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Le Bataillon Voisin Région de , 1943 - 1945

Le maquis Marchand, noyau fondateur de la Cie Iéna, se constitue dans le cadre du Corps Franc Pommiès, sous l'aile du Bataillon Voisin ; six mois durant l'évolution des deux groupements de résistance est mêlée ; ce récit de l'histoire du Bataillon Voisin, élaboré par les enfants du Commandant Voisin, apporte donc un éclairage précieux sur les racines de la Brigade Alsace-Lorraine dans la région de Toulouse.

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Le Bataillon de la Save (période 1943 à juin 1944), devenu maquis de Thil ou maquis Vérité en juin 1944, et plus tard Bataillon Voisin en hommage à son chef tué au combat, est issu de la reconstruction réussie du Bataillon de la Vallée de la Save, gravement désorganisé et affaibli au printemps 1944 après l'arrestation de certains de ses officiers. Ce premier Bataillon de la Vallée de la Save naît du projet formé, dès novembre 1942 par un groupe d'officiers de l'armée, de reprendre la lutte dans la Vallée de la Save (région de Toulouse), et de constituer, sous les ordres du Commandant Pierre Conze, commandant le 91ème groupe du 404ème RADCA (Régiment d'artillerie de Défense contre avions), un mouvement de résitance. Au cours des mois de janvier et février 1943, le Commandant Conze réussit à jeter les bases d’un groupement de combat ainsi qu’une filière pour le passage en Espagne. Le Colonel Pfister (Jean-Marie, Marius), de l’E.M de l’ORA, l’encourage et le présente au capitaine Pommiès, chef du Corps Franc Pyrénnéen, aux multiples pseudonymes variant en fonction de ses interlocuteurs : le Bordelais, Save… pour le CFP, Chainette pour Londres, Garrigues pour l'AS et DMR, Lambert pour l'ORA. Fin février 1943, Conze adhère donc au Corps Franc Pommiès et se charge de former un bataillon dans la région à cheval sur le Gers et la Haute Garonne ; il sera placé sous les ordres de Barry, commandant le Groupement Sud-Est (Gal Céroni, t. 1). Parmi les officiers qui adhèrent avec enthousiasme au projet figurent le Lieutenant Camille Voisin et le Lieutenant Salmon, amis depuis 1936, qui joueront un rôle important. Cette première formation de base comprend à la fin de l'été 1943 environ 200 hommes, en grande partie volontaires issus de l’ex-404ème RADCA, ainsi que des volontaires civils ; elle est articulée au début en sections et en compagnies1. A la mi-décembre 1943, le bataillon Conze, appelé aussi Bataillon de la Save est rattaché, avec 220 hommes au groupement Est que commande le Chef d'escadron Jean de Clerck (Hauteporte), il est organisé de la façon suivante : Chef d’Escadron : Pierre Conze, adjoint : Capitaine Mouly (Lafon, Subra, Michel) Trois compagnies : - de Lévignac : Capitaine Ribet (Comminges) - de Montaigut : Lieutenant Perrier - de l’Isle Jourdain : Lieutenant. Campistron Une section de parachutage : Lieutenant Nicol

1 Extrait de l’hommage rendu par le Colonel Conze dans le Bulletin d’Information de l’Artillerie et des F.T.A N°13- juillet 1947 "Les Grandes Figures de l’Artillerie".

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Déjà, à cette époque, Voisin avait tissé des liens étroits dans la région, avec des civils convaincus, patriotes de la première heure, et pour n’en citer que quelques uns : Marius Campistron (le véto), qui renseignait le Capitaine Voisin, ravitaillait aussi le Maquis, procurait au besoin des véhicules… Joseph , maire de Ségoufièlle, qui avait déjà formé un groupe et était en liaison avec l’A.S. et avec l’ORA, venant en aide aux personnes, et cachant le matériel… Raymond Valette, boulanger à Lévignac et chef du groupe de ce village, chez qui Voisin s’installa dans un premier temps… François Courtais, membre du groupe de Lévignac, qui devenait, occasionnellement son agent de liaison…, Lascoumeyres, boulanger à Montaigut qui ravitaillait le maquis en pain..., Robert Magne, forgeron à Sainte Livrade...

Un peu plus tard, grâce à Cassagne, il fait la connaissance de Jean-Michel Maulik jeune résistant actif dès 1940, recueilli par Joseph Cassagne en octobre 1943, déçu d’avoir été obligé de quitter le réseau Morhange2. Maulik souhaite sortir de son inactivité, « voulant se battre et non se cacher ». Il fut "Lumière"3, devenant le spécialiste des explosifs, après avoir été celui des faux papiers au château de Brax. Voisin lui confiera la responsabilité du com- mandement de la section de destruction4. Tous sont toujours disponibles, efficaces, coura- geux, risquant leurs vies.

