NUMÉRO 17 JANVIER- FÉVRIER 2016 LETTRE 3AF Le bulletin de la société savante Association Aéronautique Astronautique de de l’Aéronautique et de l’Espace

WWW.3AF.FR 2016 UNE ANNÉE D’INTENSE ACTIVITÉ POUR LA 3AF !

LES CARBURANTS MÉTHODOLOGIE LE GROUPE ISAE ET LA ALTERNATIFS D’ÉLABORATION D’UNE FONDATION ISAE-SUPAERO AÉRONAUTIQUES BASE DE DONNÉES 4 ÉCOLES D’EXCELLENCE POUR COMMISSION TECHNIQUE BIBLIOGRAPHIQUE DEVENIR INGÉNIEUR DE L’AÉRONAU- « PROPULSION » COMMISSION TECHNIQUE « SIGMA2 » TIQUE ET DE L’ESPACE NUMÉRO 17 JANVIER- FÉVRIER 2016 TABLE DES MATIÈRES

ÉDITORIAL – MESSAGE DU PRÉSIDENT P.3 POINT DE VUE P.4 FAIRE GRANDIR LES PME ET AMÉLIORER LA « SUPPLY CHAIN » Michel Rochet, Collège de Polytechnique, IGHC2S Louis Alain Roche SCIENCES ET TECHNIQUES AÉROSPATIALES P.7 COMMISSION TECHNIQUE « PROPULSION » Les carburants alternatifs aéronautiques Nicolas Jeuland ( Tech), Olivier Penanhoat (Snecma)

P.16 COMMISSION TECHNIQUE « MATÉRIAUX » La journée scientifique sur les alliages à base d’Aluminures de Titane (TiAl) Jean-Yves Guédou (Snecma)

P.18 COMMISSION TECHNIQUE « AVIATION LÉGÈRE ET MACHINES DÉRIVÉES » « Soutenir et engendrer de l’ » : défis technologiques et enjeux, besoins actuels et futurs, organisation. Jean-Luc Chanel ( Operations SAS)

P.21 COMMISSION TECHNIQUE « SIGMA2 » Présentation générale de la Commission – Méthodologie d’élaboration d’une base ÉDITEUR de données bibliographique pour l’analyse scientifique des phénomènes PAN Association Aéronautique L’équipe de management de la Commission SIGMA2 et Astronautique de France - 3AF P.27 AÉRODYNAMIQUE 6, rue Galilée, 75116 Paris La portance active. Nicolas Autrusson, Pierre-Guy Amand (Herakles) Tél. : 01 56 64 12 30 Fax : 01 56 64 12 31 LA VIE DE LA 3AF P.28 LES GROUPES RÉGIONAUX DIRECTEUR DE LA Les groupes Régionaux au service des adhérents depuis plus de 50 ans PUBLICATION Bernard Vivier, Coordinateur des Groupes Régionaux Michel Scheller P.30 CHANGEMENT DE PRÉSIDENCE A LA COMMISSION TECHNIQUE RÉDACTEUR EN CHEF « HELICOPTÈRES » Jean-Pierre Sanfourche Blanche Demaret (ONERA) succède à Gilles Arnaud (Airbus )

COMITÉ DE RÉDACTION FORMATION ET CARRIÈRES Gilles Marcoin P.31 LE GROUPE « ISAE » Pierre-Guy Amand Bruno Chanetz HISTOIRE Pierre Bescond P.33 LE CAPITAINE (1862-1909), UN PIONNIER Jean Délery MÉCONNU Pierre Froment Bruno Chanetz (ONERA) Paul Kuentzmann Jacques Sauvaget P.36 PARUTION DE L’OUVRAGE DE L’IFHE « 50 ANS DE COOPÉRATION Jean Tensi SPATIALE FRANCE-URSS/RUSSIE Anne Venables. P.36 PARUTION DE L’OUVRAGE « HISTOIRE DE LA CONQUÊTE CONCEPTION GRAPHIQUE SPATIALE » coécrit par l’astronaute de l’ESA Jean-François Clervoy et par Frank ICI LA LUNE Lehot, médecin et instructeur des vols en apesanteur. www.icilalune.com IN MEMORIAM Droit de reproduction, textes P.37 ANDRÉ TURCAT EST MORT et illustrations réservés pour tous pays. CALENDRIER DES ÉVÉNEMENTS P.39

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ÉDITORIAL

UNE LETTRE 3AF EN AMÉLIORATION mais, bien structurée, elle peut constituer à chaque CONSTANTE TOUT AU LONG DE L’ANNÉE parution un ensemble de résumés didactiques de nos 2OI6 ! travaux qui orientent ensuite le lecteur vers des articles de référence détaillés publiés dans des revues spécia- Chers lecteurs de la Lettre 3AF, lisées ou sur le site Web 3AF. S’agissant des revues spécialisées, j’encourage vivement nos ingénieurs et Je vous présente tout d’abord tous mes meilleurs vœux chercheurs à publier dans celles récemment créées de santé, de réussite professionnelle et de bonheur, par le CEAS (Council of European Societies) à vous-mêmes, vos familles et ceux qui vous sont - le CEAS Aeronautical Journal et le CEAS Space Journal, proches. toutes deux éditées par Springer – dans la perspective En relation avec les membres du Comité de Rédaction, de les hisser à moyen terme au niveau de revues les présidents des Commissions Techniques et les européennes de haute notoriété, et je me tiens person- présidents des Groupes Régionaux, je souhaite au nellement à la disposition des auteurs potentiels cours de l’année 2016 contribuer à l’amélioration pour leur faciliter l’accès aux instances éditoriales constante de notre communication scientifique et concernées. technique au travers d’une démarche volontariste de réalisation d’objectifs. Je ne saurais trop remercier les différents acteurs qui m’apportent leur aide depuis ma nomination en juillet Comme je l’ai exprimé dans l’éditorial du précédent 2015. En décembre dernier, le Comité de Rédaction a numéro, la notoriété d’une société savante comme la établi le programme éditorial de la Lettre 3AF pour les nôtre se mesure à la qualité de ses publications scienti- six numéros de l’année 2016, c’est dire que notre feuille fiques et techniques ; aussi devons-nous faire de mieux de route est d’ores et déjà bien tracée et c’est donc en mieux connaître les résultats de nos colloques, avec confiance et détermination que nous pouvons ateliers de réflexion et conférences : n’est-ce pas au aborder cette nouvelle année au cours de laquelle la sein des échanges de connaissances que vit le progrès ? 3AF va d’ailleurs connaître une activité particulière- ment intense. « The free, enhampered exchange of ideas and scientific conclusions is necessary for the sound development of science, as it is in all spheres of cultural life.” (Albert Einstein, 1952)

Naturellement notre lettre bimestrielle, forcément de Jean-Pierre Sanfourche volume éditorial limité, est loin d’être l’outil suffisant, Rédacteur en Chef ■

LE MESSAGE DU PRÉSIDENT

Bonjour à toutes et à tous, Mais je vous rassure, grâce à l’engagement de tous, et je tiens à vous en remercier, notre Société Savante C’est un moment bien sympathique pour le Président est bien présente, bien solide dans ses fondements, et de la Société Savante, de venir, en chaque début sereine quant à son futur. d’année, vous présenter tous ses meilleurs vœux pour l’année qui débute. Son futur : l’année 2016 va être une année de profonds changements. Au niveau du Secrétariat Exécutif, des L’année 2015 ne nous laissera pas un souvenir impéris- mouvements sont prévus, et nous travaillons à ce que sable, même si tout n’a pas été sombre. Concernant 3AF, ces mouvements soient, dans l’immédiateté, les plus bien sûr nous avons été conduits à réduire certaines indolores possibles, et confèrent pour demain une de nos ambitions, en particulier dans le domaine de la efficacité à laquelle nous ont habitués Anne Venables Communication. Nous avons également été conduits à et Jacques Sauvaget et ceux qui les entourent. étaler notre Plan Stratégique.

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LE MESSAGE DU PRÉSIDENT

Par ailleurs, 2016 verra, probablement en fin d’année, Voilà chers ami(e)s ce qu’en ce début de 2016 je tenais le renouvellement en totalité de son Conseil d’Adminis- à vous dire. tration – Conseil actuel qui a été élu en fin 2013. J’insiste sur l’importance d’un Conseil qui partage Je vous adresse, aux uns et aux autres, tous mes activement les ambitions de notre Plan Stratégique. meilleurs vœux pour 2016. Bien sûr, avant tout la Santé Le temps passe, certes, mais il faut avoir à l’esprit que sans laquelle il nous faut encore davantage redoubler notre Société Savante est source « d’enrichissement » d’énergie, de volonté, de Confiance, mais également individuel, mais aussi source de progrès pour les le bonheur et la joie d’être acteur dans ce monde entités des secteurs productif, recherche, enseigne- complexe, de plus en plus complexe. ment. Et je souhaite que parmi nous, au sein de la Société Savante, vous trouviez tous les ressorts qui sont ceux Au-delà de ces deux évolutions significatives annoncées, du bonheur. il me faut dire un grand merci aux « bénévoles », pas assez nombreux, qui nous rejoignent : leur action, Bonne année à tous. toute en discrétion, confère à notre Société Savante dynamisme, efficacité, et qualité dans ses productions, unanimement reconnus et appréciés. Merci.

J’ai Confiance en l’avenir – voilà le mot-clé qui doit, tous, nous animer. Chacun d’entre nous doit avoir Confiance en l’avenir. Chacun le fait cet avenir, dans un environne- ment pas toujours très bienveillant. Ayons Confiance : Michel Scheller vous le constaterez, vous aiderez à surmonter la Président de la 3AF ■ morosité ambiante.

POINT DE VUE FAIRE GRANDIR LES PME ET AMÉLIORER LA « SUPPLY CHAIN » Michel Rochet, Collège de Polytechnique, et l’ I.G.H.C. 2S Louis Alain Roche

L’industrie aéronautique et spatiale est une des de France, qui l’a inscrite dans le Plan Industrie Ile de forces de notre pays. Mais pour rester au meilleur France www.plan-industries-idf.fr ) et qui prend en niveau mondial, dans une concurrence toujours plus charge 50% de l’inscription de toute PME francilienne. agressive, il faut que tous les acteurs progressent, les grands comme les petits. La qualité de la supply chain UN CONSTAT : LA FORMATION MAILLON et de ses acteurs est un élément essentiel du niveau de FAIBLE POUR LES PME compétitivité de l’ensemble. Progresser passe par l’amélioration des compétences à Les PME sont les mal-aimées de la formation.Elles ont tous les niveaux, du cadre, de l’ingénieur, du dirigeant, beaucoup de difficultés à trouver une formation qui au compagnon et dans de multiples domaines , convienne à leurs besoins,du fait d’une offre inadaptée, techniques, organisation, management….. ! Tous le mais également de la manière dont ces PME l’intègrent reconnaissent, la GPEC (gestion prévisionnelle des dans leur vision et leur stratégie. Cette inadéquation emplois et compétences) devient un élément clé de tient autant à des raisons économiques (la formation la compétitivité des entreprises. Et, par là même, coûte relativement cher) qu’à des causes systémiques. la formation apparait comme un maillon décisif, notamment pour les PME. Quand on se place dans une perspective à 10 ans, on constate que la profession aéronautique manquera C’est dans ce contexte que s’inscrivent les Ateliers du de compétences sur une vingtaine de métiers. Ce sont Bourget, initiative du pôle Astech, soutenue par une les métiers en tension que le GIFAS Le rapport GIFAS dizaine d’industriels et l’Académie de l’Air et de l’Espace. – Observatoire des Métiers de la Métallurgie de mai Cette initiative a retenu l’attention de la Région Ile 2012) a identifiés dans le cadre d’une étude de 2015.

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POINT DE VUE FAIRE GRANDIR LES PME ET AMÉLIORER LA « SUPPLY CHAIN »

On peut en citer deux, concernant les ingénieurs et de compétences, souvent génériques. Leur format, techniciens : la fonction méthode dans la production et leur mode de distribution, leur coût, leur pédagogie ne l’approche système. Le constat du GIFAS est double : sont pas adaptés au contexte des PME. Souvent trop ces compétences sont quantitativement insuffisantes conceptuelles, elles n’ouvrent pas assez sur l’opéra- et le système actuel de formation ne permet pas de les tionnel. acquérir facilement. A ceci s’ajoute un panorama assez complexe : une législation de la formation qui vient d’évoluer profon- De fait cette difficulté concerne essentiellement les dément, et une multiplicité d’acteurs qui peuvent PME. Les grands groupes la résolvent car ils se sont contribuer au financement de la formation : les OPC dotés d’un puissant outil de formation interne que (Organismes Paritaires Collecteurs agréés par l’Etat sont leurs universités (Thales, Airbus, Safran,..), dans pour la formation), … lesquelles ils ont construit des formations adéquates, Globalement, pour les PME, la réponse aux besoins soit en mobilisant leurs compétences internes, soit par n’est pas à la hauteur des enjeux vitaux pour l’aéronau- appel à l’extérieur. Par leur GPEC, ils ont su anticiper tique. Française. les besoins et définir les compétences à développer. Notons que ces entités proposent entre 1000 et On se trouve donc face à un écosystème sans 1500 formations, soit 5 à 10 fois ce que proposent les dynamique, non pas par manque de volonté des organismes de formation qui sont sur le marché ! acteurs, mais par absence de convergence et de cohérence entre offres et besoins de formation. Les PME se retrouvent face à une double difficulté ; rares sont celles qui ont mis en place une véritable GPEC, car c’est un processus complexe et relativement coûteux LES ATELIERS DU BOURGET : 2 FEVRIER 2016 pour être bien suivi. Elles ne savent donc pas anticiper – UN OUTIL POUR LES PME les besoins de compétence et peuvent se trouver brutalement confrontées à un déficit grave. La réponse Comment apporter une dynamique ? C’est dans cette aux besoins de compétence relève plus de l’opportu- optique qu’ont été conçus les Ateliers du Bourget : nisme, que d’une approche réfléchie et organisée. Les une pédagogie adaptée, une solution économique, un PME cherchent alors des solutions formation dans nouveau format. C’est une aventure dans laquelle les l’urgence, sans que les prérequis indispensables soient promoteurs se sont lancés, en espérant que nombreux posés : projet professionnel du participant, contexte seront ceux qui voudront bien répondre à cette dans lequel s’inscrit cette formation. On travaille dans initiative. la précipitation, ce qui n’est pas propice à l’appréhen- Comment rendre un outil de formation attractif et sion globale des besoins. efficace pour des PME ? Pour ce faire, nous nous Pour reprendre les deux métiers en tension ci-dessus, sommes attachés à trois critères essentiels : le format, on se trouve devant deux situations différentes : le programmeet la démarche pédagogique. sur la fonction méthode, les PME commencent à en percevoir la nécessité de montée en compétences, car Sur le format, nous avons pris le parti d’une formule il s’agit d’une fonction qui devient stratégique pour une concentrée, dense, D’où le choix d’un format d’une PME du fait de l’évolution de la demande des clients : journée, qui nous semble compatible avec les moindre délai, plus de souplesse, baisse des coûts.. contraintes des équipes de PME. Elle est au cœur de l’efficacité de la supply chain.Et le GIFAS a lancé un programme de soutien des PME en Sur la formule pédagogique, nous avons retenu celle ce sens. des Entretiens de Toulouse : la pédagogie par le débat. Par contre pour l’approche système, les PME se Elle s’applique remarquablement bien à une transmis- sentent généralement beaucoup moins concernées sion « non-directionnelle », où chacun fait le choix de Seuls quelques grands groupes s’y sont lancés, Il y a ce qu’il souhaite apprendre, en fonction de ses intérêts cependant des connexions fortes entre les maîtres et de sa propre expérience. En huit ans, près de 2000 d’oeuvre et leurs sous-traitants, etl’offre du marché personnes se sont formées dans ces entretiens, et étant très faible, c’est une thématique sur laquelle les personne n’en est ressorti déçu. Tous s’y sont enrichis. PME risquent de prendre un retard conséquent. Les Ateliers du Bourget se présentent donc sous la forme d’ateliers d’une demi-journée, avec un exposé En outre l’offre « commerciale » de formation présente de 30minutes sur une expérience réussie par l’indus- peu de lisibilité notamment pour une PME. Les triel concerné, puis un débat régulé par un modérateur, formations n’apparaissent pas comme une réponse à qui fait en sorte que le débat soit éclairant et efficace. un besoin opérationnel, mais comme une acquisition

