisations en basse Asie ceritrale”, dans : Hommes et terres d’Islam. Mélanges offerts à Xavier de Planhol, tome II (Bibliothèque iranienne 53), IFRI, 2000, pp. 229-242. 71 Gafurov B. G., Tadžiki : drevnejšaâ, drevnââ i srednevekovaâ istoriâ [Les Tadjiks : histoire antique, ancienne et médiévale], II, Douchanbe, 1989, pp. 120-176. 72 Genç R., Kaşgarlı Mahmud’a Göre XI Yüzyılda Türk Dünyası[Le monde turc du XI e siècle d’après Mahmoud Kachgari], Ankara 1997. 73 Golden P. B., An Introduction to the History of the Turkic Peoples, Wiesbaden 1992.

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210 Wei Liangtao, Une histoire préliminaire de la dynastie karakhanide (en chinois), Nanjing, 1983. 211 Wei Liangtao, Xi Liao Shi Gan [L’histoire des Karakhitay], Ren Min Chubanshe, Beijing, 1991. 212 Wei Liangtao, Xi Liao shi yanjiu [Histoire à propos des Liao occidentaux], Ningxia, 1987.

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INDEX

Mots-clés : bibliographie, Karakhanides Keywords : bibliography, Qarakhanids

AUTEUR

ULUGBEK MANSUROV

IFÉAC

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Hors dossier

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Pour une histoire des mouvements chrétiens en Asie centrale : le cas de l’Église luthérienne

Sébastien Peyrouse

1 La fin du XXe siècle apparaît souvent comme une rupture radicale dans l’histoire européenne à travers l’éclatement de l’Union soviétique et ses conséquences, tant extérieures (bouleversement, entre autres, d’une vision géostratégique mondiale qui avait servi de cadre de référence tout au long de ce siècle), qu’intérieures (nouvelles structures étatiques et politiques, remaniements plus ou moins profonds des systèmes économiques et sociaux). La religion suscite un intérêt nouveau, du moins cet intérêt semble-t-il nouveau : tous les médias post-soviétiques, presse, radios et télévisions, se relaient ou se sont relayés ces dernières années, soit pour vanter la liberté et le respect des principes démocratiques des jeunes républiques à travers l’exemple du développement de nombreux mouvements religieux, soit pour mettre en garde contre un développement excessif de mouvements missionnaires jugés “étrangers” et censés constituer une menace pour l’intégrité de ces États1.

2 Chaque république d’Asie centrale dispose en effet d’une nouvelle constitution dans laquelle est garantie une pleine liberté de conscience et de pratique religieuses. Comme la plupart des républiques de l’ex-URSS, le Kazakhstan, le Kirghizistan, mais également, pendant leurs premières années d’indépendance, l’Ouzbékistan, le Tadjikistan et le Turkménistan ont vu fleurir sur leurs territoires de nombreux édifices religieux, musulmans et chrétiens. S’ouvre alors dans la région un véritable marché du religieux, où chaque Église ou confession tente de gagner à sa cause les Russes, principale population européenne en Asie centrale, les ressortissants des autres minorités européennes présentes sur le territoire centrasiatique, mais également les populations autochtones (Kazakhs, Kirghizes, Ouzbeks, Tadjiks, Turkmènes), sans oublier enfin certaines minorités, telles que les Ouighours, qui sont musulmans mais que les chrétiens n’écartent pas de ce qu’ils considèrent comme les bienfaits du message évangélique universel.

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3 Nombre de ces mouvements chrétiens tels que l’Église luthérienne ont déjà un long passé en terre centrasiatique2. Néanmoins, les remous de l’histoire ont parfois engendré de profondes nuances dans leur développement, selon la politique religieuse qu’ils avaient choisie et surtout pu mettre en pratique. Dans un contexte d’ancien territoire colonial, à majorité musulmane mais connaissant le flux et reflux de certaines minorités nationales extérieures, l’Église Evangélique luthérienne tente ainsi de conserver en Asie centrale une assise qu’elle avait pu tant bien que mal maintenir au cours du XXe siècle face aux aléas des politiques religieuses gouvernementales et à une certaine rivalité avec les autres courants chrétiens. Actuellement elle tente d’insuffler à son mouvement un nouvel élan et cherche à diversifier la composition nationale de ses fidèles, récemment encore composée d’Allemands mais aujourd’hui dominée par les Russes. 4 Ce soi-disant renouveau religieux pose cependant nombre de questions aux mouvements, à leurs fidèles ainsi qu’à ceux qui les observent. Ces interrogations portent tout d’abord sur une certaine conscience historique et sur l’attitude à adopter face à un passé dont l’interprétation est soumise aux vicissitudes politiques. En d’autres termes, doit-on conserver, après les indépendances, une ligne identique en matière d’éthique et de pratique religieuses ? Doit-on au contraire ouvrir de nouveaux espaces qui engendreraient de substantiels bouleversements dans une Église dont le caractère national, dû à sa majorité allemande, fut longtemps indissociable de sa façon d’appréhender la religion ? Faut-il en outre considérer la fin de l’URSS et la dislocation de son empire comme une rupture soudaine et définitive, en particulier en matière religieuse, et plus précisément dans le cadre de l’Église luthérienne ? C’est au travers de l’histoire de cette Église en Asie centrale, sous le régime tsariste puis durant la période soviétique, que nous tenterons de répondre à ces interrogations et de mieux saisir ses problèmes contemporains : quelle place une Église en recomposition peut-elle s’octroyer dans les sociétés centrasiatiques actuelles, sur quels espaces sociaux et religieux intervenir, et comment faire face à une transformation démographique, politique et sociale qui génère de nouvelles peurs, tant au sein du clergé que chez les pratiquants ?

I. L’Église luthérienne et la colonisation tsariste de l’Asie centrale

5 Jusqu’à la colonisation russe, la présence européenne en Asie centrale se résuma au passage de quelques voyageurs ou encore au travail d’un certain nombre d’esclaves russes, capturés par les Nogays ou les Bachkires au nord des steppes et vendus aux khanats de Khiva et de Boukhara3. Si ceux-ci pratiquaient leur culte en cachette ou étaient autorisés à le célébrer certains jours, aucune trace tangible de christianisme n’a subsisté de cette époque. Les préoccupations des tsars pour les lointaines terres centrasiatiques n’étaient pourtant pas récentes. La Russie avait très tôt manifesté ses ambitions envers ces territoires dans un but économique, commercial mais également stratégique : la conquête des steppes devait permettre l’ouverture de la route de l’Inde et donner à terme un accès aux mers chaudes. L’expansion russe vers l’est et le sud-est commence ainsi dès le XVIe siècle avec la conquête de Kazan en 1552 puis d’Astrakhan quatre ans plus tard; le monde bachkire est dominé sous le règne de Pierre Ier (1682-1725). La Russie s’enfonce alors un peu plus dans les steppes et établit au nord du

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domaine kazakh des lignes de fortifications qui serviront de base à sa progression future. Sous le règne de Nicolas Ier (1825-1855), les Russes renforcent leur contrôle sur ces territoires alors que des colons s’installent spontanément sur ces terres. Il faudra cependant attendre la seconde moitié du XIXe siècle pour que l’Empire russe poursuive son expansion jusqu’au sud du Turkestan, s’accaparant ainsi de nouvelles ressources économiques et limitant l’influence de la Grande-Bretagne dans cette partie du monde4.

6 Les intérêts que nourrissaient les autorités tsaristes pour ces territoires impliquaient la présence de colons, tant pour contrôler politiquement les populations allogènes que pour atteindre les objectifs économiques de mise en valeur des terres qu’elles s’étaient assignées. L’Église orthodoxe accompagna la progression des armées tsaristes et des colons russes en Asie centrale : tout d’abord pour soutenir moralement et spirituellement les colons et entretenir une foi qu’un éloignement de la Russie pouvait amoindrir; ensuite pour diffuser son message évangélique aux populations autochtones animistes et musulmanes. La présence de soldats russes restait cependant insuffisante. Outre un certain nombre d’Ukrainiens et de Lettons, joints aux armées tsaristes, la superficie des terres colonisées et le manque de volontaires parmi la population russe amenèrent le gouvernement à encourager le départ pour les espaces turkestanais de certaines minorités nationales et/ou religieuses présentes sur le territoire russe. 7 Parmi elles, des Lituaniens, des Estoniens, des Polonais mais surtout une considérable minorité allemande, arrivée en Russie sous Catherine II (1762-1796). Installés dans la région de la Volga, les Allemands avaient obtenu certains avantages, tels que la liberté de culte, mais ces derniers furent abrogés en 1870. Des famines ainsi que le manque de terres allaient inciter les populations allemandes à se mettre en quête de nouveaux territoires en vue de conditions de vie meilleures et de libertés de culte plus grandes. La conquête du Turkestan devait leur offrir cette opportunité et les capacités de mise en valeur de terres nouvelles dont ils avaient fait preuve au cours du siècle précédant allait faire d’eux, aux yeux des autorités tsaristes, l’un des moteurs de cette colonisation. 8 De nombreux groupes religieux minoritaires s’installèrent alors au Turkestan : outre des groupes de vieux croyants et de mouvements d’origine russe (molokans, hlisty), on comptait quelques communautés catholiques mais surtout une importante minorité d’obédience protestante : les luthériens et les mennonites5, lesquels étaient très majoritairement composés d’Allemands, mais également des baptistes, des adventistes du septième jour, ainsi que quelques témoins de Jéhovah6 qui regroupaient des Allemands et des Baltes. Outre la volonté de retrouver une liberté religieuse perdue dans la Volga, les colons allemands développaient un fort sentiment communautaire en des terres non seulement éloignées de leur Russie mais également d’une terre germanique ancestrale mythifiée par le prisme du passé. Cet « homme nu, complètement démuni, sans prise sur une nature écrasante7 » qu’était le colon se retrouvait d’autant plus désemparé qu’il ne pouvait avoir prise sur un changement brutal d’environnement géographique, climatique, et sur son isolement parmi des populations chamanistes et/ou musulmanes. 9 Le luthéranisme permettait ainsi de puiser dans un ailleurs temporel et apparaissait comme un vecteur essentiel de mémoire. Il plongeait en effet ses racines dans un passé plus ou moins idéalisé et agrémentait la vision d’un futur plus radieux, tout en rejetant ou relativisant les difficultés du quotidien. L’Église apparaissait comme une continuité tant historique que sociale, liant les croyants avec leur passé, leurs ancêtres et leur

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culture, incluant chaque pratiquant dans une “lignée”. Elle soudait les croyants en une communauté religieuse mais surtout culturelle et nationale. Cette liaison communautaire s’exprimait par une solidarité mais également par une régularité rituelle dont la répétition des gestes et des paroles permettait d’inscrire dans le temps une nécessaire continuité. 10 À l’instar des autres mouvements chrétiens, les luthériens devaient bâtir, au fil de leur installation dans les steppes, de modestes maisons de culte, placées tout d’abord en liaison directe avec les paroisses d’origine en Russie8. Composée d’une part importante de soldats et de fonctionnaires de haut rang, puis, à partir du règne de Alexandre III (1881-1894), d’artisans mais surtout de paysans, l’Église luthérienne allait rapidement tisser un réseau dense de communautés. Cependant, malgré les liens établis entre les groupes des grandes villes du Turkestan et un certain nombre de villes de Russie, en particulier de Sibérie, bon nombre de communautés restaient extrêmement isolées. Si l’Église luthérienne de Russie avait un statut officialisé et était sous la juridiction du Ministère de l’intérieur et du Consistoire général, la présence de la communauté luthérienne en Asie centrale n’avait pas pour autant impliqué une reconnaissance juridique immédiate. 11 Cette reconnaissance s’opéra en plusieurs étapes. En 1877 fut créé un Conseil des communautés luthériennes d’Asie centrale et un lieu fut attribué à la communauté en vue de la construction d’une première église. Ce conseil n’octroyait cependant aucune reconnaissance officielle des autorités politiques et ne permettait donc pas aux luthériens d’Asie centrale d’entretenir des liens avec leurs coreligionnaires de Russie. Ce n’est qu’en 1884 que le superintendant général de Moscou, Â. Ûrgensen, fit une visite officielle de la paroisse de Tachkent, permettant ainsi sa reconnaissance officielle en 1885. Elle incluait toutes les communautés luthériennes du Turkestan et leur permettait de bénéficier d’un statut officiel. La construction d’une église put alors commencer mais celle-ci ne fut consacrée qu’en octobre 1899. Les communautés des grandes villes, en particulier celle de Tachkent, connurent alors une croissance significative : en 1905, elle recensait plus de 4 000 paroissiens, dont près de 3 800 Allemands9. 12 Les paroisses et les communautés étant géographiquement très éloignées les unes des autres, la reconnaissance administrative ne suffisait pas à répondre aux perspectives de développement que nourrissaient les luthériens, et ce d’autant plus que la division entre le gouvernement des steppes et celui du Turkestan devait empêcher certaines communautés proches de celle de Tachkent, en particulier celle de Vernyj10, d’entreprendre de véritables actions communes11. La dernière décennie du siècle vit cependant la fondation d’un certain nombre de nouvelles communautés telles qu’à Orlov (actuelle Taraz au Kazakhstan), Konstantinovka, Samarkand, Margilan (dans l’actuel Ouzbékistan), Khodjent (au Tadjikistan) ainsi qu’Achkhabad et Merv (en territoire turkmène). 13 La plupart des communautés luthériennes souffraient en outre de difficultés financières, le consistoire ne proposant aucune aide aux communautés isolées. Une caisse d’entraide avait cependant été fondée en 1859 et permettait de diffuser une aide financière entre les communautés. L’immense territoire paroissial qu’avait en charge le seul pasteur luthérien du Turkestan lui imposait cependant un grand nombre de voyages dans l’année afin d’aller célébrer le culte et de conserver un certain regard sur les communautés en cours de formation. Des difficultés d’organisation survinrent donc

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rapidement et l’Église luthérienne aspira alors à une division de la paroisse afin de faire venir dans la région plusieurs pasteurs. Les nombreux débats sur le sujet restèrent cependant sans résultats, écourtés par la guerre, la Révolution bolchevique et le régime soviétique, qui mirent bientôt un terme aux espoirs de développement religieux. On résolut cependant en partie cette question en nommant des personnes chargées de la prédication en l’absence du pasteur. 14 La communauté luthérienne se développa donc modestement, au côté des autres Églises et confessions, en orientant cependant son action exclusivement vers les minorités européennes. Dans le gouvernement du Turkestan, le prosélytisme était en effet interdit et nulle action ne pouvait être entreprise envers les autochtones12. Les luthériens n’envisageaient d’ailleurs guère de mener une action missionnaire de grande envergure, contrairement à certains autres mouvements protestants qui avaient toujours revendiqué leur vocation missionnaire, tels que les baptistes ou les adventistes du septième jour. L’Église luthérienne insistait sur son atmosphère communautaire non seulement religieuse, mais nationale, revêtant ainsi le caractère d’Église nationale allemande qu’elle allait conserver tout au long du XXe siècle.

II. L’Église luthérienne sous le régime soviétique

15 La prise du pouvoir par les Bolcheviks met rapidement un terme aux ambitions de développement de la plupart des communautés religieuses, tant chrétiennes que musulmanes. Diverses lois et arrêts imposent un athéisme militant et dépossèdent en partie les courants religieux des différentes fonctions sociales qu’ils s’étaient attribués.

16 Les autorités soviétiques misaient tout d’abord sur un phénomène de sécularisation commun à bon nombre de pays européens, que l’ère industrielle, l’urbanisation, les découvertes scientifiques et une rationalisation, conjuguées à une vague de sédentarisation forcée en Asie centrale, avaient considérablement accentuée. Les Bolcheviks se proposaient cependant d’accélérer artificiellement ce processus et d’extirper, au nom du marxisme-léninisme, les racines d’une société pensée comme archaïque, en subjuguant par une contre-utopie une mémoire empreinte des concepts de l’Ancien régime tsariste. Le gouvernement s’attribuait désormais de manière exclusive le terme et les critères du progrès, la religion et ses églises devenant l’antinomie de celui-ci. 17 Le zèle que montrèrent les autorités connut cependant rapidement de nombreuses limites. La fin de l’utopie religieuse devait résulter de la fin de l’exploitation tant sociale que psychologique des individus; elle était ainsi davantage une attente qu’une perspective sociologique scientifiquement calculée. Les années 20 furent marquées par une certaine hésitation dans le comportement à adopter envers les mouvements protestants et chrétiens de manière générale, excepté pour l’Église orthodoxe. Cette dernière subit en effet dès le début des années 20 les foudres athéistes. Incarnation d’un Ancien régime avec qui elle s’était compromise jusque dans les dernières années, l’Église orthodoxe allait connaître de terribles restrictions, dès le décret de séparation de l’Église et de l’État du 23 janvier 1918. Elle ne pouvait désormais plus posséder de biens, ni même recevoir des aides. Il lui était par ailleurs interdit d’enseigner dans les écoles, et le clergé, qu’il soit de la haute ou de la basse hiérarchie, fut largement éliminé par l’envoi dans les camps. Cette politique antireligieuse fut relayée et mise en application par l’intermédiaire de la Ligue des sans dieux, fondée en 192513.

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18 Les mouvements protestants connurent en revanche au cours de la première décennie du pouvoir soviétique une certaine liberté. Ils étaient en effet autorisés à pratiquer leur culte malgré une considérable pression administrative et la perte d’un certain nombre de privilèges acquis sous le régime tsariste, en particulier depuis la loi de tolérance religieuse de 190514. Bien que concernés par la loi de séparation de l’Église et de l’État de 1918, ils y étaient moins soumis, ceux-ci ayant peu d’influence et beaucoup moins de biens que l’Église orthodoxe. Enfin, la prise de contrôle et la pacification plus longues de l’Asie centrale tout au long des années vingt contribuèrent à retarder quelque peu l’application de la politique antireligieuse soviétique au Turkestan. 19 Si les autorités eurent conscience de la lenteur du processus qui devait mener à la “fin de la religion”, elles furent bientôt prises dans les contradictions imposées par la corrélation entre utopie athéiste et réalité de l’existence du religieux. Le pouvoir oscillera entre les deux pendant les 70 ans de régime communiste, la religion continuant à constituer l’une des principales brèches dans l’infaillibilité du régime et du système. Une politique stricte en la matière n’en devenait que plus urgente, mais difficilement applicable dans certaines régions telles que l’Asie centrale. L’inexorable sécularisation que les Soviétiques voulaient voir dans leur société était pourtant à relativiser, en particulier face à un islam centrasiatique se retranchant du champ strictement religieux pour occuper l’espace dit “des traditions et du folklore” nationaux : la religion restait ainsi présente dans bon nombre d’activités sociales, surtout pour les ressortissants isolés d’origine européenne, minoritaires en Asie centrale. De ce point de vue, le régime soviétique n’avait changé que peu de choses : le christianisme n’était pas uniquement, pour les pratiquants, un espace de représentations symboliques mais revêtait, comme au siècle précédant, une valeur sociale, voire nationale, en particulier pour les luthériens qui y voyaient le lieu de préservation de la mémoire et des traditions face à l’idéal de l’homo sovieticus. 20 Le régime lança ainsi plusieurs vagues de répressions qui alternèrent avec des périodes de tolérance et de relâchement. Toutes ces phases ont été communes à l’ensemble de l’URSS mais chaque région connut son lot de spécificités. Au milieu des années 20, le pouvoir s’étant assuré le contrôle de toute la région centrasiatique, il put entreprendre une politique antireligieuse plus concrète, tissée en grande partie de persécutions générales tant des mouvements chrétiens que de l’islam. Un déclin assez rapide allait affecter l’Église luthérienne, et ce malgré une allégeance au nouveau pouvoir formulée lors du Synode général de juin 192415. Cette allégeance suscita d’ailleurs de sérieux troubles parmi les croyants, entraînant des scissions dans bon nombre de communautés. L’Église tiendra un synode général en 1928 où elle tentera de résorber les conflits. D’autre part, les rangs du luthéranisme centrasiatique étant composés d’une partie de soldats et fonctionnaires de haut rang de l’ancien État, bon nombre d’entre eux fuirent à l’étranger lors de la guerre civile, vidant ainsi une partie des bancs de leur Église. En 1929, de nouvelles lois sur les associations religieuses restreignirent très considérablement la liberté des cultes. Les pasteurs n’eurent désormais plus le droit d’aller d’une communauté à l’autre, accentuant ainsi l’isolement de ces dernières et suscitant leur disparition rapide. L’action du pasteur nommé à Tachkent, Ûrgensen, fut dans un premier temps limitée aux environs de la capitale, puis à la ville ellemême. Les pasteurs n’étaient pas toujours remplacés après leur mort. Après le décès de Ûrgensen en 193216, l’évêché cependant devait connaître un court sursis : un nouveau pasteur, Henrikh Berendts, fut finalement nommé. Il servira dans la capitale ouzbèke

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pendant cinq ans puis sera envoyé en camp en 1937. L’église sera confisquée la même année, entraînant ainsi pour de nombreuses années la fin d’une Église luthérienne officielle en Asie centrale17. 21 Les paradoxes théoriques dans lesquels était entré le pouvoir dans sa lutte contre la religion enfermaient en outre celui-ci dans des contradictions d’un ordre plus pratique et quotidien. La religion, conservant encore une solide assise sociale, s’avérait un partenaire indispensable pour tenter d’imposer de nouvelles conduites et régler un certain nombre de problèmes sociaux tels que la lutte contre l’alcoolisme, la rigueur au travail, le développement du sens civique, etc., et ce malgré les divergences radicales entre les deux idéologies. Néanmoins, demander ou accepter l’aide des institutions religieuses revenait à avouer une défaite, démarche que les autorités ne voulaient pas entreprendre. L’élimination de très nombreux prêtres, pasteurs et hauts hiérarques des différentes Églises n’avait pas empêché la formation d’une nouvelle génération de croyants. Ainsi, nombre de personnes qui s’étaient découvert une vocation religieuse n’avaient pu être formées et recevoir les sacrements nécessaires; elles restaient confinées à un espace séculier qu’elles s’employaient à influencer de leurs idées. Des groupes religieux se constituaient régulièrement dans tous les espaces sociaux possibles que les autorités ne parvenaient pas toujours à contrôler. Cela permettait non seulement de faire perdurer des croyances et un culte interdits ou réprimés, mais également de former les nouvelles générations dont la mémoire, selon le programme athéiste, aurait dû être exempte de tout imaginaire religieux. 22 En 1941, au lendemain de la rupture du pacte germano-soviétique, Staline avait dissout la région autonome de la Volga et déporté dans toute l’Asie centrale, et particulièrement dans le nord du Kazakhstan, plusieurs centaines de milliers d’Allemands18. L’Église luthérienne, qui était toujours composée d’une majorité d’Allemands, restait donc particulièrement suspecte aux yeux des autorités et apparaissait souvent comme un regroupement de traîtres à la patrie soviétique19. Elle ne participa donc pas au renouveau religieux de la Seconde Guerre mondiale, renouveau qui eut pour cadre une politique très intéressée promulguée par Staline afin de résister à l’Allemagne nazie : le Secrétaire général du PCUS fit en effet des concessions aux mouvements religieux pour obtenir leur coopération. Cette “réconciliation” fut cependant nuancée selon les régions et les courants chrétiens. Si, à l’instar de la Russie, la répression antireligieuse connut un certain relâchement en Asie centrale, celui-ci fut moindre à l’égard du christianisme20 que de l’islam. Hormis son potentiel industriel et le recrutement possible de soldats dans cette région, l’Asie centrale apparaissait pour Moscou beaucoup moins menacée par l’invasion allemande que ne pouvaient l’être bon nombre de régions européennes de l’URSS. La nécessité d’une tolérance religieuse y paraissait donc plus relative. D’autre part, ce relâchement concernait davantage les mouvements ou religions qui incarnaient un passé national que Staline voulait mettre en exergue pour mobiliser ses troupes21 : l’Église orthodoxe pour la Russie et l’islam pour le Tatarstan et l’Asie centrale22. 23 Afin de pallier ces nombreuses contradictions, les autorités adoptèrent après la Seconde Guerre mondiale un compromis, relatif, mais qui donnait aux mouvements chrétiens, à l’exception des luthériens toujours marqués par leur germanisme, une nouvelle reconnaissance officielle et l’autorisation de pratiquer un culte que l’Entre- deux-guerres avait en grande partie abrogée. Cela permettait aux autorités d’attirer les religieux et leurs fidèles dans des espaces mieux contrôlés et surtout de canaliser

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l’évolution de la composition sociologique des croyants, qui pour le moins, n’allait pas dans le sens espéré par le pouvoir : ouvrir des églises officielles aux cultes reconnus permettait en effet davantage d’empêcher les mineurs d’y accéder et de ficher les croyants de manière à exercer sur eux des pressions plus efficaces. 24 La déportation des Allemands vers les républiques d’Asie centrale leur avait permis d’établir quelques maisons de culte quand ils en obtenaient l’autorisation, mais ils se regroupaient la plupart du temps dans des maisons particulières, à l’abri des regards. D’autres allaient célébrer leur culte dans les lieux officiels des autres mouvements protestants tels que les baptistes. La situation de l’Église luthérienne n’évolua guère jusqu’à la mort de Staline, la politique à l’égard des Allemands restant empreinte des soupçons de trahison qui avaient précédé la déportation de 1941. La déstalinisation offrit un certain espace de liberté à la religion et fut particulièrement importante pour l’Église luthérienne : pour la première fois en URSS depuis près de vingt ans, elle réussissait à faire reconnaître officiellement une église à Tselinograd23 au Kazakhstan en 1954 et obtint son enregistrement trois ans plus tard. D’autres communautés furent également enregistrées, en particulier en Sibérie et en Asie centrale, entre autres à Alma-Ata, Karaganda (Kazakhstan), Frunze et Tokmak (Kirghizistan24). L’équilibre entre vies religieuses officielle et clandestine restait cependant fragile : certaines communautés refusaient de se faire enregistrer et restaient à l’écart de tout statut officiel afin de ne pas subir le contrôle d’un État qui n’accordait toujours pas de réhabilitation politique et nationale à la minorité allemande. 25 Les luthériens connurent une très sensible croissance avec l’arrivée de nombreux Allemands qui s’installèrent dans les steppes kazakhes lors de la campagne des terres vierges lancée par Khrouchtchev en 1954. La visite de Konrad Adenauer à Moscou en 1955 contribua également quelque peu à améliorer le sort des groupes religieux luthériens et mennonites constitués encore en majorité d’Allemands. À l’issue de cette visite, une amnistie partielle leur fut accordée. Cette disposition, qui sera confirmée par un nouveau décret en 1964, leur octroyait un certain nombre de droits civiques et la possibilité de s’installer en zones urbaines mais continuait à interdire leur retour vers la Volga. Elle leur permettait de procéder à des regroupements et de pratiquer leur culte de manière plus officielle. La vie religieuse souffrira cependant de nouveaux et nombreux revers, en particulier avec la nouvelle campagne antireligieuse lancée à partir de 1959 par Khrouchtchev. Entre persécutions et relative tolérance, les luthériens restèrent sous le poids d’un certain nombre d’interdits, en particulier en matière de littérature religieuse puisqu’il était strictement interdit d’imprimer des Bibles ou des périodiques chrétiens25. Les Bibles ou certains passages étaient souvent recopiés manuellement. Les communautés étaient également affaiblies par le petit nombre de pasteurs et de prédicateurs. Ces derniers n’avaient en outre reçu qu’une formation théologique superficielle, tendant ainsi à différencier les rites des communautés d’Asie centrale de ceux de Russie, et plus encore de ceux d’Europe occidentale26. 26 Face à la politique religieuse gouvernementale, les luthériens ont tenté de réagir, tant en essayant de reconquérir une plus grande liberté de culte et d’action qu’en réagissant dans un espace social complètement investi, au moins en apparence, par le régime. S’exprimer sur ce terrain et gagner en influence signifiait cependant éluder la loi de séparation de l’Église et de l’État qui excluait ou voulait exclure la première de tout espace social et politique. L’ingérence des autorités dans la vie des communautés

