EMPRUNTS, CIRCULATION DES TECHNIQUES ET ISOLAT DANS L'ARC JURASSIEN

Noël BARBE Hervé BAULARD Richard LIOGER

Cette recherche à été soutenue Rapport à la Mission par le Conseil Régional du Patrimoine Ethnologique de Franche-Comté

ANCifcMNfcS SALINES 3HHO SALINS LES EIAJNS TfL ni 73 pa o4 - U4 37 04 un TpLÊcnnie u«i 37 ^9 f •: Mai 1992

MINISTERE DE LA CULTURE-DAPA

9042 006941

TABLE DES MATIERES

INTRODUCTION p. I

L'INDUSTRIE DU JOUET DANS L'ARC JURASSIEN p.l

APPROCHE ETHNOLOGIQUE DE LA LUNETTERIE MOREZIENNE p. 102

L'INDUSTRIE DE LA MONTRE : RUPTURE ET CONTINUITES p. 185

CONCLUSION p. 287

INTRODUCTIOM

I 1

Du coint ae vue de son reiief. ja Francne Comte se répartie entre deux grands e.nsemoies: a 1'ouest le bas cavs. à i'est i'arc jurassien. Ce massif aar.s son enseróte, se déveioppe en forme de croissant sur 350 kilometres, du sud-ouest au norc-est. cu Bugey a i a Foret Noire, au Rhin et a ¡'A3are. £a iargeur maximaie ne dépasse pas 50 kilomètres entre Besancon et Kieuchetel. Dans sa partie franc-comtoise. i i se déveioppe en quasi-totaii té dans ies départements du et du Doues où i i s'étage en trois séries ae piatesux et une chaîne d'aititude peu éievée cu iminant à 1700 mètres.

1. Une montagne industrialisée A coté aes granoes agglomerations i Besancon et i'aire urbaine 5e:fort-Hontbéiiard et dans une moincre mesure Dcie1 où se concentre i'essentiel de ia production industrielle, i'industrie s'est également aéveioppee et spécialisée survies secónos plateaux et oans ie Haut Jura piissé. Ainsi eu nord au suo. en rencontre: - ie piateau de Ms:che qui est i'un des ceux poies français. avec Besancon, oe is fabrication ae montres: í 11

- i a région oe Morec spécialisée cans is fabrication des lunettes: - celle ae Saint, Clause et Moirans dans ia tourner i e sur bois, i'industrie iapiaaire et ies matières plastiques.

2. Haut et bas: une montagne rêvée Cette region de i'arc jurassien s souvent été Dresentee comme un enserra ie cu i ture i homogene. Eur cette continuité supposée, se sont appuyées, oes spéculations eni iosopni pues et politiques mettant en avant des ies traits variables selon ieurs auteurs.

Ainsi au tournant ou X'v'i i ¡e et du XIXe siècles, i'économie ou Haut-Jura opposée a celie oe la plaine, est présentée comme un exemple républicain par Lequinic oe Kerb i av. A 1 ' "ir.-humani té" des conditions nature! ies correspondent une aesence ae misère, voire ia prospérité économiaue. fruit du courage et de l'activité des habitants des montagnes. Ce courage est pensé comme ieur étant propre. Les habitants de ia plaine sont présentés commer en étant dépourvus. La continuité du milieu humain oe l'arc jurassien serait donc au bout au compte ie fait de ia nature toute-puissante et créatrice oes caracteres humains.

Four certains foii-:loristes du siecie derniers, cette continuité a pour origine i'aiimentatien. Les "mrntagnons" par une alimentation plus lactée que cei ie oe i eur s IV y «—^jV*NSochaux

Pont . deRoide'

/4i::"Ybharquemont , ...P Morteau^;:;;y'Vi||ersJe_Lac

/' • •* <». Pontarlier / / . ©'Arbois S ^p) ./ s Pol igny© ^x * Í \ * 7

. entreprise de 50 à 199 salariés

A entreprise de 200 salariés et plus

j industrie mécanique,automobile et cycle

::;::! industrie horlogère

Il I l I industrie des matières plastiques

|+ ++| tabletterie,jouets

industrie textile, cuir

industrie spécialisée'.optique, pipes

r^^l industrie du meuble

industrie alimentaire

l r r I' !'• E;'; •; ££| micromécanique , électronique

Conception A.ROBERT - Réalisation J. MAILLARDËT VI compatriotes auraient eu un caractère pi us aoux.

Ne serait-ce ieur intérêt peur i'histoire ces idees et de 1'ethnograpnie regionales. íes déterminismes ainsi poses pourraient prêter à sourire. Pourtant d'autres aussi simplistes sont encore à l'oeuvre aujourd'hui, de façon explicite eu non. Ainsi un géographe franc-comtois parie d'une "qualification presque innée" cui. avec ia dispersion des ateiiers aurait engendré un mi i ieu seciai particulier. 5i dans cette expression on peut, dans ie meiiieur des cas déceier i'ioee d'une transmission çréezee de "quaiités techniques" -mais iesqueiies et comment;- i i resterait aiors s definir i'objet de i a transmission. Ce i a même manière i'iaee de piuri-activité est souvent associée a l'agriculture et 1'économie ae montagne. Là encore de façon sous-jacente ¡e déterminisme ae i a nature est mis en avant bien que l'activité industrielle jointe à l'activité agricole ne soit pas :'apanage ae i a seuie montagne.

3. Des gestes techniques différents Ces faits techno-économiques "reeis" tensent cependant a établir une coupure entre ia piaine franc-comtoise et ia partie montagneuse ae i a région.

Ainsi su XiXe siécie l'agriculture comtoise peut être sommairement divisée en deux domaines ou point ae vue de i'occupation des sois. La i igné de partage se situe autour V I I d'une altitude d'environ TOO meures. Au aessus. i ' assolement est de type herbager. Les prairies sont temporairement défrichées, urge. avoine. seigie et pommes de terre sont cultivées durant deux a cinq ans. Fuis ie soi est à nouveau envahi de graminées et reste en prairie durant onze à dix-huit ans. En dessous de cette aititude. à ¡'ouest et sur

¡es bas piateaux. est pratique l'assolement triennal classique avec une surface de jachère qui aans les années

1550 sera ensemencée en pi antes sarciees ou fourragères. 5ur certaines bonnes terres. i'assolement est ciennal. Cette

¡imite est bien évidemment fluctuante mais une i igné de partage oppose bien ie Eas-Fays s i a Montagne, ñu milieu eu

XiXe sièoie. dans ie cadre persistant d'une polyculture apparaissent des spécialisations qui ancrent la piaine dans la production ceréaiière: ia montagne et ies plateaux dans une activité pastorale et fromagere.

5i cette opposition peut en partie s'expliquer par ces facteurs climatiques, d'autres traits par centre ne coivent rien à priori a de telles causes. îi en est ainsi du mooe ote sa i age des fromages. A l'ouest se trouve i a zone de proouctien de i'emmentnal saie en saumure: aiors qu'a l'est est produit le Comté saié a sec. De ia même maniere!'ouest est traditionnellement ie domaine des voitures a foin

équyipée d'un treuil iengitudinai aiors que celle de l'est sont équipées d'un treui i transversal.

» vi I i

4. Des formes sociales de production particulières L'arc jurassien ne semoie pas seulement, se distinguer par des gestes techniques, mais aussi par certaines formes sociales de production.

Four ce qui concerne ie département du Jura, ¡a partie montagneuse est par exemple ie siège de i'ensemcie ces cooperatives de production industrielles ou artisanales entre 1551—1555 et 1527-1545 -dates pour i esque¡i es nous sommes tributaires des sources existantes iñrcnives Départementales du Jura M 3273. Hp 250 et Hp 305;.

5e trouvent dans le canton de Moirans ''L'union", entreprise ae travaux puoiics fondée en 1925 s Etivai: "Les tourneurs reunis" foncée en 1521 et fabricant des cc-jets de tourner!« a Moirans: "La Société artisanale Jurassienne" créée ie E avril 152-i qui facrique des articies divers en bois a .

Dans ie canton de Hcrec. a cois d'.-.mcnt. ¡a "Société cooperative ouvrière du bois" fondee en 1521 fscricue des boites en sapin. facrique et vend ces cuti is ce cois. r. Horec. "Les iunetiers réunis" foncés en 15J5 fsoricuent oes lunettes de nickei et de matière plastique.

Dans ie canton ce Saint Ciauoe se trouvent "Les ateliers 1 A

cie Lavans-ies-Saint-Ciaude: "L'union des piatr iers-peir.tres" à Saint Ciaude: "Les ouvriers Lac i et. i ers" fondes en 19C~ et fabricant asservices à salaoea à Saint Ciauae.

La seuie exception à cette répartition géographique est i a "Cooperative artisari3ie jurassienne" qui se trouve a Lor.s Le Eaunier.

En 1943 Saint Ciauae est aussi ¡e siege de la pius grosse coopérative de consommation du département: "La Fraterneiie". Elie possède 23 épiceries. E cafés. 3 boucneries à St Ciauae et dans ies viiiages environnants. Son siege est un immeubie dont eiie est propriétaire, i i ser i te ses buraux et son café, ¡e cinéma ae ¡a maison au peupie. des ssiies ae conférence, une cibiiotheque et des entrepots, le siège ae ¡a société sportive La Prolétarienne et du cercie chora i de la Maison du Peupie tArchives Départementales du

Jura. Mp 25J>

Ces formes coopérât ives de production ne sent pas ¡'apanage au monde artisanal et inaustriel. La production fremagère se fait au sein ces fruitières cans lesqueiles"¡es éieveurs sont associés. Cette forme ae coopération suscitera c'ailieurs nomore de réflexions et d'écrits de ¡a part de théoriciens socialistes jurassiens comme Wladimir 3agneur ou Ma:-: Suchen. de montagne 1'exemple de i a manufacture nétércgéne. En effet à ia fin du XVII le siécie. avec is decomposition ou metier d'horioger en de nomcreuses special iteí, i'nor logerie prend la forme d'une manufacture et : "De produit indiviouei d'un ouvrier inoependant faisant une fouie de choses. ¡a marchandise cevient ie procuit social d'une réunion d'ouvriers dont cr.acun n'exécute constamment que i a même opération de detail" >. î'isrx iSEE:

5. Famille, politique et religion Si gestes techniques et organisation scoiaie oe ia production peuvent historiquement caractériser l'arc jurassien, i'organisation famiiiaie. ¡es cpinicns pciitiqu.es et ¡es sentiments religieux sent égaiement des indicateurs oe comportements particuliers.

Dans ie département ou Dcubs un certain ncmere oe ces traits tendent également à opposer "mcntagnc.ns" et Habitants ae is ciaine. Le Haut Dcubf est caractérise par une sociabilité centrée sur ¡a famiiie. 5e;on une enquête ae géographie sociologique, en 195C 5ZS ces gens reçus appartiennent au cercle famiiiai contre 25?° dans ie Bas-Fays: 17h des gens ont ieur parente proche contre 157= cans ie Bas-Fays. De i a même manière ie Haut Doubs vote pi us à oroi te que ia Eas-Fays à i'exception de certaines viiies industrialisées comme Le Russey. Morteau et Maicne dont ie vote a gauche est pi us important. Aux élections de 19=1. seuies une vingtaine de communes ont donné i a majorité a Mitterand aiors qu'une centaine ont voté à plus de 70* pc'ur V'aiéry 5iscard d'Estaing. Cette coupure politique entre ia plaine et ¡a montagne percure depuis un siecie.

Au XVi iie siècle, ie Haut Doues fournit oeux reís pius de séminaristes que ia piaine. Cette orientation restera particulièrement forte aux cones ae contact suivis 3vec ia Suisse c'est a dire dans ia cone horlogers de Morteau. Ma:che et Le Russey.

Michèie Baiitot donne i'organisation famiiiaie XI i

jurassienne comme origine de ¡ 'organisation de la production fromagére. Avec ie système de ia mainmorte. i i est fait obligation oe résidence a l'héritier a partir du XI ie sièoie. Sans ceia ¡es terres et ce qui s'y trouvait revenaient au:-: féodaux. Far exemple dans ia terre oe 5aint Cisuoe. un fils marié qui sort de i a maison de son père pour habiter chez son épouse perd au bout d'un an et un jour son droit a l'héritage. Ce système de ¡a mainmorte a connu une granee durée et une grande étendue en Franche Comte. 51 ie s'est par t i eu 1 i èrement déve i oppee dans 1 es i oca i 1 tés qu i cépen dent oes grano.es abbaves comme cei ies oe Luxeuii ou Eaint Ciauoe. ¡i est donc fait obligation de vivre et oonc oe precuire ensembie. De i a même maniere, ce système fixe ie pavsan a sa' terre ou*i i ne peut quitter sous peine ae ia perdre, ii est vrai que l'on retrouve i a d'une part une certaine homoiogie structurale entre ce système et ceiui des fruitières organe collectif oe proouction qui iui aussi fixe ie paysan sur place. Enracinement et formes coiiectives de travail pourraient donc expliquer en partie le développement d'une production à domiciie de biens non agricoles dans ie cadre du groupe familiai.

Ce système de la mainmorte qui dura pour certaines parties ou territoire jusqu'à ia Revolution Française a sans aoute eu pour autre effet un nivei iement économique et une ¿imitation du oéveieppement de ia oourgeoisie. nu XiXe siècie. i*industrie sanciaudienne reste marquée par un financement avant tout iocai. faibie et assure par oes XII i entreprises farniiiaies.

6. Des traditions techniques différentes A coté des ressources traditionnel i es cornue i'inoustrie du bcis avec ie sciage. ie Haut Doues a une traoition du travail du fer qui est attestée au moins Depuis ¡e Moyen Age. Cette qualification sera a i'oeuvre par exemple dans i a fabrication d'outiis taillants mais on peut aussi ¡e penser dans ie domaine de i'horlogerie. De i a même manière ie travail des iunettes est bien évidemment liée à i a petite métallurgie. Far contre ia région de Eair.t Ciauoe et de HoIrans en Montagne s'est spécialisée dans ie Domaine de ia tai iie des pierres et dans ie travail du bcis.

Par delà cette différence, oes deux Dernières traditions techniques se rejoignent avec ie céveioppement de l'incustrie plastique qui depuis ies années soixante-Dix reaiise oe plus en pi us de iunettes ou de jouet à partir à^: façonnage des polymères ae sunthèse.

Cependant l'ensemble ce5 activités de l'arc jurassien reste marquée par ie travail ae la mécanique et ou meta i. C'est évident pour tout ce qui concerne ies parties métal¡ioues de ia montre ou oes iunettes. des montres :•: i v

7. Ruptures et continuité d'un milieu technique Four tenter ce cerner 1'univers technique supposé homogène de i'arc jurassien, nous avons essaye de ie décrire à travers ¡es critères de recrutement et de structuration rami i laie, de mode de constitution au capi tai. de i a piaze de ¡a CFAü. du roie eu travail a domicile, oes reseaux techniques de sous-traitance, des réseaux de Distribution.

Piutot eue de repérer des emprunts techniques a travers la description de systèmes techniques au sens étroit ^procédés d'action sur la matière et savoir faire en usage; nous avons pris en compte ¡es rapports sociaux qui s'établissent a l'occasion de ia production et avons tente oe voir si un changement technologique foncamenta: comme celui de l'introoucticn du quarte ou ou plastique est concemmittant d'autres variations dans i es variables retenues.

L'INDUSTRIE DU JOUET DANS L'ARC JURASSIEN

Hervé BAULARD

PXJA.N

INTRODUCTION

Importance économique de l'industrie du jouet dans l'Arc Jurassien. Spécificité des cantons

A - Histoire économique et sociale

I - De la tournerie au jouet Io) Un artisanat d'origine religieuse 2°) Traits caractéristiques a) Le négoce b) Statut des tourneurs c) L'influence déterminante de St Claude 3°) Moirans, capitale du jouet a) Spécialisation par village b) Les bases de l'industrie : 1890-1930

II - L'industrie du jouet : 1935-1991 Io) La mise en place des usines : 1935-1991 2 °) Le rôle des mécaniciens 3°) L'ère du jouet plastique

III - Présentation des entreprises 1°) Typologie 2°) Parcours de 5 entreprises modèles B - Rupture et continuité dans un milieu technique P

Présentation : spécificité de la profession Problématique I- Des conceptions de l'entreprise 1°) Les dirigeants 2°) Organisation du travail et rapports sociaux a) Ressources humaines b) Sous-traitance et intégration c) Topographie et production 3 °) Structures coopératives et groupements commerciaux 4 °) Rapport à 1'argent a) L'autofinancement, une règle b) Entrée en Bourse et succession II - La représentation du produit Io) L'option jouet 2°) La diversification III - Approche d'un milieu technique Io) Flexibilité des processus techniques a) Innovations b) Les erreurs c) La surreprésentation de la technique 2°) Entre discours localiste et délocalisation

CONCLUSION

BIBLIOGRAPHIE ANNEXES 1

Introduction

Importance économique de l'industrie du jouet dans l'arc jurassien.

Si la se présente comme un des leaders mondiaux de cette industrie avec le 4e rang en ce qui concerne la production, (derrière les Etats-Unis, le Japon et l'Allemagne), elle arrive en tête des pays européens consommateurs avec 1540 F par enfant, par an en 1989. (Sources : Fédération Nationale de 1'Industrie du Jouet)

Le Jura est une zone où la concentration des entreprises est remarquable, environ 40 % des jeux et jouets français y sont produits. En incluant la région RhÔnes-Alpes, on atteint 50 % de la production (sources Fédération Nationale des Industries du Jouet), (voir liste en annexe n°l)

Sur les 180 entreprises françaises productrices de jouets (employant 12 000 personnes directement et 20 000 indirectement), 65 % d'entre elles sont des P.M.E. 21 entreprises emploient plus de cent personnes. Il est donc intéressant de voir que les entreprises jurassiennes comptent parmi les premières. En effet, si l'entreprise Majorette installée à Lyon est en tête des fabricants, on voit Smoby (Lavans-les-Saint-Claude) et Berchet (Oyonnax) s'octroyer les 2e et 3e places. D'autres entreprises font preuve d'un certain dynamisme économique en se cotant sur le marché boursier de Lyon : Majorette au comptant, Smoby, Clairbois, Monneret au second marché, Jouef en hors cote.

Globalement, l'arc jurassien réunit une vingtaine d'entreprises (de plus de 10 salariés) installées dans le département du Jura (Moirans occupe une place de choix avec 10 % de la production nationale) et une dizaine dans l'Ain, plus particulièrement autour du pôle industriel qu'est Oyonnax.

Leurs productions sont axées essentiellement sur les matières plastiques (91,5 %), il demeure cependant quelques entreprises du Jura employant en moyenne 50 salariés qui ont conservé le bois comme matière première. Ce sont L'Arbre à Jouer, Jeujura, Vilac et Paris. 2

Entreprises du Jouet de plus de 10 salariés dans le département du Jura et le Nord de l'Ain (chiffres d'affaires en millions de francs)

Canton de Moirans- en-Montagne

Maisod Saint-Germain-en-Montagne Pipo-Educalux ( Jeujura Champagnole"

Saint-Laurent- VougtanSj Charton \ en-Grandvaux L'Arbre à Jouer&g&x

Delavennat V Oyonnax

CARTOGRAPHIE : BEATRICE COLIN 1992 3

L'artisanat du jouet en bois représente une trentaine de petits établissements qui travaillent pour la plupart en sous- traitance pour les PME (le jouet n'étant alors qu'une de leurs activités) mais quelques uns ont su développer leurs propres gammes. Chiffres d'Affaires et nombre de salariés des principales entreprises en 1990 : (Sources : Chambre de Commerce et d'Industrie LONS ; Maison du Jouet)

(CA en M0.de F) Nb. salariés * Département du Jura : SMOBY 322 607 Monneret 152 250 Charton 120 215 Clairbois 120 180 Groupe Jouef 64 162 * Département de l'Ain : groupe Berchet 271 350 Falquet 49 80 Delavennat 70 80 Ecoiffier 85 36

- Spécificité des cantons, (cf carte) (Sources INSEE 1982)

Par cette rapide présentation, nous allons situer les cantons qui sont concernés par le jouet afin de mieux appréhender leurs caractéristiques géographiques, démographiques et économiques. Ces données de base autoriseront une meilleure compréhension des relations entre les bassins tant aujourd'hui que dans le passé.

Les cantons de Moirans, et Saint Claude sont situés dans les zones nommées "petite montagne" et "région des lacs" dans le sud du département du Jura. Ils recoupent la zone où la tournerie était pratiquée. Le canton d'Oyonnax, connexe aux précédents, se situe dans le département de l'Ain. Cette frontière départementale ne constitue pas en soi un véritable obstacle quant à la transmission des techniques et des idées comme nous le verrons plus loin.

Champagnole et Saint Laurent, excentrés par rapport à la région où foisonnent les entreprises de jouets ont vu, malgré leur relatif isolement, quelques "maisons" de jouets dont Charton, Jouef et Giraud Sauveur qui compte parmi les plus anciennes. CARTE DES CANTONS (Source Chambre de Métiers)

MontmireVGendrey

Dampierre i

* Le canton d'Arinthod, ancien grand centre de tournerie est localisé entre 400 et 600 m d'altitude. Il possède une faible densité : 17 habitants au km2 et sa population a diminué de moitié depuis la fin du siècle dernier (1700 ha). C'est essentiellement un canton agricole et artisanal. * Situé sur des plateaux légèrement plus élevés, entre 600 et 800 mètres, le canton de Moirans a réussi à conserver sa population depuis le début du siècle (5121 habitants au dernier recensement) soit 40 habitants au km2. Ce canton économiquement plus dynamique est orienté d'abord vers 1 ' industrie puis vers 1 ' artisanat ( relative forte proportion d'artisans à Moirans : 5 % ). On compte 52 % d'ouvriers et 39 % d'ouvriers qualifiés par rapport à la population active. * Avec le plus faible taux de chômage du département du Jura, la canton de St Claude est fortement industrialisé, 70 % de la population active (20812 habitants) est employée dans l'industrie, et plus particulièrement dans le secteur de la transformation des plastiques. * Champagnole, fière de ses 13000 habitants, possède deux importantes entreprises de travail des métaux et une solide tradition de fabrication de meubles : soit 20 entreprises artisanales et une entreprise de 400 salariés, Sanijura (spécialiste de meubles de cuisine). * Le canton de Lons s'est focalisé depuis longtemps dans la filière lait comme l'indiquent la nature de la production des deux plus grosses entreprises (200-499 salariés) Bel et Grosjean. Puis viennent trois fabricants de lunettes excentrés par rapport au pôle de Morez et un fabricant de jouets, Monneret (100-199 salariés). * Oyonnax réunit une pléthore de petites entreprises : 130 pour les produits de consommation, 55 pour les lunettes et 76 sont spécialisées dans la fabrication des moules. Ce qui ne dément pas 1'appellation dont cette zone s'est affublée, la "Plastique Vallée". Ce milieu de petits patrons indépendants côtoie quelques grosses entreprises dans le secteur plastique tel Rhone Poulenc, Manducher ou Grosfillex. La population active y est plus élevée proportionnellement (50,2 %) que dans les autres cantons.

Le proportion d'étrangers salariés est une donnée très importante dans certains cantons 8,3 % pour Moirans, 11,5 % pour Saint Claude et 25,7 % pour Oyonnax. Parmi ceux-ci, les pays d'origine de ces salariés les plus fortement représentés sont le Portugal, le Magreb et la Turquie. Leur implantation dans la région débute dans les années 60. 6

Démographie

En ce qui concerne le département du Jura, les villes tel Saint Claude, Champagnole et Lons le Saunier ont vu leur population croître proportionnellement à la désertion des campagnes environnantes. Elles ont doublé entre 1836 et 1901. Si on enregistre une forte dépopulation du département, 30 %, pour le département, la région montagneuse n'en conserve pas moins sa population. "La crise de l'agriculture a provoqué une émigration rurale due en partie à l'infériorité des salaires, au développement du commerce et de l'industrie, à l'extension des voies ferrées facilitant les déplacements..." (Chevrot, 1901:62) Cette dépopulation est parallèle à l'accroissement des habitants dans les villes ce qui signifierait qu'une partie de la main d'oeuvre paysanne ait été intégrée dans les centres industriels tels que Saint Claude et Oyonnax. Un exemple sur un petit village proche de Moirans nous conforte dans l'hypothèse de ce transfert. "A Etival, depuis une trentaine d'années se sont implantées la tournerie et la fabrication des jouets qui accaparent les bras perdus par la culture". (Abbé Berthet, 1958 : 50)

Echanges La carte des flux de circulation établie par Demouges en 1966, malgré son caractère quantitatif, nous donne un aperçu des échanges entre les bassins. Ainsi, Moirans et Saint Claude ont plus d'opportunités avec Oyonnax et se dirigent d'avantage vers Lyon, ce qui persiste encore aujourd'hui. Saint Laurent - Morez profite de sa proximité avec la frontière Suisse, quant à Champagnole, il semblerait utiliser l'axe Besançon - Lons ou la N5 pour rejoindre Dole. Depuis, deux axes se sont fortement développés, celui de Moirans-Lons et celui de Saint Laurent-Champagnole (sources Direction Départementale de l'Equipement du Jura 1988). "L'industrie jurassienne semble avoir eu dès l'origine deux débouchés : la satisfaction des besoins locaux, l'exportation vers les plaines voisines"(Daveau, 1959 : 409). Malgré le relatif isolement qui a été une difficulté pour le développement de l'industrie, on constate que les habitants (dès 1776 selon M. Daveau) et les autorités locales ont toujours porté une grande attention quant à l'entretien des voies de communication. Pour aller au-delà, 11 faudrait aborder les relations entre les vallées à partir des échanges de produits, et analyser les données que peuvent fournir les transports routiers ( moyen le plus usité par les industriels aujourd'hui ), ferroviaires ainsi que l'échange de télécopies. Ceci nous permettrait d'établir une zone d'interrelations significative. On peut, après ce bref panorama, s'interroger sur les origines de cette industrie si spécifique et mettre en exergue les facteurs qui ont contribué à son développement. 8

Carte des flux de circulation en 1966 (sources A.Demouges)

CHJON

NEUCHATEt,

LEGENDE

de 375à 750 véhicules Ja de 750 à 1500

>> NYON de 1500 à 3000 %•

plus de 3000

L¡. BOURG "^GENEVE 9

Carte des flux de circulation en 1990 (sources IRADES 1992)

L'axe du Doubs (autoroute et Vauvilan ensemble N 83-N 73)

SI accueille en Franche-Comté Lux au r OmtruçnfÀ le trafic le plus dense

Port-i-Saon« ConooautonuineV

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Si-Laurent Taux movant joumaiars / ——• 1 000 vahailafjour Ctairvaux iMorez ' 2 000 vahcuwc/jour Oipetet 5 000 véhtoulaciour

F Si Amour 10 000 véhiail«*/)Our St Claude 20 000 véh*oulac/)our A - HISTOIRE ECONOMIQUE ET SOCIALE

I - De la toumerle au jouet Io) Un artisanat d'origine religieuse Défrichée depuis le Ve siècle, sous l'impulsion des moines, la terre de St Claude a vu s'installer des paysans qui ont occupé progressivement les vallées et les montagnes. A. Billerey (1966 : 28) relate l'histoire de Saint Oyend qui joignait aux diverses prières et lettres d'exorcisme, des reliques destinées aux guérisons "à distance". Avec le nombre croissant de pèlerins, les moines bénédictins lors de leurs séances de travail manuel se consacrèrent à fabriquer après 510 des objets de piété en buis tourné (principalement des chapelets). Le buis se trouvait alors en abondance dans les environs. Pendant tout le Moyen-Age, ces pèlerinages prirent de l'ampleur et l'essor de la tournerie évolua proportionnellement à l'aura de l'abbaye de St Claude. Selon un auteur anonyme, on aurait compté 20 000 pèlerins lors des grandes fêtes à la fin du XIle siècle. Deux siècles plus tard, Moirans qui possédait une puissante industrie textile et commerçait avec Genève et la plaine du Léman fut définitivement éclipsée par l'autre centre industriel actif qu'était Saint Claude. Un passage du Dictionnaire des communes de Rousset (T.II p219) révèle qu'au XlVe siècle les ouvrages sur tour s'exécutaient déjà avec une certaine perfection. Les moines avaient alors perdu le monopole de la tournerie puisque bon nombre d'habitants de St Claude s'étaient mis à travailler le buis et produisaient des objets profanes tels que cuillères, fourchettes, écuelles, sifflets...

