Entre La Glace Et Le Feu / Map of the Human Heart (Coeur De Métisse)]
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Document généré le 2 oct. 2021 07:33 Séquences La revue de cinéma Entre la glace et le feu Map of the Human heart (Coeur de métisse) Johanne Larue Numéro 164, mai 1993 URI : https://id.erudit.org/iderudit/50090ac Aller au sommaire du numéro Éditeur(s) La revue Séquences Inc. ISSN 0037-2412 (imprimé) 1923-5100 (numérique) Découvrir la revue Citer ce compte rendu Larue, J. (1993). Compte rendu de [Entre la glace et le feu / Map of the Human heart (Coeur de métisse)]. Séquences, (164), 46–47. Tous droits réservés © La revue Séquences Inc., 1993 Ce document est protégé par la loi sur le droit d’auteur. L’utilisation des services d’Érudit (y compris la reproduction) est assujettie à sa politique d’utilisation que vous pouvez consulter en ligne. https://apropos.erudit.org/fr/usagers/politique-dutilisation/ Cet article est diffusé et préservé par Érudit. Érudit est un consortium interuniversitaire sans but lucratif composé de l’Université de Montréal, l’Université Laval et l’Université du Québec à Montréal. Il a pour mission la promotion et la valorisation de la recherche. https://www.erudit.org/fr/ CRITIQUE MAP OF THE HUMAN HEART entre la glace et le feu inéaste des antipodes, le Néo- qu'à un fil, celui de notre imaginaire. machiavélique ennemi Walter Russell, Zélandais Vincent Ward réalise des C'est du moins comment je me qui aime la même femme que lui, films étranges et envoûtants qui ont représente l'oeuvre du cinéaste Albertine, une métisse Crée. goût de fin du monde. Le créateur de tellement il est plus facile de la décrire L'originalité du film réside cependant C Vigil (1984), The Navigator (1988) et avec un vocabulaire emprunté au dans son traitement. Telle une formule du scénario de Aliens 3 est bien médiévisme qu'à celui qui nous est d'alchimie, Map of the Human Heart connu pour ses évocations de sociétés coutumier. Map of the Human Heart se pose entre le réel et la fantaisie, la marginales aux prises avec la fluidité ne fait pas exception. vie des Inuit et la réalité de la du temps et les pièges surréalistes de Au premier coup d'oeil, le tout Deuxième Guerre mondiale se voyant l'inconscient. Ésotériques et fabuleux, dernier film de Vincent Ward peut transformées par l'imagination dans tous les sens du terme, les paraître un peu démagogue; son récit poétique du cinéaste. Vincent Ward mondes que Ward s'invente sont tissés se faisant l'écho d'une préoccupation laisse parler ses images. Un peu à la de mythes et de légendes. Sur une noble mais à la mode, soit la défense façon de Nicholas Roeg ou même de carte représentant le monde à plat, des droits des peuples autochtones. Le Stanley Kubrick, Ward expérimente Warland se balancerait dans le vide drame du film couvre quatre avec le pouvoir qu'ont certaines aux extrémités de la croûte terrestre: décennies et oppose le jeune Inuit images confondantes de nous les récits de Vincent Ward ne tenant Avik à son bienfaiteur puis impressionner par delà les mots. C'est 46 Séquences le cas des plans d'ouverture où la le dernier fantasme d'Avik qui se femme chaste injustement accusée Terre vue du ciel pourrait bien meurt sur un glacier. Enfants déjà, ils d'infidélité (qui préfigure Othello) et s'avérer un coeur meurtri. C'est le cas se rencontraient la nuit, sous le forcée de simuler sa mort (comme des visions qui obsèdent Avik et de la clocher de leur sanatorium. Dans ces dans A Winter's Tale). réalité qui dépasse les horreurs qu'il moments de haute voltige, Map of the Branagh a choisi de minimiser le peut imaginer: des marins allemands Human Heart rappelle un peu côté tragique et de faire de son Much morts gelés mais se tenant debout, Mauvais Sang et Les Ailes du désir. Ado une belle aquarelle, une fête presqu'à l'attention, tels des totems Il n'est pas fréquent que les champêtre légère et enlevée, où les annonciateurs sur fond de paysage coproductions internationales donnent choses les plus blessantes sont arctique ou, encore, Dresden balayé des films aussi cohérents et aisément pardonnées. On croirait voir par les flammes de l'Apocalypse. Dans harmonieux. Si c'est le cas de cette une joyeuse bande de saltimbanques Map of the Human Heart, les entreprise australienne, française, débarquer le temps d'un week-end matériaux du cinéaste alchimiste sont canadienne et britannique, le mérite dans les jardins d'une riche propriété d'ailleurs la glace et le feu; des revient sans nul doute au créateur campagnarde. Après une entrée en étendues de lumière bleue traversée phare qu'est Vincent Ward. Le film matière poético-bucolique, la d'éclairs orangés. Cela donne au film s'intègre parfaitement à la suite de son séquence-générique, exubérante et l'allure d'une fresque enluminée; oeuvre qui, elle, de toute évidence, ne musclée, s'ouvre sur une