Commune de Villenave-près-Béarn

Canton d’

Département des Hautes-Pyrénées

Monographie rédigée en 1887 par l’instituteur

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I

La commune de Villenave P.B. est située à l’ouest du département des Hautes- Pyrénées et forme avec les communes de Séron, Escaunets, Gardères et une enclave dans le Béarn. Elle est limitée au nord par Maure et Momy, à l’ouest par Sedze, au sud par Bédeille et à l’est par Escaunets et Maure. Villenave a une étendue de 302 hectares. Le chef-lieu du canton, Ossun, se trouve à 24 kilom. et chef-lieu de l’arrondissement et du département à 27 kilomètres.

Elle est située sur un plateau de peu de largeur, mais des plus élevés de la région. Ce plateau est presque entièrement cultivé. On y rencontre peu de bois, quelques châtaigneraies. A l’est et à l’ouest le terrain se précipite vers le Louet ou vers le Léey (ruisseau qui coule non loin du territoire de Villenave), en pentes très abruptes, sauvages et semées ça et là de gorges profondes au fond des quelles coulent en hiver ou en temps de pluie de petits ruisseaux. A l’ouest, sur le versant du coteau, la couche de terre arable, assez mince, s’est déchirée par l’effet de longues pluies et a glissé sur la marne ou sur la pierre en sorte qu’elle présente aujourd’hui des crevasses qui laissent paraître de la pierre calcaire dont on fait de la chaux hydraulique.

Une bonne partie de ce versant était autrefois couvert de vignes qui donnaient de très bon vin ; aujourd’hui on n’y voit guère que des bois. Un petit cours d’eau, le Louet, passe dans le territoire de Villenave sans qu’il soit guère possible de l’utiliser pour l’irrigation des prairies. On ne trouve guère le long de ce ruisseau dans la commune, que des terrains vagues. Son débit est très variable. Pendant l’hiver l’eau y coule en assez grande quantité : de 8 à 12 mètres cubes par minute. Mais dès que les chaleurs de l’été viennent, l’eau ne coule guère plus, sauf quand il pleut ; Le courant est presque à sec. Pendant l’hiver on ne trouve gué le long de ce ruisseau ; mais pendant l’été on peut passer ce ruisseau à pied dans plusieurs endroits.

Les eaux potables sont en général puisées dans des puits creusés à des profondeurs qui varient de 5 à 12 mètres ; elles sont généralement très légères.

Le plateau de Villenave P.B. s’élève à environ 400 mètres au-dessus du niveau de la mer. Le climat est froid au nord et l’ouest ; le terrain étant presque dépourvu d’arbres et se trouvant élevé, il est exposé à tous les vents ; les récoltes y sont tardives. Il leur faut pour mûrir attendre les plus fortes chaleurs de l’été. Au point de vue de la salubrité, la commune de Villenave ne le cède en rien à aucune autre commune de la région. Aussi la population est-elle, en général, saine, robuste et capable de résister aux plus rudes travaux de l’agriculture.

II

Le dernier recensement a constaté 142 habitants. Ce chiffre est à peu près le même que celui de l’avant-dernier recensement et il est probable qu’il ne variera pas beaucoup de longtemps. La commune est divisée en deux sections, la section A et la section B. Il n’y a point de hameau. Les quartiers sont les suivants : 1e ______Quartier Larrée …………………… 9 habitants 2e ______Quartier Hourset…. …………….. 10h 3e ______Quartier Piscou ……………………. 28 4e ______Quartier d’Arrutérous …………. 16h 5e ______Quartier Carraou ………………… 30h 6e ______Quartier Nougué ……………….. 17h 7e ______Quartier de Labous ……………. 13h 8e ______Quartier de Carrerasse ………. 12h 9e ______Quartier de la Pénude ………… 15h Il y a 26 feux.

La commune est administrée par un maire assisté d’un conseil municipal. Il y a un instituteur communal. Elle est desservie, pour le culte catholique, par le curé d’Escaunets, pour les finances, par le percepteur d’ et pour les postes également par le bureau d’Oursbelille. La valeur de centime communal est de 0,13978 et les revenus ordinaires de 80f.