Saint Claude avait alors trouvé la technique qui allait faire sa richesse. Comme le fait remarquer F.Cheval (1989 : 4), on retrouve un phénomène similaire à Notre Dame de Liesse dans le Laonnais au début du XIXe siècle où la tournerie résulte également d'un pèlerinage. Aussi, on pourrait avancer l'hypothèse soumise par D'Allemagne (1900 : 85) comme quoi la fabrication des jouets correspondrait au contentement des enfants qui accompagnaient les pèlerins. "En ces temps de fervente croyance, les pèlerins amenaient avec eux leur famille et, si les parents s'empressaient autour d'objets répondant à leurs religieuses aspirations, les enfants recherchaient ceux qui convenaient à leur âge et à leurs goûts, et qu'une industrie consciente des appétits humains disposait adroitement sur leur passage". 11

S'il y avait déjà eu des apports de main d'oeuvre au XlVe siècle en provenance du Chablais et de Genève, St Claude voyant sa population doubler entre 1700 et 1750 (atteignant ainsi 4000 habitants) était devenu un "véritable foyer d'émigration". La révolution est une véritable catastrophe pour la région mais cette période de crise va permettre un "rajeunissement" des activités du pays. La fin des pèlerinages va sonner le glas pour les objets de piété. Dès le XVIe siècle, les anciennes industries s'avérèrent insuffisantes pour nourrir les habitants de la ville de St Claude et des environs, d'où le développement fin XVIIIe des grandes industries qui allaient perdurer aux XIXe et XXe siècles. Les tourneurs, dès lors, diversifièrent leurs matériaux en travaillant l'écaillé, l'os et la corne. L'avènement des industries de luxe telle la taille des pierres précieuses, la fabrication des tabatières et des pipes vont permettre de développer le sens du négoce particulièrement à St Claude, où tous les articles fabriqués par les campagnes environnantes étaient centralisés.

2°) Traits caractéristiques a) Le négoce En terme d'échanges de produits et de diffusion des idées, il ne faut pas négliger le rôle primordial des rouliers de la montagne dont les plus connus étaient les Grandvalliers de St Laurent et du voisinage qui sont cités dès 1670. On les retrouvera "sous le Second Empire assurant des transports pour le compte des armées". (Chambard 1914 : 136) Ce sont eux qui rompirent le carcan de 1 ' économie fermée en transportant en petits convois de 15 à 20 voitures chargées d'objets de tournerie, d'horloges, de lunettes, de pipes et de fromages dès que l'hiver arrivait. "Lons le Saunier était leur principal entrepôt et leur première étape puis ils s'en allaient vers Paris, Lyon, Bordeaux, Nantes ou Marseille" (Billerey, 1966:51). Ils ramenaient des produits de consommation tels que le vin, le café, le sucre, les épices et les soieries. "Genève, au contraire des villes de la plaine, n'exerce qu'une faible attraction et seulement sur la haute montagne car il est plutôt un concurrent qu'un client"(Chambard 1914:136). Il semble qu'ils aient fait quelques émules parmi les habitants comme nous le confirme ce même auteur : "Parfois à Morez, à St Claude, un ou plusieurs habitants réunissaient la pacotille disponible et partaient la vendre... on se contentait de la balle du colporteur remplie de lunettes, de pipes, de montres, de tabatières, de bijoux. Le Morézien réparait en passant les horloges ou les pendules vendues les années précédentes". Ces longs voyages permirent d'écouler les productions de la montagne jurassienne et probablement de ramener des idées nouvelles et d'acquérir un esprit d'ouverture aux nouveautés. Selon Mr. Billerey (1966:52) c'était une sorte de deuxième "pèlerinage" en sens inverse par l'importance de ses conséquences commerciales pour la ville et les campagnes environnantes.

b) Le statut des tourneurs par rapport aux évolutions techniques Le statut des tourneurs était éclaté avant l'industrialisation, depuis il a beaucoup évolué du fait des inégalités dans l'approvisionnement et dans l'utilisation des sources d'énergie. A la fin du XVIIIe siècle, le simple tour à archet fut remplacé par le tour à roue afin d'améliorer la production (la roue étant actionnée par le marchepied ou la pédale ). Cette nouveauté technique n'engendra pas de modification pour les tourneurs des communes rurales qui pratiquaient 1'élevage et la culture. Le statut de double actif semble être une constante des artisanats qui ont précédé les industries dans 1 ' arc jurassien. Cependant, ces paysans tourneurs dans les communes rurales se différencient des tourneurs de la ville de St Claude par leur organisation du travail et leurs motivations. Ainsi, en 1799 St Claude comptait 50% de tourneurs (dont un tiers étaient des "artisans municipaux"), le reste des ouvriers se répartissait entre les secteurs du textile, de l'horlogerie et du lapidaire. En l'an IX le sous préfet de l'arrondissement de St Claude note les différences dans l'organisation du travail des tourneurs. "Une seconde différence se remarque dans la composition des ateliers à la ville : un chef, ordinairement attaché à un ou deux genres d'ouvrages, réunit dans son domicile des compagnons et des apprentis ; ils occupent, l'un compensant l'autre, chacun quatre ouvriers et travaillent toute l'année. Les tourneurs des communes rurales travaillent en famille, et pendant la saison morte des travaux champêtres seulement." Ils renvoient à la ville leurs ouvrages bruts pour y recevoir les préparations qui les rendent propres au commerce. Ce sont des étuis à poudre, à mouches, à savonnettes, des bilboquets, etc.." (cité par F. Cheval 1989:5). A partir de 1830, l'énergie hydraulique va actionner les tours à bois. La roue des moulins de l'époque peut actionner un arbre de 15 m. et une multitude de tours à bois. Cette révolution va provoquer une concentration des tourneurs et annoncer le déclin de l'atteler familial. Les premières usines étaient nées et avec elles, le statut d'ouvrier tourneur. Ce passage ne fut pas sans résistance, le machinisme synonyme de bas salaire et de cadence plus rapide pour les paysans- tourneurs signifiait aussi la perte de leur indépendance. On notera également un fait majeur révélateur de la mentalité de 1'époque : les tourneurs réunis dans le même atelier étaient ainsi obligés de montrer les techniques de fabrication tenues secrètes jusqu'à présent. Ces "astuces" souvent issues du milieu familial leur permettaient de tourner des pièces de meilleure qualité en un temps restreint. Au début du siècle, 1'electrification de la région commença et cette nouvelle source d'énergie se substitua progressivement à la force motrice de l'eau. Les problèmes de gel et d'assèchement des rivières étant écartés, la production devint plus régulière. Du même coup, la location de la "place au tour" dans les ateliers ne fut plus obligatoire et cela permit aux tourneurs des hameaux et des villages de recouvrer leur autonomie en utilisant le moteur. Ainsi, le travail à domicile redevint prépondérant permettant aux paysans un salaire d'appoint (qu'imposaient les conditions médiocres du milieu) ne nécessitant ni capitaux, ni aménagement spécial de la maison. "L'électricité a enfin perpétué les vieilles structures économiques et sociales freinant la tendance à la concentration en de vastes usines" (BILLEREY, 1966:218). A ce moment là, la règle était l'atelier familial avec le simple tour et quelques outils (fraises, gouges, ciseaux) affûtés par le tourneur lui- même. Cependant, de petits ateliers se sont crées (dans les communes de , Cernon et Montcusel, certains perdureront jusqu'en 1970) où on loue la place au tour comme dans les moulins; c'est aussi à ce moment que naquirent des usines équipés de machine- outils comme c'est le cas à Dortan, capitale mondiale du jeu d'échecs. En 1903, la création de sociétés coopératives (à Lavans-les- Saint Claude et à Moirans) furent des réponses à la demande croissante et à l'emprise des négociants. Sous le nom de "Tournerie Ouvrière", elles réunissaient des ouvriers ayant chacun une part active dans la société. "Un élément va permettre ultérieurement la fondation de l'industrie du jouet : la maîtrise du produit par le fabricant lui-même, de l'approvisionnement en matière première jusqu'à la vente de ce produit aux grossistes. C'est en cela que la tournerie "traditionnelle" ne pouvait, seule, accéder à ce moment historique ; elle ne pouvait dégager de surproduit indispensable à la constitution d'un capital"(CHEVAL,1989:6). c) L'influence déterminante de St Claude Comme le fait remarquer fort justement F. Cheval, on ne pourra comprendre la structuration des entreprises et leur organisation évolutive qu'en observant certains traits spécifiques de l'artisanat de St Claude. Au milieu du XIXe siècle, St Claude se détourna de la tournerie sur bois, activité dans laquelle excellaient les communes de montagne, pour se consacrer à des activités plus lucratives : fabrication des pipes, finissage et décoration des tabatières (ivoire et nacre) jusqu'à la bimbeloterie d'art. C'est ainsi que Moirans, ayant pris le relais de St Claude, devint le grand centre de tournerie sur bois. En 1791, il n'y a alors qu'un seul des 68 artisans payant patente qui se déclare comme tourneur. A Moirans, "ce développement se fit parallèlement à la disparition de la filature anglaise de coton qui existait depuis 1789 et occupait 30 à 40 ouvriers en 1801, 70 en 1846 mais n'existait plus en 1914" (CHAMBARD,1914:111). Toute la région avoisinante s'occupait de tournerie dans un rayon de 30 km autour de Moirans. Arinthod par ses ressources forestières fut également un centre actif ; on n'y comptait pas moins de 9 tourneries et 200 ouvriers et ouvrières confectionnant robinets, bouche-bouteilles.. .etc. "L'existence ultérieure de l'industrie du jouet va reprendre à son compte plusieurs caractéristiques san-claudiennes : la concentration en ateliers, l'appel à la sous-traitance, la constitution d'un capital fort pour les immobilisations et une attitude permanente à l'innovation technologique, tant dans le domaine du machinisme que dans le choix des matières premières."(CHEVAL,1989:5)

3°) Moirans, capitale du jouet

a) La spécialisation par village. La carte de répartition des spécialisations montre nettement que chaque commune, à la fin du XIXème siècle, tout en couvrant une gamme large de produits, s'affirme par un produit particulier : "De père en fils, on tourne le même article, on connaît toutes les ficelles du métier. La variété des objets tournés est alors infinie dans la région : articles d'utilité courante, comme manche d'outils, robinets, porte-manteaux et surtout les jouets : quilles et toupies, jeux de croquet et de bilboquet, jeux de dames et jeux d'échecs, trompettes et sifflets" (Billerey,1966 : 74). A cette lite, il convient d'ajouter le fameux "bibi"(sifflet) dont Moirans fut le fournisseur mondial dès 1865 et qui ne fut détrôné que par la mode du yoyo en 1936. 15

Carte de répartition des spécialités par village à la fin du XIXo siècle, (sources D.Gagneur 1989 , Maison du Jouet)

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^ucc 7- b) Les bases de l'industrie du jouet : 1890-1930

Dès le XVIIe siècle, le marché français du jouet a été tributaire de la production allemande, que ce soit pour le jouet, la bimbeloterie en bois ou le jouet de carton. "Les produits de la Forêt-Noire se présentaient sur tous nos marchés avec la certitude complète qu'aucune fabrication française ne pourrait les supplanter, surtout sous le rapport de la modicité " du prix de revient.(...) La réputation de la fabrication parisienne a toujours été notoire, aussi bien pour les jouets que pour les articles de goût. Il a fallu s'adresser à la province pour obtenir une production à bon marché, qui était surtout utile pour les amusements des enfants.(...) Pour être sincère, il faut avouer que la plupart des modèles avait empruntés à nos voisins, et qu'au début on se contenta de les copier..."(D'ALLEMAGNE,1900 : 143) Comme on le voit, Moirans ne fait pas preuve d'une grande créativité dans sa production (si ce n'est dans la décoration pratiquée par les rubanneuses) et il faudra attendre les années 30 et 1'essor de 1'industrie pour que 1'ingéniosité des techniciens s'applique au jouet lui-même. Jusque là, l'industrie de jouets de Moirans va se référer au modèle allemand. Selon M. Burckhardt (1987 : 14), la structuration des entreprises serait un des facteurs prédominants à cet état de fait. "L'essor considérable de la fabrication allemande a été possible grâce au pré-financement par les banques, des commandes de Noël, reçues à Leipzig en mars, facilité dont ne bénéficiaient pas les fabricants français qui manquaient ainsi des moyens financiers susceptibles de leur permettre de se développer". Le système bancaire allemand avait su s'organiser pour répondre à l'attente des industriels. Les capitaux nécessaires à l'industrie moirantine seront réunis par quelques négociants (dont René Dalloz, André Monneret et Edmond Grandmottet) qui seront durant la période 1890-1930 les intermédiaires entre les tourneurs et les maisons parisiennes dont le Comptoir de la Bimbeloterie. Héritiers des rouliers de la montagne, ils échangeront les produits de boissellerie- tournerie et rapporteront le vin, la farine ou le sel dans le canton. "Parmi les premiers fondateurs des entreprises de jouets, on trouve aussi les petits entrepreneurs de tournerie qui se spécialisent en fonction de la demande de plus en plus pressante (Liégeon, Lorge...)(...). Faisant souvent appel à la sous-traitance d'autres artisans (menuisiers...), habitués à l'opération de l'assemblage et surtout à la conception de cette opération, ils formeront plus tard un type d'entreprise moyenne"(CHEVAL, 1989 : 10). Moirans malgré son fort attachement historique à St Claude va s'autonomiser non seulement Industriellement mais aussi commercialement. "Son domaine comprend des villages, qui, dans le passé, se trouvaient sous l'étroite dépendance de Saint-Claude : Les Ronchaux, Etival, , Villard-d'Héria et Pratz. C'est donc sur toute sa périphérie que l'ancienne zone d'attraction de Saint-Claude subit de sensibles amputations. Oyonnax mord vers le Nord jusqu'aux approches de Lavans-St Lupicin. Morez a canalisé vers elle les ouvriers de , de Lézat, de (BILLEREY, 1966 : 218). II - L'industrie du jouet 1935-1991

Io) La mise en place des usines : 1935-1945 La production jurassienne va se diversifier sous l'impulsion de personnages tels M.Dalloz à Moirans puis d'André Monneret à Villard-d'Héria. C'est l'époque des premiers jouets "complexes" comme le camion de pompiers et ensuite des premiers baby-foots en bois et autres seaux de plage gui connurent un grand succès dès que les congés payés furent octroyés. La maîtrise des matières plastiques de synthèse (celluloïd...) et une demande croissante vont permettre à d'autres entreprises de produire des jouets. Les maisons Breuil de Lavans, Mayet et Rey de St Claude ou Convert d'Oyonnax vont adjoindre à leurs productions d'articles de bureau, de toilette, d'appareillage électrique, de lunettes... des poupards et autres ballons. Les presses à compression et surtout à injection firent leur apparition en 1930 ; les plus renommées (Cretin) seront commercialisées à Oyonnax en 1935. Deux éléments majeurs interviennent à ce moment : la concentration de la production et la modernisation du parc des machines. "L'autofinancement est de règle chez ce patronat. Il est mis en priorité au service de la modernisation de l'équipement général (énergie, stockage), de l'outillage et des techniques. L'atelier ne correspond plus aux nouvelles donnes. Le jouet complexe, même à cent sous, impose l'usine et son corollaire, le salariat".(CHEVAL, 1989 : 11) Cette nouvelle structuration des entreprises va impliquer une déqualification du travail à domicile et amener les artisans tourneurs à intégrer progressivement les usines qui s'étaient équipées de défonceuses , de scies à ruban et de rotatives (qui existaient depuis 1920) qui étaient conçues par des mécaniciens de la région : Millet et Monneret. L'introduction de ces nouvelles machines auront des répercussions directes sur les conception et les formes des jouets. "De cette époque date la place privilégiée qu'occupe "le mécanicien" dans l'entreprise du jouet (il en sera de même pour la lunetterie), chargé non seulement de 1'entretien de la machine mais aussi de sa fabrication, si ce n'est, ultérieurement, de sa conception" (CHEVAL, 1989 : 13). 2 °) Le rôle des mécaniciens dans les mutations technologiques

Si on lit souvent dans les ouvrages concernant les industries régionales, des références au "génie jurassien", il semblerait, si on veut tenter d'appréhender cette notion, qu'il faille se tourner vers les mécaniciens. En effet, ce sont ceux qui ont eu les capacités à assimiler les nouvelles technologies et qui vont développer une forme de pensée qui, appliquée à leurs besoins, va donner naissance à des mécanismes innovateurs ou à des améliorations de l'outillage. Quelques exemples illustreront ce propos : fabrication fin XVIle d'une voiture en carton à mouvement d'horlogerie, création d'un tour à percer les branches de lunettes à Oyonnax, mise au point des rotatives en 1936 dans la région de Moirans...etc. L'investigation des brevets déposés à la Préfecture du Jura devraient nous en donner d'autres. Selon F. Cheval, cette connaissance de la mécanique et ce goût de l'invention proviendraient de l'immigration des artisans suisses apportant les techniques de l'horlogerie au XVIe siècle et de l'industrie lapidaire (introduisant un art sophistiqué du tour) au XVIIIe siècle. De telles affirmations demanderaient à être étayées par un travail d'archives approfondi. Mais au-delà de cet aspect historique, nous pourrons nous intéresser au rôle que jouent les écoles (celles de Moirans, St Claude, Morez et Oyonnax) dans cette diffusion des techniques et dans cette capacité à innover. On peut citer plusieurs cas de fabricants ou de techniciens issus de ces écoles : R. Dalloz formé à l'école de mécanique d'Oyonnax, A. Monneret, mécanicien d'origine, a eu son premier contremaître formé à Morez ; pour l'entreprise Clerc, les- trajectoires sont les mêmes. D'autre part, la formation interne a été selon toute vraisemblance, un élément déterminant que nous étudierons pour la période comtemporaine.

3°) L'ère du jouet en plastique Si on associe généralement la matière plastique aux années 60, il convient de savoir qu'elle s'est propagée dès les années 50 pour le secteur jouet mais les techniques du moulage sont pratiquées depuis le début du siècle principalement dans la région de St Claude et d'Oyonnax qui deviendra la "Plastique Vallée". Dès 1880, l'os, le buis, la corne, l'écaillé, l'ambre et l'ivoire vont être remplacés par des matières de synthèse dans la fabrication de petits articles à St Claude. Ce sera d'abord 1'ébonite (fabriquée par une société coopérative de St Claude en 1910), la galalithe (caséine formulée) puis le rhodoïd et la bakélite après 1930. Oyonnax, cité du peigne en corne tournée (utilisée de 1830 à 1890) va substituer cette matière par le celluloïd (qui était acheté brut en Allemagne) qui permit de mouler à froid des formes plus compliquées. Le moulage à chaud de ce matériau sera utilisé dans la confection de hochets et de poupées. L'utilisation de ces produits de synthèse donna l'avantage considérable aux ouvriers et techniciens de se familiariser avec les techniques de moulage. Le polystyrène et le polyethylene les remplaceront à partir de 1958 et se généraliseront dans l'industrie du jouet. Demandant de très lourds investissements en équipement industriel et appelant une concentration importante de capitaux, cet essor des plastiques n'a été permise que par la demande extraordinaire des années 50-60 (permettant ainsi de rivaliser avec les productions américaines). La plupart des entreprises moirantines qui effectuent ce passage sont des entreprises de tournerie prospères qui vont, dès lors, s'étoffer rapidement. C'est également à partir de 1950 que l'on voit apparaître les centrales d'achat tel Monoprix et Prisunic qui vont modifier considérablement la distribution au niveau national.

Il est surprenant que les entreprises de St Claude aient marqué un temps de latence (1935-1945) avant d'adopter l'injection de plastique. Cette hésitation leur fit perdre l'avance qu'ils avaient pris en maîtrisant rapidement la technique du moulage par compression. Selon A. Billerey (1966 : 115), ce retard serait "probablement dû à ce que la tournerie jouissait d'un grand prestige dans cette région où elle avait atteint un rare degré de perfection".. En 1946, on n'enregistre que 40 mécaniciens à Oyonnax, ce qui apparaît comme révélateur de la pénurie dans cette catégorie d'emploi. Ainsi les entreprises étaient dans l'obligation de les former eux-mêmes, vu l'absence de formations pratiques (écoles et centres de formations d'apprentissage). (Billerey, 1966 : 200)

En 1958, Oyonnax va concurrencer sérieusement le pôle industriel de Moirans en ce qui concerne le jouet. Par leur avance sur les techniques de moulage, bon nombre de petits patrons (1 patron pour 15 ouvriers à Oyonnax, contre 1 pour 159 à St Claude) vont se lancer dans le jouet : poupées, voitures, balles de ping pong...etc. Selon le catalogue national des jouets et jeux de France de 1953, on ne compte pas moins de 107 entreprises de jouets dans l'Ain sur 178 dans l'Arc Jurassien (cf annexe n°2). Mais l'effervescence passée, Moirans retrouvera de par la structure de ces entreprises son attribut "capitale du jouet". 21

"Le passage du bois au plastique n'est pas si révolutionnaire que ça puisque ce sont les mêmes personnes, techniciens, ouvriers, qui assurent la transition. Il y a eu "pompage de la mémoire technique de l'ouvrier mécanicien, du technicien, de son savoir-faire. Les personnes formées spécialement au plastique n'arriveront qu'après 65" (Lioger,1989 : 28). Les jeunes moirantins formés à l'école d'Oyonnax travaillèrent sur place l'écart des salaires s'amenuisant, ils revinrent à Moirans. Avec les années 60, on vit le développement de jouets volumineux obtenus grâce à la technique du soufflage. La création originale d'un groupement de producteurs jurassiens, Superjouet, va leur permettre d'accéder aux marchés étrangers et notamment l'Angleterre et l'Allemagne. Afin de pouvoir rivaliser avec les "géants" américains qui ont opéré une vague de concentration en 1980 les plaçant en tête de l'industrie mondiale du jouet, les entreprises de jouets durent s'adapter en se restructurant au niveau création de produits, organisation interne, capital financier (entrée en Bourse). Ils investirent au niveau technologique : conception assistée par ordinateur, rotomoulage, machines bois à commandes numériques. Cette dernière décennie marque également l'entrée des industriels dans l'ère du marketing et de la communication (publicité télévisée...) Ill - Présentation des entreprises

On tentera dans cette partie introductive de regrouper les entreprises de jouets en fonction de leur évolution historique, des choix opérés tant au niveau technique qu'au niveau du choix de produit. Cette typologie établie, on retracera l'historique de quelques entreprises qui, retenues dans le cadre de cette étude, ont été observées plus précisément.

1) Typologie Bien qu'étant imparfaite et schématique, cette vision sommaire nous permettra de comprendre quels ont été les cheminements des entreprises, les choix décisifs que leurs dirigeants ont effectué, leurs motivations et les raisons conjoncturelles qui les amenèrent à leur situation actuelle. Divers types d'entreprises se présentent dès lors dans l'univers industriel du jouet : "Deux techniques différentes qui vont être employées dans deux types d'entreprises aux passés différents. D'une part, les entreprises qui spécialisées dans le jouet utilisent le moulage par compression pour la fabrication d'éléments particuliers du jouet. D'autre part, des entreprises qui vont venir au jouet par souci de diversification de la production, en faisant directement appel à la technique de l'injection" (CHEVAL,1989 : 19). Et ce n'est qu'avec l'amélioration des matières premières que se réaliseront les progrès techniques. (Billerey,1966:193)

* Ancienne tournerie spécialisée dans la pipe puis dans les articles d'écoliers et de ménage en injection plastique, la maison Breuil a voulu diversifier sa production en optant pour le jouet. Dans les années 60-70, ils vendirent de grande quantités de petits jouets à 1 franc qui envahirent les paquets de lessive. N'était-on pas revenu à la tradition du jouet à 100 sous du siècle précédent ? Depuis, sa marque, Smoby, est reconnue et cette entreprise fait figure d'exemple dans l'industrie du jouet français.

Smoby représente un exemple en matière de "nouvelle entreprise de jouets" car elle est arrivée sur ce marché dans les années 60-70, grâce à la maîtrise technologique de l'injection et une volonté de développer son secteur jouets. Elle a atteint une taille que les anciennes tourneries devenues entreprises n'ont toujours pas atteinte. La société Berchet a suivi un itinéraire identique à partir de la tournerie sur corne pratiquée à Oyonnax. * Le second type d'entreprise est constitué par d'anciennes tourneries situées dans les cantons de Moirans et St Claude. Après avoir intégré quelques jouets de bois, elles surent se maintenir dans ce créneau et occuper une grande part de marché aujourd'hui. Le facteur dominant dans ce choix, selon A. Mercoiret (1990 : 171) semble être l'opportunité commerciale plus qu'une question de goût. A cela, il faut ajouter une forte demande qui n'était toujours pas assouvie et que les importations ne satisfaisaient pas. Celles qui ont su subsister, résister aux assauts du jouet en plastique dans les années 60, ont souvent développé des gammes originales de jouets bois (ex : Lorge, Paris, Vilac, dans la région de Moirans). L'entreprise Jeujura (Giraud Sauveur et Bazinet, ayant été respectivement rachetée et ayant fait faillite) dernière entreprise de jouets bois située dans le canton de Champagnole est une ancienne entreprise de boissellerie, passée à la tabletterie pour le jouet.

* Troisième type d'entreprise, celles qui ont effectué le passage du bois au plastique, qui ont su développer cette technologie avec réussite et prospérer : ce sont Favre, Lardy,. Dessoy et Clairbois (la marque de cette dernière a subsiste mais ne correspond plus à la production de jouets plastique ; elle signe néanmoins son origine). Dès 1950, Monneret et Dalloz intégrèrent progressivement le plastique dans leurs jouets, ils réalisèrent d'abord les pièces- complexes telles les cabines de camions, avec un plus grand souci de réalisme. Le plastique fut utilisé de plus en plus. Les premiers modèles 100 % plastique furent d'abord la réplique des modèles fabriqués en bois. (1)

A l'époque, selon Mr Jean Clerc, l'avantage de ce matériau résidait dans son faible coût de revient malgré la difficulté de le maîtriser ; cette standardisation autorisa des séries illimités. L'utilisation de ce matériau entraîna également une miniaturisation des jouets.

(1) Au-delA de ce» deux matériaux, du passage de l'un A l'autre, il ne faut pas omettre certaines techniques "secondaires" encore présentes aujourd'hui tel le travail du tube chez Monneret ou Charton, du tissu, de la couture de la peluche chez Clairbois, ou de l'injection de zamac chez Jouef. Cette typologie n'intègre pas une autre catégorie d'entreprises qui ont fabriqué du jouet et qui ont quitté ce secteur tel Convert à Oyonnax qui, de 1911 à 1983, répandit des baigneurs nommés "Nano et Nani". Idem pour certaines tourneries qui se consacrèrent, après un bref passage dans le jouet bois, à des articles en bois tourné dont Lumijura. Ainsi que celles qui ont disparu dans la région d'Oyonnax : Edobaud trains, Gaget, Sésame, Pontaroli... Elles forment un corps non existant dans le jouet actuellement, mais ont probablement joué un rôle important dans le développement de ce secteur. Leurs histoires restent encore à faire. Le cas de Jouef est complètement atypique mais tout aussi révélateur : elle fut crée par Mr Huard, qui avait une bonne connaissance du marché du jouet et du milieu jurassien par sa fonction de commercial (bien qu'étant parisien). Cette entreprise se servit des savoir-faire locaux, ainsi les trains étaient-ils composés ainsi: -Bobinage de moteurs à Champagnole -Les pièces plastique à partir de moules réalisés sur Oyonnax -Décoration des locomotives à Foncine (région de St Laurent) -Injection de zamac par des sous-traitants Lyonnais.

A présent, l'Ain et le Jura enregistrent deux grosses entreprises : Smoby et Berchet, quelques entreprises de taille moyenne et quelques entreprises modestes de jouet bois, survivance d'un passé prestigieux de tournerie. Quand on parle de jouet jurassien, c'est d'abord de jouet plastique dont on parle, même si les mentalités associent "montagne" à "jouet en bois". 2) Parcours de cinq entreprises modeles

A partir de quelques dates significatives, nous allons dresser un rapide historique des entreprises que nous évoquerons plus particulièrement au cours de cette étude.

Clairbois (Moirans) 1898 : Albert Clerc crée sa "maison", il fabrique des articles en bois tourné à Villars d'Héria. 1925 : Ses fils Léon et Henri apportent leur tour de main en créant la société "Clerc Frères". 1945 : Jean Clerc débute l'activité jouet, son père et son oncle poursuivent la tournerie du bois. L'exemple de chaînes de production lui donne 1'idée de créer une chaîne de montage de jouets en bois. 1950 : Jean Clerc fait appel à un dessinateur Mr Buzzini pour réaliser le cheval qui est encore le logo de l'entreprise Clairbois. 1957 : Les premiers éléments en plastique injecté remplacent quelques éléments en bois (roues et oreilles du petit chien). 1960 : L'injection se généralise et les moules à souffler permettent de faire des porteurs spécialité de la marque aujourd'hui. La taille des jouets évoluent sensiblement. 1976 : le gendre de Jean Clerc, Mr Pouthier prend la direction de l'entreprise Clairbois S.A. 1980 : première campagne publicitaire télévisuelle. 1984 : l'entreprise rentre sur le second marché à Lyon. 1990 : rachat de Tri-Ang, entreprise Anglaise.

Dalloz (Moirans) 1902 : Philemon Dalloz est négociant à Moirans. Son fils, après avoir été à l'école de mécanique d'Oyonnax se lance dans le j ouet. 1935 : Mr Dalloz est le premier a utilisé la tabletterie dans les jouets, il fait l'école de Commerce de Dijon puis voyage aux Etats-Unis et Tchécoslovaquie. 1940 : Fabrication de jeux de construction et de robinets. 1944 : Fabrication de jeeps en bois - usine brûlée par les allemands. 1950 : L'entreprise est un des leaders du jouet avec 186 salariés et 70 personnes travaillant à domicile. Utilisation des licences Walt Disney, passage au jouet plastique, investissement dans une "machine à ballons". 1963 : mort du PDG. Usine à avec 20 ouvriers. Un PDG extérieur dirige cette entreprise familiale. Dans les années 70, son gendre, Mr Michaion lui succède. Apparition des gros jouets soufflés. 1990 : Après deux incendies, l'entreprise emploie 10 salariés. Il n'y a plus de fabrication sur le site de Moirans mais beaucoup d'importation et de sous-traitance.

