LE PROCES BARBIE 30 ans après… Mathilde Philip-Gay (Séminaire Franco-brésilien du 29 mars 2018) Présentation

• Intervenante: Mémoire/valeurs de la République • Champs de recherche communs avec des stagiaires? • Principe du séminaire: utiliser la vidéo, et des enregistrements audio. En cas d’incompréhensions, ne pas hésiter à le signaler. Les termes du débat sur la mémoire

• L’amnistie empêche la mémoire • Nécessité d’un procès ou de justice transitionnelle (droit à la vérité, droit à réparation, droit à la mémoire?) • Mais que reste t-il de cette mémoire lorsqu’un temps long s’est écoulé après le procès ou la CRV? La problématique

1987 (50 ans après 2018 (30 ans après le les faits) procès) 1942-1944 Q: Un procès est-il Q: La mémoire du possible? procès est-elle possible? Que restera t-il du procès après l’écoulement du temps (comparaison avec un rapport de CVR) La problématique (suite)

• Montrer les rapports entre le droit français et la mémoire des crimes de masse commis en France (un autre éclairage pour le sujet au Brésil) • En 87, lorsque s’ouvre le procès: Mémoire de la seconde guerre mondiale. Epuration. Des grands criminels en fuite, des hauts fonctionnaires non inquiétés (papon) ou en fuite (protégé par un courant de l’Eglise catholique: Touvier). France résistante ou France collaborationniste? Mémoire de l’Algérie (présentation, présentation des évènements, décrets de 1962, les autres amnisties, les conséquences: l’affaire Paul Aussaresses). • PREMIERE PARTIE: UN PROCES HISTORIQUE (nombre de victimes, crimes reprochés, personnalité de l’accusé, , Fort de Montluc, Salle d’audience, procès entièrement filmé…) Relevez en quoi c’est un procès important Pourquoi vous présenter ce procès?

• Une importance particulière à Lyon.  La résistance à Lyon (dont présentation de Jean Moulin qui a donné son nom à l’Université, et victime de Barbie: parcours, rôle, réunion de Caluire, mort, le héros français: transfert au panthéon) Pourquoi vous présenter ce procès?

• Une importance particulière à Lyon. Lyon capitale de la résistance Juste après la guerre, le général de Gaulle a qualifié la capitale des gaules de « capitale de la Résistance française ». Laurent Douzou a montré que cette formule constitue elle-même un lieu de mémoire, », c'est-à-dire un « atelier » dans lequel les mémoires se fabriquent, pour reprendre une expression de Pierre Nora (3 justifications: le moment elle a été prononcée, l’importance de son auteur, la singularité du rôle joué par la ville de Lyon). Pourquoi vous présenter ce procès?

• Une importance particulière à Lyon. Les lieux où les mémoires se croisent (parfois même avec des centres de recherches…) - Avenue Berthelot: Le CHRD - Fort montluc (lieu d’internement de près de 10 000 personnes durant l’occupation allemande, préalablement à leur exécution ou leur déportation vers les camps de la mort, dont : Jean Moulin, Marc Bloch, 44 enfants et 7 éducateurs juifs de la colonie d’) / Barbie y a été symboliquement détenu après son extradition), 11 algériens, membres du FLN et du MNA – condamnés à mort par le tribunal permanent des forces armées – y ont aussi été incarcérés puis guillotinés (recours en grâce présidentielle rejeté). - La Maison des enfants d’Izieu Fait partie de ces procès de la barbarie humaine

• Barbie, un homme ordinaire? (M Védrine, expert psychiatre. Tests effectués. Aucune pathologie diagnostiquée) • Hannah Arendt « la banalité du mal » • Les mécanismes bureaucratiques du mal (division du travail, négation du statut d’être humain, etc..)

Klaus Barbie dans une fête Procès entièrement filmé (comparaison avec Nuremberg)

• UN PROCES POUR LA MEMOIRE • Tenu à Lyon, « capitale de la Résistance », en présence de nombreux historiens appelés à témoigner, le procès Barbie fut aussi le premier procès enregistré en intégralité en application de la loi votée le 11 juillet 1985, à la demande de Robert Badinter, alors garde des sceaux, tendant à la constitution d’archives audiovisuelles de la justice. • Une volonté de laisser une trace du fait que le procès a été exemplaire (la mémoire du procès elle-même) • « Je ne crois pas à la vengeance. Mais je crois à la justice. Je crois à la justice dans le cadre de la mémoire. Une justice sans mémoire n'est pas une justice ». Elie Wiesel (ARCHIVES INA : HTTP://FRESQUES.INA.FR/RHONE-ALPES/FICHE-MEDIA/RHONAL00162/LE- PROCES-DE-KLAUS-BARBIE.HTML ) Procès entièrement filmé (comparaison avec Nuremberg)