Le 5 janvier 1944, arrive enfin la nuit du parachutage tant attendu avec le code « le Capitaine vous bourre le crâne »5 . Etaient présents Voisin (Verité), Maulik (Lumière), Baffert et Camus (Dubois). Le « butin » est rapidement enterré dans une fosse déjà prévue dans une prairie soigneusement choisie et préparée, recouverte ensuite de purin, histoire de dissuader les trop curieux…

Une attente de six jours, par prudence, pour le récupérer… : "beaucoup de mitraillettes Sten, quelques pistolets, 4 fusils mitrailleurs Bren, un Piat (lanceurs d’obus fusées anti-char), des grenades Mills à fragmentation, des sacs Gammon, des pièges (pour déclencher des sabotages), et une grande quantité d’explosifs, du plastic, du 808 Nobel... "6. Les armes furent ensuite cachées en divers endroits sûrs, entre autre chez Vignères, chez Robert Magne, sous ses ruches (les abeilles sont bonnes gardiennes). Cet armement ne va malheureusement pas pouvoir être conservé en totalité au C.F.P.. En effet, après l’arrestation de Mouly, des caches vont être vidées par le personnel qui a pris la décision de rejoindre l’A.S. (Gal Céroni, t. 1).

En janvier 1944, à la demande de Pfister, le Commandant Conze, quitte le C.F.P. pour l’EM national de l’O.R.A.. Le Capitaine Mouly lui succède alors, et prend comme adjoint le Lieutenant Argence Petit, tous les deux du 404ème RDCA. Le Capitaine Mouly remanie alors son unité à la suite du grossissement des effectifs et confie le Bataillon de la Save au Capitaine Voisin, et un embryon de bataillon nord au Capitaine Dumont. Il faut noter qu’à l’époque, un certain nombre d’hommes, qui avaient initialement opté pour l’AS, sans rompre

2 Le réseau Morhange était un réseau toulousain de résistance, créé en 1943 par Marcel Taillandier, qui effectuait des actions directes et de Contre-espionnage contre l'envahisseur allemand et les collaborateurs du gouvernement de Vichy. Le château de Brax était le QG de cette organisation (Wikipédia). 3 Ce pseudo a pour origine le maniement quotidien de matériel photographique de cette marque pour fabriquer des faux papiers, Correspondances privées de J.M Maulik (archives familiales). 4 Correspondances privées de J.M Maulik (archives familiales) 5 Gal Céroni, t. 1 ; Témoignage de Robert Magne, commémoration de l'attaque du maquis de Thil (archives familiales) 6 Récits de J.M Maulik - commémorations de l'attaque du Maquis de Thil (archives familiales)

2 Comité pour la mémoire de la Brigade Alsace-Lorraine - (comebal.free.fr) avec cette organisation, s’engagèrent dans les rangs du C.F.P. Camille Voisin est par ailleurs en contact amical avec Carovis, chef du secteur 1 de l’A.S (Gal Céroni, t. 1).

Le Bataillon de la Save s’enrichit d’une 4ème compagnie, commandée par le capitaine Colombino, de l’armée de l’air. Des anciens combattants de la guerre d’Espagne sont égale- ment incorporés dans la section du Lieutenant Camus, qui avait rejoint Voisin.

Le 20 avril 1944 a lieu un transport d'armement entre les dépôts d'Angeville (Tarn et Garonne) et de Lévignac, QG du Capitaine Voisin. Le conducteur, arrêté après l'opération (réussie), « parle »... Le lendemain, Mouly avait rendez-vous vers 19h avec Voisin à son QG de Lévignac. Mais peu avant, la Gestapo, qui vraisemblablement suivait le Capitaine Mouly, l'arrête, ainsi que le Lieutenant Argence, son officier de transmission Jocteur-Monrosier, le Lieutenant Perrier, Jacques Jacob, instituteur à Angeville, qu'il avait rencontrés par hasard au café Excelsior de Toulouse. Ils sont emprisonnés à la prison Saint Michel de Toulouse, puis Mouly est coupé intentionnellement de ses compagnons Argence et Perrier, privé de nourriture, questionné, puis, passant entre les mains de la Gestapo, il fut très maltraité. Il avait réussi à ne pas livrer de noms. Il craignait par-dessus tout de retrouver en prison de Clerck, Voisin, Valette, Cassagne, Pleis (Marchand), Riedinger… Il relatera d'ailleurs lui-même très sobrement ces événements (Gal Céroni, t. 1). Il fut transféré, ainsi qu’Argence, Jocteur- Monrosier et Jacob à Compiègne, pour être déportés à Neuengamme. Argence et Jocteur-Monrosier réussiront à Capitaine Mouly (photo tirée s’évader. Argence rejoindra le C.F.P le 5 août 1944, Mouly de : Gal Céroni t. 1) retrouvera la après la victoire. Le Capitaine Camille Voisin succède alors au Capitaine Mouly. Il prendra officielle- ment, le 6 juin 1944, le commandement du Bataillon de la Save, disloqué après les récentes arrestations des trois officiers. De plus, deux compagnies ne donnent plus signe de vie : celle du Capitaine Colombino (des usines Breguet de Toulouse), et la compagnie de Montaigut après l’arrestation de Perrier. Les éléments du bataillon nord avec Dumont s'effritent au profit de l'AS.

Mais Voisin ne perd pas courage. Malgré les difficultés auxquelles il est confronté (regrouper des anciens du maquis) il forme, avec les hommes qui lui restent et un armement réduit, un bataillon dont une partie, avec lui, prendra le maquis, d’abord à Bellegarde, puis à L’Arsène ; les sédentaires demeureront chez eux mais seront opérationnels pour des actions concertées précises, ces groupes sédentaires ont généralement une double appartenance, A.S. et C.F.P.