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religieuses témoignait néanmoins d’un tout autre état de fait : la seule création d’un comité pour les affaires religieuses montrait que, si l’Église ne devait avoir aucune influence sur l’État, ce dernier avait pour souci permanent d’influer sur l’évolution des mouvements religieux27. Face au discrédit grandissant d’un régime qui devait confronter un idéal écrit à une réalité effective différente et qui éprouvait de plus en plus de difficultés à donner satisfaction, l’Église, exclue d’une pratique politique et donc libérée d’apporter une concrétisation de ses idéaux, pouvait alors s’ériger en acteur hors de l’histoire, atemporel, et condamner l’institution étatique au nom de ses idéaux. Nulle justification ne lui était demandée par les pratiquants, et sa confrontation avec l’espace réel, choisi par lui, s’exprimait sur des segments limités de la société – lutte contre l’alcoolisme, aide sociale, etc. – qui ne remettaient pas en cause la globalité et la légitimité que celle-ci invoquait. 27 L’Église luthérienne d’Asie centrale, comme toutes les Églises minoritaires, de par son isolement et sa fragilité, exprimera plus discrètement qu’en Russie ou dans les pays Baltes des condamnations, au nom des droits de l’homme, d’un État outrepassant ses attributions. Elle n’en craignait pas pour autant pour sa légitimité car elle témoignait aux yeux de sa communauté des valeurs indissociables de préceptes moraux. Si une certaine modération s’imposait dans les actes de l’Église luthérienne à l’égard du gouvernement, cette modération était rachetée par une sorte d’indulgence que les croyants formulaient généralement à son égard. Des compromis étaient d’ailleurs d’autant plus nécessaires que le luthéranisme avait pour but de survivre au pouvoir en place, ou à plus court terme d’acquérir de nouveaux espaces d’expression, qu’ils fussent juridiques, économiques, symboliques ou sociaux. Il en résultait une savante gestion des relations avec le pouvoir, permettant aux Églises de jouer davantage un rôle de déstabilisateur que de revêtir une véritable image de contre-pouvoir qui aurait suscité les foudres immédiates des autorités. 28 L’Église luthérienne, pas plus que les autres églises d’Asie centrale, n’avait l’impact et la capacité de résister au pouvoir comme avait pu l’entreprendre le catholicisme en Pologne par exemple. Ainsi, bien que la communauté de Tselinograd fût enregistrée en 1957, le pasteur de cette ville, Eugène Bachmann, subit d’importantes pressions qui finirent par le faire démissionner afin de ne pas menacer les quelques avantages acquis grâce à l’enregistrement28. Certaines confessions de la région, en particulier la communauté mennonite Bethren, présente essentiellement au Kazakhstan, se refusait en revanche de manière quasi systématique à toute sorte d’arrangement avec les autorités. La prise en considération et l’acceptation de ce compromis trouvait ses limites en provoquant chez nombre de croyants l’entrée dans d’autres mouvements à leurs yeux moins compromis, en particulier les mouvements dissidents baptistes, adventistes ou pentecôtistes. La religion a cependant conservé une aura qui la plaçait au-dessus de la mêlée. 29 D’autre part, il dépendait également de chaque mouvement ou Église de saisir ou non l’opportunité de constituer un espace en dehors du pouvoir officiel et de tenter d’obtenir de nouveaux droits. L’Église luthérienne d’Asie centrale la saisira d’autant plus qu’elle était minoritaire par rapport à la religion dominante – l’islam – mais encore minoritaire dans la minorité, le courant chrétien le plus représenté restant en Asie centrale l’orthodoxie. 30 La forte représentation allemande dans ses rangs lui donnait un rôle d’autant plus politique que cette minorité exigeait un certain nombre de droits, en particulier celui à

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l’émigration. Ces revendications poussaient ainsi le plus loin possible l’espace que voulaient s’octroyer les Églises, à savoir un espace politique, expression suprême de la contestation d’une institution face aux autorités, qui glissa régulièrement de revendications morales à certaines exigences politiques. C’est d’ailleurs, au moins dans un premier temps, par le refus du politique – vecteur pourtant essentiel mais très étroitement surveillé, de l’homo sovieticus – qu’un croyant va passer au politique dans le cadre de son église. L’écrasement ou presque de tout espace d’expression hormis celui des églises amèneront donc les confessions religieuses à inclure dans leurs rangs un certain nombre de pratiquants non croyants, lesquels utilisaient l’église comme unique espace possible d’opposition29. C’est en ce sens que le politique produisait du religieux. Ceci impliquait pour l’Église désormais une double fonction lorsqu’elle acceptait d’assumer le rôle politique que l’on voulait lui prêter : elle ne devait compromettre avec le gouvernement non seulement les principes religieux bibliques, mais également des principes tout autant revendiqués par les laïcs que les religieux tels que les droits de l’homme et la morale. Cette réarticulation du tissu politique s’est cependant exprimée dans une moindre mesure en Asie centrale, la dissidence politique n’ayant pas atteint le niveau qu’elle a pu connaître en Russie, dans les pays Baltes ou dans certains pays d’Europe de l’Est et qui ont donné à l’Église un rôle actif dans la dénonciation intérieure du régime. 31 Ainsi, pour tenter de gérer ce compromis tout en exprimant une ascendance sur le pouvoir temporel, l’Église mobilisa ses croyants et fit d’eux l’une des principales forces sociales d’opposition au monolithisme du pouvoir. Contrairement à ce que les autorités politiques avaient envisagé, la religion n’était donc pas reléguée dans un espace uniquement symbolique, mais l’opposition politique grandissante intellectualisait et individualisait le croyant face à sa religion et à sa foi. La maison de culte n’était plus uniquement un lieu de prières mais un lieu communautaire où l’on échangeait et réfléchissait sur la manière de penser et de vivre sa foi, mais également sur la société. C’était un lieu où chacun se définissait, tant par rapport à autrui (différent de soi par sa position sociale et ses croyances religieuses) que par rapport à la société et à sa politique. La politique athéiste et la sécularisation forcée n’ont donc pas conduit à un rejet de l’expérience religieuse : on assiste au contraire à la fin de l’ère soviétique à un développement d’un besoin de vécu spirituel et d’expérience religieuse, où la religion est présentée comme la seule sauvegarde et alternative possible. L’Église restait ainsi l’une des rares structures légales disposant d’endroits, bien que extrêmement contrôlés, pour diffuser des idées et qui pouvaient servir de point de départ à un certain nombre d’initiatives. 32 L’aspect communautaire que constitue la maison de culte à l’époque soviétique est d’autant plus marqué pour l’Église luthérienne que celle-ci revêt un caractère strictement allemand, que l’on peut mettre en parallèle avec celui de l’Église mennonite. La vie paroissiale est empreinte tant d’éthique religieuse que de valeurs culturelles communes à la communauté allemande. Il en résulte ainsi un double vecteur d’isolement, d’une part à travers la mise à l’écart que constitue en soi le groupe religieux et d’autre part par son aspect majoritairement allemand : la foi offre ainsi un sentiment de réconfort dans une société souvent condamnée, mais également un îlot de culture lié à une terre mythique vers laquelle nombre de pratiquants aspirent à émigrer. La langue allemande devient alors un enjeu communautaire essentiel, et c’est

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à ce titre qu’elle est scrupuleusement entretenue dans le cadre de la communauté, tant en famille que lors de la célébration du culte. 33 L’entrée progressive d’autres minorités européennes ne parlant pas allemand ne devait pas convaincre, ou bien difficilement, les religieux de célébrer le culte en russe. La mise en cause du caractère strictement allemand au fil du régime soviétique et en particulier avec la nouvelle liberté religieuse instaurée sous Gorbatchev conduisirent nombre de communautés luthériennes, et par là même l’institution entière de cette Église en Asie centrale, à une inévitable transition : l’isolement dans lequel avaient été jusque là confinées les églises est de plus en plus mis en question par les nouvelles données qu’a drainé dans son sillage l’éclatement de l’Union soviétique.

III. Depuis les indépendances : une Église luthérienne sans Allemands ?

34 L’indépendance des cinq républiques d’Asie centrale en 1991 et les nouvelles législations en matière religieuse qui en ont résulté permettent non seulement de dresser un nouvel inventaire des Églises et confessions chrétiennes présentes dans la région, mais suppose également pour chaque mouvement de se redéfinir face au nouveau contexte sociopolitique et économique. La transition politique que connaissent toutes les républiques de l’ancienne URSS pose en effet des questions de restructuration des sociétés. Cette restructuration n’est pas tant le fruit de l’éclatement de l’URSS que l’apparition au grand jour de pans entiers jusque là cachés, en particulier dans le domaine religieux : la persistance des Églises, de leurs communautés et de leurs structures, officielles ou clandestines, mais également de la croyance et de la pratique religieuses est désormais l’élément à prendre en compte, que le pouvoir avait tenté d’éluder jusque là30. Doit-on alors parler de renouveau de la religion en Asie centrale, ce qui supposerait sa disparition à l’époque soviétique ? Le processus de sécularisation dans la société soviétique est-il aujourd’hui un phénomène de “sortie de la religion” ? La fin du régime soviétique constitue-t-il pour les courants religieux un véritable changement en matière d’adaptation aux nouveaux contextes et peut-on considérer que ce changement est uniforme pour l’ensemble des mouvements chrétiens ? Si l’islam s’est en effet toujours maintenu, le christianisme connaît cependant un réel développement, ne serait-ce qu’au travers des nouvelles missions31. Les mouvements religieux constitués comme noyaux de culture nationale tels les luthériens peuvent-ils préserver une tradition liée tant à une culture allemande qu’à des pratiques religieuses spécifiques, et ce alors qu’une forte majorité de ses ressortissants quitte le territoire et “rentre” en Allemagne ? Le renouveau de certains mouvements (témoins de Jéhovah, pentecôtistes), le succès des missionnaires, la construction de maisons de culte et les nombreuses conversions de ces dernières années s’expliquent-ils uniquement et simplement par le besoin d’un ailleurs, au moment où la société en transition ne parvient pas à tenir nombre de promesses d’amélioration des conditions matérielles et morales ?

35 La reconnaissance officielle par des milliers de personnes de leur(s) croyance(s), la volonté d’appartenir ou de vouloir entrer dans un courant religieux n’est pas un phénomène spécifique à la post-indépendance mais avait très largement débuté alors que le régime soviétique était encore en place, en particulier sous Gorbatchev. Celui-ci avait, à partir de 1987, abandonné la politique athéiste et compris la nécessité, pour

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entreprendre des réformes radicales, de s’associer le monde religieux. L’Église luthérienne connut ainsi de considérables changements à partir de 1988 : elle obtint une reconnaissance officielle sur tout le territoire soviétique, ce qui lui permit de retrouver les statuts qu’elle avait perdus depuis 1924. Elle repose sur un système épiscopo-synodal : les présidents des communautés constituent les synodes des éparchies, lesquels élisent le présidium et la direction spirituelle des éparchies, en particulier le superintendant. À la faveur de ces nouvelles libertés, l’Église tente d’apporter un certain nombre de modifications et souhaite laisser plus d’autonomie aux paroisses des régions et des républiques32. 36 La chute du régime soviétique est plus que l’effondrement d’un système économique, il est la fin d’un idéal sur lequel on avait tenté de bâtir une société. Le vide laissé implique la recherche de nouveaux cadres de pensée, qui plus est lorsque le cadre précédent se voulait unique et ne laissait aucune ou peu de place à d’autres alternatives. La société communiste soviétique s’était depuis longtemps vidée d’une large partie de son contenu par la distanciation qui s’était opérée entre théorie et réalité. Ce processus de perte de sens ne prend donc pas forme soudainement en 1991 mais s’avère davantage le fruit d’un processus de longue durée. Les principes a-historiques dont est porteuse la religion se sont avérés l’un des phénomènes compensatoires les plus accessibles à nombre de personnes, jeunes ou d’âge moyen, en quête d’un idéal ou de nouveaux repères, ou encore de personnes plus âgées qui avaient aspiré à une reconnaissance publique de leur croyance religieuse et d’une pratique rituelle longtemps risquée ou prohibée. Le système politique post-soviétique, en dehors du discours sur la grandeur nationale de chaque République, ne se révèle en effet pas suffisamment convaincant pour éclairer les enjeux moraux, qu’ils fussent individuels ou collectifs, au-delà de l’incapacité à répondre à toutes les questions que suscitent les avancées scientifiques. Or, à la différence des sociétés occidentales où un extrême morcellement sociologique peut freiner la constitution de nouvelles collectivités religieuses33, ce morcellement reste relatif en Asie centrale : le clivage national est en effet souvent mis en exergue par certaines pratiques administratives d’exclusion. Les groupes nationaux sont de plus suffisamment compacts pour être le référent non pas d’un nouvel idéal politique stricto sensu mais d’un idéal religieux communautaire, lui-même parfois teinté de quelque idéal politique34. 37 La fin du système soviétique et de ses structures a contribué à faire d’une part considérable de certaines catégories sociales de la population des laissés-pour-compte et à les déstabiliser tant matériellement que moralement, rendant les réseaux de solidarité sociale en partie caducs. Il s’agit donc désormais de reconstruire ces réseaux de solidarité, marqués par le cadre minoritaire des nationalités européennes et l’importance des clivages ethnico-religieux. En Asie centrale les réseaux de solidarité entre les autochtones se sont ainsi développés, en particulier dans les républiques les plus islamisées telles que l’Ouzbékistan, à travers les quartiers traditionnels, les mahallas. Restent des aides gouvernementales qui, lorsque elles-mêmes ne soulignent pas une préférence nationale, sont généralement faibles et insuffisantes face aux besoins. Les réseaux de solidarité religieuse non musulmane, qu’ils soient chrétiens ou non, apparaissent alors comme l’un des moyens les plus propices pour obtenir une aide matérielle et morale : l’église reste la communauté à laquelle on a le sentiment d’appartenir, tant par une lignée verticale (communauté d’esprit avec le passé et ses ancêtres) que par une lignée horizontale (communauté culturelle et de croyance religieuse avec les membres présents de cette communauté). Elle agrémente un

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quotidien face aux complexités du temps présent, dans un monde où les structures anciennes se disloquent. C’est ainsi que l’on pourra interpréter l’exacerbation du sentiment national chez les minorités européennes, en particulier allemandes, au fur et à mesure que l’émigration de celle-ci augmentera : moins on est nombreux, plus grand est le besoin de renouer un sentiment communautaire avec les quelques ressortissants restant. S’il y a une contradiction apparente entre individualisme d’une part, appréhendé comme une indépendance de la personne longtemps espérée après 70 ans de régime collectiviste, et d’autre part un besoin de communautarisme et un engouement relationnel35, le second résulte du premier; si tous deux devaient logiquement agir sur des champs séparés, les sociétés en mutation que sont celles d’Asie centrale et de manière plus générale, celles de l’ancienne Union soviétique, continuent de croiser ces deux aspects, phénomène largement amorcé cependant sous le régime soviétique36. 38 Il s’agit donc moins d’une production religieuse de la société post-indépendante que d’une métamorphose des aspirations à la religion suscitée par une évolution sociale et législative, qui, pour la première fois depuis la Révolution bolchevique, laisse une place de choix au phénomène religieux37. Ainsi il n’a pas été constaté de croissance spectaculaire des conversions en 1991, mais seulement une sensible augmentation des mouvements missionnaires étrangers, que la législation autorise officiellement – très provisoirement pour certaines républiques. La principale caractéristique de l’Église contemporaine, en Asie centrale comme en Russie, est son ouverture (qui avait cependant commencé dès les années 70) aux Russes, désormais majoritaires. On recense aujourd’hui une soixantaine de communautés luthériennes au Kazakhstan, 21 au Kirghizistan, 4 en Ouzbékistan, et 1 au Tadjikistan et au Turkménistan38. 39 Tous les changements structurels de l’Église luthérienne prennent donc place dans ce contexte et se poursuivent à la charnière de deux époques, communiste et post- communiste. L’Église dut diviser l’immense territoire soviétique et constituer différentes éparchies39 : l’Asie centrale dispose d’une éparchie pour la république du Kazakhstan, celle du Kirghizistan et celle d’Ouzbékistan. Des synodes se réunissent dans les différentes républiques où sont également nommés des superintendants. Les statuts actuels de l’Église luthérienne ex-soviétique ont été adoptés par le Conseil épiscopal et le Consistoire réunis respectivement en novembre 1992 et avril 1993 et furent enregistrés au ministère de la Justice. L’Église se nomme désormais Église évangéliste- luthérienne40. Son centre, qui fut pendant toute la période soviétique à Riga, est maintenant transféré à Saint Petersbourg et Moscou. Il regroupe les Églises luthériennes de Russie, d’Ukraine et d’Asie centrale. Les Églises des autres républiques sont indépendantes ou regroupées dans d’autres structures. 40 La décennie 90 a permis à chaque mouvement religieux de redécouvrir les groupes qui ont survécu au régime soviétique et qui subsistent dans les régions éloignées du centre. L’Église luthérienne de Russie, ne disposant que de peu d’informations sur l’état de la communauté en Asie centrale, décida ainsi d’envoyer pasteurs et représentants officiels afin d’opérer un premier recensement des communautés centrasiatiques. Ceux-ci constatent dans leurs rapports les conséquences d’un très long isolement : les groupes luthériens de la région, généralement composés de quelques personnes, pour la plupart âgées, pratiquent un culte quelque peu distant des normes prescrites tant en Russie qu’en Occident41. Au lendemain des indépendances, l’Église luthérienne d’Asie centrale était une église vieillie, elle comptait peu de fidèles et subissait la concurrence des

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autres mouvements chrétiens. Appartenir, encore quelques années auparavant, à une église non officielle et non enregistrée impliquait des sérieuses conséquences, tant pour les fidèles que pour leur famille. Bon nombre de chrétiens ne s’y étaient pas risqués et avaient préféré vivre leur foi de manière individuelle, priant le cas échéant chez eux, sans pasteurs et sans contacts avec l’institution, ce qui accentuait la distance avec les normes luthériennes officielles. Les mouvements protestants qui avaient obtenu une reconnaissance officielle, en particulier l’Union des Chrétiens Évangélistes Baptistes, attiraient également de nombreux croyants : malgré les risques encourus d’appartenir à une église ainsi que les contrôles policiers et administratifs fréquents, cette officialisation permettait une pratique régulière du culte. Il faut également noter que l’accent mis par l’Église luthérienne sur la nécessité de célébrer le culte en allemand repoussait la plupart des jeunes qui, malgré leur nationalité allemande, parlaient peu et mal cette langue, rendant ainsi le culte opaque. Enfin, le caractère national du luthéranisme excluait implicitement les croyants de nationalité non allemande qui auraient aspiré à y entrer, même si certains luthériens avaient émis de nombreuses réserves sur le caractère proprement allemand de leur Église. Si l’Église luthérienne avait donc survécu au régime soviétique, elle en sortait affaiblie. 41 Les divisions et nouvelles structures établies en 1992 devaient, selon les dirigeants, donner un nouvel élan au luthéranisme, dans les régions où vivaient encore des populations allemandes et ce malgré la très forte vague d’émigration depuis la Perestroïka. Les dirigeants voulaient éviter l’écueil d’une grosse machine hiérarchique qui aurait ralenti les prises de décision et affaibli un certain nombre de communautés pauvres en effectifs. Ces structures devaient également permettre de former de nouveaux groupes partout où se trouvaient des minorités européennes. Si les pasteurs de Russie n’en appellent pas à un prosélytisme tous azimuts comme peuvent le pratiquer les baptistes, les adventistes ou les pentecôtistes, l’Église luthérienne ne veut plus être envisagée sous son unique forme d’Église nationale allemande : en tant qu’Église évangéliste, elle se veut maintenant universelle et ouverte à tous, et cherche, à l’heure des libertés nouvellement acquises, à retrouver une nouvelle vigueur; telles sont du moins les ambitions de sa hiérarchie. Cette politique de développement se concrétise par un renouvellement des pasteurs venus de Russie et surtout d’Occident (en particulier d’Allemagne et des États-Unis42). Les missionnaires occidentaux ont en effet tenté de donner de nouvelles couleurs aux luthériens centrasiatiques mais ont été très rapidement confrontés à un contexte local spécifique et à une résistance des membres des congrégations. Déroger à des traditions et des habitudes appliquées depuis plusieurs décennies allait engendrer de nombreux conflits entre croyants et missionnaires, dont les origines occidentales suscitaient en outre certaines méfiances. Si d’indéniables changements ont été opérés dans les communautés luthériennes d’Asie centrale, on constate aujourd’hui, après dix années d’indépendance, plusieurs cas de figure où le succès d’une politique d’ouverture est souvent à relativiser. 42 D’un côté, importantes par leurs nombre mais faibles par leurs effectifs, se trouvent les communautés luthériennes isolées dans quelques villes reculées mais surtout dans les villages : celles-ci n’ont reçu aucune ou peu d’aide soit de leurs coreligionnaires de la même République, soit des organisations missionnaires internationales. Ces groupes isolés refusent en grande partie les réformes ou adaptations émanant de structures étrangères. Ils comptent généralement entre 5 et 20 personnes, se réunissent encore dans des maisons particulières ou disposent d’une très modeste maison de prière. Une très forte majorité de leurs membres sont des personnes âgées43 et de nationalité

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allemande; elles célèbrent le culte en allemand44 et se refusent souvent à passer au russe45. La mort de ses membres, l’émigration des autres et parfois même l’entrée de certains dans d’autres courants protestants (pentecôtistes, adventistes du septième jour, baptistes ou même témoins de Jéhovah, à Pavlodar et Kokchetau) conduisent nombre de ces communautés à une inéluctable extinction. Ces groupes, qui se disent “traditionnels”, s’affirment par leur histoire et les conditions de leur implantation et de leur développement dans la région. Leur politique est dictée par des spécificités culturelles qu’ils estiment incontournables et qu’ils entendent maintenir afin de défendre une tradition. Ils sont en quête d’une continuité de la communauté allemande dont les pratiques religieuses sont inscrites dans l’espace et dans le temps russes puis centrasiatiques. L’appartenance nationale apparaît comme un élément fondateur de la croyance religieuse. Cette continuité n’est pas forcément vecteur d’immobilisme dans la vie civile mais impose en matière religieuse un conservatisme certain : lors du culte, les hommes et les femmes sont séparés et ces dernières doivent se couvrir la tête dans l’église en pure conformité à des règles dictées ou que les pratiquants pensent dictées par leur conscience religieuse. 43 D’un autre côté, certaines communautés, constituées ou reprises en main par des missionnaires étrangers, ont en revanche accepté un renouvellement et ont ouvert leurs portes à toutes les nationalités. Elles ont alors connu une nette croissance de leurs membres. Un soutien financier étranger leur a permis de restaurer ou de construire de nouvelles maisons de prières, d’acquérir la littérature religieuse nécessaire à une meilleure connaissance voire à une découverte théologique de leur religion46, ou encore de faciliter la formation des pasteurs et des prédicateurs47. Le culte est célébré régulièrement et plusieurs fois par semaine, en russe et traduit par un interprète en allemand – ou l’inverse – et, lorsque la communauté est importante et/ou l’édifice de culte trop étroit, deux offices sont alors célébrés48. 44 Ce sont essentiellement les communautés de certaines capitales (Almaty) et de quelques villes, grandes ou moyennes, en particulier au Kazakhstan, ou parfois même de villages où un gros effort missionnaire a été investi (Kirghizistan). Ces communautés modernisées sont minoritaires par rapport à l’ensemble des communautés luthériennes réparties en Asie centrale mais ce sont elles qui rassemblent le plus de fidèles49. Elles se veulent en effet au-dessus d’une distinction ethnique de la communauté religieuse, s’inscrivant dans un cadre davantage universel et transcendant, au moins en partie, les conditions locales. Ces groupes mènent une vie paroissiale plus active, nouent des contacts avec les autres communautés, tant en Asie centrale qu’à l’étranger, et organisent des actions humanitaires. Elles n’en rejettent pas pour autant une certaine tradition : les luthériens aspirent dans un même temps à un certain conservatisme. Ils refaçonnent en quelque sorte une tradition dans une période de transition – même si, répétons le, cette transition n’a pas débuté au lendemain de la chute du régime soviétique – et atténue une sensation de malaise générée par les bouleversements politiques. 45 On mentionnera enfin deux cas intermédiaires. Tout d’abord les communautés où le pasteur, ou bien le prédicateur, décide d’insuffler un renouveau à sa communauté et de mener une politique d’ouverture en pratiquant un certain prosélytisme afin de renouveler les fidèles en faisant venir des jeunes. Une part importante de la vie paroissiale et religieuse est alors calquée sur le modèle de l’église missionnaire. Cela implique généralement un certain nombre de concessions, en particulier la célébration

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du culte en russe. Enfin, dernier cas, celui où une nouvelle structure missionnaire vient se greffer à certaines communautés moribondes, sans pour autant réussir l’adaptation de l’ancienne communauté aux nouvelles normes. Se crée alors une superposition d’une structure nouvelle sur une ancienne. L’ancienne communauté accepte mais rejette également une part des mesures prises par les missionnaires, chacun des deux groupes vivant alors en parallèle. C’est ainsi qu’un sous-groupe composé exclusivement de personnes âgées célébrera le culte en allemand, parfois dirigé par le missionnaire, parfois par un prédicateur ou une prédicatrice âgé(e) tandis que l’autre sous-groupe célébrera le culte en russe, parfois même dans une église différente50. Au fil des années, le groupe réformé tend à supplanter le groupe dit traditionnel, non pas par un passage des membres du second dans le premier groupe mais par une extinction de ce dernier causé par la diminution du nombre des fidèles (renouvellement des générations et exil). 46 Ces quatre cas de figures reflètent – provisoirement – la situation de l’Église luthérienne d’Asie centrale, mais également de certaines régions de l’ex-URSS où les minorités allemandes étaient importantes, et sont ainsi la conséquence de deux approches différentes de l’Église. 47 Si l’on considère les deux premières tendances, c’est-à-dire les plus opposées, la nette distinction que l’on opère entre elles dans l’approche qu’elles ont de la société impliquerait de les inclure dans une classification différente (si l’on s’en tient à la typologie classique élaborée par Weber et Troeltsch sur les Églises et les sectes). Les églises missionnaires reposent en effet sur un compromis et une ouverture tant sur le terrain politique que culturel; elles convergent ainsi vers une pratique proche de celle de l’Église luthérienne mondiale ou d’autres Églises à vocation universelle telles que les catholiques. En revanche, les communautés fermées et introverties tendent davantage vers des pratiques dites “sectaires”, que ce soit d’ailleurs en Asie centrale ou en Russie51 sans jamais cependant atteindre une pratique qui en ferait une secte : en effet, elles n’imposent pas à leurs fidèles une discipline stricte, rendant l’ensemble des pratiques et des activités de l’Église obligatoire. À l’instar de bon nombre de mouvements chrétiens en Asie centrale, en particulier protestants, l’Église luthérienne a oscillé entre ces pratiques dites “sectaires”, et des pratiques caractéristiques dites des “Églises52” : nulle présence obligatoire aux offices n’est inscrite à l’entrée des maisons de prières ou des églises et ne pas s’investir complètement ne suscite aucune sanction ou mise à l’écart de la part de ses pairs53. Si de nombreux fidèles luthériens se mariaient à l’intérieur d’une même communauté religieuse et nationale, aucune interdiction ne leur était faite de se marier avec une personne d’une autre confession ou nationalité54. 48 Est-ce à dire qu’on est en présence de deux Églises différentes ? Une telle conclusion serait d’autant plus risquée que les deux tendances ont des conceptions théologiques identiques; elles sont relayées par des pratiques certes différentes mais toutes deux reconnaissent la même hiérarchie et se veulent membre d’une seule et même Église, malgré les dissensions55. On peut plutôt y voir un conflit de génération exacerbé par l’isolement qu’ont connu ces communautés : au-delà des pressions du régime soviétique, les luthériens n’ont eu que peu de contacts au cours de leur histoire avec les autres communautés religieuses. Ce sont donc avant tout des conflits culturels qui, dans le cadre d’une église, prennent des allures de conflit religieux. Les différentes communautés luthériennes en Asie centrale parfois se rejoignent, parfois cohabitent, mais nulle velléité de séparation n’a été notée, bien que certains courants

