1 1 Le souvenir légendaire' D'une reine infortunée Plane encore sur cette terre Appelée jadis Condé. Je lui dédie ces quelques pages.

Couverture : vue de en 1980. Cette deuxième édition commandée par la commune comprend une mise à jour de 1980 à 1996 (historique et industries nouvelles). Le lecteur ne s'étonnera pas de constater parfois un manque de respect de l'ordre chronologique souhaitable. Ceci est dû aux contraintes de montage utilisées pour éviter une refonte totale onéreuse de l'ouvrage. L'auteur. (DœiÏÏlMES ,Um(dlho (B®im

(BOSTHMES

JmdlËg CCCQ)IIDcdlcé) par JLTIl1CCficgIID CGJIEllNIWillIE Membre de la Société Archéologique Lorraine et du Musée Historique Lorrain Membre de l'Académie de Stanislas

ÉTUDE HISTORIQUE

INTRODUCTION

Implanté à l'entrée de la vallée de la Mauchère, jadis appelée le Val des et reliant à travers une large chaîne de collines boisées les rivières de Seille et de , Custines laisse sans doute indifférent le voyageur pressé qui parcourt l'autoroute Nancy-Metz. Seul le haut mur de béton mauve qui lui cache en partie l'agglomération attire furtivement son attention plutôt intéressée par les installations industrielles de la rive gauche ; mais rien ne lui révèle un seul instant que la colline ver- doyante dominant la Moselle à l'entrée de ce que les anciens appelaient pompeusement la Gorge de , porte encore les misérables témoins d'un prestigieux passé. Custines, jadis Condé... toute l'histoire tient dans ces trois mots, histoire d'un petit village de Lorraine faite de grandeur et de servitude, de paix et de troubles, de labeur et d'espérances, de vicissitudes et de courage, histoire pourtant bien remplie et qui méritait d'être retrouvée et publiée. Comme dans bien des cas, la perte irréparable ou la destruction inten- tionnelle ou accidentelle de documents d'archives amène des lacunes qu'il est difficile de combler, et cela est fort regrettable. Néanmoins nous avons pu, avec ce qu 'il en reste, reconstituer le passé du village, celui du vieux château ainsi qu'une esquisse de l'histoire de Clévant dont le domaine fait partie intégrante de la commune de Custines. Nous avons puisé notre documentation à différentes sources : Archives communales > Archives départementales ^ Registres du conseil cantonal . ' ' • Registres d'état civil (mairie,"-ttrchives départementales, archives de l'église) Bibliographie de l'histoire de Lorraine Archives particulières de familles Souvenirs de quelques habitants Rapports de fouilles du Centre d'Histoire locale de Pompey Archives de l'Equipement, de la S.N.C.F. et des sociétés industrielles Archives des notaires et tabellions. Cette histoire déborde parfois le cadre de la localité. Que le lecteur ne s en étonne pas. Il en comprendra vite les raisons. Condé, c'était aussi le Val des Faulx et les petits villages voisins, faisaient partie de la même prévôté. Cité en partie industrielle aujourd'hui, Custines a pourtant gardé le tissu urbain d'une commune rurale, ainsi que des aspects agrestes et champêtres offerts par l'alter- nance des prairies, des cultures et des forêts. Ce coin de terre lorraine recèle encore bien des secrets et les jeunes générations y feront sans aucun doute des découvertes intéressantes qui enrichiront cette première histoire de la cité.

Sommaire

LIVRE 1

L'HISTOIRE

La commune : le nom, les caractéristiques ...... 15 Les armoiries 17 Les premiers temps 19 La nécropole mérovingienne 21 Le Age 25 La contagion 39 Le château médiéval 45 La papeterie 99 Avant la Révolution 103 Comment Condé devint Custines ...... 107 Le tabellion 114 Affaires de justice 118 Un grand mariage en 1770 125 La Révolution 129 Après la Révolution 157 Le marquis de Vaubécourt 163 Le choléra 168 L'huilerie 170 Le bateau à vapeur 172 Le chemin de fer 176 L'affaire Racadot 184 Le XXe siècle 189 La guerre 14-18 198 La seconde guerre mondiale 205 L'après-guerre 210 L'autoroute 219 Le jumelage ...... 222 LIVRE II

L'HABITAT ET LE SITE

La villa gallo-romaine 237 Les immeubles anciens 241 La halle 242 Le château du bas 245 La Cour Vichart 252 La maison de Serre 256 La maison du colombier 260 La maison Guingot 263 Le Clos Chariot 268 La propriété Dordelu 274 L'église 275 Le presbytère 292 Les cours d'eau 295 Le pont 309 Le moulin 312 Les mines 316 Les zones industrielles 323 Glanures - Les voués 335 Le sel 338 Les écoles 340 Les lieux-dits 344 Les rues 351 Clévant 355 Evasion 365 La légende 369 Lexique et mesures 376 La population - Les maires ...... 380 La Meurthe s'approche peu à peu de la Moselle et lui fait compagnie par ung assez long espace n'y ayant que bien peu de terre entre les deux canaux jusques à ce qu 'auprès de Condé, le château qui est à main droite sur un roc et le village du mesme nom, ayant fait avec la Moselle ung coing de terre fort pointu, elle se mêle avec les eaux d'icelle.

Cette description du site de Condé figure dans l'atlas de Mercator publié en 1609. Custines en 1996 "En débouchant du défilé de Marbache dans l'ample bassin de Custines, on voit de grands nuages de fumée noire ou livide, planer sur ce paysage jadis tranquille et lumineux. Puis apparaissent les construc- tions cyclopéennes, puissantes tours de fer groupées, réunies par des passerelles, dominées par des cheminées géantes. Autour, de hauts amas de scories, que nulle végétation ne peut encore conquérir, mettent des notes fort laides entre les verdoyantes collines... — Voyage en — Ardouin-Dumazet 1917, Lorraine Centrale

Confinent de la Mearthe et de la Moselle, H .c dit « Gueule denfer »

LIVRE 1 La Commune

Custines, jadis Condé.

LE NOM

D'origine celtique, Condé ou Condatum, signifie confluent et nombreuses en France sont les localités portant ce nom. Cependant il n'apparaît, en ce qui concerne notre Commune, qu'à partir du XIIe siècle et sa forme varie quelque peu suivant les textes latins ou français avant de prendre la forme actuelle de Custines.

Dictionnaire 1189 Alanus de Condeio topographique de 1253 Condey la Meurthe 1301 Condé supra Moselle 1345 Condey sur Mozelle 1377 Condey sur Mézaille 1401 Chastellenie de Condey 1513 Condeum 1675 Condate 1700 Condé 1720 Condé devient Custine ( 1 ) Avec bien du mal ; le greffier reprend souvent par habitude le nom de 1792 Port sur Moselle ( 1 ) Custine. 1800 Custine vers 1825 Custines (le S final provient d'une erreur de transcription. Le premier cadastre terminé en 1833 porte Custines).