III

Les principales productions sont : le blé, le maïs, l’avoine, l’orge, le seigle, les châtaignes. Blé : 560hl ; maïs : 620hl ; avoine : 110hl ; orge : 40hl ; seigle : 25hl. Le blé est semé sur jachère que l’on laboure consécutivement 4 ou 5 fois. Les assolements sont les suivants : blé, maïs, jachère. Le terrain étant argileux on doit pratiquer des rigoles pour l’écoulement des eaux.

La plupart des bois sont peuplés de chênes têtards, d’aulnes, de saules, de frênes et de châtaigniers sauvages. Il n’y a pas de bois soumis au régime forestier. Il y a peu de vignes en bon rapport. Elles sont en général atteintes de l’oïdium ou du myldiu et donnent peu de vin. Le philloxéra n’y a pas encore paru.

La plus grande ressource est dans l’élévage des bestiaux ; mais aujoud’hui on ne peut les vendre qu’à un prix dérisoire. Au reste bœufs, vaches, veaux et génisses, brebis, chevaux, juments, mules et mulets, cochons y abondent. Il y a un moulin sur le Louet ; il sert aux besoins de la commune. Un forgeron prépare les instruments aratoires nécessaires. La commune de Villenave est traversée du nord au sud par le chemin de grande communication de Lembeye à . C’est le chemin qu’on prend pour se rendre soit à Ossun, soit à Tarbes. Pour le transport des personnes, chacun a un attelage dont il se sert ou bien va à pied. Le commerce le plus important est celui des bêtes à cornes, celui des chevaux et celui des porcs. On se rend pour l’échange des divers produits aus marchés de Vic-Bigorre, de Lembeye, de Morlaàs, de Soumoulou, de Tarbes ou aux foires de Pau, de , de Lourdes. Les mesures en usage dans la commune sont les mesures métriques. IV

Il est très probable que le nom de la commune vient de ce que les habitants ayant existé autrefois en un autre lieu, sur le bord du Louet, par exemple, on quitta cette situation et on vint bâtir les nouvelles maisons sur le haut du coteau. De là vient probablement Villenave, mot patois qui se traduit en français par Village nouveau ou Ville nouvelle. Ce nom pourrait encore dériver des mots latins Villa-nova. Dans ce cas le village aurait été fondé par les Romains lors de leur passage dans les Gaules.

Quoiqu’il en soit, il demeure incontestable que, dans divers directions autour et non loin de lui, on voit encore des camps et des tumulus attestant leur présence en ce pays. De récentes fouilles opérées dans certains tombeaux accusent aussi des constructions normandes (9e siècle).

Villenave, comme beaucoup d’autres localités de la Bigorre, a eu son château du Moyen- âge.

Il n’en reste actuellement que la chapelle servant aujoud’hui d’église, et les terres dites seigneuriales et devenues la propriété de divers notables de la commune. Noms des divers seigneurs de Villenave … Dominique de Sargnes …….. 1640 Alexandre de Vausé …………. 1670 Desblans ………………………….. 1790

Fiefs Les redevances aux seigneurs de Villenave s’acquittaient en monnaie et nature. La monnaie comprenait : sol, liards et deniers. La nature comprenait : des poules, de l’avoine par mesure, coupet et quartal ; du vin par pot.

Le patois est seul en usage dans cette localité. Les personnes âgées ne chantent point. Les jeunes gens seuls chantent. Ils chantent rarement des chansons immorales. Les chansons guerrières et patriotiques, telle que la Marseillaise, sont leurs chansons favorites.

Les habitants de Villenave ont des mœurs simples et paisibles. Ils sont tous cultivateurs et ils se livrent exclusivement aux travaux champêtres. Contents de respirer leur air natal et chérissants les occupations rustiques ; tous s’attachent à leurs foyers et ils ne disposent à les quitter que quand il s’agit de payer la dette à la patrie ou de s’établir. La débauche, le jeu et généralement tous les vices qui entrainent après eux la ruine ou tout au moins la gêne sont écartés de cette petite population. La promenade, le jeu de cartes employé comme moyen de distraction, la danse à certaines époques de l’année, tels sont les principaux amusements auxquels se livre les jours fériés la jeunesse de la commune. Fermant leur cœur au désir de la gloire, aux rêves de l’ambition, les fils, sans exception, bornent leurs désirs à l’exemple des parents, à demander à la terre une nourriture assurée.