chevauchée l'immortalité d'une histoire racontée connaît plus de frontières. On dit des endiablée digne de Sam Peckinpah où depuis des temps immémoriaux. cinéastes visionnaires qu'ils nous chaque accord de la musique du L'autre grande qualité du film réapprennent à voir. C'est ce que fidèle Patrick Doyle annonce un réside dans son habilité à conférer réussit Vincent Ward, jusque dans son nouveau personnage. simultanément une dimension choix d'acteurs. La transfiguration de Aussitôt la poussière retombée, cosmique au drame qui oppose les Jason Scott Lee et Anne Parillaud ne commencent les chasses-croisés trois individus du récit et une peut qu'émouvoir. Tout comme la amoureux. L'action se déroulera dimension humaine à l'Histoire qui simple présence de Jeanne Moreau et fait rage autour d'eux. Le la découverte d'un nouveau talent bombardement de Dresden en février québécois, Annie Galipeau qui, dans 1945 par les Forces Alliées est sans le rôle d'Albertine jeune, possède le doute attribué à Winston Churchill charme et l'espièglerie d'une dans maintes encyclopédies mais, Geneviève Bujold en herbe. dans la version de Ward, l'hécatombe Johanne Larue est causée par une crise de jalousie, le cartographe Russell ne pouvant se MAP OF THE HUMAN HEART (Coeur de résoudre à perdre la femme qu'il veut métisse) — Réal. et scén.: Vincent Ward — Phot.: Eduardo Serra — Mont.: |ohn Scott — posséder. La dimension wagnérienne Mus.: Gabriel Yared — Dec: lohn Beard — du personnage qu'interprète le beau Cost.: Renée April — Int.: Jason Scott Lee mais implacable Patrick Bergin n'a (Avik), Robert Joamie (Avik jeune), Anne Parillaud (Albertine), Annie Galipeau (Albertine d'égal que Yangélisme à peine voilé jeune), Patrick Bergin (Walter Russell), Jeanne Moreau (Soeur Banville) — Prod.: Tim Bevan — du couple d'amants métis. Comme Emma Thompson précisément dans les jardins et en Australie/France/Canada/Grande-Bretagne — Tristan et Iseult ou Lancelot et et Kenneth 1992 — 110 min. — Distribution: C/FP. plein soleil (il faut voir les acteurs Guenièvre, Avik et Albertine s'aiment Branagh dans plisser abondamment les yeux et Much Ado About d'un amour pur mais interdit; un Nothing arborer les plus rutilants coups de amour dont ils ne soupçonnent même Much Ado About soleil) et à quelques exceptions près, pas les ramifications et le tragique Nothing les scènes intérieures seront réservées destin. Leur relation reste longtemps aux sombres manigances de Don John chaste mais, quand ils la consomment, Much Ado About Nothing forme, et sa clique. Ward imagine leur rencontre avec Twelfth Night et As You Like It, Comme une image vaut mille charnelle entre ciel et terre. Tels des une trilogie de comédies romantiques mots, Branagh remplace avanta amants célestes, Avik et Albertine qui marquent un tournant dans geusement des paragraphes s'enlacent sur le dôme du Albert Hall, l'oeuvre de Shakespeare, en ce d'explications par quelques plans en équilibre sur la voûte d'acier; ils qu'elles annoncent la venue des éloquents et enlève au texte original font l'amour sur le dos même d'un grandes tragédies. On y voit déjà l'équivalent d'une bonne heure. En dirigeable qui flotte au-dessus de la l'émergence des thèmes plus sombres, serrant ainsi l'action, on risquait de campagne anglaise et s'évadent en comme celui, souvent abordé par la rendre encore moins plausible la montgolfière, vieux et heureux, dans suite, du déshonneur infligé à une volte-face des personnages, et surtout No 164 Mai 1993 47 celle de Claudio qui, d'amoureux Incarnés par le couple Branagh- Des émotions servies sur canapés. Des transi, en vient à honnir celle qu'il Thompson dans une forme superbe, hésitations mijotées dans l'air du adorait. Il revient donc ici aux acteurs les amants rebelles semblent plus temps. Au dessert, on nous propose un de bien faire passer ces enclins que jamais à renouer. Si ce éclair au chocolat flambé au coup de comportements pour le moins Benedick dissimule son insécurité foudre. Johanne Prégent assume le excessifs. sous une avalanche de protestations scénario et la réalisation. Si son film Les rôles de Don Pedro et Don claironnées haut et fort, la brillante est raté, il ne faudra s'en prendre qu'à John sont ordinairement dévolus, tout Béatrice d'Emma Thompson cache, la pauvre Johanne, Prégent comme comme celui de Leonato, à des sous ses réparties cinglantes, une devant. Heureusement pour nous, la acteurs d'âge mûr, ce qui a pour effet blessure encore sensible. Elle sait scénariste a eu la main heureuse et la d'accentuer le fossé des générations. donner une étonnante complexité à la réalisatrice l'oeil à l'avenant. En opposant ainsi les manigances des phrase «I know you of old» (Je vous uns à la naïveté des autres, les jeunes connais depuis longtemps) qui laisse amants font figure de pions entre les poindre en un instant tout un drame mains de leurs aînés.