Caractéristiques actuelles :

Superficie totale 1.176 ha 33 a 51 ca dont forêts 364 ha 49 a 82 ca Nombre d'habitants 2.819 (en 1990) Nombre de maisons 900 environ Nombre de foyers 870 environ Activités industrielles Zone du Bois Jacob Zone Boulevard de Finlande Zone Pré à Varois Activités agricoles Brouant (culture) (y compris Clévant) Julien (élevage) représentant environ 382 hectares Code postal 54670 Armoiries

Les armoiries actuelles sont celles qui figuraient en 1389 sur le sceau de la prévôté de Condé conservé au trésor des Chartes. Armorial des villes, « D'argent au château de sable accompagné à dextre et à senes- bourgs et villages de la tre d'une faux d'azur, en chef un C antique de gueules et en Lorraine. C. Lapaix abîme un écu d'azur à deux bars adossés d'or côtoyés de deux faux d'argent mises en pal ». Ce sont des armes "parlantes". Le village était chef-lieu de la prévôté de Condé et du Val des Faulx ; les tours rappellent le château, le C et les faux indiquent la juridiction, l'écusson est la marque de propriété des ducs de Bar. Les sceaux des XVIe et XVIIe siècles ne portaient que les armes simples de Lorraine. Les armes du marquis de Custine étaient "écartelé aux 1 et 4 d'argent à la bande de sable, à 2 cotisses de même aux 2 et 3 de sable, semé de fleurs de lys d'argent".

Compte tenu des différentes formes chronologiques du nom de la localité, le lecteur trouvera dans le texte, suivant l'époque relatée : Condé, Custine, Port sur Moselle ou Custines. CUSTINES LES PREMIERS TEMPS

Le petit village de Condé auquel on n'avait pu attribuer pendant longtemps une origine très ancienne remonte en réalité à une époque antérieure à notre ère. Suivant le dictionnaire de toponymie de Vincent, le nom de Condé, par ailleurs fort répandu en France, serait un accent latin de Condate ou Condatum emprunté par les Gaulois à une langue étrangère et signifiant confluent. De fait, nous sommes ici en présence de deux confluents : Moselle et Meurthe, Moselle et Mauchère. Mais les témoins les plus anciens de la présence de l'homme dans ce site sont quelques éclats de silex et de quartz, ainsi qu'un fragment de hache en pierre polie, vestiges du produit de l'industrie néolithique découverts aux environs du château. Ils remontent donc à quelques milliers d'années (1) et appartien- (1) entre - 5000 et - 2000 ans nent à la préhistoire. Cependant ils restent trop fragmentaires pour nous éclairer, ne serait-ce que faiblement, sur cette époque reculée. De l'habitat celtique qui laissa son nom à la localité, nous ne savons strictement rien. Certains pensent qu'il a pu exister, à l'époque de la Tène (2), un camp gaulois à l'emplacement du (2) entre - 400 et - 50 ans château. Ceci n'est que pure hypothèse et, même s'il en avait été ainsi, les travaux médiévaux d'édification de la forteresse l'auraient fait disparaître. Après la conquête des Gaules par les légions de Rome, qui se termine vers l'an 52 avant J.C., les nouvelles techniques intro- duites dans le pays par la civilisation latine en changent l'aspect et les structures. Aux pauvres cabanes de pierre sèche, de bran- chage et d'argile, succèdent des constructions en maçonnerie faite au mortier de chaux, couvertes de tuile en argile cuite. Un peu partout s'élèvent des "villae agricole", petites exploita- tions rurales implantées dans un ordre dispersé, au milieu des cultures et des vignobles introduits en Gaule à la suite des conquérants. Bâties à flanc de côteau entre la forêt et la rivière, au voisinage d'une source ou d'un ruisseau, elles abritent géné- ralement une famille gauloise et ses domestiques. Il en est de même à Condé. Peut-être une villa de ce genre fut-elle construite à l'emplace- ment même du village, à l'entrée de la vallée de la Mauchère. Mais aucune trace n'en a jusqu'à présent été décelée. Par contre, un habitat de cette époque a été découvert en 1967, à la sortie de Custines en direction de Clévant, à proximité du ruisseau de l'Aulnois. Ses substructions n'ont malheureusemen pu être complètement reconnues car les engins de terrassement qui nivelaient le terrain les ont presque entièrement détruites, (voir Livre II). Quoi qu'il en soit, elles constituent une preuve matérielle de l'existence d'une petite population gallo-romaine en ces lieux. (3) domaine Mais ce fondus (3) n'était pas isolé dans ce grand carefour de vallées. Il avait pour voisins ceux de Pompey, de Bouxières, de et, sans doute, de Millery. A cette époque, selon l'organisation administrative romaine, l'habitat de Condé fait partie du pays de Scarpone (Pagus scar- ponensis) incorporé à la cité des Leuques (Civitas Leucorum qui a pour capitale ), elle-même rattachée à la province de (4) qui s'étend de la Lyonnaise à Première Belgique (Belgica Prima) (4). l'embouchure du Rhin. La ville la plus proche est donc Scarpone, chef-lieu du Pagus, bâtie autour du pont sur lequel la grande voie romaine Lyon- Trèves franchit la Moselle. Celle-ci est de plus en plus utilisée pour les transports par bateau et la villa de l'Aulnois est fort bien placée pour y avoir recours si besoin est. Nos connaissances sur cette première période historique de Condé sont donc extrêmement limitées. Le manque de monnaie (à l'exception d'une pièce de Faustine — 161-180) ne nous permet pas d'attribuer une datation même approximative à la durée de cet habitat qui semble avoir été détruit par un incen- die. Mais dans quelles circonstances et quand ? Nous l'ignorons. Un peu plus loin, à proximité de Malleloy a été édifiée une autre villa dont nous soupçonnons seulement l'existence à cause de quelques indices découverts fortuitement dans un champ (tuiles et conduites d'eau en béton romain). Nous mentionnerons encore la présence de quelques fragments de tuile romaine dans le vallon de Grimonval, sous la route de Morey, mais en quantité trop limitée pour pouvoir conclure à la présence d'un autre habitat à cet endroit. Durant près de trois siècles, la "pax romana" contribue à la prospérité de la vie économique et agricole dont profitent les villas. Mais, au-delà du Rhin, les peuplades germaniques font peser une menace sur la frontière qu'elles parviennent à fran- chir à partir de 275. L'ère des invasions est commencée. Leur histoire reste mal connue. Les chroniqueurs n'existent encore pas, sauf Grégoire de Tours qui ne connaît bien que les événements survenus dans l'ouest de la Gaule. Les Gallo- Romains de Condé sont-ils témoins du drame qui se déroula, en 362, à une demi-lieue de leur demeure, sur l'autre rive de la Moselle ? Un nommé Euchaire, venu évangéliser la région, est martyrisé au lieu qu'on appellera plus tard le Champ des Tom- bes à Pompey. Cinq ans plus tard, près de Scarpone, Jovin, à la tête d'une armée romaine, extermine des bandes alémaniques venues de Gennanie. Entre les grands courants d'invasion, se produisent fréquem- ment des infiltrations de tribus, de familles qui errent à la recherche d'une terre fertile et tranquille en Gaulle. Situé au débouché d'une vallée qui relie celle de la Seille à celle de la Moselle et constitue un couloir de passage à travers les collines hautes et boisées, Condatum se trouve tout naturelle- ment sur le chemin de ces infiltrations germaniques. Mais à quel moment quelques éléments de ces hordes barbares (5) débouchent-ils sur le site ? Combien sont-ils ? Quelle est (5) est alors barbare tout ce qui n'est leur attitude vis-à-vis des Gallo-Romains ? Violence ou,transac- pas Romain. tion, tuerie ou arrangement à l'amiable ? Nous ne savons stric- tement rien à ce sujet. Peut-être ont-ils trouvé une villa déjà en ruines et désertée, peut-être ont-ils chassé du fondus ses occu- pants, peut-être ont-ils conclu un accord pour partager le do- maine et cohabiter avec eux. Toutes les hypothèses sont possibles mais aucun témoignage ne nous permet d'en choisir une. Une seule certitude : ils s'implan- tent au confluent et fusionnent peu à peu avec les autochtones gaulois, fonnant le premier noyau du village de Condé. Il est probable que cette petite population germano-gauloise est fort peu nombreuse et se réduit à deux ou trois familles. Elle enterre ses morts sur place, en un endroit qui sera plus tard la place des halles. De sorte que la nécropole se trouve actuelle- ment au milieu de la localité, contrairement au "Champ des Tombes" de Pompey qui s'étendait assez loin du vieux village. Nous sommes donc aux environs du Ve siècle. Mais, là encore, nous devons nous contenter d'approximation, d'autant plus que, si ce cimetière existe bien, il n'a jamais pu être totalement fouillé en raison même de son implantation sub muros.