Jeujura (Champagnole) 1911 : Henri Liegeon se consacre à la boissellerie tradition de cette zone géographique. 1931 : Reprise de "l'affaire" par Bernard Liegeon, son fils. 1935 : Contrat avec G. Huard, principal agent de commercialisation des articles. 1937 : Le secteur jouet apparaît : camions et jeux de construction. 1941 : Création de la marque Jeujura. Les articles de jardin sont abandonnés (chaises longues...) 1958 : Rupture du contrat avec G. Huard, le début de la reconversion de la société a commencé. 1960 : Création de Sanijura (meubles de salles de bain) baisse de la production de jeux. 1972 : Le département "jeux et jouets" de l'entreprise acquiert son autonomie, la société Jeujura est crée ; chacun des fils de B. Liegeon a sa société. 1976 : Adhésion de Jeujura au groupe de DJIN visant 1'exportation. 1980 : Installation des usines à Saint Germain en Montagne, près de Champagnole. 1990 : La fille de Mr. Liegeon intègre l'entreprise au poste de direction. Lorge (Vouglans) En 1880, Jules Lorge arrière grand-père d'Albert Lorge pratique la tournerie en famille. Il fabrique en sous-traitance des perles de chapelet et des boutons en buis. Il utilisa la corne et la galalithe dans une moindre proportion pour la fabrication d'outils de luxe. Au début des années 40, l'entreprise comptait 60 ouvriers à Vouglans. Après guerre, la production s'élargie notamment avec la fabrication d'appareils électriques. 1950 : marque l'entrée des jouets dans la production. 1960 : Raoul Lorge succède à son père. L'investissement porte sur le capital technique et un large renouvellement de la gamme de jouets bois. 1975 : l'entreprise Lorge S.A. décide de faire du jouet son fer de lance, mais n'abandonne pas les articles de tournerie. 1978 : diffusion des jouets sous la marque "l'Arbre à Jouer". 1986 : est une date importante où Mr Lorge décide l'achat de machines bois à commandes numériques. Il est le premier à le faire dans le jouet bois. 1990 : le chiffre d'affaires de l'entreprise se répartit également dans le secteur jouet et dans le secteur tournerie. Construction d'un entrepôt à Moirans.

Smoby (Lavans les St Claude)

En 1924, le pipier Moquin installé à Lavans les Saint Claude a abandonné le bois pour tourner la résine synthétique venue d'Oyonnax. Avec son beau-frère, Jean Breuil s'intéresse après la guerre à la technique d'injection du plastique et ils produisent des petits articles d'écolier et de ménage qui deviendront par la suite des fameux "cadeaux Bonux". La marque Mob apparaît en 1970 et ne concerne que les jouets. Jean-Pierre Breuil, fils de Jean Breuil intègre l'entreprise et développe le secteur jouet peu important à l'époque. 1974 : Adhésion à Superjouet. 1980 : La marque Smoby est crée pour des jouets plastique de meilleure qualité ("style Fisher-Price") utilisation de l'ABS. Smoby S.A. en 1983 correspond à l'entrée en bourse à Lyon autorisant un actionnariat des employés. Depuis cette entreprise est devenue le n°2 français, elle a acquis un atelier de rotomoulage, a investi dans la CAO et a acquis 51 % d'un fabricant espagnol Mediterráneo. Le secteur jouets représente 75 % de son activité, le reste concerne des emballages (bidons) en plastique soufflé. B - Rupture et continuité dans un milieu technique

Introduction : Une profession particulière.

Les statistiques de la FNIJ regroupent au sein du secteur "jeux et jouets" une grande diversité de produits et de techniques employées. La production nationale en 1990 se répartit en trois branches d'activités : - jeux et jouets 76,5 % - articles de puériculture 14,5 % - voitures d'enfants 9,0 % Les trois principales catégories de "jeux et jouets" sont les véhicules et voitures miniatures (15,5 %), les jeux de société non électroniques (11,5 %) et les jouets sportifs (10 %). Il faut savoir qu'apparaissent dans les données nationales, les articles de fête et les ornements de Noël, ce qui peut également étonner le lecteur non averti.

On constate que les entreprises sont soumises actuellement à une interdépendance des marchés sur le plan mondial, et aux phénomènes de mode qui confèrent à cette industrie une forte notion de risque. Nous allons développer à présent trois caractéristiques qui nous semblent déterminants pour une bonne compréhension des faits ethnographiques exposés dans cette partie.

- forte saisonnalité Comme les ventes de jouets s'effectuent principalement en fin d'année, les industriels devront gérer rigoureusement la production, prévoir des effectifs (personnel temporaire) et des durées de travail en fonction de l'activité. Il leur faudra des entrepôts de stockage ce qui, en zone de montagne ne sera pas chose aisée. Le stockage des jouets entraîne également l'immobilisation de capitaux. Tous ces problèmes se sont posés et se posent aux entreprises jurassiennes, aussi nous étudierons les diverses solutions envisagées pour remédier à cet état de fait propre à la fabrication de jouets. - Diversité des techniques employées. Comme nous l'avons constaté plus haut, il y eut une évolution des techniques tant dans la filière bois (dans le canton de Moirans) que dans la filière des matières de synthèse (galalithe, ebonite, celluloïd...) autour du pôle d'Oyonnax. Cette utilisation de nouveaux matériaux, donc de nouvelles techniques (tournage, moulage par compression, injection, soufflage...) montre bien que le jouet, de par sa nature, n'est pas un produit attaché à une filière technique propre. Bien entendu, les jurassiens développent essentiellement le travail des matières plastiques à l'heure actuelle. Il semblerait plus juste de dire que le développement et la maîtrise de ces techniques dans la région a permis de fabriquer de nombreux produits... dont les jouets. En effet, il n'y eut pas de fabrication de poupées en biscuit ou en porcelaine dans le Jura, et l'électronique reste l'apanage des pays asiatiques.

- La notion de secret. Dans ce secteur d'activités, il existe une notion de secret que 1 ' on n'imagine pas forcément à priori, pour un produit de consommation courante tel que le jouet. Ainsi, l'importance de l'outil de production (coût moyen des moules de 500 000 à 2 millions de Francs) implique des enjeux économiques qui rendent le secteur "recherche" primordial. Les entreprises ne dévoilent leurs nouveaux produits qu'aux Salons du Jouet, et tentent de conserver l'exclusivité jusque là. La concurrence très vive entre les entreprises, même entre jurassiens, fait que l'on assiste à une "guerre" des produits. On tentera de connaître le type de prototypes principalement entre entreprises qui se situent sur le même créneau. On retrouve là, une constante par rapport au travail des tourneurs, qui ne voulaient pas travailler à la place au tour, de peur que leurs voisins n'observent leurs trouvailles techniques. De la technique au produit lui-même, l'enjeu a en partie changé mais il reste toujours cette aura de secret qui entoure le j ouet. I - Des conceptions de l'entreprise

1•) Les dirigeants Quand on compare les dirigeants d'entreprises de jouets, excepté la différence de taille d'entreprise et de motivations, il apparaît de par leur histoire et l'évolution de leur entreprise, que différentes représentations s'expriment dans leurs actions et les choix qu'ils effectuent Le fondateur de la société va imprimer une conception de l'entreprise familiale en fonction de sa formation, de ses connaissances, de ses relations et des options décisives qu'il retiendra. Ses successeurs, qu'ils soient ou non issus du milieu familial, n'agiront pas de la même façon pour diriger l'entreprise. Mr Falquet : "les entreprises sont le reflet de la conception d'un homme". En général , les entreprises commercialisent leurs jouets avec la marque qui correspond au nom de famille du fondateur : Monneret, Paris, Charton, Berchet, Lardy... D'autres y apportent quelques modifications mais il subsiste toujours une partie du nom :

Moquin-Breuil - Mob - Smoby Clerc - Clairbois Villet - Vilac Falquet - Falk Noréda (Noëlle, René, Dalloz)

Quelques-uns innovent en rompant avec le nom

Lorge - L' Arbre à Jouer Liegeon - Jeujura Favre - Juracastor C'est ainsi que l'on peut noter une fois encore le caractère familial des entreprises de jouets. Philippe Genet, dans son article de décembre 1990 a accentué de façon caricaturale la différence entre les deux dirigeants de Smoby et de Berchet. Dépassant les signes extérieurs (mobilier de bureau, voiture...) cette opposition se joue d'avantage dans la conception de leur travail, dans le rôle dont ils s'investissent, ce qui va nous amener à nous interroger sur leurs origines et sur leurs formations initiales.

Issus de l'artisanat, de la tournerie, les dirigeants tels Mrs Breuil, Lorge, Clerc ou Falquet ont perpétré à la fois un habitus technique, mais au-delà ont reproduit une mentalité héritée de leur milieu familial. Comme le souligne fort justement, D. Schwint (1988 : 109) la compréhension des entreprises artisanales passe par la prise en compte de l'idéologie de métier et de ses trois pôles : la famille, le métier et l'indépendance. Nous allons retrouver ces caractéristiques issus du milieu artisanal jurassien chez certains industriels du jouet auj ourd'hui Mr Falquet caractérise l'industrie du jouet comme de "l'artisanat évolué à direction personnelle avec émanation familiale". D'autres s'inscriront en rupture, en développant une vision plus "froide", plus rationnelle de l'entreprise.

Ainsi, on peut discerner trois types d'industriels : ceux qui ont hérité du sens du négoce, les mécaniciens et les gestionnaires.

* La vision de l'entreprise reste principalement celle des mécaniciens, ceux qui ont participé à des phases d'élaboration technique : mise au point d'un moule, affûtage d'outils, réglage d'une presse... bref toutes les phases qui exigeaient une réelle maîtrise technique qu'ils avaient acquise à l'école de Morez pour les mécaniciens, à l'école d'Oyonnax pour la plasturgie, à Champagnole ou Moirans pour le bois. "Nous avons appris notre métier" (un industriel) Ce modèle, s'inscrit encore aujourd'hui dans la façon de concevoir, de diriger une entreprise ; ainsi Mr Breuil par exemple n'hésite pas, malgré l'ampleur relative de sa société, à gérer des problèmes techniques. Cette implication issue de sa mentalité de technicien est telle, qu'il ne peut se détacher totalement du fait technique et se focaliser sur la gestion. Et pourtant, le jouet n'est plus, comme on l'a vu l'oeuvre des fabricants ; les conditions économiques ont évolué, il est à présent celui des hommes de marché. Paradoxalement, c'est ainsi que Jean-Pierre Breuil est considéré dans son entreprise par ses proches. "Aujourd'hui il faut être marchand, c'est plus une philosophie de marchand"(un industriel). Depuis les années 70, face à la concurrence plus vive, certains fabricants de jouets ont compris que la création, les secteurs marketing et commercial allaient devenir cruciaux pour la survie de leur entreprise. Certains, principalement dans le jouet plastique ont pris conscience de la faiblesse de leurs réseaux commerciaux et y ont remédié. Les autres se sont focalisés sur la fabrication et l'investissement dans le parc machines. En 1991, on constate, pour les industriels du jouet bois que ces secteurs sont toujours aussi peu organisés, et qu'il leur apparaît moins primordial que le produit lui-même. Opposition de visions, de représentations de l'entreprise qui éclaire l'attachement à la technique que les industriels entretiennent. Quand l'affectif, la tradition s'oppose au rationnel.

* Mr Dalloz et Mr Giraud-Sauveur furent, pour diverses raisons, écartés de ce groupe bien distinct que formaient les précédents. L'industriel en citant une des plus vieilles entreprises de jouets à Champagnole, M.Giraud-Sauveur déclare : "le jouet pour lui, c'était son hobby... il vivait de l'électricité qu'il produisait, c'était pas la même mentalité que nous". Issu de famille bourgeoise, comme Mr Dalloz, il n'a pas suivi le même itinéraire que les fils de tourneur, petit-fils de paysans qui par leur sens de la mécanique sont parvenus à créer des entreprises atteignant 200-600 personnes. Issu du négoce moirantin, René Dalloz souffrait, selon Mr Clerc, de ne pas avoir suivi une formation technique (il avait fait une école de commerce à Dijon). Un industriel de sa génération pose une critique sévère et ironique montrant 1'écart de mentalité de producteur et de négociant qui existait et persiste encore : " Sa mère disait deux sacs de moines (toupies), ça fait tant de litres de vin à 9°". Pourtant, il s'avérera que Mr Dalloz possédait un esprit d'ouverture qui lui permit d'engager son entreprise dans une logique d'innovation technologique et de création de produits nouveaux qu'il distribuerait dans de nombreux pays. Son sens commercial est souvent ce qui manque aux dirigeants "mécaniciens". Serait-ce pour cette raison que cette entreprise qui comptait parmi les premières dans les années 60, a été gommée des mémoires et de l'histoire ? * P. Pouthier, gendre de Mr Clerc, s'inscrit différemment dans ce paysage puîsqu'il possède une formation de comptable et une vision de l'entreprise où prime la gestion . Il est à la tête de Clairbois depuis 1984. On comprend la rupture relative qui a dû s'effectuer lors de la passation de pouvoir avec Jean Clerc qui avait inauguré le secteur jouets en 1945. Quand il reconnaît : "Il y en a qui font du jouet avec leur coeur, d'autres avec leurs capacités en gestion..." "Il faut structurer, introduire des éléments dans le prévisionnel..." Vu de l'intérieur (par un des anciens cadres), ce changement de dirigeant s'est effectué "très intelligemment", et surtout au moment où il ne suffit plus de produire mais où il faut apprécier un marché, déterminer un positionnement précis au niveau marketing, gérer les flux financiers et trouver des méthodes pour accroître la rentabilité.

On enregistre un phénomène de rupture identique mais dans un contexte différent pour un industriel de Champagnole. C. Liegeon entre au poste de Direction dans l'entreprise Jeujura après avoir suivi des études de gestion à Besançon. Elle se voit confronter à un mode d'organisation de la production particulier qui implique une sorte de contrat moral (reposant sur la fidélité et les habitudes) qu'entretient son père avec ses sous-traitants. Selon elle, son rôle va être de modifier progressivement le fonctionnement à partir d'arguments économiques basés sur la rentabilité. Cette vision presque "extérieure" au milieu jurassien bouleverse les idées reçues dans les sens où elle commence à remettre en cause une mentalité, une façon de penser l'entreprise.

On remarque que les enfants des industriels sont souvent orientés professionnellement suivant les besoins à venir de l'entreprise. On contraint le milieu familial. Avant, on orientait les descendants vers des filières techniques et maintenant vers les filières commerciales, marketing et export. Là, le modèle est contraignant ; lé futur dirigeant ne fabrique plus le jouet, il devra savoir gérer les tenants et aboutissants du marché. Certains industriels ont intégré dans l'entreprise leurs enfants avant qu'ils n'aient acquis une formation spécialisée. Aussi ils admettent cette erreur (que d'autres non pas commis) qui leur fait déléguer des postes à responsabilité hors milieu familial. Ce qui est en jeu ici, outre l'avenir de leurs enfants, c'est la pérennité de l'entreprise. Il leur faudra développer des stratégies pour que leur famille conserve la maîtrise de l'entreprise tout en étant obligé de s'ouvrir sur l'extérieur. Nous y reviendrons quant à la perception de la Bourse. L'attachement à l'entreprise, aux ouvriers, au village quand elle est située en zone rurale sera d'autant plus fort pour les mécaniciens, enracinés historiquement au Jura. C'est ce qui se traduira souvent par un certain paternalisme. "Il était ferme mais compréhensif et attentif aux problèmes de chacun" (un ouvrier). "Nous, on avait de bons patrons..." On peut expliquer le peu d'emprise des syndicats (essentiellement la CG.T.) sur Moirans par la proximité qu'entretenaient les patrons avec leurs ouvriers et par leur inscription dans le milieu. Ainsi les ouvriers restaient fidèles à l'entreprise. Aujourd'hui, ce phénomène est d'autant plus fort que des familles entières sont embauchées dans la même entreprise autorisant un certain contrôle des dirigeants sur ces sous-groupes. C'est de cette façon que naît et se développe une véritable culture d'entreprise.

"Quand on rentre chez Falquet, on y reste !" (Mr Falquet) "Saint Claude ou Oyonnax, c'était plus gros, ici tout le monde se connaissait ". (M. Peuget, ancien ouvrier de Noréda) On retrouve ce trait lorsque Jean-Pierre Breuil déplore qu'il ne connaisse pas tous ses ouvriers personnellement, comme 10 ans auparavant.

Ce paternalisme propre aux entreprises familiales ne sera pas sans poser de difficultés quant il s'agira de restructurer l'équipe dirigeante. L'ensemble des postes de Direction était souvent occupé par les membres de la famille. L'entreprise dépassant même 200 ouvriers n'était à leurs yeux qu'une grande famille qu'il fallait gérer le mieux possible. La reproduction s'opérait de génération en génération suivant une logique le plus souvent patrilinéaire et de façon endogène, le recrutement externe n'apparaît quasiment pas avant les années 70.

Le dernier point que nous aborderons consistera à effleurer la persistance d'une certaine mentalité paysanne. Albert Lorge affirme à ce propos : "Dans le bois, c'était un petit peu paysan, dans le plastique il y avait quand même une ouverture différente". Selon Mr. Lorge, ceux qui avaient insisté, excepté les artisans, à fabriquer du jouet bois continuaient à reproduire la mentalité des paysans-tourneurs. Ils persistent à tourner les mêmes articles suivant le même mode d'organisation, la même conception du travail. Et on peut s'interroger sur sa pérennité pour les entreprises de jouets bois d'aujourd'hui. "Jean-Pierre Breuil, lui, c'est différent, c'est un paysan, lui..." (un industriel) Il atteste ainsi son inscription dans un contexte socio- historique, signifiant qu'il fait partie intégrante de ceux qui ont contribué au développement économique du milieu local.

Voici donc autant de points, de références qui nous permettent de commencer à saisir la représentation de l'entreprise par les jurassiens.

2°) Organisation du travail et rapports sociaux.

Dans cette partie, nous allons aborder ce que l'on nomme "la gestion de l'entreprise", à travers la façon de produire, la capacité en ressources humaines, la gestion du personnel et du rôle des syndicats, le rapport du dirigeant avec ses employés, la façon de déléguer, de s'entourer au niveau des responsabilités. Tous ces choix sont autant d'indices révélateurs d'une mentalité, où l'innovation flirte avec la "tradition", plus exactement une mentalité traditionnelle. Si on observe les entreprises de jouet actuellement, on s'aperçoit qu'il existe diverses conceptions d'organisation de la production.

a) Ressources humaines

Déjà en 1955, les problèmes de recrutement de la main-d'oeuvre se posaient comme le souligne Suzanne Daveau. "La localisation de ces industries dans la montagne a malgré cela quelque chose de paradoxal, car le séjour à 1000 m. d'altitude n'est pas fait pour attirer ou retenir cette main-d'oeuvre si précieuse". (Daveau 1955:404) Les industriels du jouet sont confrontés à un déficit flagrant dans ce bassin. Tous expriment leur difficulté de recrutement et la considèrent comme un problème majeur. Cette, crise touche à la fois les contre-maîtres, les régleurs, les monteurs, les moulistes, les CAP-BEP bois, les mécaniciens, les cadres et agents de maîtrise. "Au niveau techniciens, il faut faire des recrutements permanents, il faut être en sureffectif permanent. Ca nous donne une marge de sécurité, quand il y en a qui s'en vont... On met à l'essai les moulistes, il ne faut pas que 6 mois pour les former, il faut un ou deux ans. Il faudra attendre 3 ans pour savoir jusqu'où ils pourront évoluer". (P. Pouthier)

L'entreprise Clairbois fait des permanences à la Mairie de St Pierre de Bresse pour embaucher des techniciens ou des moulistes. Mr Falquet avait déjà fait appel aux bressans depuis 1945. Cette crise favorise l'inflation de salaires dont profitent les mécaniciens. On voit ici que le bassin ne peut répondre aux attentes des industriels et ils sont obligés de faire appel à 1'"extérieur" dans un rayon de 100 kilomètres pour cette catégorie de personnel.

Si l'école de plasturgie d'Oyonnax, l'école de mécanique de Morez ou Champagnole ont joué un rôle important dans le passé (cf partie historique), on constate que l'enseignement pratiqué ne correspond plus, ou n'apporte pas suffisamment d'éléments formés pour répondre aux besoins des entreprises. Les étudiants du BTS plasturgie sont littéralement happés par les entreprises d'Oyonnax avant même leur sortie de l'école. Sur la région de Lons, le tissu industriel ne "répond"" pas de la même façon qu'à St Claude ou à Oyonnax, tant en fournisseurs ou sous-traitants qu'en écoles. "Et particulièrement dans le bassin de Lons, il n'y a aucune école technique, elle nous fait cruellement défaut. Une formation en mécanique ou électro-technique... mécanique °~ ça serait parfait". A. Monneret. On retrouve toujours cet esprit d'indépendance lorsque J.P. Breuil envisage de créer avec quelques industriels sa propre école de techniciens face à ce déficit auquel l'Etat ne répond pas.

Il faut savoir que les entreprises de jouets emploient des étrangers surtout pour les emplois sans qualification (maintenance, montage...). On les voit souvent en 3/8 ou durant les week-ends pour faire fonctionner les presses. Leur représentation varie suivant les entreprises. Dans le petit village de Vouglans, Mr Lorge emploie 20 turcs sur 50 salariés, 33 % d'étrangers pour Smoby et 80 % pour l'entreprise Falquet d'Oyonnax. Des problèmes de qualité surgissent (ex : nombre de pièces dans une boite de jeu) du fait de l'analphabétisme de ces ouvriers. Pour y remédier, certains industriels proposent des primes à l'alphabétisation mais elles ne semblent avoir qu'un succès relatif. A cet égard, durant la remise des médailles du travail chez Smoby, les discours sont traduits en turc et en arabe.(1)

Quand il s'agit de faire venir des cadres, le problème reste entier. La région, malgré ses atouts touristiques, ne semble pas répondre à leurs exigences, du fait de 1'éloignement des grands centres urbains tels que Lyon ou Paris, du manque crucial de moyens de transports rapides et du peu d'animation culturelle. C'est pourquoi 13 cadres sur 18 chez Smoby sont issus de la promotion interne. Ce phénomène est courant et il est appliqué, vu le déficit de personnes qualifiés, dans de nombreuses entreprises pour toutes les catégories d'emploi. D. Breuil a orienté le recrutement vers une embauche de femmes afin de compenser un certain milieu par trop masculin.

Il existe une autre donnée structurale importante quant au recrutement, c'est la crise de structures d'accueil dans toute la région. "Au terrain de camping de Moirans, il y en a plusieurs qui travaillent chez Clairbois et qui y habitent toute l'année, pourquoi... parce qu'il n'y a rien à louer à Moirans..." (P.Pouthier). Les entreprises sont obligées de refuser des stagiaires, d'acheter des maisons pour loger leurs cadres, les logements font défaut ce qui ne concourt pas à 1 ' intégration d ' une main d'oeuvre extérieure. Dans le même ordre d'idées, certains industriels du jouet ont pris en charge depuis longtemps la construction de logements pour leurs employés. "Nous avons construit des logements et organisé des circuits de ramassage dans les villages voisins pour nos ouvriers...(un cadre) Cette situation traduit bien le faible taux de chômage que la région enregistre.

(1) Une ancienne ouvrière de tournerie déclarait ne pas vouloir mettre de foulard pour ae protéger des cheveux face aux risques des machines 4 bols en expliquant qu'elle ne voulait pas ressembler aux femmes turques. Cette information anecdotique révèle en fait un état d'esprit d'une partie de la population jurassienne A l'égard des étrangers. Depuis une quinzaine d'années, une véritable restructuration en ressources humaines est entrain de s'effectuer dans les entreprises. Outre le secteur commercial qui , comme nous l'avons vu, fut pris en main par certains industriels dès 1930, les dirigeants des entreprises familiales de jouets durent, en fonction de leur activité croissante, déléguer certaines fonctions qu'ils assumaient jusque là.

La création

En effet, dans les années 70, ils commencèrent à faire appel à des designers pour les soutenir dans la création de nouveaux modèles de jouets. Auparavant, les chefs d'entreprises ou occasionnellement des sculpteurs animaliers créaient des jouets en intégrant les données recueillies auprès des agents commerciaux, des grossistes ou plus simplement en s'inspirant de la concurrence internationale. Mr. Dalloz, dès 1942, demanda l'aide de Mr. Wolf un créateur de modèles parisiens qui venait à Moirans passer quelques jours pour les mettre au point sur les machines bois. La conscience de déléguer ce secteur essentiel, de s'appuyer sur des regards, des idées externes à cette matrice locale est un fait significatif, premier élément du processus de sortie de l'entreprise familiale en ce qui concerne les plus novateurs parmi les industriels. "En 1976, la quasi totalité des entreprises sont crées d'un artisanat local. Ils créaient eux-mêmes leurs modèles. Certains d'entre eux, ou leurs enfants, sont aujourd'hui des industriels. La tradition s'est maintenue. Ils aiment se charger, aussi loin qu'ils le peuvent, de la création du nouveau modèle."(Thorent, 1977 : 25) Pourtant, aujourd'hui, une seule des entreprises de jouets bois, Vilac, emploie un designer pour ses produits. Cette phase évolutive débute face à la concurrence qu'ont imposé les géants américains (tel Mattel ou Fisher-Price) ou japonais (Bandaï) en envahissant les marchés internationaux, dont l'Europe, avec des jouets soutenus intensivement par des des dessins animés ou des campagnes publicitaires. En 1990, la poupée Barbie fabriquée par Mattel a obtenu le record des spots télé en France, tous produits confondus : 1166 spots. On ne compte qu'une dizaine de designers pour les entreprises jurassiennes ce qui peut paraître faible vu la concentration importante dans la région. Si au début ils furent issus de la filière Beaux-Arts de Besançon, la nouvelle génération a suivi la formation d'école de design et travaillent dans l'usine (depuis 2 ans). Des bureaux de design étrangers (Italie, Allemagne, Angleterre) concourent occasionnellement à la création de modèles de jouets jurassiens. Mais on reste encore loin des capacités des bureaux de design américains qui peuvent comporter jusqu'à 80 designers et 20 psychologues. A ce sujet, la connaissance psychologique de l'enfant est peu utilisée par les designers. Leurs connaissances, surtout aux plus anciens, repose essentiellement sur des données empiriques alliées à une parfaite connaissance du marché mondial. La nouvelle génération de designers semblerait plus avide de s'inspirer de ces données de base sur l'enfant. Encore faut-il qu'ils arrivent à persuader les dirigeants du bien-fondé de ces données, ce qui ne paraît pas toujours évident. Les dirigeants devront parler non plus en termes de coût de production, de réalisation technique, de produit situé sur un marché mais en termes de valeur d'usage ludique, pédagogique et psychologique. Il semblerait que certaines entreprises jurassiennes se soient données les moyens de pallier ces carences en créant en 1989, au sein de la Maison du Jouet à Moirans, un Centre de Tests où oeuvrent deux éthologues. (Nous développerons plus loin la fonction et le rôle de cette association)

Au niveau de la création, les entreprises jurassiennes n'en sont qu'aux balbutiements, comparé aux grandes entreprises étrangères. Cette restructuration est entrain de se produire, elle n'est qu'amorcée et risque, selon toute vraisemblance, de s'accentuer dans les années à venir.