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POINT DE VUE FAIRE GRANDIR LES PME ET AMÉLIORER LA « SUPPLY CHAIN »

Sur le choix des sujets : les thématiques dominantes ateliers : toute question appelle une réponse et pas des Entretiens de Toulouse sont techniques. Le Comité de langue de bois. La confidentialité des débats, et la de pilotage (2 grands groupes et 6 PME) a estimé que confiance qui s’instaure dans l’échange le permettent ; les sujets techniques n’étaient pas au cœur des préoc- cupations des PME. Le parti pris fût de choisir de A QUI S’ADRESSE CET ÉVÉNEMENT ? thématiques stratégiques, et de proposer un éventail suffisamment large pour que chaque dirigeant puisse Les Ateliers du Bourget s’adressent d’abord aux trouver deux thèmes au cœur de ses préoccupations. équipes dirigeantes de PME du secteur aéronautique, 12 ateliers, soit douze thématiques ont été retenus. Ils mais également de la mécanique et de l’automobile, concernent le management, la stratégie et l’innova- correspondant aux secteurs prioritaires définis par le tion. Il s’agit toujours de cas concrets, présentés par Plan Industrie Région Ile de France. l’acteur principal de l’opération. Tous représentent Ils s’adressent également aux équipes des grands des questionnements auquel tout dirigeant a été ou groupes et donneurs d’ordre en relation avec les PME. sera confronté : la montée en valeur de ma société, C’est l’occasion pour eux de mieux comprendre les l’innovation avec un grand groupe, une collaboration attentes et les postures de leurs partenaires PME, Et fructueuse et confiante avec un donneur d’ordre, la ils représentent l’opportunité d’expliquer leur propre mise en œuvre de nouvelles organisations. stratégie de collaboration dans un climat consensuel et non concurrentiel. Ce sera notamment l’objet d’un Outre la montée en compétences de chacun, cet atelier sur Les bonnes pratiques pour travailler avec événement présente un triple intérêt : des donneurs d’ordres. • favoriser le dialogue entre les acteurs du secteur aéronautique, ET LA « SUPPLY CHAIN » ! • faciliter la compréhension réciproque, condition de l’efficacité de la supply chain, L’un des aspects très positifs des Entretiens de • contribuer au développement des échanges entre Toulouse concernent le développement des relations PME et grandes entreprises. fortes entre professionnels concernés par les mêmes thématiques. Ce sont des réseaux qui se mettent en COMMENT SE DÉROULENT CONCRÈTEMENT place et qui débouchent sur des collaborations très LES ATELIERS ? fructueuses. Nous en avons de nombreux exemples. Trois heures de discussion dans un contexte collabo- Lors de son inscription, chaque participant choisira ratif créent une confiance qui dépasse l’instant. Cette deux ateliers parmi les 12 proposés, en fonction de confiance dans un contexte de supply chain garantit ses propres préoccupations. Lors de l’atelier il aura une efficacité collective qui sera la clé de la réussite la possibilité de poser ses questions, correspondant des collaborations futures. Espérons que les Ateliers à sa propre problématique. Deux principes dans ces du Bourget pourront contribuer à cette réussite. ■

Événement organisé Par

Organisme de formation continue Initié par la Région Île-de-France et L’Académie de l’Air et de l’Espace est filiale à 100% de l’Ecole polytechnique, l’Etat, le Plan Industries Île-de-France une association d’utilité publique offrant des séminaires de formations accompagne les entreprises franci- ayant pour but de favoriser le dévelop- courtes, diplômantes, certifiantes liennes de l’aéronautique, pement d’activités scientifiques, ainsi que des dispositifs sur mesure en de l’automobile et de la mécanique techniques, culturelles et humaines Sciences, Innovation, Projets-Systèmes dans l’optimisation de leurs dans les domaines de l’Air et de et en Management. performances organisationnelles, l’Espace. productives et commerciales.

Les Ateliers du Bourget se dérouleront le 02 février 2016 dans les locaux de l’école d’ingénieurs SUPMECA. Saint-ouen. www.ateliersdubourget.com

LETTRE 3AF NUMERO 17 / JANVIER - FÉVRIER 2016 LETTRE 3AF NUMERO 17 / JANVIER - FÉVRIER 2016 7 SCIENCES ET TECHNIQUES AÉROSPATIALES COMMISSION TECHNIQUE « PROPULSION » LES CARBURANTS ALTERNATIFS AÉRONAUTIQUES Nicolas Jeuland (Safran Tech), Olivier Penanhoat (Snecma)

1. INTRODUCTION de température et de pression, nécessité d’assurer l’ali- mentation des réservoirs quelle que soit l’inclinaison Dans la quête constante de réduction de l’empreinte de l’avion…) et imposent une maîtrise des propriétés environnementale de l’aviation, les carburants carburant et de leur évolution avec les contraintes alternatifs issus de la biomasse ou de sources renou- extérieures. Par exemple la densité et la tension velables, présentent un certain nombre d’avantages: de vapeur évoluent de façon importante avec la

réduction des émissions de CO2 et chimie souvent température rencontrée par le carburant qui peut aller simple bénéfique à la réduction des particules fines. de 40°C au sol par une journée chaude jusqu’à -80°C Aujourd’hui, 3 filières distinctes de carburants en altitude lors d’une journée froide. alternatifs sont qualifiées via l’organisme normalisa- teur international qu’est l’ASTM (American Society Ces contraintes ont dû être prises en compte, et for Testing and Materials) et peuvent être utilisées l’ensemble des systèmes carburant des aéronefs a par l’aviation commerciale. Ces filières permettent été conçus pour être en parfaite adéquation avec les d’ores et déjà d’utiliser des ressources variées avec la propriétés du carburéacteur. possibilité technique d’utiliser des matières premières Parmi les caractéristiques qui intéressent au premier comme de l’huile végétale, des résidus forestiers, du plan les constructeurs, on peut notamment citer : sucre, voire même des déchets ménagers. Néanmoins, • La tenue à froid du carburant qui impacte le processus de qualification qui garantit la sécurité directement le pompage du carburant et la pulvé- d’utilisation reste complexe et de nombreux points risation de celui-ci dans les conditions extrêmes nécessitent encore des développements afin de rencontrées. Ce comportement à froid est décrit par permettre aux carburants alternatifs de se développer : des caractéristiques telles que la viscosité, le point cadre législatif cadre financier adapté, activités de R&D de disparition des cristaux, la tension de surface, les afin d’améliorer le rendement et la rentabilité de ces caractéristiques de distillation, la capacité calorifique filières, tant au niveau de la matière première que des ou la température d’auto-inflammation. procédés de transformation. • Les caractéristiques de combustion et les capacités d’allumage et de rallumage en vol. On peut Le présent article vise à présenter le contexte dans notamment citer le contenu énergétique, la volatilité, lequel se placent ces développements et faire l’état des les capacités d’auto-inflammation… lieux des filières développées ou en cours de dévelop- • Les caractéristiques de compatibilité avec les pement. Un focus est également fait sur le processus matériels existants. Elles sont nombreuses, allant de de qualification et certains aspects qu’il ne couvre pas la compatibilité matériaux (teneur en aromatiques…) (impacts environnementaux, impacts longs termes sur à la durabilité via les phénomènes de corrosion (eau, les matériels, etc.). teneur en soufre, acidité) ou de dépôts (composition chimique, distillation, stabilité thermique) 2. LE CARBURÉACTEUR • Les caractéristiques liées à la logistique et sa sécurité (point éclair, volatilité) La qualité du carburant est fondamentale pour le bon fonctionnement des aéronefs. Contrairement aux idées La figure 1 résume les principaux impacts carburant reçues, ce carburant ne sert pas uniquement de source sur la turbine sachant que les impacts sur l’aéronef d’énergie par combustion dans les turbines, mais est lui-même ne doivent pas être oubliés (rayon d’action également utilisé pour de nombreux autres usages tels lié au contenu énergétique et à la densité du carburant, que le refroidissement du lubrifiant, le chauffage de l’air compatibilité avec le système carburant avion). cabine, l’alimentation de l’APU (Auxiliary Power Unit). Il en résulte une extrême complexité de l’architecture Pour un carburant fossile, ces propriétés sont des circuits carburant et un besoin crucial d’assurer la bien maîtrisées et des valeurs de références sont totale compatibilité du carburant avec l’ensemble des disponibles, notamment via le CRC (Coordinating organes rencontrés (pompes, filtres, jauges…). Research Council) qui édite l’ « Aviation Fuel Properties De plus, les conditions d’utilisation de ce carburant Handbook » dans lequel l’ensemble des propriétés peuvent être extrêmement variables (fortes variations typiques des jet-fuels sont consignées.

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SCIENCES ET TECHNIQUES AÉROSPATIALES LES CARBURANTS ALTERNATIFS AÉRONAUTIQUES

Fig. 1 : Principaux impacts carburant sur le fonctionnement des turbines aéronautiques.

La limitation des moyens de production de jet-fuels à quelques procédés précis et la mise en place de spécifica- tions sur les produits distribués permettent alors d’assurer la totale compatibilité des carburants distribués avec les infrastructures et matériels existant. Le carburéacteur est alors défini comme un produit pétrolier liquide répondant à une spécification donnée (ASTM D1655, DefStan 91-91…). La définition ne précise pas la composition chimique exacte du produit. Cette composition est donc variable, et un carburéacteur est constitué de milliers de molécules dont le mélange global permet l’atteinte des propriétés macroscopiques requise pour son usage (figure2).

Fig. 2 : Composition chimique classique d’un carburéacteur Jet A1 (IFPEN) & courbe de distillation (CRC)

3. LE CONTEXTE LIÉ AU DÉVELOPPEMENT DES CARBURANTS ALTERNATIFS

Comme indiqué précédemment, le carburéacteur est un produit extrêmement intéressant par ses propriétés (tenue à froid, contenu énergétique) et dont la logistique et la qualité sont parfaitement maîtrisées, et ceci en tout point du globe. C’est également le seul produit pétrolier dont la qualité soit cohérente au niveau international. Dans ce contexte, le recours aux carburants alternatifs peut alors sembler surprenant, voir risqué, tout carburant alternatif devant alors présenter au moins les mêmes avantages que les carburéacteurs d’origine fossile mais il est fortement motivé par les raisons suivantes :

• La nécessité de réduire les émissions de CO2 du transport aérien • Le bénéfice attendu sur la réduction des particules fines • La recherche de diversification des ressources (raisons géostratégiques mais aussi financières).

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SCIENCES ET TECHNIQUES AÉROSPATIALES LES CARBURANTS ALTERNATIFS AÉRONAUTIQUES

3.1. Réduction des émissions de gaz à effet de serre Action Groupe, regroupant les membres de IATA L’aviation commerciale utilise aujourd’hui exclusive- (International Air Transport Association) et les ment un carburant liquide en provenance du raffinage industriels du monde aéronautique) vise une stabi- du pétrole et représente environ 6 % de celui-ci. La lisation des émissions de CO2 à partir de 2020 consommation énergétique des différents moyens de (« Carbon Neutral Growth) et une réduction globale transport a été de 13 % de la consommation énergétique des émissions de CO2 de 50% en 2050 par rapport globale en 2011, dont 74 % pour le transport routier et à leur niveau de 2005. Les carburants alternatifs environ 6 fois moins pour l’aviation. Les émissions de sont considérés par ATAG comme une des briques

CO2 de l’aéronautique civile, directement proportion- indispensables à l’atteinte de cet objectif ambitieux. nelles à la consommation de kérosène, ont été de 705 Quant à l’OACI, la résolution A38-17/2 de l’OACI, Mt en 2013, à comparer à l’ensemble des émissions adoptée au niveau des Etats, propose un gain annuel anthropiques de 34 Mdt (données Airbus). L’aéro- d’efficacité de 2 % (par passager km en moyenne nautique civile intervient donc pour environ 2 % des dans la flotte mondiale) et un objectif de stabilisa-

émissions anthropiques de CO2 et 12% des émissions tion des émissions à leur niveau de 2020 (« carbon de CO2 de l’ensemble du transport. neutral growth »). Cela peut paraître faible néanmoins, si le transport aérien était considéré comme un pays, il apparaitrait Ces objectifs au niveau de la flotte mondiale ne en 8ème position dans le classement mondial, juste pourront être atteints que par le déploiement de après l’Allemagne. D’autre part si l’accroissement technologies avancées, à la fois au niveau de l’aéronef du trafic aérien se maintient sur plusieurs décennies (aérodynamique, masse), du moteur (rendement), (doublement potentiel entre 2030 et 2050), et si les de l’optimisation du trafic aérien et aéroportuaire.

émissions de CO2 anthropiques hors trafic aérien sont Les travaux menés au sein de CAEP (Committee on réduites significativement pour respecter un objectif Aviation Environmental Protection) de l’OACI ont de +2°C (ou même +1.5°C) à la fin du siècle, la part du montré que les seuls progrès techniques et opération-

CO2 aérien pourrait dépasser 10% en 2050. Enfin, outre nels ne seront pas suffisants. Les estimations faites par le CO2, les trainées de condensation en croisière et les le projet Européen FORUM-AE montrent également cirrus induits, participent au réchauffement climatique. qu’avec une hypothèse optimiste où toute la flotte mondiale en 2050 serait équipée de technologies

Afin de limiter cette augmentation, des objectifs respectant l’objectif ACARE 2050 (-75%) CO2, l’objectif ambitieux ont été annoncés, tant au niveau de la ATAG de réduire les émissions de CO2 par 2 par rapport recherche (objectifs Européens ACARE) qu’au niveau à 2005, ne serait pas atteint. Il y a donc un écart qui des compagnies aériennes elles-mêmes (objectifs peut être partiellement comblé par l’introduction de

« IATA / ATAG ») et de l’OACI (Organisation de l’Aviation biocarburants à empreinte CO2 réduite. Civile Internationale) : • Au niveau technologique, l’ ACARE (Advisory Council Les biocarburants peuvent participer fortement à

for Research and Innovation in Europe) vise dans cette réduction des émissions de CO2, moyennant son Strategic Research and Innovation Agenda une un bilan positif sur l’ensemble de leur cycle de vie

réduction de 75% des émissions de CO2 des meilleurs (figure 4). En effet, les carburants produits à partir de technologies en 2050 par rapport aux technologies matières organiques (plantes, déchets de végétaux, de 2000 (par km passager) (figure 3). sucres, huiles…) entraînent des émissions de gaz à effet de serre lors de leur production et de leur usage, • Au niveau de la flotte mondiale, ATAG (Air Transport mais une partie de ces émissions sont compensées par

Fig. 3 : Objectifs ACARE et évolution du CO2 de l’aviation avec l’hypothèse ACARE (Forum-ae)

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SCIENCES ET TECHNIQUES AÉROSPATIALES LES CARBURANTS ALTERNATIFS AÉRONAUTIQUES

le CO2 capté dans l’atmosphère par la plante lors de sa important est actuellement réalisé au sein de l’OACI / croissance. CAEP pour proposer, d’ici 2016, une méthode d’évalua- tion harmonisée applicable à l’ensemble des biocarbu-

Fig. 4 : Émissions CO2 équivalent pour un carburant fossile rants aéronautiques. Par ailleurs, il est important de rappeler que l’analyse de cycle de vie d’une filière de production de carburant alternatif à partir de cultures à vocation énergétique, n’indique pas le rendement de cette filière, c’est-à-dire la quantité de kérosène de synthèse qui pourra être produite par unité de surface cultivée. Il convient donc d’ajouter à cette analyse des projections de capacité de production.