LA NECROPOLE MEROVINGIENNE

Nous l'appellerons ainsi puisqu'elle se situe à cette époque de l'histoire, mais aussi alémanique si l'on considère que les dé- funts ont été inhumés suivant les rites et la coutume germani- ques, comme à Pompey ou à Bouxières. La commune ayant décidé en 1952 de rectifier le niveau du sol de la place des halles, confia les travaux à l'entreprise Rangeard qui mit au jour quelques sépultures. Malheureusement, il ne fut pas possible de suspendre les opéra- tions de terrassement pour pratiquer une fouille systématique et complète. La nczcropole

Malgré la visite du Préfet Samama et du Président de la Société d'Archéologie Lorraine, les recherches restèrent très limitées et trois tombes seulement firent l'objet d'une exploration com- (6) fouille effectuée par MM. P. plète (6). Legrand, Stéphane Errard et L. Geindre. Elles étaient orientées à peu près Ouest-Est et très pauvres en mobilier funéraire. Un vase caréné présentant des caractères spécifiquement aléma- niques fut découvert hors des sépultures. D'autres tombes déjà bouleversées par l'entreprise échappèrent à nos investigations. Des habitants du quartier signalèrent qu'ils avaient, lors de travaux antérieurs dans leurs maisons ou leurs granges, exhumé des ossements et des armes (fers de lance). Les choses en restèrent là et l'entreprise termina ses travaux. Puis, en 1977, la commune vendit le vieux lavoir des halles devenu inutile et qui fut démoli. L'équipe de fouilles archéologi- ques de Pompey, autorisée par le propriétaire Monsieur Zimelli, entreprit alors de pratiquer des sondages et mit au jour de nouvelles sépultures appartenant-à la même nécropole. Six squelettes furent découverts. Ils étaient en pleine terre et dé- pourvus de tout objet funéraire. Les défunts reposaient sur le dos, la tête légèrement inclinée et les bras croisés sur la poitrine. Ceci pourrait signifier qu'il s'agissait d'individus déjà christiani- sés et inhumés au VIle ou au VIlle siècle. Ils se situaient plutôt à la périphérie du cimetière qu'au centre et furent probablement les derniers de cette petite nécropole, les suivants ayant été enterrés plus loin, à côté du premier sanctuaire chrétien bâti à l'emplacement de l'église actuelle.

Le fait que les inhumations aient cessé vers le VIF ou le VIIIe siècle dans la nécropole et que, finalement, les sépultures soient retombées dans l'oubli, a permis l'expansion du petit village dans cette direction. On a construit sur les tombes et certaines d entre elles subsistent probablement sous les jardins et sous la ruelle des maçons, ainsi que dans les fondations des bâtiments de ce quartier.

D'autres découvertes restent donc encore possibles. Un petit vicus, composé de quelques cabanes, est donc implanté près du modeste sanctuaire.