Les secteurs commercial et marketing On l'a vu, la rupture ou plutôt la prise de conscience de l'importance de ce secteur pour l'entreprise s'est effectuée pendant la période d'industrialisation, vers 1930. Il a fallu que les industriels acquièrent les données pour vendre leurs produits. Certains, au hasard des rencontres, embauchèrent des représentants. Par la suite, les choses évoluèrent et ils apportèrent diverses réponses suivant leurs motivations. Des groupements se formèrent tel "Jouet 39" qui réunit Clalrbois et Smoby pour le développement de leur secteur commercial en France. Cette délégation de pouvoirs fut plus importante et toucha bien entendu d'autres secteurs de l'entreprise (en fonction de l'accroissement du nombre de salariés). Depuis quelques années seulement, des directeurs marketing (qui interviennent dans la création et le positionnement du produit), des spécialistes de 1'export et des directeurs en ressources humaines (qui gèrent l'embauche, les contrats de travail et les plans de carrière) sont venus soutenir les dirigeants. Ils eurent la clairvoyance d'éclater la direction de type familial, les structures vieillissantes mais tout en conservant une forme d'esprit paternaliste, ce qui n'est pas non plus la moindre des contradictions et peut paraître lourd pour les cadres extérieurs à ce milieu. Dans le même ordre d'idée, la communication interne dans les entreprises évolue beaucoup plus lentement. On structure l'équipe dirigeante mais on reste sur des bases de "tradition orale".

b) Sous-traitance et intégration

Pendant la période où la tournerie était la technique essentielle pour fabriquer les jouets, les négociants sous- traitaient aux paysans pluriactifs des parties de jouets (embout de trompette par exemple) dans laquelle ils s'étaient spécialisés. Cette forme d'organisation a persisté jusqu'à aujourd'hui. En effet Vilac et Jeujura sous-traitent une grande partie de leur production (Vilac 40 %, Jeujura 90 %) à des artisans locaux, (ils ne sont évidemment plus paysans), soit dans un rayon de 30 km autour du site principal, l'usine. Les sous-traitants de l'entreprise Jeujura se sont équipés en machines relativement peu complexes et ils entretiennent des "liens quasi familiaux" avec Mr Liegeon. D'autre part, ils gèrent l'approvisionnement en matières premières ; le bois, les laques, les peintures ou les vernis... Certaines entreprises ont su d'adapter aux nouvelles exigences du marché, tant sur la qualité que sur les coûts de production. Par contre, la rupture avec ce mode d'organisation consiste en une remise en cause de ces relations par le donneur d'ordre. C. Liégeon, selon la loi de l'offre et de la demande n'hésite pas à chercher d'autres sous-traitants, plus compétitifs mêmes s'ils ne sont pas à proximité. Depuis le 1er janvier 1990, l'instauration de normes européennes (sigle CE.) est entrain de faire évoluer les productions jurassiennes vers une qualité accrue obligeant, surtout dans le bois, les fabricants à s'adapter ; au risque que l'entreprise ne se voit refuser, par exemple, la totalité d'une commande par une chaîne de distribution. Ce qui n'est pas sans poser problèmes parfois comme le notifient les industriels. Face à ces relations conflictuelles avec les sous-traitants, M.Lorge a apporté une autre réponse en diminuant leur part. Ce choix d'automatiser avec des machines à commandes numériques (cf annexe n°3) offre une production plus uniforme où les défauts de qualité sont plus faibles, la gestion des délais de livraison plus facilement respectable et un coût de revient qui, si l'amortissement de ces machines (en moyenne un million de francs) est bien calculé, chute et permet d'éliminer ce rapport trop "contraignant" avec les sous-traitants. Si M. Lorge apparaît comme un novateur parmi ce groupe restreint, il ne fait (peut-être un peu plus qu'il ne veut bien 1'admettre) que perpétrer une volonté de développer l'entreprise familiale, d'investir dans l'outil de production afin de rester compétitif. Nous verrons plus loin qu'il en sera différemment quant aux investissements qui sortent de la logique de production. On s'aperçoit que beaucoup de fils de sous-traitants (dans la région de Moirans, pas celle de Champagnole), n'ont pas repris l'affaire : la polyculture, "c'est une vie dure où on ne gagne pas grand chose". Ils ont préféré être salariés dans des entreprises du fait du manque d'outils, du peu de compétitivité et de la qualité moyenne obtenue ainsi. C'est pourquoi les villages autour de Moirans perdent petit à petit leur artisans. "A Martignat, on comptait 20 tourneurs en 1986 et il n'y en a plus un en 1991". M. Lorge adopte une attitude sévère à l'égard des sous- traitants qu'il sollicitait. "Ils n'ont pas su suivre le mouvement, investir dans les outils, en tournerie pure il en reste quelques uns mais ceux qui n'ont fait que du jouet, il n'y en a plus." L'entreprise Jeu jura n'a pas rencontré ces problèmes car il y a eu succession de leurs sous-traitants. Dans la grande périphérie de Champagnole (jusqu'à ), les fils de ceux- ci ont continué l'activité familiale, que ce soit du laquage ou du vernissage. On s'oriente ainsi vers une perpétuation du groupe et de ce mode d'organisation de la production. Il serait intéressant de comprendre le phénomène de désagrégation de l'artisanat de tournerie sur Moirans. Doit-on invoquer cet état d'esprit du paysan pluriactif replié sur lui- même qui n'aurait pas saisi qu'il faille s'adapter aux nouvelles techniques et s'ouvrir sur 1'extérieur ? Si on entend dire que "le plastique a tué l'artisan", ne serait-il pas plus juste de ramener ce déclin à un manque d'adaptation des sous-traitants ?

Ainsi, on pourrait voir ce panel des entreprises de jouets bois comme hétéroclite, pourtant tous ont persisté à sous-traiter leur production, n'ont pas fait le choix d'intégrer un parc machines (relativement coûteux) leur permettant de gérer la production de la bille de bois au produit fini. Mode ancestral d'organisation aux racines historiques et profondément ancré dans un tissu local. La question à poser serait plutôt pourquoi n'ont-ils pas franchi le pas comme l'a fait Mr Lorge qui, bien que son grand-père ait travaillé pour des grossistes, reconnaît que son père a toujours investi et qu'il ne fait que continuer cette politique. Est-ce par obligation, par choix ou par hérédité ?

Les entreprises de jouets plastique ont réagi différemment et la plupart ont décidé de n'avoir recours à la sous-traitance qu'en cas de surcroît de travail ou d'opérations délicates nécessitant des moyens que l'entreprise ne juge pas nécessaire d'acquérir. Si chaque entreprise a son atelier de mécanique avec ses moulistes, il arrive que soient sollicités les moulistes d'Oyonnax pour des moules trop imposants du fait qu'ils soient très bien équipés. Mr Falquet, ayant à l'esprit l'exemple des industriels dans le secteur automobile a opté pour l'intégration afin de ne pas être dépendants des sous-traitants. "C'est de l'évidence". D'autres paramètres interviennent dans ce choix. Lorsqu'ils sous-traitent la réalisation d'un moule, les industriels prennent garde à ne sous-traiter qu'une partie aux mécaniciens afin qu'ils ne puissent révéler les nouveautés. Cette mesure de précaution pour éviter les fuites se justifie car certaines entreprises concurrentes font appel aux mêmes bureaux d'études externes. Inversement, une entreprise peut décider de développer un secteur estimant que les sous-traitants ne sont pas performants ou pas suffisamment compétitifs. Ainsi Clairbois va porter ses efforts sur le secteur soufflage, plus difficile à maîtriser que l'injection, du fait de leur mécontentement vis-à-vis du tissu local. Certains sont obligés d'intégrer ou de développer des secteurs vu la déficience de certains bassins d'emploi. L'entreprise Monneret à Lons, région où l'on trouve beaucoup d'artisans, manque sensiblement de sous-traitant pour la réalisation des plans de moule et ils sont parfois obligés de se rendre jusqu'à Oyonnax ou même plus loin encore. Pour comprendre la pérennité et 1 * importance des relations entre industriels et sous-traitants, il semble qu'il faille se diriger vers les structures coopératives, un certain sens du collectivisme.

Le travail à domicile

Directement lié à la sous-traitance, le travail à domicile était une des caractéristiques dans l'Arc Jurassien. Il semblerait qu'aujourd'hui on y ait de moins en moins recours par volonté de gérer la production de manière plus rationnelle, donc d'intégrer au maximum toutes les opérations dans l'usine. Sachant que ce volant existe, il autorise une marge de manoeuvre en cas de surproduction, ce qui est souvent le cas, dans l'industrie du jouet. La majeure partie des ventes se réalise au second semestre. On observe un phénomène similaire à la sous-traitance mais encore plus accentué, cette forme d'organisation de travail tend à disparaître de plus en plus. Selon M. Pouthier, autant le travail à domicile (couture, décoration) que le façonnage à domicile (ex : les presses à souffler mises en dépôt dans les garages des particuliers) sont des éléments qu'il faut éliminer. Les mesures sont nécessaires, selon lui, pour gérer sérieusement une entreprise et elles ont pris effet dès 1976 chez Clairbois. "Il faut nettoyer tout ça, c'est de l'antigestion." Les rancoeurs tenaces subsistent à ce propos, on dit de lui qu'"il a désintégré le travail à domicile." Si comme l'affirme M. Clerc, des paysans ont vendu leur cheptel pour acquérir leur propre presse, il s'est vite avéré avec l'accroissement de la taille des jouets plastique que le transport, la manipulation ne favorisait pas le façonnage à domicile. Chez Noréda, M. Dalloz avait réduit au strict minimum la part des travailleurs à domicile (la plupart du temps une main d'oeuvre féminine) dès 1963, appliquant par avance les principes contemporains. Aujourd'hui, on fait encore appel à cette main d'oeuvre principalement durant la période hivernale (septembre, octobre, novembre) pour les commandes de Noël afin de compléter les effectifs permanents. Mais tous travaillent à l'usine où toute la production est centralisée.

A partir d'un exemple, la barque de Babar de l'entreprise Vilac, nous allons étudier, pièce par pièce, quelles parties sont sous-traitées et dans quel rayon se situent les sous- traitants. Ce jouet nous montre la complexité à gérer une gamme de produits dont nombres de pièces sont produits par des sous- traitants. 46 Réseau de sous-traitants et de travailleurs à domicile a partir d'un exemple : la barque de Babar de l'entreprise Vilac.

Parties Sous-parties Nature du travail Lieu du sous-traitant du jouet Figurine tête outils de forme Strasbourg corps outils de forme Villars d'Héria (39) teinte (39) Barque corps façonnage et teinte Lavigny (39 chevilles fabrication Clairvaux (39) corps teinte (39) tampographie Moirans (39) plaques d'impression Oyonnax rouleau teinte Thoiria (39) axes fabrication Moirans (39) métalliques bruiteur fabrication Convert (Oyonnax) découpe ( 39) roues plasti­ fabrication Ain que (infé­ rieur) roues plasti­ fabrication des Villars d'Héria (39) que et boules moules (supérieur) façonnage Oyonnax Mats façonnage Clairvaux (39) teinte Thoiria (39) agrafage Moirans (39) Voile fabrication Nord traitement anti-feu Lyon couture (à domicile) (39) sérigraphie Villars d'Héria (39)

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p l*w Le montage à domicile de 1 * ensemble se fait dans un rayon de cinq kilomètres autour de Moirans. Un chauffeur est employé par Vilac uniquement pour assurer la liaison entre les sous-traitants. L'appel à ce système de sous-traitance chez Vilac permet, selon M. Gilet, à ce qu'ils investissent peu en machines, en personnel qualifié et donc en salaires. Il faut tenir compte que cette entreprise, vu la nature de sa production, produit beaucoup de petites séries. Et ils font appel aux sous-traitants qui, comme les tourneurs, se sont spécialisés dans une opération technique précise. Quel lien peut-on établir entre ce mode de fonctionnement reposant sur le passé de tournerie, et le non investissement ? question à laquelle nous pourrons répondre plus loin.

c) Topographie et production

L'implantation d'industries en zone montagneuse peut impliquer des problèmes d'organisation de la production surtout si celle-ci a été amenée à se développer rapidement, et si des lieux de stockage importants s'imposent, comme c'est le cas pour le jouet. Quel que soit le site retenu, on remarque un éparpillement de la production des entreprises de jouets ce qui ne correspond peut-être plus aux critères d'expansion et de gestion rationnelle de la production requis par les industriels.

Entreprises Sites de production Smoby : Lavans, Arinthod et Moirans en 1992 Clairbois : Villards, Moirans et Lons Lorge : Vouglans et Moirans en 1992 Berchet : Oyonnax et Moirans en 1992 Jeujura : St Germain (mais peu de production) et Salins Monneret : Lons, Conliège Falquet (1 ) : Centralisé à Oyonnax Noréda : M. Dalloz avait envisagé avant son décès la décentralisation sur Lons

(1) Ayant été soumis aux problèmes de stockage de Jouets volumineux : les tracteurs soufflés, H. Falquet aurait envisagé ces problèmes bien avant les autres fabricants - lieu de stockage, entrepôt et circulation des produits semi-finis. On peut noter que les villes ou villages, suivant leur situation géographique et leur développement économique, n'autorise plus d'extension autour de l'unité de base, l'usine de départ. Aussi, les industriels sont contraints à rechercher en permanence des réserves foncières. On peut intégrer la corrélation entre site de production et politique de développement des communes pour comprendre leurs choix. Des critères économiques rentrent en jeu également, à Lavans-les- St Claude le prix du m2 est de 1 ' ordre de 300 F alors qu ' il n'est que de 75 dans la commune d'Arinthod ; Moirans, outre l'espace disponible et la situation géographique (entre Lons et Oyonnax) possède deux entreprises de transporteurs routiers, moyen de transport couramment utilisé par les industriels jurassiens.

Au-delà de ces choix de site, on pourrait s'interroger sur les motifs profonds qui ont conforté les fabricants à rester en montagne, plutôt que dans les zones de plaine telles que Lons, Oyonnax... et même dans des pays étrangers où le coût de la main d'oeuvre est plus faible qu'en France.

Vu les difficultés à gérer la production, on peut se demander quel est l'attachement des industriels au village, à leurs employés. Nous aborderons plus précisément cet aspect à la fin de cette partie.

3°) Structures coopératives et groupements commerciaux

On ne connaît que sommairement les structures coopératives et associatives qui, dès la fin du XIXe siècle se sont crées dans la région de St Claude ; on trouve le Diamant Club en 1886, la Pipe en 1908, le Diamant ou Adamas en 1914, la Fraternelle (société mutualiste), les "tourneries ouvrières" (regroupant 300 tourneurs avant 1939 à Dortan, coopératives artisanales à Moirans ou St Claude...) et sur Oyonnax, des sociétés de secours mutuel, la Caisse des Aplatisseurs, des sociétés musicales, la lyre industrielle et sportives, l'Avenir. "Le Jura est empreint de cette tradition coopérative" (thorent, 1977:5). Leur nombre atteste de la forte sociabilité qui pouvait exister dans ce milieu d'artisans. Et il faut conserver à 1'esprit ces formes d'entraide et d'unions pour comprendre ce qui s'est déroulé à la fin des années 60 dans le secteur jouets. Dans les années 70, on assiste à des regroupements et à des fusions d'entreprises dûs à un morcellement au niveau de la fabrication des jouets. Les industriels du jouet restructurent leur profession en se regroupant dans la Chambre Syndicale Nationale, projet soutenu par le Ministère de l'Industrie. Les banques sont de la partie : - Le groupe Rotschild devient commanditaire de la Compagnie Générale du Jouet (C.G.I.), n°l français. - Le Crédit Lyonnais contrôle le Jouet Français (dont faisait partie Jouef (trains électriques), Heller (Maquettes) et Solido (voitures miniatures). - Le troisième groupe est une association commerciale de 7 entreprises jurassiennes, Superjouet. Ces trois groupements vont transformer le marché du Jouet en France en quelques années. Aujourd'hui, il n'en reste qu'un, celui des jurassiens. Tant la Chambre de Commerce de Lons que les producteurs locaux, tous avaient ressenti le besoin de restructurer commercialement le secteur pour l'exportation. En mars 1967, se créait ce groupement d'intérêt économique (1) dont faisaient partie 6 entreprises du Jura et une de l'Ain. L'organe central de gestion se situe à Lavancia-Epercy à la frontière des 2 départements. Chaque adhérent reste maître de ses produits et conserve la gestion de sa clientèle française traduisant une farouche indépendance des industriels). Superjouet assure à chacun une représentation sur les marchés étrangers (principalement en Allemagne dès 1973 et en Angleterre en 1976), sur les salons (Nuremberg, Milan, Paris, Valence...) et pour cela, une édition de catalogue commune. La formule eut très tôt du succès puisque Superjouet obtint l'Oscar de l'exportation en 1971. A l'initiative de ce projet, Mr Lardy figure importante du jouet dont l'entreprise est située également à Lavancia, affinnait face à la croissance des importations sur le marche français : (cf tableau) "Il faut nous unir et avancer car nous ne pouvons pas rester ainsi renfermés ; il faut exporter." (RFC n°214, Avril 1982) Sentant qu'il fallait à ce moment ne pas rater le coche et s'ouvrir sur 1'extérieur au risque de ne plus exister ou d'être racheté comme de nombreuses entreprises françaises.

(1) société & capital variable avec 6 parts égales. 50

CU (-1 CU -O T3 C CU CO U U a 3

CM Tf VO VO O O CcU CU- iH OCO O H f>> CTI r» r>. en vo en o •a n CM ^í TÍ *í 00 ^S* co o eu -H 'ta TOTAL E •p u FRANÇAIS E c 'eu n PRODUCTIO N eu a-H > eu eu CO E "O ^i m co Prod.Français e »eu vo a T3 (Ti Í-I J MARCH E PA R H 0 •p co PAR T D l o en co eu en en en en en en O CO 3 tH tH i-l tH tH T-l CO eu m o FRANC S 198 8 <^ J vO -n E N MILLION S C'est lui qui, avec cinq collègues a recherché "la formule d'union qui permettait de sortir de l'ère artisanale aux petits moyens sans toutefois toucher à la sainte indépendance des hommes qui entendaient rester maître chez eux". (Thorent, 1976:20)

Avant cette forme officielle, ces fabricants étaient déjà réunis depuis 1959 et ils se sont organisés (en faisant taire ou en gérant leurs différents) en procédant à une adaptation progressive de leurs fabrications : - répartition des séries de jouets par entreprise, chacun ne conservait qu'un nombre limité de chaînes, dans lesquelles il se spécialisait davantage que par le passé. "On rassemblait les collections car tout le monde faisait un peu de tout, c'était le début de la spécialisation (M. Clerc)". - cette répartition permettait à chacun de produire des séries plus importantes avec un nombre moins élevé de machines différentes, d'où un accroissement de la productivité et des coûts de revient inférieurs à la concurrence.

Le "groupe des 6" se composait de :

Usine Productions de jouets bois Maurice Charton mobilier pour enfants, jeux de football Michel Charton camions, parcs Clairbois pétanque, jouets à traîner Dessoy quilles, jeux de construction, jeux éducatifs Favre brouettes, croquet Lardy jeux d'échecs, trains en bois, jeux éducatifs (cf photo page suivante)

En 1959, 19 fabricants de jouets prenaient part à des réunions préliminaires, 13 seulement furent favorables à l'idée d'association. Ils ne furent que 6 à relever ce pari. Et leurs craintes résonnent encore chez les ouvriers, craintes qui n'étaient pas sans rappeler celles des tourneurs refusant la place au tour pour ne pas développer leurs secrets de fabrication. "Je me rappelle quand ça a démarré, quand ils ont fait Superjouet,... ils en parlaient les jeunes... et le patron, il disait : «oh ça ne veut pas aller, ça m'étonnerait, on va se faire concurrence les uns les autres...», il avait un peu une idée préconçue, ancienne" (Mr Peuget). 52

Extrait de : "Le livre d'or de l'industrie française du jouet", Tome 1, la revue des acheteurs, éditions nos jouets nos jeux, décembre 1960, n°73-74. i i H i i .-„il :Ï ivr-"*^ ¿-Cts.*

Réunion de travail du Groupe des 6. De gau­ che à droite : MM. Michel e: Maurice Char- ton, Clerc, Dessoy, Favre, Lardy. S DES 6

Logo du groupement Superjouet Après avoir fait une tentative ratée de regroupement de tourneurs, bien avant "le groupe des 6", le père de A. Lorge affirmait déjà : "Le Jura, c'est inorganisé et inorganisable".

Depuis 1967, les adhérents de Superjouet ont quelque peu changé. "On est allé cherché Berchet, un des frères Charton est parti et Breuil s'est intégré en 1974" (Mr Clerc). Smoby et Berchet se taillent la part du lion, bien qu'étant concurrents directs sur des gammes similaires (la répartition du début n'a pas résisté aux aléas du marché), Clairbois et Charton et enfin plus modestement Favre et Dessoy (racheté dernièrement par Berchet S.A.).

D'autres tentatives de groupement ont été tentées sur ce même modèle. Le groupe Fennec (1) en 1972 dont le siège social se tenait à Piney (Aube) comportait une entreprise jurassienne sur 5 participants.

Le groupe Djin, groupe de Distribution de Jouets Inter-Nations, a été constitué en 1970 sous la première dénomination «Jouets 2000» dont le siège social était à Ferney Voltaire (Ain). Trois entreprises du Jura y participaient : Jeujura, Giraud Sauveur et Educalux. Elles étaient associées à Rollet, Pipo et Boulgom. Malgré l'Oscar de l'exportation en 1973, ce groupement a périclité après des tentatives d'export vers l'Italie et des conflits internes. Il faudrait de plus amples recherches pour déterminer si le fait que Superjouet ne comporte que des industriels de l'Arc Jurassien n'est pas fondamental pour la compréhension de sa cohésion et sa pérennité.

Ces jeunes industriels n'étaient-ils pas héritiers à la fois d'une tradition d'innovation permanente (il n'existe pas en France de groupement similaire), d'un sens communautaire dont nous venons d'évoquer 1'importance et d ' un esprit d'ouverture leur permettant de s'adapter aux marchés étrangers digne des célèbres rouliers. Mais ne pourrait-on voir là, une réminiscence d'un état d'esprit beaucoup plus ancien, celui des paysans qui, dans ce milieu hostile et difficile, ont su trouvé les formes d'organisation pour survivre dans la montagne.

(1) Rapport de la Banque de France de Saint Claude, L'Industrie du Jouet du Jura, Janvier 1976, section IV (p7). Un cadre de l'entreprise Charton interviewé par M. Thorent y fait directement allusion. "Pourquoi avez-vous crée Superjouet ? Les fruitières de la montagne sont nées de 1'esprit d'entraide. Que peut faire un fermier isolé avec 5 vaches ? Par contre si le troupeau atteint cent têtes, on peut alors fabriquer des meules de gruyère". (Thorent, 1977:21)

Mr J.P. Breuil n'hésite pas non plus à rappeler cette comparaison : "On est comme les paysans qui allaient porter leur lait à la fruitière dans le groupe Superjouet". Et lors de la remise de l'Ourson de Cristal récompensant les meilleures entreprises exportatrices (Smoby réalise 50 % de son chiffre d'affaires à 1'export) au Salon du Jouet à Paris en 1992, J.P. Breuil n'a pas manqué de féliciter la structure originale de Superjouet avant de fustiger américains et nippons•

Ne pourrait-on maintenant avancer l'hypothèse que c'est cette même forme d'organisation, d'entraide, de forme de pensée qui a été transmise et s'est exprimée dans la fruitière, la coopérative et Superjouet ?

4 °) Rapport à 1'argent

Il ne s'agira pas ici de faire une analyse financière des bilans des entreprises de jouets mais d'intégrer quelques données afin d'étayer nos hypothèses. Nous allons voir comment les industriels ont résolu les problèmes d'investissements, relativement lourds pour des PME, pour quels motifs ils ont décidé d'introduire leurs entreprises sur le second marché lyonnais et comment ils conçoivent la pérennité de leur entreprise.

a) L'autofinancement, une règle

Depuis la mise en place des usines dans les années 30, on constate que les chefs d'entreprises ont toujours eu une volonté farouche de faire intervenir le moins possible les banquiers. "Jean Breuil s'est occupé de la partie gestion, il a donné une philosophie à l'entreprise gui consiste à faire le maximum par soi-même, le moins tributaire des autres,... une stratégie financière basée sur des fonds propres reposant sur un gros volume d'affaire et consiste à prendre tous les "métiers", de la conception à la distribution en passant par la fabrication", (un cadre de l'entreprise) L'autofinancement est toujours un principe essentiel et même une philosophie qui oblige les PME du Jura à trouver de nombreux fonds propres pour agir à leur guise et non sous la roulette des banquiers. "Il fait apparaître avec évidence la part prédominante de l'autofinancement dans les ressources et la croissance rapide du fonds de roulement net qui suit de très près l'évolution globale de l'activité". (1) Tirée de l'article du "Point", cette phrase boutade qui ne révèle pas moins un état d'esprit chez les jurassiens : "Tout sauf un banquier chez moi ! Je préfère encore avoir Georges Marchais à mon conseil d'administration !" J.P. Breuil. "Bien sûr que l'on pourrait augmenter encore plus notre production en empruntant davantage aux banquiers pour investir, mais au risque de se retrouver dans les griffes des banquiers". J.L. Berchet. Le secteur du jouet, soumis aux impératifs de la mode, se doit de s'adapter très rapidement, voire d'anticiper les goûts des enfants. Cette création au niveau des produits ne sera possible que dans le cas où l'entreprise dispose du parc machines suffisant pour répondre à ces demandes. "Il faut être souple et musclé". Un exemple de cette détermination pourrait être la façon dont l'entreprise Smoby a décidé d'investir dans un atelier de rotomoulage (de l'ordre de 10 M°. de Francs) lui permettant de réaliser des pièces volumineuses en petites séries car les moules ne sont pas très coûteux. "En juillet, la décision était prise, on a visité l'usine américaine pour faire une étude de faisabilité, la décision finale a été prise en septembre et en mars la production démarrait à Lavans. Ce qui donne une idée de la rapidité avec laquelle on peut réagir". (G. Bondier)

(1) Rapport de la Banque de France de Saint Claude, op.cité. Cet autofinancement, s'il permet d'éviter des banquiers trop timides en matière d'investissement (ou demandant des garanties très importantes), fait encourir un risque important à l'entreprise. Ce n'est pas un investissement qui aura des retombées automatiques mais possibles. Le marché dicte sa loi. Dans le cas de Smoby, le rotomoulage associé aux jouets représente un pari, contrairement à leur secteur emballage plastique où l'investissement est obligatoirement rentable, où le marché existe déjà et va se développer.

Toutefois, G. Bondier accorde qu'en matière de gestion financière, disposer de capitaux propres importants met l'entreprise à l'abri et autorise à se tromper un peu plus souvent que les concurrents. En règle générale, les investissements de Smoby ont été financés à 75 % par l'entreprise et certains la considèrent plus comme une structure financière qu'industrielle. Cette logique d'investissement continuel était hors de portée des artisans condamnés à la sous-traitance ou à la disparition. Et ce n'est qu'en étant issus de négociants ou appartenant à une famille qui n'a pas conservé les bénéfices de l'entreprise en les réinvestissant. Ce fut le cas pour Mr Lorge. Afin d'automatiser son outil de production, Mr Lorge, il y a quelques années, fit l'achat de deux tours à commandes numériques en autofinançant une grande partie. (Pour travailler le carrelet de hêtre plutôt que le rondin de buis à la rotative). "J'avais peut-être trop autofinancé, le banquier me courrait après mais maintenant ça va mieux et dès que j'ai fini de payer une machine, j'en rachète une autre. La dernière c'est un atelier de sérigraphie". Mr Dalloz, à son époque, avait compris que la santé et la survie de l'entreprise devait suivre cette logique d'investissements. "Une maison, ce n'est pas fait pour être sucé, c'est fait pour travailler. Ce qu'on gagne, il faut y investir".(rapporter par Mr Peuget) Certaines entreprises se contentent de sous-traiter leur production sans procéder à des investissements tant dans l'outil de production, en ressources humaines que dans le secteur Recherche et Développement (principalement dans le jouet bois). Ne devrait-on pas lire dans cet état de fait, un rapport au capital issu directement du rapport à la terre qu'entretenait les paysans pluriactifs qui s'adonnaient dans le Massif à des fabrications qui n'exigeaient presque pas de mise de fond. Pour être le moins dépendants des banques, les jurassiens ont trouvé de "l'argent frais" à meilleur compte en entrant au second marché à Lyon.

b) Entrée en Bourse et succession

Crée en 1983, le second marché est un compartiment boursier réglementé, allégé de certaines dispositions, permettant aux PME-PMI d'accéder plus facilement au marché financier. Mr Breuil apparaît comme un novateur à plus d'un titre. (1) La société Moquin-Breuil change de dénomination sociale en juin 1983 quand elle s'introduit en Bourse. C'était la première PME du Jura. Par la suite, Monneret en février 1985, Clairbois en Juin 1986 et enfin Jouef en décembre 1989 pour le secteur jouet. Dans la lunetterie, on trouve les entreprises Bourgeois de (juin/1984), Dalloz de St Claude (janvier/86) et L'Amy de Morez (octobre/86). Cependant, seule l'action Smoby (pour les entreprises du jouet) a augmenté depuis son cours d'entrée. Pour quelles raisons et quel sens peut-on apporter à ces opérations ? Qu'est-ce que cela révèle ? Divers arguments sont avancés et pour M. Pouthier, cela correspond à une volonté de pérennité de l'entreprise et du capital au niveau familial, et à un apport de fonds propres. Pour Smoby, le pérennité de la société, l'impact publicitaire, et des capitaux propres en vue de 1 ' investissement dans la technologie et le pôle recherche et développement. Doit-on comprendre que l'entreprise est transcendée aux dépens de l'outil de production si l'introduction en Bourse vise la pérennité de l'entreprise ?

(1) En 1979. Mr Breuil a profité d'un aspect législatif peu usité pour que son personnel profite de l'intéressement au chiffre d'affaires. Depuis, la loi a été modifiée et ce système s'est développé. En 1983, 11 y avait six entreprises Jurassiennes et en 1991 près de 200 qui ont un contrat d'intéressement. 58

Certains industriels réagissent négativement voire avec crainte, quand ils considèrent ces opérations. Mr Falquet déclare "La Bourse est une escroquerie" et n'hésite pas à comparer ces faits avec la grande distribution américaine et ses multiples rachats. C'est ce qui l'amène, en dépit des bilans financiers favorables, à craindre que la croissance de Smoby ne soit telle que l'entreprise échappe à son dirigeant et ne soit, un jour, rachetée. Ici, on touche une certaine conception propriétariste de l'entreprise qui nous renvoie au rapport à la propriété spécifique qu'est le principe de la mainmorte interdisant l'aliénation de la propriété par la vente. La Bourse est perçue avec la même peur par d'autres industriels : "on n'est plus le patron..." dont la taille de l'entreprise ne leur permettrait pourtant pas d'accéder au marché boursier.