Le bataillon Voisin est organisé ainsi : - Le Capitaine Ribet (Comminges), adjoint de Voisin. - La compagnie Bayard commandée par le lieutenant Pierre Camus (Dubois, ou Bayard), composée alors de deux sections de 30 hommes chacune. - Deux groupes de destruction confiés à Joseph Cassagne et Jean-Michel Maulik (Gal Céroni, t. 1 et 2). - Est rattaché au Bataillon le groupe d’une trentaine d'alsaciens-lorrains du Lieutenant Pleis (Marchand), qui est autonome quant à son organisation et son administration, mais dépend du Capitaine Voisin en ce qui concerne les opérations militaires, et qui s'établit dans les bois de

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Garac. Ce groupement - le maquis Marchand - deviendra, complètement intégré dans le CFP, la Compagnie Iéna à compter du 12 août 1944 et sera commandée par le Capitaine FFI Argence7.

Les activités du Bataillon de la Save vont se concentrer surtout sur des opérations de sabotage, exécutées dans le cadre des instructions de commandement. On peut citer : - Les 19 décembre 1943, 11 mars 1944, 8 avril 1944 : destructions diverses8. - Vers le 30 avril 1944, Voisin, aidé d’un camarade, fait sauter deux dépôts d’une cinquan- taine de torpilles chacun, entre et , au nord-ouest de Toulouse (Gal Céroni, t. 1). - Le 6 juin 1944 au Castéra, sous la direction de Voisin, réception d’un parachutage par le groupe de Lévignac, auquel se sont joints ceux de Castéra et de Saint-Paul-sur-Save. Message d’alerte : "les grains de beauté ne sont pas toujours beaux". Cet arrivage va permettre d’équiper les hommes de Voisin, et en partie ceux de Pleis. Parmi le matériel reçu, se trouvent quarante obus de 75mm que Pommiès avait demandés pour le Lot. Voisin les emportera et Maulik en utilisera une partie pour ses sabotages9.

Quand l’ordre leur en fut donné, Baffert, Camus et Voisin prirent officiellement le maquis le 6 juin 1944. Ils démissionneront tous les trois de l’IGN à compter du 1er juillet 1944 afin de se consacrer exclusivement à leurs missions de Résistants.

Le Capitaine Salmon, Commandant le Groupe Gendre Portat, Instructeur à l’Ecole des Cadres de Toulouse, écrira en novembre 1944 : "Voisin recrute, reçoit des parachutages, effectue des transports d’armes et d’explosifs, et procède à leurs camouflages. Voisin est toujours volontaire pour les missions périlleuses, il va de l’avant, séduit et entraîne à la résistance des habitants de la région de la Save, par sa bonne humeur, sa jovialité, sa franchise, son dynamisme et sa spontanéité coutumière. Partout, il a la réputation, selon l’expression du maquis du « type très gonflé" "Le 6 juin 1944, nous constituons le maquis de la Save, Voisin y devient notre Commandant… et voir certains camarades de l’Armée d’active, réfractaires à l’ordre de mobilisation du 6 juin, le désespère. Le groupe entre dans une période active (sabotages, destructions, récupération). Au cours des opérations les plus délicates, et dans la vie intensive du maquis, Voisin agit toujours avec la dignité d’un officier. Il recommande à ses camarades d’agir de même"10.

Des messages annonçant le débarquement se font entendre "Messieurs faites vos jeux", puis deux jours après "Les jeux sont faits". Puis le 5 juin, "Véronèse était un peintre célèbre" et "Le père la Cerise est verni" (Gal Céroni, t. 1).

"Arrive le 6 juin 1944, c’est dans l’enthousiasme que sont exécutées les consignes de destruc- tions et de harcèlement. Le Groupement devenu bataillon FFI du Nord de la Haute Garonne,

7 Ce sera ensuite la Cie Iéna de la Brigade Alsace-Lorraine, voir bull. de l’amicale BAL N° 108 (1963) suite I. 8 Archives SHD Vincennes - Dossier CFP cote 19P31 - ORA/CFP - R4 Bataillon Voisin Haute Garonne : opérations. 9 Rapport du Chef d’Escadron Casanova du 15 sept 1945 - Dossier Casanova, fonds G. Labedan - correspondant de l’Institut du temps présent - Archives départementales du GERS ; et Gal Céroni, t. 1. 10 Extrait de l’hommage rendu par le Capitaine Salmon (Commandant le Groupe Gendre Portat, instructeur à l’Ecole des Cadres de Toulouse) en novembre 1944, Archives IGN (archives familiales)

4 Comité pour la mémoire de la Brigade Alsace-Lorraine - (comebal.free.fr) dépendant du Corps Franc Pommiès ORA, s’installe en maquis dans les collines boisées des confins du Gers et de la Haute Garonne. Le PC est près du village de Thil, au château d’Orgeix."11

Voisin s'installe à Bellegarde-Sainte-Marie le 6 juin dans la villa de Monsieur Berlia (généralement dénommée "Villa Rose"), où il établit son PC. Il la quittera trois semaines plus tard, le séjour y devenant dangereux : les Allemands et la Milice redoublent d’activité, les contrôles s’intensifient. Il décidera donc de faire mouvement vers les dépendances du château de L’Arsène, propriété du Comte d’Orgeix qui, grand patriote, et cependant très conscient du danger pour lui et sa famille, lui donnera, avec bienveillance, son autorisation. Après un court séjour, il dispersera ses hommes par petits groupes dans les fermes de Sainte Livrade puis reviendra un peu plus tard s'installer au château de l'Arsène, mais cette fois dans les bois12.