Vers 455, la domination des Francs est définitivement établie dans la Gaulle du Nord-Est. Depuis l'invasion des Huns qui brûlent Metz le 7 Avril 451 en même temps qu'ils assaillent puis abandonnent Scarpone, le pays est dans un état de ruine in- croyable : villas incendiées, rasées, saccagées ou abandonnées, domaines ruraux en friches, habitats pillés, misère générale. Dès 496, Clovis se rend maître de la Première Belgique et vient à Toul où Védastus l'initie à la foi chrétienne. A cette époque de troubles politiques incessants, de violence exacerbée, de malhonnêté instituée, l'Eglise, dont les adeptes ont peu à peu évangélisé la Gaule, reste le refuge et l'espoir des malheureux et des opprimés. Faute de documents précis, nous ne pouvons que nous replacer dans le contexte général pour ne pas perdre le fil de l'histoire locale. Quand et par qui est bâti le premier sanctuaire chrétien de Condé ? Encore une question que nous laisserons sans réponse. Aucun écrit n'en fait mention. Nous ne pouvons que reprendre l'hypothèse formulée précédemment à propos de la nécropole : abandon de celle-ci, aux environs du Ville siècle, pour des inhu- (7) ce qui paraît avoir été aussi le cas mations faites à côté de l'oratoire chrétien nouvellement bâti (7) de Bouxières avec l'église Saint- Martin. et dédié à Saint-Léger. Charlemagne fait de fréquents séjours à Metz auprès de son frère, l'évêque Drogon. Son petit-fils, Lothaire Ier, signe en 843 le Traité de Verdun qui démembre l'empire franc. Et Lothaire II, qui suit, reçoit en partage la Francia Média qui va devenir la Lotharie Regnum et plus tard la Lorraine. Une fois de plus le pays retombe dans le chaos, ce dont profitent les Northmen pour lancer des incursions de piraterie dans l'an- cienne Belgique. Ils remontent le Rhin et la Moselle. Ils sont à Metz en 892. Mais passent-ils devant Condé ?... La Lotharingie, et particulièrement le duché de Haute Lorraine ou Mosellane, de dimensions plus restreintes, est tombée sous la domination de l'empereur de Germanie. La ville de Metz, jadis importante cité gallo-romaine, est devenue le siège d'un évêché dont la puissance va en grandissant. Ses domaines et possessions s'étendent très loin, augmentés par de nombreuses donations, parmi lesquelles celles de l'Empereur et celles faites directement aux nombreuses abbayes dépendant de la cathédrale. (8) ou Arnould L'une d'elles est l'abbaye de Saint-Arnould (8) que l'on a appe- lée la nécropole des Carolingiens. Arnould, né à Lay (Saint- Christophe), était l'aïeul de Pépin d'Héristal. Il devint évêque de Metz en 614 et participa au gouvernement de Dagobert (9). (9) qui séjourne plusieurs fois à Metz. Mort dans les Vosges en 641, il fut inhumé dans une église de Metz qui devint l'abbaye de Saint-Arnould. Le temporel de l'évêché s'étend donc de plus en plus. Vers le Sud-Est, il gagne le Saulnois malgré les tentatives d'implantation des ducs de Lorraine et comtes de Bar dans cette région, et s'approche de la vallée de la Mauchère. L'église de est donnée à l'abbaye de Saint-Symphorien de Metz, vers 607, par l'évêque Pappold ( 10). (10) La reine Hildegarde donne Bou- xières à l'abbaye St-Amould en Le village de figure dans les biens de Sainte Glossinde en 785. 875 (diplôme de Louis le Germanique). est à l'abbaye de Gorze depuis 757 par un don de l'évêque Crodegang. Une charte de l'Empereur Othon Ier, datée de 936, mentionne Faulx dans la confirmation des biens de cette abbaye. Et ce village sera donné, en 1126, à l'abbaye de Saint-Arnould par l'évêque Etienne de Bar. Nous voici bien près de Condé. Mais malheureusement cette progression est interrompue par le manque de document. Même les archives de Metz ne contiennent pas de citations relatives à une quelconque donation de Condé en faveur du clergé régulier ou séculier messin. Et pourtant nous verrons un peu plus loin que Condé, comme tout- le Val des Faulx (formant une seule et même prévôté), va relever de l'abbaye de Saint-Arnould qui nommera à la cure de la paroisse. Tout ceci nous conduit à penser que le village de Condé et son finage viennent très tôt dans la dépendance des évêques de Metz qui réussissent ainsi à s'implanter à trois lieues et demie de Nancy. Mais nous ne savons toujours rien de l'habitat qui a succédé aux villas gallo-romaines. Seul un lieu-dit "Grimonval" (de Grimau ou Grimoald) évoque l'époque mérovingienne ou carolingienne, dans la dépression où passe la route de Morey, précisément là où l'on trouve quelques fragments de tuile ancienne dans les sillons des labours. Le lieu-dit "les Tachner", à consonance germanique, pas très éloigné d'ailleurs de la villa de l'Aulnois, pourrait également avoir une semblable origine. Par contre, il semble bien que le petit village (11) aille toujours (11) ou vicus grandissant puisque vers le XIIe siècle on rebâtit l'église devenue trop petite. Le nom de Condé apparaît dans un écrit daté de 1234, lorsque l'abbé de Saint-Arnould échange, avec Bertrand de Neufchâtel, le fief de Vignemont contre celui que Bertrand tient à Condé (12) évêque de Metz avec ses dîmes. Jean d'Apremont (12) confirme cet acte quelque temps après. C'est donc un laïc qui a acquis antérieurement la terre de Condé qu'il remet à l'abbaye. Mais les dîmes sont souvent partagées et série H 124 c'est probablement pour cette raison qu'en 1235, un certain AD Moselle Thierry de Morville donne à Saint-Arnould ce qu'il a comme dîmes à Condé. Le texte mentionne la grange où l'on fait dépo- ser celles-ci (qui sont en nature). On retrouve encore le nom du village dans un texte de 1243, date à laquelle Robert de Condé et Jean son fils vendent à Jean Pain de Seigle et à Robert, seigneur de Rumigny, les ville et revenus de Condé pour les tenir durant dix ans, moyennant 500 livres parisis, à charge d'employer 20 livres par an en réparation et délivrer 8 livres annuellement à Isabelle de Rumigny au cas où elle se marierait. Mais tout ceci ne nous éclaire pas beaucoup sur la situation politique de la localité. Les évêques confient souvent la protection de leur temporel à des laïcs qui en sont les voués. Or, en 1253, Woiry dit le Vosgien, de Deneuve, chevalier, voué de Condé et du Val des Faulx, revend sa charge à l'évêque Jacques de Florange, le jour de la vigile de Noël, pour la somme de 333 livres 6 sous 8 deniers messins. Cet acte confirme, assez tard, bien sûr, l'appar- tenance de la terre de Condé à l'évêché de Metz. Woiry avait acheté la vouerie quelques années auparavant et s'en défait en la restituant au prélat. Mais un temporel aussi étendu a besoin de quelques points (13) édifié au Xe siècle, reconstruit fortifiés. Le château de Nomeny (13) est un peu loin de Condé, par Th. Bayer de Boppart vers 1370. et puis il ne contrôle pas la vallée de la Moselle. C'est sans doute pourquoi, vers 1262, l'évêque Philippe de Florange fait bâtir sur la colline qui domine Condé, une forteresse à l'édification de laquelle contribuent les manants du village. Cette place forte fait sourciller le duc de Lorraine et le comte de Bar qui s'empressent d'en édifier une à et une autre à Pompey. Dès lors la rivalité qui oppose les prélats messins et ces grands seigneurs va provoquer maintes fois des interventions militaires dont souffrira la population, par ailleurs chargée de tailles et d'impôts, (en 1330 les habitants ont à payer 20 livres). Au XIVe siècle, Condé possède déjà, au centre du village, une halle dont il est question en 1347. La petite communauté qui fait partie de la seigneurie en subit aussi les vicissitudes et en suit l'évolution. C'est ainsi qu'en 1399 elle dépend du comte Edouard de Bar à qui l'évêque a engagé le (14) déjà une première fois en 1314. château (14). Lorsqu'à la Noël 1410, les Lorrains attaquent la forteresse, sans succès, ils s'en prennent au village et l'incendient, mais la garni- son, descendant de la place forte, les attaque et fait des prison- niers.

Trois ans plus tard, c'est le prévôt de Frouard qui envahit, avec ses soldats, la seigneurie et capture le maître échevin de Condé ainsi que six paysans et quarante chevaux. Mais le maire, en Novembre, avec l'aide du châtelain et de Wiry Cornepot son adjoint, tente de prendre une revanche en lançant une expédi- tion qui se termine au pied du château lorrain de Frouard.

En 1417, Condé a pour seigneur Philippe de Norroy et pour prévôt Wiry de Dieue (Cornepot).

Mais les guerres continuent.

Le 14 Juin 1429, lors d'un conflit survenu entre la république de Metz et les Lorrains, les alliés (Charles TI, Bar et Cologne) débouchent dans le Val des Faulx où ils dévastent les cultures, s'en prenant particulièrement aux vignes de Malleloy dont ils coupent une grande quantité. Cet épisode fait suite à la "guerre pour une hottée de pommes" déclenchée en 1427 par la faute de l'abbé de Saint-Martin qui aurait emmené ces pommes à Metz sans payer les droits dûs aux Lorrains.

Une autre bataille a lieu près du village en 1434, entre Lorrains et Barrisiens dont la plupart sont pris ou tués. Puis, en 1443, le seigneur de Commercy vient ravager le pays et cause de grands dommages à Condé, Condé qui est à peine remis du terrible hiver de 1436. La gelée et la neige sont apparues à la Sainte- Catherine (15). L'eau a gelé même dans les puits. Les blancs (15) 25 Novembre oiseaux qui prennent poissons (mouettes) volaient affolés, ne trouvant nourriture. Il gela et neigea jusqu'au 10 Février sans interruption. Les glaces se rompirent à la Saint-Mathias (24 Février). On n'avait pas vu cela depuis cent ans.

De 1491 à 1500, Pierre Vyon est clerc-juré et tabellion de Condé. Le clerc-juré joue un rôle administratif dans la seigneu- rie ; il paraît aux plaids annaux (réunions avec les habitants), aide les échevins et le prévôt, s'occupe des finances et des lettres de mission ou de réquisition, ainsi que des écritures. De plus, Vyon est notaire et enregistre les actes d'achat, de vente ou d'échange des biens immobiliers.