Et chacun s'accorde à donner une taille critique, estimée pour qu'une entreprise soit solide et durable. Ces craintes sont souvent, dans les discours, des préambules à des exemples d'entreprises régionales qui ont fait faillite. Ainsi M.Liégeon cite Bazinet, une entreprise de jouets de Champagnole qui a périclité, et Mr Breuil de rappeler à ses collaborateurs deux exemples : 1'entreprise Mayet de St Lupicin qui, il y a 30 ans, était une importante société dont les héritiers ont dilapidé en réclamant leur part, idem pour Méli- Mélo, une importante société morézienne qui fabriquait des lunettes. La solution de la Bourse, selon le directeur financier de Smoby, a été adoptée par M. Breuil pour parer la fragilité d'une entreprise face aux successions mal préparées. Hormis pour ceux qui sont cotés en Bourse, la succession apparaît comme une véritable préoccupation pour les dirigeants. "la pérennité me terrorise" (Mr Falquet). Effectivement, les industriels peuvent être inquiets quand ils voient l'histoire de l'entreprise Noréda qui, après le décès de son dirigeant M. Dalloz, périclita malgré l'importance qu'elle avait acquise jusque là. "Des fois, ça tient à une personne..." A travers les histoires des entreprises, qu'elles soient aujourd'hui prospères ou bien qu'elles aient disparu, on peut voir comment les chefs d'entreprise imaginent et préparent, suivant une logique patrilinéaire, la suite de leur entreprise.

On pourrait s'interroger, dans le même ordre d'idées, sur les réseaux de parenté qui existent entre les industriels afin de rendre sensés ou simplement compréhensibles certains choix en les replaçant dans des stratégies familiales dissimulées. En conclusion, il apparaît que l'image et le discours que les industriels donnent, (celui de l'innovation technologique et de la restructuration en ressources humaines) sont en décalage avec les pratiques observées. Ceux-ci sont autant de points de cristallisation de la prégnance du modèle qui surgissent tels que le paternalisme ambiant, l'organisation sociale du travail. Après avoir repéré ces particularités à propos de la conception de l'entreprise, nous allons aborder le produit lui-même et les représentations qui s'y rattachent, tenter de comprendre pourquoi on produit tel article, dans tel matériau, à tel endroit. 60

Presse à injecter le plastique robotisée.

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Mécanicien opérant à un Modification d'un moule de changement de moule Tri-Ang par un mécanicien de chez Clairbois. 61

Chaîne de montage des porteurs.

Entrepôt de stockage des produits semi-finis. II - La représentation du produit

Par deux éléments majeurs dans l'histoire des entreprises de jouet, nous allons aborder la représentation du produit-jouet par les industriels. Il s'agira d'abord de la façon, du moment et des motivations qui les ont fait pénétrer dans l'industrie du jouet et celles qui leur ont fait franchir le pas de la diversification, en intégrant d'autres productions aux jouets.

Io) L'option jouet

"On ne produit pas du jouet comme on fait des bouteilles" (un industriel). Si on s'en remet à la typologie présentée précédemment, les entreprises ayant développé une technique (bois ou plastique) en fabriquant divers articles avant 1945, ont opté pour une production de jouets à partir de cette date (ex : Favre, Dessoy, Clairbois, Falquet...). Souvent, ce changement procède d'une passation de pouvoirs entre le père et le fils. La remise en cause du produit nécessite pour certains un apport nouveau..., une vision du marché peut-être plus audacieuse. Les "négociants" tels Monneret et Dalloz, malgré une importante production de robinets et d'outils de ménage à Arinthod pour ce dernier, se spécialisèrent très tôt (avant guerre) dans le jouet.

Les entreprises arrivées plus récemment dans le jouet (comme Smoby) se sont déterminées peut-être davantage par rapport à un marché croissant, à une demande inassouvie que par désir de contenter les "chères têtes blondes". L'outil de production, on le constatera à nouveau plus loin est mis en avant par cette catégorie de dirigeants. Le produit jouet est, on s'en doute, différent d'un bien de consommation courant. Aussi, cet engouement peut-il être communicatif. "C'est Mr Clerc qui nous a donné envie de faire du jouet" (D. Breuil). Mr Lorge, Liégeon et Paris, tous trois restés dans le jouet bois, ont suivi le même itinéraire à quelques dizaines d'années d'intervalle. Le représentant de Jeujura, Mr Huard, indique à Mr Liégeon le besoin sur le marché français de jeux de société dès 1930 et lui en assure la distribution. Mr Lorge, spécialiste de l'article tourné, fabriquait en sous-traitance des jouets bois pour un distributeur. Par la suite, il décide, suite à une rupture de paiement, de racheter l'entreprise et de créer sa marque "L'arbre à Jouer" en 1974. "Je suis parti dans le jouet malgré moi. A cette époque, on voyait le jouet comme un plus de la tournerie..." (Mr Lorge). Mr Paris, lui, était façonnier pour M. Dalloz avant de créer sa propre marque et de la commercialiser. Le choix de développer leur propres gammes de jouets correspond à ce moment à un attachement affectif profond au produit. Le matériau utilisé implique une représentation directement liée à sa durée de vie : le bois associé à matériau noble, les créneaux haut de gamme (jouet bois au coût et donc au prix élevé, style jeux d'échecs) opposé classiquement au plastique, correspondant à une production en série vendue en grandes surfaces et donc dévalorisée. En fait, pour les producteurs, les techniciens, l'investissement dans le jouet bois serait à rapprocher de l'attachement de l'horloger au mécanisme face au quartz , ou dans un autre domaine, la lunette en métal face à la lunette en plastique.

"Dans les grandes surfaces, nos jouets sont vendus comme des saucissons" (chef d'entreprise cité par R. Lioger,1989:56).

Il faut orienter notre réflexion (il y a deux siècles) au temps où la proportion du travail humain dans la valeur de leurs produits était très importante et leur accordait, non pas des ressources substantielles, mais un prestige dont ils s'enorgueillissaient. "Dans une société rurale où l'on garde tout, où l'on rafistole jusqu'à la dernière limite, on ne peut pas imaginer une utilisation aussi rapide de 1'ob jet-jouet, quand bien même il ne vaudrait que cent sous (c'est déjà cent sous)". (Lioger, 1989:71) Aujourd'hui, l'automatisation du travail impliquant une consommation accrue a provoqué chez le consommateur une banalisation voire un "irrespect" du produit (au même titre que la montre à quartz à 50 F) qui correspond chez les producteurs à un détachement singulier du produit vers l'outil de production. On tente de rentabiliser le plus possible l'outil de production en produisant d'autres objets que les jouets. Le jouet n'est pas aussi contraignant qu'une "pièce industrielle" et on peut distinguer une véritable détermination des designers à ne pas quitter ce secteur car, selon eux, la création peut prendre de multiples formes au départ. Alors que dans d'autres domaines (lunetteries, horlogerie, automobile...)/ les designers apportent seulement des "subtilités" qui ne valorisent pas assez l'aspect conceptualisation du produit. "Moi je serais malheureux en ayant travaillé 20 ans dans le jouet, de partir dans la pièce industrielle. On en a fait au début mais on avait envie d'aller plus loin, c'était trop répétitif". (M.Faivre, designer) Cette perception peut provenir de 1'"extérieur" et renvoyer à une représentation de l'univers industriel du jouet. "Quand tu dis que tu fais du jouet, ça ne fait pas sérieux. Il y a eu un fabriquant qui voulait me faire carrosser un motoculteur mais quand il a su que je faisais du jouet, il a retiré son offre". (M.Rancière ,designer)

2°) La diversification La diversification de la production va entrer en jeu pour amortir 1'appareil de production mais il nous faut garder à l'esprit, le fait que le jouet représente une véritable passion, ce qu'il y a de difficile à fabriquer, là où il y a le plus d'enjeu, où les industriels sont le plus motivés car il induit un risque et exige des connaissances étendues : gérer les données concernant l'enfant, l'esthétique, la mode, la concurrence internationale, les techniques de fabrication, les matériaux nouveaux... Alors que la fabrication d'emballages plastiques soufflés ou de tringles à rideau qui sont produits de façon mécanique par des machines ne nécessite que des compétences de gestionnaire,(il ne reste qu ' à trouver les marchés pour les vendre ). et par conséquent semble moins "grisant" que la production de jouets. "Le jouet c'est une obsession pour J.P. Breuil". En 1992, Smoby réalise 25 % de son chiffre d'affaires dans l'emballage plastique. Comment se sont-ils orientés dans cette voie? Dans les années 80, la vogue des jouets soufflés diminua et un parc machine important de souffleuses restait à leur disposition. Plutôt que de se séparer de celles-ci et après recherches, ils optèrent pour la solution de rentabiliser le savoir-faire qu'ils détenaient sur ces presses en se lançant dans la fabrication de bidons plastique. Idem pour le rotomoulage, devant l'hésitation des consommateurs à investir dans les jouets de grande taille (quand ils dépassent 500F), les dirigeants avaient eu le projet d'amortir cet outil de production en faisant une étude de marché visant la fabrication d' auges bovines. "J.P. Breuil, il passe à côté de ses souffleuse, il ne les regarde même pas" ! Nous voyons que l'image du produit-jouet a changé. Et cette évolution relativement récente se traduira par la nouvelle orientation scolaire des enfants de dirigeants qui se voient orienter vers des filières commerciales ou marketing. Le jouet n'est plus un produit fabriqué par des techniciens, il est devenu un produit qu'il faut vendre et commercialisé. Il faut, à la tête des entreprises, des hommes de marché qui puissent s'adapter rapidement à de nouvelles conditions économiques ; le temps n'est résolument plus aux "patrons" qui connaissaient parfaitement l'univers technique industriel. Le jouet devient alors un produit comme un autre pour ces hommes de marché, même s'il leur apparaît plutôt "agréable". Ils n'hésiteront pas à s'en éloigner et peut-être à s'en détacher. Pour eux, le jouet renvoie à un passé prestigieux, qui a permis d'accumuler les expériences nécessaires et les données de base du marché. L'entreprise Noréda avait déjà tenté cette diversification dans les années 60 à partir des presses à injecter. Elle ne fut pas réalisée car le manque de précision et de savoir-faire, nécessaire à l'élaboration de pièces industrielles, ne leur avait pas permis de travailler en sous-traitance pour l'entreprise Moulinex. M.Lorge masque ses difficultés mais aussi ses satisfactions à fabriquer des jouets en affirmant qu'il regrette ce choix qu'il a fait en 1974. "C'est une catastrophe, le renouveau du jouet bois est faible par rapport à l'investissement en recherche, en énergie. On n'y arrive pas si on ne fait que du jouet... la tournerie c'est quand même plus rentable".

Et lorsque M.Liégeon a dû pénétrer sur le marché du meuble, vu ses difficultés de commercialisation de sa gamme jouet, il réussit à léguer une entreprise en pleine expansion à un de ses fils. Pourtant cela ne l'empêche pas d'avoir des regrets de ne pas avoir pu développer sa production de jouets comme il l'aurait souhaité. Jeu jura et Vilac ne sont pas forcément hostiles à une autre production pour pallier les aléas du marché du jouet bois , qui, en l'occurrence, les rendent si fragiles.

Si les industriels n'opèrent pas une remise en cause de leurs produits, et continuent toujours la même production, cela pourrait signifier qu'ils cessent de s'adapter et d'innover comme il en a toujours été ainsi dans ce milieu et s'inscrivent alors en rupture * On voit ici que le jouet est un alibi et on n'hésite pas à l'abandonner pour rentabiliser l'outil de production, même si le rapport à cet objet est spécifique (d'"agréable" à "l'obsession"). "Il y a ceux qui font du jouet avec leur coeur" "On fait ce qu'on aime". On est en présence d'une ligne continue de ce milieu industriel qui s ' adapte constamment comme on l'a vu pour les tourneurs. La pluriactivité pourrait alors s'exprimer sous une autre forme dans la diversification des produits. La technique étant maîtrisée, les machines acquises, (du peigne à la pièce automobile à Oyonnax). Importance de la liaison produit-technique savoir-faire. Si le marché ne suffit plus pour absorber la production, le savoir faire acquis dans une technique sera utilisé pour un autre produit. Le jouet n'étant alors qu'un des multiples cas possibles. La diversification est synonyme de continuité dans le milieu, mais aussi de modernisme, sous entendu lucidité et orientation importante avant la chute. Maintenant il faut plus prévoir qu'attendre. Dans ce cas, c'est le processus technique qui détermine la destination sociale du produit. * Le jouet : un emblème Dans une étude ultérieure, cet axe de recherche semble être un des critères qu'il faudrait exploiter pour continuer à cerner les représentations des industriels autour de leurs produits dans l'arc jurassien. Si le jouet est devenu l'emblème de Moirans, Morez, celui de la lunette, Saint Claude, celui de la pipe, Oyonnax, celui du plastique ... il apparaît intéressant de s'interroger sur les représentations, sur ces emblèmes. Dans le cas du jouet, des regroupements tels que la FNIJ ou plus particulièrement la Maison du Jouet, Association à but non lucratif ouverte aux professionnels fabriquant plus de 60 % des productions vendus en Europe. Elle fut crée à l'initiative des industriels jurassiens dès 1986 visant la promotion du jouet français par le biais d'un musée, un centre de tests d'usage et normatifs... "Les Jurassiens, c'est les japonais de la France". (Un industriel) Quelle cristallisation des rapports entre industriels, quelle unité pour donner une image, cette fois-ci non plus à 1'export, mais aux visiteurs de passage... quelle volonté pour créer un centre de recherches commun pour tester les jouets. Cette localisation emblématique de la production du jouet (symbolisée par un bâtiment à son image), nous permet d'accéder une fois de plus à ce sens du corporatisme, du système coopératif pratiqué par les jurassiens. Là encore, les stratégies d'alliance complexes s'expriment par l'adhésion ou la non-adhésion (liste cf annexe n°4), et en faisant une analyse sommaire, on s'aperçoit que les 2/3 des adhérents fabriquent des jouets dans le département du Jura. Aucun industriel d'Oyonnax n'y est associé (excepté le plus important, Berchet qui y a adhéré une année) et le Conseil d'Administration réunit Smoby, Monneret, Clairbois, Lorge, Jeujura et Vilac Il faudrait aller au-delà pour saisir les enjeux, le sens que peut avoir ce regroupement autour de la Maison du Jouet pour saisir les représentations qui y sont associées. Comment doit-on intégrer le fait que certains industriels non jurassiens ont désiré participé à ce projet, bien qu'ayant une toute autre histoire car n'appartenant pas au même milieu ? Nous sommes en présence d'un phénomène proche de celui de Superjouet mais différent car il fait participer des entreprises n'appartenant pas au milieu jurassien, et n'utilisant forcément pas les mêmes procédures. Même si on tient compte du fait qu'ils réunissent une grande part de la production française, comment les jurassiens fidèles à leur logique collective ont su emporté avec eux d'autres industriels ? On se doit d'être prudent en considérant l'accueil de celles-ci puisqu'elles n'occupent pas de poste dans l'équipe de direction de la Maison du Jouet.

L' emblèmatisation du jouet du Jura, que ce soit dans le discours des designers ou dans cette association originale qu'est la Maison du Jouet, cette union autour d'un produit révèle une fois encore un mode de fonctionnement collectiviste.

L'image du produit renvoie à la perception de ce qu'on fait, des problèmes techniques, la fonction de l'objet, la destination sociale du produit. Dans quoi la rupture au modèle dans ce cadre s'incarne-t-elle ? On le voit, c'est davantage dans ce qui est fabriqué, dans la conception du produit, d'un travail et dans la perception de ce qu'on fait et non dans la transmission des techniques. En fait, cette rupture se situe hors raisons rationnelles justes mais bien dans les représentations et l'imaginaire. Ill - Approche d'un milieu technique

Dans cette partie, nous allons envisager plus précisément le fait technique en le replaçant dans cette aire afin de mettre en exergue les éléments structurels du milieu technique qui ont favorisé les multiples innovations, et pour expliquer certaines tentatives ratées. Comment les industriels ont-ils fait pour parvenir à gérer l'entreprise intimement liée à la vie du village et les contraintes que l'internationalisation des marchés a imposées ? Ce questionnement nous renverra au rapport au territoire qu'ils entretiennent, à une certaine perception du milieu jurassien.

1°) Flexibilité des processus techniques

a) L'innovation technologique

Comme on l'a vu précédemment, l'évolution, l'adaptation des techniques par les hommes a joué un grand rôle dans la conservation des entreprises dans le Massif Jurassien. On peut s'interroger sur les innovations contemporaines et la mise en forme de ce sens de la mécanique. Les fabricants de jouet bois cachent encore actuellement leurs productions et les techniques qu'ils utilisent (teinte fluo, blanchiment du bois, laquage...) alors que les techniques plastique, même s'il existe encore des astuces pour les mises au point, revêtent beaucoup moins cet aspect, du moins au point de vue technique. Ces dernières se préoccupent un peu moins des techniques et de leur amélioration, si ce n'est qu'elles fassent baisser le coût de revient du produit. Toutefois, les fabricants de moules (moulistes), étant donné l'environnement économique favorable, sont très recherchés. C'est dans la conception voire l'adaptation (d'anciens moules à modifier) que réside leur savoir-faire, souvent acquis dans le cadre de l'entreprise par cette "aristocratie ouvrière" (Cheval,1989:17), qu'elle produise des jouets ou d'autres pièces industrielles.

Il semble qu'il ne faille pas se focaliser sur le geste technique mais bien sur une culture technique propre à l'aire que nous étudions. "On peut alors dire que malgré les apparences, toutes les techniques sont équivalentes pour un groupe d'ouvriers «souples techniquement»". (Lioger, 1989:63) Aussi pour comprendre et cerner cette notion qui a permis au tourneur de développer sa production, au mécanicien de fabriquer des rotatives automatisant le geste du tourneur, au mouliste de permettre l'essor des plastiques, nous proposons la trajectoire paradigmatique d'un directeur technique qui travaille dans une entreprise de jouets, Clairbois.

Voici les indications recueillies par Richard Lioger sur cette généalogie significative. "Ego, né en 1909, commence le travail à 11 ans avec son beau- père, lui-même tourneur à la place, ce beau-père était associé avec d'autres tourneurs au sein d'une coopérative de production de Moirans. Il achète le moulin avant la deuxième guerre mondiale. Ses filles travailleront toutes dans l'entreprise avant de se marier. Une d'entre elles, selon Mmes D. «n'aurait jamais épousé un artisan, même pour tout l'or du monde», les deux autres ont marié un homme travaillant dans le jouet. Sur les six fils, tous ont une formation de mécanique (niveau Bac ou BTS), deux seulement ne travaillent pas dans le jouet, bien qu'ayant travaillé avec le père. L'un travaille dans le plastique (mécanicien sur moule), un autre est technicien dans le jouet en bois (poste important de responsabilité), et le dernier a le même poste dans une grande entreprise de jouets plastiques. Cinq des ménages des enfants d'Ego vivent du j ouet... (Lioger, 198:22)

Si ces fils sont férus de mécanique, ce qui était la règle il y a une quarantaine d'années, on s'aperçoit qu'aucun n'aborde l'aspect gestion de l'entreprise ou la maîtrise des circuits de distribution. Selon R. Lioger, ce serait une des raisons pour lesquelles ils n'étaient pas intéressés par la reprise de l'entreprise familiale. Fils d'artisan tourneur à Villards d'Héria, quand il était enfant, L. Dizière travaillait à l'atelier les jeudis sur les rotatives, perceuses ou au vernissage ou pistolet. Plus tard, il passe un Brevet d'Enseignement Industriel où il travaille beaucoup en atelier et complète sa formation dans un lycée lyonnais, avant d'acquérir un BTS de mécanique à Paris en 1966. Il revient à Moirans où il travaille 10 ans chez un mouliste réputé, l'entreprise Thomas (domaines divers : automobile, électroménager, pièces de précision...) puis intègre les rangs de l'entreprise Clairbois. Généalogie de Mr. Dizière 70 (sources R.Lioger 1989) ^•ZlS" &>£ TS

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C/3 *» r^è- ""\J Il reconnaît que le sens du bricolage, de la mécanique, c'est son père qui lui a transmis ; c'est ce qui l'a aidé, principalement dans le jouet où "il y a beaucoup de système D". Le fait d'avoir travaillé dans l'entreprise Thomas lui a valu une considération certaine. A son entrée, en 1978, il instaure les plans de moule pour remplacer les croquis faits jusque là et forme des équipes. "J'étais un peu le bon dieu quand je suis arrivé". (L.D. )

Cela nous renvoit à la représentation du produit en fonction de sa complexité et de sa destination sociale. "Au niveau technique, j'ai nettement baissé. Le moule dans le jouet, ce n'est pas très compliqué. Je me disais «je suis entrain de perdre tout le niveau technique» et en fait, après treize ans, je suis content. Dans le jouet, la fabrication des moules ne représente qu'une petite partie, nous, notre travail c'est faire du jouet, avec tout le contexte autour". (L. Dizière).

Une formation de mécanique générale suivie d'une spécialisation dans le plastique ( même si cela a été difficile ), a été un avantage, en lui laissant une "ouverture" dont n'ont pas profité ceux qui sont restés dans la région, en suivant l'école d'Oyonnax.

Comme leur savoir et leur savoir-faire sont transposables à d'autres techniques et d'autres produits, les mécaniciens pourraient constituer le lien entre les trois pôles industriels que nous étudions ici. Ils seraient détenteurs de cette culture technique qui a permis aux plus audacieuses innovations d'être intégrées facilement par les entreprises jurassiennes.

Lors de l'achat de machines à commandes numériques en Allemagne, Mr Lorge ne possédait pas de formation pour les mettre en place. "J'ai eu la chance d'avoir M. 6. de chez Thomas et qui était mon comptable à l'époque. Grâce à lui, on a réussi à mettre en marche la première machine très, très vite par rapport à certains. C'était un matheux, il a bouquiné et on a tout désossé la bécane de A à Z. Au bout de 6 mois, c'est nous qui disions aux allemands comment il fallait faire. On a toujours fait nos programmes nous-même, on n'a jamais fait appel à quelqu'un ! Les autres machines, après ça a été de la rigolade. Maintenant c'est mon gendre qui s'en occupe". (M. Lorge) 72

Par cet exemple, on voit comment cette matrice fonctionne et perdure dans son fonctionnement quand les industriels, conscients de leur manque de qualification (à quelque niveau que ce soit) font appel à l'extérieur de façon occasionnel, avant d'intégrer définitivement les nouvelles données indispensables, dans une deuxième phase.

L'introduction de la CAO dans certaines entreprises de jouets plastique a confronté les industriels à d'autres problèmes. Il leur a fallu faire venir des jeunes avec des formations spécifiques pour maîtriser ces nouveaux outils. Ce domaine reste à explorer et il semblerait que 1 ' utilisation des ordinateurs dans la production rentre dans la logique d'automatisation des tâches. "Il s'agit plus de recomposition des savoir-faire" (R. Lioger 1989:71).

b) Les erreurs Les cas que nous allons proposer vont nous ramener à la notion de risque déjà évoquée que prennent les industriels du jouet. Comme le marché dicte le produit, nous verrons les tentatives infructueuses impliquant diverses techniques et investissements en rapport au milieu technique spécifique qu'est l'Arc Jurassien. L'entreprise Clairbois produisant des animaux à bascule en peluche avait décidé récemment de profiter de leur atelier et de la maîtrise des techniques (relativement simples excepté pour la couture) pour tenter de vendre des petites peluches. Mais le marché n'a pas permis à cette offensive de se développer. Les concurrents étaient trop nombreux et particulièrement à l'étranger étant donné que ces petits objets arrivent en France par containers à un prix nettement inférieur dû au faible coût de la main d'oeuvre.

L'engouement du public pour les jeux électroniques importés essentiellement des Etats-Unis et du Japon dès 1980, va provoquer une réflexion chez les industriels jurassien. Allait- on voir, au même titre que le passage du bois au plastique, une véritable vague de ce type de jeux ou n'était-ce qu'un phénomène de mode éphémère ? Gommées de la mémoire collective, on vit pourtant des tentatives de la part de l'entreprise Vilac (cf catalogue 1985 page suivante) avec son jeu "Itinéraire" avec un plan d'expansion sur deux ans comprenant divers coffrets complémentaires. Ceux-ci visaient l'initiation au fonctionnement des circuits électroniques (sons, fréquences radio, fibres optiques,... ). LE GUIDE DES ENFANTS QUI VEULENT SAVOIR 73 IL Y A DU SAVOIR DANS

COFFRET DE BASE N° 850

Dimension boîte : 320 x 410 x 90 Poids : 1 kg

Création : M. DUCROUX VILAC - B.P. 10 - 39260 MOIRANS - (84) 42.00.58

CATALOGUE VILAC 1985 LE LABORATOIRE D'ELECTRONIQUE DE BERCHET A OYONNAX . —»fiphi« d« Mich«! Brignot. On peut comparer ce phénomène avec l'achat d'une presse plastique par M. Lorge au début des années 60. Si le marché venait à basculer, ils seraient présents sur ce créneau parce qu'ils avaient anticipé sur ces technologies. Mais le cas le plus intéressant fut assurément cet essai de la part de l'entreprise Berchet de développer une usine avec un bureau d'études spécifique pour fabriquer des jouets électroniques "à la française". Depuis 1981, cette entreprise avait fait le pari de concurrencer les fabricants étrangers d'électronique. Possédant une des entreprises les plus puissantes à l'époque (Berchet : 420 salariés en 1977 ; Moquin-Breuil 228 et Clairbois 223 salariés) (1), J.L Berchet décida de fabriquer à Oyonnax des "Jeux électroniques intelligents avec la volonté d'être éducatif". Il est révélateur d'observer sa position en 1982, lors de la mise sur le marché de deux jeux Micromath et Micromusic "pour apprendre en s'amusant". Ces jeux furent accueillis favorablement par les professionnels comme le soulignent le Grand Prix de l'Innovation, l'Oscar des PMI des applications micro électroniques et par la suite l'Oscar de la Villette (jeu à caractère scientifique et technique) en 1984 pour le dictionnaire électronique

"L'électronique peut entrer dans le jouet à 3 niveaux. Premier pôle, le jeu vidéo. Je n'y crois pas en France : chez nous la télévision demeure un article précieux que seuls les grands manient avec précaution. Ce n'est pas comme en Amérique où il y a un téléviseur par pièce et où les gosses touchent sans arrêt aux boutons. Donc les jeux vidéos prendront peu ici. Deuxième pôle, l'électronisation du jouet ; la poupée chante, parle, etc.. il y a amélioration notable du jouet classique, mais pas encore de révolution. La révolution électronique du jouet, la vraie, elle sera dans l'apparition de jeux réellement nouveaux. Dès les 3 ans, ils vont représenter le quart des ventes de jouets". J.L. Berchet (Réalités Franc-Comtoise n°214, Avril 1982, op. Cité)

On la voit sa perception du marché n'était tout à fait juste et il faut admettre que le comportements des enfants européens est similaire à celui de leurs homologues américains. La télévision est propriété de l'enfant, les ventes de Nitendo et Sega sont là pour en témoigner.

(1) Sources : Réalités Franc-Comtoises n*201. Décembre 1977. le jouet en Franche Comté. Les puces électroniques envahissent les jouets classiques, les premières furent les "Sonic Flashers" voitures miniatures sonores fabriquées par Majorette. Ce mouvement est croissant et va certainement prendre de l'ampleur, y compris chez les jurassiens.

M. Berchet avait bien perçu dix ans auparavant cet engouement et avait fait le choix d'investir massivement dans cette direction. L'erreur qu'il a commise a été de vouloir produire lui-même l'électronique dans la région et non de la sous- traiter en Asie, comme le font actuellement tous les fabricants français qui utilisent l'électronique dans les jouets. Il eut le projet d'investir 35 M° de francs en cinq ans dans une usine électronique qui aurait pu s'implanter à Besançon dès 1982. Et le choix qui se posait alors était de ne fabriquer dans un atelier que l'électronique de ses jeux "révolutionnaires" ou bien de construire une usine produisant des ensembles qui permettront de développer ce type de produits dont auront un jour besoin les fabricants de jouets. Le choix de la ville de Besançon nous renvoie aux capacités du milieu technique, ville qui s'est spécialisée dans les microtechniques après avoir eu un passé prestigieux dans l'horlogerie. La délocalisation se justifiait d'autant plus que le bassin d'Oyonnax, comme on l'a vu, ne possédait pas les techniciens pour ce genre de réalisations. Depuis cette période, l'entreprise Berchet eut d'énormes difficultés et après ce faux pas, décida de se réorienter vers la gamme "premier âge", créneau plus sûr qu'exploitaient Smoby et d'autres avec réussite.