Le terrain, à la fois très boisé mais avec des espaces découverts, escarpé, et vallonné, était peu propice aux promeneurs et aux curieux. C’est de plus une région très sauvage, très peu fréquentée et peu habitée. Ce choix se révéla d’ailleurs judicieux lors de l’attaque du Maquis le 31 juillet à l’aube, les maquisards ayant pu fuir par un chemin caché au fond d’un ravin, jamais décelé par les miliciens et les allemands mais repéré à l’époque par Campistron.

Pendant cette période quatre groupes ont opéré simultanément : celui de Ségoufièlle (Cassagne), de L’Isle Jourdain (Lieutenant Campistron), de Montaigut (M. Lascoumeyre) et une section de destruction (J-M Maulik). Les principales opérations de destructions effectuées sont les suivantes (suivant les sources certaines dates divergent de quelques jours) :

- Les 8 et 10 juin 1944 : sabotage de la voie ferrée Toulouse-Auch, près de Mérenvielle par le groupe Cassagne sous la conduite de Maulik et sabotage des télécommunications à l’Isle- Jourdain par le groupe Campistron (Gal Céroni, t. 2). - Le 12 juin, sabotage de la voie ferrée sur 120 m dans la courbe à l’Isle Jourdain, près du passage à niveau de Montbrun, par Maulik13. - Du 11 au 12 juin 1944, sabotage de la voie ferrée Toulouse-Auch au lieu dit « le Bascou », - Le 25 juin destruction de quatre pylônes de haute tension alimentant les usines d’aviations Dewoitine. Opération conduite par Maulik aidé du groupe de Lévignac14. - Le 26 juin, le groupe de Montaigut détruit la ligne de haute tension qui avait été dérivée pour remplacer la ligne détruite la veille13. - Le 30 juin, pose d'une fausse bombe sur la voie ferrée à Mérenvieille par Campistron, Darque et Maulik13. - Le 3 juillet, le groupe de Montaigut détruit un pylône à Bauzelle à la traversée de la Garonne13.

A cette période, après le 6 juin, le Commandant de Clerck, chef du groupement Est (créé le 16 décembre 1943), venant visiter les unités de Voisin, l’informe de la nécessité de faire mouvement, avec ses troupes, en direction du Gers et des Pyrénées, comme les autres

11 Extrait de l’hommage rendu par le Colonel Conze dans le Bulletin d’Information de l’Artillerie et des F.T.A N°13- juillet 1947 "Les Grandes Figures de l’Artillerie". 12 Récit d'Edouard Perzynski du 12-12-1990, dossier Casanova, fond G. Labedan, Archives départementales du Gers. Lettre de J.M.. Maulik de sept 1994 à Voisin Jacques, Fils du commandant Voisin (archives familiales) 13 Dossier Casanova, fonds G. Labedan (correspondant de l’Institut du temps présent), Archives départementales du Gers. 14 Cette opération est datée du 12 juin dans le tome 2 de l'ouvrage du Gal M. Céroni : Le Corps Franc Pommiés, et du 25 juin dans le dossier Casanova - Archives départementales du Gers- M. Labedan

5 Comité pour la mémoire de la Brigade Alsace-Lorraine - (comebal.free.fr) unités de l’ORA le faisaient pour se regrouper avec tout le Corps Franc. Voisin opposa un refus ferme et sans appel. Il aurait en effet été désastreux pour son Bataillon d’abandonner non seulement la population locale avec qui il avait pu nouer de grandes relations de confiance, mais d’abandonner également les Résistants sédentaires, et leurs familles (groupes de Ségoufièlle, Ste Livrade, Lévignac, Montaigut) qui lui avaient toujours témoigné confiance et fidélité et qui avaient toujours été très actifs, n'hésitant pas à risquer leurs vies et par conséquent celles de leurs familles. Ils se seraient ainsi retrouvés sans protection devant les allemands et la milice. En outre il avait noué d’excellentes relations avec les autorités locales et la gendarmerie.