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missionnaires soient jugés provocants pour des fidèles habitués à un culte très ritualisé par les pressions soviétiques. 49 Face aux difficultés qu’a connues l’Église luthérienne sous le régime soviétique et à la présence faible (en nombre de paroisses et de fidèles) de cette Église au lendemain de l’indépendance, doit-on conclure que ce mouvement glisse progressivement vers l’extinction ? À l’émigration massive des Allemands qui constituaient encore, dans les années quatre-vingt, la majorité de ses effectifs, s’ajoute l’adhésion de nombre de ses membres, surtout les jeunes, à d’autres mouvements chrétiens jugés plus modernes, comme les courants charismatiques. Tirer cette conclusion serait hâtif face à certains signes de redressement, contrastés cependant par un certain nombre de difficultés que l’Église n’a pas encore résolues. L’Église luthérienne strictement allemande semble en effet s’éteindre progressivement et être supplantée par une Église luthérienne moderne dynamisée par des missionnaires formés en Occident. Cette version modernisée du luthéranisme évite un certain nombre d’écueils auxquels ne pouvait échapper la branche plus traditionnelle. Elle se refuse en particulier à se considérer comme une Église nationale, s’ouvre aux minorités européennes, en particulier aux Russes qui, aujourd’hui, constituent l’immense majorité de ses membres. Enfin, elle tente également de convertir des autochtones. Si peu de Kirghizes, Kazakhs ou Ouzbeks sont aujourd’hui devenus luthériens, leur présence, même relative, constitue un changement radical dans la politique d’une Église dont le caractère religieux fut pendant tout le XXe siècle considéré comme indissociable de son aspect national. Sa politique de prosélytisme est cependant très récente et contraste avec celle d’autres mouvements protestants qui ont toujours aspiré à convertir tant les minorités européennes que les populations autochtones (et ce malgré l’interdiction qui leur était faite sous le régime soviétique et malgré le nouveau veto gouvernemental dans certaines républiques en matière de prosélytisme56). 50 Ces autres mouvements protestants ou d’origine protestante tels que les baptistes, les adventistes ou encore les témoins de Jéhovah, reposent en effet sur des structures plus internationales que le luthéranisme et qui ont davantage soutenu l’effort missionnaire partout dans le monde : ceux-ci reçoivent une aide financière et matérielle plus conséquente, malgré différents cas de figure selon les régions. L’Église luthérienne a donc pris un certain retard dans cette course au prosélytisme et au développement que connaissent de nombreux courants religieux en Asie centrale depuis la Perestroïka. Il n’empêche que de nombreuses communautés avec un culte uniquement en russe se sont formées, en particulier en Kirghizistan et au Kazakhstan. L’Église luthérienne a donc glissé progressivement d’une Église nationale à une Église ouverte et missionnaire, ressemblant ainsi davantage aux autres confessions protestantes ou à l’Église catholique. 51 L’avenir de ces communautés reste cependant incertain, car la forte émigration des Russes des pays d’Asie centrale fragilise à son tour nombre d’entre elles, d’où l’accent mis sur le prosélytisme envers les autochtones. La possibilité d’exercer une politique de prosélytisme dépend pour beaucoup de la situation et de la législation politiques de chacune des républiques. La décision d’interdire le prosélytisme de tous les mouvements religieux a été prise par les autorités sous la pression tout d’abord des musulmans qui n’apprécient guère de voir entrer dans des mouvements chrétiens les autochtones, tous considérés comme musulmans. La conversion de certains d’entre eux a suscité de nombreux remous, en particulier au Kirghizistan pourtant considéré

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comme la république la plus libérale en matière religieuse. L’Église orthodoxe s’est ensuite jointe à l’effort des musulmans pour tenter de mettre un terme à la fuite des Russes vers les mouvements protestants57. L’alliance musulmane et chrétienne orthodoxe a donc porté ses fruits dans deux des cinq républiques et celle-ci continue à exercer ses pressions au Kazakhstan et en Kirghizistan. Il n’est donc pas à exclure que la législation religieuse soit révisée en défaveur des protestants à plus ou moins long terme. 52 Le luthéranisme centrasiatique connaît ainsi une évolution qui a profondément modifié sa structure et son approche de la société. Cependant, si la fin de l’URSS constitue un bouleversement politique et social, doit-elle apparaître comme une rupture décisive en matière religieuse et doit-on, au lendemain des indépendances, parler de renaissance chrétienne, ou de manière plus générale de renouveau religieux, en Asie centrale comme en ex-Union soviétique ? Force est de constater que si l’on peut noter un indéniable développement des courants religieux depuis ces dernières années, les interrogations auxquelles le régime soviétique n’a jamais pu répondre, ont continué à alimenter le flux religieux. On peut donc également voir dans la transition de 1991 une non-rupture dans le besoin de croire, provoqué par la libéralisation religieuse de la Perestroïka mais également par la continuité dans le questionnement et l’incertitude engendrées par la modernité, par l’échec de l’État comme des sciences à répondre au besoin d’idéal. Entre rupture et continuité, l’avenir de la communauté luthérienne et la problématique qui en résulte s’inscrivent désormais moins dans le cadre d’une Église nationale que dans celui d’une communauté religieuse fondée, comme bon nombre de mouvements chrétiens en Asie centrale, sur des principes d’universalité, conjugués aux aléas d’un cadre socio-politique fluctuant.

NOTES

1. Outre l’Église luthérienne et l’Église orthodoxe, de nombreux mouvements chrétiens se sont implantés en Asie centrale, souvent avant même l’avènement des Bolcheviks. Quelques communautés de vieux croyants sont encore présentes, mais la plupart d’entre elles ne constituent que des petits groupes sans édifice de culte. Ils se situent essentiellement dans la région d’Almaty et au nord du Kazakhstan, auxquels on doit ajouter quelques membres éparpillés au Kirghizistan. Les autres mouvements chrétiens d’origine russe tels que les dukhobory, les hlisty semblent aujourd’hui avoir complètement disparu de la région. Tout au plus peut-on mentionner quelques molokans, aucun n’ayant cependant enregistré de communauté dans les États concernés. Ces croyants sont souvent entrés dans les mouvements d’origine protestante, en particulier chez les baptistes, les adventistes du septième jour, les pentecôtistes, les témoins de Jéhovah, ou encore dans les Églises méthodiste, presbytérienne ou charismatique, lesquelles pratiquent un très actif prosélytisme. Tous ces mouvements sont généralement soutenus par des missions dont le centre est à l’étranger, en Occident, ou en Corée du Sud. Quelques membres de l’Église mennonite tentent de retrouver une certaine vigueur, en particulier dans la région de Karaganda au Kazakhstan, mais la plupart de leurs membres sont entrés dans d’autres mouvements protestants. À ce panorama chrétien centrasiatique, ajoutons enfin l’Église

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catholique, qui a une reconnaissance officielle dans toutes les républiques d’Asie centrale (y compris au Turkménistan où les libertés religieuses sont plus que jamais restreintes), ainsi que l’Église uniate et l’Église arménienne. 2. Les chrétiens firent leurs premiers pas en Asie centrale dans la région de Merv avant le V e siècle. Melkites, Arméniens, Jacobites mais surtout Nestoriens s’installèrent en Transoxiane probablement vers le VIIe siècle et poursuivirent leur développement sous la domination des Mongols. Ces derniers témoignèrent en effet une tolérance certaine à l’égard des Religions du Livre. Tous ces mouvements furent cependant éradiqués de la région sous Tamerlan et ses successeurs, qui entreprirent une islamisation systématique, plus d’ailleurs dans un intérêt de stratégie politique que par réelles convictions religieuses. Au XIXe siècle, l’Asie centrale n’avait pas été touchée par le christianisme depuis au moins trois siècles. Seuls quelques chrétiens avaient réussi à pénétrer dans la zone, moins souvent dans un but missionnaire (Beylerian A., “Deux lettres de Louis XIV au roi des Ouzbeks à propos de missionnaires jésuites”, Cahiers du monde russe et soviétique, 1968, Vol 9, pp. 230-234) qu’informatif tel que l’évêque grec Hrisanf à la fin du XVIIIe siècle (Poujol C., La Russie et l’Asie centrale, voyages et expéditions de 1700 à 1840, Thèse de troisième cycle, INALCO, 1985, pp. 181-182; “Putešestvie mitropolita Hrisanfa po Srednej Azii i Tibetu v konce XVIII stoletiâ” [Le voyage du métropolite Hrisanf à travers l’Asie centrale et Tibet à la fin du XVIIIe siècle], Turkestanskie eparhial’nye vedomosti [Bulletin de l’éparchie de Turkestan], 1908, pp. 266-275). Ces tentatives furent cependant vaines. 3. Burton A., “Russian Slaves in 17th century Bukhara”, in : Post Soviet Central Asia, eds Touraj Atabaki et John O’Kane, Tauris Academic Studies, 1998, pp. 345-365. 4. Un traité est signé avec l’Angleterre en 1895, limitant l’influence de celle-ci à l’Afghanistan, la Russie gardant le contrôle de la zone nord, c’est-à-dire du Turkestan. 5. Ceux-ci arrivèrent en grand nombre entre 1880 et 1884, à l’issue d’un long périple qui devait les conduire de la Russie aux steppes d’Asie centrale. Cf. Belk R., The Great Trek of Russian Mennonites in Central Asia 1880-1884, Herald Press, 1976. 6. “Otčet Turkestanskogo eparhial’nogo komiteta pravoslavnogo missionerskogo obŝestva za 1915 god” [Compte-rendu du comité de l’éparchie du Turkestan de la société missionnaire orthodoxe], Turkestanskie eparhial’nye vedomosti [Bulletin d’éparque de Turkestan], 1917, n° 6, pp. 132-135. 7. Gauchet M., Le désenchantement du monde. Une histoire politique de la religion cité in Hervieu-Leger D., La religion pour mémoire, Cerf, Paris, 1993. 8. Il est à noter que les informations sur l’histoire de l’Église luthérienne sur l’ensemble de l’Asie centrale sont rares. Cette Église tente aujourd’hui de reconstituer son histoire en cette partie du monde mais peu de choses ont pu être publiées. Écrire l’histoire de l’Église luthérienne sous le régime tsariste impliquerait un long dépouillement des archives en Asie centrale, ce qui n’a pas été réalisé à ce jour. Cf. sur le sujet Evangeličesko-luteranskaâ Cerkov’ v Taškente i Uzbekistane // Die Evangelish-Lutherische Kirche im Taschkent und Ganz , St. Petersburg, 1996; Kletchmar G., Ratke G., Evangeličesko-luteranskaâ Cerkov’ v Rossii, na Ukraine, v Kazahstane i Srednej Azii, Der Bote, Saint-Petersburg, 1996. 9. On comptait également une centaine d’Estoniens, 150 Lettons ainsi que quelques Polonais, Lituaniens et Suédois. 10. Aujourd’hui Almaty. 11. Constituant dans un premier temps un oblast appartenant au gouvernorat d’Orenbourg, le Turkestan devient un gouvernorat en 1867. Le gouvernement général des steppes fut fondé en 1882, avec pour capitale Omsk. Les deux gouvernorats étaient sous la juridiction du ministère de la Guerre. 12. Seule l’Église orthodoxe obtiendra l’autorisation d’ouvrir une mission dite “antimusulmane” (protivomusulmankaâ) dans le nord des steppes kazakhes, après plus d’un demi-siècle de

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négociations. Elle n’aura l’autorisation d’ouvrir une mission dans le sud du Turkestan qu’en 1907, missions qui toutes se solderont par un échec. 13. Une très abondante littérature athée vit le jour, avec des titres tels que Bezbožnik et Antireligioznik. Il s’agissait avant tout d’articles caricaturaux visant à compromettre et ridiculiser les mouvements religieux. Une maison d’édition fut également créée afin de publier de nombreux ouvrages antireligieux. Étaient visés à travers cette littérature non seulement les chrétiens mais également toutes les religions, de l’islam au bouddhisme en passant par le chamanisme. Une place essentielle était cependant dévolue au christianisme. La ligue athéiste fut considérée par bon nombre de membres du PC peu motivés comme une secte excentrique du Parti. Celle-ci d’ailleurs ne bénéficia guère du soutien de la presse qui passa sa création presque sous silence. Son échec témoigna plutôt d’un décalage entre la population et les militants d’une part, plus enclins dans un premier temps à conjurer des difficultés après une guerre meurtrière et destructrice, et d’autre part d’une élite du parti voulant pousser plus loin son idéal. 14. Cette loi donnait à chacun le choix de sa religion ainsi que le droit de se convertir. 15. Les autres mouvements protestants feront également allégeance lors de congrès au cours des années suivantes, entre 1926 et 1928. 16. Aucun pasteur ne reçut l’autorisation de faire le voyage au Turkestan pour célébrer les funérailles de Ûrgensen qui finalement seront assurées par un prêtre catholique. 17. Un an plus tard, le 7 août 1938, est fermée à Moscou l’église Pierre et Paul, la dernière église luthérienne de Russie. Contrairement à bon nombre d’édifices de culte, l’église de Tachkent ne sera pas détruite mais transformée en école de musique puis en salle de concert, ce qui permettra aux luthériens de reprendre possession de l’édifice après l’indépendance de l’Ouzbékistan. 18. En 1939, on comptait en URSS un peu plus de 1,6 million d’Allemands, dont plus de la moitié, soit 811137, vivait en Russie, 92252 au Kazakhstan, 11 741 au Kirghizistan, 10434 en Ouzbékistan, 2024 au Tadjikistan et 3 346 au Turkménistan. Avec les déportations, la présence des Allemands en Asie centrale s’accentue encore, et ce jusqu’à leur émigration dans les années 80 puis après l’éclatement de l’URSS. En 1989, 2,038 millions d’Allemands vivent en URSS, parmi lesquels 842033 en Russie (la plupart en Sibérie). Le Kazakhstan en recense 957518, l’Ouzbékistan 39809, le Kirghizistan 101 309, le Tadjikistan 32 671 et le Turkménistan 4434. 19. Ceci était également le cas pour la plupart des mouvements d’origine protestante et composés essentiellement d’Allemands en Asie centrale tels que les baptistes, les adventistes du septième jour, les mennonites (malgré leurs communautés très affaiblies) ainsi que dans l’Église catholique. 20. Les nombreux témoignages recueillis dans les différentes républiques d’Asie centrale auprès de personnes âgées montre une nette réserve de celles-ci quant à un réel et significatif changement de politique religieuse du gouvernement à leur égard. 21. Le métropolite Serge de l’Église orthodoxe avait donné, dans une lettre pastorale, la bénédiction de l’Église à la “défense sacrée des frontières de la patrie”, contribuant ainsi à améliorer nettement les relations avec le pouvoir, au moins provisoirement. Trois mois plus tard était dissoute la Ligue des sans dieux ainsi que les journaux antireligieux. 22. En octobre 1943 fut créée à Tachkent une Direction centrale des musulmans. En mettant les musulmans de son côté, Staline dressait un obstacle considérable aux plans de l’Allemagne nazie au Caucase et en Crimée, cf. Werth N., Histoire de l’Union soviétique, PUF, Paris, 1990, p. 334. 23. Aujourd’hui Astana, la nouvelle capitale du Kazakhstan. 24. Kirche im Osten, vol. 14, 1971, pp. 145-146. 25. Seule l’Église orthodoxe et le groupement baptiste évangéliste obtiendront l’autorisation de publier un mensuel. 26. Cf. Life of Faith, 11 décembre 1976 et Dahlgren S., Lutherans in Central Asia, document non publié du Keston College, Oxford.

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27. Le Conseil pour les Affaires religieuses a été créé le 1er juillet 1944, pour toute l’URSS et toutes les confessions officiellement reconnues. Concernant les mouvements chrétiens, ce Conseil ne comprend pas les tendances dissidentes, telles que les pentecôtistes, les adventistes du septième jour dissidents, ou encore les témoins de Jéhovah qui ont refusé de se rallier aux structures imposées par l’État. Ce conseil avait à ses débuts 35 représentants à travers l’URSS, chiffre qui s’élèvera par la suite à cent. 28. Cf. Religion in Communist Lands, 1987, n° 1, p. 46. 29. Le caractère politique et national ne revêtira jamais celui de l’Église catholique en Pologne. Sur la notion de pratiquants non croyants, cf. Patrick Michel, La société retrouvée : politique et religion dans l’Europe soviétisée, Fayard, Paris, 1988, p. 15. 30. Les études soviétique de sociologie religieuse sont nombreuses, elles entrent cependant toutes dans le cadre très défini et restreint de la propagande athéiste. Elles concernent d’autre part essentiellement l’évolution des mouvements religieux dans les républiques slaves ainsi que dans les États d’Europe de l’Est. Les études sur l’Asie centrale en tant que telle restent très rares. 31. Ces nouvelles missions émanent essentiellement des mouvements d’obédience protestante (baptistes, adventistes, témoins de Jehovah, etc.); on note en particulier le dynamisme des Églises méthodistes et presbytériennes (Grâce, Mir), ou encore des mouvements protestants indépendants (Agape, Novaâ žizn’, etc.). L’Église catholique a également organisé plusieurs missions en Asie centrale, essentiellement au Kazakhstan, où la plupart des villes du nord compte une représentation étrangère. 32. Plusieurs réunions furent tenues en ce sens à Karaganda, puis Tselinograd, Omsk et à Riga en 1992. Cf. Kletchmar, op. cit. 33. Ce morcellement est d’ailleurs compensé en Occident par la constitution de micro-groupes, souvent à orientation religieuse (les nouveaux mouvements religieux). 34. Précisons que ce palliatif religieux ne saurait être appréhendé comme une idéologie de substitution, au moins en matière de christianisme. Nul projet politique n’a été élaboré sur la base d’un programme religieux en Asie centrale, excepté pour l’islam. Le christianisme n’est qu’un des éléments possibles d’articulation entre le collectif et l’individuel. 35. Cf. Lipovetsky G., “L’ère du vide”, cité in Hervieu-Léger D., La Religion pour mémoire, 1993, p. 139. 36. La convergence entre l’individualisation et le besoin de collectif dépasse d’ailleurs le cadre ex-soviétique et est également présente dans les sociétés occidentales. 37. Et ce malgré les longues hésitations de Gorbatchev en la matière qui, en 1986, avait décidé dans un premier temps de relancer une campagne antireligieuse. 38. Le caractère moins centralisé (comparé aux mouvements baptistes ou adventistes) de l’Église luthérienne ainsi que l’émigration tant russe qu’allemande ne permettent actuellement ni à l’Église elle-même, ni aux sociologues de fournir des données chiffrées sur le nombre de croyants. 39. Ces divisions furent élaborées lors de réunions à Kiev et à Omsk en 1992. La création d’un épiscopat permettait également d’envoyer des pasteurs afin de concrétiser l’existence de l’Église luthérienne dans les différentes républiques. 40. De 1832 à 1924, celle-ci s’appelait “Église évangéliste luthérienne de Russie”. À partir de 1924, elle fut dénommée “Église Évangéliste d’URSS”. 41. Ceci avait d’ailleurs été constaté avant même la fin du régime soviétique, lorsque des pasteurs étrangers avaient pu rendre visite à quelques communautés d’Asie centrale. Cf. Light in the East News, n° 5, 1981, pp. 5-7. 42. On citera en particulier pour l’Allemagne le fonds Gustav Adolf et pour les États-Unis le synode du Missouri qui a une véritable présence en Asie centrale et soutient de nombreuses missions au Kazakhstan. 43. La moyenne d’âge des membres de ces communautés dépasse généralement 60 ans.

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44. On observe ainsi une résistance de certains groupes à leur propre hiérarchie en ce domaine, cf. Der Bote, 3/1997, p. 25. 45. Il n’y a eu aucune instruction précise en ce domaine formulée par la direction luthérienne; celle-ci a simplement conseillé aux communautés de célébrer le culte en russe, au fur et à mesure de l’émigration des Allemands. Certains groupes refusent aujourd’hui encore de célébrer le culte en russe. 46. Bibles et différents périodiques luthériens, en particulier Der Bote, traitant de la vie de l’Église tant à l’intérieur qu’à l’extérieur des frontières de l’ancienne URSS. 47. Plusieurs séminaires assurent à partir des années 90 la formation des pasteurs : le Séminaire du peuple de Dieu (Almaty, Kazakhstan), le Séminaire régional de l’Église luthérienne du Kazakhstan à Akmola (Astana), le Séminaire luthérien de Russie, d’Ukraine, du Kazakhstan et d’Asie centrale à Novosaratovk en Russie, cf. Der Bote, 1/1998, p. 35. 48. De plus en plus de communautés à très forte majorité russe ne célèbrent le culte qu’en russe. 49. Il est cependant très difficile d’avancer des chiffres, les Églises luthériennes n’ayant pas fait de recensement précis non seulement de leurs communautés mais également des effectifs de chacune d’entre elles. Un éventuel recensement est d’ailleurs rendu assez difficile par les tensions qui ont vu le jour entre les communautés. 50. Cette situation se retrouve par exemple à Pavlodar (Kazakhstan). 51. Cf. Lane C., Christian religion in the Soviet Union. A sociological study, George Alle & Unwin, Londres, Boston Sydney, 1978. 52. Ajoutons qu’il convient d’utiliser avec une extrême précaution le terme de secte. D’autre part si l’on s’en tient à la définition de Troeltsch, l’Église luthérienne traditionnelle ne saurait être qualifiée de secte dans la mesure où elle ne formule pas de protestations contre l’État et ne refuse pas de coopérer avec lui. La définition du terme a largement évolué et aujourd’hui les sociologues ne sont pas parvenus à un accord définitif. Pour une réflexion générale sur le terme de secte et son application on consultera : Champion F., Cohen M., Sectes et démocratie, Seuil, Paris, 1999. Nous reprenons ici cette classification dans le seul but de dissocier les deux tendances. 53. Ce qui est tout à fait différent d’un certain nombre de communautés d’obédience protestantes, où ce que l’on a appelé la tiédeur des fidèles (c’est-à-dire une participation relative à la vie de l’Église) peut conduire les autorités religieuses à exclure certains de ses membres, même si cela est rarement mis en application. 54. Là encore l’Église luthérienne, toutes tendances confondues, se distingue de certains mouvements protestants qui imposent ce genre de règle en Asie centrale, tel que le mariage obligatoire entre les membres d’une même confession. Notons d’ailleurs que ces mêmes mouvements ont largement abandonné ces pratiques en Occident. On peut y voir ainsi un parallèle entre un certain traditionalisme propre à des régions reculées et isolées comme l’Asie centrale et un refus de ces mêmes mouvements en Occident d’appliquer des règles strictes considérées comme surannées. 55. L’Église luthérienne se distingue en cela des autres mouvements protestants, dont les dissensions ont conduit à une multitude de schismes au cours des siècles derniers. 56. En Ouzbékistan et au Turkménistan, faire du prosélytisme peut conduire à trois années d’emprisonnement. Cependant, si les pratiquants ne peuvent plus désormais tenter d’attirer des croyants par des manifestations religieuses en pleine rue, ceux-ci contournent cette interdiction en menant des actions plus discrètes mais efficaces. Des rencontres répétées avec d’éventuels catéchumènes parviennent aujourd’hui encore à amener sur les bancs de leurs églises un certain nombre d’autochtones. 57. L’Église luthérienne a souvent dénoncé le prosélytisme et a parfois contribué à augmenter cette pression de l’Église orthodoxe et de l’islam. Ceci n’est cependant pas généralisable à l’ensemble de l’Asie centrale.

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INDEX

Mots-clés : christianisme, Église luthérienne, Asie centrale Keywords : Christianity, Lutheran Church, Central Asia

AUTEUR

SÉBASTIEN PEYROUSE

INALCO-IFÉAC, Paris-Tachkent

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Notes et documents

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Brève chronique des fouilles de la MAFOUZ (Mission Archéologique Franco-Ouzbèke) en 2000

Frantz Grenet et Muhammadğon Isamiddinov

1 La mission, financée par le Ministère français des Affaires Étrangères, le CNRS et la Fondation Max von Berchem (Genève), opère depuis 1989. Elle a cette année concentré ses fouilles sur deux sites, Koktepa et Afrasiab (la Samarkand prémongole).

I. Koktepa

2 Ce grand site fortifié de plus de 100 ha, situé près de la ville de Chilek à une trentaine de km au nord de Samarkand, fait l’objet d’une partie de nos activités de fouille depuis 1996, sous la conduite de Claude Rapin, Mukhammadjon Isamiddinov, Mutallib Khasanov et Ludmilla Shpen’va. Fondé en même temps que Samarkand, sans doute au VIIIe ou au VIIe s. av. n.è., la ville de Koktepa, dont le nom antique reste inconnu, a cessé de fonctionner comme habitat permanent peu de temps après la conquête grecque. De ce fait elle offre des possibilités remarquables pour étudier la “deuxième urbanisation” de l’Asie centrale (la première, à l’Âge du Bronze, s’était effondrée dans le deuxième quart du IIe millénaire), dans un domaine géographique, la Sogdiane, où les fouilles portant sur cette période sont récentes et peu nombreuses.

3 La dernière campagne s’est concentrée notamment sur ce qui paraît bien avoir été le principal lieu de culte de la ville, au centre. Les photos aériennes prises avant les ravages agricoles des années 1970 montrent à cet endroit une plateforme à degrés et à base carrée. Seul un quart de cette dernière subsiste aujourd’hui (dimensions restituées : 40 x 40 m, hauteur supérieure à 5 m, bords inclinés). La fouille a permis de montrer qu’elle avait recouvert un premier complexe, à ciel ouvert celui-ci, entouré d’une enceinte fortifiée de 120 x 100 m environ ouvrant à l’angle sud par une porte monumentale encadrée de deux tours. On a là affaire à une architecture savante, dont les analogies les plus précises se trouvent en Bactriane (monument pré-achéménide de

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Tillja-tepe). Ce premier bâtiment a péri dans un incendie. La mise en évidence complète du plan est prévue pour la prochaine campagne. L’interprétation fonctionnelle doit rester prudente en raison de la faible hauteur conservée de ce premier état architectural (20 cm), mais la nature des débris (morceaux de foyers, galets ayant pu servir de couche d’isolement rituel) permet d’envisager que, comme à la seconde étape, il ait été affecté à un culte à ciel ouvert. Telle est en tout cas l’hypothèse que nous avons défendue au séminaire sur “Les Aryas en Asie centrale, en Iran et en Inde” qui s’est tenu au Collège de France du 4 au 25 janvier 2001 (F. Grenet, C. Rapin : “Nouvelles découvertes archéologiques en Ouzbékistan : la problématique des temples-terrasses”) et dont les résultats seront publiés sous la direction de G. Fussman. 4 Un peu au sud-est, toujours à l’intérieur de la ville, se dresse une autre terrasse, haute de 10 m et épargnée par les destructions contemporaines. Depuis la campagne de 1999, nous savions qu’elle avait été complètement éventrée dans l’Antiquité pour y installer une tombe nomade, la plus vaste jamais repérée dans la vallée du Zarafshan, mais nous pensions que, comme toutes celles de son espèce, cette tombe avait été presque entièrement pillée. Une chambre latérale avait toutefois livré un bel ensemble de quatre vases en céramique, reflétant la production de haute qualité des potiers de Samarkand à une époque encore proche de la domination grecque. La première bonne surprise du printemps 2000 fut de constater que la deuxième chambre latérale était aussi intacte, avec un chaudron en bronze ayant contenu les restes du repas funéraire. Le 17 mai, il s’avérait que dans la chambre principale ce que nous avions pris pour les parois étaient en fait les limites d’un puits de pillards : la sépulture, totalement intacte, était à peine au-delà. L’unique destinataire de la tombe était une femme âgée d’une quarantaine d’années au moment de son décès. La robe avait disparu, mais les quelque 350 appliques rondes en or qui la décoraient étaient restées en place et indiquaient l’emplacement des coutures. Le bonnet comportait à sa partie inférieure une bande recouverte de feuille d’or, qui formait diadème; la chevelure ou le voile étaient décorés de perles en verre provenant vraisemblablement de l’empire romain. Autour de la défunte gisaient divers récipients en terre cuite et en argent; à la ceinture, une poche contenait un couvercle de peigne en os figurant deux avant-trains de chevaux (on connaît des objets identiques chez les nomades Sarmates de l’Oural) ainsi qu’un grand miroir en bronze argenté (diam. 19 cm), pur produit des ateliers impériaux de la Chine des Han. Sur la face ornée en relief, les séries de quatre et douze ronds expriment un symbolisme astrologique; au registre extérieur s’enroulent quatre dragons ailés. Quelques miroirs du même type ont été trouvés dans d’autres tombes nomades des environs de notre ère (chez les Xiongnu au Nord de la Chine, à Tillja-tepe en Afghanistan, à Kobjakovo sur la Mer Noire), mais il semble que seul celui de Koktepa soit un spécimen authentique, les autres étant des imitations antiques soit chinoises soit sarmates. Il ne fait guère de doute que la dame de Koktepa était la reine d’un clan qui contrôlait Samarkand et sa région, et que ce clan avait, peut-être à un stade antérieur de sa migration, fait l’objet des attentions diplomatiques de la cour chinoise. 5 On aperçoit d’ores et déjà la richesse des implications de cette découverte pour l’histoire d’une période historique obscure, mais à bien des égards décisive pour toute l’histoire future de la vallée du Zarafshan, puisque c’est alors que se sont mises en place les connexions commerciales qu’on appelle conventionnellement la Route de la Soie. Claude Rapin a présenté la trouvaille dans une conférence à l’IFÉAC le 6 octobre 2000.