"Ce n'était sous doute pas une mauvaise piste mais il aurait fallu traiter le problème différemment, sous-traiter les composants à Hong-Kong ou au Japon et maîtriser la qualité, ça c'est le fin du fin." "Il ne faut pas se tromper de moyens ni de lieux" "On ne peut lutter contre les asiatiques avec leurs armes". "C'est un gageur en pays jurassien". Les dirigeants, avec le recul, sont unanimes et concentrent à présent leurs efforts à développer des réseaux dans le Sud-Est asiatique voire y implanter des filiales. Le jeu électronique ne sera pas comme le voulait M. Berchet l'affaire des hommes du jouet avant d'être celle des électroniciens. Ce pari gigantesque raté est essentiel pour nous permettre de saisir ce qu'est l'arc jurassien, l'état d'esprit des chefs d'entreprises, les risques qu'ils prennent et dans quel milieu technique ils évoluent. C'est ainsi qu'on découvre des contraintes et les limites d'un bassin, la marge de manoeuvre limitée, au sein de cette matrice, de ces hommes habiles qui se doivent de sous-traiter ce qu'ils ne peuvent réaliser sur place ( pour diverses raisons : économiques, techniques...) . L'innovation dans les produits s'accompagne d'un développement de techniques particulières, d'un investissement financier conséquent (donc d'une prise de risques importante), d'une évaluation de l'outil de production et du bassin d'emploi. Si l'on ne tient pas compte de ces facteurs, l'entreprise réintroduit une notion de risque supplémentaire qui, vu les aléas du marché du jouet, ne paraît guère souhaitable.

c) La surreprésentation de la technique

Le lien étroit entre investissement technologique et structure du bassin est déterminant dans le secteur jouet. C'est pourquoi la technique apparaît comme un fer de lance de certains fabricants qui arborent leurs dernières machines sur leurs catalogues. D'autres, pratiquant les mêmes investissements mais plus férus de communication, mieux entourés, orientent leur publicité sur les nouveautés, la lucidité et l'aspect pédagogique de leurs jouets. Ils parviennent à se détacher soit de leur âme de producteur ou à prendre une certaine distance par rapport aux influences des responsables techniques locaux. Pourtant, le concept de mécanicien est de nos jours encore présent même s'il semble quelque peu oublié.

F. Cheval (1989:17) avait déjà noté cette persistance. "Les usines fondées par des mécaniciens, privilégient encore aujourd'hui cette "aristocratie ouvrière". La visite des entreprises s'organise très souvent autour des ateliers intégrés de mécanique, délaissant les salles d'exposition".

"Les clients étrangers aiment bien voir les machines, ça les rassure..." (un responsable marketing). Hormis cette valorisation de l'outil de production lors des visites d'entreprise, on peut, par un autre exemple, confirmer la surévaluation de la valeur travail. Un slogan utilisé par une entreprise de jouets affirmait "X, une technique d'avance". Choisir de valoriser les techniques, même si elles sont effectivement nouvelles n'apparaît pas anodin. D'ailleurs, les autres industriels, jugeant cette formule n'hésitaient pas :

"On ne cherche pas à valoriser le jouet par rapport au matériau..." "Ce n'est pas la technique que l'on veut mais un produit. C'est une plantade... même si c'est juste ; la fabrication intervient ultérieurement dans la tête des acheteurs et des consommateurs".

L'ingéniosité et le savoir-faire des techniciens (bien qu'ayant moins de pouvoir qu'auparavant) sont certes importants pour fabriquer des jouets mais lorsqu'ils prennent le pas dans la communication, quelle interprétation peut-on faire? Ne pourrait-on parler d'emblèmatisation du fait technique traduisant un ancrage profond de cette mentalité de paysan- tourneur fier de leurs savoir-faire, de leurs trouvailles jalousement gardées ? La mécanique s'incarne dans la surreprésentation technique. Et ce fait, ne peut-il pas révéler également un repli sur les valeurs traditionnelles du milieu, sur la mécanique et l'outil de production? On peut alors se poser la question de l'ouverture de ce milieu technique sur l'extérieur.

On a assurément une certaine plasticité du milieu technique mais il n'est pas le seul facteur déterminant ; il faut envisager également la mémoire technique pour comprendre le seuil de flexibilité de variabilité des procédés. C'est ce qui pourrait être le thème d'une recherche complémentaire sur ce milieu technique. 2o) Entre discours localiste et délocalisation

Très tôt, les industriels du jouet exportèrent leurs articles traditionnels en bois puis en plastique et se virent confrontés au marché mondial. Ils durent mettre en place des réseaux de commercialisation, observer les productions des concurrents et s'informer des modalités inhérentes à l'accès aux marchés étrangers.

"La concurrence sur les porteurs vient de Corée... et on est soumis à la fluctuation du cours du dollar" (un industriel).

Les jurassiens ont à l'esprit le modèle des entreprises américaines qui ont implanté des usines à Hong-Kong ou à Singapour pour la fabrication de leurs produits vu le faible coût de la main d'oeuvre locale. Ainsi, les jouets sont vendus en France au prix identique à celui des jurassiens et la marge bénéficiaire récupérée sera alors investie dans le budget publicitaire. La question qui se pose dorénavant est de savoir quel attrait ce modèle a eu comme écho chez les jurassiens. Comment ont-ils pu gérer un mode de fonctionnement local, lié à l'histoire de l'entreprise, (avec une sorte de reconnaissance implicite aux ouvriers qui leur ont permis d'accéder au rang des ' PME dynamiques) et la concurrence brutale à laquelle ils avaient jusque là été épargnés ? Quel est leur attachement au territoire, quelle perception ont-ils de 1'"extérieur", quels enjeux se dissimulent sous les discours localistes.

"Mon père a été maire de Lavans pendant 40 ans... vous imaginez... non, moralement, je ne pourrais pas laisser au bord de la route tous ces montagnards sans qui Smoby ne serait jamais devenu ce qu'il est le capitalisme a des limites. (J.P Breuil) (1)

Cette entreprise, à Lavans ou à Arinthod, est vitale pour la vie des villages où les sites sont implantés. "Arinthod, c'est Smoby..." (D.B.) Si ce rapport au territoire, ce refus de délocaliser la majeure partie de la production dans un pays où le coût de revient du produit est nettement plus faible que dans le Jura, laisse transparaître une détermination affirmée reposant sur des liens quasi affectifs, une certaine ambiguïté paraît par la suite.

(1) L'industrie du Jouet, article du Point, 24 Décembre 1990. "On a fait des études en Extrême Orient mais les séries n'étaient pas suffisantes et il faut disposer d'un staff sur place, on raisonne à l'outil de X... c'est pour ces raisons qu'on n'y pense pas à court terme". (M.B.) Un autre industriel affirme : "Si on produit ailleurs que dans le Jura, ce pourrait être un Hong-Kong à cause du prix seulement". Cette "philosophie jurassienne" d'intégrer toutes les phases d'élaboration et de vente du jouet est un signe de valorisation de la valeur travail annulée d'une exaltation du milieu technique local.

Dialectique, contradictions et paradoxes seront éclaircis dans quelques années. Mais on retiendra surtout l'image qu'ils veulent donner de leur façon de fonctionner, de leur représentation du Jura.

- Filiales et licences Les croissances externes des entreprises de jouets ne concernent bien évidemment que les plus importantes. Et toutes n'ont pas fait le même choix pour se développer sur les marchés étrangers. En 1986, Smoby passe un accord avec l'entreprise américaine Mattel qui fut abandonné par la suite ; un autre depuis peu avec Poday's kid prévoyant la fabrication en France et la commercialisation en Europe de jouets de très grande taille. Une unité de production en Thaïlande et rachat de 51 % du capital d'une entreprise espagnol Mediterráneo. Juracastor, spécialiste des hochets passe un accord en 1989 de fabrication et de vente réciproques avec un industriel Coréen, Haïti. j L'entreprise Monneret, Quant à elle, préférera créer sa propre filiale "Monneret Inc" en décembre 1987 pour s'attaquer au marché américain. Clairbois a racheté en 1991 l'entreprise anglaise Tri-Ang, 4 entreprise de jouets. Les croissances externes sont un moyen de développement rapide sur des marchés potentiels qui sont souvent connus, où les industriels peuvent croître et répandre l'image de la marque. Que penser de leur insurrection face aux copies effectuées par les asiatiques à meilleur marché qui vont croissants, même si une première mesure "protectionniste" a été mise en place avec la notion de normes de qualité (CE.) Quel paradoxe d'utiliser cette main d'oeuvre et de la combattre lorsqu'elle nous renvoie l'image des jouets français. Après avoir montré les divers facteurs qui interviennent dans la continuité et la rupture du modèle paysan, nous avons montré la logique de la mécanique au sein d'un milieu technique que l'on pourra comparer avec les deux autres pôles que sont la lunetterie et l'horlogerie. Industriels empreints d'une mentalité agricole, d'un puissant collectivisme les stratégies familiales orientent les choix dans l'éducation des enfants face aux carences d'un système.

CONCLUSION

Cette étude dans le secteur jouet, préambule à de plus amples recherches, s'insère dans la problématique générale gui consiste à déterminer l'existence d'un milieu technique et d'une culture technique locale dans l'Arc Jurassien. C'est dans ce sens que les monographies précédentes sur le sujet y ont été intégrées afin d'élargir notre cadre d'analyse (Bromberger, 1987 : 67-94).

Cette tâche n'en a été que plus difficile car les historiens n'ont pas suffisamment investi ce secteur d'activités, en particulier la zone d'Oyonnax (certes fertile). Par ailleurs, il est délicat de travailler à partir de chiffres statistiques réellement fiables du fait du manque de cohérence de la branche jouet (qui regroupe des produits fort divers) et du peu d'importance qu' accordent les industriels à la communication de ces données.

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Comme on l'a vu, l'ancienne image du travail, de l'entreprise, du produit perdure dans le sens où elle s'incarne, par exemple, dans la valorisation du fait technique. La mécanique représente alors le dernier bastion de la valeur travail et l'entreprise est alors conçue comme un prolongement de la famille; grâce à elle, les industriels continuent à gérer leur patrimoine.

Mais, le marché dictant le produit, l'image même du produit a parfois changé. Aussi, certains industriels ont commencé à délocaliser une partie de leur production et à contraindre leur milieu familial à suivre des études qui correspondent aux besoins de l'entreprise. Comment définir un milieu technique si ce n'est par des faits, des actions gui nous révèlent un système de pensée qui précède une organisation du travail?

Il faut se reporter au système de propriété des sols qui a été pratiqué dans la région, je veux nommer la mainmorte, qui induit un certain sens du travail en commun et du maintien de la population sur place. *Le premier est issu de l'organisation en fruitières à comté (dû à un élevage peu productif) et il a pris la forme, par la suite, de système coopératif local (les tourneries ouvrières), et a fourni les bases d'organisation du travail au début de l'industrialisation (témoins, le faible taux de capitaux extérieurs et la pérennité des relations avec les sous-traitants). *le second point provoqua un fort taux d'endogamie villageoise correspondant à présent à des regroupements et des alliances entre industriels caractérisés par une certaine forme de fonctionnement en "circuit fermé".

On pourrait s'interroger sur les rapports entre ce système communautaire et la famille. Y a-t-il perpétuation de cette valeur dans les groupements en apparence commerciaux ou bien y a-t-il rupture, avec la perte du sens communautaire au profit de l'enrichissement individuel? Quel lien établir entre ces traits caractéristiques de ce milieu technique et le mouvement des utopistes du 19° siècle tels que Fourier et Proudhon pour qui la représentation de la valeur travail n'est pas si éloignée de celle des jurassiens? Quel véritable rôle faut-il leur accorder pour saisir la mentalité jurassienne? Tels pourraient être les questionnements d'une étude ultérieure dont il faudrait pouvoir comparer les données recueillies à d'autres recherches régionales similaires. BIBLIOGRAPHIE

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ANNEXE N°2

ANNEXE N°2

FABRICANTS JOUETS DANS L'ARC JURASSIEN EN 1953

- ADOLSATI Géovresset ballons, balles ping-pong Oyonnax jouets mécaniques en - ALLONGUE plastique Oyonnax bateaux, poupées, - AMAP dînettes Saint Claude camions, meubles poupées - ANTHOINE & Fils Brillât () quilles, toupies - BADOT Raymond Oyonnax balles ping-pong - BAUDEY LAMAISON Colombier Fontaine (25) meubles poupée - BAUMANN Champagnole chevaux - BAZINET Oyonnax dînettes - BERCHET Oyonnax hochets - BERTHET-BONDET Oyonnax hochets, (celluloïd...) - BLETTERY et BALLAY Sochaux jouets à traîner bois - BOFFY Oyonnax jeux en plastique - BONAZ Oyonnax Hochets, animaux - BONDET Albert Oyonnax hochets (acèlate, - BONNAND Henri rhodoïd, celluloïd - BONNET GOGUEY Belfort poupées bourrées - BOURBON Oyonnax autos, landaux, plastique - BOURGEOIS & Fils Morbier oiseaux siffleurs plastique - BOUVIER & Cie Emagny (25) jouets ménagers aluminium - BUATHIER Joseph Oyonnax autos (plastique) - CAMIER Géovresset patins, hochets, ballons celluloïd - CARLOD Robert Oyonnax hochets (celluloïd, rhodoïd) - CARLOD BOUCHOUX Oyonnax hochets (celluloïd, rhodoïd) - CELSO ent. Géovresset hochets, ballons celluloïd - CHAFFIOT Robert Ets (39) jouets bois - CHANEL Auguste Ets Oyonnax hochets plastique - CHAPEL Andruétan Oyonnax ballons, hochets (rhodoïd et celluloïd - CHAPEL et HUGON Oyonnax balles ping-pong - CHARTON Lizon jouets bois - CHAVET Henri Dortan échecs, quilles, billes - CHEVASSU Molinges jeux pour casino - CHRETIN & fils Pont du Lizon (Lavans) bois tourné et décoré - CLEA Ets Oyonnax jouets 1er âge culbutot rhodoïd - CLERC Frères Villards d'héria jouets miniatures, bois - COMBRICHON Ets Trévoux jouets ménagers divers - Cie du cellulo Petitcollin Oyonnithe Oyonnax - CONFORT PLASTIC Le Martinet (St Claude) dînettes en babélîte et pollopas CONVERT Moirans poupées "Nano", "Nani" COQUELIN André et fils Moirans jouets à traîner bois CORDIER (Maison Suzanne) Bellignat hochets, moulinets - CORNELY Oyonnax cireuses plastiques - COSTET Frères Oyonnax hochets souples "sanit" - COURTOUT (39) seaux plage, tirelire bois - CURTET Oyonnax jouets ménagers (acèlate et polystyrène) - CYCLES PEUGEOT Valentigney cycles - DAGUET Robert Oyonnax tortue animée "Caroline" - DALLOZ Saint Claude jeux société bois - DALOZ Raymond Oyonnax Jeux société - DALOZ René Moirans jeux bois - David Ets Georges Oyonnax dînettes plastique - DECORA Champagnole crèches, bimbloterie - DELEZAY ETS GASTON Pont de Poitte pions, jetons, flèches - DELOLME ETS Saint Claude jeux poker plastique "Jemco" - DESSOY et fils Villards d'héria jeux société, quilles - DIZIERE André Villards d'héria jouets surprise, jouets bois - DOMIEU & Cie Izernore balles ping-pong "sphinx" - DUBOURGET ETS Bellignat jouets 1er âge, - DURANDT Ets Jean Dortan jeux d'échec - DUVOY Ets Albert Moirans bois laqué - EHLING Ets Marcel charriots attelés bois - FALQUET Oyonnax poupées - FARGIER R Oyonnax baignoires, brouettes - FARRICHON André Oyonnax articles ménagers, poupées - FAVRE Moirans jeux foot, quilles, brouettes - FORANVIL Dortan échecs et pions buis - GADON Oyonnax hochets et ballons celluloïd - GAGET Clément Oyonnax auto "Bijou", trompettes - GAILLARD Clairvaux crécelles, bilboquets - GARNIER Molinges jeux société, éducatifs - GATEAU Daniel Oyonnax jouets musicaux - GENARD-BOYARD Oyonnax balles ping-pong - GENDARME Nantua poupées bois - GENOUDET Marcel Grande Rivière (St Laurent) quilles, crécelles, toupies bois - GIRAUD-SAUVEUR Champagnole voilier bois - GIROD Gilbert Oyonnax bouliers, autos, culbuto - GMG Clairvaux jeux éducatifs, dominos, - GRANDCLEMENT Oyonnax jouets mécaniques - GRANDMOTTET Alix Moirans jeux société, croquet, - GRAND PERRET Saint Claude dés, 421, poker, pistes - GRASSARD Oyonnax 1er âge "à la joie de bébé" - GUILLET Henri Oyonnax plastique - GUYOT Paul Clairvaux jeux société, - HEBERT Paul Orgelet dînettes, moulins à café - HERDE Oyonnax ballons plastique - HUGONNET Frères Oyonnax hochets, autos HUGONNET Maison Joseph Oyonnax hochets, balles, moulins INJECTOID ETS Oyonnax revolvers, avions plastique - JANOD Oyonnax hochets, culbutos - JEX S.A. Paris EL St Claude jouets bois laqué - JOUETS ARELUX Oyonnax dînettes, radio - JOYARD et DESPLANCHES Oyonnax hochets, ballons, fétiches, nageurs - LACROIX ETS G.O Oyonnax canards, chiens - LAHU Pierre Oyonnax animaux, flotteurs - la matière plastique Oyonnax sifflets plastique - LARDY Lavancia échecs, dames, dînettes - LAVEMA ETS René Saint Claude jouets bois laqué - LE JOUET COMTOIS Vesoul foot de table - LIEGEON Bernard Champagnole jeux et jouets bois - LIOTARD (Mme) Tignat-Izernore balles ping-pong - LOUVATIERE R. Oyonnax baigneurs - MAILLARD Jules Montbéliard jeux de football - MAILLET DECOTTE Oyonnax "PLASTICA" autos, bateaux - MANDUCHER Oyonnax jeux assemblage - MARECHAL & Cie Oyonnax bébés, poupées, bateaux - MARECHAL Jules Oyonnax Balles ping pong "Mondial52" - MARTIN et NEVEU Moirans autos, camions, quilles laquées - MATERIEL MARTIN Clairvaux cubes, mosaïques - MATHIEU Léon Oyonnax dînettes plastique - MERLE Ets Charles Oyonnax hochets - MERMET Roger Oyonnax jouets ménagers - MESSIAT Oyonnax jouets articulés PL MIC et NIC (Ste Anonyme des jouets mécano-plastiques) Oyonnax dînettes, jouets mécaniques MILLET Frères St Luplcin jeux de zanzi et dés MILLET et FORESTIER St Lupicin dominos poker, dés jeton galalithe MONNERET SARL Lons le Saunier jeux de foot, bateaux MOMMERET Marcel Conliège quilles, toupies MONNERET Aine Ets Maurice Moirans jouets de plage, bois MONNIER Oyonnax guitare, bébé jockey Ets Louis Oyonnax jouets plastique MORAND Edouard Géovresset hochets plastique MORAND Etienne Oyonnax hochets MOREL Ets Auguste Géovresset hochets, ballons, pipeaux MOREL Charles Géovresset balles ping-pong, hochets MOREL Jean Sarrognat (Izernore) échecs, dames MOREL Roger Géovresset ballons, hochets MORI Paul Oyonnax hochets, dés MUSY Hector Géovresset hochets, ballons (celluloïd) NICOD Paul Edouard Oyonnax (Geilles) jouets ménagers PAGET Ets Paul Vaux les St Claude seau bois, bois laqué PATILLONS Frères (39) échecs PERRIARD Charles Oyonnax hochets, animaux, bateaux PERROTOT et RIGAUD Oyonnax dînettes PETITCOLLIN-OYONNITHE Oyonnax poupées, nageurs PICCINALI Messia les chilly (39) jouets bois PICHON-VINCENT Oyonnax jeux sté bois PIOT Ets H. Oyonnax boules loto buis, hêtre PONCET HUCHARD Oyonnax hochets, ballons, articles Noël - PONTAROLI Ets Albert Oyonnax échecs, billard russe - POUPEES MILYVO Oyonnax poupées - PRODELITE SARL Lyon (usine Oyonnax) ours Teddy - PROST Pont de Poitte camions et charrette à trainer - PYRAGRIE RILLIEUX (Ain) jouets pyrotechniques - QUIRIN & Cie Luxeuil jouets alu Quiralu et bois Boilux - RACINE ETS JP Belfort poupées - RATTIER Georges Oyonnax trompettes - RAVAT Frères Oyonnax ballons, hochets, fétiche - REAPLASTIC St Claude dînettes - REBILLOT Gilbert Pont de Roide bouliers, pupitres - RENOLUX Champagnole passe-légumes en métal - RIVOIRE ETS Lucien Belignat ping-pong, ballons, pantins - ROCHAIX ETS André Oyonnax bouées, ballons "Solidlux" ROCHET ETS Etienne Villards d'Héria jouets bois tourné ROSSET Raymond Le Bourget (Charchilla) trompettes bois ROZ Elisée Brillât (Charchilla) échecs SIEBENMANN Oyonnax accessoires de poupées SIGOD ETS Georges Dortan pions, échecs, jacket SIMON Quingey couverts SOCIETE COOPERATIVE ARTISANALE DE TOURNERIE Dortan jeux sté, échecs, roues SOCIETE INDUST.D'ARTICLES TOURNES (SIAT) Jeurre "SIAT" jouet 1er age, à trainer SOUNY ETS VICTOR & CIE Oyonnax poussettes, scooter TABLETTERIE GENERALE Dortan boites, coffrets pour jeux TARANTOLA Dortan poker TECHNIQUE UNIVERSELLE (La) Membrey (70) fers à repasser, jouets bois laqué THOMAS ETS P. Audincourt voitures d'enfants TISSOT Robert Veyzia (01) hochets, ping pong TOURMIER BILLON Oyonnax jouets plastique TOURNIER VUILLERMOZ Lavans les St Claude échecs, poker, jetons ivoire VANOTTI & PERINETTI Oyonnax hochets, sifflets VAUCHIER ETS Charles Dortan poker, pions galalithe VERRARD Frères Oyonnax jouets ménagers VERMOD GAUD ET CIE Morteau couverts métal VILLET Frères Moirans quilles luxe, trompettes VION DELPHIN Oyonnax hochets PL VISTALLI Oyonnax hochets, ping pong celluloïd VUILLERMOZ Auguste Géovresset ballons, fétiches VUILLOD Eugène Oyonnax voitures, hochets WEST André St Antoine (25) jouets bois ANNEXE N°3

SELS?»« de *'-*»v*~ M««

USINE :

1 SCIE A GRUME pour sciage des gvjimes 1 SCIE MULTIPLE 4 LAMES DOUT sciage des carrelets GM 1 SECHOIR 1 SCIE A RUBAN 4 SCIES CIRCULAIRES 1 SCIE MULTIPLE PM ¿I LAMES 1 RABOTEUSE 1 DELIGSEUSS 1 DELIGNEUS3 RABOTEUSE 4 FACES 1 TOUPIE 1 DEPQNCSUS2 2 DEÏCCRSUS3 AUTOMATIQUES A COMMANDE NUMERIQUE 1 TOUPIE DOUBLE 1 SCIE AUTOMATIQUE POUR SCIAGE PETITS CARRELETS 1 SCIE DE3IMA7IQUE 1 PONCEUSE- 2 BANDES 1 PONCEUSE I BANDE 4 ROTATIVES AUTOMATIQUES 2 PERCEUSES 5 TETES AUTOMATIQUES 2 PERCEUSES 2 TETES AUTOMATIQUES 2 PERCEUSES VERTICALES 3-4-5 TETES 1 TOUR AUTOMATIQUE 5 BROCHES 2 TOURS A DECOLTER AUTOMATIQUE A COMMANDE ELECTRONIQUE 1 TOUR A DECOLTER AUTOMATIQUE POUR PETITES PIECES 1 TOUR A REPRODUIRE 1 PONCEUSE VERTICALE 1 PONCEUSE HORIZONTALE 4 MACHINES A ANNEAUX AUTOMATIQUES

ATELIER DE MECANIQUE - AFFUTAGE

TOUR - ETAU LIMEUR - FRAISEUSE - TOUR A MEULES - AFFUTEUSE FRAISE

FINITION

1 CHAINE DE VERNISSAGE AUTOMATIQUE 2 CABINES DE PEINTURE 5 MACHINES A TREMPER 12 TONNEAUX A POLIR

1 MACHINE A SERIGRAPHIE AUTOMATIQUE 2 MACHINS A SERIGRAPHIE MANUELLE 1 MACHINE A FILMER 2 TUNNELS POUR FILM RETRACTABLE L- ^

ANNEXE N°4

ASSOCIATION POUR LA TOURNERIE ET LE JOUET FRANCAIS

COMPOSITION DU CONSEIL D'ADMINISTRATION

Membres de Droit :

* Monsieur le Préfet de Département du Jura * Monsieur le Président du Conseil Général du Jura * Monsieur le Commissaire à l'Aménagement du Territoire du Jura * Monsieur le Directeur des Affaires Culturelles de Franche-Comté * Monsieur le Directeur Régional de l'Industrie de la Recherche et de l'Environnement * Monsieur le Maire de la Commune d'Accueil de la Maison du Jouet * Monsieur l'Inspecteur d'Académie du Jura * Monsieur le Président de la Chambre du Commerce et de l'Industrie du Jura * Monsieur le Président de la Chambre des Métiers * Monsieur le Conservateur du Musée Présidente Madame Dany Brcuil Tel : 84.45.44.88 Entreprise SMOBY Fax : 84.42.83.24 39170 LAVANS-les-St-CLAUDE Vice-Président ; Monsieur Alain MONNERET Tel : 84.43.32.16 Entreprise MONNERET-JOUETS Fax : 84.43.05.79 870 Rue Biaise Pascal B.P. 509 39002 LONS-le-SAUNŒR CEDEX Vice-Président, Monsieur Alben LORGE Tel : 84.48.40.04 Entreprise Raoul LORGE SA. Fax : 84.48.42.01 VOUGLANS 39260 MOIRANS-en-MONTAGNE Vice-Président : Monsieur Hervé HALGAND Tel : 84.42.00-58 Entreprise VILAC Fax : 84.42.30.28 Zone Industrielle Sud 39260 MOIRANS-en-MONTAGNE Vice-Président, Monsieur Jean LEEGEON Tel : 84.52.14.12 Société JEUJURA Fax : 84J2.15.15 39300 ST-GERMAIN-en-MONTAGNE Trésorier : Monsieur Pierre POUTHJER Tel : 84.42.30.33 Entreprise CLAIRBOIS S.A. Fax : 84.42.06.43 Avenue de St-Claudc 39260 MOIRANS-en-MONTAGNE Secrétaire : Madame Colette LONG Tel : 84.42.00.87 52 Avenue de St-Claudc ou : 84.42.38.64 39260 MOIRANS-en-MONTAGNE Membres :

* Madame Jacqueline ROUGEMONT Tel : 84.42.04.51 1 bis Rue du Chatelvier 39260 MOIRANS-cn-MONTAGNE

* ETS PARIS et Cie S.A.R.L. Tel : 84.48.30.64 LARGELLAY-MARSONNAY Fax : 84.48.39.22 39130 CLAIRVAUX-les-LACS

* Monsieur Jean-Claude LOISY Tel : 84.42.30.68 Tourneur Avenue de Franche-Comté 39260 MOIRANS-en-MONTAGNE

* Madame VAUCHIER Tel : 74.77.79.80 Entreprise VAUCHIER CH. et Fils Fax : 74.75.83.47 Jeux et Jouets Cité Provisoire 01590 DORTAN

* Entreprise LES DEUX BAUDETS Tel : 76.38.96.55 Jeux Educatifs - Objets en bois 38680 RENCUREL

* Monsieur DUBOIS (Mr DELAPORTE) Tel : 99.76.05.99 AUX NATIONS (NOUNOURS) Fax : 99.76.13.01 Peluches 35210 CHATILLON-en-VENDELAIS

* Monsieur Michel CRETIN Tel : 84.42.01.22 Entreprise PIPO-EDUCALUX Fax : 84.42.36.34 MAISOD 39260 MOIRANS-cn-MONTAGNE

* Monsieur PELABON Tel : (1) 40.87.64.00 (Monsieur BERTRAND) Fax : (1) 47.39.92.87 LUDOPARC-PLASTIC OMNIUM 1 Rue du Parc 92300 LEVALLOIS-PERRET

* C.NJ. Département JOUET "COCORICO" Tel : 84.73.00.73 S.A. MENUTEAU Fax : 84.37.92.12 Les Cartonnerics du Jura 39110 SALINS-les-BAINS * Monsieur Francis CHIAVERINI Tel : 84.24.15.76 (Mr Rouget) Fax : 84.24.54.62 Directeur de la Chambre du Commerce et d'Industrie 8 Rue Sébile B.P. 377 39016 LONS-le-SAUNIER CEDEX

* Monsieur le Secrétaire Général Tel : 84.47.02.12 de la Chambre des Métiers du Jura 17 Rue Jules Bury B.P. 408 39016 LONS-lc-SAUNIER CEDEX Idem - Monsieur Denis Duval Idem - Monsieur Paul Noël RICHARD 3 Chemin Pied Lozant 39130

* Monsieur Joël LIEVRE Tel : 49.32.02.26 STE WIKI-CAT Fax : 49.32.15.98 B.P. 9 - AIFFRES 79230 PRAHECQ

* Madame FERRIOT Tel : 25.38.41.25 Entreprise FERRIOT S.A. Fax : 25.38.45.22 Jeux de société (carton) 10250 MUSSY-sur-SEINE

* Monsieur Michel CARRÓN Tel : S4.42.07.36 Toumcrie sur bois 39260 VILLARDS-D'HERIA