Les habitants de Villenave, à l’unanimité, professent le culte catholique. Les hommes portent : pantalon, gilet blouse, bonnet, sabots, les jours ouvrables ; et pantalon, gilet, bonnet, veston ou blouse, souliers ou bottes les jours de dimanche et de fête. Les femmes portent : jupe, casaque de longueur moyenne, sabots les jours ouvrables et souliers ou bottines les jours de fête. Elles ont la tête coiffée d’un ou de deux mouchoirs. Les habits sont généralement cousus, à peu de choses près, à la mode en usage dans les villes voisines.

L’alimentation des habitants est le pain bis, la viande salée de cochon, d’oie, de canard, de dindon, le lait, le fromage, les châtaignes, les pommes de terre. Ils ne font usage qu’exceptionnellement de viande de boucherie et de volaille.

Il n’y a aucun monument remarquable dans la localité. On ne trouve dans les archives communales aucun document destiné à établir l’histoire de la commune ni aucun écrit sur la commune.

Annexe au titre IV

Au début de la révolution il n’y avait pas d’école à la commune. L’école la plus voisine se trouvait à une distance de 5 à 6 kilomètres. Aussi les habitants presque à l’unanimité étaient-ils dans l’ignorance la plus complète. C’est à peine s’il y avait cinq ou six personnes appartenant à des familles aisées qui sussent signer. C’est seulement en l’année 1820 qu’une école libre fut fondée à la commune. On installa l’école dans une sorte de bouge que la commune avait achetée à ces fins. On n’eut pour maîtres d’école jusqu’en 1833 que des instituteurs libres qui savaient à peine lire et écrire et qui étaient choisis parmi les laboureurs, les cordonniers, les tailleurs d’habits. L’école n’était pour ceux-ci qu’un accessoire : ils continuaient à exercer leur métier. Ils ne faisaient d’école que l’hiver. Leur traitement variait de 30 à 50f. En l’année 1833 les enfants furent confiés à un habitant de la commune qui savait à peine lire et écrire et qui avait en outre des notions très superficielles d’orthographe. Cet instituteur faisait la classe dans une petite chambre qui lui appartenait et qui laissait à désirer sous tous les rapports. Il a exercé ses fonctions dans la commune jusqu’à l’année 1854 ; c’est dire que le niveau de l’enseignement dans la commune s’était peu ou point élevé jusqu’à cette époque. Depuis l’année 1854 la commune a eu des instituteurs publics laïques et la commune mit en 1859 à la disposition de l’instituteur un ancien presbytère suffisamment vaste et aéré, mais caduc. Il fut restauré en 1861.

Depuis 1854 le niveau de l’enseignement s’est élevé peu à peu dans la commune, le nombre des illétrés a diminué et aujourd’hui il n’y a dans la commune aucun illétré de l’un et de l’autre sexe au dessous de 25 ans. En 1879 la commune profitant de la largesse du gouvernement, a fait construire une école comprenant 1e la salle d’école ; 2e la cuisine ; 3e 2 chambres à coucher ; 4e un cabinet ; 5e une salle pour la mairie ; 6e une remise ; 7e un préau.

Plan des locaux

Nota.- L’épaisseur des murs n’est pas comprise dans les dimensions Les besoins sont entièrement satisfaits.

La fréquentation est assez régulière pendant l’hiver. Mais elle laisse à désirer pendant les grands travaux. Cela tient à ce que les parents emploient généralement leurs enfants à la garde du bétail.

L’instruction qu’ont acquise les habitants âgés de 25 ans et au dessous est généralement satisfaisante. Il n’y a pas eu l’année dernière des conscrits illétrés ni des conjoints qui n’ont pas su signer leurs noms.

Il n’y a pas de bibliothèque. Tous les efforts de l’instituteur pour fonder une bibliothèque sont restés vains à cause de la pénurie de la caisse communale. Il n’y a pas non plus de caisse des écoles ni de caisse d’épargne scolaire. L’instituteur a un traitement de 1200f. Il serait à désirer que la commune fit quelque sacrifice pour fonder une bibliothèque.

La transcription a été réalisée par Henry Passade Saint Aunis en respectant la graphie de l’instituteur.

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