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Un projet d’exposition temporaire au Louvre, avec analyse et restauration en France de tous les objets, a été soumis aux autorités ouzbèkes. 6 Enfin, Andrea Rychtecky et Mukhammadjon Isamiddinov ont entrepris d’établir la carte archéologique de la région du Zarafshan moyen, en commençant par une prospection systématique des sites de la région du canal Bulungur qui desservait Koktepa.

II. Afrasiab

7 Les fouilles ont concerné deux objectifs : la zone de la grande mosquée et la citadelle.

8 À 6 m en dessous de la cour de la mosquée, Laurianne Martinez-Sève a poursuivi sur 200 m² le dégagement d’un vaste bâtiment public d’époque grecque, la seule construction à caractère non militaire qui soit attestée pour cette période sur le site d’Afrasiab. Édifié avec beaucoup de soin (toutes les briques crues portent une marque d’équipe de maçons, en général une lettre grecque), il consiste en une série de pièces allongées de 12 x 5 m, couvertes d’un toit plat. Toutes les pièces avaient été affectées à une fonction unique, le stockage de réserves de millet, mais au vu de la monumentalité de ce complexe, on peut faire l’hypothèse qu’il avait au départ une fonction plus prestigieuse (palais, temple ?), ou bien que cette réserve alimentaire n’en occupait qu’une partie. Quoi qu’il en soit, toute la zone dégagée par la fouille avait été victime d’un grand incendie qui a grillé le millet et rougi les murs jusqu’au cœur. Cette catastrophe, survenue au cours de la période grecque, a peut-être eu des causes humaines (trois pointes de flèches ont été trouvées dans les couches de destruction). Le bâtiment fait ensuite l’objet d’une reconstruction médiocre, toujours à la période grecque. L’étude de la céramique a d’ailleurs conduit Bertille Lyonnet a faire de son côté l’hypothèse de deux occupations grecques à Samarkand, séparées par une première conquête nomade qui aurait pu intervenir au milieu du IIIe s. av. n.è. et durer un siècle environ. 9 Toujours sous la mosquée, Frantz Grenet, Igor Ivanickij et Nadja Almazova ont terminé de mettre en évidence la fièvre de construction monumentale, jusqu’ici complètement insoupçonnée, qui a marqué les VIIe et VIII e siècles de notre ère, et qui reflète la succession rapide de pouvoirs politiques, tous soucieux d’anéantir l’œuvre architecturale de leurs prédécesseurs immédiats. Une grande enceinte préislamique, sans doute celle du temple mentionné par la chronique locale, est rasée peu de temps après sa construction, puis recouverte par un vaste palais de 115 x 84 m, que les dernières données de la fouille permettent d’attribuer à Naṣr b. Sayyâr, le dernier gouverneur des califes Umayyades (738-748). Ce palais, le plus ancien monument islamique important connu en Asie centrale, exprime une architecture hybride où les traditions sogdiennes sont encore très présentes. Mais avant même d’avoir été achevé il est en partie désaffecté, et finalement recouvert par la grande mosquée dont les dimensions définitives se stabilisent au début du IXe s. Des brouillons ou exercices d’écriture en arabe, écrits à l’encre sur des briques ou des tessons, témoignent d’une activité administrative et peut-être aussi scolaire. 10 Le second grand objectif de la fouille s’est, comme les années précédentes, situé à la citadelle. Olga Inevatkina a retrouvé des restes de murs achéménides qui pouvaient avoir appartenu au palais des satrapes, cadre du banquet tragique où Alexandre tua son ami Cleitos. De leur côté Yuri Karev et Anvar Atakhodjaev ont poursuivi la fouille du

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palais islamique construit peu après celui dégagé sous la mosquée. Ce monument, dont la création doit certainement être attribuée à Abu Muslim, organisateur de la révolution abbasside puis gouverneur du Khurasan de 748 à 755, a déjà fait l’objet d’une large information scientifique et reçu toute l’attention qu’il méritait de la part des archéologues de l’islam ancien (voir ci-dessous, bibliographie). Outre qu’elle a permis de compléter sur plusieurs points le plan du monument originel, la campagne de l’été 2000 a rencontré plus haut une réoccupation résidentielle d’époque karakhanide (XIe- début XIIIe s.) d’une qualité inattendue. Les murs minces en briques et “carcasses” de bois, caractéristiques de cette période, se sont avérés porter un décor peint très riche auquel on ne connaissait jusqu’à présent aucun équivalent dans l’aire karakhanide. Ce décor est parvenu en fragments tombés au sol, mais que le savoir-faire des restauratrices de l’Institut d’Archéologie de l’Académie des Sciences d’Ouzbékistan (Marina Reutova, Janna Sukassjan) a permis de sauver, en vue d’un réassemblage ultérieur. On reconnaît pour le moment un décor calligraphié sur fond de fleurs et d’oiseaux, une figure de cheval caracolant, et un visage humain. 11 On le voit : douze ans après le début de ses activités, la MAFOUZ est décidément entrée dans la phase où les résultats se cumulent et s’éclairent les uns par les autres. Plusieurs périodes jusqu’ici mal connues de l’histoire de l’Ouzbékistan se trouvent enrichies de nouvelles données : Âge du Fer, période “des invasions” au tournant de notre ère, transition à l’islam, période karakhanide. Les collaborateurs de la mission ont consacré des articles à presque toutes les découvertes de l’année 2000 et des campagnes immédiatement précédentes. Ces travaux, ainsi que ceux menés antérieurement aux “Portes de Fer” de Derbent, ont aussi permis de relancer la discussion sur plusieurs questions importantes concernant la géographie historique de la région à l’époque antique.

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Miroir chinois des environs de notre ère trouvé dans la tombe de Koktepa

Un quart de la surface est présenté dans l’état originel reconstitué, le reste dans l’état actuel avant enlèvement des oxydes dessin : I. Almazova

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Détail du décor peint d’époque karakhanide trouvé dans le quartier résidentiel au-dessus du palais d’Abu Muslim à Afrasiab

BIBLIOGRAPHIE

À paraître dans Alexander’s legacy in the East. In honour of Prof essor Paul Bernard (Bulletin of the Asia Institute, 12, 2001) : F. Grenet, C. Rapin, “Alexander, Aï Khanum, Termez : remarks on the spring campaign of 328” ; B. Lyonnet, “Les Grecs, les nomades et l’indépendance de la Sogdiane, d’après l’occupation comparée d’Aï Khanoum et de Marakanda au cours des derniers siècles avant notre ère” ; C. Rapin, « L’incompréhensible Asie centrale de la carte de Ptolémée : propositions pour un décodage ».

M. Isamiddinov, M. Khasanov, C. Rapin, “Découverte de la tombe d’une princesse scytho-sarmate des environs de notre ère près de Samarkand”, Comptes-rendus de l’Académie des Inscriptions et Belles-lettres, séance du 12 janvier 2001.

F. Grene [Grenet], I. D. Ivanickij, “Dvorec omeâdskogo namestnika pod mečet’û abbasidskogo perioda na Afrasiabe” [Le palais du gouverneur omeyyade sous la mosquée de période abbaside à Afrasiab], in Arheologiâ, numizmatika i èpigrafika srednevekovoj Srednej Azii. Materialy naučnoj konferencii, posvâŝennoj 60-letiû so dnâ roždeniâ doktora istoričeskih nauk B. D. Kočneva [L’archéologie, la numismatique et l’épigraphie de l’Asie centrale médiévale. Matériaux de la conférence consacrée au 60e anniversaire du docteur en histoire B. D. Kotchnev], Samarkand, 2000, pp. 58-62.

Yu. Karev, “Un palais islamique du VIIIe siècle à Samarkand”, Studia Iranica, 29, 2000, pp. 273-296.

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INDEX

Mots-clés : fouilles archéologiques, expéditions archéologiques, Mission archéologique franco- ouzbèke, Ouzbékistan Keywords : excavations (archaeology), archaeological expeditions, Mission archéologique franco-ouzbèke, Uzbekistan

AUTEURS

FRANTZ GRENET

CNRS, Paris, France

MUHAMMADĞON ISAMIDDINOV

Institut d’archéologie, Samarkand, Ouzbékistan

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L’action de la Mission Archéologique Franco-Ouzbèque de Bactriane

Pierre Leriche et Šakir Pidaev

1 À la fin du siècle dernier, l’attention du monde savant était attirée par l’apparition, sur le marché de l’Afghanistan et de l’Inde britannique, de superbes monnaies d’or et d’argent qui comptaient parmi les chefs-d’œuvre de la numismatique grecque. Ces monnaies, en effet, portaient le nom de souverains grecs dont on savait, par de brèves mentions d’historiens et de géographes grecs ou romains, qu’ils avaient régné sur le royaume de Bactriane à la suite de la conquête d’Alexandre.

2 C’est pourquoi, au lendemain de la première guerre mondiale, des recherches archéologiques furent entreprises dans ces contrées pour y découvrir les cités que n’avaient pu manquer de fonder ces dynastes grecs. Malheureusement, ces recherches se sont avérées décevantes. Les cités grecques se dérobaient ou semblaient avoir définitivement disparu sous les constructions des périodes plus récentes, comme à Bactres ou à Taxila. 3 Puis ce fut, en 1965, la découverte inattendue, puis la fouille de grande ampleur, de la grande cité hellénistique d’Aï Khanoum, en Afghanistan du nord-ouest. Un peu plus tard, d’autres chantiers d’Afghanistan livraient des vestiges grecs, dans la région de Bactres ou à Kandahar. Le royaume de Bactriane sortait enfin de la légende pour devenir réalité. En outre, une série de prospections régionales conduites autour d’Aï Khanoum et de Kandahar, ou dans les oasis de Bactres ou du Séistan, avaient permis de tracer les premiers éléments d’une histoire du peuplement de l’Afghanistan, de la préhistoire à nos jours. 4 Mais la guerre qui s’est déclenchée en 1978 a mis fin à toute activité scientifique et, progressivement, l’idée de reprendre les recherches a dû être abandonnée. Le site d’Aï Khanoum a été totalement dévasté par les fouilles clandestines, au point qu’on ne peut plus aujourd’hui envisager d’y reprendre les travaux. La Bactriane antique semblait retourner au royaume des limbes.

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Création de la MAFOuz de Bactriane

5 Tout espoir n’était pourtant pas perdu car les régions situées en URSS, entre les monts du Hissar et l’Amou Daria, l’Oxus des anciens, avaient également livré des témoignages d’une occupation grecque sur plusieurs sites. Visiblement, cette zone faisait partie de l’ancien royaume grec de Bactriane dont elle constituait la frange septentrionale. De plus, elle apparaissait comme le berceau de l’empire kouchan, qui avait succédé à celui des Grecs et dominé l’Asie centrale durant trois siècles. C’est alors qu’avec l’indépendance acquise en 1991, l’Ouzbékistan ouvrit aux chercheurs étrangers l’accès à la province du Sourkhan Daria, qui leur était fermée depuis 1917 car limitrophe de l’Afghanistan. Les recherches abandonnées en Afghanistan pouvaient donc se poursuivre d’une manière d’autant plus fructueuse qu’elles se feraient en collaboration avec les savants de la région, dont les résultats nombreux et importants étaient encore très mal connus en Occident.

6 C’est pour mettre à profit cette situation favorable que la Mission Archéologique Franco-Ouzbèque (MAFOuz) de Bactriane a été créée1 en 1993 avec pour objectif l’étude, par la prospection et la fouille, du peuplement de la région et de la civilisation urbaine qui s’y est développée, depuis la conquête d’Alexandre jusqu’au Moyen Âge. 7 Ces recherches s’organisent selon deux axes majeurs : l’étude régionale et la fouille archéologique.

L’étude régionale

8 D’entrée de jeu, la MAFOuz de Bactriane s’est proposé d’écrire l’histoire de la région de l’Antiquité à la fin du Moyen Âge, non plus seulement sur la base des seules sources écrites mais en combinant ces données avec celles que pouvaient fournir des recherches menées sur le territoire de la Bactriane du nord. Il s’agit, en somme, d’établir une carte géographique, archéologique et historique générale de la région par l’exploration systématique du territoire, l’analyse morphologique du terrain, l’exploitation des résultats antérieurement acquis, la récolte de matériel céramique par ramassage de surface et l’exploitation des cartes et photographies existantes et accessibles. Ainsi, pourra-t-on retracer l’histoire de la mise en valeur de la région à travers celle des réseaux d’irrigation de plus en plus développés auxquels sont liés les grands systèmes agricoles et la vie urbaine.

9 Cette recherche2 est maintenant bien avancée. Complétée par l’inventaire systématique d’une abondante bibliographie, elle doit aboutir à l’établissement d’une base de données associée à une série de cartes très précises illustrant les modalités et l’extension de l’occupation du sol, période après période. Elle doit donner lieu prochainement à une double publication accompagnée d’un SIG.

L’exploration archéologique des vallées

10 Pour approcher les caractères de la civilisation qui s’est développée dans la Bactriane du nord, les recherches archéologiques ont pris pour objet trois sites différents sur lesquels les fouilles antérieures avaient déjà mis au jour des niveaux attestant la

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présence de colons grecs : le grand site de l’Ancienne Termez situé au bord de l’Oxus, et deux petites agglomérations antiques dans les vallées de deux affluents de rive droite du fleuve.

11 A Khaytabad, dans la basse vallée du Sourkhan Daria, trois brèves campagnes ont été conduites. Elles ont montré que, contrairement à bien d’autres, telles que Kyzyl Tepe ou Talashkan I, cette cité, fondée à l’époque achéménide, n’a pas été entièrement détruite par Alexandre puisque les Grecs s’y sont à leur tour installés et en ont renforcé les défenses. L’occupation s’y est ensuite poursuivie jusqu’à l’arrivée des Mongols qui ont mis fin à l’existence de la cité. 12 Le site de Payon Kourgan, dans la haute vallée du Chirabad Daria, est celui d’une forteresse créée par le pouvoir grec. Un très beau matériel céramique remontant à l’époque séleucide y a été mis au jour dans d’épaisses couches d’occupation reposant directement sur le sol vierge3. L’empreinte grecque y demeure très forte, même après la chute du royaume gréco-bactrien, ainsi qu’on peut le constater sur les nombreuses terres-cuites d’époque kouchane qui y ont été découvertes (représentations d’Héraclès ou de guerriers équipés à la mode grecque).

La fouille de l’Ancienne Termez

13 Mais c’est surtout le grand site de l’Ancienne Termez, la capitale régionale, qui a fait l’objet des fouilles de la MAFOuz de Bactriane. Des sources tardives attribuent sa fondation au roi gréco-bactrien Démétrios, ce que confirme la découverte sur la citadelle de couches d’occupation caractéristiquement grecques. Quatorze siècles plus tard, l’Ancienne Termez s’était à ce point développée qu’elle occupait une surface de près de 350 ha lorsqu’en 1220, Gengis Khan la détruisit.

14 Les travaux qui y ont été conduits ont d’abord concerné la citadelle et une éminence située au nord de la citadelle, le Tchingiz Tepe. Ces dernières années, ils se sont également étendus sur l’ensemble de la ville basse. 15 L’un des premiers objectifs à atteindre était de pouvoir prendre la mesure de l’ensemble du site mais la chose était relativement malaisée puisqu’il n’existait aucun plan exact de l’Ancienne Termez. C’est pourquoi l’établissement d’un relevé topographique très précis avec des courbes de niveau tous les mètres a été engagé. Ce plan est en cours de réalisation par des topographes professionnels4 et près de 150 hectares ont déjà été couverts. On va ainsi disposer d’un moyen sûr pour localiser l’ensemble des travaux déjà réalisés par nos prédécesseurs depuis 1926 et pouvoir réfléchir sur l’organisation du site à partir de données précises.

La citadelle

16 Sur la citadelle, trois chantiers principaux ont été ouverts, l’un au centre (chantier D), deux autres le long du fleuve (grande tranchée B, angle sud-est5). Ils ont montré que la raison de l’implantation de la ville à cet emplacement tient à la présence d’une butte rocheuse dominant le fleuve d’une douzaine de mètres de hauteur, d’où l’on pouvait contrôler la région et le passage du fleuve à la faveur de l’existence de la vaste île d’Aral Pay Gambar. La fondation grecque n’y était qu’un simple phrourion ou une colonie

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militaire, de dimension limitée certes, mais dont l’occupation était dense puisque les niveaux grecs dans les sondages profonds atteignent deux mètres d’épaisseur.

17 À l’époque kouchane, cet établissement primitif a été étendu vers l’est comme vers l’ouest. Il a été pourvu de solides fortifications et en son centre, s’élevait un édifice important : palais ou temple. Au milieu du Moyen Âge, Termez devient une puissante place forte. Les défenses de la citadelle sont considérablement renforcées, ainsi qu’on peut le constater dans le grand chantier ouvert à son angle sud-est, et une longue muraille de briques cuites, rythmée de bastions rectangulaires, a été édifiée le long du fleuve, englobant également le port et la ville basse qui s’étendait largement à l’est.

Tchingiz Tepe 1 et 2

18 Au nord de la citadelle, la colline de Tchingiz Tepe, qui forme une éminence allongée, perpendiculaire au fleuve, n’avait encore jamais été explorée6. Les trois campagnes qui lui ont été consacrées7 ont permis d’y dégager, en partie, une longue enceinte pourvue de tours quadrangulaires percées d’archères sagittales. Cette fortification couronne le sommet du Tchingiz Tepe selon une ligne est-ouest puis fait retour vers le sud, isolant le flanc méridional de la colline du reste de la ville. Au sommet, dans l’angle nord-est de la muraille, est apparue une plateforme de briques crues quadrangulaire, large de plus de 25 m et, à l’origine, ornée d’éléments architecturaux moulurés en pierre directement inspirés de modèles grecs, dont plusieurs fragments ont été découverts aux alentours. La plateforme et la murailles ont été établies directement sur le sol vierge et, sur la colline elle-même, aucune trace d’un quelconque établissement grec n’a pu être décelée jusque là. La zone n’a donc été intégrée dans le périmètre de la ville de Termez qu’à l’époque kouchane. À l’intérieur de l’enceinte, plusieurs bâtiments attendent d’être fouillés.

19 Entre cette colline et la citadelle, un édifice déjà partiellement fouillé, nommé Tchingiz Tepe 2 et conservé sur près de 5 m de haut, a été récemment l’objet de travaux nouveaux. Il est appuyé sur un rempart kouchan qui longe le fleuve mais sa nature n’a pu encore être déterminée. Il est probable que ce monument, d’époque kouchane, était lié à l’ensemble précédent. 20 Les découvertes faites aux Tchingiz Tepe 1 et 2, s’ajoutant à celle des grands monastères bouddhiques de , et Zurmala, confirment l’importance que la ville a acquise aux premiers siècles de notre ère au sein de l’empire kouchan, dont elle constituait sans aucun doute une des capitales.

Termez islamique

21 L’époque islamique, qui vit le développement remarquable de la ville, a naturellement fait l’objet de recherches nombreuses, dès les premières fouilles, dont certaines ont été publiées. On connaît ainsi à Termez un palais, un château, plusieurs murailles, des mosquées, le célèbre mausolée de Hakim al Termezi et de nombreuses maisons et installations artisanales. C’est pourquoi il était naturel qu’un programme particulier soit consacré à l’étude de la ville islamique.

22 Outre la fouille des puissantes fortifications de l’angle sud-est de la citadelle, ce sont deux nouveaux chantiers qui ont été ouverts, l’un dans le shahristan (ville), l’autre dans le rabad (faubourg), à proximité de ce qui semble avoir été le port. Le premier a été

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ouvert récemment8 mais laisse déjà espérer la présence d’un grand bâtiment. De plus, on y a découvert un lot important de céramiques entières. Le deuxième, ouvert en 2000, est destiné à étudier l’artisanat métallurgique qui paraît avoir été très actif à Termez9. D’abondants témoignages de cette activité y ont été retrouvés ainsi qu’un habitat présentant d’intéressantes installations balnéaires. Sur le plan historique, un fait apparaît clairement : l’occupation de la ville basse s’est brusquement interrompue avec la conquête mongole et la ville est restée à l’abandon à partir de cette catastrophe. 23 L’un des grands intérêts de ce programme d’étude sur l’époque islamique est constitué par la découverte en fouille d’une céramique abondante dont on ignorait presque tout jusqu’ici. Ce matériel nouveau10 nous montre que Termez était un grand centre de production de masse, mais qu’il pouvait aussi produire des œuvres de très grande qualité, rivalisant avec les grands centres iraniens. Ceci éclaire de manière remarquable les échanges de cette partie de l’Asie centrale, plus tournée vers le Khorassan que vers le monde des steppes au nord du Hissar. 24 À la lumière de ces diverses découvertes, l’histoire de cette région nous apparaît de manière de plus en plus précise11. Située à la jonction de la Bactriane et de la Sogdiane, pont naturel entre mondes sédentaires et monde de la steppe, point de passage du bouddhisme vers la Chine, cette province avait aussi sa personnalité propre. La Bactriane septentrionale, où Alexandre rencontra Roxane, fut aussi le berceau de l’empire kouchan. Elle prit plus tard le nom de Tokharestan au sein de la Transoxiane et les Muhtadjides de Tchaganian (Sourkhan Daria) jouèrent un rôle majeur dans l’empire samanide. Termez, la plus grande cité de la vallée de l’Amou Daria, dotée d’une flotte active et d’un artisanat industrieux et raffiné, devint une puissante capitale à l’égal de Bactres, de Boukhara ou de Samarcande. Ce qui lui valut sa fin tragique.

BIBLIOGRAPHIE

Leriche P., “Bilan des travaux de la MAFOUZ de Bactriane”, La Persia e l’Asia Centrale da Alessandro al X secolo, Rome, 1996, pp. 277-303.

Collectif, La Bactriane, de l’hellénisme au bouddhisme, Dossiers de l’Archéologie 211, mars 1996.

Collectif, La Bactriane, de Cyrus à Timour (Tamerlan), Dossiers de l’Archéologie 247, octobre 1999.

Leriche P., Pidaev Sh., Abdullaev K., Gentelle P., “Bilan de la campagne 1997 de la MAFOuz de Bactriane”, Bulletin of Asia Institute 11, 1997, pp. 17-52.

Sous presse

Pidaev Sh., “Mosquées de quartier de l’ancienne Termez”, Archéologie Islamique 10, 2000.

Leriche P., Pidaev Sh., Abdullaev K. éd., Termez et les villes de Bactriane-Tokharestan, Actes du Colloque International tenu en septembre 1997 à Termez. Parution prévue en 2001.

À paraître

Cahiers d’Asie centrale, 9 | 2001 217

Leriche P., Pidaev Sh., Abdullaev K., Gentelle P., Kervran M., “Bilan de la campagne 1999 de la MAFOuz de Bactriane”, Bulletin of Asia Institute, 1999.

Pidaev Sh., L’artisanat médiéval à Termez.

Leriche P., Pidaev Sh., Termez antique et médiévale.

NOTES

1. Par la DGRCST du Ministère français des Affaires Étrangères et l’Institut d’Archéologie de l’Académie des Sciences de l’Ouzbékistan, avec P. Leriche et T. Annaev puis Sh. Pidaev comme directeurs. 2. Réalisée par Pierre Gentelle, associé à Sebastian Stride, Sh. Pidaev et T. Annaev et un groupe de collaborateurs. 3. La fouille de ce site est conduite par K. Abdullaev. 4. A. Colin, S. Dumont et S. Peyrard. 5. Ces chantiers sont dirigés par Sh. Pidaev et P. Leriche assistés de Z. Khalikov et M. Gelin. 6. Bien que sa position et son altitude plus élevée que celle de la citadelle aient pu laisser supposer qu’elle avait été également le lieu d’une implantation grecque. 7. Sous la direction de S. Mustafakulov. 8. Par M. Kervran et D. Genequand. 9. Chantier dirigé par O. Papachristou et A. Ploquin. 10. Étudié par M. Kervran et J.-B. Houal. 11. Des analyses de laboratoire en cours au CRPAA de Bordeaux (F. Bechtel et P. Guibert) devraient prochainement nous apporter des datations précises sur les divers états architecturaux des fortifications fluviales.

INDEX

Mots-clés : fouilles archéologiques, expéditions archéologiques, Mission archéologique franco- ouzbèque de Bactriane, Ouzbékistan Keywords : excavations (archaeology), archaeological expeditions, Mission archéologique franco-ouzbèque de Bactriane, Uzbekistan

AUTEURS

PIERRE LERICHE

CNRS, Paris, France

ŠAKIR PIDAEV

Institut d’archéologie, Tachkent, Ouzbékistan

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La Mission Archéologique Française en Asie centrale

Henri-Paul Francfort

I. Fondation, fonction, situation administrative :

1 La Mission Archéologique Française en Asie centrale (MAFAC) a été créée par le Ministère des Affaires Étrangères après la clôture, en 1982, de la Délégation Archéologique Française en Afghanistan (DAFA), afin de soutenir les recherches en Asie centrale, tant qu’elles n’ont pas acquis la reconnaissance institutionnelle et l’autonomie qui leur permettent de devenir indépendantes. Son fondateur et premier directeur a été M. Jean-Claude Gardin, qui fut aussi le dernier directeur de la DAFA.

2 La MAFAC fédère depuis l’origine des opérations que rassemble, outre la région d’Asie centrale (ou Asie intérieure et Haute Asie), une problématique commune propre aux époques protohistorique et historique ancienne, et qui fait une large place aux questions des rapports entre les modes de vies (urbain/rural; sédentaire/nomade), le milieu (agriculture et irrigation/pastoralisme), et l’évolution de l’environnement (aridification, hydrographie). 3 Le projet, dès l’origine, a été de mettre en place des travaux de recherche de terrain en coopération avec les pays d’accueil, de procéder à des échanges de chercheurs entre les pays, de publier des ouvrages conjointement ou des traductions, de contribuer à la formation des chercheurs, tant français, sur le domaine centrasiatique, que centrasiatiques à des aspects spécifiques de l’archéologie et de la géo-archéologie. 4 La MAFAC, dont le statut français n’est pas différent de celui des autres missions archéologiques que le Ministère soutient à l’étranger, a négocié, avec l’appui du Département et en coordination avec les postes, des accords dans chacun des pays où se sont exercés et s’exercent ses activités. 5 L’option originelle d’éviter de lourds investissement en ne recréant pas un gros Institut archéologique à l’étranger en remplacement de la DAFA a néanmoins permis au début le transfert d’une base archéologique de Kaboul à New Delhi, pour servir d’appui aux

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travaux de terrain en Inde et de point d’accueil des chercheurs en formation ou en séjour d’étude sur place. Ainsi fut créée, en 1983 également, la Mission Archéologique Franco-Indienne (MAFI), dont la direction fut assurée par H.-P. Francfort de la fondation jusqu’à 1989, date de sa transformation en Centre de Sciences Humaines (CSH) avec une mission élargie, un statut relevant du service culturel de l’ambassade et une vocation plus indienne que centrasiatique. 6 Un principe de base de la stratégie de recherche de la MAFAC est de maintenir avec rigueur la cohérence scientifique sans concentrer son personnel et ses moyens dans un seul pays. Ses chercheurs travaillent le plus souvent dans plusieurs pays. Les conditions locales d’accès au terrain, parfois fluctuantes ont, en seize années d’activité, largement justifié cette option.