* Monsieur Claude LAMBERT Tel : 84.42.13.90 TUB'ACTUELS.A.R.L Route de Champandré PRATZ 39170 SAINT-LUPICIN

* Monsieur Pascal GAYAUD Tel : 86.84.01.85 Musicien - Animateur 50 Route du Vieux Château 58110 TAMNAY-en-BAZOIS

* Monsieur Yves TARTAR Tel : 21.38.07.66 Entreprise PIKY S.A. Fax : 21.38.52.66 5 Rue de Lorraine B.P. 69 62570 ARQUES * Monsieur Stéphane GATEAU Tel : 84.70.05.08 S A.R.L. JOUETS-BOIS 2 Rue de Verdun 39410 SAINT-AUBIN

* Monsieur Raymond DALLOZ Tel : 84.44.87.69 Anciens Etablissement Robert Dalloz LES RONCHAUX 39130 CLAIRVAUX-les-LACS

* MECANIMO Tel : 66.77.33.45 Monsieur Raoul PHILIP 29 Av. du 11 Novembre 30260 QUISSAC

* Monsieur VUILLARD Tel : 74.77.79.66 Entreprise LARDY " Fax : 74.77.74.83 01590 LAVANCIA-EPERCY

* Monsieur Bernard LORGE Tel : 84.48.42.38 Tourneur LECT 39260 MOIRANS-en-MONTAGNE

* Monsieur Michel ROZ Tel : 84.24.09.32 Tourneur Fax : 84.47.17.40 1 Rue Baumette 39570 CONLIEGE

* Monsieur Jean-Pierre CORON Tel : S4.52.30.22 Entreprise JOUEF Fax : 84.52.47.50 Avenue de Lattre de Tassienv B.P. 106 39300 CHAMPAGNOLE CEDEX

* Monsieur Jacques ZANINETTA Tel : 84.42.00.35 Représentant de la Jeune Chambre Economique de St-Claude LA FOULE 39260 VILLARDS-D'HERIA * Monsieur Roland DROGUET Tel : 48.05.50.00 Entreprise DROGUET INTERNATIONAL Fax : 48.05.02.85 11 Rue Popincourt 75011 PARIS

* LES FILS D'ARIANE Tel : (1) 49.77.06.50 71 Rue de Paris Fax : (1) 43.96.49.92 94220 CHARENTON

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APPROCHE ETHNOLOGIQUE DE LA LUNETTERIE MOREZIENNE

La question des savoir-faire et des techniques dans l'arc jurassien

Richard LIOGER

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SOMMAIRE

1. Présentation de l'aire géographique et de la Lunetterie p. 105

1.1. Caractéristique de la main d'oeuvre p. 05 1.2. Caractéristique du tissu industriel p. 06 1.3. Localisation de la production p. 08 1.4. La diversité des techniques p. 08 1.5. Histoire générale de la lunetterie p. 11 1.5.1. La métallurgie locale de l'horlogerie à la lunetterie p. 13 1.5.2. Apport extérieur et développement local. p. 15 1.5.3. Artisanat jurassien et travail à la ferme. p. 15 1.5.4. Histoire de la lunette. p. 17 1.5.4.1. Des pierres précieuses aux lunettes de vue.p. 117 1.5.4.2. lunettes de vue et de protection p. 21 1.5.4.3. Port des lunettes et considération sociale, p. 21 1.5.4.4. Digression symbolique. p. 23

2. Etude de la lunetterie contemporaine p. 24

2.1. Aspects techniques de la lunetterie. P- 124 2.1.1. Les matières premières p- 127 2.1.2. L'époque de la fabrication artisanale ? p- 128 2.1.3. L'époque charnière de 1960. p- 131 2.1.4. Machinisme milieu mécanicien et standardisation de la production. p- 133 2.1.5. Soudage et main d'oeuvre féminine. p. 134 2.1.6. Décolletage et découpage. p- 135 2.1.7. Le développement des traitements de surface. p- 137 2.1.8. L'exemple Prisma p- 141 104

2.2. Aspects sociaux de la lunetterie

2.2.1. Réflexion à partir de trois généalogies. p. 143

2.2.1.1. Mr Beaud p. 144 2.2.1.2. Mr Grand Chavin p. 146 2.2.1.3. Mr Vidic p. 148 2.2.1.4. Transmission des savoirs et évolutions techniques. p. 149 2.2.1.5. Circulation des techniques et secrets de fabrications. p. 150

2.2.2. Réflexion sur les formes d'organisations sociales des entreprises, et leur lien avec le milieu local. p. 153

2.2.2.1. Idéologie locale et structure sociale. p. 153 2.2.2.2. Hiérarchie sociale et professionnelle interne après 1945. p. 156 2.2.2.3. La main d'oeuvre féminine: des activités de soudures aux activités de traitement surface. p- 162 2.2.2.4. L'esprit maison. p. 164 2.2.2.5. Mode de commercialisation. p- 167

2.2.3. Rôle et dialectique de l'immigration dans l'arc jurassien. p. 169

3 Conclusion générale. p. 174 105

1 Présentation de Paire géographique et de la lunetterie. Le but du présent chapitre est de présenter dans un premier temps les éléments chiffrés de la lunetterie et du canton morézien, puis d'examiner avant que d'aller plus en profondeur sur cette industrie au chapitre 2, les aspects particuliers de l'histoire de la lunette, et de la problématique qui est la nôtre sur l'arc jurassien.

Le Canton de Morez se caractérise par une situation industrielle originale de deux points de vue : - une quasi monoactivitée industrielle dans la production de lunettes : 70 % de la population active est employée directement ou indirectement à la fabrication de lunettes. 80 % des entreprises sont soit des entreprises de lunettes, soit des sous-traitants de la lunetterie (10 % sont des entreprises de décolletage, mécanique générale). - cette industrie emploie un fort taux de main d'oeuvre féminine : 51%.

1.1. Caractéristiques de la main d'oeuvre.

Si l'on observe les données chiffrées on trouve une différence importante entre une population féminine surtout non qualifiée : 18% de sans diplômes par rapport à 15% chez les hommes.

Comparativement lorsque l'on remonte dans l'échelle des diplômes scolaires, on trouve par contre une main d'oeuvre féminine très qualifiée par rapport à la main d'oeuvre masculine (en terme de diplôme toujours), et si on examine le solde migratoire (nul sur le département et inter-canton), on s'aperçoit qu'il s'agit bien dans les deux cas d'une population autochtone et non immigrée même d'une immigration qui viendrait des cantons voisins ou de France en générale. Le cas de l'immigration étrangère (surtout masculine est à part, elle alimente particulièrement les bas niveaux de diplômes et la population non qualifiée, employée elle aussi dans la lunetterie. Pour ce qui concerne les baccalauréats généraux on peut remarquer que 3,3 % des femmes en possèdent , alors que seulement 1,7 % des hommes en sont dotés. Par contre à ce niveau de diplôme les baccalauréats professionnels et brevets professionnels sont possédés par 2,3 % d'homme et par seulement 1,2% de femmes. 106

Les BTS sont des diplômes plutôt masculins: 1,2 %, que féminins: 0,8 %. A un niveau d'étude plus élevé mais moins directement "professionnalisant", c'est à dire celui des diplômes universitaires de deuxième et troisième cycle on trouve 1,2 % d'hommes pour 2,5% des femmes de la région.

Une des caractéristiques de la population active du canton est qu'elle peut être divisée en deux grandes catégories.

Une catégorie de main d'oeuvre non-qualifiée qui est féminine à 18 % et masculine à 15 %, ce qui représente au total 34 % de la population active. Cette population alimente, pour ce qui concerne la population féminine plutôt le travail non-qualifié de la lunetterie. Par contre la population féminine qualifiée soit 6,5 % échappe à cette industrie, alors que les 12,5 % de la population masculine qualifiée (au delà du B.E.P.C.) est absorbée, à cause de leur orientation très "professionnalisée", par l'industrie lunetière.

On se doute que le parcours scolaire et professionnel sont liés de manière dialectique, et reproduisent pour partie une situation locale pré-existante qui nous intéresse dans la réflexion sur les techniques que nous menons. Cette situation peut ainsi être décrite comme suit. Une industrie comme la lunette a employé très tôt *une main d'oeuvre féminine non diplômée (nous préférons à non qualifiée) principalement à des tâches de montage, de polissage et de soudage. La population masculine (non diplômée aussi) trouvait dans l'industrie mécanique ou métallurgique de précision, voire dans les travaux de la forêt ou du tourisme un avenir professionnel important. Les ouvriers professionnalisés de la lunetterie (qui est surtout une industrie de mains d'oeuvre à forte valeur ajoutée (60%)2 sont donc relativement peu nombreux dans les entreprises, comme les cadres et agents de maîtrise,3 ils ont toujours été exclusivement issu de la main d'oeuvre masculine.

1.2.Caractéristiques du tissu industriel

Cette industrie est une industrie de faible concentration. Elle se caractérise par des entreprises de petites tailles : 74 des 91 entreprises de la lunette ont moins de cinquante salariés, et un phénomène de sous- traitance important. Des pans entiers du processus de fabrication ou des

1 Lorsque nous disons très tôt , nous voulons dire dès son époque industrielle, c'est à dire dès T'entre deux guerres". 2 Selon Economie et Géographique N°141 de janvier 77 . 3 en pourcentage de la population totale ouvrière 107

éléments des lunettes métalliques sont sous-traités: fabrication des vis par le décolletage, découpage 4, mais aussi tout ce qui est traitement de surface, (polissage, laquage...). De ce point de vue les entreprises lunetières sont semblables aux entreprises d'horlogerie ou de jouet. Si on excepte dans ce dernier secteur une légère tendance à la concentration industrielle depuis environ dix ans. Cette concentration est d'ailleurs plus liée au grossissement des entreprises locales, qu'à une absorption des sous- traitants. Ce volant de sous-traitant permet une certaine souplesse dans la production, et est le résultat de la structuration de ces industries, qui nous fait remonter au début de ce siècle et qui constitue l'élément essentiel de l'unité technico-culturelle de l'industrie de l'arc jurassien que nous étudions5. C'est en effet à partir de petites unités de production qu'on peut décider d'appeler artisanales, que se sont développées les industries Jurassiennes que nous étudions actuellement.

Cette réalité s'exprime entre autre par le fait que selon des statistiques de la DATAR, plus de 60 % des entreprises de la montagne jurassienne (Arc jurassien français) n'ont qu'un ou deux employés. Cet état de fait est encore renforcé par l'étude plus précise de Didier Schwindt (1988). Lorsque l'on sait que la sous-traitance concerne dans les entreprises du bois plus de 64 % du mode de commercialisation {op. cit., p. 51), et que pour un produit, certaines grosses entreprises peuvent avoir jusqu'à dix sous-traitants, on mesure l'importance de la taille de ces entreprises et surtout le poids des enjeux familiaux qui, au sein de ces entreprises, ne manquent pas d'être déterminants. Ainsi, on est obligé d'adjoindre à cette question des savoir-faire, qui est la question centrale de cette étude, une autre question qui englobe la totalité des entreprises : celle de la transmission. En effet, comme l'a très bien démontré D. Schwint, la question du développement du capital et de l'investissement machine, donc technique, ne peut pas s'envisager en dehors de celle de succession et donc de stratégie familiale.

D. Schwint montre bien que plus les entreprises ont un chiffre d'affaires important, moins se pose de problème de succession (p. 87). Mais, il signale aussi une disparité importante dans la succession des entreprises du bois et du plastique (25 % de succession dans le cas de la tournerie tabletterie, 55 % dans le plastique).

4 sous-traité sur la région de Besançon. 5Qu'on songe que pour un seul produit industriel des industriels peuvent disposer jusqu'à quinze sous-traitants. 108

Le rapport entre l'industrie de la lunette et l'agriculture est de ce point de vue essentiel (1 % d'agriculteur dans la population active contre 3,8 % dans le reste du Jura). Par contre la population ouvrière représente 26 % de la population active contre 17,3% dans le reste du département. On trouve aussi 5% d'artisan chef d'entreprises contre 4% dans le reste du Jura.

1.3. Localisation de la production

L'agglomération de Morez concentre 66,5 % des entreprises de lunettes. Si on étend à la région de dix kilomètres autour de cette ville, avec les communes de Saint-Laurent et Morbier, nous trouvons plus de 80 % des entreprises de lunetteries et 100 % des entreprises importantes, c'est à dire celles qui emploient entre 200 et 1000 ouvriers. Une autre caractéristique par rapport aux autres industries de la montagne Jurassienne, est donc que la lunetterie reste donc très fortement localisée autour de son centre historique.

Ceci nous aide à comprendre la circulation des techniques et des savoir-faire dans une aire géographique qui reste très restreinte, beaucoup plus en tout cas que l'aire technique de l'horlogerie ou celle du jouet. Cette carte reste valable à condition d'exclure la production de lunettes plastiques, qui fut presque totalement confiée à l'industrie du plastique oyonnaxienne.

Les rares exemples de délocalisation de la production de lunette vers des centres assez éloignés (Essilor Reims) posent des problèmes importants tant dans les recours aux processus de fabrication technique , que dans celui des innovations.

1.4. La diversité des techniques:

L'industrie de la lunette est née d'une filière technique qui est celle de la transformation d'un produit de métallurgie. On peut citer comme techniques essentielles celles du tréfilage, du décolletage et du découpage.

La filière technique qui concerne la transformation de métal pour fabriquer des lunettes, se caractérise d'un point de vue technologique par un faible degré d'outillage nécessaire, du moins lorsque l'on essaie de caractériser les opérations de base de la lunetterie. 109

Les lunettes nécessitaient avant leur production industrielle un nombre restreint d'outils qui pouvaient être facilement acquis par un ménage paysan.6 La matière première achetée, l'artisan pouvait réaliser lui même l'ensemble des opérations techniques menant à la fabrication d'une monture de lunette ou de pince-nez, de manière assez simple, nous y reviendrons.

La place que va prendre la mécanique dans le processus de fabrication, ne semble pas être comme pour l'exemple du bois et du tour rotatif , le résultat d'une mutation technique , mais bien plutôt celui de la mécanisation d'une production qui auparavant était essentiellement manuelle.

En d'autres termes la machine supplée, sans le transformer le geste technique artisan, alors que dans le cas du travail du bois il y a eu une profond mutation technique avec le tour rotatif qui changea complètement le geste technique. Ceci bien sûr en ne tenant pas compte de la profonde modification technique qui fut introduite par le travail du plastique dans la fabrication de lunettes, mais qui semble d'une tout autre nature qu'elle ne le fut dans le jouet. Le parti pris de cette étude est de ne pas examiner l'industrie plastique de la lunette, non pas que les lunettes plastiques soit négligeables d'un point de vue de la production7 , mais plutôt parce que cette production est surtout localisée sur Oyonnax.

En effet si sur Morez, il a eu adoption de techniques plasturgiques , cette adoption , contrairement à ce qui s'est produit dans le jouet, n'est pas aussi importante ( celle-ci ne représente guère plus de 20 % du parc machine de la lunetterie Morézienne). 50 % des lunettes françaises sont produites à Morez 30 % à Oyonnax (uniquement en plastique). Les montures métalliques représentent la majorité de la production locale avec 5. 672 000 unités en 1990 , contre 1. 725 000 pour les montures plastiques. Le solaire est produit localement à 1. 339 000 unité et les lunettes de protection à 894 000 unités. Selon un document CCI. du Jura publié en 1989 les montures métalliques représentent 56 % de la production totale des lunettes, 11,2% pour les lunettes de protection, 16,2 % pour les montures plastiques , 16,6 % pour les solaires.

Si il fallait encore justifier notre choix, les techniques de la plasturgie employée pour la fabrication de lunettes plastiques (solaires et fantaisies) sont des techniques très simples de découpage de feuilles

6 Voir chapitre 2.1.2. 7 A titre d'exemple l'entreprise L'amy produit 120 000 lunettes mois en métal, pour 50 000 lunettes plastiques. 110 plastiques8. Les techniciens travaillent aujourd'hui à l'adaptation des techniques d'injection, celle-ci ne sont pas encore opérationnelles. La lunetterie métallique est une industrie qui ne change pas profondément au cours de son histoire. Par comparaison à l'histoire technique de l'horlogerie très stable elle aussi jusqu'aux années soixante dix, mais qui subira une profonde transformation avec la généralisation des mécanismes à quartz.

On peut donc établir la domination d'un point de vue contemporain et historique de la lunette métallique, sur les autres types de lunettes.

Cet état de fait justifie que nous nous intéressions principalement à cette filière. Il s'avère d'ailleurs que la fabrication de ce type de lunette représente la réelle mise en oeuvre d'un savoir-faire technique élaboré9. Contrairement au plastique dont le processus technique reste actuellement une technique simple de découpage de plaque de plastique, l'ouvrage d'une lunette relève presque de la mécanique de précision dont l'assemblage et la visserie donne un bon exemple.

8 Nous excluons encore la le cas particulier de la fabrication des lunettes de protections 90 % des lunettes fabriquées en plastiques le sont à partir du découpage de plaques d'acétate de cellulose qui est un plastique dont l'utilisation industrielle date de 1920 , les techniques employées sont aussi celles du tranchage ou du toupillage qui sont des techniques d'usinage, ainsi qu'un peu d'extrudage. 9 Environ 200 opérations sont nécessaires pour une lunette métalliques alors que seulement 50 le sont pour une lunette plastique Ill

1.5. Histoire générale de la lunetterie: La domination de la "filière métal" est inscrite dans l'histoire locale et a très bien été mise en évidence par l'historien Suisse Paul Louis Pelet. Il s'agit d'envisager cette histoire en étroite liaison avec l'ensemble de l'aire considérée dans notre étude en y incluant la montagne Suisse et l'agglomération de Genève. L'histoire locale est marquée par les migrations de l'un a l'autre coté de la frontière, migrations qui vont s'intensifier avec les désordres religieux.

Michèle Salitot (1988) et avant elle la géographe Suzanne Daveau (1955) ont mis en évidence que la compréhension de la réalité locale nous oblige à remonter à une période très éloignée de l'histoire du peuplement de la région. Salitot n'hésite pas à interroger les formes primitives de structuration familiale des mesnies germaines pour comprendre le phénomène locale des fruitières (Salitot 1988). On peut aussi se demander si ces formes de production collective de fromages, ont influencé le mouvement socialiste coopératif original qui va se développer dès le début du XXéme siècle et donner à l'industrie locale une forme très particulière.

Mais l'origine du mouvement coopératif peut aussi être recherchée dans le mode particulier de rapport à la terre , et à la propriété en général, qui a prévalu jusqu'à la révolution de 1789 ,dans la plupart des cantons jurassiens et notamment à Morez. La pratique de la mainmorte faisait en effet obligation de communauté de vie (sous le même toit) à l'héritier, et interdisait l'aliénation de la propriété par la vente. Elle visait à maintenir sur place des communautés sous domination abbatiale, qui auraient sinon risqué de délaisser des terres souvent arides et difficilement conquises sur la nature.

Ce système ,mis en exergue par Suzanne Daveau (1959) explique pour elle le retard pris par le développement de l'industrie locale et le manque d'investissement capitalistique externe. On peut se servir d'un tel type d'explication pour comprendre la forme particulière que prendra beaucoup plus tardivement le développement du capital dans les industries du Jouet et de la montre. Les capitaux externes sont rares et la marge d'autofinancement importante, ce qui nous a été confirmé dans les histoires d'entreprise du jouet (Smoby) et de la lunette (L'AMY), deux entreprises qui peuvent être considérées comme leader de leur branche. 112

Jusqu'à une époque récente (années soixante dix ), ce type de structuration capitaliste des entreprises à sans doute joué comme un frein à leur concentration (sans négliger d'autres facteurs que nous examinerons). Il a peut être empêché un phénomène de concentration comme il était de mise dans les industries françaises de l'après guerre, du moins chez celles qui ont attiré les investissements capitalistes . Remarquons que les années quatre-vingt inaugurent seulement l'introduction en bourse (second marché de Lyon) des deux sociétés pré­ citées, et leur appel à des capitaux externes pour leur développement.

La liaison est fortement établie entre le développement de l'industrie locale et l'agriculture , par l'intermédiaire de ce que certains historiens appellent, la "double activité". C'est en effet au sein des ménages paysans que se sont fabriqués les montres, les bibis , les assiettes en bois, ou les premières montures de besicles10. C'est au sein de ces ménages que certains artisans, qui deviendront de véritables industriels sont nés et ont été initiés à leur technique. Nous ne pouvons donc pas négliger cette culture locale qui va les imprégner, tant d'un point de vue technique, que d'un point de vue économique, ou social. Mais, et nous Talions voir, il ne faut pas oublier non plus qu'avant ces "établissements à la ferme" existaient aussi des "établissements industriels" , et ce pour la lunetterie, dès le début du XIX ème siècle11. Cette trace si elle existe à tendance a être niée par les réflexions sur les techniques or celles-ci viennent autant de lieu aussi divers que les confréries parisiennes de lunetiers étudiées par François Faraut12, que de la main d'oeuvre locale paysanne qui s'est souvent contentée de s'approprier ces techniques, qui "désertaient" les fabriques moréziennes à cause des vicissitudes de l'histoire mouvementée du XIXème siècle.

Si on se situe dans la perspective de l'histoire récente de la lunetterie, c'est à dire celle de son passage d'une activité artisanale à la ferme à une activité purement industrielle alors c'est dans un double mouvement qu'il faut tenter de comprendre l'histoire technique locale: - un mouvement "interne" caractérisé par une culture populaire locale ou l'agriculture tient une place importante, les techniques étant effectivement développées au sein des ménages ruraux. - un mouvement migratoire d'individus qui vont importer de multiples techniques aussi bien des pays cédant à la réforme, que d'autres endroits de France (Est ou Centre de la France pour la métallurgie).

10 Pour une période qui va du début du milieu du XIX siècle jusqu'aux années 1950 11 Ce qui introduit déjà un élément de différenciation avec l'industrie du jouet par exemple. 12 Faraut, Marcadet Paoli: 1982. 113

1.5.1.La métallurgie locale: de l'horlogerie à la lunetterie.

Les premières traces historiques d'utilisation de la force motrice du Tacon (rivière traversant Morez), d'un point de vue industriel tout au moins ,et pour ce qui nous intéresse , c'est à dire pour l'industrie métallurgique sont liées à l'horlogerie. En effet on trouve trace depuis le milieu du XVIIème siècle d'une implantation horlogère originale, notamment sur la ville de Morbier

Selon les sources historiques il s'agit principalement de l'industrie de la grosse horlogerie, venant principalement de Genève13. Le rôle de la Suisse dans le développement de cette industrie est incontestable . Si l'on se réfère aux travaux de P.L Pelet, dont on peut regretter qu'ils n'aient pas leur pendant du coté Français, on constate aussi dans cette région des montagnes Suisses, distante de quelques dizaines de kilomètres de Morez, une importante industrie métallurgique et même sidérurgique.

Il n'est donc pas étonnant de voir s'installer dès 1726 tout au long du Tacon et jusqu'à Champagnole des établissements transformant cette matière première que l'on trouvait sur place. Les abondantes ressources en bois faisant les beaux jours de ce que l'on a nommé la métallurgie Comtoise 14

Mais plus que de fonte du minerai ,1a région Morézienne s'est surtout spécialisée dans la transformation du fer , ce que l'on nomme le fer ouvré: la tréfilerie et la clouterie. L'énorme besoin de clous du XVIIIème et du XIXème siècle notamment de l'industrie navale, a permis que s'établissent depuis Morez jusqu'à Champagnole une série d'établissements travaillant au découpage des clous à partir de plaque de fer i*.

Le tréfilage est une technique qui permis aussi très tôt d'utiliser le fer sous des formes souples, et il faut voir certainement dans cette industrie une des raisons locales du développement de la lunette. C'est

13 Dont on avait encore la trace récemment avec l'horlogerie Romanet à Morbier et la fabrique d'horloges comtoises ODO qui s'est reconvertie partiellement dans la lunette dans les années 1975 1980 avec l'achat de l'entreprise Morézienne Janier Dubris 14 François Lassus 1980. 15 Technique de laminage puis de découpage employée aux Forges de Syam , et dont nous avons témoignage jusqu'au début de ce siècle avant l'installation d'un laminoir à cannelure 114 en effet à partir des fils de fer, de laiton ou de cuivre, que les premiers modèles de besicles vont être réalisées (1796). Il ne s'agit nullement d'une invention locale puisque l'Angleterre connaissait ces techniques depuis longtemps, et ses négociants ou des négociants parisiens, ont joué un rôle stimulant dans l'apparition d'une production locale.

Dès le début de cette production, la proximité entre l'ouvrage du fer dans l'horlogerie et dans la lunetterie permet facilement aux ouvriers ou aux artisans locaux de l'horlogerie, de s'employer dans la nouvelle production des lunettes. Il faut en effet restituer dans cette époque ce qu'était la production de l'horlogerie. Lors de l'enquête nous avons eu témoignage d'une manufacture d'horlogerie à Foncine le Haut, manufacture qui au milieu de notre siècle fabriquait ses horloges de bout en bout, allant jusqu'à fondre ses propres pièces. D'un autre coté les paysans qui travaillaient à façon dans leurs ateliers de ferme, allaient aussi très loin dans le processus de fabrication des ébauches, comme ont pu le mettre en évidence les nombreux travaux d'historiens.

L'industrie du fer profite selon les sources historiques, d'un apport de main d'oeuvre extérieur. Des maîtres ouvriers en tréfilerie de Lorraine arrivent à Morez en 1726. En 1777 c'est un marchand maître cloutier qui s'installe à Morez. Cette personne nommée P.H. Cazeaux est cité par les sources historiques comme étant à l'origine de la première fabrique de lunettes 16 . Il en propose le montage à des ouvriers de l'horlogerie et dans les forges et martinets nombreux de l'époque. D'ailleurs à l'époque on parle de fabrique d'ébauche de lunettes, comme on parle depuis beaucoup plus longtemps d'ébauche de montres 17. Une lettre de Messidor an VII citée par Rouyer parle de l'établissement à Morez de: "la seule fabrique de lunettes de la république..."

Localement c'est l'ouvrage du fer qui rejoint ces deux branches industrielles, mais d'une manière plus générale les techniques ont une origine commune qui va de l'horlogerie à la lunetterie: "ce sont les horlogers qui découpent au balancier leurs aiguilles de pendules, qui apprennent aux lunetiers à découper leurs branches" (J. Monneret 1939).

Il n'est donc pas innocent de remarquer que localement la lunetterie s'est développée jusqu'à récemment sur la disparition progressive de l'horlogerie:

16 Rouyer 1903 17 Rouyer 1903 115

De 1856 à 1954 le nombre des lunetiers passent de 626 à 1885 alors que celui des horlogers passe de 1070 à 213. L'activité horlogère reprendra pour arriver à 600 employés en 1978 puis elle rechutera de nouveau pour arriver à l'heure actuelle à une centaine d'employés (sources INSEE).

1.5.2.Apport extérieur et développement local: L'origine de l'implantation de la fabrication de lunettes est extérieure à notre aire géographique, tout comme d'ailleurs l'implantation de l'horlogerie. L'implantation d'une fabrique sur le modèle des manufactures de l'époque précède donc l'établissement d'un travail artisanal local . A partir de cette implantation le développement d'une production s'intègre à la réalité locale de l'époque et à la myriade de petites structures de productions (potentielles) que l'on peut sans doute qualifier d'artisanales, que sont les ménages ruraux.Pour nous l'artisanat local se définit par rapport aux techniques de production et le fait que l'ouvrier maîtrise l'ensemble de la chaîne opératoire de fabrication de la lunette, nonobstant le fait qu'il puisse exister des spécialisations précoces, résultant de choix techniques ou de division du travail18.

1.5.3.Artisanat jurassien et travail à la ferme

L'artisan Jurassien est souvent un paysan qui travaille à façon dans une pièce de sa ferme. Le travail de l'historien BOYVIN (1987) sur la commune de Longchaumois montre assez précisément ce type de travail. En recensant les déclarations aux contributions, il s'aperçoit que le même ménage, en fonction des aléas de la vie économique, peut très bien une année se déclarer comme paysan, une autre année comme lunetier ceci pour le dernier quart du XIXème siècle.

C'est bien de plus en terme de ménage qu'il faut observer la réalité de l'époque. En effet c'est au sein de la famille élargie , définie par Salitot et Daveau selon les critères de communauté de toit, que se trouve l'unité de production des lunettes. Si le père est l'élément essentiel maîtrisant le processus technique les enfants, voire la femme les ascendants et les collatéraux ainsi que les domestiques peuvent être employés à l'exécution de certaines taches. C'est d'ailleurs ainsi que se faisait l'apprentissage, "l'imprégnation technique" des enfants à la

18 Voir chapitre 2.1.2. 116 lunetterie , mais aussi à l'horlogerie , à la lapidairerie , ou au tournage du bois. Nous avons bien la une structure d'apprentissage technique commune à toute l'aire considérée: "On a toujours vu faire notre père , notre mère elle elle polissait pendant que nous on nettoyait , on rangeait..."

Cette phrase entendu lors d'une enquête sur la lapidairerie, est quasiment textuellement redite par une ancien lunetier. Le polissage étant dans les quatres industries citées comme une tache plutôt féminine, auquel il faudra rajouter plus tard les taches de soudage pour la lunetterie, ou de montage pour l'horlogerie.