Village viticole, Condé subit, on l'a vu, les caprices du temps et la vendange n'est pas toujours excellente. Mais, en 1506, les vignerons se réjouissent de la récolte. "La sepmaine Sainct Martin d'hyver Estoit le temps cy très divers Et de meurisson sy très estrange Que c'estoit la foulle de vendange Car à la Sainct Rémy devant Fut en vieille vigne ou provent On n'y trouvait raisins meslez N'y bien peu de grais taillez Toutesfois l'esté Saint Martin Fut sy doux et soirs et matins Que la vigne tint sa verdure Et fut le vin de bonne nature On en fist de bons vins clairets Qu'on en vendoit bien sans arrest Et en just assez par raison Selon la diverse saison." (Selon la chronique de Metz)

Cependant la vouerie de Condé subsiste toujours en tant qu'ins- titution bien que le château ait été engagé par l'évêché. En 1534, elle est tenue par damoiselle Claudine Boussard, pre- mière femme de chambre de la duchesse de Lorraine, Renée de Bourbon. Claudine possède au village une belle maison appelée "la cour Vichart", construite à proximité de l'église et où elle a été autorisée à installer un pressoir. (Voir Livre II : les anciennes maisons). Fille de Daniel Boussart demeurant à Pont-à- et anno- bli le 31 Décembre 1529, Claudine a été choisie par la duchesse comme "femme de chambre", puis a obtenu la fonction de Armoiries de Renée de Bourbon vouée qui lui est confirmée en 1542.

C'est cette même année que la Lorraine est proclamée duché libre et non incorporable à l'Empire germanique dont elle reste toutefois sous la protection théorique (Traité de Nuremberg).

La duchesse a accordé à Claudine une pension annuelle de 200 fr., en reconnaissance de ses bons services au cours de quelques voyages, et du dévouement qu'elle a manifesté lorsque Renée a été malade. Parmi ses fonctions, la première femme de chambre a la garde d'une partie du mobilier et des armures du duc Antoine ainsi que de sa bibliothèque. Mais Renée de Bourbon meurt le 26 Mars 1539. Certains per- sonnages de la cour, jaloux de Claudine, font courir le bruit qu'elle a empoisonné sa maîtresse, (le poison est très à la mode). C'est un crime normalement puni de mort sur le bûcher. Le duc pourtant ne croit pas à cette accusation et, un peu plus tard, une enquête aboutit à la relaxation de la vouée de Condé. (Elle aurait été retenue en détention préventive de Septembre 1544 à Avril 1545), et à la proclamation de son innocence. Ses biens que l'on avait confisqués, (sauf peut-être sa maison de Condé), lui sont rendus (16). (16) elle en possède une autre à Nancy. Cependant, Claudine et sa famille devront écrire des lettres de renonciation à d'éventuelles poursuites en vue d'obtenir des dommages et intérêts pour l'accusation calomnieuse dont elle a été l'objet. "... A nul jourmais à muy n'y aux siens pour icelle cause n'y du procès contre elle ensuivy n'en fera n'y fera faire n'y souffrira estre faictes pour sucytes (sanctions), ny querelles en jugement ny dehors...". Le 16 Juin 1546, elle écrit un urphède (serment prêté par un détenu remis en liberté). «... Je Claude Boussart, jadis femme de chambre de feue d'heu- reuse mémoire ma Dame Renée de Bourbon jadis duchesse de Lorraine, confes'se par cestes que, comme de l'autorité et com- mandement exprés de feu Monseigneur le duc Françoys (17) (17) décédé le 12 Juin 1545 pour aucunes choses à moy imposées (imputées), soye estée détenue et incarcérée, mes biens meubles saisis en ma maison de Nancy ce 'néanmoing depuis de sa bénignité eslargie et par après son décès et tréspas par commandement des Excellences de très illustres princesse et prince, ma Dame la duchesse douai- rière de Lorraine et Millan et Monseigneur de Metz... Soye estée remise en mes dits biens qu'ils m'ont fait entière- ment restituer dont je m'en tiens bien contente promectant par ces présentes... d'en faire jamais ny souffrir ny faire souffrir par quelque per- sonne que ce soit cy après aucune poursuyte judyciaire ny extra - judy claire... ». Le duc Antoine est mort en 1544 à Bar-le-Duc laissant le duché à son fils François, filleul du Roi de France François 1er. C'est donc seulement à partir de cette époque que les accusations portées contre elle avaient été introduites en justice. Claudine possède également des biens à Louppy le Château (18) (18) résidence des comtes de Bar au XVe siècle. et Louppy le Petit (Meuse). Elle a racheté, en 1529, à Antherin de Sainctignon, échevin du palais de Verdun, la seigneurie de Froidos (19. Elle a aussi quelques terrains en friches au bois de (19) près de Clermont en Argonne. Faulx. On apprendra plus tard, en 1567, de la bouche de Claude Bardin, seigneur voué de Condé que Claudine Boussard, dame de Froidos, lui a fait remettre une somme de 3.600 fr à convertir en rente annuelle au profit de cinq filles pauvres de la commu- nauté qui recevront chacune 50 fr pour les aider à se mettre en ménage, à condition qu'elles épousent à Condé et prient pour l'âme de Claudine. Pour garantie de cette fondation, le voué hypothèque des biens importants : le moulin de la vouerie, le four banal, 25 fauchées de pré en bordure de la rivière (Sézerelle) entre les chanoines de et le sieur de la Grand'Faulx, 5 fauchées de pré sous le château, des saulcys et terres diverses. Claudine s'est donc retirée dans la Meuse à Froidos où elle meurt en 1569. Sa sœur Marie qui a épousé Thieriet Pierron, ex-conseiller de l'évêché de Metz, hérite de la seigneurie argon- naise.