Voisin fut entendu puisqu’il fut décidé qu’il resterait sur place. Il continuera, avec son Bataillon, ses missions de sabotage et il maintiendra une étroite liaison, tant avec le chef du Corps Franc qu’avec son chef de Brigade, et également avec Jean Carovis, chef du secteur 1 de l’A.S. D’autres coups de mains, sabotages et destructions pour gêner l’ennemi, se multiplièrent, en particulier la destruction d’un train de munition à Blagnac dans la nuit du 28 au 29 juillet (voir encart ci-dessous). ______La destruction du train de munitions à Blagnac (par J.M Maulik15, extraits)

Le 27 juillet 1944, le Chasseur Cannelas Etienne nous quitte. Ayant appris qu’un train de marchandises allemand était arrivé sur le terrain d’aviation de Blagnac, il part en reconnaissance, seul, sans rien dire à personne. Au retour d’un voyage à Toulouse, il descend de l’omnibus de Lévignac lors d’une halte et se cache dans le camp toute une nuit. Malgré la présence des sentinelles, il réussit à se glisser sous les wagons pour assister à leur chargement. C’est ainsi qu’il constate que 15 d’entre-deux sont bourrés de munitions, un de très grosses bombes et que celui du milieu est occupé par un poste de garde. Il note aussi que le moins dangereux des itinéraires d’accès est une route dont les approches sont pourtant surveillées par sept postes. De retour au P.C, Cannelas rend compte à Voisin... Consulté, j’estime qu’avec notre matériel on peut faire sauter les six derniers wagons, l’incendie qui suivra brûlera les autres… Le Capitaine décide que l’opération aura lieu la nuit suivante, entre deux heures et trois heures du matin, placée sous les ordres du Lieutenant Camus. L’unité commando comprend 16 hommes : Lieutenant Camus Pierre, Lieutenant Maulik J.M, Sergent-chef Chounet Camille, Sergent Blanpain Gaston, Sergent Cros Maurice, Sergent Louvrier André, Chasseur Brisard Maurice, Chasseur Cannelas Etienne, Chasseur Coignard Jean, Chasseur Drouillard Pierre, Chasseur Perzynski Edouard, Chasseur Peyret Pierre, Chasseur Sieurac Raymond, Chasseur Sieurac Urbain, Chasseur Souviraa Raymond, Chasseur Victor René... …. Trois Tractions avant Citroën déposent l’équipe à Cornebarrieu, le 29 juillet à 1h30. Nous sommes à 6 km de notre objectif, quelque peu en retard sur notre horaire. Suit ensuite une marche forcée d’une heure environ sur une route, avec le minimum de bruit. Parfois, on entend les chiens qui aboient ou des sentinelles qui causent... Arrivés à proximité du train, le groupe de protection se déploie dans le fossé bordant la route. Puis Cannelas me fait signe : à moi de jouer. L’approche est délicate, sur un ballast dont les cailloux crissent. Nous passons devant le poste de garde endormi dans un wagon dont les portes sont ouvertes ; nous entendons même un allemand rêver tout haut.

15 D'après le récit du Lieutenant Jean-Michel Maulik: Un raid audacieux. Gal Céroni t. 2, ou L’Etoile Noire n°14 Bulletin de Liaison de l’Amicale du CFP 49ème RI-2ème trim.1964 ; et Lettre de J-M. Maulik de septembre 1994 à Voisin Jacques, Fils du commandant Voisin (archives familiales).

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Mes saboteurs posent rapidement les bombes aimantées, à raison d’un couple entre deux wagons, là où ceux-ci, qui sont en bois, ont des ferrures. Passant ensuite, je place moi-même les détonateurs, écrase les crayons et récupère les goupilles de sécurité »….. ... A cinq heures, nous avions tous regagné L’Arsène, sans nous douter que, quarante huit heures après, les allemands nous auraient découverts et fait payer cher notre audace. Le soir du 29 juillet, le capitaine nous attendait à la sortie de l’aérodrome de Francazals. Il était enthousiaste…» Résultats : 17 wagons détruits…. et les 16 membres de l’unité commando de Camus reviennent tous sains et saufs ! «Le résultat obtenu expliquera l’acharnement avec lequel le Bataillon VOISIN a été attaqué par les troupes allemandes, trente six heures après, soit le 31 juillet au matin 4heures. "16 ______

Après ce raid très réussi de l’unité commando de Camus, dès le 29 juillet 12h, le Commandant Voisin (promu commandant FFI à compter du 20 juillet 1944)17, décide de se rapprocher de Le Magny Derines auquel il a été rattaché courant Juillet à la demande de Pommiès. Il lui adresse une note en ce sens, en lui demandant de bien vouloir lui faire connaitre la région où il peut, dès à présent, faire une reconnaissance de cantonnement. Il lui précise la date prévue pour son départ : dans la nuit du 2 au 3 août, des sous-officiers devant le rejoindre d’ici là. Le départ étant imminent, Voisin réunit les membres de son maquis et leur confirme la nécessité de s’éloigner, ses sources lui laissant craindre que le maquis ait été repéré. Il leur demande en conséquence de charger les véhicules et de se préparer au déplace- ment. Campistron prépare matériellement le départ. Le 30 juillet, les équipements et les munitions étaient chargés.

Le 30 juillet 1944, les deux officiers Voisin et Camus partent en mission. Les versions divergent sur l'objet de cette mission. La plus vraisemblable est qu'il s'agissait d'une mission de reconnaissance, afin de prévoir et préparer leur futur cantonnement, comme Voisin en avait informé Le Magny dans son message de la veille (29/07/1944 -12h) (Gal Céroni, t. 2)18. A leur retour, dans la nuit du 30 au 31 juillet, en rentrant à l’Isle-Jourdain, et s’arrêtant chez les Magnouac qui souvent les renseignaient, Voisin et Camus, alertés par les mouvements très inhabituels des convois allemands, rentrent rapidement, et s’engagent sur la route qui mène de Bellegarde à l'Abbaye Sainte-Marie-du-Désert.