3.2. L’impact sur les émissions polluantes hors CO2

(gauche) et un biocarburant (droite) (Qantas) Outre les émissions de CO2, la combustion dans les turbines aéronautiques entraîne la formation de Néanmoins, les différents rendements de conversion polluants classiques tels que les oxydes d’azote (NOx) des filières, les émissions de gaz à effet de serre autres ou les particules. Ces dernières sont formées dans que le CO2 (N2O en provenance des engrais azotés par la chambre de combustion par la présence de zones exemple), ainsi que l’impossibilité dans la plupart des riches en carburant. Elles ont un impact sur la qualité cas d’utiliser l’intégralité de la plante, font que la plupart de l’air en proximité d’aéroport, mais aussi possible- des filières présentent des réductions d’émissions en ment sur le climat via leur participation à la formation

équivalent CO2 non pas de 100%, mais entre 50 et 80% des traînées de condensation, ces fameuses traînées en fonction de la matière première, des procédés de blanches laissées dans le ciel par temps calme et froid, transformation, de la logistique associée… constituées de mini-cristaux de glace (figure 5). L’évaluation précise du bilan environnemental de chaque filière est extrêmement complexe et nécessite De nombreux travaux sont menés par les motoristes de prendre en compte de nombreux facteurs, tels afin de réduire les émissions de particules, et il semble que les rendements agricoles, les éventuels intrants que la combustion dite « pauvre » développée pour la (engrais), l’efficacité des récoltes, la logistique des réduction des NOx soit très bénéfique à la réduction différents produits, les rendements de conversion… des particules fines. En parallèle, une nouvelle norme et des éléments encore plus abstraits tels que les sur les particules fines est en cours de développement changements d’affectation des sols (directs ou indirects) par l’OACI / CAEP, et devrait porter à terme tant au si, par exemple, on remplace une culture existante ou niveau de la masse de particules que du nombre. une biomasse existante par une culture énergétique. Afin d’aller plus loin dans la réduction de ces émissions, Les méthodologies de calcul font actuellement l’objet le carburant peut avoir un impact fondamental, via ses de nombreux travaux au niveau national et internatio- propriétés physiques (densité, viscosité, volatilité…) nal. Au niveau aéronautique, un travail extrêmement mais également sa composition chimique. Il a en effet

Fig. 5 : Émissions de particules des aéronefs et impacts potentiels.

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Fig. 6 : Impact de l’ajout de l’utilisation de carburants alternatifs 0 aromatique / 0 Soufre sur les émissions de particules de turbines CFM56. (« FT »= « Fischer-Tropsch ». « HRJ »=Hydrotreated Renewable Jet)

été montré que les aromatiques, molécules présentes vis-à-vis de l’équilibre économique des compagnies naturellement dans le carburéacteur, étaient des aériennes, et encore plus des compagnies low-cost. précurseurs importants de suies. Aux émissions de Durant l’été 2008 le carburant a représenté ces particules fines, s’ajoutent également des aérosols jusqu’à 45% des coûts opérationnels de certaines sulfatés provenant de l’oxydation du soufre, présent compagnies low-cost. Des chiffres récents, publiés naturellement dans le carburant. par le US Bureau of Transportation Statistics, ont Les carburants alternatifs font appel à de nouveaux montré que le coût total du carburant pour une procédés et de nouvelles techniques qui peuvent compagnie comme United a été réduit de permettre d’accéder facilement à des compositions 70% au premier trimestre 2015 en comparaison avec chimiques jusque-là difficilement atteignables, avec la période équivalente 2014, alors que la consomma- notamment cer tains carburants ne contenant pas d ’aro- tion n’était dans le même temps réduite que de 1.3%. matiques ni de soufre. Ces carburants pourraient donc Afin d’éviter ces fluctuations importantes, la plupart présenter un intérêt environnemental fort, au-delà du des compagnies aériennes mettent en place des côté CO2. Des essais menés sur des turbines CFM56 avec politiques de couverture. La couverture permet aux différents carburants alternatifs sans aromatiques et compagnies aériennes de se prémunir contre les sans soufre ont ainsi montré un potentiel de réduction risques liés aux fluctuations du prix du carburant. allant jusqu’à 50% des émissions de particules (figure Le recours aux carburants alternatifs peut-il, dans ces 6). conditions, avoir un impact positif sur l’aspect coût ? La première réponse pourrait être non, car aucune La réduction des émissions polluantes des turbines des filières actuellement certifiées ne permet de n’est pas un critère en soi dans le cahier des charges de produire un carburant alternatif durable compétitif développement d’une filière de carburants alternatifs et en termes de coûts avec le carburéacteur fossile. certaines filières sont susceptibles au contraire d’avoir La diminution future des coûts de ces carburants des impacts mitigés sur ces émissions. Néanmoins, les liée à l’augmentation des capacités de production filières les plus vertueuses via leur chimie , doivent être et l’augmentation prévue à long terme du prix des privilégiées du point de vue du motoriste mais aussi de carburants fossiles en raison de leur caractère fini, l’avionneur. ainsi que la mise en place éventuelle de législations liées aux émissions de gaz à effet de serre (« taxes 3.3. Impact logistique / économique carbone » ou autres) pourraient cependant dans le Le transport aérien, civil ou militaire, est totalement futur amener à un niveau de coût acceptable. Mais dépendant des carburants liquides. Si un certain de nombreuses questions subsistent, et notamment degré d’électrification des aéronefs est actuellement celle du lien fort existant généralement entre le prix observé, cette électrification n’est pas envisagée du pétrole et celui de la biomasse énergétique. pour la propulsion elle-même (sauf démonstrations • Conséquence géopolitique : la dépendance à une spécifiques telles l’e-Fan d’Airbus). Les carburants mono-énergie peut être considérée comme un risque, liquides resteront donc pendant de nombreuses principalement pour les forces militaires. Pendant années le vecteur énergétique principal du transport un certain nombre d’années, l’US Air Force a été à aérien, ce qui a deux conséquences immédiates : l’origine d’un grand nombre de projets de recherche • Conséquence économique : le transport aérien est sur la thématique des carburants alternatifs, princi- totalement dépendant du cours du brut, avec des palement dans le but de certifier ses aéronefs variations extrêmement importantes. militaires à l’utilisation de ces carburants et ainsi • Cette variation du prix du carburéacteur est critique prévoir des solutions de repli face à une éventuelle

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rupture d’approvisionnement. Il convient cependant d’admettre qu’avec le développement de l’industrie des pétroles de schiste sur leur territoire national, cet aspect géostratégique semble avoir perdu de son attrait ces deux dernières années pour les militaires américains.

De plus, la production de carburants avec des ressources locales telles que les cultures énergétiques ou les déchets pourrait également représenter un vivier de développement économique, d’emplois ou encore de maintien de l’activité agricole dans les zones rurales.

4. LE PROCESSUS DE CERTIFICATION

La conception et l’utilisation d’aéronefs commerciaux est régie par les autorités de sûreté aériennes nationales ou les agences telles que la FAA (Federal Aviation Administration) aux USA ou l’EASA (European Aviation Safety Agency) en Europe. Les carburants utilisés par ces aéronefs, quelle que soit leur provenance, doivent donc respecter les propriétés et les besoins en performances exigés par les fabricants de moteurs et d’aéronefs et être approuvés par les autorités de sureté aériennes.

Assurer le maintien des performances est extrêmement Fig. 7 : Processus de certification global (IATA) & processus complexe. Il est inenvisageable de tester l’ensemble des de qualification selon la norme ASTM D4054 matériels dans l’ensemble des conditions possibles. La nécessité d’une procédure commune permettant à condition : cette validation s’est donc vite imposée. Les acteurs • Qu’il respecte la spécification de qualité décrite des domaines aéronautique et carburant ont donc dans l’ASTM D7566, en respectant les protocoles de collaboré avec la FAA et l’EASA afin de développer mélange décrits dans cette norme (et notamment le une procédure de qualification et de certification taux maximal d’incorporation) pour les nouveaux carburéacteurs alternatifs dits • Que le mélange final respecte la spécification de « drop-in ». Cette procédure fait appel au sous-comité qualité décrite dans l’ASTM D1655. « carburants » de l’ASTM International, organisme de normalisation initialement américain mais se voulant Cette procédure suppose fondamentalement le de plus en plus international afin de coordonner l’éva- caractère «drop-in » du carburant dont la définition luation des données fournies et l’établissement des est la suivante : il s’agit d’un carburant pouvant se critères de spécification pour ces nouveaux carburants. substituer en par tie ou en totalité au jet fuel convention- Ce sous-comité a donc édité une norme afin de clarifier nel sans impact opérationnel (pas de modification des ce processus: la norme ASTM D4054 (« Standard infrastructures, notamment au niveau des aéroports) Practice for Qualification an Approval of New Aviation ni modification des avions et des moteurs existants Fuels and Fuel Additive »). A cette norme s’ajoutent les ou en cours de développement. Ce concept s’explique 2 normes de qualité carburant : l’ASTM D1655 régissant car la mise au point d’un nouvel avion de transport de la qualité du carburéacteur mis sur le marché et l’ASTM grande capacité nécessite une dizaine d’années et un D7566 régissant la qualité des carburants alternatifs. investissement de l’ordre d’une dizaine de milliards Pour clarifier, un acteur du domaine souhaitant certifier d’euros, et la durée de vie d’une famille d’avions peut une nouvelle filière de carburéacteur devra suivre le dépasser soixante ans (par exemple le Boeing 747 a fait protocole décrit par l’ASTM D4054 (figure 7). Une fois son premier vol en 1969 et sa dernière version, le 747-8, ce protocole terminé, une spécification de qualité est volera vraisemblablement encore trente ans). écrite et ajoutée à la norme ASTM D7566. Ainsi, les carburants « drop-in », qu’ils soient issus de ressources fossiles ou de la biomasse, doivent satisfaire Un nouveau carburant peut alors être mis sur le marché certaines exigences, dont la première est de ne pas

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remettre en cause la certification des matériels, leurs Enfin, il faut souligner que ce sont les filières qui manuels d’utilisation et le processus de certification de sont certifiées, c’est-à-dire le mode de production du nouveaux matériels annexes. carburant et non la chimie du carburant. Ces filières sont cependant certifiées avec des contraintes en terme Le processus de certification d’un carburant « drop-in » de composition chimique, afin d’assurer la cohérence est un processus séquentiel, basé sur un protocole du produit entre les différentes unités de production. précis décrivant l’ensemble des données nécessaires. Ainsi, on ne certifie par un carburant contenant X% de Ces essais sont divisés en 4 catégories : paraffines et Y% d’aromatiques, mais un carburant en • « Specification properties » (Tier 1) : vérification de provenance d’un procédé « Z » et respectant un certain la cohérence des propriétés du carburant avec les nombre de critères de formulation assurant de son spécifications du carburéacteur. caractère « drop-in ». • « Fit-For-Purpose Properties » (Tier 2) : vérifica- tion de la compatibilité du carburant avec les Le processus ci-dessus garantit la sécurité d’utilisation propriétés classiques du carburéacteur. On vérifie et la compatibilité avec les aéronefs et les infrastruc- par exemple la compatibilité avec les matériaux tures aéroportuaires, mais ne couvre pas les aspects utilisés dans l’ensemble de la logistique carburant importants suivants : ou encore l’évolution de certaines propriétés avec • L’impact environnemental : la température (viscosité, densité…). A chaque fois, • L’impact à long terme, notamment en termes de les données obtenues sont comparées avec celles maintenance et de coûts opérationnels. Par exemple, d’un carburéacteur fossile, données fournies par la certification d’un carburant alternatif ne comporte l’ « Aviation Fuel Properties Handbook » du CRC. Tout pas spécifiquement d’essai d’endurance moteur, et écart de comportement doit être expliqué et des encore moins d’essais en flotte. essais éventuels doivent être réalisés. • L’assurance qualité de la « supply chain » : la certifi- • « Component / Rig Testing » (Tier 3) : vérification de la cation du carburant impose le respect d’une qualité compatibilité du carburant avec les organes moteur produit, mais n’étudie pas la logistique associée. La / avion à l’aide de tests spécifiques développés présence de contaminants lors de la manipulation par les industrielsmotoristes (injection, limites de du produit par un opérateur nouvel entrant dans la richesse de combustion, essai spécifique de stabilité filière pourrait en effet être catastrophique en terme à l’oxydation…) de qualité du carburéacteur final. Une « task force » • « Engine / APU Testing » : essai de combustion en « Into Plane Quality » et un groupe de travail « To turbine réelle ou APU. Ensure the New Fuel Handling Standard Will Work with D1655 » visant à traiter ce sujet sont mis en place Ces essais vont du plus simple vers le plus complexe. au sein de l’ASTM. Si les essais Tier 1 nécessitent généralement quelques litres de carburant, les essais Tier 4 nécessitent Enfin le processus de certification ne vise absolument plusieurs dizaines de m3. Ce processus n’est pas figé, pas à expliquer les phénomènes et reste généralement il n’est pas indispensable de procéder à l’ensemble des très factuel. Il doit donc s’appuyer sur des travaux de essais. Il est cependant nécessaire de prouver que le recherche permettant à la fois de prévoir les comporte- carburant proposé se comporte de façon similaire à un ments, mais aussi éventuellement d’aider à la compré- carburant standard. Cela peut passer par la réalisation hension des résultats obtenus. complète des essais, mais peut également faire l’objet de justifications liées par exemple à la composition 5. LES PRINCIPALES FILIÈRES EN DÉVELOPPE- chimique. Complétés d’analyses techniques, ils sont MENT ensuite compilés dans un rapport de recherche et soumis aux industriels, accompagné d’une proposition Comme indiqué précédemment, la seule voie pour de spécification carburant. Ceux-ci étudient le rapport, l’aviation est de disposer de carburants parfaitement le commentent, demandent éventuellement des transparents du point de vue opérationnel avec le précisions ou compléments, parfois même des essais Jet fuel fossile actuel, pour aboutir à un carburant complémentaires, via un processus itératif sans limite répondant aux spécifications aujourd’hui en vigueur : de durée. Une fois le rapport validé, le processus de du point de vue de leurs structures chimiques les futurs révision et de vote par les membres ASTM débute. Tous carburants seront donc des molécules hydrocarbonées les membres votant sont sollicités, peuvent soumettre proches à celles présentes dans le kérosène fossile, des commentaires / suggestions / questions / doutes, et de fait de véritables « clones » de celui-ci. C’est le l’ensemble de ces remontées devant être formellement principe de la notion de drop-in. traitées avant l’acceptation finale du document. Les voies impliquant des alcools non chimiquement