Le 22 septembre 1550, en fin de matinée, un convoi, venant de Bouxières, s'approche lentement de Condé. Des cavaliers tout de sombre habillés encadrent un char funèbre recouvert de noir que conduit un Carme tenant une croix d'argent. Le cortège franchit le pont de la Mauchère et, empruntant la grand rue, débouche, sur le chemin de Faulx ou les convoyeurs vont passer la nuit. Tandis qu'il s'éloigne lentement, les langues vont bon train dans Condé. Un cavalier a daigné parler. Le char porte les restes du duc de Bourgogne, Charles le Téméraire, qui reposaient à Nancy, dans l'église Saint-Georges, depuis 1477, et qui sont translatés, par Metz, à Bruges où ils reposeront en terre flamande et bourguignonne. Insensibles, les murailles de la forteresse laissent passer celui qui fut, un moment, leur maître. L'épisode est vite oublié des gens de Condé qui vaquent à leurs travaux agricoles. C'est l'époque des vendanges. Le vin sera-t-il bon ? L'année 1568 marque le passage à Condé de la duchesse Claude de France, fille du roi Henri II et femme de Charles III. Un bateau, venant de Nancy, descend la Meurthe et s'arrête devant le village où elle débarque pour prendre par le Val des Faulx le chemin de Nomeny, accompagné d'une escorte que le châtelain a mise à sa disposition. A cette époque, Nicolas Vyon (un descendant de Pierre), mari de Catherine Charnolin, est clerc juré et greffier de Condé et du Val, poste auquel il a été nommé à l'âge de quinze ans, le 23 Avril 1553. Puis il devient conseiller et auditeur à la Chambre des Comptes de Lorraine et le reste durant 34 années au bout desquelles il démissionne pour céder la place à son beau-frère, messire La Hutterie en 1603. Il a alors 65 ans. Dans ce petit village où le seigneur et certains vassaux possèdent une grande partie des terres cultivables et des forêts, la commu- nauté des habitants jouit, pour ses besoins, de bois dits commu- naux qu'elle exploite régulièrement pour assurer le chauffage quotidien, la réparation des maisons et des bâtiments agricoles et la confection des paisseaux (piquets de vigne). Le bois du Four est réservé au chauffage du four banal. Le 18 Avril 1581, les habitants de Condé et du Val des Faulx obtiennent de Charles ln des chartes pour la police et le règle- ment de ces bois communaux. "Charles... Nos chers et bien aimés les gens de justice, manans et habitants de Condé et Val de Faulx, nous ont remontré que pour le bien et le profit de la communauté de chacun village de la dite vallée et seigneurie, ils auraient advisé et accordé entre eux certains articles concernant le fait et règlement de leur police et bois communaux lesquels ils désiraient entretenir, s'il nous plaisait iceulx confirmer et autoriser, et de quoi faire ils ont très humblement supplié, à quoi ayant bégnin égard et désirant leur prouveoir de remède convenable pour éviter au désordre, ruine et notable intérêt que par faute de règle et bonne observa- tion, ils ont jusques à (aujourd') huy et pourraient encore à l'avenir ressentir,... Avons autorisé et confirmé les dits articles suivant la forme et condition ci-après déclarés. Et premièrement seront tenus les manans et habitants de cha- cun des dits villages de s'assembler et congreger (tenir congrès) par chacun an, au son de la cloche, le lendemain de la Nativité de Notre Seigneur, pour élire et nommer chacun an en son endroit, un personnage de bonne vie, pour mainbourg ou gou- verneur, qui aura charge et puissance de délibérer, traiter et négocier toutes affaires concernant le bien, profit et utilité de la communauté d'où il sera élu, avec le conseil néanmoing et avis de six hommes bien famés (réputés) qui aussi seront élus par la dite commune au jour que dessus ; les dits mainbourg, gouver- neur et six adjoints étant élus et établis (comme dit est) faisant le nombre de sept en chacun village, pourront eux seuls pour- voir et aviser aux affaires de la dite commune et en conclure par pluralité de voix et sans qu'il soit besoin en avoir autre avis ou consentement de toute la commune. Si donc il n'y avait plura- lité de voix, comme il pourrait advenir, aux villages de Faulx Saint Pierre et Faulx Saint Etienne où le nombre sera de deux mainbourgs et douze adjoints, auquel cas les dits mainbourgs assembler la dite commune pour être l'affaire contentieuse, vi- dée, résolue et définie par icelle, que les dits mainbourgs, élus et adjoints ne feront aucun frais, ny à la rédition de leurs comptes, ny en vaquant aux affaires des dites communes, si donc ils ne sont contraints de se transporter hors des bans des villages de la dite seigneurie, auquel cas leur sera la dépense raisonnable qu'ils pourront y faire en y vaquant, allouée et passée à la redition de leurs comptes. Lesquels comptes se rendront par les dits mainbourgs et adjoints à l'issue de leur charge par devant leurs successeurs immédiats, le même jour ou le lendemain de leur élection et sera loisible à chacun habitant d'y assister si bon lui semble. Et d'autant que les dits mainbourgs et gouverneurs devront recevoir, au nom de toute la commune, les étrangers qui vou- dront s'arrêter, loger et tenir famille aux villages de la dite seigneurie, nous leur avons commandé de n'en recevoir aucun qu'au préalable ils ne se soyent bien assurés de leur fame (répu- tation) et honnêtes conversations et qu'ils n'aient payé et ac- quitté en leurs mains le droit de l'entrée de ville qui est de dix francs monnaie de nos pays ou du moins que ceux qui les recevront en leurs maisons n'aient répondu de les payer pour eux dedans le jour de Noël de la mesme année qu'ils seront entrés, à peine de payer eux mesmes en leur propre et privé nom ; desquels dix francs la moitié sera et appartiendra à nous comme profit et émolument de haute justice et l'autre à la commune sous laquelle le dit entrant aura choisi et élu sa résidence. Que pour la conservation de leurs bois communaux et retran- (20) commettent cher les abus, dégradations et malversations qui se comment (20) seront élus au jour que dessus deux hommes de chacun village, par chacun an, pour forestier, pour prendre et gager les mesu- (21) faisant mésus ou délits. sans (21) en iceux, lesquels forestiers prêteront le serment entre les mains de nos gens de justice, à laquelle ils feront rapport des dits dégats et de ceux qui les auront commis dedans vingt quatre heures et seront tenus de rendre compte des dits dégats à bout de leur année, suivant la visitation qui en sera faite par les députés à ce ordonnés, à la poursuite et diligence des main- bourgs, lesquels, outre les gages et salaires qu'ils percevront de la communauté, auront de notre grâce spéciale le tiers de l'amende à nous appartenant et dont, de notre libéralité, et afin que tant plus soigneusement ils s'aquittent de leur charge à la conservation des dits bois communaux, nous leur en avons dès à présent comme dès lors fait don et concession. Et advenant qu'un ou plusieurs bourgeois résidant en un village (22) bois de charpente de la dite seigneurie eussent nécessité de bois marien (22) pour la commodité de leurs maisons seront tenus les demander à la commune par jour de dimanche au sortir de l'église, en présence des dits mainbourgs et adjoints ; lesquels connaîtront de la qualité qui leur sera ainsi nécessaire pour la leur marquer et assigner en lieux moins dommageables, pourvu que ce soit seulement pour l'entretenement, réfection et réparation de leurs maisons et non pour faire nouveaux bâtiments ; que si le de- mandeur excède ce qui lui en sera avisé, marqué et assigné il perdra non seulement son bois, mais payera outre ce, l'intérêt du nombre excédé avec cinq francs d'amende pour chacun trouvé. Et parce que la libre fréquentation des dits bois amène avec soi une multiplicité d'abus que sous ombre de telle permis- sion se commettent ordinairement avons inhibé et défendu aux dits habitants de couper en leurs bois communaux recrects et recrenes (23), qu'ils soient, coudriers et autres tels bois à faire (23) nouvelles pousses de bois. claies, bugnons et peniers (24), ains seulement pourront prendre (24) objets en vannerie. les hartz et non autre chose. Avons aussi défendu et inhibé la hantise du bétail en iceux bois, sinon que les recrenes soient de défense de cinq ans (2 5), à peine (25) poussés depuis 5 ans. de l'amende de 5 sols pour chacune bête pour la première fois, pour la seconde de 7 francs et demi et de confiscation pour la troisième ; et quant à la chèvre elle sera confisquée la première fois. Seront à l'avenir tenus les dits habitants de couper leurs dits bois communaux à front de taille en chacun journal des- quels ils nourriront des estalons de chêne jusques au nombre de vingt, et ne sera loisible à aucun particulier vendre la passon (portion) de bois qui lui sera assignée hors de la dite seigneurie afin que sous ce prétexte les déforains (26) ne fouragent leurs (26) propriétaires résidant hors du bois, et ce sur peine de l'amende...". ban. En résumé : Le village de Condé (comme ceux du Val des Faulx) aura désor- mais le droit d'élire des représentants chargés de s'occuper des biens de la communauté (souvent appelée la comuauté). Ces administrateurs devront avoir une bonne réputation et travaille- ront bénévolement. Seuls leurs déplacements seront payés. Les habitants pourront vérifier leur gestion à la fin de leur mandat. Les mainbourgs (27) auront la faculté de recevoir de nouveaux (27) ici, les représentants. venus dans la commune après s'être assurés de leur réputation et leur avoir fait payer le droit d'entrée de 10 fr (moitié pour le duc, moitié pour Condé). Pour la protection des forêts deux hommes seront élus chaque année, qui prêteront serment devant le prévôt de justice et auquel ils rendront compte de leurs inspections. Ils seront rému- nérés par la communauté et toucheront le tiers des amendes infligées à la suite de leurs rapports. Lorsqu'un bourgeois du village aura besoin de bois mérien (de construction), il sera tenu d'en faire la demande le dimanche à l'issue de la messe aux mainbourgs et adjoints qui feront dési- gner les arbres à couper (pour les réparations seulement et non pour un bâtiment neuf). Nul ne pourra abattre du bois à sa guise et le bétail ne devra pas pénétrer dans la forêt communale sous peine d'amende à son propriétaire (ou de confiscation). L'abattage d'arbres autorisé devra se faire par front de taille et suivant une méthode bien définie. Ces chartes seront confirmées en 1629. Ainsi dans le cadre de la seigneurie et parallèlement à l'institu- tion féodale qui impose ses contraintes et ses charges à la classe des petits cultivateurs, vignerons et artisans, la communauté des habitants s'organise de façon démocratique pour tout ce qui concerne ses biens propres. Pour le reste, chacun est tenu de satisfaire aux corvées, impôts, taxes et droits seigneuriaux établis comme de se soumettre à la justice, ou plus exactement aux différentes justices dudit lieu (ducale, prévôtale, cléricale). Il existe bien entendu des franchises accordées à certains. Les charges qui pèsent sur les habitants de cette prévôté sont mentionnées dans les comptes du receveur pour l'année 1589. "... Chacun conduit (foyer) des villages doit par chacun an à Monseigneur le Duc, au terme de la Saint Martin d'hiver, pour cause de son four, 5 sols messins ; la veuve faisant labour 2 sols 1/2. Chacun conduit des villes de la vallée des Faulx doit à Monsei- gneur (s'il n'est homme franc) pour les corvées de la faulx, de (28) différents travaux saisonniers. la fourche, du wayn et de la sarpette (28), 3 gros. Tous manants (29) avaient l'habitude de et habitants des villes de la vallée des Faulx souloient (29) faire (30) à présent le guet et charroyer au château de Condé ; mais le présent (30) n'en font plus en payant chacun an 18 livres pour le guet et 6 livres pour le charroi. Chacun conduit des dictes villes faisant labour doit trois corvées, scavoir : le sommars (labour) le wayn (semailles) l'avoine (récolte) ...". Certaines corvées en nature de travail peuvent donc être rem- placées par le versement d'une somme correspondante et l'on voit que les habitants avaient adopté cette façon de faire ce qui leur évitait sans doute une précieuse perte de temps. Il ne s'agit là bien entendu que d'une partie des impositions supportées par les manants. Ils ont en outre à payer : l'aide Saint Rémy, annuellement la redevance au voué les dîmes aux décimateurs (en nature) les taxes de pressoir et de four banaux. Mais quelle est alors la population de Condé ? Les comptes du receveur nous en donnent une certaine idée. En 1610, le receveur de la châtellenie de Condé et du Val des Faulx établit un relevé des habitants afin de préparer les imposi- tions.