II. Bilan des activités 1983-2000

7 La MAFAC a été dirigée par J.-C. Gardin de 1983 à 1989, et depuis cette date par H.- P. Francfort (UMR 7041 du CNRS : Archéologies et Sciences de l’Antiquité, équipe : “Archéologie de l’Asie centrale : peuplement, milieux, techniques”).

8 La MAFAC, qui gère l’héritage des publications de la défunte DAFA, édite également sa propre collection de publications, les Mémoires de la Mission Archéologique Française en Asie centrale. La MAFAC est responsable de la publication (sous une forme ou sous une autre) des travaux effectués jadis en Afghanistan, du répertoire des pétroglyphes et des résultats des recherches effectuées en coopération. En seize années d’existence, la MAFAC a ainsi publié 16 volumes (voir annexe) avec les deux volumes d’actes de colloques franco-soviétiques sur l’Asie centrale publiés par le CNRS : colloque de Duchambé en 1982 et colloque d’Alma-Ata en 1987. 9 En Inde, outre la fondation de la MAFI (base de Delhi), la MAFAC a donné naissance à la Mission Archéologique Française en Haryana (dir. H.-P. Francfort) qui a fonctionné en collaboration avec l’Archaeological Survey of India (dir. J. P. Joshi, M. C. Joshi) de 1984 à 1988 sur le terrain, pour des prospections de surface et qui a cessé ses activités faute de pouvoir obtenir l’autorisation d’entreprendre une fouille. 10 Au Pakistan, les fouilles au Makran (dir R. Besenval) ont été effectuées sous l’égide de la MAFAC dans la phase de démarrage et de prospection (1989-1990). Depuis 1991, cette mission a progressivement acquis son autonomie dans le cadre d’une coopération franco-italienne sous la direction du Pr. Valeria Piacentini (Université du Saint Esprit de Milan), et depuis 1997 dans la Mission de l’Indus. 11 En Chine (Xinjiang), après les premiers contacts avec l’Institut d’Archéologie et du Patrimoine du Xinjiang (dir. Mu Shunying, Wang Binghua, Idriss Abdurasul) depuis 1981 (J.-C. Gardin, P. Gentelle), les reconnaissances initiales de terrain ont été effectuées sous la responsabilité de la MAFAC (1984-1990). Depuis 1991, date de mise en place des nouveaux accords et du début des premières fouilles dans la vallée de la Keriya, cette mission est autonome (dir. H.-P. Francfort puis C. Debaine-Francfort depuis 1995). 12 En ex-URSS, la coopération la plus ancienne a été établie (missions de J.-C. Gardin en 1979 et de H.-P. Francfort en 1980) dans le cadre d’accords avec le département d’archéologie de l’Académie des Sciences du Tadjikistan (N. Asimov, V. Ranov).

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13 Au Tadjikistan, après divers échanges, on a procédé en 1984 à l’ouverture du chantier de fouilles de (confié à R. Besenval). Cette opération, de même que les études de céramologie au Tadjikistan de B. Lyonnet, est restée dans le cadre de la MAFAC jusqu’en 1994. Aujourd’hui, la MAFAC travaille à l’étude et la publication de pétroglyphes du Tadjikistan. 14 Au Kazakhstan, les contacts remontent à 1987-1989 (H.-P. Francfort) et la signature d’un accord de coopération avec le département d’archéologie de l’Institut d’histoire (K. Baipakov), a permis que travaille de 1991 à 1993 une mission de fouille (Ornek) dirigée par R. Boucharlat (GREMO de la Maison de l’Orient Méditerranéen de Lyon) et O. Lecomte (Équipe du Village à l’État du CNRS), dans le sein de la MAFAC. En archéologie islamique, A. Northedge (Paris-I) a effectué plusieurs campagnes de terrain, et en géo-archéologie, B. Coque, dans le désert du Balkhash. Depuis 1993, l’étude des pétroglyphes a pris son essor et, depuis 1997, l’archéologie funéraire (fouilles de kourganes dans les Tianshan à Kyzyl-Bulak, et au Kazakhstan oriental à Maiemer et à Berel’ un kourgane gelé : voir ci-dessous). 15 En Sibérie du sud (Fédération de Russie, républiques de Khakassie, Touva, Altaï), après des échanges opérés depuis 1989, un programme de terrain d’étude des pétroglyphes (art rupestre) a démarré en 1991 (dir. H.-P. Francfort) et se poursuit toujours dans le cadre MAFAC (voir ci-dessous). Ce programme présente la particularité de n’être pas limité à un unique pays ni à un unique partenaire : en particulier il fonctionne au Kazakhstan sur le même accord de coopération que le précédent, et en Russie avec l’Université de Kémérovo et l’Institut d’Archéologie et d’Ethnographie de la Branche Sibérienne de l’Académie des Sciences de Novosibirsk. Et maintenant au Kirghizistan.

III. Art rupestre d’Asie centrale (pétroglyphes) :

16 La MAFAC a jusqu’ici étudié des sites d’art rupestre en Sibérie du sud (bassin de Minusinsk, Altaï) et au Kazakhstan (Alatau, Alatau Djoungare), en coopération avec des partenaires des pays concernés. Ce sont en Russie l’université de Kémérovo avec les professeurs Ja. A. Sher et A. Martynov et l’Institut d’Archéologie et d’Ethnographie de la branche sibérienne de l’Académie des sciences de Russie (Novosibirsk), avec le Pr. V. Molodin, les Dr. D. Cheremisin et V. Kubarev. Au Kazakhstan, l’Institut d’Archéologie de l’Académie des Sciences et le Ministère de la Recherche avec les Dr. Z. Samashev et A. Marjashev. Au Kirghizistan le Département d’Archéologie de l’Institut d’Histoire (Pr. K. Tashbaeva).

17 Le programme d’étude de l’art rupestre d’Asie centrale a été initié au début des années 1990 après que l’on eût constaté l’énorme intérêt de cette masse documentaire gigantesque, répartie sur une vaste zone, du Pamir à la Mongolie, et qui présentait des rapports évidents avec les gravures du Tibet, du Nord de l’Inde (Ladakh, Zanskar) et du Pakistan (Haut Indus). 18 Ce programme de recherches, subventionné par le CNRS et le MAE, ainsi que par les institutions centrasiatiques, a été patronné par le projet “Routes de la Soie”, puis par la Division du Patrimoine de l’Unesco, ainsi que par le CAR de l’ICOMOS. Aujourd’hui, le “Dialogue interculturel” de l’Unesco et l’Institute for Central Asian Studies de Samarcande ont officiellement intégré le programme d’art rupestre à leurs activités.

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19 Ce programme a déjà donné lieu à deux colloques internationaux. Le premier (organisé par H.-P. Francfort) s’est tenu en 1995 à Paris à l’Unesco, avec le soutien du CNRS, du MAE et de l’IFÉAC. Le second (organisé par Ja. A. Sher) a eu lieu en 1998 à Kémérovo (Russie) avec l’aide de l’Unesco. Le troisième se tiendra en septembre 2001 à Issyk-Kul (Kirghizistan), organisé par K. Tashbaeva sous l’égide de l’Unesco. 20 Depuis 1992, sept campagnes de terrain ont été accomplies dans le bassin de Minusinsk, dans l’Altaï, l’Alatau, l’Alatau Djoungare, la chaîne du Ferghana. 21 En plus de relevés détaillés des gravures rupestres, l’équipe a effectué des études plus spécialisées en collaboration avec P. Vidal du Laboratoire de Recherche des Monuments Historiques (Section Grottes Ornées), et avec le Groupe de Recherche sur les Milieux Extrêmes (F. Soleilhavoup). 22 Les sites principaux abordés ou étudiés sont pour le moment les suivants : 1. Bassin de Minusinsk : Oglakhty, Tepsej, Ust’-Tuba, Sukhanikha, Shalabolino; 2. Tuva : Bizhigtig-Khaja; 3. Altaï : Kalbak-Tash, Chaganka, Elangash; 4. Kazakhstan : Ters, Karasay, (Alatau), Eshkeolmes, Bajan-Zhurek (Alatau Djoungare), Maiemer (Kazakhstan oriental), Tamgaly, Dzharyk-Kuduk, Khantau (Semirech’e, région du lac Balkhash) ; 5. Kirghizistan : Sajmaly-Tash.

23 Les travaux accomplis varient du simple relevé photographique à la copie systématique sur film plastique des images. On s’est également préoccupé de mouler au silicone certains panneaux, soit pour leur intérêt (iconographie, techniques d’élaboration), soit parce qu’ils étaient en danger de destruction. Des observations très détaillées ont été effectuées sur les techniques d’élaboration des images : piquetage, gravure, études de formes inachevées etc. Par macro-photographie et prise d’empreintes. Des observations et relevés ont porté également sur les altérations des surfaces rocheuses : altérations physico-chimiques, biologiques, etc. Certaines de ces études sont déjà publiées et d’autres sont en cours.

24 Par ailleurs, ce programme a permis la publication de relevés d’archives de très importants sites d’art rupestre des falaises de l’Iénisséi, aujourd’hui détruits dans la zone du lac de retenue du barrage de Krasnojarsk. 25 Une série spéciale des Mémoires de la M.A.F.A.C., le “Répertoire des Pétroglyphes d’Asie centrale”, est consacrée à l’art rupestre. Cinq tomes sont déjà parus. D’autres sont en cours d’élaboration pour une publication dans un avenir très proche, consacrée à des sites de Russie, du Kazakhstan, du Tadjikistan. La série inclut des volumes élaborés par les chercheurs de l’Asie centrale, mais aussi d’autres pays. Ainsi, le prochain volume sera consacré à des sites de l’Altaï mongol, par D. Tseveedorj (Institut d’Archéologie d’Ulanbaatar, République de Mongolie), V. Kubarev (Institut d’Archéologie de Novosibirsk, Russie) et E. Jacobson (Université d’Oregon, États-Unis). 26 La prochaine génération des monographies de sites s’orientera vers un usage plus grand de l’informatique, tant pour ce qui concerne le catalogage, sous forme de bases de données, que pour l’élaboration des résultats par des méthodes statistiques et d’intelligence artificielle, ou pour l’organisation spatiale des données à l’aide de Systèmes d’Information Géographique.

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27 Les participants au programme ont toujours maintenu une conception pratique de l’informatique utilisée, considérant qu’il n’y avait pas lieu d’employer des appareils compliqués ou coûteux si les participants centrasiatiques n’étaient pas en mesure de les acquérir et de les utiliser sur un pied d’égalité. 28 Les pétroglyphes d’Asie centrale sont répandus par milliers sur toutes les montagnes et les pointements rocheux de la région. Ils offrent l’une des sources les plus abondantes et les plus utiles pour l’archéologie, en raison de leur abondance même, de leur large éventail chronologique et iconique, ainsi que de leur fixité. Aux côtés de l’archéologie funéraire, bien représentée, ils reflètent de nombreux aspects de l’art, de la religion et des coutumes des sociétés nomades de cette vaste zone steppique. 29 Ils s’étendent des époques les plus hautes du néolithique et même semble-t-il du paléolithique jusqu’à nos jours, en passant par les âges du Bronze, du Fer et du Moyen Âge. 30 Les pétroglyphes sont étroitement apparentés aux représentations sur les stèles de pierre des mêmes époques qui parsèment la steppe, liés aux structures funéraires contemporaines : dalles gravées de la culture d’Afanasevo, stèles sculptées de la culture d’Okunevo, pierres ornées “à cerfs” de l’époque scythe, dalles historiées des enclos funéraires d’époque Tagar, “balbals” anthropomorphiques turk. 31 La plupart des pétroglyphes appartiennent à un art animalier, mais leurs styles sont divers et incluent le célèbre “style animalier scytho-sibérien” : élan, cerf, maral, aurochs, cheval, sanglier, panthère, léopard des neiges, bouquetin, mouflon, chameau, ours, oie, aigle, grue, loup, chien, chevreuil, yak, etc. Qui sont figurés en proportions variables selon les fonctions, les lieux et les époques. 32 Des être humains apparaissent aussi, souvent dans de fascinantes compositions narratives : chasses à courre ou en battues, combats et duels à armes diverses, sexe, caravanes variées, danses, naissances, déplacements en char, en bateau, ou encore des scènes de la vie d’éleveurs ou d’adoration. 33 Des objets caractéristiques (realia) sont également représentés : armes, chars, bateaux, épées, habitations etc. 34 Les êtres imaginaires ne sont pas oubliés. On rencontre des personnages masqués ou de simples masques, des êtres cornus et d’autres emplumés dans des poses étranges qui évoquent les mondes chamaniques. Des monstres surgissent, cornus, dentés, écailleux, griffus, simples prédateurs ou véritables dragons. 35 L’étude des compositions complexes de certaines surfaces imagées, des relations spatiales et temporelles entre les figures, et notamment des superpositions ou recoupements de lignes incisées ou piquetées est une priorité. Il en va de même des images inachevées, des ébauches, des reprises, des rafraîchissements, ou des oblitérations, riches d’enseignements sur l’histoire de cet art. Les patines et les lichens sont également pris en compte. 36 Une interprétation générale d’un corpus de données aussi riche et polymorphe n’est pas encore possible en l’état actuel de la recherche, mais nous constatons qu’avec de grandes quantités de figures correctement enregistrées et traitées, nombre de nouveaux aspects historiques et esthétiques commencent à apparaître, tant pour les figures individuelles que pour les compositions ou même les ensembles régionaux.

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37 La compréhension archéologique et artistique n’est pas le seul but du programme. L’équipe est également impliquée dans les questions de conservation de ce riche patrimoine. 38 La destruction des sites s’accélère sous l’effet conjugué des facteurs climatiques, tectoniques et anthropiques. Ces derniers comprennent non seulement les grands travaux publics (routes, mines, barrages, etc.) Mais aussi la pollution, le tourisme sauvage etc. Le contrôle des conditions de température et d’hygrométrie, la prise en compte de la sismicité qui varient selon les lieux et le substrat minéral doivent être intégrés avant de mettre en œuvre la protection et la conservation des sites de pétroglyphes les plus remarquables. 39 C’est là le programme qui sera poursuivi dans les années prochaines.

IV. Berel’, fouille d’un kourgane gelé :

40 Entre 1998 et 1999, une équipe internationale composée de l’Institut d’Archéologie A. Kh. Margulan de la République du Kazakhstan, de la Mission Archéologique Française en Asie centrale et du Centro Studi Ricerche Ligabue, avec la participation d’une série d’institutions scientifiques sous la direction de Z. S. Samashev et H.-P. Francfort, réalisa une fouille de kourganes des anciens nomades de l’âge du fer à Berel’, dans la région de Katonkaragay sur le territoire de l’Altaï kazakhstanais.

41 L’un de ces kourganes, le n° 11, avait gardé une lentille de pergélisol (ang. permafrost, russe merzlota) conservant des vestiges organiques. Notre fouille est la plus récente d’une série d’excavations de kourganes gelés de Russie, dont les plus connus sont ceux de Pazyryk, Touekta, Bashadar, anciennement fouillés par le Musée de l’Ermitage, et ceux du plateau d’Ukok, étudiés par l’Institut d’Archéologie et d’Ethnographie de Novosibirsk au début des années 1990.

Technique de fouille

42 La fouille d’une tombe gelée et de la fosse aux chevaux (13 en tout) d’un kourgane comme le n° 11 de Berel’, est complexe, car il est inhabituel de mettre au jour des animaux et leur pelage, ainsi que des textiles et des pendeloques en bois, avec des contraintes de température qui empêchent que l’on prenne le temps de procéder aux dégagements lents normalement attendus en archéologie. Il fallut donc relever en place toutes les informations accessibles sur les objets et les chevaux, et découper ensuite soigneusement des blocs pour les entreposer dans un camion frigorifique loué à la capitale provinciale, et aller les ranger à -20°C dans une chambre froide spécialement importée de France à Almaty.

43 Dès janvier-février 2000, l’équipe se retrouva à Almaty pour procéder à la fouille en laboratoire des blocs, qui furent sortis l’un après l’autre de la chambre froide. Puis, après décongélation, ils furent étudiés et fouillés, face et dessous, par les zoologistes, biologistes, vétérinaires, ainsi que par les restaurateurs (J. Vasquez, C. Relier, K. Altynbekov).

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Analyses

44 Ce travail de fouille différée minutieuse et les analyses de laboratoire qui sont toujours en cours ont permis une collecte d’informations qui se révèle dès aujourd’hui exceptionnelle, à un stade encore très préliminaire. À ce jour, les 40 kg d’échantillons organiques prélevés sur les chevaux ont été répartis entre l’Institut de Pathologie du Cheval de Caen (AFSSA-Dozulé), l’Institut National de Recherche Agronomique et l’Ecole Nationale Vétérinaire de Maison Alfort, et d’autres sont dans des Instituts au Kazakhstan.

45 Comme rien n’est demeuré utilisable des chevaux découverts jadis dans les fouilles de l’Altaï russe, nous attendons beaucoup des analyses des organes prélevés, des contenus des viscères, du sang même, tant dans le domaine de la parasitologie que pour la virologie, la bactériologie et la génétique. Les chevaux, par exemple, proviennent-ils de troupeaux apparentés ou très différents ? Peuvent-ils être les chevaux d’alliés lointains ? Les anthropologues, biologistes, parasitologues et médecins légistes ont traité les échantillons provenant des corps humains, en une opération coordonnée par le Pr E. Crubézy, qui a lui-même fouillé le sarcophage.

Datation

46 Une date absolue a été définie de manière préliminaire pour le kourgane n° 11 : 294 avant J.-C.. La corrélation de ces données révèle la place du kourgane n° 11 de la nécropole de Berel’ parmi des monuments contemporains de l’Altaï : il est de 20 ans plus récent que les kourganes de Ak-Alakha 1, de Kuturguntas et de 20 ans plus ancien que Ak-Alakha 3.

Chronique de fouille et architecture du kourgane,stratigraphie :

47 La fosse sépulcrale se trouve au centre, sous le monticule du kourgane. Elle est orientée selon un axe ENE-OSO. Ses dimensions en haut sont de 4,9 m x 4,0 m et en bas de 4,3 m x 3,0 m.

48 Ce toit de la chambre se trouve à une profondeur de 3,5-4 m, par rapport au point zéro de référence situé à l’extérieur à la surface actuelle. La chambre est installée du côté sud de la fosse sépulcrale, tandis que du côté nord, prend place le dépôt des chevaux sacrifiés. Le toit de la chambre est fait de six grandes planches, disposées étroitement les unes contre les autres. Il est couvert de deux couches de plaques d’écorce de bouleau séparées par un bourrage serré de tiges et de branchettes. La chambre mesure 3,65 m x 2,15 m x 1,40 m. Construite en épaisses planches de bois, elle est composée de trois planches sur chaque côté. 49 Le sarcophage est installé le long de la paroi sud de la chambre, à une profondeur de 4,65 m par rapport au point zéro à la surface extérieure. Ce sarcophage, monoxyle, est creusé dans un gros tronc de mélèze. Il est muni à chacune de ses extrémités d’une paire de tenons de bardage arrondis et percés, comme à Pazyryk 1 et à Bashadar 2.

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Les corps et les analyses

50 Dans ce sarcophage, on avait inhumé un homme et une femme, la tête du côté est. L’homme était du côté sud en décubitus dorsal; sa tête, tournée à droite, reposait sur un oreiller en bois. Il portait une coiffure complexe en haute tresse émergeant d’une masse noire d’une espèce de mastic compact. On a découvert sur son squelette des restes de vêtements et des traces de fourrure. La sépulture de la femme, se trouve du côté nord du sarcophage. Elle avait été inhumée postérieurement à l’homme, dont le corps avait été repoussé vers le fond du sarcophage pour lui faire place.

51 Selon les résultats anthropologiques préliminaires, l’homme était âgé de 40-45 ans, avec des dimensions importantes pour le crâne. Sur le pariétal, on a noté une trépanation (diam. 70 mm), tentée après qu’il eût reçu un coup de pic de guerre sur la tête. L’analyse médico-légale préliminaire sur le caractère du traumatisme montre que l’on tenta probablement sans succès de soigner sa blessure. De nombreuses traces de découpe au couteau observées sur les os du squelette (sternum, clavicules, bassin, fémur etc.), de face et de dos, montrent qu’il a été éviscéré et décharné, sans doute pour être embaumé en recousant la peau sur un bourrage de végétaux (un fil de couture a été découvert), à l’instar des défunts de l’Altaï russe. La femme, selon les données anthropologiques préliminaires était plus âgée que l’homme (60-70 ans). 52 Au vu de ces pratiques funéraires, on ne peut que reconstituer un embaumement, usage courant dans l’aristocratie de ces populations et qui fait songer aux inhumations différées après le décès que narre Hérodote (IV, 64) dans un célèbre passage sur les funérailles des Scythes royaux, dont les corps embaumés faisaient pendant un an le tour des alliés avant d’être mis en terre. Il est donc probable que l’inhumation n’a pas eu lieu immédiatement après le décès. 53 L’analyse parasitologique des deux sujets a révélé la présence d’œufs d’Ankylostoma duodenale. Ils ont pu tout à fait contracter ce parasite de type tropical durant des voyages dans des foyers endémiques locaux, existant, aux périodes historiques comme aujourd’hui, vers la mer Caspienne ou la mer d’Aral.

La fosse des chevaux

54 Du côté nord à l’extérieur de la chambre, sous la protection des plaques d’écorce de bouleau, étaient inhumés treize chevaux.

55 La momification des cadavres des chevaux, qui possédaient une robe de couleur rousse, permet d’étudier en laboratoire leur pelage. En outre, ils avaient conservé des tissus mous et des contenus stomacaux. Les conditions uniques de conservation des chevaux de Berel’ ont permis de pratiquer une analyse palynologique du contenu de leur tube digestif et d’établir la saison de l’enterrement. 56 L’étude ostéométrique des chevaux découverts dans les kourganes n° 11 et n° 18, a permis de donner une caractérisation préliminaire des animaux qui se distinguaient peu de l’animal sain de la race locale.

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Géocryologie

57 Trouvailles surprenantes, les dépouilles momifiées des chevaux ont été conservées grâce au pergélisol formé localement sous le kourgane. On élabore actuellement un modèle de la formation et la préservation des divers types de gels en fonction de la position et du volume de pierres du kourgane par région. Les spécialistes arrivent à la conclusion que la structure poreuse de la masse de pierre et la matière même de la pierre (la morphologie argileuse des schistes et aleurites du paléozoïque inférieur), possédant une haute conductibilité, contribuaient à l’apparition saisonnière des conditions de congélation, à la migration dans le sol des couches gelées et à la constitution de lentilles gelées de faible puissance.

Arts et rapports avec l’empire achéménide

58 Ces rapports sont les plus nettement visibles dans les pièces des harnachements des chevaux.

59 Ces chevaux étaient harnachés et sellés, les têtes de trois d’entre eux étaient ornées de masques à cornes postiches en bois et cuir doré. La tête d’un autre portait un griffon en ronde-bosse à corps léonin et bec de rapace dérivé d’un type persépolitain (voir plus bas). 60 Le harnachement des chevaux se compose de mors en fer et d’ornements en bois, exécutés selon la tradition scythe du style animalier. Chaque cheval paraît avoir été harnaché selon une thématique iconographique homogène. Selle à prédation : l’une des selles était ornée d’applications représentant la scène de la prédation d’un herbivore (yak ?), par un griffon et un tigre. 61 Un rapide aperçu préliminaire des sujets et des images, d’après les objets du kourgane n° 11, montre qu’ils appartiennent entièrement à la variante altaïque du style animalier des Scythes : le griffon, les scènes de prédation du cerf par le félin carnassier, le mouflon, les élans et autres. 62 Cependant, à côté des ces traits caractéristiques des modèles connus de l’art de l’Altaï, on observe ici des éléments stylistiques moins répandus, notamment en rapport avec l’art achéménide, déjà bien attesté à Pazyryk. 63 D’autres objets de Berel’ attestent des rapports nets avec l’art achéménide, par leur thème ou leur style, comme le lion cornu, le griffon rapace à crinière rayonnante, le mouflon, le sphinx, le rinceau, le fleuron. 64 À plus de 2 000 km de la Bactriane et de la Sogdiane, il est remarquable de retrouver si nets les emprunts à l’art perse achéménide. Ceci est d’autant plus étonnant que la date de Berel’ est postérieure de quelques décennies à la chute de l’empire.

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INDEX

Mots-clés : fouilles archéologiques, expéditions archéologiques, Asie centrale Keywords : excavations (archaeology), archaeological expeditions, Central Asia

AUTEUR

HENRI-PAUL FRANCFORT

CNRS, Paris, France

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Kazakhstan – Habitat et modes de vie au Semirech’e dans l’Antiquité (Mission archéologique française en Asie centrale)

Rémy Boucharlat

1 Le thème de recherche intitulé “Habitat et modes de vie au Semirech’e (Kazakhstan) dans l’Antiquité” a été suscité par H.-P. Francfort, Directeur de la MAFAC, en concertation avec K. M. Bajpakov, Directeur de l’Institut d’archéologie du Kazakhstan. Ce programme conjoint franco-kazakh, soutenu par le CNRS et l’Académie des Sciences du Kazakhstan (l’Institut d’archéologie), s’inscrivait dans la continuité de coopérations antérieures dont un colloque sur les rapports entre nomades et sédentaires, organisé par ces deux responsables, venait d’être publié (Francfort 1990).

2 Depuis des décennies, archéologues et historiens de l’Asie centrale menaient des recherches sur ce thème, pour les périodes comprises entre celle des et le Haut Moyen Âge. Ils avaient obtenu des résultats importants par des prospections archéologiques et des fouilles1. 3 Ces dernières étaient principalement des nécropoles ou des tumuli isolés, beaucoup plus rarement des établissements de sédentaires ou semi-nomades, toujours de petites dimensions. Cette disproportion numérique entre les deux types de vestiges résultait parfois du choix des archéologues, pour lesquels le contenu de tombes était plus gratifiant que le pauvre mobilier d’un modeste habitat; mais cela est peut-être dû aussi au plus grand nombre de ces dernières, ou du moins à leur plus grande visibilité en surface. 4 L’appréciation de la réalité archéologique était bien l’un des objectifs du programme conjoint, qui exigeait donc au préalable un réexamen des données, à partir des cartes géographiques, géomorphologiques et archéologiques, des comptes-rendus de prospections mais aussi de nouvelles visites sur le terrain.

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5 Ensuite seulement, par une nouvelle analyse des données et les interprétations proposées, l’équipe conjointe devait s’attacher à une région, ou plutôt une micro- région, en sélectionnant des sites d’habitat – la fouille de tombes était exclue du programme. Ceux-ci devaient pouvoir être datés entre la période des nomades, dans le courant du Ier millénaire avant l’ère chrétienne, et celle de l’urbanisation qui est attribuée, d’après les régions du Syr Daria et du Semirech’e, aux premiers siècles de l’ère chrétienne; aux VIIe-VIIIe siècles ou même plus tard dans la région d’Almaty. 6 La première saison en 1991, destinée à constituer une équipe mixte de différents spécialistes, fut consacrée à une reconnaissance géo-archéologique générale dans le Semirech’e2. 7 La compréhension des choix d’implantation des installations, mais aussi des nécropoles, est capitale. Ces choix sont étroitement liés aux ressources en eau, mais aussi, nous en faisions l’hypothèse, aux ressources minières. Les produits de celles-ci, exploitées par des sédentaires ou semi-nomades, devaient avoir intéressé directement les populations nomades. 8 Notre choix s’est rapidement porté sur le Semirech’e occidental, délimité par le piémont des Tienshan au sud, les rivières Chou à l’est et Talas (Dzhambul) à l’ouest. Celle-ci en effet constituait un terrain favorable à plusieurs égards : 9 – un ensemble de paysages variés qui peuvent être complémentaires, montagnes et vallées, piémonts, steppes, déserts. Considérés ensemble, ces paysages formaient le cadre d’une étude régionale; 10 – une localisation très importante dans la géographie de l’Asie centrale. Cette région est sur une voie de pénétration des “invasions” nomades en route vers l’ouest. Elle est surtout une zone intermédiaire entre la vallée du Syr Darya, plus marquée que d’autres par l’influence sogdienne pour la fin de la période considérée, et la région d’Almaty, dans laquelle des traces de sédentarisation sont encore très tenues et celles de l’urbanisation relativement tardives (Talgar, à l’est d’Almaty, est daté du XIe siècle). 11 Quatre sites ont été sélectionnés dans la région de Logovoye/Kulan, à l’est de Dzhambul, sur lesquels devaient opérer de petites équipes basées au même endroit, formant ainsi le cadre d’échanges permanents3.