CONSTITUTION D’ARCHIVES • Une volonté de construire la mémoire (voir discours Nuremberg, voir aussi le fait que les tombes des condamnés à mort pour Nuremberg aient été sans inscription, dans un lieu tenu secret pour éviter qu’ils ne deviennent des mémoriaux) • A Nuremberg, Robert Jackson souhaite également un procès pour l'histoire. Il introduit donc la caméra dans le prétoire. Et fait filmer les débats afin que le procès devienne une archive historique. • En France les procès de Paul Touvier en 1994 et de Maurice Papon en 1998 sont aussi filmés pour leur dimension historique. 1987: ouverture du procès (extrait du site de la maison des enfants d’Izieu)

• L’instruction du procès de se déroule de février 1983 à octobre 1985, temps nécessaire pour retrouver des témoins quarante ans après et déterminer avec clarté quels faits seront retenus. • Le 11 mai 1987, le procès de Klaus Barbie s’ouvre devant la cour d’assises du Rhône, à Lyon. André Cerdini est le président de la cour. Pierre Truche est le procureur général. Klaus Barbie est jugé pour:

• La rafle opérée le 9 février 1943 dans les locaux du comité lyonnais de l’Union générale des Israélites de France, rue Sainte Catherine, suivie de l’arrestation de quatre-vingt-six personnes, dont quatre-vingt-quatre furent déportées. • La déportation d’environ six cent cinquante personnes le 6 août 1944 par le dernier convoi parti de Lyon. Les résistants et otages français furent transportés à Dachau ou, pour les femmes, à Ravensbrück ; les Juifs à Auschwitz-Birkenau, où ils arrivèrent le 22 août. • L’arrestation et la déportation de quarante-quatre enfants et de sept éducateurs, tous juifs, de la colonie d’Izieu. • La mort, précédée de tortures, de Marcel Gompel, professeur au Collège de France, juif et résistant. • La déportation de vingt-et-un Juifs et trente-huit résistants arrêtés individuellement. (1) Pouvait-on juger l’affaire Barbie ?

• Dans la lignée de Augusto Pinochet… la question de l’âge de l’accusé. Voir document en portugais… FAITS ET PROCEDURES: relevez les autres problèmes juridiques posés par l’affaire Barbie Pouvait-on juger l’affaire Barbie ?

Les questions posées: • NON BIS IN IDEM • PRESCRIPTION DEFINITION JURIDIQUE DES CRIMES REPROCHES A BARBIE (merci à Xavier Philippe) • Un crime de guerre est une violation grave des lois et coutumes de la guerre commise durant un conflit armé • Les crimes contre l’humanité ne sont pas des crimes sporadiques ou isolés mais constituent le résultat d’une politique d’État (systématique et généralisée) punissables indépendamment de l’époque de leur commission en temps de conflit armé ou en temps de paix  Les victimes des crimes contre l’humanité sont principalement des civils, mais peuvent en cas de conflit armés, être aussi bien despersonnes protégées que des combattants COMPARAISON AVEC LE CRIME DE GENOCIDE • Article 6 Statut CPI: Aux fins du présent Statut, on entend par crime de génocide l'un des actes ci-après commis dans l'intention de détruire, en tout ou en partie, un groupe national, ethnique, racial ou religieux, comme tel : • Meurtre de membres du groupe; • Atteinte grave à l'intégrité physique ou mentale de membres du groupe; • Soumission intentionnelle du groupe à des conditions d'existence devant entraîner sa destruction physique totale ou partielle; • Mesures visant à entraver les naissances au sein du groupe; • Transfert forcé d'enfants du groupe à un autre groupe. • D’abord englobée dans d’autres crimes et notamment dans la notion de crime contre l’humanité • Terme génocide a été inventé par Raphaël Lemkin • Convention de 1948 : établit une définition spécifique LA POSITION DE LA COUR DE CASSATION Cour de Cassation, Chambre criminelle, du 20 décembre 1985, 85-95.166, Publié au bulletin