On connait la suite… les deux officiers sont « cueillis » par une mitrailleuse tirant au ras du sol, ils sautent de voiture et ripostent, d’autres soldats allemands interviennent, ils sont alors criblés de balles et achevés : coups de talons au visage les rendant méconnaissables, coups de grâce (Gal Céroni, t.2). Ils sont abattus et affreusement massacrés.

Parallèlement un fort détachement allemand (estimé à 400 personnes, avec des mili- ciens, et un car de GMR - Gardes Mobiles de Réserve - qui n’auraient pas quitté le car) attaque le maquis dans les bois du château de l'Arsène.

16 Dossier Casanova, fonds G. Labedan (correspondant de l’Institut du temps présent), Archives départementales du Gers, Compte rendu de destruction - Camp d’aviation de Blagnac - 29 juillet 1944 par le Capitaine Ribet - 2 aout 1944. 17 Livret matricule d'officier (archives familiales). 18 La note manuscrite reproduite dans : Gal Céroni t. 2, p. 337, n'est pas de la main de C. Voisin ; ses enfants sont formels : ils ne reconnaissent pas son écriture. On peut suposer une note écrite "pour ordre" par l'un des subordonnés, qui aurait omis de préciser "pour ordre" ?

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Lnt Camille Voisin, Morhange 1939 Capitaine Pierre Camus (photo archives famille Voisin) (photo tirée de : Gal Céroni t. 1) Le 31 juillet 1944, dès 4h 30 du matin, au maquis, le poste de garde est alerté par les premiers signes de danger : un convoi de 7 véhicules… puis des bruits lourds de moteur, les chiens de la ferme aboyant avec insistance. L’alarme générale est donnée, chacun exécute la mission qui lui incombe : Maulik, Cannelas et Victor doivent faire sauter les bombes placées sur le chemin d’accès au château. Mais les allemands sont déjà là, Maulik après des échanges de tirs, est grièvement blessé, au bras gauche, à l’épaule et à la poitrine19. Il parvient à gagner le bois proche et à se cacher dans un fossé, épuisé par ses blessures et ses efforts. Cannelas réussit à faire sauter les bombes en attendant le passage d’un camion et d’un détachement à pied. Lourdes pertes pour l’ennemi. Cannelas est à demi déshabillé par le souffle de la bombe. Il s’enfonce dans le bois et y restera 27 heures.

Au maquis, échanges de tirs, FM contre mitrailleuses lourdes… les hommes font face à l’ennemi en surnombre. A 4h 50, des groupes ennemis sont aussi aperçus descendant à travers champs en direction du parc et du château.

Vers 5h 30, le capitaine Ribet, adjoint de Voisin, qui le remplace pendant son absence, donne l’ordre de se replier, non pas, comme il a parfois été dit, en descendant le coteau et longeant le lit de l’Arsène où six automitrailleuses étaient en embuscade, mais en montant la contre-pente pour rejoindre le poste de garde20 puis arriver, par les bois de Garac, au cantonnement des Alsaciens-Lorrains, dont un petit groupe, rencontré en route, les avait alors guidés jusqu’à St Aubin. A cette même heure, Blanpain va faire une reconnaissance à l’abbaye. Il revient ensuite rendre compte du massacre du Commandant Voisin et du Capitaine Camus à ses compagnons d’armes.

A la nuit tombée, Maulik, blessé, réussira à gagner une ferme. Roger Destarac va chercher un médecin caché chez Fontan qui lui prodiguera les premiers soins. Campistron viendra le récupérer à Thil le 2 août et l’emmènera à Mauvezin chez le docteur Pujo. Il eut la vie sauve, ses camarades de combat l’ont cru mort...21.

19 Dossier Casanova, fonds G. Labedan (correspondant de l’Institut du temps présent), Archives départementales du GERS. 20 Dossier Casanova, fond G. Labedan(correspondant de l’Institut du temps présent), Archives départementales du Gers, récit d’Edouard Perzynski du 12/12/1990. 21 Récits de J-M Maulik - commémorations de l'attaque du Maquis de Thil (archives familiales)

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Au cours de l'attaque, le Comte d'Orgeix fut tué par les allemands et son corps jeté dans un puits situé au fond du parc. Son corps ne fût retrouvé que le 18 août. Son épouse, la Comtesse d’Orgeix était absente, leur fils réussit à s’échapper et à prévenir sa mère.