Les bâtiments quadrilobés et la première sédentarisation dans les premiers siècles de l’ère chrétienne

12 Pour la période ancienne, appelée Wusun à l’est de Dzhambul et Kangju à l’ouest, les deux sites choisis étaient semblables, mais permettaient la mise en œuvre de stratégies différentes ; en effet, l’un, Bokka était vierge de tous travaux, l’autre, Kzyl Kajnar Tobe, largement fouillé dans les années soixante. Tous deux appartiennent à une série caractérisée par une construction quadrilobée de 18 m de diamètre environ, entourée d’une enceinte quadrangulaire (33 à 40 m de côté) bordée à l’intérieur d’une rangée de salles. Ces petits établissements sont toujours localisés en plaine, près d’un cours d’eau et sont situés à 20-25 km les uns des autres. Ils correspondent bien à l’idée qui prévaut pour cette période des premiers siècles de l’ère chrétienne, celle de petites communautés d’agriculteurs-éleveurs.

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13 Les travaux menés en 1993 à Kzyl Kajnar Tobe (Boucharlat et Pornet 1998) et les résultats antérieurs, indiquent que ces établissements, datant probablement des IIIe-IVe siècles, sont les premières installations permanentes sur ces sites. En effet, les niveaux sous-jacents contiennent des vestiges anthropiques (foyers, céramiques), mais ils sont dépourvus de constructions. Leur fonction semble être celle de villages ou hameaux, bien protégés, voire fortifiés, comme l’indiquent les murs solides percés d’archères. Aucun élément n’est venu confirmer l’hypothèse parfois avancée de lieux de culte. Il est vrai que la construction quadrilobée, qui est en chaque cas un massif presque plein et non une sorte de donjon, reste à expliquer. 14 Dans l’ensemble de la région, nous n’avons pas repéré d’établissement plus important qui aurait pu jouer le rôle de centre politique. Si les vestiges des enceintes à construction quadrilobée marquent une première phase de sédentarisation, ils n’illustrent en rien une véritable urbanisation.

Örnek, un établissement qarakhânide complexe

15 Cet établissement de piémont, situé à 70 km à l’est de Dzhambul, avait déjà fait l’objet de fouilles (1956, 1977, 1982), qui avaient permis de fixer la date de l’occupation principale aux Xe-XIe siècles. Au pied des Tien Shan, Örnek est situé dans une bande fertile de 5 à 15 km de large, le long d’une voie de communication aisée est-ouest. Le site est délimité par deux cours d’eau, dont l’un est pérenne; les vestiges qui s’étalent sur près de 3 km de long datent principalement de l’époque qarakhânide, mais certains d’entre eux datent de l’époque moderne (XVIe-XIXe siècles). En revanche, la recherche de périodes d’occupation antérieures aux Qarakhânides, qui aurait pu correspondre par exemple à celle de Kzyl Kajnar Tobe et des autres établissements à construction quadrilobées, a été infructueuse.

16 Les travaux, dirigés par O. Lecomte, ont consisté en une prospection archéologique et un relevé d’ensemble par A. Northedge et M.-O. Rousset et une série de sondages répartis en différents secteurs de l’établissement (Northedge et Rousset 1995; Lecomte et Northedge 1998). 17 Örnek se caractérise (fig. 3) par une forteresse au nord, en aval, comprenant une enceinte de forme irrégulière de plus de 350 m de long contenant un tortkul, fort quadrangulaire de 155 x 158 m, une agglomération avec une zone densément occupée au sud du tortkul, mais à l’architecture peu repérable, une troisième zone plus étendue au sud avec des “fermes”, exploitant des terres agricoles irriguées par des canaux. 18 Les résultats des travaux de terrain et les sources anciennes, en particulier la description de Kul Shûb par Ibn Khordhadbih, permettent de reconstituer une établissement sédentaire en pays turk, situé en bordure d’une route commerciale majeure de Samarkand à la frontière chinoise, où l’agriculture irriguée joue un rôle important; il a pu également jouer le rôle de campement d’hiver de nomades pasteurs. L’établissement n’est pas fortifié et son tissu lâche tranche nettement avec celui des villes des vallées du Syr Darya et de l’Arys où la concentration est forte4. 19 L’ensemble de ces travaux très préliminaires rend compte d’instants dans le processus de sédentarisation dans une région limitée, processus qui n’est sans doute pas linéaire. Il illustre le passage de certains groupes nomades à la sédentarisation, pour des activités spécifiques, l’agriculture certainement, ainsi que les voies commerciales et

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sans doute des activités artisanales. En changeant de mode de vie, ces nouveaux sédentaires ne se coupent pas totalement de leurs « parents » nomades, qui ont besoin des premiers pour accéder à ces ressources.

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NOTES

1. Un rapide historique des recherches et des hypothèses sur la période préislamique a été donné récemment par Bajpakov 1998 : 13-17. Il est clair que pour la recherche, alors soviétique, l’opposition nomades-sédentaires était un concept dépassé depuis longtemps; il s’agissait bien d’étudier l’interaction nomades-sédentaires. 2. Les participants français étaient R. Boucharlat et O. Lecomte, archéologues, et B. Geyer, géomorphologue. 3. Pour l’ensemble des travaux, voir Bajpakov et al 1993. 4. Sur cette même période qarakhânide, A. Northedge a entrepris en 1995 une nouvelle étude du bâtiment fortifié d’Akyr tas, situé à l’est d’Örnek.

Cahiers d’Asie centrale, 9 | 2001 233

INDEX

Keywords : dwellings (Prehistoric), lifestyles, excavations (archaeology), archaeological expeditions, Semirech’e, Kazakhstan Mots-clés : habitat préhistorique, mode de vie, fouilles archéologiques, expéditions archéologiques, Semiretchie, Kazakhstan

AUTEUR

RÉMY BOUCHARLAT

Maison de l’Orient, Lyon, France

Cahiers d’Asie centrale, 9 | 2001 234

La Mission franco-kazakhe d’Akyrtash

Karl Bajpakov et Alastair Northedge

1 En 1996, la première campagne d’une mission conjointe franco-kazakhe a eu lieu afin de faire un relevé du site énigmatique d’Akyrtash, situé à 30 km à l’est de Dzhambul (de nouveau appelé Taraz), au sud du Kazakhstan. Karl Baipakov était directeur de la mission du côté kazakh, et Alastair Northedge (actuellement Université de Paris I) était responsable du groupe français. Olivier Jaubert et Christine-Anne Gaillard, architectes, étaient responsables du relevé du plan. En 1999, une équipe française a participé à un certain nombre de sondages, et en 1998 et 2000, l’équipe kazakhe a travaillé seule.

2 Akyrtash est situé sur la grande route ancienne et médiévale, qui partait de Dzhambul (Taraz médiéval) vers l’est en direction d’Almaty, du lac d’Issyk Kul, ainsi que, plus loin, d’Urumchi et de Turfan. Cette route suit la bande cultivée au pied du Tienshan, et était particulièrement appréciée à l’époque médiévale, car il y avait suffisamment d’eau pour permettre le passage d’armées de taille considérable, entre autres celle emmenée par Genghis Khan lors de sa célèbre invasion du monde musulman en 1219. Le tracé de la route est facile à suivre, et encore aujourd’hui utilisé par une piste nongoudronné. 3 Ibn Khurdadhbih (844/8861) nous donne la liste des étapes à l’est de Taraz, liste donnée également par Qudâma b. Ja‘far (8892) et al-Idrîsî (11543) :

Tableau 1. Étapes entre Taraz et Mîrkî

Ibn Khurdadhbih Tarâz Nushajân al- Kasrî B Kûl Gul Kûlân Bîrkî4 (844/886) Suflâ Shûb Shûb

Distances (farsakhs) 0 3 2 4 4 4 4

Qudâma b. Ja‘far Tarâz Nushajân al- Kasrî B Kûl (omis) Kûlân Bîrkî (889) Suflâ Shûb

Distances (farsakhs) 0 3 2 4 4 4

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al-Idrîsî (1154) Tarâz Barsakhân al- Kasrâbâs Kûl Jabal Kûlân Birk Suflâ5 Shûb Shûb

Distances (mîl) 0 9 6 12 12 15 15

Nom actuel Dzhambul Akyrtash Örnek Lugovoye Mîrkî

Distances6 (km) 0 40 30 48 40

4 Akyrtash doit probablement être identifié avec la deuxième étape après Taraz. Ibn Khurdadhbih donne le nom de Kasrî Bâs. Étant donné que les manuscrits médiévaux arabes mélangent souvent les noms étrangers inconnus, il est fort probable qu’il s’agisse du même nom qu’aujourd’hui, éventuellement sous une forme quelque peu différente. Baipakov a fouillé à l’ouest un site appartenant apparemment à une bourgade ou à un village, qu’il a identifié comme étant le site de l’étape de Barskhân al- Suflâ.

5 Le site d’Akyrtash est marqué par une colline isolée de roche sableuse rouge, situé à côté d’un cours d’eau sec, dans une steppe cultivée sans arbres appartenant actuellement à un ex-kolkhoze (fig. 1).

Fig. 1

6 Le bâtiment principal (fig. 2) est un rectangle de 142 m x 169 m, avec un socle en pierre rouge locale destiné à une élévation en pakhsa. Dans de nombreux endroits, même le socle de pierre a disparu, et seul un talus de terre à gravillons est conservé. Il est probable que les bâtisseurs de la voix ferrée adjacente aient pillé le site lors de sa construction en 1926. Le bâtiment est manifestement inachevé, en effet, quelques monticules de terre entourent l’édifice, probablement du matériel pour la construction, et presque aucun vestige d’occupation, ni cendres ni tessons de céramique, n’a été repéré. Les murs sont renforcés de contreforts, et les deux entrées principales sont

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situées au nord et au sud. Le plan interne est composé d’une cour centrale à portiques – côté sud on a creusé deux fossés destinés aux fondations du portique, mais ce dernier n’a jamais été installé. Au centre de la cour le sol vierge apparaît, non-affecté par le passage humain. À l’est et à l’ouest, se situent deux rangées extraordinaires de cinq iwans (A et D sur fig. 2). Au sud et au nord-est il y a trois appartements à cour centrale. Deux d’entre eux ont un plan à quatre iwans (C et E sur fig. 2), et le troisième un plan à trois iwans (secteur F). En quatrième position, à droite si on entre par le nord (B sur fig. 2), les appartements sont remplacés par une grande salle de 29,75 par 27 m. Cette salle semble être une mosquée. Aucune trace sûre d’un mihrab n’a été mise en évidence. Cependant une dépression dans le talus au centre du mur ouest aurait pu être l’emplacement d’un mihrab, et les quatre entrées suggèrent un accès public.

Fig. 2

7 Deux petites maisons se situent au sud du bâtiment principal, elles sont assez similaires aux maisons trouvées à Örnek. À l’est, la photographie aérienne a révélé un enclos polygonal (207 par 230 m) (fig. 1). Face à l’entrée nord du bâtiment, deux enclos supplémentaires sont séparés du bâtiment principal par une voie de 58 m de large : la route ancienne passait probablement par ici. Le premier enclos a des dimensions de 130 m x 182 m et le second de 150 m x 182 m. Au centre de chaque enclos, se trouve un bassin. Un certain nombre de petits édifices en terre crue sont rattachés au mur sud. Il est évident que ces enclos étaient destinés aux montures des occupants du bâtiment principal. 8 Au sommet de la colline et sur sa pente sud, trois carrières se remarquent, dont les célèbres supposés “abreuvoirs” qui donnent leur nom au site. Face aux deux grandes carrières, quelques vestiges d’édifices en terre crue représentent probablement les

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habitations des ouvriers des carrières. Encore plus à l’ouest, un petit fort carré a été sondé par Baipakov, mais sa datation reste incertaine. 9 Au nord de la colline, un four à briques se trouve à côté du wadi, et sur la pente nord de la colline, un certain nombre de “stries” pourraient être des traces de l’extraction d’argile pour la fabrication de briques cuites. 10 Le bâtiment principal est assez bien connu : le site fut remarqué dès 1869 par P. E. Lerkh. Le premier relevé du plan fut effectué pendant les années 1940, et le plan lui-même est publié dans de nombreux livres. Dans la première version du plan, on a supposé que le secteur B était également un appartement. Cette conclusion s’est avérée inexacte. Le nouveau plan précise le plan précédent et ajoute l’identification de contreforts ronds et rectangulaires, ainsi que celle de deux salles à coupoles dans les secteurs A et D. Plusieurs publications notent la ressemblance avec les châteaux umayyades de Syrie, dont le grand enclos de Qasr al-Hayr al-Sharqi, au nord-est de Palmyre, daté de 728, et fouillé par Oleg Grabar entre 1967 et 1969 (fig. 37).

Fig. 3

11 Étant donné qu’il n’existe pas d’autre moyen de datation que le plan, on a proposé de dater le site des VIIIe-IXe siècles, et de lui attribuer une fonction de caravansérail, au vu de sa situation géographique sur la grande route de l’Est. 12 En réalité, une fonction de caravansérail est exclue, à cause de l’inachèvement de l’édifice. Aucun cas de caravansérail inachevé n’est connu : les besoins commerciaux des marchands voyageurs conduisent les fondateurs des caravansérails à terminer leur travail. Par contre, les résidences princières restent souvent inachevées. La comparaison frappante avec les châteaux umayyades du Proche-Orient est significative. Le plan est d’origine étrangère au Kazakhstan, où les maisons sont normalement bien isolées contre le froid de l’hiver. Les iwans ouverts proviennent d’une région où le

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climat était différent, et ne sont pas adaptés à celles du Kazakhstan : peut-être est-ce la raison de l’inachèvement de l’édifice. On peut également remarquer que le plan ne correspond pas en réalité à celui des châteaux umayyades de Syrie, car l’emploi de l’iwan est rare au Levant. Il devait plutôt suivre un modèle inconnu provenant de l’Iraq, ou éventuellement de l’Iran. Une maison sassanide tardive de Ctésiphon fouillée en 1928 possède le même plan à trois iwans que le secteur F. En outre, comme nous l’avons montré dans une étude récente des résidences princières des débuts de l’islam8, l’existence des appartements des secteurs C, E, et F, est un signe clair qu’il s’agissait d’une résidence princière : d’autres édifices n’en avaient pas besoin. 13 Comment l’interpréter? Certains, comme Karev et Brentjes9, ont proposé que le complexe devait être attribué aux Arabes musulmans, qui l’auraient fondé à la suite de la victoire de l’armée musulmane sur les Chinois à la bataille de Talas en 751. 14 Pourtant, il est douteux qu’un Arabe ait voulu s’installer dans cette région, car l’environnement est très différent de celui du Proche-Orient. La région de Dzhambul- Taraz était un lieu de résidence préféré des nomades de la steppe kazakhe. Le khaqan des Turks occidentaux s’y serait installé au VIIe siècle. Il vaudrait mieux imaginer qu’un prince qarluq, impressionné par l’islam après la victoire de Talas en 751, ait eu envie de construire une résidence de style musulman. Mais, dû au plan peu pratique ou bien également à la mort du prince concerné, le palais est resté inachevé.

BIBLIOGRAPHIE

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GRABAR, O., HOLOD, R., KNUDSTAD, J., TROUSDALE, W., 1978, City in the Desert: Qasr al-Hayr East, 2 vols., Cambridge, Mass.

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QUDÂMA b. Ja‘far, Abû al-Faraj al-Kâtib al-Baghdâdî, Kitâb al-Kharâj, voir Ibn Khurdâdhbih, Kitâb al-Mamâlik wa-l Masâlik.

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NOTES

1. Ibn Khurdâdhbih, p. 28-29. 2. Qudâma, p. 205. 3. al-Idrîsî, p. 714. 4. ‘Bîrkî’ est évidemment la mauvaise lecture d’un copiste. 5. ‘Nushajân’ et ‘Barsakhân’ peuvent être confondus dans une écriture peu soignée, sans points. Barthold préfère Barskhân. 6. Distances approximatives d’après la carte 1 : 2 000 000. 7. Grabar et alii 1978. 8. Northedge 2000. 9. Bretjes 1989, Karev 1999.

INDEX

Mots-clés : fouilles archéologiques, expéditions archéologiques, Kazakhstan Keywords : excavations (archaeology), archaeological expeditions, Kazakhstan

AUTEURS

KARL BAJPAKOV

Institut d’archéologie, Almaty, Kazakhstan

ALASTAIR NORTHEDGE

CNRS, Paris, France

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La Mission Archéologique Franco- chinoise au Xinjiang (Chine)

Corinne Debaine-Francfort

1 Avant d’acquérir son autonomie, en 1991, la Mission Archéologique franco-chinoise (MAFCX, dir. H.-P. Francfort, puis C. Debaine-Francfort) était placée sous la responsabilité de la Mission Archéologique Française en Asie centrale (MAFAC, dir. J.- C. Gardin, puis H.-P. Francfort).

2 Sa création, en 1989, vint sceller dix années d’échanges incessants entre l’ex-UPR 315 du CNRS (“Archéologie de l’Asie centrale”, aujourd’hui UMR 7041) et l’Institut d’Archéologie et du Patrimoine du Xinjiang (IPAX, dir. Mu Shunying, Wang Binghua, puis A. Idriss), depuis les premiers contacts établis en 1979 (J.-C. Gardin, P. Gentelle). Elle marqua également le commencement d’une véritable recherche en commun avec une première prospection commune sur le terrain qui fut aussi une “première” en Chine (région de Hami, Xinjiang oriental). 3 L’objectif de cette coopération était de s’attacher à élucider les mécanismes des premiers peuplements de cette vaste région, surtout connue alors à travers ses vestiges d’époque historique, en les replaçant dans l’évolution du milieu naturel des glacis de piémonts, des vallées et des deltas asséchés et à saisir les liens de ses populations anciennes avec celles des régions avoisinantes. 4 En 1991, l’abrogation de la loi qui, depuis 1949, interdisait toute coopération archéologique entre la Chine et l’étranger, permit la mise en place d’un véritable accord trisannuel de coopération, le premier conclu entre la Chine et une institution étrangère. 5 Depuis lors, l’équipe, franco-chinoise, s’est regroupée autour d’un projet commun d’exploration de la vallée de la Keriya dans le Xinjiang méridional, une région prometteuse de découvertes, mais quasi-inexplorée. En plein cœur du désert de Taklamakan, cette rivière constituait autrefois une voie de communication nord-sud entre la région de Khotan, au Xinjiang méridional et les oasis du bassin du Tarim. Ses eaux se perdent aujourd’hui dans les sables. À l’ouest et au nord du cours actuel, dans une zone devenue totalement déserte, les vestiges d’une Keriya fossile sont nettement

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visibles sur les images satellitaires. Notre objectif : tester l’hypothèse de l’existence de peuplements anciens dans le désert, dans les deltas et le long des anciens cours aujourd’hui asséchés de la Keriya. 6 Quatre années d’exploration et de fouille (1991, 1993, 1994, 1996) nous ont effectivement permis de restituer une évolution des deltas successifs de la Keriya en au moins trois phases : • Première phase : Ier millénaire avant J.-C., protohistoire, âge du fer, le delta de Djoumboulak Koum. La végétation, après avoir survécu, perchée sur des cônes de racines, s’est desséchée à mesure que la nappe phréatique se retirait. Aujourd’hui les cônes sont détruits et les bois secs éparpillés : le désert règne. • Deuxième phase : époque Han-Jin, IIIe-IVe siècles, le delta de Karadong. Là, la végétation revêt de nos jours la forme de cônes à peupliers et à tamaris, morts ou encore verdoyants. La nappe est encore accessible aux racines : le désert s’installe. • Troisième phase : époque actuelle, le delta de Daheyan. Les peupliers et les tamaris sont bien vivants, les cônes ne sont pas formés. La nappe est présente très près de la surface du sol : le désert menace

7 Karadong, au cœur d’une oasis irriguée abandonnée vers la fin du IIIe siècle, recèle les vestiges d’une colonie agricole implantée autour d’un fortin découvert par Sven Hedin en 1898. Nous y avons découvert de nombreux autres vestiges : grandes fermes, édifices publics et religieux, zones d’activités artisanales. Trois campagnes de fouilles (1991, 93, 94) nous ont permis d’éclairer le fonctionnement de l’oasis, à travers son architecture domestique et ce qu’elle révèle de la vie quotidienne et des grands courants d’échanges de l’époque, également à travers ses deux sanctuaires bouddhiques. Sortis des sables à une année d’intervalle en 1993 et 1994 et datés par le radiocarbone de la 1re moitié du IIIe siècle, ces sanctuaires figurent, avec ceux de plus à l’est, parmi les plus anciens vestiges bouddhiques connus au Xinjiang et en Chine. Leur sauvetage, puis la reconstitution de leur architecture et de leur décor, vient combler un vide dans l’histoire du Bouddhisme ancien en Asie centrale et en Chine.

8 C’est plus avant dans le désert et dans un autre delta asséché de la Keriya, terra incognita aujourd’hui totalement désertifiée, que nous avons découvert, en 1994, la cité de Djoumboulak Koum et son oasis, première trace d’un peuplement antérieur à l’époque Han et unique site d’habitat connu au Xinjiang pour cette époque, le milieu du Ier millénaire avant J.-C. Il s’agit d’un établissement fortifié d’une dizaine d’hectares, dont la réalisation a manifestement mobilisé des moyens considérables. Intra muros, l’érosion a rongé la surface originelle du site, souvent difficile à restituer. Mais l’état de conservation des vestiges organiques est exceptionnelle. Des structures de stockage et de vastes habitations correspondant à au moins deux grandes phases d’occupation ont été identifiées. 9 Qui étaient les habitants de cette cité ? Des agro-pasteurs sédentaires, des tisserands et des métallurgistes. Bien avant l’époque Han, ils pratiquaient l’irrigation et cultivaient des céréales : millet, orge et blé. Ces découvertes renouvellent toutes les connaissances sur le peuplement de la région au Ier millénaire av. J.-C., souvent envisagé sous l’angle quasi-exclusif du nomadisme pastoral. Chèvre et mouton, bœuf, chameau, équidés (cheval, mule et âne), chien et coq étaient domestiqués. 10 Ouverts sur les régions voisines, les habitants de Djoumboulak Koum étaient aussi en contact avec des contrées plus lointaines. Population de type europoïde, ils étaient

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enterrés hors les murs, dans plusieurs cimetières. Les textiles conservés par la sécheresse ont permis de reconstituer leur costume. 11 Les prochaines campagnes auront pour objectif de retrouver les antécédents de leur civilisation, si possible à l’âge du bronze.

BIBLIOGRAPHIE

Debaine-Francfort C., A. Idriss et Wang Binghua, “Agriculture irriguée et art bouddhique ancien au cœur du Taklamakan (Karadong, Xinjiang, IIe-IVe siècles) ; Premiers résultats de l’Expédition franco-chinoise de la Keriya”, Arts Asiatiques, tome XLIX, 1994, pp. 34-52.

Debaine-Francfort C. et A. Idriss (eds), Keriya mémoires d’un fleuve, archéologie et civilisation des oasis du Taklamakan, Éditions Findakly, 2001.

INDEX

Mots-clés : fouilles archéologiques, expéditions archéologiques, Xinjiang Keywords : excavations (archaeology), archaeological expeditions, Sinkiang Uighur Autonomous Region

AUTEUR

CORINNE DEBAINE-FRANCFORT

CNRS, Paris, France

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Brève notice sur la coopération archéologique franco-tadjike

Roland Besenval

1 Les origines de la coopération archéologique franco-tadjike sont à rechercher dans les relations scientifiques et personnelles, informelles à l’époque, entre les chercheurs français et soviétiques travaillant dans les années 70 sur la rive gauche de l’Amou Darya, en Afghanistan. À cette époque, les missions afghano-soviétiques travaillaient en Bactriane centrale et occidentale et la Délégation Archéologique Française en Afghanistan (D.A.F.A.) en Bactriane orientale. La D.A.F.A. conduisait, sous la direction de Paul Bernard, les fouilles archéologiques du site hellénistique d’Aï Khanoum, au confluent de l’Amou Darya et de la Kokcha; parallèlement, une prospection en vue de la restitution de l’évolution du peuplement ancien de la plaine d’Aï Khanoum et de sa région, de l’Âge du Bronze jusqu’à l’Islam, était dirigée par J.-C. Gardin; enfin la fouille du site de Shortughaï, implantation la plus septentrionale actuellement connue de la Civilisation de l’Indus (2e moitié du IIIe millénaire av. J.-C.), fut menée par Henri-Paul Francfort.