Pour Condé, on distingue : - Les hommes francs à cause de leur état ou de leur office : Ils sont six parmi lesquels Fr. Louis mayeur (maire), le clerc- juré, le tabellion et les échevins. - Les hommes résidant en maisons-fiefs appartenant au sei- gneur voué : *En la maison de la Vouerie on en compte quatre, moitriers (31) et vignerons. (3 1) métayers *En la maison des Lombards un seul, Jean Husson. •En la maison Guinchard (Cour Vichard) deux Fr. Noël, maire du voué G. Goussot, jardinier. - En d'autres maisons-fiefs appartenant à des particuliers Thiebault Godart, moitrier du seigneur Baillivy Christophe Marogal, moitrier du seigneur Reboursel. - Les hommes résidant en maisons affranchies : Ils sont 14, parmi lesquels le moitrier du seigneur Bardin l'admodiateur (32) de la dame du Chatelet. (32) fermier du domaine. - Les hommes non francs : au nombre de 87. - Le meunier du voué.

Le total des inscrits se monte à 117, ce qui représente à peu près l'ensemble des foyers de Condé à cette époque et correspondrait à 3 ou 400 habitants.

Les familles qui habitent dans une maison fief ou franche au titre de domestiques, serviteurs ou fermiers bénéficient d'un régime fiscal plus avantageux, de même que les officiers publics.