L’effectif allemand menant cette attaque a été estimé à 400 personnes, avec des miliciens, et un car de Gardes Mobiles de Réserve qui n’auraient pas quitté le car. Les pertes allemandes furent importantes, estimées à 98 morts, et une centaine de blessés22. Le lendemain le château du Comte d'Orgeix fut consciencieusement pillé par les Allemands, bien aidés par les miliciens. Ils y mettront ensuite le feu pour n’y laisser que des ruines. ______

L'attaque du 31/7/1944

Le Père Louis-Marie Tissinie rédigea, à l’occasion du 40ème anniversaire de l’attaque du maquis de Thil, un récit de cette attaque23 à partir des Diaires de la Communauté et du Noviciat, complété par le récit des membres de cette communauté qui furent les témoins oculaires des évènements, fidèle transcription de la première version et sans doute la plus fidèle qui fut écrite sur cette tragédie, avec la sincérité, la vérité et l’émotion de ces religieux, témoins oculaires et victimes également de ces terribles moments de notre histoire :

"A la sortie de l’office des Laudes (4 heures solaires), nous entendons une vive fusillade au nord du monastère. Le Père Cellérier (Père Robert Vidal) va à l’hôtellerie aux informations. Il trouve le personnel affolé : il y a bataille entre les allemands et le maquis "dans les bois du château de l’Arsène". Renseignements pris, il semble que les troupes d’occupation soient venues pour surprendre le groupe de résistance qui cantonnait dans les bois du Comte d’Orgeix. Les allemands sont arrivés vers minuit en trois groupes, l’un venant de Caubiac et prenant le parc par Beauregard, l’autre venant de Thil par la route de Thil à Caubiac, le troisième par le chemin qui passe devant la porterie (c'est-à-dire par la route de Bellegarde à Thil).

La Résistance a été surprise mais a pu fuir par le chemin creux de St Albert, vers Garac. Le combat a commencé vers 4h. Un groupe d’allemands surveillait les allées et venues du monastère : ils étaient deux au portail de fer près du logement des ouvriers, trois cachés derrière la haie de la maison Pouilh (à proximité de la chapelle extérieure), quatre ou cinq au carrefour près du garage, deux à la briqueterie. Ils ont arrêté nos ouvriers allant au travail et les ont interrogés, mais aussitôt qu’ils osaient dire « nous travaillons au monastère », les laissaient aller en leur recommandant de rester dedans à cause du danger. La fusillade, accompagnée d’éclats de bombes et de grenades continuait toujours chez le Comte d’Orgeix. Vers quatre heures et demie, une auto arrive par le chemin qui passe devant St Bernard. Elle est stoppée par le poste allemand qui est au carrefour. Il en sort deux officiers du maquis qui usent immédiatement de leurs pistolets. La lutte, accompagnée d’appels et de cris est intense : les trois allemands planqués autour de la maison Pouilh viennent à la rescousse de leurs camarades postés près du garage, des balles sifflent dans le jardin de l’hôtellerie, brisent les vitraux de la chapelle extérieure, ainsi que la lucarne située au dessus de la Ste Vierge. Finalement les deux chefs du maquis succombent, le torse percé de balles de mitraillette. Les allemands leur donnent le coup de grâce : une balle dans l’œil droit et au front.

22 Dossier Casanova, fonds G. Labedan(correspondant de l’Institut du temps présent), Archives départementales du Gers. 23 Récit écrit par le Père Louis-Marie Tissinie, 1985, archives familiales.

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On sut par la suite que le plus âgé était le Capitaine Voisin et le plus jeune le Lieutenant Camus, chefs du groupe de Résistance de l’Arsène. Ils logeaient soit à l’Isle Jourdain, soit à Ségoufièlle et se rendaient chaque matin au maquis. Après la messe, on constate que les allemands ne sont plus au monastère, mais la fusillade continue dans les bois du Comte d’Orgeix, quelques explosions, une colonne de fumée à l’emplacement du campement du maquis à gauche du château, près de nos bois de Beauregard, une autre à droite : c’est la maison du jardinier qui flambe.

Vers dix heures, avertis par nous par téléphone, arrivent deux gendarmes de la Brigade de , le maire de Bellegarde (M.Izard) le docteur Pradel, de Cadours. Ils viennent faire les constatations légales pour les deux morts : le Capitaine Voisin et le Lieutenant Camus. Leur groupe, accompagné par notre Rd Père, un ouvrier et le Père Cellérier se rend près du premier cadavre (sur la route de Thil). Une rafale de mitrailleuse tirée des bois du château les accueille, puis une seconde. On se terre, il faut attendre. Vers midi, le calme semble régner. On peut enlever les corps qui sont portés à la chapelle extérieure. Le médecin constate : le Capitaine Voisin, 35-40 ans - il a dans le dos quatre entrées de balles dont on ne voit pas la sortie, deux sur la poitrine, une dans la mâchoire à gauche, un coup à bout portant dans l’œil. L’autre, le capitaine Camus, 28-30 ans porte lui aussi des entrées de balles, dans le dos, la poitrine, il a saigné abondamment, une blessure à la tempe gauche provoquée par un coup de talon, une autre au milieu du front, une troisième à la mâchoire à droite. Tous deux ont été fouillés : pas de papiers. Les corps, placés à la chapelle, ont été lavés, recouverts d’un drap. Toute la soirée, grand remue-ménage d’autos et de camions autour du château. On apprend que le Comte d’Orgeix a été tué (il avait 59 ans), que son fils Alain a pu s’échapper. Quant à la Comtesse, elle était absente depuis dimanche soir. Le corps du Comte d’Orgeix a été retrouvé dans un puits du parc le 18 août. On sut par la suite que le Comte avait été assommé au bas de l’escalier du château puis qu’on lui avait tiré une balle dans la tempe pour enfin le jeter dans un puits, au fond du parc."