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Fig.8 : Résumé des étapes des 3 grandes catégories de procédés de production de biojets transformés (éthanol, méthanol, butanol) ou des esters diaire « uniformisé » (esters méthyliques d’huiles végétales) développées • Phase 2 : transformation finale en un hydrocarbure et d’ores et déjà mises en œuvre pour le transport liquide miscible au kérosène fossile à une teneur routier n’ont pas de sens pour l’aviation, pour des maximale dépendant du procédé. raisons opérationnelles (contenu énergétique, stabilité • Phase 3 : mélange pour obtenir du carburant drop-in thermique, compatibilité avec les matériaux utilisés bio-kérosène ou kérosène de synthèse. dans les circuits carburant…). Les carburants alternatifs tel que le gaz naturel liquéfié, ou encore l’hydrogène Dans les faits, la situation est beaucoup plus complexe peuvent constituer des solutions intéressantes au que ce simple tableau. En effet : niveau environnemental, mais posent de nombreuses • il est possible d’appliquer plusieurs procédés questions. Ils constituent donc des solutions à étudier, différents à la même matière première. Ainsi un mais dans une optique long terme. sucre peut être transformé directement via une voie biologique, ou via une voie catalytique, ou même De nombreuses filières de production de carburants indirectement en tant que nutriment pour des micro- alternatifs « drop-in » peuvent être envisagées, à organismes lipidiques (levures, micro-algues) puis partir de nombreuses matières premières fossiles (gaz par hydrotraitement naturel ou de synthèse, charbon) ou biomasse (cultures • en faisant varier les procédés ou enchaînements dédiées, déchets organiques…) suivant trois grandes de procédés, on peut accéder à tout un panel de familles de procédés : compositions chimiques, allant du produit purement • Les procédés dits « thermiques » (Fischer-Tropsch, paraffinique (intéressant du point de vue émissions liquéfaction) : Ces procédés passent par une polluantes, mais limité en termes de taux d’incor- première étape de « déstructuration » de la matière poration pour des raisons de compatibilité joints) première pour la transformer en un produit intermé- au produit « mélangé » contenant des molécules de diaire plus facilement manipulable et traitable (gaz de diverses familles chimiques et donc potentiellement synthèse, bio-huile). Ce produit est ensuite amélioré certifiable à 100%. par différents types de procédés pour aboutir au Le schéma de la figure 9 résume les différentes filières carburant fini. envisageables et certifiées. • Les procédés dits « catalytiques » (hydrotraitement d’huiles végétales (HEFA), déshydratation / oligomé- Actuellement, 3 filières « drop-in » sont certifiées risation d’alcools (« Alcohol to Jet », AtJ)) : Ces voies (et peuvent donc être d’ores et déjà être utilisées en utilisent des procédés catalytiques d’hydrogénation mélange pour des vols commerciaux) : et de transformation de la matière première, • La filière « FT » (Fischer-Tropsch), à 50%, permettant • Les procédés dits « biologiques », qui utilisent des la production de carburéacteurs synthétiques à micro-organismes (levures…) pour transformer une partir de ressources telles que le charbon, le gaz ou matière première directement en molécules hydro- la biomasse, carbonées. • La filière « HEFA » (Hydrotreated Esters and Fatty La production de carburants alternatifs drop-in peut Acids), à 50%, permettant la production de carbu- être divisée en plusieurs phases présentant chacune réacteur à partir de ressources oléagineuses (huiles des verrous technologiques et impliquant des acteurs végétales, huiles usagées, huiles algales), différents (figure 8). • La filière « DSHC » ou « SIP » (Direct Sugar to HydroCar- • Phase 1 : collecte de matière première et (éventuel- bons / Synthetic ), à 10%, permettant la production de lement) pré-transformation en un produit intermé- carburéacteur par voie biologique à partir de sucres

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Fig. 9 : Filières examinées au sein du sous-comité carburants de l’ASTM International ( FAA, Juillet 2014)

La multiplicité de ces filières à l’étude peut sembler mécanisme permettant de réduire cet écart n’est surprenante, mais est symptomatique d’une actuellement en place. De nombreux travaux sont en complexité liée au fait qu’aucune de ces filières ne cours, notamment au sein de l’OACI, afin de définir à surpasse les autres en tous points, et que chacune la fois des processus de certification environnemen- possède des forces mais également des faiblesses. Le taux communs de ces filières, mais aussi un cadre choix d’une filière ou d’une autre dépendra donc de la général à des mesures de marché incitatives. Enfin ressource disponible, de son accessibilité, du type de la nature internationale du transport aérien, fait que carburant fourni, des marchés « annexes »… La (ou les) toute initiative liée au développement des carburants solution(s) choisie(s) sera(ont) donc inévitablement alternatifs doit être prise au niveau international différente(s) d’un pays à l’autre, et les développements pour éviter des distorsions de concurrence entre les de ces filières se feront en parallèle. compagnies aériennes.

Il n’existe actuellement pas d’industrie de production 6. CONCLUSION de carburéacteurs alternatifs en tant que tel. Des unités de production de biocarburants avancés ont été Les carburants alternatifs durables, dans la mesure mises en place et permettent de produire du biodiesel où un volume suffisant pourrait être disponible, ont (on peut notamment citer les unités d’hydrotraite- un potentiel extrêmement intéressant dans la lutte ment d’huiles végétales de NESTE (Finlande, Pays-Bas), pour la réduction du CO2 du transport aérien. De plus, l’unité à venir de Total au sein de la raffinerie de la ils peuvent apporter une diversification de ressources Mede, ou les unités Total / Amyris au Brésil). Ces unités au niveau géostratégique et potentiellement sont potentiellement capables de produire des biojets financier. Enfin le recours à de nouveaux procédés de certifiés, mais ne le font pas principalement pour des production ouvre la voie à des formulations dans les raisons de demande. Ces carburants restant significa- limites drop-in, permettant une diminution notable tivement plus chers que les filières fossiles (et encore des émissions de particules. plus avec un baril de pétrole autour de 50$ !) et aucun

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Afin de permettre le développement de ces filières La dynamique de déploiement industriel est lente tout en conservant un niveau optimal de sécurité, et timide sur le moyen terme (2020) en raison de la une procédure de certification / qualification des faiblesse du « business case » et en l’absence d’accord carburants alternatifs a été mise en place au niveau international sur des mécanismes permettant le international (ASTM). Ce processus est complexe, long développement de ces filières. Les ambitions sur le et coûteux, mais nécessaire pour assurer le maintien long terme (2050) pour les biocarburants aéronau- d’un haut niveau de sécurité des vols. Il s’agit de plus tiques supposent des progrès technologiques pour d’un processus séquentiel et consensuel, basé sur améliorer les rendements et les coûts de production et des interactions constantes entre les producteurs de une approche économique intégrée des écosystèmes carburant et les industriels du domaine aéronautique. régionaux.

Actuellement, 3 filières « drop-in » sont certifiées Une forte implication des motoristes sur le sujet est (et peuvent donc être d’ores et déjà être utilisées en nécessaire. Le groupe Safran est fortement présent mélange pour des vols commerciaux) : sur cette thématique, avec des projets de recherche • La filière « FT » (Fischer-Tropsch), à 50% d’incorpora- (projets nationaux CAER et MOCCASSIN) et de tion démonstration (projet national Lab’Line). Plus généra- • La filière « HEFA » (Hydrotreated Esters and Fatty lement, il convient de souligner que l’optimisation de Acids), à 50% d’incorporation la composition des carburants futurs est un axe de • La filière « DSHC » (Direct Sugar to HydroCarbons), à recherche important pour le futur, quelle que soit leur 10% d’incorporation origine (fossile ou alternatif). ■ Un grand nombre de filières nouvelles ou d’améliora- tion de filières existantes sont en cours de certification au niveau de l’ASTM.

COMMISSION TECHNIQUE « MATÉRIAUX »

JOURNÉE SCIENTIFIQUE SUR LES ALLIAGES À BASE D’ALUMINURES DE TITANE (TiAl) Jean-Yves Guédou, Président de la Commission Technique « Matériaux »

Le 10 septembre 2015, la Commission Technique « Matériaux » de la 3AF a organisé une Journée Scien- tifique sur les alliages à base de TiAl en collabora- tion avec le Département Matériaux et Structures Métalliques de l’ONERA sur son site de Palaiseau.

Une énorme quantité de travaux de recherche et de développement a été menée dans les années 1990 sur les alliages intermétalliques à base de TiAl, ceci aux Etats-Unis, en Europe et au Japon. Après une courte période de stagnation, les activités (sans doute plus ciblées) ont repris vers la fin des années 2000, étant stimulées par la première utilisation de TiAl pour les Fig. 1 : Moteur LEAP et une des aubes TiAl en dernier étage aubes de turbine basse pression du moteur GEnx de de la turbine basse pression. General Electric. En France, une application similaire mais avec une plus grande envergure est imminente • Introduction : ONERA (S. Naka et A. Denquin) chez SNECMA pour le nouveau moteur LEAP • Métallurgie des alliages : ONERA (M. Perrut) GE-SNECMA (Figure 1). • Solidification et transformation de phases : I.J.L. L’objectif de la journée a été de dresser de manière Nancy et Metz (D. Daloz, A. Hazotte) et CEMES pédagogique les acquis scientifiques et techniques Toulouse (A. Couret) sur cette nouvelle famille d’alliages métalliques avec 8 • Procédés de fabrication (fonderie, corroyage, exposés de 30 minutes : poudres) : ONERA (M. Thomas)

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SCIENCES ET TECHNIQUES AÉROSPATIALES JOURNÉE SCIENTIFIQUE SUR LES ALLIAGES À BASE D’ALUMINURES DE TITANE (TiAl)

• Comportement mécanique : PPRIME Poitiers de mise en œuvre, la métallurgie des poudres est (G. Hénaff) certainement la piste alternative la plus intéressante • Tenue à l’environnement : SNECMA (S. Knittel) en raison de la possibilité qu’elle offre pour obtenir • Problèmes de dimensionnement des pièces : les produits homogènes (le procédé actuellement SNECMA (A. Longuet) utilisé est la fonderie). Enfin, nous aurons certaine- • Développement de TiAl en Allemagne et perspec- ment besoin de revêtements appropriés, puisque les tives futures : MTU (W. Smarsly) travaux mentionnés sur la tenue à l’environnement indiquent que la limite d’utilisation des alliages non Ces exposés suivis des questions-réponses avec revêtus ne dépasse pas 750°C. une audience d’environ 50 participants (industriels et académiques) ont permis d’appréhender l’état de l’art actuel de la métallurgie de ces nouveaux alliages métalliques pour applications industrielles et de fournir leurs perspectives futures. Les points les plus saillants à retenir sont les suivants : • La France possède les bases scientifiques et techniques nécessaires pour concrétiser des applica- tions industrielles de cette nouvelle famille d’alliages métalliques, grâce aux travaux initiés par l’ONERA au début des années 1990 sous l’égide de la DGA, suivis des activités de recherche menées en collaboration avec des laboratoires académiques. • Par la complexité du diagramme de phases du système Ti-Al, qui implique de nombreuses phases cristallographiquement distinctes, les chemins pour le changement de phases (solidification et trans- formation de phases à l’état solide) sont très variés et les mécanismes mis en jeu assez compliqués. Ceci conduit à rendre le contrôle de microstructure relativement délicat. Il existe quelques microstruc- tures représentatives (Figures 2) pour les alliages de première génération comme l’alliage GE (Ti-48Al-2Cr- 2Nb). • Les propriétés mécaniques évaluées dépendent fortement d’un certain nombre de paramètres métallurgiques (chimie, microstructure, texture…). Le cas de la composition chimique est sans doute le plus redoutable; 1% de différence en teneur en aluminium se traduit par une forte variation de certaines propriétés mécaniques. • Pour ces alliages, la fragilité constitue la difficulté la Fig. 2 : Microstructures lamellaire (en haut) et duplex (en plus sévère (une ductilité de 2% au maximum; un bas). exposant de la contrainte de Paris très élevé allant même jusqu’à 50). Cette fragilité rendant parfois le Pour les lecteurs qui souhaitent obtenir plus comportement cyclique assez inhabituel. amplement les informations fournies pendant cette • Le dimensionnement pour les premières applica- journée, le téléchargement des planches présentées tions industrielles chez les motoristes se fait pour le est prévu pour très prochainement. Enfin, pour moment avec un coefficient de sécurité élevé. les chercheurs et les ingénieurs qui sont ou seront • Il y a plusieurs pistes de progrès. Au niveau de la directement impliqués dans les travaux sur les alliages nuance d’alliages, les alliages chargés en éléments à base de TiAl, la consultation du livre « Gamma réfractaires (Nb, W, etc.) en combinaison avec des Titanium Aluminide Alloys - Science and Technology » oligo-éléments tels que Si, B, C, etc. sont intéressants (Wiley-VCH, Weinheim, Germany, 2011. avec 745 pages pour accroître la température d’utilisation jusqu’à et 2182 références) publié par F. Appel, J.D.H. Paul et M. 800°C environ. En ce qui concerne les procédés Oehring sera certainement très utile. ■

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COMMISSION TECHNIQUE « AVIATION LÉGÈRE ET MACHINES DERIVÉES » STRATÉGIE DE LA COMMISSION ALMD Président : Jean-Luc CHANEL Email : [email protected]

1. INTRODUCTION (pollution sonore, pollution par gaz de combustion, territoires survolés) et sécuritaire (dans le sens de Notre commission est née de la passion de ses membres navigabilité) dans leur contexte de plus en plus fondateurs pour les planeurs, deltaplanes, parapentes, contraignant. parachutes, ULMs, avions légers, voilures tournantes, montgolfières, dirigeables, cerf-volant, etc. et de leur L’enjeu pour la commission « Aviation légère et admiration pour les aéronefs historiques en raison de Machines dérivées » est d’être une valeur ajoutée leur caractère visionnaire et de leur simplicité. en favorisant les rencontres multi-métiers sur les problématiques évoquées. Sous le terme « machines dérivées » la commission s’intéresse par extension aux aéronefs à effet Le tableau de la page suivante positionne les projets de surface/sol, véhicules à coussin d’air, voiliers, de nos membres et les projets extérieurs suivis en hydroptères, éoliennes, ainsi qu’aux aéronefs fonction- fonction de quatre axes privilégiés : nant grâce à des énergies d’origine non fossile (par • Sciences et techniques établies exemple électricité d’origine solaire, biocarburant de • Rétrospectives historiques 3e génération, etc.) et aux projets de véhicules marins • Analyse de la valeur ou terrestres nouveaux, légers, remarquables pour • Energies et matériaux nouveaux. leur efficacité et utilisant de la technologie aéronau- tique. 3. BESOINS ACTUELS ET FUTURS POUR LES Notre commission a pour mission de réfléchir aux DOMAINES CONCERNÉS problématiques de ces domaines et de proposer des éléments de réponse. Elle aborde les sujets de manière Soutenir et engendrer de l’innovation. La colonne transverse (mécanique du vol, sécurité, environne- vertébrale de notre commission. ment, maîtrise des écoulements fluides, légèreté des structures, optimisation de la propulsion, etc.) Elle tisse Nous pensons que l’aéronautique légère et ses dérivés, naturellement des liens avec d’autres commissions avec de petites structures industrielles, présentent représentant ces thèmes. le meilleur moyen de réaliser des démonstrateurs et prototypes qui s’inscrivent dans la voie de l’innovation CT Aérodynamique Jean Delery ONERA, CT Matériaux par rupture. Jean Yves Guedou SNECMA, CT Propulsion Michel Le regard porté sur des machines anciennes, machines Desaulty SNECMA, CT Aviation Commerciale Françis à reconstruire ou reconcevoir avec des moyens Guiméra AAAF, CT Environnement. modernes, est source d’inspiration. Nous suivons des projets de commémoration historique. 2. ACTIVITÉS, DÉFIS TECHNOLOGIQUES ET ENJEUX Notre commission se veut être un lieu d’échanges, de collaboration et de convivialité pour les L’activité de la commission se veut être un travail sur inventeurs, les créatifs et les porteurs de projets. la chaîne du transport civil privé et de loisir, entre autres, de la conception de la machine jusqu’à son Beaucoup de nos membres sont porteurs de projets usage et ses aspects sociaux. Elle exclut les drones, techniques, voire de projets à titre privé pouvant en général les machines de surveillance, les engins et évoluer vers des projets industriels, des fondations de machines de combat et le domaine militaire ; l’activité sociétés. de la commission exclut donc le détournement et La technique pure est également abordée tout comme la destination de nos machines civiles aux fins cités les problèmes non techniques rencontrés par tous les ci-dessus. porteurs de projet. Pourraient être collectées et écrites « les bonnes pratiques du porteur de projet », sorte de Deux enjeux sont considérés : guide dans ses démarches et compte rendus de ses • Maintenir la liberté de concevoir et d’utiliser les expériences. Nous sommes placés avant l’incubateur machines étudiées dans le périmètre de notre d’entreprise, présentant alors ce que nous pourrions commission, appeler une « fertilisation » d’entreprise. • Répondre aux contraintes environnementale En matière de conception et de bonne pratique notre

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SCIENCES ET TECHNIQUES AÉROSPATIALES STRATÉGIE DE LA COMMISSION ALMD

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SCIENCES ET TECHNIQUES AÉROSPATIALES STRATÉGIE DE LA COMMISSION ALMD commission s’appuie sur l’Analyse de la Valeur et plus 2013 : le 23 octobre, première conférence sur le Projet particulièrement sur l’Analyse Fonctionnelle, véritable LEYEL d’automobile à propulsion aérienne, montrant philosophie, méthode rigoureuse de conception à les acquis et la validation de l’invention suite à calculs partir de la page blanche, entrant dans le processus et essais. d’innovation, prenant en compte le besoin de l’utilisa- 2014 : Mise en place des projets collectifs : planeur à teur bien avant d’apporter une solution. assistance électrique, Avion électrique tracteur de A quoi ça sert ? A qui cela rend service ? En avons-nous planeur, Prolongateur d’autonomie électrique sur base vraiment besoin ? Quelles sont les fonctionnalités ? thermique, et aérodrome indépendant énergétique- Cette précieuse méthode est capable de remettre en ment. cause les orientations de base d’un projet ou d’une 2015 : Premiers travaux et publications sur l’Aérodrome solution technique en sortant toujours des situations indépendant énergétiquement, sujet restant ouvert limitatives. et formant les bases pour l’étude d’avions ou ULM Forts de cette méthodologie, nous pourrions remettre électriques. Auteur Patrick GILLIERON. en cause des paradigmes et par là même ouvrir de 2015 : Mise en place des journées JEAL, Journée nouvelles voies. Ayons le courage et l’audace de les d’Etudes Aviation légère, dans le Groupe Régional 3AF explorer. Ile de France. Il s’agit de l’organisation d’une journée «Aviation Légère» à destination des pilotes privés. 4. AXES DE RÉFLEXION Auteur Patrick GILLIERON.