En pleine nature, dans les champs, s'élèvent alors quelques granges isolées, à Moitrosse sur la rive gauche, en haut du chemin de Biard (la Vuidegrange), près du château également. Elles servent aux travailleurs des champs et aux troupeaux. A la fin du XVIe siècle, Condé est toujours le chef-lieu de la prévôté du Val des Faulx qui comprend : Condé, Malleloy, Faulx Saint Pierre, Faulx Saint Etienne, Saint Epvre (prieuré à flanc de côteau entre Faulx et ), et Montenoy. La localité semble prendre au début du XVIIe siècle un dévelop- pement notable puisque, par lettres patentes du 1er décembre 1623, le duc Henri, considérant que "ce village contient une grande extendue laquelle est bien construite de maisons, peu- plée d'un grand nombre d'habitants, située en un territoire (33) le duc aime y séjourner. fertile et délectable (33) et ayant la Moselle, rivière fameuse qui bat contre", établit de nouveau un marché qui se tiendra sous la halle le lundi de chaque semaine. Le document reproduit, en tête de ces lettres, la requête des gens de Condé dans laquelle ils parlent de cette halle fort spa- cieuse et dont l'étage supérieur sert à la tenue des plaids annaux (assemblée périodique des habitants). Mais cet avenir qui s'annonce pourtant bien pour la prospérité du village est déjà agité par la vague de sorcellerie qui sévit en Lorraine et conduit au bûcher ou au gibet tant d'innocents. De nombreux individus tombent sous le coup de cette accusa- tion, la plupart du temps dénoncés par des personnes malinten- tionnées ou véritablement apeurées. Depuis la fin du siècle précédent, Condé connaît aussi cette contagion. En 1582 Jeanne Grandsaint et Jean Montena, en 1594 Claudon (34) prénom féminin (34) Piernot dite "la Maisonnette", en 1603 Demange Monier, en (35) Catherine 1618 Cathin (35) Vraune, Ydatte Michault, Catherine Saulnier, Jacques Begeot, Toussaint Sauvage, Catherine Houin et Didier Blandidier et en 1619 Brabillon, femme de Didier Regnier, sont arrêtés, questionnés et exécutés pour crime de sorcellerie. Dans la même prévôté, on éxécute à Faulx, Claudon, femme de Gérard Pitoux, en 1605, Jean Toussaint et François Cordier en 1618 ; à Montenoy, Margot, femme de Jean Kardier en 1588 et Mar- guerite Bayer en 1609 subissent le même sort. En Novembre 1621, une jeune fille de Leyr, Anne Marie Bouley, est traitée de sorcière par une méchante voisine. Très inquiète, affolée même à l'idée d'être dénoncée à la justice, elle se rend à Nancy où elle prend le coche de Paris. Dans la guim- barde, elle bavarde avec son voisin, un brodeur de Nancy, nommé Marin. Mais elle en dit trop et la conversation dévie sur le médecin Charles Poirot, accusé, en 1620, de sorcellerie, interrogé par une cour de magistrats dont l'un est A. du Bois, et condamné. Le compagnon de route d'Anne Marie la décide à faire demi- tour et, rentré à Nancy, la livre à la justice. Conduite à Châtel la jeune fille avoue et se rétracte plusieurs fois, puis accuse Ch. Poirot qu'elle n'a jamais vu. Une confronta- tion a lieu au cours de laquelle Anne Marie persiste dans son accusation. Le maître des hautes œuvres rase son corps, la sonde et découvre "la marque infernale". Le procès, dit-on, passionne l'opinion publique qui accuse ou défend. Le nombre des juges est alors porté à 2 1. Mais le 7 Avril 1622, les deux accusés sont condamnés à être attachés à un poteau, étranglés jusqu'à ce que mort s'ensuive puis être ars (brûlés) et réduits en cendre. Après une dernière mise à la question, la sentence est exécutée immédiatement dans la cour du château. Anne Marie, sous l'empire de la"'douleur, dénonça comme com- plices tous ceux dont les noms lui reviennent à l'esprit. Elle déclare même avoir rencontré au sabbat André des Bordes. Accusation qui sera retenue, entre autres, lorsque le grand maî- tre d'armes sera, 3 ans plus tard, brûlé au château de Condé. (Voir page 58). En 1622, une nouvelle procédure est instruite contre une femme de Condé. En 1626, Gilette (36), de Condé également, est (36) veuve de feu messire Jean Page. conduite au château sous l'accusation de sortilège. Après un interrogatoire très dur, suivi de l'audition des témoins, elle subit la question ; puis un chirurgien vient la visiter et la sonder. Malheureusement nous n'avons pas les conclusions du procès. Un peu plus tard, un individu de Faulx arrêté pour vol et meurtre est conduit à la forteresse. On lui inflige le carcan, la fustigation à l'aide de verges, et on l'expose à tous les carrefours et lieux communs de la prévôté. Enfin, il est marqué au fer rouge et banni à perpétuité. Ainsi sa peine est moins sévère que celle infligée aux susdites sorcières. Il y aura encore, en 1631, une procédure engagée contre une femme de Condé accusée de sorcellerie ; mais nous en ignorons la suite. Cependant la véritable contagion, celle qui tue sans procès ni accusation, la maladie épidémique, implacable, sournoise, terri- fiante, a fait, elle aussi, son apparition. Elle règne dans le village, en 1568, durant un certain temps, puis disparaît. Les habitants retrouvent enfin la tranquillité et se remettent à l'ouvrage dans leurs vignobles et leurs labours. Au début du XVIIe siècle, on trouve, dans la commune, trois auberges : - la première, à l'enseigne de Saint Nicolas tenue par Nicolas Mailly en 1602. - la seconde, à l'image de Monsieur Saint Martin, gérée par Martin de Naville. - la troisième, à l'enseigne de Saint Barthélémy, dirigée par Didier Hanrion. Il existe, en plus, deux cabarets dont les tenanders sont François Loie et Nicolas de Gomont. De quoi restaurer et abreuver les voyageurs et les soldats de la garnison du château, sans compter les pages et écuyers qui accompagnent Son Altesse lorsqu'elle vient à Condé. L'approvisionnement en vin ne pose pas de problème, les vigne- rons sont nombreux, les vignobles très étendus. Le duc Henri II et François de Vaudémont, son frère, viennent souvent chasser dans les forêts environnantes, mais il leur arrive de loger dans une maison de Malleloy plutôt qu'au logis du château.

A cette époque, la prévôté compte, pour Condé, Malleloy, les deux Faulx, Montenoy et Bratte, 316 conduits (familles) 126 chevaux tirant (de trait) 192 chevaux en patûre 205 vaches (bêtes rouges) 1 630 petits animaux (bêtes blanches), tels que moutons, chèvres, etc.

Cependant la situation politique et sociale relativement bénéfi- que dont jouit la population va se dégrader, à partir de 1626, en raison des conflits qui surgissent entre la France et la Lorraine. Les hostilités, les campagnes militaires apportent leur cortège habituel de misères, de malheurs, de violences et de ruines. Le temps des fastes au château a vécu. Charles IV vient de succéder en 1625, à son père François qui n'a régné que quel- qlJes jours, à la suite de son frère Henri. Au même moment, à la cour de France, Armand Jean du Plessis, Cardinal de Richelieu, entre dans les conseils de Louis xm. Il n'a pas d'aversion particulière pour la Lorraine, mais Charles, de son côté, a quelque inclination pour l'Empire d'Autriche. Le conflit éclate donc, dès 1626, lorsque notre duc tombe amou- reux de la duchesse de Chevreuse, exilée par le Roi en Lorraine, et complote avec elle. C'est le début d'une guerre qui va se dérouler en plusieurs phases au cours du XVIIe siècle et qui ne s'achèvera réellement qu'à la mort de Stanislas. La Lorraine va connaître plusieurs occupations, de nombreux passages de trou- pes et leurs conséquences sur la population. Les habitants de Condé en auront leur part et, pour comble de malheur, à l'issue d'une période désastreuse et affligeante, car voici que le fléau de la contagion reparaît ! Il sévit de 1628 à 1631, et même, déjà en 1627, à Faulx où le meunier Claude Vernouille obtient une réduction de 20 réseaux de blé sur sa redevance d'amodiation "en raison de la maladie qui a régné six mois entiers aux deux Faulx" et parce que le capitaine-receveur de la seigneurie l'a contraint à payer malgré la pénurie. Le fléau s'étend vite dans le Val.

"... Est véritable que pendant huict mois de l'année 1628 la contagion aurait régné tant à Condé qu'aux deux Faulx, et à raison d'icelle ne serait faict pendant le dict temps aucune fonc- tion ni exercise de justice es ditz lieux, non plus que pendant l'espace de quinze mois qu'elle auroit esté interdite au dict Condé, et ce depuis la fin de septembre 1629 jusque au com- mencement de décembre 1630 et, finalement à Faulx Sainct Estienne durant trois mois de l'année dernière...". D'autre part, on note dans les registres de la Chambre des Comptes, en 1631, que "depuis le dernier jour de septembre 1629, que la maladie contagieuse commença de régner au dit Condé, fut interdit aux habitants du dict lieu de hanter et fréquenter ez lieux circonvoisins, comme aussi aux voisins de conférer et faire aucun commerce avec eulx, ce qui a continué jusqu'au 5e Décembre dernier (de 1630). Et à ce sujet de la- quelle maladie partie des dicts habitants sont réduits à de gran- des nécessités et jusques à mendier leur vie". Il est probable qu'à cette époque on ait créé à l'écart du village, en un endroit appelé aujourd'hui "le champ des loups", un bâtiment (37) où se réfugiaient les contagieux car ce lieu figure à (37) en bois l'ancien cadastre sous le nom de "la Maladrie" et que la Rouge Croix, depuis longtemps disparue (38), ait été élevée à cette (38) sous la Révolution. occasion. On devine quelle angoisse pouvait régner dans le village durant ces temps de calamités. La maladie frappe n'importe où et n'im- porte quand. On ne sait comment la combattre, si ce n'est d'éloigner chaque malade dès les premiers signes de la contami- nation, afin d'éviter tout nouveau contact. Une distance de quarante pas est souvent prescrite entre les victimes du fléau et ceux qu'il a épargnés. Il existe des aéreurs chargés de désinfecter les logements dans lesquels ils brûlent les meubles et les effets s'ils le jugent néces-