• Quels faits relèvent des notions de crime de guerre et de crime contre l’humanité? • Arrêt de 1985 de la Cour de cassation décide que les crimes commis contre les résistants (crimes de guerre) sont des crimes contre l’humanité imprescriptibles lorsqu’ils sont perpétrés, « de façon systématique », « au nom d’un État pratiquant une politique d’hégémonie idéologique », contre les adversaires de cette politique. • « QUE C'EST AU REGARD DE L'OBJECTIF POURSUIVI PAR L'AUTEUR DE L'ACTE QUE DOIT ETRE APPRECIEE LA QUALIFICATION DE CRIME CONTRE L'HUMANITE (ET EN PARTICULIER AU REGARD DES MOTIFS POLITIQUES, RACIAUX OU RELIGIEUX QUI ONT ANIME CET AUTEUR) ET NON AU REGARD DE L'ACTIVITE DE LA VICTIME » (« LE CRIME CONTRE L'HUMANITE NE PEUT ETRE DISTINGUE DU CRIME DE GUERRE PAR LE SIMPLE FAIT QU'IL NE SERAIT PAS UTILE A LA GUERRE, FUT-CE MEME DANS L'ESPRIT DE SON AUTEUR, OBSERVATION ETANT FAITE QUE DE NOMBREUX CRIMES DE GUERRE RECOIVENT CETTE QUALIFICATION SANS ETRE, PAR DEFINITION, UTILES A LA GUERRE « Quels sont les crimes imprescriptibles en droit international? Quels sont les crimes imprescriptibles en droit français? L’AFFAIRE BARBIE: LA COUR DE CASSATION Cour de Cassation, Chambre criminelle, du 20 décembre 1985, 85-95.166, Publié au bulletin

ATTENDU QU'ON NE SAURAIT SOUTENIR, COMME LE FAIT L'ASSOCIATION DEMANDERESSE, QUE LES CRIMES DE GUERRE, DANS LA MESURE OU ILS SONT EGALEMENT DEFINIS PAR L'ARTICLE 6 DU STATUT DU TRIBUNAL MILITAIRE INTERNATIONAL DE NUREMBERG ANNEXE A L'ACCORD DE LONDRES DU 8 AOUT 1945, SERAIENT ASSIMILABLES, AU REGARD DU PRINCIPE D'IMPRESCRIPTIBILITE, AUX CRIMES CONTRE L'HUMANITE ; QU'EN EFFET, CONTRAIREMENT A CES DERNIERS, LES CRIMES DE GUERRE SONT DIRECTEMENT RATTACHES A L'EXISTENCE D'UNE SITUATION D'HOSTILITES DECLAREES ENTRE LES ETATS DONT RELEVENT RESPECTIVEMENT LES AUTEURS ET LES VICTIMES DES FAITS ; QU'APRES LA CESSATION DE CES HOSTILITES, IL EST NECESSAIRE QUE LE TEMPS ESTOMPE LES EVENTUELLES EXACTIONS COMMISES PENDANT LA DUREE DU CONFLIT ARME, MEME SI ELLES L'ONT ETE EN VIOLATION DES LOIS ET COUTUMES DE LA GUERRE OU SANS AVOIR ETE JUSTIFIEES PAR LES EXIGENCES MILITAIRES, DES LORS QU'ELLES NE SONT PAS DE NATURE A REVETIR LA QUALIFICATION DE CRIMES CONTRE L'HUMANITE … LA POSITION DE LA COUR DE CASSATION Cour de Cassation, Chambre criminelle, du 20 décembre 1985, 85-95.166, Publié au bulletin … QU'AUCUN PRINCIPE DE DROIT AYANT UNE AUTORITE SUPERIEURE A CELLE DE LA LOI FRANCAISE NE PERMET DE DECLARER IMPRESCRIPTIBLES LES CRIMES DE GUERRE, NI AU SENS DE L'ACCORD DE LONDRES DU 8 AOUT 1945 NI A CELUI DE L'ORDONNANCE DU 28 AOUT 1944 QUI LUI EST ANTERIEURE ; QUE L'ARTICLE 2-4 DU CODE DE PROCEDURE PENALE, DANS SA REDACTION RESULTANT DE LA LOI DU 10 JUIN 1983, EST A CET EGARD SANS PORTEE, SES DISPOSITIONS ETANT APPLICABLES AUX SEULES PROCEDURES CONCERNANT DES CRIMES DE GUERRE DANS LESQUELLES LA PRESCRIPTION N'EST PAS ACQUISE LA POSITION DE LA COUR DE CASSATION Cour de Cassation, Chambre criminelle, du 20 décembre 1985, 85-95.166, Publié au bulletin • ALORS, D'UNE PART, QUE LE CRIME CONTRE L'HUMANITE EST CONSTITUE PAR UNE ATTEINTE AUX DROITS ESSENTIELS DE LA PERSONNE HUMAINE COMMISE DANS DES CONDITIONS PARTICULIEREMENT ATROCES ET INHUMAINES, SANS QU'IL Y AIT LIEU DE DISTINGUER SUIVANT QU'ILS ONT OU NON ETE COMMIS CONTRE DES COMBATTANTS OU CONTRE DES POPULATIONS CIVILES, DES LORS QU'ILS ONT ETE COMMIS POUR DES MOTIFS POLITIQUES, RACIAUX OU RELIGIEUX ; • " ALORS, D'AUTRE PART, QU'UN MEME FAIT PEUT CONSTITUER A LA FOIS UN CRIME DE GUERRE ET UN CRIME CONTRE L'HUMANITE, LORSQU'IL REVELE A LA FOIS UNE VIOLATION DES US ET COUTUMES DE LA GUERRE ET UNE ATTEINTE AUX DROITS ESSENTIELS DE LA PERSONNALITE HUMAINE COMMISE DANS DES CONDITIONS PARTICULIEREMENT ATROCES ; • QUE LES FAITS DEVANT ETRE POURSUIVIS SOUS LEUR PLUS HAUTE QUALIFICATION PENALE, UN FAIT QUI CONSTITUE A LA FOIS UN CRIME DE GUERRE ET UN CRIME CONTRE L'HUMANITE DOIT ETRE POURSUIVI EN TANT QUE CRIME CONTRE L'HUMANITE ; (2)L’expulsion de Barbie de BOLIVIE