L’innovation par amélioration continue, incrémentale, 5. PARTENARIATS est bien prise en charge par le système industriel et économique existant. L’impératif de ne pas se disperser • Michel DESCLAUX, pôle thermique, moteurs, Prolon- en limite en revanche la créativité. gateurs d’autonomie A l’opposé des grands groupes, nous pensons que les • Bernard DAURAT, musée de l’Hydraviation de petites structures industrielles présentent le meilleur Biscarrosse, pour Henri FABRE moyen de réaliser des démonstrateurs et prototypes • Claude GUENIFFREY, Président des Amis de l’Hélica qui s’inscrivent dans la voie de l’innovation par rupture. pour le projet LEYEL Ceci étant dit, un grand groupe ayant organisé en son • L’association – Les amis de l’ingénieur Jean BERTIN sein un service Recherche & Développement dédié à l’innovation pure, avec une certaine autonomie, 6. PLANIFICATION DES THÉMATIQUES ET présenterait les mêmes caractéristiques et avantages ACTIVITÉS DE LA COMMISSION TECHNIQUE qu’une petite structure sur ce point là. Autre axe de réflexion : Voici nos activités qui devraient de facto entraîner Comment utiliser le savoir accumulé par la Recherche & notre production : Développement à des par rupture techno- • Réunion de ses membres au moins six fois par an. logique, conceptuelle ou culturelle ? • Echanges d’informations par courrier. • Publications (état de l’art) et en général productions Evénements clés : intellectuelles 2011 : Continuité, en 2011, de la commémoration de • Suivi et compte rendus des projets de ses l’hydravion FABRE de 1910 réalisée en 2010, par le suivi membres. de l’activité. Evolutions des machines commémora- • Suivi et compte rendu d’activités industrielles tives. en aéronautique légère (avion non complexe, Le 2e Symposium des pôles de compétitivité français planeur…), dans le sens d’informer le GIFAS, et des créneaux d’excellence québécois. L’objectif DGAC, CNES… est d’accélérer l’émergence et la concrétisation de • Œuvres intellectuelles générales : effet d’échelle nouveaux partenariats technologiques, industriels pour une technologie donnée (ex : matériaux et d’affaires, entre les entreprises, les centres de composites, type de propulsion, …) recherche et les universités. • Articles dans la Gazette 3AF TMP (Toulouse Midi PCRD (Programme Cadre Recherche et Développe- Pyrénées), la Lettre 3AF, et Horizons Newsletter de ment) : Transport de surface et Aéronautique. Les l’A.I .A.A – Section Houston (jumelage 3AF). appels à propositions concernant le programme de • Conférences travail 2011 à 2015 de la thématique Transport du 7ème • Découverte d’activités PCRD. • Suivi de commémorations historiques 2013 : Validation du principe du Thermoréacteur et • Visites de PMI/PME, laboratoires, écoles, etc. premier fonctionnement à chaud. • Veille technologique

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• Etudes de Projets peuvent être regroupés en deux axes, dits actuel et Ainsi des visites techniques pourront être organisées futur. A savoir : « Machines anciennes et actuelles » et sur des sujets d’intérêt commun, permettant d’affiner « Machines de conception innovante ». des dossiers plus spécialisés comme les projets des membres et sur les questions actuelles : conception, CHANEL, Jean-Luc (LEYEL et AIRBUS) Président et outils et méthodes, processus de fabrication, sécurité, Trésorier de la CT « Aviation légère et Machines environnement … dérivées ».

7. FONCTIONNEMENT BIANCIARDI, Marco (AIRBUS) Secrétaire de la CT Les quatre axes d’intérêt définis en introduction « Aviation légère et Machines dérivées » et Conseiller. ■

LA COMMISSION TECHNIQUE SIGMA2 Luc Dini, Président de la Commission Technique SIGMA2

existent et sont démontrés. Leur origine naturelle ou artificielle est une question ouverte selon les cas, du fait de phénomènes lumineux et électromagnétiques atmosphériques mal connus, mais aussi de compor- tements électromagnétiques et surtout cinématiques imprévisibles. Ces comportements étranges défient les lois de la physique, notamment de la mécanique, ce qui pose problème aux moyens d’observation pour effectuer des enregistrements systématiques. Les phénomènes PAN (Phénomènes Aérospatiaux Non Du fait du caractère exceptionnel de ces phénomènes Identifiés) ne sont pas nouveaux: des cas aéronau- aérospatiaux et de leur complexité scientifique, la tiques (en vol) et des cas au sol (traces et observations) Commission Technique de 3AF, initialement intitulée ont été constatés depuis la 2ème guerre mondiale PAN, puis SIGMA, a été créée en 2008. voire bien avant. Une première vague de cas a été répertoriée en France depuis le début des années 50, En avril 2013, le mandat de la Commission SIGMA a été ce qui a motivé la création du GEPAN au CNES en 1977. recentré sur l’analyse scientifique et technique des cas Ces phénomènes présentent des caractéristiques “D” inexpliqués (selon la terminologie GEIPAN): SIGMA2 diverses selon les cas (cinématiques, électromagné- a succédé ainsi à SIGMA. tiques, optiques, de radiation, effets mécaniques sur le Son travail est parallèle et coordonné avec celui du sol, etc…) inexpliquées. GEIPAN en France et d’organismes institutionnels ou pas, à l’étranger (ex CEFAA chilien). L’analyse technique Leur réalité est incontestable même si des canulars de cas non expliqués fait suite aux enquêtes de

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SCIENCES ET TECHNIQUES AÉROSPATIALES LA COMMISSION TECHNIQUE SIGMA2 terrain menées par les services institutionnels dans Le sujet des PAN (Phénomènes Aérospatiaux Non un périmètre circonscrit à l’environnement terrestre identifiés) connaît une situation paradoxale avec une proche et atmosphérique jusqu’à l’ionosphère, jusqu’à documentation en quantité dont il est le plus souvent à l’espace pour les corps en orbite captés ou soumis à impossible de garantir l’origine et la qualité. Documents l’attraction terrestre. officiels, documents d’apparence officielle, rapports de groupes de travail, blogs et sites internet, bases de Pour mener à bien ses travaux, SIGMA2 réunit un large données diverses et variées composent un paysage faisceau d’expertises (ingénieurs de l’industrie ou du documentaire hétéroclite qui limite le plus souvent secteur étatique, spécialistes de Défense Aérienne, toute analyse sérieuse des phénomènes répertoriés. radar, Electromagnétisme, spécialistes retraités de Dans le souci de centrer son action sur l’analyse scien- la DGA, du CNES, astronaute, officiers en retraite, tifique des phénomènes PAN, la commission Sigma 2 pilote, analyste,…astrophysicien, médecin…). Parmi a choisi de mettre en place une base de données ces compétences diverses et de qualité, nous pouvons documentaire destinée à mieux établir, sur la base citer l’Ingénieur général (2s) Pierre Bescond, ancien de critères objectifs, la qualité des documents qu’elle directeur du CNES, membre de Cometa, Président du consulte pour ses travaux. Cette base de données Comité de pilotage du GEIPAN (COPEIPAN), l’Ingénieur en cours de constitution tient donc lieu d’abord de général (2S) Jean-François Clervoy, ingénieur navigant méthode de travail en même temps qu’elle constitue d’essais et astronaute de l’ESA, le Dr Paul Kuentzmann un réceptacle destiné à rassembler de manière ( expert 3AF/ Sigma2, Haut Conseiller scientifique du organisée la documentation disponible pertinente Président de l’ONERA), le Dr François Louange (expert pour les analyses menées par la commission. en traitement d’images, expert de 3AF/ SIGMA2 et du GEIPAN). QUELLE EST LA MÉTHODE ADOPTÉE PAR LA Un plan de travail a été construit autour de 5 axes: COMMISSION TECHNIQUE « SIGMA 2 » environnement et base documentaire, contacts, sélection des cas, éléments physiques, observation La méthodologie Sigma 2 est d’abord un outil biblio- (moyens). Plusieurs communications ont été faites au graphique destiné à évaluer la qualité des documents travers de la lettre 3AF depuis 2013 pour expliquer et non pas la qualité des données qu’ils contiennent. le mandat et la logique des travaux, les réflexions Sans évaluation de la fiabilité des sources, il n’est pas théoriques sur la physique de l’électromagnétisme d’analyse scientifique sérieuse. Pour cette raison, la et de la gravitation, puis la rencontre avec le CEFAA base de données fonctionne de manière classique en chilien fin 2014. utilisant une fiche signalétique pour chaque document SIGMA2 publie une nouvelle communication sur la répertorié. Cette fiche permet à la fois l’indexa- méthodologie pour établir une base documentaire et tion dans la base de données à partir de champs de données et prévoit conformément au programme, classiques (type de document, auteur, date, etc.) mais la sortie du rapport d’avancement début 2016. aussi une évaluation de la qualité de ce document par l’existence champs spécifiques qui permettent de Ce travail devrait marquer un progrès dans l’interpré- produire un indice de fiabilité du document concerné. tation scientifique des observations et dans l’améliora- Cet indice se compose à la fois d’éléments de bon tion des techniques d’observation et d’enregistrement, sens que tout spécialiste de l’analyse de document ainsi que témoigner de la construction d’un réseau utilise (type et fiabilité de la source, traçabilité, type d’experts techniques et scientifiques. Un premier d’auteur, etc.) mais aussi d’éléments plus spécifiques, atelier scientifique international pourrait réunir inspirés des techniques de collecte de témoignage quelques-uns de ces experts en 2016. ■ avec par exemple, une notation de l’écart temporel entre l’observation du phénomène et la déclaration effectuée par le témoin (en gendarmerie notamment) MÉTHODOLOGIE ou la durée du phénomène observé (de quelques secondes à plusieurs heures, voire sur plusieurs jours D’ÉLABORATION D’UNE de manière récurrente par exemple).

BASE DE DONNÉES Compte tenu de la profusion de la documentation existante, les premiers critères mentionnés d’analyse BIBLIOGRAPHIQUE classique de la fiabilité physique et bibliographique des sources sont évidemment essentiels. Ainsi un INITIALEMENT premier classement prend en compte la façon dont la Rédaction collective de la Commission SIGMA2 commission s’est procuré le document. Un document

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SCIENCES ET TECHNIQUES AÉROSPATIALES MÉTHODOLOGIE D’ÉLABORATION D’UNE BASE DE DONNÉES BIBLIOGRAPHIQUE originaire d’un pays donné mais collecté dans un autre exemple le document présente en annexe des mesures aura par exemple moins de poids qu’un document physiques certifiées. Nous touchons là au cœur de collecté dans son pays d’origine, éventuellement l’activité de Sigma 2 et cette hiérarchisation correspond auprès de l’organisme qui l’aura officiellement émis. aussi aux objectifs et au mandat de cette commission. Il Les exemples sont nombreux de pseudo-documents faut noter que cette méthode de notation se distingue officiels qui circulent sur internet et qui sont censés être de la méthode mise en place par le GEIPAN, le groupe des fac-similés de documents originaux. On peut citer d’étude et d’information mis en place au CNES sur ces l’exemple d’un document américain réputé « officiel » phénomènes, qui elle s’attache à discerner des indices doté de quatre versions, d’apparences aussi authen- d’étonnement et classifie directement (de A à D) le tiques les unes que les autres (apparence « d’époque », contenu des phénomènes répertoriés. Cette complé- présence de tampons, d’annotations, de tâches, etc. mentarité des deux méthodes permet à la commission visant à authentifier l’origine, à « faire vrai »…). A ce Sigma (en collaboration avec le GEIPAN) de reprendre titre, les documents peuvent être des textes, mais aussi des cas accessibles (notés D par exemple) pour en des photos, des vidéos, des comptes –rendus de trace compléter la notation et conduire éventuellement à radar, qui tous doivent faire l’objet de cette traçabilité leur prise en considération par Sigma 2. en dépit de leur apparence valide. Au fil du renseignement des fiches, chaque document se voit donc associer une note qui permet de qualifier Bien sûr le type du document (officiel attesté ou collecté les matériaux sur lesquels la commission travaille, sur un blog) doit être précisé. On s’en doute, la note de avec au bout du compte une capacité à pondérer les fiabilité s’en trouvera fortement modifiée. A nouveau conclusions scientifiques si besoin est. cela ne signifie pas que par principe le document issu d’un blog sera ignoré de la commission. Il sera DES EXEMPLES MARQUANTS simplement considéré en connaissance de cause. Il existe ainsi dans la base une hiérarchie qui se veut Le cas Français d’Amarante de 1982 la plus objective possible mais qui peut évidemment La base de données du GEIPAN (CNES) offre toujours faire l’objet d’ajustements ultérieurs si le d’abord une source documentaire qui répertorie besoin s’en fait sentir. La nature du document fait des documents dont l’origine est contrôlée (procès l’objet d’un classement de la même façon avec des verbaux de gendarmerie le plus souvent) et classe les différences selon qu’il s’agit par exemple d’un procès- phénomènes selon leur indice d’étrangeté, leur degré verbal officiel, d’un rapport de groupe de travail ou « d’inexplicabilité » pourrait-on dire (figure 1). Sigma2, d’un essai publié en librairie. A nouveau ici la liste n’est en relation avec le GEIPAN, s’appuie sur ce travail pas exhaustive mais l’échelle de classement de la base considérable et reprend certains de ces cas. Il s’agit de données est conçue de façon à prendre en compte dans un premier temps de compléter le travail effectué l’ensemble de la documentation sans discrimination en pour juger des caractéristiques de la rédaction même entrée. des témoignages reçus selon les critères déjà cités (classement de la qualité des témoignages reçus, UN OUTIL QUI AFFINE LES TRIS EXISTANTS délais de collecte des données, etc.). Ainsi, le cas de l’observation d’un engin de forme ovale (et d’environ Ce classement de nature strictement bibliographique 1,5 m de diamètre) en sustentation à un mètre du sol se complète dans chaque fiche d’un classement sur pendant une vingtaine de minutes avec rapproche- la forme et la nature des informations transmises. ment de l’observateur à près de 50 cm, cas classé D A nouveau, il ne s’agit pas à ce stade d’entreprendre par le GEIPAN pour son indice d’étrangeté, a pu faire l’analyse scientifique des données contenues dans les l’objet d’une analyse scientifique compte-tenu d’effets documents. Il s’agit simplement d’évaluer le contexte supposés sur la végétation (effets électriques, déshy- des informations transmises avec par exemple l’iden- dratation). tification des dates mentionnées. Un procès-verbal de gendarmerie mentionnant un témoignage collecté Le document répertorié est un compte-rendu ex-post deux heures après le phénomène sera « mieux noté » des conclusions d’un groupe de travail mis en place qu’un procès-verbal identique relatant un phénomène au sein du GEPAN (alors la dénomination de l’actuel intervenu vingt ans auparavant ! GEIPAN). La méthodologie mise en œuvre pour le recueil du témoignage de l’observateur ainsi que pour Mais aussi, la base de données utilise un ensemble de celui des traces physiques, méthodologie reflétée mots-clés (témoignages, éléments physiques, photos, dans le compte-rendu du GEPAN, en font l’un des cas a vidéos, etc.) pour décrire la teneur du document priori les plus sérieusement documenté compte-tenu transmis avec là encore une notation différente si par de l’existence de matériau à analyser. Néanmoins,