2 Les relations scientifiques entre les archéologues soviétiques et français travaillant en Afghanistan étaient particulièrement enrichissantes de par la connaissance que les archéologues soviétiques avaient de l’archéologie de l’Asie centrale méridionale – à cette époque totalement inaccessible aux recherches étrangères – et celle que les archéologues français avaient des régions au Sud, l’Iran et le Pakistan. Des liens personnels et d’estime réciproque s’établirent lors de ces contacts. 3 La fermeture de l’Afghanistan, en décembre 1979, suite à l’intervention militaire soviétique, puis la fermeture de la D.A.F.A. par les autorités locales décida certains chercheurs de poursuivre dans un autre contexte ces relations scientifiques et personnelles, liées durant la décennie précédente. Les initiateurs de la mise en place de cette coopération furent, pour le CNRS, J.-C. Gardin et, pour l’Institut d’Archéologie de l’Académie des Sciences du Tadjikistan, V. Ranov. 4 La formalisation de ces relations scientifiques avec les archéologues travaillant en Asie centrale prit deux formes. La première fut celle de colloques bilatéraux franco-

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soviétiques sur l’archéologie de l’Asie centrale. Trois colloques furent ainsi tenus dans les années 80 : en 1982, à Dushanbé (Tadjikistan) avec pour thème “L’archéologie de la Bactriane ancienne1” ; en 1985 à Paris avec pour thème “L’Asie centrale et ses rapports avec les civilisations orientales, des origines à l’Âge du Fer2” ; enfin en 1987, à Alma-Ata (Kazakhstan) avec pour thème “Nomades et sédentaires en Asie centrale. Apports de l’archéologie et de l’ethnologie3”. 5 La seconde forme de coopération fut celle d’un échange régulier de chercheurs français et tadjiks, avec, pour la partie française, une participation aux travaux archéologiques de Sarazm, au Tadjikistan. Cette forme de coopération archéologique avait toujours été refusée durant toutes les décennies précédentes par les autorités soviétiques. Cet accord de coopération, le premier du genre en Union soviétique, fut donc signé directement entre l’Académie des Sciences du Tadjikistan (Institut d’Archéologie) et le CNRS (URA 10 et UPR 315) en 1985, pour la période 1985-1988. Il fut renouvelé en 1988 pour trois ans, puis en 1991 sous la signature de H.-P. Francfort pour la même durée4. 6 L’enjeu scientifique d’une telle participation peut se résumer de la façon suivante. Suite à la découverte de l’important peuplement de l’Âge du Bronze en Bactriane, le problème de son origine chalcolithique s’est rapidement posé. L’hypothèse d’une origine locale, ou du moins “afghane” (au Nord ou au Sud de l’Hindu-Kush) était privilégiée par les archéologues travaillant dans le secteur. Mais les sites de cette période restaient à découvrir. Une petite collection de tessons de céramique trouvée dans la plaine de Taluqan, en Bactriane orientale, et interprétée comme chalcolithique par B. Lyonnet5, ne réglait pas, à notre avis, définitivement la question. De plus, la situation en Afghanistan n’autorisait plus un retour sur le terrain. 7 Or, lors du colloque franco-soviétique de Dushanbé en 1982, la plupart des participants français découvrait avec surprise l’étonnant matériel protohistorique que trouvait depuis 1976 la mission archéologique tadjike dirigée par Abdullah Isakov à Sarazm, dans la vallée du Zerafshan (Nord du Tadjikistan), à une quinzaine de km à l’Ouest de Pendjikent6. L’assemblage céramique de ce site montrait sans conteste du matériel provenant non seulement de la Turkménie méridionale et du Nord de l’Iran mais également des régions au sud de l’Hindu-Kush (Balochistan par exemple) à la période chalcolithique. Le peuplement de Sarazm, que l’on pouvait comparer aux autres communautés agricoles connues pour cette époque sur le Plateau iranien, en Turkménie méridionale et dans le Balochistan, restait, et reste encore pour l’instant, la seule attestation de ce type dans cette partie de l’Asie centrale méridionale. 8 Dans le cadre de la Convention d’échange entre le CNRS et l’Académie des Sciences du Tadjikistan, une participation française à la mission tadjike fut négociée entre J.- C. Gardin, V. Ranov et A. Isakov. La direction de cette participation fut confiée à Henri- Paul Francfort et la coordination de terrain à Roland Besenval. Une mise en commun de techniques et de connaissances archéologiques différentes était donc la base de cette coopération. Celle-ci était essentiellement orientée vers une réévaluation du cadre chronologique exact de ce peuplement ancien ainsi que ses caractéristiques paléo- économiques et environnementales. La question de la « raison d’être » de ce peuplement apparemment isolé mais qui attestait des relations avec des régions fort éloignées était sous-jacente à notre problématique. 9 La participation française a consisté tout d’abord en l’ouverture d’un sondage (chantier VII) en vue d’obtenir des données dans un contexte stratigraphique sûr7. Lucia Pjankova, Michèle Casanova, Corinne Debaine-Francfort, Henri-Paul Francfort et

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Roland Besenval participèrent aux travaux du chantier VII. Parallèlement, l’étude céramologique pour l’ensemble des chantiers de Sarazm fut assurée par Bertille Lyonnet8, les analyses minéralogiques et archéo-métallurgiques par Fabien Cesbron9, l’étude archéo-zoologique (chantier VII) par Jean Desse10 et l’étude archéo-botanique par George Willcox11. Enfin, la séquence de datations radiocarbones fut établie par Michel Fontugne et l’étude des vases en pierre et du matériel en lapis-lazuli intégrée dans deux synthèses générales faites sur ces objets par Michèle Casanova. 10 Une synthèse des résultats obtenus à Sarazm fut présentée par les différents participants lors d’une Table Ronde franco-tadjike qui s’est tenue en 1994 à Pendjikent. La préparation du manuscrit pour publication est en voie d’achèvement, pour une parution prévue entre 2001 et 2002. 11 Le premier résultat important de cette coopération fut un réajustement de la datation de l’occupation du site. Nos collègues tadjiks proposaient une datation allant du milieu du IVe millénaire jusqu’au début du IIe millénaire. Après nos travaux stratigraphiques, l’étude du matériel céramique et l’établissement d’une séquence de dates radiocarbones, nous proposions une fourchette chronologique s’étendant approximativement du milieu du IVe millénaire au milieu du IIIe millénaire, voire au début de la 2e moitié du IIIe millénaire av. J.-C. ; la date de la fin de l’occupation du site, de par la destruction des couches supérieures par les labours, posant encore problème. En tout cas, l’occupation de Sarazm s’arrêtait donc avant le début du peuplement de l’Âge du Bronze en Bactriane, durant la seconde moitié du IIIe millénaire av. J.-C. 12 Si les résultats archéo-zoologiques et archéo-botaniques sont très proches de ceux obtenus pour les sociétés protohistoriques de la même époque, étudiées en Turkménie ou en Iran, la grande originalité de l’assemblage matériel de Sarazm porte sur deux points. 13 C’est tout d’abord la présence d’un matériel céramique non seulement exogène mais également présentant au moins deux régions de provenance fort éloignées l’une de l’autre, la Turkménie méridionale et le Nord de l’Iran d’un côté, le Balochistan de l’autre. 14 La seconde caractéristique des découvertes de Sarazm est la richesse, pour la période concernée, en minéraux (matières premières, déchets de taille de pierres semi- précieuses et objets finis), en minerais et en métaux (scories, lingots et objets). Outre le cuivre, le plomb, trouvé sous forme de minerais, de lingots et d’objets, semble avoir eu une importance particulière. Une des très rares tombes découvertes par nos collègues tadjiks à Sarazm, dans le chantier IV, tombe dite de la “Dame de Sarazm”, a fourni une collection d’objets unique pour l’Asie centrale protohistorique de la fin du IVe millénaire : collier en or composé de perles bi-tronconiques massives, gobelet et perles en argent, colliers en lapis-lazuli, turquoise, cornaline, stéatite chauffée, miroir en cuivre, figurines en terre cuite… Une paire de larges bracelets, en coquillage provenant de l’Océan indien, se trouvait aux poignets de l’inhumée ; un exemplaire tout à fait identique a été trouvé récemment sur le site de Shahi-Tump, au Balochistan méridional. D’autres coquillages trouvés à Sarazm (Engina mendicaria) souligne encore ces relations avec le Sud. 15 Une partie de ce matériel est exposée au Musée Rudaki de Pendjikent, le reste le sera dans le Musée des Antiquités du Tadjikistan à Dushanbé.

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16 La richesse des découvertes de Sarazm nous a conduit à nous tourner vers l’arrière- pays, le Haut-Zerafshan, pour évaluer le potentiel minéral qu’il représentait pour le peuplement protohistorique de Sarazm. Une prospection des ressources minérales et des mines anciennes de la région a donc été effectuée entre 1992 et 1995, dans le cadre d’une collaboration entre l’équipe archéologique franco-tadjike de Sarazm, l’Université d’Orléans (Fabien Cesbron) et la Base de prospection géologique et minière du Haut- Zerafshan (Dr Evgenij Gorshkov). En France, les analyses et déterminations furent effectuées à l’Université d’Orléans, et à Paris, au Laboratoire de Minéralogie- Cristallographie de l’Université P. et M. Curie. 17 À l’exception du lapis-lazuli, dont les gisements se trouvent au Badakhshan, les résultats de ces recherches ont montré la totale correspondance entre les découvertes minérales faites dans les fouilles du site de Sarazm et le potentiel disponible à proximité, dans les chaînes montagneuses définissant la vallée du Zerafshan (chaînes du Turkestan, du Zerafshan et du Hissar), voire au nord, dans le Ferghana. 18 Parallèlement à une économie agricole, l’importance, la richesse et le caractère “composite et cosmopolite” de la culture matérielle protohistorique de Sarazm pourraient donc être liés à l’exploitation de l’environnement minéral particulièrement privilégié des chaînes montagneuses du Turkestan et du Zerafshan, ainsi que de la région du Haut-Zerafshan. 19 Une fonction minière importante de cette région, fonction qu’elle a toujours d’ailleurs – une importante mine d’or, Taror, est en cours d’exploitation à l’Est de Sarazm – et sa participation dans l’approvisionnement en matériaux des communautés protohistoriques de l’Asie centrale aux IVe et IIIe millénaires av. J.-C. justifieraient alors pourquoi Sarazm, malgré sa position excentrée, entretenait des relations à grandes distances avec certains grands foyers de peuplement protohistorique de l’époque. Il faut rappeler que le caractère exogène d’une partie du corpus céramique découvert à Sarazm reste un exemple unique dans la protohistoire de l’Asie centrale et des confins indo-iraniens.

La réorientation de la coopération archéologique franco-tadjike en 1998

20 L’indépendance de la République du Tadjikistan en 1991 n’améliora pas les moyens de travail déjà particulièrement modestes de nos collègues tadjiks. Le décès, en juillet 1997, de notre ami Abdullah Isakov, directeur de la mission de Sarazm, le départ du Tadjikistan d’un nombre important d’archéologues de l’Institut d’Histoire et d’Archéologie, la guerre civile qui sévissait dans une partie du pays, nous amenèrent à modifier en 1998, d’un commun accord, les orientations de notre coopération, dont la direction, pour la partie française, était assurée par Roland Besenval. Le directeur de l’Institut d’Histoire et d’Archéologie, Rahim Massov, nomma, comme successeur d’Abdullah Isakov (†), Abduraouf Razzokov, dorénavant responsable archéologique de la région Nord-Tadjikistan, donc de Sarazm. La poursuite du programme d’échanges de chercheurs était plus que jamais souhaitée.

21 La première urgence pour le site de Sarazm était le regroupement, l’inventaire, l’étude et la publication des collections archéologiques, qui étaient dispersées et hors contrôle suite au décès du directeur de la mission. Des locaux vides furent obtenus et aménagés

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par la mission franco-tadjike dans le bâtiment de la municipalité de Pendjikent et les collections y ont depuis été déposées, classées et enregistrées. Ce matériel, en grande partie inédit, provenant pour la plupart des fouilles anciennes conduites par la mission tadjike, est maintenant accessible pour l’étude et la publication. 22 En septembre 2000, le terrain du site de Sarazm a définitivement été acquis par le gouvernement tadjik et sa protection, face à la progression des cultures, est maintenant juridiquement possible. 23 Le second souhait des autorités archéologiques tadjikes est une coopération pour la mise en valeur muséographique du patrimoine archéologique. Le musée Rudaki de Pendjikent, régulièrement visité par les touristes étrangers à partir de Samarkand, nécessiterait une importante refonte, en particulier celle de la salle des découvertes de Sarazm. 24 Durant l’été 2000, la construction du bâtiment du futur musée des Antiquités du Tadjikistan, à Dushanbé, s’est achevée. L’aménagement intérieur reste à faire. Des collections et objets archéologiques de nombreux sites du Tadjikistan y sont actuellement regroupés par le nouveau directeur, Saidmurad Bobomulloev. Les collections exhumées des réserves, pour la première fois, sont exceptionnelles. Ce sont, par exemple, les collections islamiques anciennes du site de Khulbuk, capitale du Tokharestan aux Xe-XIe siècles, également en provenance de la ville sogdienne de Shahrestan, dans le Nord du Tadjikistan, un étonnant tympan en bois daté de la fin de cette époque, VIe-VIIe s., et présentant de nombreuses scènes du Shah-Nameh; des peintures murales de l’ancienne Pendjikent. Une partie du matériel de Sarazm sera également exposée. C’est donc une collection unique d’objets, pour la plupart peu connus ou inédits, qui est en train de resurgir des réserves archéologiques du pays. Mais la majeure partie de ces objets nécessite une importante restauration ainsi qu’une étude pour publication par des spécialistes des périodes concernées. Un catalogue des collections du musée sera un des produits de ces travaux. 25 La gestion de certaines opérations et la recherche en commun des moyens financiers (mécénat) sont d’ores et déjà l’objet de notre coopération. En septembre 2000, une opération financée par une ONG française travaillant au Tadjikistan (ACTED) a permis la restauration, dans une des salles du musée, du “Bouddha entrant dans le Nirvana”, bouddha couché de plus de 12 m de long, provenant des fouilles du monastère d’Adjina Tepa, (VIIe-VIIIe s.), au Tadjikistan du sud. 26 Enfin, de par la présence à Paris du siège de l’Unesco, où le Tadjikistan n’a pas de représentation permanente, et de nos séjours réguliers dans le pays, la mission française a débuté un rôle modeste d’intermédiaire entre Paris et Dushanbé au sujet du problème de l’inscription d’un certain nombre de sites archéologiques et monumentaux du Tadjikistan sur la liste du Patrimoine Mondiale de l’Unesco. Quatre sites ont été sélectionnés pour une demande d’inscription en 2001 et 2002. 27 Le financement de la Mission Archéologique Française au Tadjikistan est assuré par la DRI du CNRS et par le Ministère des Affaires Étrangères.

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Cahiers d’Asie centrale, 9 | 2001 249

NOTES

1. Gardin (Ed.) 1985. 2. Gardin (Ed.) 1988. 3. Francfort (Textes réunis par) 1990. 4. Gardin; Ranov 1990. 5. Lyonnet 1981. 6. Isakov 1985. 7. Besenval 1987; Besenval, Isakov 1989. 8. Isakov, Lyonnet 1988; Lyonnet (avec la collaboration de A. Isakov) 1996. 9. Cesbron (à paraître). 10. Desse (à paraître). 11. Willcox (à paraître).

INDEX

Mots-clés : fouilles archéologiques, expéditions archéologiques, Tadjikistan Keywords : excavations (archaeology), archaeological expeditions, Tajikistan

AUTEUR

ROLAND BESENVAL

CNRS, Paris, France

Cahiers d’Asie centrale, 9 | 2001 250

Un projet avorté de recherches archéologiques au Tadjikistan méridional

Bertille Lyonnet

1 Au cours des années 70, alors que les fouilles de la cité hellénistique d’Aï Khanoum battaient leur plein sur la rive gauche de l’Amou Darya/Darya-i Panj (Afghanistan), sous la direction de P. Bernard, une grande prospection avait cours tout autour, dans la partie orientale de la Bactriane, sous la direction de J.-C. Gardin, laquelle visait à intégrer la ville d’Aï Khanoum dans son contexte rural et urbain environnant. Un très important réseau d’irrigation datant de l’époque grecque y fut mis au jour, permettant d’expliquer une densité de villages et d’établissements qui ne fut jamais égalée au cours de l’histoire dans cette région. Mais cette prospection fut aussi l’occasion de découvrir des sites datant de la fin du Chalcolithique et de l’Âge du Bronze, dans la plaine de Taluqan (sites datés entre ca. 3500 et 2500 av. n. è.) et dans celle d’Aï Khanoum (sites localisés autour de Shortughaï, datés entre ca. 2300 et 1600 av. n. è.), dont l’existence avait été totalement ignorée jusque-là.

2 Cette occupation ancienne était d’autant plus intéressante qu’elle était culturellement liée non pas à l’Asie centrale occidentale (piémont du Kopet Dagh, Margiane, région de Bactres), comme la géographie aurait pu le laisser supposer, mais au monde indo- baluche (cultures précédant la Civilisation de l’Indus et Civilisation de l’Indus elle- même) et que des systèmes d’irrigation y étaient déjà associés. 3 La fermeture de l’Afghanistan nous conduisit de l’autre côté de la frontière, au Tadjikistan, où le site de Sarazm offrait un certain nombre de parallèles avec les établissements de Taluqan. Les découvertes faites au cours des fouilles et l’étonnante diversité du matériel céramique permettaient d’attribuer au site une fonction commerciale de grande envergure. 4 Afin de mieux comprendre la raison de l’implantation harappéenne dans la région de Shortughaï (implantation de type coloniale limitée ou véritable peuplement originel), il

Cahiers d’Asie centrale, 9 | 2001 251

apparaissait nécessaire de faire des recherches intensives sur la rive droite de l’Amou Darya, dans les vallées du Kafirnigan, du Wakhsh et du Qizil Su. 5 En 1991, le Ministère des Affaires Étrangères français nous permit de mettre sur pied une mission centrée sur les régions du Tadjikistan méridional et une première campagne prospective eut lieu dans cette région en 1990, en collaboration avec les membres de l’Institut d’Histoire Donish de Dushanbe et en particulier L. T. P’jankova, E. Guljamova et V. S. Solov’ev. La suite des événements et l’intensité de la guerre civile dans cette partie du territoire du Tadjikistan n’ont malheureusement pas permis de mener ce projet à son terme, mais un certain nombre de résultats ont cependant été acquis, qui seront publiés sous peu. 6 Bien que les travaux d’aménagements agricoles de l’époque soviétique aient profondément bouleversé le paysage ancien (buttes de la plupart des sites et des canaux d’irrigation arasées au bulldozer), nous avons pu, en effet, retrouver des vestiges anciens de peuplement dans les vallées du Wakhsh et du Qizil Su. 7 Dans la partie N.E. du Wakhsh, une butte témoin d’un très grand canal d’irrigation, où de multiples couches successives de sable étaient visibles sur plusieurs mètres de haut sans que le sol vierge n’ait été atteint, a été inspectée. Elle était tout à fait comparable aux canaux les plus anciens repérés dans la plaine d’Aï Khanoum, et laissait supposer que l’irrigation de la plaine pouvait remonter à une période bien antérieure à celle que proposaient nos collègues du Tadjikistan jusqu’alors. Une fouille de cette butte était prévue avec V. S. Solov’ev pour tenter de le démontrer. Par ailleurs, quelques tessons de céramique et une pierre ansée vus dans le musée d’une école de village dans la plaine confirmaient que des recherches approfondies pouvaient nous permettre de retrouver des traces de peuplement remontant peut-être jusqu’au Chalcolithique. 8 Dans la vallée du Qizil Su, des trouvailles également fortuites provenant d’un cimetière endommagé lors de travaux d’aménagement, en particulier celle d’une maquette de maison en terre cuite, démontrent elles aussi que l’occupation de cette zone est partiellement contemporaine de celle de Shortughaï et remonte au moins au début du IIe millénaire. Mais nos recherches ont été insuffisantes pour savoir s’il s’agissait de vestiges d’un peuplement de sédentaires agriculteurs connaissant l’irrigation, ou plutôt de ceux d’éleveurs plus ou moins semi-nomades, tels que ceux de la culture du Wakhsh mis au jour par nos collègues du Tadjikistan depuis longtemps. 9 Cette Mission française au Tadjikistan méridional n’eut pas de suite. Depuis que la situation politique est devenue plus favorable, notre collègue allemand T. Goetzel a fait une courte reconnaissance dans le Qizil Su. Les recherches mériteraient certainement d’être reprises dans les trois vallées.

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Cahiers d’Asie centrale, 9 | 2001 252

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INDEX

Mots-clés : fouilles archéologiques, expéditions archéologiques, Tadjikistan Keywords : excavations (archaeology), archaeological expeditions, Tajikistan

AUTEUR

BERTILLE LYONNET

CNRS, Paris, France

Cahiers d’Asie centrale, 9 | 2001 253

Activités archéologiques françaises au Turkménistan

Olivier Lecomte

1 Créée en 1994, la Mission archéologique Franco-Turkmène constitue la poursuite logique des recherches menées par Jean Deshayes en Iran du nord-est de 1959 à sa mort, en 1979.

Le nord-est iranien et l’Asie centrale méridionale

2 Le site de Tureng tepe dans la plaine de Gorgân, dont il dirigea les fouilles jusqu’à la révolution islamique partageait en effet, dès ses niveaux de l’Âge du Bronze, une partie de ses traits culturels avec l’horizon centre-asiatique. Révélée par les fouilles soviétiques entreprises dans les années vingt, puis dans le cadre de “l’Expédition Pluridisciplinaire en Turkménie Méridionale” (YOUTAKE), à partir de 1946, l’archéologie de cette région connut un regain d’intérêt lors de la découverte, au début des années soixante-dix, d’assemblages culturels inconnus jusqu’alors et issus du pillage de sépultures d’Afghanistan septentrional.

3 Les parallèles que l’on pouvait établir entre certains éléments de cette culture matérielle et celle de la plaine de Gorgân contribuèrent alors à renforcer la conception, qui se faisait jour, du rôle fondamental joué par cette plaine dans les relations entre le plateau iranien et l’Asie centrale1. Même si l’expression matérielle de ces cultures de l’Âge du Bronze différait sensiblement2 selon les régions, on n’en constatait pas moins l’existence d’une réelle communauté idéologique entre le nord-est iranien et la Bactriane-Margiane aux IIIe-IIe millénaires. Certains objets, comme les colonnettes à gouge et les sceptres en pierre, recueillis le plus souvent dans un contexte religieux où funéraire, fournissaient de fait l’illustration de croyances communes. De plus, la présence, dans le sud de l’Asie centrale, de structures architecturales communes, comme les terrasses hautes (à Tureng tepe et Altyn depe, notamment) à usage cultuel, alliée à l’émergence et au développement d’une remarquable civilisation urbaine, la

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civilisation de l’Oxus, démontraient une évolution parallèle de l’Iran du nord-est et du Turkménistan méridional. 4 Cependant, une région du sud-ouest du Turkménistan demeurait relativement inexplorée, celle qui prolonge au nord la plaine de Gorgân, au-delà du fleuve Atrek : la plaine de Misrian, connue également aux périodes historiques sous le nom de Dehistan. C’est précisément cette région qui aurait pu jouer le rôle de zone de contact entre les cultures à céramique grise lissée de la plaine de Gorgân3 et celles à céramique peinte du piémont oriental du Kopet Dagh4. Des recherches y avaient été conduites dès la fin des années vingt par A. A. Marushtchenko et M. E. Masson, puis par V. M. Masson dans les années cinquante, dans le cadre de la YOUTAKE. Une ébauche de carte archéologique en avait ensuite été réalisée sous la direction de G. N. Lisistsyna et E. E. Atagarryew, qui consacra par la suite trente ans à l’étude des vestiges islamiques de la plaine de Misrian. 5 C’est donc très naturellement que la Mission archéologique franco-turkmène se fixa pour but l’exploration géo-archéologique du Dehistan. Un contrat de coopération d’une durée de quatre ans (1994-19975) fut signé pour ce faire, entre l’Institut d’Histoire Batyrow de l’Académie des Sciences du Turkménistan et l’UPR 9032 (aujourd’hui intégrée à l’UMR 7041) du CNRS.

L’Âge du Fer au Turkménistan

6 Il ressortait des travaux antérieurs qu’aucune occupation de l’Âge du Bronze n’était attestée au Dehistan et que d’éventuels contacts entre la plaine de Gorgân et le piémont septentrional du Kopet Dagh (Atak) n’avaient pu se produire qu’en franchissant la vallée de la Sumbar, affluent de rive droite de l’Atrek6.

7 L’occupation la plus ancienne que l’on ait reconnue dans la plaine de Misrian date du début de l’Âge du Fer. Connue sous l’appellation de Dehistan archaïque ([XIVe-]XIIIe-VIe s. av. J.-C.), elle constitue, avec celle de Yaz, l’une des cultures majeures de cette période au Turkménistan. Le complexe du Dehistan archaïque est limité aux plaines de Misrian et de Gorgân, où il a été reconnu dans les niveaux de l’Âge du Fer à Tureng tepe (TT IVA). Les assemblages qui le caractérisent, à forte proportion de céramique grise, résultent très vraisemblablement de l’évolution des céramiques grises lissées de l’Âge du Bronze d’Iran du nord-est. Le passage de l’Âge du Bronze de la plaine de Gorgân à l’Âge du Fer du Dehistan est sans doute à rechercher (et à éclaircir) dans la vallée de la Sumbar où des sites et des cimetières fouillés par les archéologues soviétiques (sous la direction d’I. N. Khlopine), présentent un matériel céramique de transition, partiellement contemporain de la phase post-urbaine de la civilisation de l’Oxus. 8 La culture de Yaz I (1450-1100 av. J.-C.), quant à elle, appartient au vaste ensemble des cultures à céramique façonnée peinte, attesté du Xinjiang à la Bactriane-Margiane et du sud de l’Hindou Koush au Ferghana et à la région de Tachkent, entre 1500 et 400 av. J.- C. Elle semble résulter d’un processus complexe mettant en cause de profondes transformations de la civilisation de l’Oxus et des mouvements probables de populations des steppes, sans doute du groupe Andronovo. Elle recouvre approximativement la zone que caractérisait, à l’est d’Ashgabat, la céramique peinte de type Namazga à l’Âge du Bronze, le site éponyme, Yaz depe, étant localisé dans le delta du Murghab.

Cahiers d’Asie centrale, 9 | 2001 255

Le Dehistan

Les conditions géographiques

9 À la différence de la plaine de Gorgân, dont la fertilité s’explique par la proximité de l’Elbourz, par les cours d’eau qui en descendent pour rejoindre la rivière Gorgân, ainsi que par des précipitations régulières, le Dehistan est une zone au climat semi-aride, une plaine alluviale où aucune pratique agricole n’était possible sans le recours à l’irrigation, malgré la présence de l’Atrek.

10 Limitée au sud par ce fleuve, au nord par l’Ouzboï, lit épisodique fossile de l’Amou Darya, à l’est par le Kopet Dagh et à l’ouest par le rivage de la mer Caspienne, la situation géographique particulière de la plaine de Misrian en fait une sorte de cul-de- sac condamné au nord par la frange sud-ouest du désert du Kara Koum.

Le peuplement de la plaine

Au Dehistan archaïque

11 Dès son occupation la plus ancienne, à l’Âge du Fer, l’économie du Dehistan est indissociable d’un réseau d’irrigation rapidement mis en place à partir de l’Atrek7. Dans son état actuel8, son canal principal est long de près de cent trente kilomètres, large de huit à dix mètres et profond de trois à quatre mètres; il se dirige vers l’ancien rivage de la Caspienne au nord-ouest. Deux dérivations principales s’en éloignent vers le sud- ouest, les canaux de Bengouvan et d’Akhour. C’est le long de ces derniers que se trouvent concentrés les sites du Dehistan archaïque, sur une distance de vingt à trente kilomètres, dans la partie sud de la plaine de Misrian.

12 Trente sites du Dehistan archaïque ont été répertoriés. Trois d’entre eux se distinguent des autres par leur ampleur : Tangsykyl’dja, Madau Depe et Izat Kuli, dont la superficie varie de cent trente à deux cent vingt hectares. Tous trois comportent une vaste citadelle9 protégée par des tours et établie sur une plateforme en brique crue ou en pisé. Des “manoirs” fortifiés se répartissent alentour la surface restante, le long de canaux d’irrigation de troisième ordre. Aucun site du Dehistan archaïque n’est pourvu de mur d’enceinte ni, a posteriori, de réseau viaire. Il ne s’agit donc pas de villes stricto sensu mais plutôt de l’agglomération d’établissements agricoles fortifiés protégés par une citadelle. La présence de trois sites majeurs contemporains, de même ampleur et de plans comparables, relativement proches les uns des autres, ne permet pas de discerner de centralisation du pouvoir à l’échelle de la plaine. En revanche, il est tentant de supposer une organisation socio-politique reposant sur la jouissance commune de l’eau et sur l’entraide, que rendait nécessaire l’entretien du réseau d’irrigation en amont des différents sites. Les grands travaux de curage et d’extension du système d’irrigation auraient alors pu être régulièrement coordonnés, dans le cadre d’une confédération tribale, par l’élite des différents groupes dont les citadelles constituaient la résidence. En bref, si l’image que fournit l’archéologie du Dehistan archaïque est celle d’une société complexe, elle semble être restée à un stade protoétatique, celui d’une communauté d’intérêt économique. 13 Il est clair que le foyer principal d’occupation de l’Âge du Fer se trouvait concentré au Dehistan et non dans la plaine de Gorgân, au sud, où des niveaux du Dehistan

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archaïque, d’ailleurs plus récents, sont pourtant attestés. Quelle que soit l’origine des groupes humains qui colonisent la plaine de Misrian au deuxième millénaire, ils dénotent d’emblée une très grande maîtrise des techniques d’irrigation. Il s’agit là d’un constat majeur, car les parallèles que l’on établit traditionnellement entre la culture matérielle du Dehistan archaïque et celle de certains sites du plateau iranien10, se limitent aux seuls assemblages céramiques. Or, il est évident que les compétences hydrologiques des populations du Dehistan n’ont pu être acquises qu’en un lieu où de telles connaissances étaient indispensables aux pratiques agricoles. Tel n’était pas le cas, à l’évidence, des régions du plateau iranien, d’où certains chercheurs font venir, suite à des mouvements migratoires complexes, les groupes humains de la plaine de Misrian. 14 L’hypothèse la plus plausible demeure donc, dans l’état actuel des connaissances, l’installation d’une partie des descendants des populations “à céramique grise lissée” de la plaine de Gorgân dans la vallée de la Sumbar, après la crise de l’urbanisation du début du deuxième millénaire. C’est en tout cas ce que dénotent, comme nous l’avons vu ci-dessus, les assemblages céramiques qui assurent la transition entre la tradition de l’Âge du bronze et celle de l’Âge du Fer local11. On peut dès lors avancer, à titre d’hypothèse, que des phénomènes d’expansion démographique ait nécessité la mise en valeur progressive de terres agricoles situées au débouché de la vallée de la Sumbar à l’aide de techniques acquises et développées sur place.