"Mardi 1er août 1944 : Dès 5 heures, on entend dans la direction du château rouler les camions. On en distingue huit, deux voitures ambulance au moins et des autos. Remue- ménage autour de ces véhicules jusqu’au soir. Des renseignements subséquents permettent de compléter ce rapport : les colonnes d’allemands venant de Beauregard et celles venant de chez nous ne se sont pas reconnues dans la pénombre et se sont largement mitraillées. Les plus raisonnables

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parlent d’une cinquantaine de morts. Le capitaine allemand commandant l’expédition a été tué. On a vu passer à Montaigut plusieurs camions de cadavres et plusieurs voitures d’ambulance. Les allemands, en ce matin du mardi 1er août, pillent consciencieusement le château…" Un aumonier du maquis, arrivé à 9 heures célèbre une seconde messe à la chapelle24. Vers 10 heures, les cercueils étant arrivés de Cadours, a lieu la mise en bière et les deux corps sont conduits à Bellegarde où notre Père Etienne Leclercq fait les obsèques. Les deux corps sont inhumés (provisoirement) au cimetière de Bellegarde." ______

Par la suite des témoins entendirent des allemands reconnaître : « Ils étaient rudement bien cachés là. S'ils n'avaient pas été dénoncés, nous ne les aurions jamais trouvés."25

La perte des deux officiers fut terrible pour leurs compagnons d'armes et pour les habitants de la région. Le mardi 1er août, au cimetière de Bellegarde-Sainte-Marie, Voisin et Camus furent enterrés. Par sécurité, leurs noms ne furent pas indiqués sur leur tombe qui portait alors les mentions : inconnu n° 1, inconnu n° 2.

"Une maigre trentaine de paysans était présente, des inconnus aussi…police ? Milice ? Je sens qu'ils épient nos faits et gestes. Impassible, le Père Etienne, ancien officier de marine, célèbre l'office puis, au garde à vous, dit les dernières prières et se retire en silence. Nos regards se croisent…… Je devine la peine du grand soldat qu'il fut et les certitudes du religieux qu'il est."26

Les religieux de la Trappe seront durement malmenés, questionnés, giflés, terrorisés par les allemands, tous des SS, semble t-il, une vingtaine (avec des français portant l’uniforme allemand), déchainés vociférant et hurlant, visitant tout le monastère, des cuisines au sous-sol, infirmerie et dortoir, appartement du Révérend Père, buanderie, vestiaire... Ils fouillent de fond en comble l’hôtellerie, tout le monde est sommé de se rassembler dans la cour d’honneur, manu militari, le revolver ou la mitraillette dans le dos…

« Beaucoup ont fait sans effort, ce jour là, note le Père rédacteur des Diaires, l’exercice de la préparation à la mort ».

Les officiers et soldats allemands responsables de ces massacres, pillages et incendies, identifiés après de longues recherches et un long procès, furent jugés par le Tribunal Militaire de Bordeaux, dans le cadre du Procès de la Gestapo de Toulouse en 1954. Une partie des miliciens ayant participé au pillage et à l'incendie, dûment identifiés, furent, eux, jugés par la Cour de Justice de Toulouse en 1945.

Le Commandant Casanova (Dominique), du Service Géographique de l’Armée, sera nommé par Pommiès pour succéder au Commandant Voisin. Le Bataillon Voisin conservera ce nom en hommage et en souvenir de son ancien chef. Il participera en particulier quelques

24 Il s'agit de l'abbé Pierre Bockel, alsacien compagnon de Pleis, seul prêtre au bataillon, à qui le Frère Robert confiera les alliances et les mèches de cheveux des deux officiers pour être remises à leur famille. 25 Carnet de route de Marchand, Bulletin de l’amicale BAL N° 174 (1979) suite K. 26 Témoignage de Robert Magne, commémoration de l'attaque du maquis de Thil, archives famille Voisin.

11 Comité pour la mémoire de la Brigade Alsace-Lorraine - (comebal.free.fr) jours plus tard (les 19-20-21 août), à l'affaire de l’Isle Jourdain où la garnison d’Auch fut anéantie.

Commémoration du 10ème anniversaire de l’attaque du maquis à Bellegarde- Sainte-Marie. De g. à dr. : J. Voisin, A. d’Orgeix, son épouse, Mme Voisin, le Général Conze, le Colonel XX, Le Commandant Pleis, (photo archives famille Voisin).

Il se rendra ensuite dans les Pyrenées atlantiques pour la garde de la frontière. Là, la composante Alsace-Lorraine se détachera du Bataillon Voisin, pour former, sous le comman- dement du Commandant FFI Pleis, le Bataillon Metz de la Brigade Alsace-Lorraine. Le Bataillon Voisin, modifié, rejoindra début septembre le gros du CFP à Autun ; au sein de la 1ère Armée, le CFP partira pour les durs combats de la campagne des Vosges par un hiver glacial. Puis, devenu 49ème R.I., il entrera en Allemagne (Gal Céroni, t. 2).

Les enfants du Commandant Voisin Camille Héry, Colette Lallement, Jacques Voisin (relecture : Guy Argence, Pierre Peltre)

Bibliographie

Gal M. Céroni : Le Corps Franc Pommiés, Tome 1 La Clandestinité Gal M. Céroni : Le Corps Franc Pommiés, tome 2 La lutte ouverte

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