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SCIENCES ET TECHNIQUES AÉROSPATIALES MÉTHODOLOGIE D’ÉLABORATION D’UNE BASE DE DONNÉES BIBLIOGRAPHIQUE

Fig. 1 : Extrait et sortie-type de la base de données Sigma 2 d’un document relatif au cas Amarante

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SCIENCES ET TECHNIQUES AÉROSPATIALES MÉTHODOLOGIE D’ÉLABORATION D’UNE BASE DE DONNÉES BIBLIOGRAPHIQUE une analyse critique de ce document existe qui a mis sance du public dans le cadre du projet Blue Book. A en évidence de nombreuses failles dans le recueil la fois le nombre, la qualité, voire la précision (dessins, du témoignage et dans l’absence de vérifications 14 enregistrements sur le « radarscope » du B-52 pris de certaines incohérences. La méthodologie Sigma en photo, documents échangés entre enquêteurs consiste elle à ne considérer que la nature et la valeur officiels) font de ces documents des pièces uniques du document présenté et à mettre en perspective les témoignant d’un phénomène singulier qu’il semble éléments physiques présentés avant de les répertorier de difficile de confondre avec la manifestation d’un et de les considérer en rapport avec d’autres éléments phénomène naturel qui d’ailleurs aurait provoqué des éventuellement similaires. Dans le cas d’espèce, aussi interférences avec l’électronique des installations des intéressant que puissent être ces éléments, d’emblée zones de lancement, incident reconnu mais qui serait le document ne peut pas avoir les mêmes caractéris- réputé temporellement séparé. A ce titre, le dépouil- tiques documentaires que le procès-verbal d’origine lement de ces documents est important pour relever (éloignement temporel et géographique) et il se trouve l’ensemble des données qui pourront être confrontées à ce titre « moins bien noté ». Par ailleurs, la description et comparées avec d’autres cas. Pour autant, la nature même du phénomène souffre du fait qu’il n’y ait eu des documents et leurs modes de transmission (déclas- qu’un témoin et que la durée du phénomène ait été sification par des groupes de passionnés, présence relativement courte, environ 20 minutes. sur des blogs sans traçabilité aux archives officielles) ne peut attester de leur pleine authenticité ce que la Ces aspects du dossier affectent également à la marge base de données Sigma indique par le biais d’une note la notation du document (23 sur une note maximum documentaire relativement basse. possible de 41), les pondérations les plus fortes concernant la traçabilité et la fiabilité de la source Pour autant, il faut noter que le recensement de cet documentaire ainsi que la proximité temporelle de sa ensemble de pièces demeure indispensable pour rédaction avec le déroulement même de l’évènement permettre la comparaison et noter d’éventuelles décrit. Le cas signalé ici est intéressant pour illustrer récurrences qui permettront de mieux axer les travaux la « mécanique » de la méthode d’analyse bibliogra- d’analyse du groupe. La base de données permet à la phique sur laquelle Sigma2 appuie ses analyses et fois en amont (document manifestement douteux) qui s’attache, on l’a compris, à donner au groupe de ou en aval (document non complètement ou complè- travail les éléments premiers, factuels, d’appréciation tement authentifié) de préparer au mieux la phase de la qualité des sources. Pour autant, le document de recherche et de mieux qualifier les matériaux fait le point des examens physiques pratiqués sur les considérés. données collectées à l’époque du phénomène et à ce titre il constitue pour le groupe Sigma l’un des points Enfin, les documents officiels permettent d’attester de de départ sérieux pour la mise en place du corpus l’authenticité mais peuvent aussi être sujets à caution des données scientifiques qui seront regroupées et sur l’exactitude du contenu dans certains cas. analysées, d’abord dans leur distribution statistique puis dans leur nature même à l’aide de l’expertise pluri- CAPITALISER SUR LA BASE DE DONNÉES ET disciplinaire réunie au sein du groupe. LA MÉTHODOLOGIE DE RECHERCHE

Le cas Minot (Etats-Unis) (figure 2) Pour des raisons de bonne gestion et de sécurité, la Bien évidemment, la base de données SIGMA considère base de données n’est évidemment accessible qu’aux un ensemble vaste de documents, au-delà même du membres d’une équipe restreinte de la commission. seul cadre national et officiel. Ainsi la base se donne Un travail est en cours pour assurer la pérennité de la aussi pour objectif de répertorier les documents base et son intégrité. Il est impératif en effet de vérifier relatifs à certains des cas les plus connus comme par l’intégrité des entrées effectuées en amont, sous peine exemple celui concernant les témoignages nombreux d’invalider la raison d’être même de la base. de survol d’une base de missile Minuteman, la base Une seconde phase de l’activité « base de données » de américaine Minot dans le Dakota du Nord, pendant la la commission, elle aussi en préparation, consiste en nuit du 24 octobre 1968 par un objet lumineux doué la mise en place d’une base de données orientée cette d’une grande vélocité, repéré à la fois depuis le sol par fois sur les documents plus spécifiquement techniques l’ensemble du personnel de la base et donnant lieu à collectés par la commission. ■ survol par un avion B-52 de retour à la base. L’ensemble des témoignages, mis au jour seulement relativement récemment, ont évidemment fait l’objet de plusieurs comptes-rendus officiels aujourd’hui portés à la connais-

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SCIENCES ET TECHNIQUES AÉROSPATIALES MÉTHODOLOGIE D’ÉLABORATION D’UNE BASE DE DONNÉES BIBLIOGRAPHIQUE

Fig. 2 : Extrait et sortie-type de la base de données Sigma 2 d’un document relatif au cas Minot

LETTRE 3AF NUMERO 17 / JANVIER - FÉVRIER 2016 LETTRE 3AF NUMERO 17 / JANVIER - FÉVRIER 2016 27 SCIENCES ET TECHNIQUES AÉROSPATIALES LA PORTANCE ACTIVE (OU « DYNAMIC LIFT ») Nicolas Autrusson, Herakles, et Pierre-Guy Amand, Coordinateur des Commissions Techniques

Depuis l’avènement des avions de nouvelle génération guerre mondiale, que nous avons revisitée. Nous (Boeing 707 et Airbus A300), l’aérodynamique travaillons actuellement à l’optimisation de cette archi- appliquée aux avions n’a que très rarement exploré tecture qui offre des gains en portance significatifs et de nouveaux territoires, de nouvelles technologies en intéressants pour des applications diverses. On peut rupture. On s’est au contraire attaché à optimiser les citer les drones ou encore les Personal Air Vehicules technologies existantes, par exemple en travaillant à (PAV) dont le concept est de faciliter la mobilité urbaine, rendre les écoulements plus longtemps laminaires sur en sortant le ‘commuter’ du réseau de transport la corde de la voilure ou en réduisant la trainée induite terrestre saturé. Comme le montre les images ci-après, avec des dispositifs tels que les winglets/sharklets. Je le design que nous proposons est en rupture avec les me rappelle ainsi le discours de mon professeur d’aéro- systèmes portants actuels. dynamique à SUPAERO précisant, à son grand regret, que cette science n’était dorénavant que « la 40e roue A cet égard, Airbus Safran Launchers s’est associé à d’un char » qu’on appelle avion. Princeton University pour dépoussiérer les Custer Channel Wings (ou ailes gouttières) et nous aider à Toutefois, dans le cadre de mes études outre-Manche, optimiser notre technologie. Nous encadrons une j’ai eu l’opportunité de m’entretenir avec un ingénieur thèse de Master of Science sur cette thématique pour britannique sur les « Custer Channel Wings » (CCW), l’année académique 2015-2016. C’est une belle aventure technologie développée dans les années 30 par Willard technique qui s’organise avec, à la clef, une présenta- Custer, brillant inventeur américain et garagiste de tion des travaux à la conférence 3AF AEGATS’16. Cela formation. doit également nous conduire à réaliser des essais en vol dans un futur très proche à partir d’une maquette C’est cette technologie, aujourd’hui oubliée dans les imprimée 3D. ■ cartons poussiéreux de l’aérodynamique pré-seconde

LETTRE 3AF NUMERO 17 / JANVIER - FÉVRIER 2016 28 LA VIE DE LA 3AF LES GROUPES RÉGIONAUX : AU SERVICE DES ADHÉRENTS DEPUIS PLUS DE 50 ANS Bernard Vivier, Coordinateur des Groupes Régionaux

Dès 1964, ce qui était alors l’AFITAE (Association également le relais des actions et des ambitions de la Française des Ingénieurs et Techniciens de l’Aéro- 3AF sur l’ensemble du territoire et sont ainsi un rouage nautique et de l’Espace) ressentait le besoin de se essentiel de l’association. rapprocher de ses membres travaillant alors dans Dans le cadre du plan stratégique, ils participent à la les grands centres aéronautiques de province, en diffusion de la connaissance au bénéfice des membres, suscitant, la création de « Groupes Régionaux » - c’était ainsi qu’au rayonnement et au renom de l’association déjà leur appellation - notamment à Toulouse, Marseille dans leur région. et Bordeaux. A cet égard, la couverture du territoire national n’a Lorsque fut créée la SFA (Société Française d’Astronau- jamais été exactement calquée sur les anciennes régions tique), ses dirigeants eurent également pour objectif administratives. Il est certain que la restructuration des de créer des structures de proximité, par l’établisse- régions qui s’opère actuellement va nécessiter une plus ment de « Sections Régionales » qui se développèrent grande coordination entre plusieurs GR, mais, dans un à Bordeaux, Grenoble, Marseille, Nancy, Paris, Poitiers, souci de service de proximité, il convient de s’efforcer Toulouse et Vernon. de conserver aux GR une localisation raisonnablement Lors de la fusion qui donna naissance à la 3AF, en accessible pour les membres. 1972, ces structures de proximité furent maintenues et Il y a très peu de passionnés acceptant de conduire encouragées et les Groupes Régionaux, qui s’appuient sur 200 kilomètres pour assister à une conférence en naturellement sur les bonnes volontés locales pour soirée ! se développer, sont aujourd’hui une composante Si les structures de base sont en général comparables, essentielle de 3AF et sont actifs dans 11 régions (au les particularités régionales influencent directement sens géographique) du territoire (figure 1). Ils y repré- la taille du Groupe et ses activités. Les GR sont ainsi sentent la 3AF, tant auprès des membres individuels de taille variable, selon qu’ils sont ou non implantés que des institutions politiques, militaires, économiques dans une région aéronautique majeure. On peut donc et éducatives. compter quelques dizaines de membres ou plusieurs centaines ! Il faut aussi noter que, si les GR disposent d’un budget annuel de fonctionnement, ils ne sont pas dotés de la personnalité juridique et tous les engagements vis-à-vis de tiers se font donc sur délégation du président de l’association. Ces mêmes GR sont aussi soumis à des « cycles » qui dépendent, notamment, de l’implication des membres, tout comme de la personnalité des responsables qui acceptent de se charger, pendant une ou plusieurs années, de l’animation régionale. Comme dans toute association, l’engagement et la personnalité de chacun sont, en effet, des éléments essentiels de la vitalité d’un GR.

L’ANIMATION DE PROXIMITÉ

La plupart des Groupes Régionaux organisent réguliè- Fig. 1 : Les groupes régionaux 3AF en France rement des conférences et des visites d’installations. L’organisation de ces manifestations n’est jamais UNE CONTRIBUTION ESSENTIELLE AU simple. En intégrant les membres absents pour raisons RAYONNEMENT DE LA 3AF diverses ou ceux qui sont bloqués par leurs activités professionnelles, la hantise du GR organisateur d’une Chargés de représenter la 3AF dans les territoires, les conférence, la plus intéressante soit-elle, est un peu GR offrent aux adhérents un cadre de proximité qui leur la salle « à moitié vide »… Mais quand l’assistance est permet de se retrouver autour de passions partagées. nombreuse, c’est une réelle satisfaction… et un encou- Créateurs d’animation régionale, les GR assurent ragement.

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LA VIE DE LA 3AF LES GROUPES RÉGIONAUX : AU SERVICE DES ADHÉRENTS DEPUIS PLUS DE 50 ANS

Les thèmes des conférences sont particulièrement variés, même si, dans leur très grande majorité, ils concernent des sujets à caractère aéronautique ou spatial. Certains GR ont largement dépassé le stade de l’animation locale pour leurs membres et sont devenus ou deviennent des organisateurs de manifestations d’ampleur sur leur territoire. C’est le cas du GR Midi-Pyrénées, qui organise « European Test and Telemetry Conference » (ETTC) et « Embedded Real Time Software and Systems » ( ERTS²), ainsi que « More Electric Aircraft ». ETTC est organisé avec la SEE depuis 1985…et « More Electric Aircraft », Fig. 2 : Aeroadour - Village des métiers dont la première édition s’est déroulée en 2009, est maintenant partagé avec le GR Aquitaine, qui prévoit son organisation en 2016 à Bordeaux. Dans le domaine des manifestations aéronautiques régionales, on rappellera Aérotop à Poitiers et les trois éditions d’Aéroadour à Pau (2009, 2012 et 2014…). Des salons régionaux ouverts au grand public et consacrés à la mise en valeur des PME aéronautiques ainsi qu’à la promotion, auprès des jeunes, des formations et métiers de la filière aéronautique et spatiale (figure 2). D’autres GR ont en projet des manifestations ou colloques originaux, dont nous devrions parler en 2016… !

Enfin, plusieurs GR se sont dotés d’un outil de commu- nication local : qu’il s’agisse d’une « gazette » (figure 3) ou d’un « journal », ces publications sont assurées régulièrement. Certaines donnent des informations sur la vie et les projets du GR. D’autres complètent ces informations avec des articles à caractère technique, scientifique ou historique. Cet outil, dont il ne faut pas sous-estimer le temps à y consacrer, vient compléter l’information nationale délivrée par La Lettre.