Aux périodes achéménide, hellénistique et parthe

15 Curieusement, les périodes historiques suivantes ne sont pas toutes attestées par l’archéologie. La période achéménide, par exemple, et contrairement à d’autres régions d’Asie centrale12, n’aurait pas laissé de traces matérielles identifiables au Dehistan. Il en va de même des périodes dites hellénistique et parthe, qui sont quasi-absentes matériellement ici alors qu’elles sont bien représentées au sud dans la plaine de Gorgân et bien évidemment au nordest et à l’est dans la région de Nisa, ainsi que dans la zone de piémont du Kopet Dagh et en Margiane. En revanche, l’Hyrcanie13, à laquelle le Dehistan sera parfois intégré – à la faveur des événements politiques et militaires confus qui caractérisent l’Asie centrale méridionale dans la seconde moitié du premier millénaire et au début de notre ère – est très bien documentée par les sources historiques14.

16 Il n’est en fait pas possible d’étudier la répartition de l’habitat dans la plaine de Misrian, de la période achéménide au début de la période sassanide. Un seul site présente en surface des tessons attribuables à l’époque parthe, celui d’Orta Depeslik au nord-ouest de la plaine, situation paradoxale contredite par les textes qui décrivent tous un Dehistan densément occupé. Sauf à remettre en cause la fiabilité de l’ensemble des sources littéraires concernées, force est de constater que le peuplement du Dehistan n’a pas laissé de traces identifiables pour ces périodes. On sait pourtant que le nord du Dehistan a constitué le berceau de la confédération tribale des Dehistano- parnis, qui devait donner naissance à la dynastie parthe arsacide. On sait encore qu’une des familles proches de la famille régnante, celle des Gêv, avait son fief au Dehistan. Il est pourtant indéniable que les Parthes ont souhaité isoler le Dehistan aux IIe-Ier siècles de notre ère en construisant le mur d’Alexandre, dont le rôle était de protéger la plaine de Gorgân au sud, en contrôlant les mouvements de populations venues du nord. Il semble en fait que l’on soit tout simplement confronté à un problème de

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reconnaissance de la culture matérielle des époques hellénistique et parthe dans la plaine de Misrian. Car il est impensable que le Dehistan, comme on le verra plus bas, ait été densément occupé à la période sassanide après un hiatus qui aurait impliqué l’abandon total du réseau d’irrigation. En effet, l’économie de la région était entièrement dépendante des ressources en eau, et un abandon des canaux, même de courte durée, aurait très rapidement entraîné leur comblement15 et nécessité le recreusement de l’ensemble du réseau depuis l’Atrek.

À la période sassanide

17 Les remarques que l’on vient de faire permettent d’affirmer le caractère continu de l’occupation de la plaine de Misrian, en assurant après la période parthe, dont les vestiges restent certes à identifier par des fouilles, la transition avec la période sassanide, très bien documentée, quant à elle, sur le plan archéologique et par les textes.

18 Le peuplement de la plaine de Misrian est caractérisé entre les IIIe et VIIe-VIIIe siècles de notre ère par un déplacement d’une soixantaine de kilomètres vers le nord-ouest. Aucun site d’époque sassanide n’est en effet attesté dans la zone proche de l’Atrek occupée à l’Âge du Fer. Si leur nombre est en nette augmentation par rapport à ceux du Dehistan archaïque, ils sont de tailles bien plus modestes. Il s’agit dans la majorité des cas de bourgs et établissements agricoles puissamment fortifiés. Certaines agglomérations présentent un aspect tout à fait militaire. Elles peuvent être défendues par une double enceinte et un fossé et posséder, pour les plus importantes, une citadelle dominant une ville basse comme c’est le cas à Khanly Depe ou Ulu Kizylli. La plupart des sites sont implantés le long des canaux d’irrigation, ce qui laisse supposer qu’on les a régulièrement entretenus. Certains établissements sont situés sur des extensions du réseau ancien à partir du canal magistral, comme Shadiz Kala. 19 La situation de ces vestiges, qui participent dans tous les cas, une fois encore, d’une économie fondée sur l’agriculture, pose le problème de l’entretien des canaux. En effet aucun site n’est répertorié, au sud, sur à peu près soixante kilomètres. Comment et dans quel cadre socio-économique et politique le canal magistral était-il entretenu ? Il est clair que le statut incertain du Dehistan16 ne permettait pas que l’entretien du réseau d’irrigation dépende de l’autorité des Sassanides, si ce n’est durant la courte période où l’un d’eux fit du Dehistan sa résidence principale. L’absence totale de sites d’époque sassanide dans le no man’s land que constitue la zone comprise entre le mur d’Alexandre, restauré et réactivé à la fin de l’empire, et le nord-ouest du Dehistan implique pourtant, pour que l’eau parvienne à ce dernier, l’entretien du canal magistral entre sa prise d’eau sur l’Atrek et les bourgs et fermes fortifiés du nord de la plaine de Misrian. Il convient alors, une fois encore, d’évoquer la nécessité de collaboration à cette vaste entreprise des différents groupes humains dont les pratiques agricoles garantissaient la survie. Il est bien évident que ces grands travaux devaient être coordonnés par les élites locales, très vraisemblablement à l’échelle des tribus et des clans. Les communautés domestiques agricoles du Dehistan aux périodes récentes sont alors en cela fort peu différentes de celles de l’Âge du Fer : elles doivent nécessairement fonder leur fonctionnement économique sur l’entraide et la collaboration des groupes concernés. Ces derniers semblent être, à partir du Ve siècle, les descendants de groupes humains apparentés aux Hephtalites, les Chionites où Huns blancs, qui font leur apparition dans la région au IVe siècle. Ils étaient connus au Dehistan sous le nom de

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Tchols et leur capitale, Balkhan, est à rechercher soit à proximité de la baie de Türkmenbashi (Krasnovodsk), soit au voisinage immédiat de l’actuelle Balkhanabad (l’ancienne Nebit Dagh), où se dressent deux épaulements rocheux aux noms évocateurs de Grand et Petit Balkhan. Il apparaît donc que le Dehistan constitue la limite sud du territoire sur lequel s’exerçait la souveraineté du kagan des Tchols dont la culture matérielle peut être tracée depuis l’Ouzboï au nord au Bas-Atrek et à la plaine de Gorgân, où une partie d’entre eux semble s’être établie17. Cette situation justifie parfaitement l’éloignement des sites de la plaine de Misrian par rapport à l’Atrek et même au mur d’Alexandre. La proximité avec la frontière nord-est de l’empire sassanide était en effet peu propice aux relations de bon voisinage, car c’est la plaine de Gorgân qui servait de base aux expéditions des grands rois au-delà du mur d’Alexandre. Une entente avec ces derniers était donc nécessaire, car la région de Tchat où s’effectuait la prise d’eau du canal magistral se situait dans un territoire qu’ils contrôlaient.

À la période islamique

20 C’est, semble-t-il, au IXe siècle que débute la période de plus grande prospérité économique de l’Hyrcanie, grâce à une situation plus favorable pour le commerce avec le Khorezm et les régions orientales. L’ensemble de l’Hyrcanie est occupé du nord au sud et les voies de communication se développent en conséquence. Le nombre de sites, la surface qu’ils occupent et l’étendue des terres cultivées sont considérables. Les photographies aériennes montrent qu’on continue à utiliser le réseau d’irrigation ancien en le développant ou en l’étendant. Le type d’habitat se modifie. Les pratiques agricoles servent alors à entretenir une population nombreuse dont la prospérité se fonde sur le commerce. Cette population vit désormais majoritairement dans de grands centres urbains, comme celui de Djordjân au sud où l’on produisait de la soie au Xe siècle, ou ceux de Yilanli Depe et Misrian-Dehistan, qui connaîtront une période extrêmement faste sous les Khorezmshah, jusqu’aux invasions mongoles du XIIIe siècle.

Les fouilles

21 Les activités de fouilles proprement dites se sont déroulées, parallèlement au programme de prospection, sur le site de Geoktchik Depe, à 18 km au nord-ouest du village de Madaw et à 14 km à l’ouest de la ville médiévale de Misrian/Dehistan. On y avait en effet reconnu en surface les témoins des principales occupations de la plaine à l’exception de la période islamique. Sa petite taille (cinq hectares), sa faible élévation (onze mètres au dessus de la surface actuelle), alliés à sa situation géographique18, en faisaient a priori le candidat idéal pour assurer la séquence chronologique et culturelle du Dehistan. La zone archéologique de Geoktchik Depe se compose de deux structures distinctes : le tepe principal, de plan à peu près circulaire et une enceinte rectangulaire, d’environ deux cents mètres de côté, à l’est.

22 La fouille du tepe principal a montré que sa formation résultait de la seule présence d’un complexe monumental du Dehistan archaïque. La seule occupation postérieure reconnue, d’époque sassanide tardive, ne se superposait pas aux structures de l’Âge du fer mais était limitée aux parties basses du tepe, parfois adossée aux vestiges antérieurs, au niveau de la plaine.

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Le complexe monumental du Dehistan archaïque

23 Il s’agit d’une construction, sans parallèle, à notre connaissance, en Asie centrale, en raison de son plan et de son état de conservation. Elle se compose de deux bâtiments adossés au nord et au sud à un noyau central en pisé que jouxtaient, à l’est et à l’ouest deux terrasses en briques crues d’au moins onze mètres de hauteur et d’une longueur moyenne de vingt mètres (fig. 1). Les dimensions de ce complexe architectural et son caractère massif n’ont pas permis de l’explorer dans sa totalité. La fouille en a été dans un premier temps limitée au bâtiment nord. Couvrant une surface d’environ 250 m², il se compose d’un vaste espace central sur lequel ouvrent cinq pièces barlongues adossées à son mur nord. Conservé sur une hauteur maximum de treize mètres, le bâtiment nord présente la particularité d’être recouvert, sur toutes les faces internes de ses murs, par un placage de briques crues posées de chant. Cellesci présentent deux modules : 50 x 70 x 10 cm, typique du Dehistan archaïque et 50 x 50 x 10 qui caractérise la période achéménide en Asie centrale et sur le plateau iranien. Ce dernier module n’est attesté que par des réfections du placage original et prouve que l’édifice est resté en usage jusqu’à la période achéménide, au moins jusqu’au VIe siècle avant notre ère. À la fin de son utilisation, le bâtiment nord a été uniformément et volontairement rempli d’un sable orange probablement prélevé sur une dune voisine.

Fig. 1. Geoktchik Depe. Vue générale des fouilles.

24 Un second bâtiment, symétrique au sud, avait cessé d’être en usage bien antérieurement à celui du nord. Il était scellé par des couches de comblement résultant de sa lente dégradation. Une fosse, creusée à travers les briques écroulées d’une des ses pièces, a livré un assemblage céramique typique du Dehistan archaïque, qu’un fragment de bois carbonisé a permis de dater du XIe siècle avant notre ère. Cette date prouve que le complexe monumental a connu deux phases d’utilisation principale et que sa construction a été réalisée très probablement dès le début de la période ([XIVe]-XIIIe s.

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av. J.-C.) du Dehistan archaïque, en tous cas, bien antérieurement au comblement des pièces du bâtiment sud. Par ailleurs, le remplissage du bâtiment nord n’est pas sans rappeler le comblement cérémoniel du temple de Nush-i Jan, sur le plateau iranien, à la période achéménide. 25 La fonction de la construction massive de Geoktchik ne peut être supposée que par élimination. Il ne peut s’agir d’un établissement à usage défensif dont elle ne présente aucune des caractéristiques, ni dans son plan, ni dans ses proportions. Il ne s’agit pas non plus, pour les mêmes raisons, d’un habitat domestique ou à usage économique. On ne peut alors que suggérer une fonction cultuelle, quelles qu’en soient les modalités. De nombreux puits de pillage à travers la maçonnerie massive du bâtiment nord19 prouvent que la mémoire de l’importance et de la fonction du lieu s’était conservée. Mais aucun d’eux n’avait atteint son but car le sable de remplissage semble bien avoir rempli son rôle : interdire, précisément, l’accès à l’intérieur du bâtiment. 26 On sait que la phase finale de la civilisation de l’Oxus voit une modification radicale des pratiques funéraires illustrée par la disparition généralisée des inhumations. Certains chercheurs établissent une relation entre ce constat et l’apparition de nouvelles croyances initiées par Zoroastre. Si l’existence historique de ce dernier est loin d’être établie, il n’en reste pas moins que de nombreux ossements humains parsèment le sommet du tepe principal sur lequel on a mis au jour, dans le massif de pisé, une sépulture20 contenant les vestiges osseux, très lacunaires, de quatre individus et témoignant de pratiques de décharnement. Faut-il y voir les prémices de rites funéraires connus beaucoup plus tardivement et sous une forme évoluée à la période sassanide ? Peut-on envisager qu’au début de la période du Dehistan archaïque, celle qui voit la construction du complexe monumental de Geoktchik depe, une partie de la population n’ait pas encore été soumises aux nouvelles pratiques funéraires ? 27 La situation de Geoktchik depe, éloigné de soixante kilomètres de la zone de peuplement du Dehistan archaïque, dans un environnement que n’atteignait vraisemblablement pas le réseau d’irrigation21 témoigne en tous cas du caractère exceptionnel du site. C’est pourquoi on peut envisager, avec la plus grande prudence et à titre d’hypothèse, que la construction massive de Geoktchik depe ait pu constituer le complexe funéraire de l’élite de la société du Dehistan à l’Âge du Fer. La tradition architecturale dont relève ce dernier est probablement l’héritière des terrasses hautes de l’Âge du Bronze et ne présente en tous cas pas de parallèles probants avec les monuments du plateau iranien. La fonction que l’on propose d’attribuer, avec toutes les précautions d’usage, à la construction massive de Geoktchik Depe, peut-elle être mise en rapport avec une tradition représentée, plus tardivement, par le complexe funéraire de Koy Krylgan Qala en Ouzbékistan ? Seule une fouille exhaustive du bâtiment nord aurait pu permettre de répondre à cette question. Or, des problèmes de logistique insurmontables, liés au danger et à la somme de travail que représentait l’évacuation totale du sable de remplissage, n’ont malheureusement pas permis de mener à bien cette opération.

La ferme fortifiée d’époque sassanide tardive : un établissement agricole de nomades sédentarisés

28 Un hiatus sépare la période achéménide de l’occupation sassanide limitée à la pente est du tepe principal. Il couvrirait près d’un millénaire avant que l’enceinte ne soit

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construite à l’est du tepe, probablement au VIIIe siècle de notre ère. Longue de deux cent vingt trois mètres et large de deux cent six mètres, épaisse de deux mètres soixante et construite en briques crues carrées de 0,46 à 0,48 m de côté, l’enceinte est protégée par des tours d’angle circulaires et par des tours semi-circulaires régulièrement espacées sur la courtine. L’accès s’y faisait par l’est, du côté opposé au tepe principal. Contrairement aux sites majeurs d’époque sassanide et à certains sites contemporains, très structurés et densément occupés, l’enceinte de Geoktchik illustre un plan différent et très répandu au Dehistan. Réparties sur une surface de quatre hectares et demi, les constructions y sont en petit nombre (cinq), très espacées les unes des autres et alignées selon un axe approximatif nord-ouest sud-est laissant un très vaste espace libre de part et d’autre. Deux chantiers y ont été ouverts :

La porte

29 Elle comporte deux trois-quarts de tours massives en forte saillie par rapport à la courtine qui protègent l’accès à un porche en simple tenaille, ouvrant lui-même sur une pièce oblongue probablement voûtée à l’origine, comme le prouvent les nombreux fragments de briques tombés sur les sols (par ailleurs eux mêmes pavés de briques crues fragmentaires). Des constructions, dont une pièce a été dégagée au nord-ouest, s’appuyaient contre la face interne de la courtine. Le plan très caractéristique des deux tours de la porte, probablement d’origine arabe, interdit de dater la construction de l’enceinte d’avant l’invasion de la plaine de Gorgân sous le caliphat d’Uthman en 650. Une date postérieure à la conquête définitive de celle-ci par les Arabes (716-717), paraît pourtant plus vraisemblable (Boucharlat et Lecomte, 1987 : 197).

Le tepe central

30 On a procédé par ailleurs à la fouille partielle du tepe le plus important que renfermait l’enceinte (haut d’un mètre cinquante). Il s’agit d’une vaste maison d’habitation (fouillée sur plus de deux cents mètres carrés), occupant le centre de l’espace circonscrit par l’enceinte dont trois pièces et deux foyers construits ont été dégagés. Les quelques vestiges que l’on y a recueillis permettent d’attribuer cette structure aux VIIe-VIIIe siècles de notre ère.

31 Très peu de matériel a été recueilli lors de ces deux opérations, les sols n’ayant été que très partiellement atteints dans l’habitat domestique. L’assemblage céramique est pourtant caractéristique de la période sassanido-islamique au Dehistan, aussi bien que dans la plaine de Gorgân. La céramique est en majorité rouge vif, parfois lissée et très fréquemment décorée au peigne de lignes ondulées. Une pâte beige jaune est également bien représentée de même qu’une céramique grossière très proche de celle des périodes antérieures. 32 Ce type d’établissement fortifié, à vocation agricole aussi bien que défensive (il sert en cas de danger d’enceinte-refuge, d’où la faible surface occupée par les constructions), représente la synthèse de l’occupation du Dehistan à cette époque, région agricole et sédentaire mais également vouée au nomadisme comme l’attestent les sources historiques. Cette ferme fortifiée, dans laquelle on produisait également de la céramique, comme le prouvent les nombreux drapés de four visibles en surface, caractérise très certainement l’habitat des Tchols. L’espace laissé libre à l’intérieur de

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l’enceinte permettait d’accueillir yourtes et troupeaux en cas de danger, tout en ayant pu jouer le rôle de lieu d’échanges.

Conclusion

33 Le Dehistan présente l’avantage, sur beaucoup d’autres régions de l’Orient ancien, de n’avoir été que très localement réoccupé depuis la période timouride. Il en découle une très grande lisibilité au sol et sur une très vaste superficie de son peuplement ancien.

34 Acteur essentiel de l’économie du Dehistan, le réseau d’irrigation fournit la clé de l’interprétation du peuplement de la plaine de Misrian. À l’exception des sites méridionaux du Dehistan archaïque, préservés de l’alluvionnement et des réoccupations tardives, le système d’irrigation dans son état actuel est à rapporter à la période islamique. Les implications de ce constat sont lourdes de conséquences : elles supposent en effet, compte tenu des contraintes du relief et de l’impossibilité de déplacer les canaux, un entretien constant de l’ensemble du réseau. L’extrême régularité de son tracé, alliée à la superposition des différents états du système que nous avons pu mettre en évidence, conforte cette conclusion. Il est évident qu’un abandon ou une destruction du système, même pour une courte période, aurait nécessité un recreusement22 de l’ensemble des canaux, tâche qu’étaient incapables d’assumer les communautés agricoles concernées telles que nous les envisageons. La fin de l’occupation de la plaine de Misrian, au XIIIe siècle, est le fait des Mongols, dont on connaît la propension à détruire toute forme d’irrigation pour éradiquer l’occupation humaine dans les pays conquis. Ils ont atteint leur but au Dehistan dont les ressources en eau furent à jamais supprimées et qui ne connaîtra plus aucune occupation structurée de l’ensemble de son territoire. On peut donc considérer, au terme de quatre campagnes de fouilles et en s’appuyant sur les données historiques, que l’occupation y a été continue depuis l’Âge du Fer. Les traces matérielles et plus particulièrement les assemblages céramiques ne rendent pas compte de la continuité du peuplement mais on sait à quel point l’appréciation que l’on peut avoir de la plaine de Misrian à toutes les époques dépend à la fois du faible nombre de sites explorés et du type de fouilles (sondages stratigraphiques restreints) pratiqué sur chacun d’eux. Loin de nous l’idée de remettre en cause les résultats impressionnants déjà obtenus sur ce terrain par les archéologues soviétiques et turkmènes, l’intérêt scientifique exceptionnel du Dehistan justifierait au contraire que l’on suive leurs traces en élargissant les champs d’investigation par la fouille extensive de sites représentatifs de chacune des périodes. 35 La fouille du complexe monumental de Geoktchik Depe nous a amenés, sur la base d’observations convergentes, à considérablement abaisser la date de la fin du Dehistan archaïque, au moins jusqu’à la période achéménide (VIe siècle avant notre ère), sans que les assemblages céramiques en témoignent. Mais il est vrai qu’en Asie centrale, la très grande durée de vie de la plupart des assemblages céramiques interdit, sur leur base seule, de les mettre en rapport avec telle ou telle évolution historico-politique. Les analogies d’ordre général montrent que la construction massive de Geoktchik Depe peut être mise en rapport avec une tradition architecturale centre-asiatique antérieure : celle des terrasses hautes de l’Âge du Bronze. Aucun parallèle précis ne peut pourtant être établi pour ce qui est de son plan que sa massivité interdit d’interpréter comme la résidence d’une élite locale ou comme un fortin. Ces constatations, alliées à sa situation d’éloignement par rapport au noyau de peuplement

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du sud-Dehistan, nous conduisent à l’interpréter comme étant très certainement à usage cultuel et à poser le problème d’une possible interprétation comme complexe funéraire. Sa construction remontant sans doute à la moitié du second millénaire, correspond en effet à l’installation des populations les plus anciennement connues de la plaine à proximité de l’Atrek. C’est donc délibérément, en raison de sa fonction spécifique, que le complexe monumental de Geoktchik Depe fut érigé aux marges des zones occupées. 36 Aux périodes préislamiques récentes, l’élément déterminant de la plaine de Misrian à partir du Ve siècle nous paraît être la présence des Tchols dont le Dehistan constitue très certainement la limite méridionale d’extension territoriale à cette date. Par extension territoriale, nous entendons contrôle effectif d’une région dont la capitale, comme nous l’avons vu, se situait à près de deux-cents kilomètres au nord-ouest de la plaine de Misrian. La réalité est tout autre pour ce qui est de la culture matérielle des Tchols, que l’on identifie clairement comme très homogène de l’Uzboï23, au nord, à la plaine de Gorgân, au sud. Ce constat tend à prouver que la construction à la période parthe, puis la réactivation à la fin de la période sassanide du mur d’Alexandre, loin de viser à empêcher le déferlement massif de nomades aux frontières nord de l’empire, a plutôt joué le rôle de passage obligé visant à contrôler les infiltrations progressives de populations en voie de sédentarisation sur tout le territoire de l’Hyrcanie.

BIBLIOGRAPHIE

Deshayes J. (éd.), Le Plateau Iranien et l’Asie centrale des origines à la Conquête Islamique, éd. du CNRS. Paris. 1977.

Deshayes J. (sous la Direction de), Boucharlat R. et Lecomte O., avec des contributions de J.- C. Gardin et R. Gyselen, Fouilles de Tureng Tepe, vol. 1. Les périodes sassanides et islamiques. Éd. Recherches sur les Civilisations. Paris. 1987.

Lecomte O., Mashkour M., “Hyrcanie et Dehistan, de l’Âge du Fer à la période islamique (XIIIe s. av.-VIIIe s. ap. J.-C.)”, Bastan Shinasi ve Tarikh, vol XXVI, 1997. Téhéran (en persan).

Lecomte O., “Le complexe cultuel de Geoktchik Depe”, Archeologia, N° 352, janvier 1999 : 54-66.

“Iran et Non-Iran. L’Hyrcanie entre Iran et steppes d’Asie centrale”, Dossiers d’Archéologie N° 243 “Empires Perses d’Alexandre aux Sassanides” 1999 : 14-18.

“Vehrkânâ and Dehistan : late farming-communities of south-west from the Iron Age to the Islamic period”, Parthica, vol I. 1999 : 135-170.

NOTES

1. Voir à cet égard les actes du colloque organisé à Paris par J. Deshayes en 1976.

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2. La plaine de Gorgân ainsi que les régions situées à l’est d’Ashgabat, se caractérisaient alors par des assemblages à céramique grise. Une céramique à décor géométrique peint était typique, en revanche, des sites de piémont du Kopet Dagh, à l’est d’Ashgabat. 3. La “burnished grey ware” ou BGW des archéologues anglo-saxons. 4. De type Namazga. 5. Au cours desquels des subventions furent régulièrement attribuées par le Ministère des Affaires Étrangères français que nous tenons à remercier ici. Par son soutien constant et l’aide logistique qu’elle a fournie, la partie turkmène a assuré le bon déroulement des opérations conjointes. Qu’elle en soit remerciée en la personne d’E. E. Atagarryew, co-responsable, avec le signataire de ces lignes, de la Mission Archéologique Franco-Turkmène. 6. Une route longeant les rives de l’ “Amou Darya” (Ouzboï) jusqu’au site d’Igdy, pour se diriger ensuite vers le sud, est connue au XVIIe siècle pour avoir été suivie par un prince astrakhanide se rendant de Kounya Ourgentch au Mazanderan, mais rien n’autorise à penser qu’elle ait existé aux périodes anciennes. 7. Dans la seconde moitié du deuxième millénaire. La prise d’eau de son canal principal, le canal de Shadyz, se faisait en amont de Tchat, actuellement en Iran. 8. Qui résulte d’une extension et d’un entretien réguliers jusqu’à la période mongole. 9. C’est également le cas de sites de moindre importance. Dans les trois cas mentionnés, la superficie de la citadelle peut atteindre dix hectares. 10. Tepe Giyan, Tepe Sialk B, Khorvin, Godin Tepe, Nush-i Jân, Ḥasanlu, par exemple. 11. Les formes céramiques les plus caractéristiques de cette période sont les bols tripodes, les bols et jattes à anse horizontale, avec ou sans bec verseur, et les “théières” à bec ponté grises lissées et rouges. 12. Y compris la plaine de Gorgân ou la période VA de Tureng Tepe peut être attribuée à cette période. 13. Elle couvrait une étendue comprenant au nord le Dehistan et au sud la plaine de Gorgân. 14. Grâce aux mentions qui en sont faites par Hérodote, Polybe, Quinte-Curce, Isidore de Charax et Arrien, notamment. 15. C’est le constat que l’on a pu faire, lors de l’abandon des travaux de prolongation du canal du Karakoum au sud de la plaine : les sections creusées en 1994 et 1995 étaient déjà partiellement comblées – et franchissables – dès 1996. De plus, la fin de l’occupation principale au Dehistan est due à la destruction du système d’irrigation par les Mongols au XIIIesiècle. 16. Contrairement à la plaine de Gorgân, il n’est pas établi que le Dehistan ait été intégré de manière durable à l’empire sassanide. 17. Il existe en effet une totale identité entre la culture matérielle du Dehistan aux Ve-VIIIe siècles et celle de la plaine de Gorgân, reconnue par exemple dans le fortin d’époque sassanide de Tureng tepe. Ils finiront par dominer y compris la plaine de Gorgân. C’est contre les Tchols que les troupes arabes conquerront la région au VIIIe siècle de notre ère. 18. Il représente le site le plus septentrional du complexe du Dehistan archaïque. 19. L’un d’eux, creusé à travers le mur nord du bâtiment, le long d’une des pièces barlongues a été vidé sur une profondeur de 3,50 m. D’étroites “fenêtres”, sondages destinées à reconnaître le contenu du bâtiment, avaient été régulièrement réalisées vers l’intérieur de la pièce au fur et mesure de la descente. Toutes se sont heurtées au remplissage sableux. 20. Elle daterait des VIII e-VIe av. J.-C. selon la datation que l’on fait d’une pointe de flèche à douille et à ergot recueillie dans la tombe. 21. Rappelons, l’absence totale de sites du Dehistan archaïque entre Izat Kuli, au sud, et Geoktchik depe. 22. Si l’on envisage par exemple, à titre d’hypothèse, un hiatus entre les périodes parthe et sassanide ayant nécessité le recreusement des canaux, il est incompréhensible qu’aucun site sassanide n’existe à proximité de la prise d’eau du canal magistral, lieu obligé de commencement

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des travaux. Ce raisonnement est susceptible d’être appliqué à toutes les périodes d’occupation : Dehistan Archaïque/achéménide ; achéménide/post-achéménide; post-achéménide/parthe etc. Dans tous les cas, compte tenu de la lisibilité extrême du terrain on discernerait, pour chaque réoccupation succédant à un hiatus une progression, à partir du sud, des établissements humains allant de pair avec l’extension du système d’irrigation. 23. Sur le site d’Igdy Kala, notamment.

INDEX

Mots-clés : fouilles archéologiques, expéditions archéologiques, Turkménistan Keywords : excavations (archaeology), archaeological expeditions, Turkménistan

AUTEUR

OLIVIER LECOMTE

CNRS, UMR 7041, Nanterre, France

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