• Le problème posé par un enlèvement (Vengeance privée v. justice d’Etat)

• Le rôle joué par Serge, Beate Klarsfled (et d’autres) (2)L’expulsion de Barbie de BOLIVIE (2)L’expulsion de Barbie de BOLIVIE

• La solution légale grâce à la collaboration d’autorités politiques : interview écrit de (Le point 31 10 2007)

• Relever les différentes étapes ayant mené au retour de Barbie à Lyon SECONDE PARTIE: LE CAS DES ENFANTS JUIFS D’IZIEU

44 enfants, 7 adultes juifs dont Barbie a ordonné l’arrestation

- 42 enfants (âgés de 4 à 12 ans) et 5 adultes sont assassinés à Auschwitz- Birkenau. - 2 adolescents de 16 et 17 ans sont fusillés avec le directeur de la colonie

1 seule survivante : Léa Feldblum, éducatrice (elle a servi de cobaye humain à Auschwitz-Birkenau) LA COLONIE D’IZIEU IZIEU: LA PREUVE ECRITE Le 6 avril 1944, Klaus Barbie signe un télex annonçant l’arrestation et la déportation pour Drancy de 44 enfants et 7 adultes juifs de la colonie d’Izieu (compte les 2 adolescents comme des adultes) IZIEU: LA PREUVE ECRITE (traduction du télex)

LYON 6 avril 1944 – 20h10 A : BDS – ABTL 4B – Paris Objet : Colonie enfants juifs – Izieu – Ain Ce matin la maison d’enfants juifs « colonie enfant » à Izieu-Ain a été enlevée. Au total quarante-et-un enfants âgés de trois à treize ans ont été arrêtés. De plus l’ensemble du personnel juif, soit dix individus dont cinq femmes, a également été arrêté. On n’a pu s’assurer ni de l’argent comptant ni des valeurs diverses. Le transport vers Drancy aura lieu le 7 avril 1944. Le commandant du Sipo et du SD, Lyon 4 B 61/43, par ordre lieutenant SS Barbie. LE PROCES: LES TEMOINS

Jacob et Ita-Rosa (originaires de Pologne) Halaunbrenner En 1943, Jacob et son fils Léon sont arrêtés par la de Lyon. Léon, alors âgé de quatorze ans, est déporté à Auschwitz où on le force à travailler dans une mine de sel, il ne survivra pas. Jacob est incarcéré à Lyon et exécuté. Ita-Rosa, qui n'a ni argent ni travail ni relations, se retrouve seule avec les quatre enfants restants. Elle confie Mina, huit ans et Claudine, cinq ans, aux membres de l'OSE qui conduisent les filles à la maison d'enfants d'Izieu. Alexandre et Monique demeurent avec leur mère et tous trois survivront. LE PROCES: LES TEMOINS

Sabine Zlatin LE PROCES: LES TEMOINS

Sabine Zlatin LE PROCES: la défense

• Problème pour les avocats: défendre l’indéfendable? (d’autant que Barbie se déclare innocent: « c’était la guerre » • Solution pratique lorsqu’aucun avocat ne souhaite défendre un prévenu • Stratégie de Barbie: ne pas siéger • Stratégie de Vergès (« la stratégie de rupture »): extrait de ses notes personnelles  « L'accusé a intérêt quand les circonstances le permettent de renverser les rôles. Accusé, il se fait accusateur», Conclusion:

• Y-a-t-il besoin d’un procès pour la construction de la mémoire? • Comment construire la mémoire du procès? • Le négationnisme? • Projet: Campus numérique de la mémoire  archives SCIENTIFIQUES sur les procès et les commissions vérité et réconciliation