« VOIR GLOBAL, AGIR LOCAL » Fig. 3 : Les organes de communication des groupes régionaux. Afin de mieux connaitre et de mieux coordonner l’action des GR, d’assurer la diffusion transverse de l’infor- Groupes Régionaux et que ceux-ci puissent décliner au mation, de mieux prendre en compte les spécificités niveau local, avec les contraintes et spécificités qu’ils locales et de partager les axes stratégiques de l’associa- vivent au quotidien, les actions majeures. Ce sera le cas, tion, une charge de « coordination des GR » a été créée par exemple, pour les actions vis-à-vis des jeunes et de au niveau national. Menée pendant de longues années la promotion des emplois aéronautiques, ou pour celles par Bernard Fouques, elle est maintenant assurée par en support des PME. Bernard Vivier. Le coordonnateur, qui se tient informé des projets Le rôle du coordonnateur s’inscrit dans un principe de et activités des GR est aussi un relais de ces derniers subsidiarité bien compris et qui correspond d’ailleurs auprès du Bureau national de la 3AF. Ceci permet de à l’esprit d’une association soucieuse d’offrir à ses soutenir les GR dans leurs initiatives locales, tout en membres des opportunités d’expression et d’engage- faisant en temps utile, d’éventuelles recommandations ment là où ils résident. sur les conditions de réalisation des projets ou les par te- Il fait en sorte que la stratégie globale de l’association, nariats pouvant être recherchés sur certaines actions. ses objectifs, comme ses difficultés, soient connus des Il s’agit aussi d’encourager le retour d’expérience entre

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les GR, ce qui a réussi dans l’un pouvant en inspirer Les interventions en milieu scolaire s’institution- d’autres, sous réserve des conditions locales. nalisent, le meilleur exemple en étant la signature, Sur un thème comme celui de la promotion des métiers le 7 janvier 2016, d’une convention d’intervention aéronautiques, la diversité des actions est importante entre le rectorat de l’académie de Bordeaux et les et de nature souvent variable d’un GR à l’autre, mais GR « Aquitaine » et « Pays de l’Adour ». Un exemple à toutes ces activités procèdent de la même volonté reproduire ailleurs… et un pas de plus pour être publi- stratégique de voir notre association jouer un rôle quement reconnus dans le milieu éducatif ! important et permanent pour attirer les jeunes vers nos domaines. Il est enfin particulièrement utile de réunir les présidents des Groupes Régionaux avec une périodicité Cela va d’interventions régulières en milieu scolaire et raisonnable. Ceci permet des échanges sur les objectifs universitaire, à l’organisation de Forum ou de journées de l’association, leurs traductions « sur le terrain », dédiées, en passant par la participation à des jurys de ainsi que des croisements d’expériences et de bonnes sélection ou la remise de « prix 3AF ». Les GR assurent pratiques. La prochaine se tiendra à Bordeaux les 18 également le relais des actions menées au niveau et 19 février prochain. Ce début d’année est un bon national, par le responsable du Comité Jeunes, Gérard moment pour soutenir toutes les initiatives de 2016 ! ■ Laruelle, notamment dans le cadre du concours Howmet-3AF, dont le thème 2016 est « le bonheur dans l’usine ».

COMMISSION TECHNIQUE « HELICOPTÈRES » : CHANGEMENT DE PRÉSIDENT BLANCHE DEMARET (ONERA) SUCCÈDE À GILLES ARNAUD (AIRBUS HELICOPTERS) Jacques Sauvaget, Jean-Pierre Sanfourche

Lors de sa réunion de décembre 2015, la Commission Blanche Demaret est membre de la 3AF depuis 1992, Technique « Hélicoptères » a changé de président, Emérite 3AF 2013. Gilles Arnaud (Airbus Helicopters), laissant sa place à Ingénieur EPF, elle a exercé la première partie de sa Blanche Demaret (ONERA) pour les deux prochaines carrière à la DGA. années. Elle est depuis 2004, Directeur Délégué pour le Programme Hélicoptères à l’ONERA, où elle est Gilles Arnaud a présidé cette commission en 2014 et notamment responsable de la coordination des 2015 avec une grande efficacité, orientant notamment équipes multidisciplinaires qui interviennent dans le ses travaux sur quelques-uns des sujets-clés de l’utili- cadre du programme de recherches de la coordination sation opérationnelle des hélicoptères tels que l’élar- franco-allemande au titre du programme commun gissement du domaine de vol d’un hélicoptère en « hélicoptères » ONERA-DLR, des développements du conditions givrantes ou les technologies nécessaires partenariat avec Airbus Helicopters et de la recherche et disponibles pour l’amélioration de la sécurité opéra- de soutiens financiers. En outre, elle est responsable tionnelle. Les groupes de travail qui ont été formés des coopérations internationales « hélicoptères » avec pour conduire ces réflexions ont contribué à conforter les USA, le Brésil ainsi que dans le cadre européen (JTI la Commission dans sa mission d’expertise technique Clean Sky). et d’analyse stratégique. Blanche Demaret est Membre de l’American Sous son impulsion et avec le soutien de représentants Society (AHS) - http://www.vtol.org/ depuis 1992 et d’Airbus Helicopters à l’American Helicopters Society Membre du Comité International de l’European (AHS), la volonté commune de coopérer entre la 3AF et Rotorcraft Forum (ERF) depuis 2005 - Elle est Membre l’AHS s’est concrétisée par un Memorandum of Unders- du Comité d’Organisation et Chairman du Forum ERF tanding (MOU). Des groupes de travail conjoints sont 2016 qui se tiendra à Lille - http://www.erf2016.com/. en cours de mise en place, la mission de la nouvelle Elle est aussi responsable de la formation « Technique présidence étant de poursuivre la dynamique lancée. des Hélicoptères » de l’EUROSAE. ■

LETTRE 3AF NUMERO 17 / JANVIER - FÉVRIER 2016 LETTRE 3AF NUMERO 17 / JANVIER - FÉVRIER 2016 31 FORMATION ET CARRIÈRES

Jean-Pierre Sanfourche

LE GROUPE ISAE : 4 ÉCOLES D’EXCELLENCE ISAE-ENSMA – Ecole Nationale Supérieure de POUR DEVENIR INGÉNIEUR DE L’AÉRONAU- Mécanique et d’Aérotechnique (Poitiers - Technopôle TIQUE ET DE L’ESPACE du Futuroscope) • Recrutement: Concours Communs Polytechniques Le Groupe ISAE (Institut Supérieur de l’Aéronau- (CCP). tique et de l’Espace) fédère en France quatre écoles • Formation orientée vers la conception aéronautique du domaine de l’ingénierie aéronautique et spatiale : et spatiale : bureaux d’études - activités de R&D : ISAE-SUPAÉRO, ISAE-ENSMA, ESTACA et l’Ecole de l’Air. mécanique des fluides, aérodynamique, structures, Elles sont placées sous une bannière commune dans matériaux avancés, énergie, thermique, propulsion, l’intention, d’une part, d’accroître leur rayonnement informatique industrielle, informatique-avionique, … tant au niveau national qu’international, et d’autre part, • 600 élèves-ingénieurs, 150 élèves en masters, 120 de promouvoir les formations d’ingénieur, de Masters, doctorants. de Mastères Spécialisés® et de doctorats dans les • Liens forts avec de prestigieuses institutions de domaines de l’aéronautique et de l’espace. Par ailleurs, formation et de recherche en France et dans le cette formule facilite grandement les échanges entre monde. étudiants de ces quatre écoles : projets collaboratifs de premier plan à la croisée des expertises, passerelles ESTACA – Ecole Supérieure des Techniques Aéronau- inter-écoles, projets de recherche communs avec des tiques et de Construction Automobile (Paris-Saclay moyens mutualisés, etc. à St-Quentin en Yvelines et Campus Ouest à Laval) • Recrutement : Admissions post-baccalauréat Concours Avenir. • Formation ancrée sur les besoins industriels, d’ingé- nieurs multidisciplinaires et spécialisés sur l’ensemble des filières de transport (aéronautique, spatial, automobile, transports ferroviaires et urbains). • 1600 élèves-ingénieurs.

EA - ECOLE DE L’AIR (Salon-de-Provence) • Recrutement: Concours Communs Polytechniques (CCP) et sur Titres Universitaires. • Formation d’ingénieur aéronautique dispensée à tous les élèves-officiers de l’Armée de l’Air au cours des deux premières années d’études – Licence et Master en partenariat avec l’Université d’Aix-Marseille – Mise en place progressive d’un cusrsus en langue anglaise de type « Bachelor ». • 500 étudiants. • Activités de Recherche & Développement en liaison ISAE-SUPAERO – Ecole Nationale Supérieure de avec l’ONERA. l’Aéronautique et de l’Espace (Toulouse) • Recrutement: Concours Commun Mines-Ponts ÉCHANGES ET COLLABORATIONS (CCMP). • Formation de très haut niveau : ingénieurs, masters Des programmes de formation sont menés de concert, recherche, mastères spécialisés, doctorats. en adéquation avec les besoins industriels, par exemple • 1000 élèves-ingénieurs, 400 étudiants masters et le master international en mécanique, aéronautique et mastères spécialisés, 220 doctorants, 28% d’élèves énergétique (SUPAERO – ENSMA) ouvert en 2014 ou étrangers. la création du Certificat Aéronautique et Energétique • Proximité avec le monde industriel. proposée aux étudiants des quatre écoles dans le cadre • Liens de coopération avec les meilleure universités de la chaire d’enseignement et de recherche CEDAR en européennes (Cranfield, TU Delft, KTH Stockholm, partenariat avec Airbus. ETSIA Madrid, TU Munich, Pise) et nord-américaines Comme exemple d’échanges entre étudiants, citons le (MIT, Caltech, Stanford, Berkeley, …). séminaire « Espace » organisé en partenariat avec le

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CNES, la semaine de mobilité qui permet de découvrir les formations des autres écoles et les projets étudiants communs dont le plus célèbre à l’heure actuelle est l’Euroglider le planeur biplace innovant destiné à la formation.

RECHERCHE : MUTUALISATION DE MOYENS ET PROJETS EN COMMUN

Des projets de recherche mutualisés ont été lancés – mécanique, aérodynamique, dynamique du vol, - qui pourront déboucher sur des thèses communes et des communications internationales. Un premier séminaire qui s’est tenu en mars 2015 a déjà permis aux chercheurs des quatre établissements de présenter leurs travaux communs et d’échanger sur de nouvelles pistes de recherche en commun telles que matériaux et structures composites, aéroélasticité des ailes de grande envergure, propulsion-combustion, aérodyna- mique automobile.

LE GROUPE ISAE EN QUELQUES CHIFFRES CLES • 4400 étudiants • 3700 élèves-ingénieurs • 360 doctorants • 1450 diplômés par an • Un réseau de 34 000 alumni

LA FONDATION ISAE-SUPAERO

La Fondation ISAE-SUPAERO, reconnue d’utilité Cette convention signée en juin 2015 veut contribuer à publique depuis 2008, a cinq objectifs : (i) agir pour la fois au développement d’un enseignement et d’une le développement et le rayonnement de la recherche recherche d’excellence dans le domaine aérospatial aérospatiale ; (ii) consoloder l’offre d’outils pédago- et au rayonnement des écoles du Groupe ISAE. Afin giques ; (iii) développer la dimension entrepreneu- de répondre aux grands enjeux et ruptures technolo- riale des élèves ; (iv) soutenir la mobilité internatio- giques de ces prochaines années – matériels plus sûrs, nale des enseignants-chercheurs et des étudiants ; (v) plus performants, plus « intelligents », plus respectueux encourager la politique d’ouverture de l’ISAE-SUPAERO. de l’environnement – cette convention de partenariat Elle est actuellement présidée par Olivier Zarrouati, tripartite place les compétences des futurs ingénieurs président du directoire de . www. au centre des priorités des signataires.■ fondation-isae-supaero.org

LA CONVENTION SIGNEE ENTRE LE GROUPE ISAE, LE GIFAS (GROUPEMENT DES INDUSTRIES FRANCAISES AERONAUTIQUES ET SPATIALES) ET LA FONDATION ISAE-SUPAERO : UN PARTENARIAT POUR DEVELOPPER L’EXCELLENCE DE LA FORMATION DES INGENIEURS AEROSPATIAUX DE DEMAIN

LETTRE 3AF NUMERO 17 / JANVIER - FÉVRIER 2016 LETTRE 3AF NUMERO 17 / JANVIER - FÉVRIER 2016 33 CULTURE LE CAPITAINE FERDINAND FERBER (1862-1909), UN PIONNIER MÉCONNU Bruno Chanetz, Maître de recherche à l’Onera, Professeur associé à l’université Paris-Ouest, membre émérite 3AF

« La France a été bien heureuse de trouver un Ferber » Progress in Flying Machines, qui est un « recueil critique C’est en ces termes que Wilbur et Orville Wright de toutes les expériences concernant le plus lourd que s’expriment dans une lettre du 4 novembre 1905 qu’ils l’air, mettant à la portée du lecteur l’état de la technique, adressent au Capitaine Ferber au centre d’aérosta- ce qui évitera la répétition des erreurs habituelles » [6]. tion militaire de Chalais-Meudon, aujourd’hui un des Sur les indications de Chanutte, Ferber construit son trois centres de l’ONERA en Ile-de-France. Deux ans cinquième planeur. Pour le lancer il fait fabriquer sur auparavant, le 17 décembre 1903, les frères Wright ses deniers personnels une grue de lancement à Nice, avaient réussi le premier vol motorisé de l’histoire. mais ce n’est pas un franc succès. Aussi l’éloge des frères Wright est de poids et mérite qu’on s’intéresse à ce pionnier français, qui a consacré Chanutte a également mis en contact Ferber avec les sa vie et sa fortune à l’aviation naissante. frères Wright, qui réussissent le 17 décembre 1903 le premier vol motorisé de l’histoire. Et dès le 28 décembre de la même année, soit onze jours après ce succès, Orville Wright écrit de Dayton (Ohio) au « Major » Ferber [5] : « Nous vous remercions de l’éloge que vous avez bien voulu faire de nous en écrivant au Scientific American et nous sommes fiers qu’un des plus éminents parmi les expérimentateurs aéronau- tiques se déclare lui-même notre élève ». Orville Wright poursuit sa missive en contant le récent exploit de son frère et de lui « le 17 de ce mois, nous sortîmes notre nouvel appareil pour l’essayer. (… ) L’appareil pouvait rouler sur une voie, grâce à de petites roues, jusqu’à ce PREMIERS ENVOLS que les hélices lui aient communiqué assez de vitesse pour qu’il quitte le sol. Partant ainsi nous réussîmes Ferdinand Ferber est né à Lyon en 1862 dans une famille quatre vols dans le courant de la matinée, le plus long aisée, où son père possédait une filature. Lecteur assidu ayant été de 59 secondes en l’air avec une vitesse de de Jules Verne, il a confié « Dans son roman De la Terre 10 miles (16 kilomètres) à l’heure par rapport au sol à la Lune, il y a un calcul qui a décidé de ma carrière » contre un vent de 20 à 25 miles (32 à 40 kilomètres) » Et et qui « a tellement aiguisé ma curiosité que j’ai supplié il conclut « En raison du froid nous avons dû remettre mon père de m’acheter un algèbre » [6]. Cet attrait pour d’autres essais à l’année prochaine. ». les mathématiques le conduit à Polytechnique, d’où il sort dans l’artillerie. AFFECTATION À MEUDON

Grand admirateur d’ dont il a découvert En 1904, la renommée du capitaine Ferber est déjà les écrits dès 1896, il réalise en 1998 un modèle bien établie dans le cercle des pionniers de l’air. Aussi réduit et le lance d’une fenêtre du château familial de le colonel Charles Renard, directeur du centre d’aéros- Rue, qui surplombe la campagne suisse. C’est à Rue tation militaire de Chalais-Meudon, convaincu depuis également qu’il construit et essaye le 30 septembre toujours que l’avenir est à l’avion plutôt qu’au ballon, 1899 son premier planeur. Officier d’active, c’est sous fait affecter Ferber à Meudon. le pseudonyme de Ferdinand de Rue qu’il s’adonne à sa passion les dimanches et durant ses congés de l’armée. Quand Ferber prend ses fonctions d’adjoint au directeur du centre de Chalais-Meudon, le 9 mai 1904, c’est pour En 1901, Ferber, qui a été muté au 19ème Régiment lui une reconnaissance officielle des travaux sur le plus d’Artillerie à Nice, se lance d’un échafaudage de 5 lourd que l’air qu’il a entrepris sur ses fonds propres mètres de haut sur son quatrième planeur et effectue depuis cinq ans. une glissade de 15 mètres. A cette époque, il entre en relation avec Octave Chanutte, un Américain d’origine A Chalais, Ferber profite de l’aide intellectuelle de Française, fils d’un professeur au Collège de France. Renard et des matériaux légers mis au point pour les Octave Chanutte a publié en 1894 un livre intitulé ballons :

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CULTURE LE CAPITAINE FERDINAND FERBER (1862-1909), UN PIONNIER MÉCONNU

- bois creux, aussi appelé « bambou artificiel » ; Mais le brevet des frères Wright, trop onéreux, ne - bois composé en lamelles, qui deviendra le lamellé- sera acquis ni par le gouvernement français, ni par le collé promis à une grande utilisation [1]. gouvernement américain [3].

Cependant la construction des appareils civils étant Ferber poursuit son activité à Chalais en réalisant interdite à Chalais, au grand dam du colonel Renard, l’aéroplane n°7, muni d’un moteur Peugeot et d’hélices c’est à l’extérieur, dans l’atelier de Letord au 16 rue en tôle d’aluminium rivées sur un longeron d’acier Païra à Meudon que l’ouvrier-mécanicien Burdin réalise en lieu et place des hélices en bois entoilées. Cette le prototype n°5. Ferber obtient néanmoins l’autori- innovation sera adoptée par tous les autres construc- sation d’installer sur le centre militaire un dispositif teurs. Pourtant l’appareil est détruit lors d’un essai. Un expérimental très ingénieux, semblable à celui que n°8, presque identique, est aussitôt mis en fabrication, Gustave Eiffel avait envisagé – appelé aérodrome – à mais l’échec précédent a fait douter ses supérieurs et partir du premier étage de sa tour. C’est en fait une ses crédits sont bloqués. C’est de nouveau chez Letord sorte de tyrolienne, qu’il construit en édifiant sur une à l’extérieur du centre qu’il en est réduit à travailler pente des collines environnant le vallon de Chalais les samedis et dimanches. Découragé il demande en trois pylônes en bois, reliés entre eux par un câble juin 1906 un congé de trois ans, tout en conservant la tendu sur lequel glisse un chariot. L’avion suspendu au possibilité de mener à terme l’aéroplane n°8, mais les chariot glisse le long du câble de 40 m de long incliné à ballonniers de Chalais sortent l’avion de son hangar 33%. En fin de course, le crochet libère l’aéroplane qui qui est détruit le 19 novembre par une bourrasque, se retrouve dans des conditions optimales de vitesse laissant Ferber dubitatif et dépité : « Je n’ai jamais très pour voler. En compagnie de Burdin, il réussit en 1904 bien compris pourquoi l’Etat avait laissé péricliter un le premier vol à deux de l’histoire. matériel qui lui appartenait et qui allait lui donner le mérite de réaliser la conquête de l’air » Le 27 mai 1905, sur son avion n°6, doté d’un moteur Buchet de six chevaux, Ferber accomplit la première DERNIÈRES ANNÉES expérience en air libre d’un aéroplane avec moteur à explosion en Europe. Il écrit dans son rapport à ses Sollicité par Léon Levavasseur, Ferber rejoint en août supérieurs « C’est avec une certaine fierté que je peux 1906 la société Antoinette, à laquelle il avait demandé rendre compte, un an après mon arrivée à Chalais de construire un moteur spécial de 24 ch. En 1908 il que mes prévisions se trouvent justifiées et l’excel- construit son neuvième avion, doté d’un moteur lence de ma méthode progressive d’expérimentation Levavasseur de 50 ch et le teste avec succès sur le démontrée [2] (…) Les photographies ci-jointes repré- polygone d’Issy-Les-Moulineaux au cours de plusieurs sentent ces expériences et je ferai remarquer que vols. Cependant le ministère de la Guerre, reste seuls dans le monde les frères Wright pourraient en insensible aux progrès de l’aviation jusqu’au retentis- montrer de semblables [6] ». Il informe également de sement du vol de Blériot au-dessus de La Manche le 19 son exploit ses correspondants américains. juillet 1909. Ainsi fin 1908 le ministère met fin au congé de Ferber et le fait affecter à Brest. Les frères Wright lui répondent le 4 novembre 1905 [5] : Cette décision indigne le monde de l’aviation qui « Nous avons reçu votre lettre du 21 octobre et nous intervient afin que le ministre revienne sur sa décision. empressons de vous adresser nos félicitations pour le Cette mobilisation porte ses fruits et début 1909 le grand succès que vous avez obtenu. Peut-être personne ministre décide de détacher Ferber à la Ligue Nationale au monde ne peut-il apprécier aussi pleinement que Aérienne en lui confiant le commandement de l’Ecole nous l’importance de votre performance » Toutefois, de Pilotes Aviateurs à Juvisy. Ferber acquiert un avion sûrs de leur avance, ils ajoutent « nous ne croyons pas et participe à des meetings aériens. C’est au courir le risque d’être rattrapés avant cinq ou dix ans cours de l’un d’eux à Boulogne sur mer qu’il trouve la au moins. La France a été bien heureuse de trouver un mort le 22 septembre 1909. Ferber. » Cette flatterie n’est pas dénuée d’arrière-pensées Il est regrettable qu’un expérimentateur de talent et mercantilistes. En bons businessmen américains, ils un esprit scientifique tel que Ferber n’ait pas été mieux évoquent ensuite le contexte politique européen avec employé par le ministère de la Guerre dont il relevait. « un empereur d’Allemagne d’humeur belliqueuse » Les déboires de Ferber s’expliquent par les réticences pour proposer de céder leur invention : « Dans les de l’armée envers cette nouveauté que constituait circonstances actuelles nous consentirons à réduire à l’aviation, Foch déclarant à la veille de la guerre de 1914 un million de francs notre prix pour le gouvernement « l’Aviation c’est du sport : pour l’Armée c’est zéro ». français ».

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CULTURE LE CAPITAINE FERDINAND FERBER (1862-1909), UN PIONNIER MÉCONNU

Cette sentence en dit long sur la courte vue de certains Ferdinand Ferber (1862-1909) militaires [2] et non des moindres, puisque qu’elle Bulletin n°217 Les amis de Meudon, avril 1999 émane de celui qui, devenu le généralissime de toutes les armées alliées, conduira la France à la victoire. Même [3] CAILLIET Jean-Claude s’il ne fut pas un visionnaire clairvoyant, Foch figure en Ferdinand Ferber 1862-1909, l’un des premiers bonne place parmi les gloires nationales, reposant sous créateurs de planeurs en Suisse le dôme des Invalides auprès de Napoléon qui en son http://histoirerue.blogspot.fr/2009/06/ferdinand- temps ne sut pas profiter de l’avance française dans les ferber-2.html airs, licenciant les compagnies d’aérostiers formées à Meudon sous la première République … [4] DEGARDIN Alain Meudon - Le Hangar Y [1] ALBERT Henri Bulletin n°227 Les Amis de Meudon, décembre 2002 Un pionnier inconnu : Emile-Louis Letord, l’avionneur de Meudon [5] DOLLFUS Charles et BOUCHE Henri A Meudon la conquête de l’Air Histoire de l’Aéronautique, L’Illustration, Paris 1938. Bulletin numéro spécial de la Société des Amis de Meudon, septembre 1982 [6] PETIT Edmond La part du rêve – De la Montgolfière au satellite [2] BOCQUET Nicolas Catalogue de l’exposition Paris-Grand Palais du 9 juillet Meudon et l’aviation au cours du XXe siècle au 28 août 1983 ■

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CULTURE PARUTION DE L’OUVRAGE 50 ANS DE COOPÉRATION SPATIALE FRANCE-URSS/RUSSIE

En coopération avec : L’institut Français d’Histoire de l’Espace Le CNES Thalès Alenia Space L’Agence spatiale russe Roskosmos Etc…

Un livre événement, qui réunit près de 70 contributeurs ! Pour nous faire découvrir une coopération historique, démarrée avec la visite du général de Gaulle à Baïkonour en 1966, (premier chef d’état occidental à être invité à assister à un lancement), et qui continue aujourd’hui, avec l’exploitation du lanceur Soyouz depuis la base spatiale de Kourou notamment.

Les évènements ici relatés le sont par ceux qui les ont vécus et qui ont participé aux programmes ! ■

Plus d’informations à l’adresse suivante : http://www.tessier-ashpool.fr/

HISTOIRE DE LA CONQUÊTE SPATIALE

En cette fin d’année le beau livre Histoire de la conquête spatiale, coécrit par l’astronaute de l’ESA Jean-François Clervoy et par Frank Lehot, médecin et instructeur des vols en apesanteur sera disponible en librairie aux éditions Vuibert.

Tous deux se sont penchés sur les grandes dates qui ont marqué – ou marqueront – l’histoire des vols habités, et nous les racontent dans ce livre destiné à tous les publics. Chaque événement choisi est accompagné pour le plaisir des yeux d’une pleine page de photos de grande qualité. ■

Plus d’informations à l’adresse suivante : http://www.esa.int/fre/ESA_in_your_country/France/Histoire_de_la_ conquete_spatiale_un_beau_livre_pour_cette_fin_d_annee

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IN MEMORIAM ANDRÉ TURCAT EST MORT

Né le 23 octobre 1921 à Marseille, André Turcat est mort le 4 janvier 2016 à Beaurecueil (près d’Aix-en-Provence). • Ancien élève de l’Ecole Polytechnique (X40). • Pilote dans l’Armée de l’Air puis pilote d’essais. • 1952-53 : il est directeur de l’EPNER (Ecole du Personnel Navigant de Réception et d’Essais).

Tout au long des années 1950, il enchaîne toute une série de records aéronautiques, en particulier : • Août 1954 : passage du mur du son en palier sur l’avion expérimental Gerfaut I ; • Février 1957 : plusieurs records internationaux en vitesse ascensionnelle avec le Gerfaut II (6000, 8000 et 12000m) ; • Aux commandes du Griffon II, l’un des premiers avions au monde à propulsion mixte turboréacteur- statoréacteur, il atteint fin 58 –début 59 la vitesse de Mach 2,19 ; • 25 février 1959 : il pulvérise sur Griffon II, le record du monde en circuit fermé sur 100 km, le portant à 1640 km/h (1er record revenu à la France après la guerre 1939-45). • Il quitte l’industrie en 1975, et en 1983, il fonde • En 1962 il entre à Sud-Aviation (qui deviendra plus l’Académie Nationale de l’Air et de l’Espace (ANAE tard Aerospatiale) où il participe au programme devenue depuis 2008 Académie de l’Air et de l’Espace Caravelle puis peu de temps après au programme –AAE-). Concorde. • André Turcat est membre Émérite 3AF en 2002. • C’est lui qui le 2 mars 1969 sera aux commandes du CONCORDE 001 pour son premier vol qui marquera • Avec la disparition d’André Turcat, se ferme une l’histoire de l’aéronautique. Il devient alors Monsieur page importante de l’histoire de l’aéronautique. ■ CONCORDE.

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INGÉNIEURS ET CHERCHEURS DE LA 3AF: DEUX REVUES SONT À VOTRE DISPOSITION POUR PUBLIER VOS TRAVAUX: • LE CEAS AERONAUTICAL JOURNAL • LE CEAS SPACE JOURNAL

LETTRE 3AF NUMERO 17 / JANVIER - FÉVRIER 2016 39 CALENDRIER DES ÉVÉNEMENTS COLLOQUES 3AF 2016 ERTS2016 AEROACOUSTICS2016 8th 3AF/SEE/SIA European Congress on Embedded Real 22nd AIAA/CEAS Aeroacoustics Conference Time Software and Systems 22e Conférence AIAA/CEAS Aéroacoustique 8e Congrès Européen 3AF/SEE/SIA Systèmes Temps 30 mai au 1er juin 2016 Réel Embarqué Centre de Congrès – Lyon, France 27 au 29 janvier 2016 www.aeroacoustics2016.com Centre de Congrès Pierre Baudis - Toulouse, France www.erts2016.org ERF2016 42nd European Rotorcraft Forum OPTRO2016 42e Forum Européen Hélicoptères et Voilures 7th International Symposium on Optronics in Defence Tournantes and Security 05 au 08 septembre 2016 7e Symposium International sur l’Optronique de Grand Palais – Lille, France Défense et de Sécurité www.erf2016.com 02 au 04 février 2016 OCDE - Paris, France www.optro2016.com IES2016 13e Forum Intelligence Economique et Stratégique 05 au 07 octobre 2016 AERO2016 Chambre de Commerce et d’Industrie – Rouen, France 51st International Conference on Applied Aerodyna- www.ies2016.com mics 51e Conférence Internationale sur l’Aérodynamique Appliquée GA2016 04 au 06 avril 2016 2nd Greener Aviation Conference Collège Doctoral Européen – Strasbourg, France 2e Conférence Aviation et Environnement www.3af-aerodynamics2016.com 11 au 13 octobre 2016 SQUARE Meeting Center – Bruxelles, Belgique AEGATS2016 www.greener-aviation2016.com 1st International Conference on Advanced Aircraft Efficiency in a Global Air Transportation System JEAL2016 1e Conférence Internationale “Meilleure Utilisation de Journées Études Aviation Légère l’Avion” Novembre 2016 12 au 14 avril 2016 Date & lieu à préciser Salons de l’Aveyron – Paris, France www.aegats.com SP2016 5th International Conference on Space Propulsion 5e Conférence Internationale Propulsion Spatiale 02 au 05 mai 2016 Marriott Rome Park Hotel – Rome, Italy www.propulsion2016.com

LETTRE 3AF NUMERO 17 / JANVIER - FÉVRIER 2016 40 VIE DE LA 3AF POUR CONNAÎTRE LES FUTURS ÉVÉNEMENTS AÉROSPATIAUX DANS LE MONDE, UN OUTIL EST À VOTRE DISPOSITION : LE CPMIS

CPMIS : Conference Programming Management Information RECHERCHE DES ÉVÉNEMENTS System Un moteur de recherche sélectionne les événements en fonction de trois grands critères : Type – Catégorie Cet outil informatique a été créé en 2011 par le CEAS Principale – Sous-Catégorie. (Council of European Aerospace Societies) afin d’accéder Une représentation graphique ‘Jour, Mois, Année’ à la connaissance des événements aérospatiaux prévus facilite l’accès à l’information. dans le monde à court et moyen terme, et ainsi de • 4 TYPES : Colloque (Conference) – Atelier Thématique programmer ses propres manifestations en évitant les (Workshop) – Conférence (Lecture) – Salon (Air Show). redondances mais au contraire avec le souci d’encoura- • 6 CATEGORIES PRINCIPALES : Sciences de l’Aéronau- ger les coopérations entre les acteurs concernés. tique (Aeronautics Sciences) – Aérospatial (Aerospace) incluant à la fois les aspects aviation et les aspects Adresse électronique : www.aerospace-events.eu espace – Aviation Civile (Civil Aviation) – Moyens aéronautiques et spatiaux ‘Défense et Sécurité’ (Aerospace Defence and Security – Air Power) – Espace (Space) – Etudiants et Jeunes Professionnels (Students & Young Professionals). • 64 SOUS-CATEGORIES : Aero-acoustics – Aero-elasti- city - etc.

INSERTION D’UN ÉVÉNEMENT Aller sur http://www.aerospace-events.eu • Cliquer sur ‘Introduction text’. • Dirigé sur la ‘New Event Form’ cliquer sur celle-ci et entrer les informations demandées (dans leur intégralité). • Valider, cliquer sur ‘Save’ (si tout est correct), puis sur ‘Send’

Pour demandes de renseignements divers : [email protected]

Point de contact : Jean-Pierre Sanfourche [email protected]

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