Le mélange d'une agriculture de subsistance et d'un travail à façon qui permettait de dégager des bénéfices, définit bien la famille de l'arc jurassien. C'est au sein de telles familles que se sont développés certains savoir faire techniques qui nous intéressent aujourd'hui.

Ces savoir-faire sont indéfectiblement liés à la structure de production que constitue le ménage Jurassien, surtout si on sait qu'une concurrence importante avait lieu entre les divers lieux de productions. Quelques soient les modes de commercialisation d'ailleurs, que ceux-ci soient contrôlés par des négociants, comme il en était le cas dans la lapidairerie, ou que cette commercialisation se fasse à la foire par l'artisan (lunetterie), ou encore par celui-ci devenu négociant (cas plus rare et plus tardif qui date de l'entre deux guerres).

Cette concurrence est aussi fortement ambivalente dans la mesure où des liens de solidarité pouvaient aussi exister. Ceux-ci collaient généralement aux structures de parenté. Tel oncle pouvait aider son neveu à s'installer, ou lui apprendre les ficelles du travail. Il faut la aussi jouer sur deux registres celui d'une "certaine" solidarité familiale, et celui d'une "certaine" concurrence et espionnage inter-familial, sur lequel nous reviendrons19 .

Parlant de ces ménages paysans J. J. Rousseau lors d'un voyage dans la montagne Jurassienne écrivait ceci dans sa lettre à Mr d'Alembert (1758): "Les heureux paysans (...) font même des montres (...) Ils font des siphons , des aimants, des lunettes , des pompes , des baromètres , des chambres noires, leur tapisseries sont de multitudes d'instrumens de toute espèce , vous prendriez le

19 Chapitre 2 117

poêle d'un paysan pour un atelier de mécanique et pour un cabinet de physique expérimentale." A coté de cette vision romantique du travail à façon, existe aussi des timides concentration en atelier qui ne regroupent que quelques dizaines d'ouvriers en 1830: quatre ateliers d'une dizaine d'ouvriers à Morez qui fabriquent environ 500 paires de lunettes par an. Sur la commune de Prémanon on signale une fabrique de seize personnes qui sort 2000 paires de lunettes par an. Il semblerait qu'à cette époque la fabrication des montures soit la principale préoccupation locale , mais on peut signaler que le verre est aussi sinon préparé du moins transformé sur place. On cite notamment une entreprise Hyacinthe Lamy/Lacroix qui fabrique l'un et l'autre de ces éléments.

Cet état de fait nous permet de faire un petit détour par ce problème de l'histoire ancienne de la lunette.

1.5.4.Histoire ancienne de la lunette

Il faut différencier deux choses dans ce que nous nommons actuellement la lunette : - d'un coté la monture réalisée soit à partir d'un fil de métal (maíllechort, cuivre , alliages divers, mais aussi auparavant laiton) soit en plastique ou en écaille plus rarement (dans les deux cas on découpe alors une plaque). - d'un autre coté le verre. Réalisé maintenant à partir * de techniques élaborées à l'extérieur de la région de Morez.

1.5.4.1.Des pierres précieuses aux lunettes de vue.

La verrerie pourrait être considérée simplement comme la confrérie d'origine des fabricants de verres de lunettes. En fait l'histoire de la fabrication des lunettes et donc de l'objet lui même est beaucoup plus complexe que cela.

Si les verres étaient au XIX réalisés à partir de verre soufflé en manchon qui étaient étendus par une autre équipe de verriers , l'homme n'a pas toujours corrigé sa vue à travers du verre qu'il fabriquait.

Tout d'abord il nous faut remarquer que la verrerie est une industrie locale importante au XVIII et XIX ème, elle même lié au défrichement et à la proximité de bois, celle-ci a permis que se fabrique 118 localement des verres de lunettes. Nous savons que des fabriques de verre ont existé à Morez jusqu'au sortir de la deuxième guerre mondiale. On peut citer par exemple la verrerie Villedieu à la . Le fabricant L'amy jeune continu à fabriquer des verres , mais il a complètement délocalisé sa production sur la région parisienne à cause de la haute technicité qu'a pris le produit. A l'heure actuelle la production locale de verre n'existe plus.

En fait avant d'en arriver à la forme contemporaine, le verre de lunette a connu sa première forme d'utilisation sous la forme d'un verre d'origine minérale. Ce sont en effet les cristaux de roches taillées qui furent parmi les premiers verres au travers desquels les hommes corrigèrent leur vue. Avant ces cristaux on peut même dire que l'homme utilisa certaines pierres précieuses teintées, à cause de leurs pouvoirs de réfraction de la lumière. A l'origine les premiers verres de vue étaient donc de luxueuses pierres.

Le terme même de Besicle qui a précédé celui de lunettes, est né au XlVème siècle pour désigner les premières lunettes fabriquées dans l'occident chrétien. Il semble que les instruments destinés à accroître la vision soit néanmoins très anciens, beaucoup plus que l'objet et les traces archívales que nous en avons ne le laisse supposer.

En effet l'étymologie analysée par Lamy20 nous permet de faire dériver le terme besicles de béricle (en effet les premières orthographes étaient celles de béricle). Hors suivant cet auteur on trouve chez Pline une description de Néron observant les jeux du cirque à travers des émeraudes taillées. Le nom latin de l'émeraude étant béryllus, celui-ci aurait donné béril puis béricle. Cette étymologie est d'autant plus probablement qu'elle s'appuie sur la réalité technique d'un objet qui dans les deux cas sert à voir.

C'est à travers des pierres précieuses taillées, pour augmenter leur effet de loupe, que les myopes de l'antiquité corrigeaient leur défauts visuels. Au Xllème et XHIème siècles, suivant Lamy, les pierres précieuses étaient parées de vertus salutaires pour les yeux malades. La taille des pierres précieuses et celle des verres sont originellement liées, puisqu'on trouve l'une et l'autre de ces techniques de taille exposées de manière concomitantes dans un ouvrage cité par Lamy et intitulé: "Lapidaires français des XIII et XIV siècles" de L. Pannier.

20 Lamy 1969 119

Cet auteur parle notamment d'un pierre appelée béricle (émeraude) qui donne à l'eau dans laquelle on l'a trempée un pouvoir clarifiant pour la vue. Cette médecine populaire basée sur la pensée associative, dénote bien encore de cette relation primitive établie entre pierres précieuses et verres. Elle nous intéresse d'autant plus que la région des villages du plateau des Rousses (jusqu'à et Saint Claude) est une région historique de la taille de pierres précieuses.

Mais quel lien établir objectivement entre les deux traditions locales lunetières et lapidaires?

Il y a tout lieu de penser qu'au moment de l'introduction de l'une et l'autre des techniques dans le Jura, cette liaison ne soit plus pertinente , ou en tout cas plus explicative du passage de l'une à l'autre de ces techniques.

Notons dans l'ouvrage de Lamy le passage du terme de béricle qui désigne la pierre (l'instrument servant à voir), au terme besicles qui va lui désigner l'ensemble formé d'un verre (ou d'une émeraude ?) et d'une monture ouvrée..

Enfin c'est au XVI siècle dans le vocabulaire parisien de l'académie que l'on trouve le terme lunette, proposé pour remplacer le terme besicles qui va malgré tout perdurer dans le langage populaire jusqu'au milieu de notre siècle.

L'origine du terme de lunette est lui à chercher du coté des miroitiers, il désigne la plaque de verre ou de métal poli d'un miroir circulaire. Les lunetiers sont au XVIIème siècle adjoints à la corporation des miroitiers. Mais dès le XVème siècle on trouve un rapprochement entre béricle et lunette. Au cours d'un inventaire après décès cité par Lamy (1969 : 8) on peut lire: "Lunectes d'or garnies de béricles..."

Le terme lunectes (lunettes) désigne-t-il alors l'ensemble formé de béricle (est-ce l'appellation de verre ou d'une pierre taillée ?) et de la monture en or ? Ou bien simplement la monture ? En tout cas le rapprochement entre la désignation de la partie et du tout semble se faire dès cette époque éloignée. L'interprétation de Lamy (1969 :8) est la suivante: "Il semble donc que dans les termes que l'on rencontre pour désigner ce type d'objets depuis le XIV , lunette ait acquis un caractère de généralité plus grand que béricle qui se restreint souvent à la matière de ce que l'on appelle aujourd'hui les verres d'une manière générique." 120

Les corporations artisanales sont à l'origine des métiers modernes, elles nous donnent aussi une idée sur les manières dont ont pu être classées les divers techniques en dehors de la logique contemporaine, et surtout en dehors de la logique technologique21. Les traces historiques les plus anciennes de cette confrérie datent de 1461. En 1581 les lunetiers sont adjoints à la confrérie des miroitiers-bimbelotiers la lettre patente dit en substance: Art 11: " Item les dits maîtres dudit mestier pourront faire lunettes de cristal de roche, verre et cristallin, de toutes veurz, bien polies des deux costez, faire les chassis d'icelies de cuir, cornes et autres estoffes bien et douement faicts et non de papier, sous peine de confiscation"

Art 12: "Item lesdits maistres pourront faire toutes sortes de besicles, cristal ou cristallin, poli des deux costez tant en cornes qu'en estaim; aussy pourront faire toutes sortes de grandes glaces de verre poli, carré ou rond, garni de leur chassis de fin papier ou de bois..." (R. De Lespinasse 1897).

Ce qui unit dans la logique de l'époque les deux métiers c'est que les uns s'occupent de réfractions et les autres de réflexion de la lumière. Chacun travaillant à polir et à enchâsser les verres. Jusqu'au XVIHème siècles les opticiens se faisaient appeler miroitiers-lunetiers , ce n'est qu'à partir de cette époque que des progrès de l'optique décisifs distingueront de vrais spécialistes en optique qui se détacheront des lunetiers.

Cette distinction qui commence alors continue jusqu'à maintenant puisque les étudiants de l'Ecole Nationale d'Optique en instruments de précision, traitent ceux de la section lunetterie de "marchand de lunettes".

A partir de cette époque les deux métiers (lunetterie et optique) sont bien différents et n'entretiennent plus guère de rapports techniques.

21 Rappelons que nous employons le terme technologique dans le sens de la désignation de la discipline ethno-technique. 121

1.5.4.2.Lunettes de vue et lunettes de protection. Les lunettes de vue et de protection ont une origine contemporaine (XVème siècle), et les films d'époques feraient bien de s'en inspirer dans un soucis d'authenticité historique. Les lunettes de protection chargées de garantir des poussières ont été assez couramment utilisées dès le XV ème siècle . Dans un autre inventaire celui de Philippe Le Bon Duc de Bourgogne qui est daté de 1420, il est noté: "Deux béricles de cristal , unis sur un camelot cendré , que l'on met pour la poudre devant les yeux quant l'on chevauche..."

Il n'est qu'à citer aussi les lunettes de protection contre la peste. Ces besicles fixées à un masque de tissu furent utilisées de manière prophylactique, et certaines gravures d'époques en garde le souvenir vivace à notre mémoire. Sans doute ces derniers témoignages, plus marquants étaient-ils plus propres à figurer dans une iconographie que les lunettes de chevauchées, considérées alors comme relativement disgracieuses.

Lamy pense que l'on a d'abord pensé à se protéger les yeux avec des verres , avant de découvrir les propriétés optiques de ceux-ci. Dans le vocabulaire ces types de lunettes correctives étaient appelées "conserves" en référence à leur propriété conservatrice de la vue : "Ce que l'on nomme conserves sont des lunettes, comme celles des vieillards, à cela près qu'elles sont moins convexes"

1.5.4.3.Port des lunettes, considération sociale et destination sociale du produit:

Le port des lunettes a subi une profonde mutation dans sa considération sociale. Les lunettes sont maintenant intégrées à la mode , "esthétisées" elles sont un attribut investi par les grands couturiers et designers. Au début de notre siècle encore il n'en était pas de même, le port des lunettes était considéré comme un signe de sénilité, tout en étant le signe de la science et de la sagesse 22.

Sur ce domaine les modes au cours des époques ont été très diverses. On connaît le fameux monocle popularisé au cinéma par Eric Von-Stroen ou le binocle à main de l'époque Directoire. On sait moins par

22s¡ la myopie est une maladie généralement congénitale, le presbytisme a longtemps été considéré comme la maladie des vieillards. D'ailleurs la racine latine de ce terme est prebutès qui signifie vieillard. 122 exemple que les lunettes furent l'objet d'une véritable mode au XVIIème siècle au royaume d'Espagne: "Il est si commun d'en porter, que j'ai entendu dire qu'il y a des différences dans les lunettes comme dans les rangs: à proportion que l'on s'élève en fortune, l'on fait grandir le verre de ses lunettes et on les hausse sur son nez. Les grands d'Espagne en portent de larges comme la main que l'on appelle "ocalis", pour les distinguer, il se les font attacher derrière les oreilles" (Mme D'Aulnoy, 1691). Ce point historique rejoint un élément d' interrogation essentielle, quant au processus technique de fabrication d'un objet. En effet on peut s'apercevoir du lien dialectique serré qui existe, entre processus technique de fabrication, matière du produit employé et destination sociale du produit. Il est dans ce cas toujours périlleux d'affirmer ce qui précède l'autre. Est-ce la matière plastique qui par sa facilité d'emploi et de son moindre coût oriente les industriels à fabriquer des objets en plastiques à la place d'objets précédemment fait en une matière comme le bois pour les jouets, ou le métal pour les lunettes ?

Il faut je crois se garder d'un déterminisme trop facile, dans ce domaine, sachant que les modes mêmes impriment souvent aux objets une destination toute autre que ce qui était leur "fonction d'origine". A ce petit jeu de l'analyse fonctionnelle, les exemples fourmillent de contre-utilisation de l'objet.

Les objets techniques agricoles, donnent les exemples de ce qu'il peut advenir d'un joug de boeuf transformé en lustre.

Mais l'exemple précédent nous montre bien que l'objet technique moderne souffre aussi d'un détournement de sens quant à sa fonction primitive. Ainsi les montres de grand luxe sont-elles autant, et même plus peut être, des bijoux que des objets destinés à donner l'heure. Certains jouets "désignés" en bois sont-ils plus des objets de décorations que des objets destinés à une utilisation ludique et donc par définition destructive. Enfin les lunettes si elles sont d'une griffe prestigieuse servent-elles autant à paraître socialement qu'à mieux voir. Dans la lignée de cet exemple qui n'est finalement que la continuation de l'exemple de la cour d'Espagne, c'est la modification, de ce que nous appelerons la "destination sociale du produit" qui a ,dans la lunette, opérée la plus grande révolution technique depuis sans doute l'invention 123 de celle-ci, lors du passage de la loupe au travers d'une pierre à une forme approchante de la lunette moderne23.

1.5.4.4.Petite digression symboliste:

Une autre remarque dans l'histoire de la lunette qui nous semble étonnement féconde et pour tout dire séduisante, c'est celle qui associe la lunette (longue vue) au monocle, ou à la loupe. Une interprétation peut en découler qui ne peut en aucun cas être scientifiquement établie:

C'est en cherchant à regarder de plus près le royaume divin des cieux que l'homme inventa la lunette (ancêtre du télescope) , maîtrisant ainsi les propriétés de la matière qu'il travaillera ensuite pour accroître la vision de ses congénères déficients. Cette remarque anthropologique à toutes les chances d'être à l'origine de la découverte de la lunette, étant donné le peu de cas que les sociétés anciennes semblaient faire de l'accroissement du bien être des individus qui les composaient. On peut aussi parler de l'observation de l'infiniment petit, à l'origine de la loupe qui donna ensuite le microscope. Cet autre monocle permet de se rapprocher aussi de l'observation d'un domaine divin:

Les lunettes seraient ainsi le substrat infiniment humain de ces- objets de découverte divine (devenu scientifique) que sont le microscope et le télescope.

Les lunettes "vulgaires" actuelles établissent ce partage du monde cette bi-latéralité que remarque Jousse, et qu'il définit comme un des fondement de la dynamique anthropologique du corps humain, alors que télescopes et miscroscopes sont des instruments mono-latéraux.

23 Voir à ce sujet chapitre 2.1.7; 124

2 Etude de la lunetterie contemporaine:

2.1.Aspects techniques et évolution de la lunetterie:

La production originale de lunettes peut être divisée en trois époques. L'époque qu'on peut appeler pré-industrielle qui va durer jusqu'à l'entre deux guerres. Le démarrage d'une époque industrielle depuis cette période qui est marquée par un arrêt dû à la guerre. Et une troisième période qui débute en 1960 et qui préfigure techniquement, et au niveau de la concentration industrielle, l'époque actuelle.

L'époque primitive de la fabrication de lunettes et de pinces nez, est marquée par une structure de production artisanale alliée à du travail à la ferme. Elle dure en gros du début du XIXème siècle (premières traces historiques d'une activité lunetière) aux années d'entre deux guerres. S'il est difficile d'avoir une idée exacte sur les structures de production (artisanat ou travail à façon) on peut établir grâce aux objets techniques et à la mémoire orale, un tableau technique de cette époque: "C'était tout avec des pinces? Pour souder, c'était plutôt braser, on assemblait les pièces avec un fil de laiton, on mettait du borax qui servait à décalaminer. On assemblait ainsi le fil de laiton, puis il fallait tout enlever le lien tout limer24, tout rattraper. Pour faire les tenons c'était tout limé les façonniers étaient spécialisés, il y avait une sorte de division du travail. Les anciens avaient beaucoup de limes de différentes formes qui étaient taillées pour obtenir le résultat escompté. "

Mr Grand Chavin qui nous raconte cette époque, à un père qui avait commencé à pratiquer cette activité dans les années de la fin du XIX ème siècle. Quelques vestiges trouvés ça et la dans les greniers gardent le souvenir de la "rudimentarité" de l'outillage à la ferme. Celui- ci était souvent constitué d'un unique tour à pédales , de laminoirs à main, de pinces et de limes principalement : "Avant 1918, il n'y avait pas de moteurs , l'énergie était humaine, ou hydraulique dans le meilleur des cas. Entre les deux guerres au consortium , il devait y avoir deux moteurs de 3 chevaux pour faire tourner tout un ban de petites perceuses

24Lcs opérations de polissage se sont effectuées longtemps avec des limes à l'époque du soudage au boraxe où il fallait rectifier les soudures à la main, puis il s'est effectué plus facilement dans des cuves mobiles remplies de produits abrasifs léger comme des pierres céramiques. 125

taraudeuse, de presses mécaniques et machines à refouler." (Mr Grand Chavin).

Les artisans de l'époque achetaient du fil et effectuaient une opération essentielle qu'on appelait le drageoir (le fil était laminé avec une rainure).

La lunetterie a comme caractéristique, comme l'horlogerie et la tournerie, de pouvoir être pratiquée dans un petit atelier, et avec un outillage réduit, à la différence d'industries comme la métallurgie, la scierie, la verrerie, ou même de l'industrie textile qui furent des industries localement implantée au XVIIIème et au XIX ème siècle. C'est peut être en faisant cette constatation que Von peut dire qu'il y a eu un certain déterminisme technique dans le développement des industries requérant un "petit outillage", dans ces montagnes Jurassienne enclavées.

En même temps cette remarque n'est pas suffisante, car les structures de production interviendront aussi comme éléments marquants de l'industrie locale.

Une caractéristique que l'on peut mettre en évidence dans le travail artisanal, est le rôle essentiel du travail mécanique. Plus que le travail de la technique proprement dit, il permet de faire la différence entre les artisans, et permet à certains de ceux-ci des réponses techniques qui réalisent des adaptations aux aléas économiques; comme la reconversion de la région que nous étudions de l'horlogerie vers la lunetterie, ou le passage du bois au plastique dans l'industrie du canton de Moirans en Montagne . Ainsi le fait même de parler de l'introduction du machinisme ne suffit pas, car même au moment de l'équipement de machines plus modernes, les modèles sont tellement standardisés que les artisans faisaient eux mêmes leurs machines. Celles-ci étaient d'ailleurs conçues de manière à être les plus polyvalentes dans leurs utilisations.

Mais avant d'entrer dans le vif du sujet examinons d'abord les opérations de bases de la lunetterie qui n'ont d'ailleurs pas vraiment changées. Les voici telles qu'elles nous ont été décomposées: Décomposition des opérations essentielles de la lunetterie:

Branche: Cercle:

Reitreint Roulage Recuit Soudage des tenons Refoulage Découpage Etampage Calibrage Fraisage Menisquage Perçage Soudage sur le pont Taraudage Fraisage Polissage Soudage des bras Traitement de surface de plaquettes Assemblage de la face

Polissage final Traitement de surface 127

2.1.1.Les matières premières:

Celles-ci étaient souvent achetées à des grossistes ou des tréfilleurs locaux. L'importance de cette branche de la métallurgie qu'est la tréfillerie est attestée dans les sources historiques écrites et dans les études dont nous avons déjà parlé. Cette industrie était parfaitement à même, et fut d'ailleurs à l'origine de la fourniture des lunetiers en fer tréfilé.

C'est le maíllechort qui est la matière de base de la lunetterie depuis le début du siècle. L'acier, comme le laiton, étaient employés auparavant mais il est difficile de trouver des témoignages et des objets fabriqués dans cette matière localement. Le maíllechort, matière inventée en 1830, est un alliage inaltérable de nickel, cuivre et zinc. Il semble avoir utilisé très tôt dans la lunetterie (années 1850, 1870). Il peut être confondu avec le laiton, qui est un métal moins maleable aux propriétés mécaniques moins grandes. Le laiton est un alliage de cuivre et de zinc simplement, qui fut surtout très employé dans l'horlogerie.

C'est sous sa forme de laiton ductile, appelé aussi "cuivre jaune", qu'il était employé en lunetterie25, sans doute plus précocement que le maíllechort. Les lunettes ordinaires furent ensuite nickelées sur le maíllechort (entre deux guerres). Les lunettes plus élaborées à cette époque étaient chromées après avoir été nickelées (les propriétés du nickels en font en effet un métal plus poreux) et les hauts de gammes doublés or sur maíllechort. Le Chrysochal est aussi un alliage originel employé entre les deux guerres (cuivre zinc et bronze), mais il sera délaissé assez rapidement. Après la guerre il y a eu le Monel 68 % de nickel pur et 2% de fer et d'autres composant. Ces modifications de matières ont entraînées aussi des modifications de l'outillage, ces matières ayant comme caractéristiques d'être de plus en plus dures à travailler. Ces modifications nécessitèrent une amélioration de l'outillage surtout sur les outils de coupe: aciers rapides et aciers carbones furent employés pour ceux-ci. Ils permettaient en outre de mieux résister à l'étampage. Maintenant on emploie l'acier inox qui est encore plus difficile à travailler plus difficile à souder.

La sous-couche de nickel reste encore maintenant le meilleur moyen de réaliser un bon accrochage de l'or, mais les dernières

25 Nous avons déjà dit que nous n'envisagerons pas dans cette étude le travail des matières plastiques surtout localisé à Oyonnax. Signalons toute fois que le découpage de celluloïd ne fut jamais effectué dans les fermes. Le rodhoïd plus résistant aux froids remplaça d'ailleurs très vite cette matière. Le plastique se déforme plus à la chaleur et nécessite un outillage plus gros. 128

recherches dans ce domaine tendent à démontrer que ce métal à des propriétés néfastes pour la santé des individus et qu'il provoque des allergies. Un des principaux sous-traitants actuels en matières et traitements de surfaces galvaniques et organiques, est l'entreprise Coeur d'Or à Maîche, qui a la particularité de se situer au centre d'un canton horloger et de travailler beaucoup pour cette industrie.

Si les modifications de matières interfèrent dans la fabrication des outils, elles ont aussi des répercussions dans le domaine essentielle en lunetterie des techniques de soudage : "Mon père faisait du soudage pour une usine de Morez pour arrondir les fins de mois, avec ce qu'on appelait un chalumeau. C'était un tube en laiton conique et une lampe à pétrole. On soufflait la flamme de la lampe à pétrole sur les objets à souder, c'est la flamme qui servait de source de chaleur. Quand je suis rentré dans la lunetterie c'était déjà des machines à résistance avec un transformateur qui transformait le courant électrique en courant à basse tension, (Mr Morel, ).

"Pour les soudures jusqu'en 1960 il y avait des machines à souder par résistance les femmes appuyaient sur une pédale commandant un rhéostat donnant plus ou moins la température. Il fallait une certaine habitude alors que maintenant tout est automatique, (Mr Beaud).

2.1.2.L'époque de la fabrication artisanale des lunettes (1800-1930- 1950 ?^>

On peut se demander s'il a existé une époque typique pendant laquelle les lunettes étaient produites suivant une structure de production artisanale. Le problème que l'on rencontre dans l'arc jurassien est de se mettre d'accord avec le terme même de "production artisanale." Désigne-t-on par là une forme d'organisation sociale ? Ou un mode de production technique?

Historiquement on sait qu'il existe dés le début du XIXème siècle à Morez des petites fabriques de lunettes. D'ailleurs les sources historiques ne parlent elles pas de : "La seule fabrique de lunettes de la république26". Les structures de productions artisanales ou "à la ferme" semblent être postérieures à l'établissement de ces fabriques en tout cas

26 Lettre de messidor an VII cité par Rouyer 1903. 129 dans la lunetterie27. Pour ce qui concerne le processus technique, la rationalisation des opérations ne semble avoir été qu'une opération récente datant en gros du développement industriel après 1960.

Dans les fabriques comme dans les fermes ou dans les ateliers d'artisans28, il semble que la division des taches techniques qui a prévalu, est une division des taches qui fait plus penser à une production artisanale qu'à la production industrielle classique.

Chaque ouvrier était un "lunetier complet"29, capable d'effectuer de nombreuses taches sur la lunette telles que nous les avons énumérées. Cet état de fait est certainement plus accentué dans les fermes ou dans les ateliers d'artisans, qu'il ne l'est dans les petites unités de productions ou commence une spécialisation des taches. Mais le passage de l'une à l'autre de ces unités de production, de la part d'une main d'oeuvre extrêmement mobile, les aléas du marché, et des événements, nous montrent que si l'artisan à la ferme était capable d'être son propre mécanicien de fabriquer ses machines et de souder, les ouvriers de fabriques qui ne faisaient que les cercles, étaient aussi amenés dans certains cas à être aussi mécaniciens ou soudeurs. Bref il est bien difficile de parler d'une structure de production plutôt que d'une autre, et en tout cas le terme de proto-industrialisation, souvent employé par les historiens locaux, semble particulièrement mal adapté pour rendre compte du rapport entre industrie technique et artisanat, ou travail à la ferme30.

Nous avons déjà signalé l'extrême importance du travail du mécanicien dans des industries parallèles et notamment dans celle du jouet et de la tournerie. L'ingéniosité mécanique locale remarquée par Rousseau est renforcée par l'existence de l'école d'optique de Morez qui dès le début de ce siècle proposait sur le marché de l'emploi local, des

27 La situation ne semble pas du tout avoir été la même dans la tournerie par exemple. 28 Nous reprendrons ce débat au chapitre concernant les aspects sociaux de la lunetterie. 29 Nous employons ce terme en analogie avec le terme d'horloger complet dans l'horlogerie. 30 Surtout dans la mesure ou ce concept tend à dire que le travail à la ferme préfigure les formes d'organisations industrielles modernes alors qu'en fait notre point de vue est que le travail à la ferme est lui même issu d'une "dégradation" d'une forme d'organisation technique et sociale en fabrique qui a trouvé localement refuge dans un travail à façon (voir chapitre sur les formes d'organisations sociales de la lunetterie) 130

promotions de mécaniciens31. Dans les petites fabriques de lunettes de cette époque le mécanicien était alors chargé de faire les molettes de laminage, de son habileté dépendait la bonne qualité des montures. Les fils de fer étaient laminés ensuite par un ouvrier quelconque de l'entreprise , c'était souvent une tache dévolue à un apprenti.

Les opérations de base décrites ont peu subit de modification jusqu'en 1950-1960, elles pouvaient correspondre à une spécialisation professionnelle endogène (soudeur, cercleur, étampeur, etc.). Au cours du développement ultérieur, elles ont été progressivement regroupées, sous l'effet du machinisme et de l'automatisme.

On peut schématiser en disant que dans les unités de production intégrées et regroupées déjà en petites fabriques de 4-5 personnes, la division des taches recouvrait la division des opérations techniques, alors que dans les unités de production artisanales, la spécialisation ne concernait que certaines taches32.

Ainsi la fabrication des tenons semble avoir été une opération très tôt spécialisée. Un artisan, tel qu'Auguste Grand Chavin, sous-traitait cette opération au tout début de ce siècle en n'effectuant lui même que le roulage des cercles. On peut peut être dire que : les parties qui peuvent être considérées comme très techniques dans la lunette sont rapidement spécialisées et donc peuvent avoir donné des développements de sous-traitants.

Il en sera de même plus tard pour le traitement de surface. On peut remarquer que le même processus s'est développé dans l'industrie locale de la montre. Néanmoins le produit lunette n'étant pas aussi "techniquement élaboré," on n'assista pas dans l'artisanat et dans l'industrie de la lunette, à une aussi grande spécialisation technique que celle qui eu lieu dans l'industrie de l'horlogerie, et qui donna lieu à un parcours professionnel "hiérarchisé" avec à son sommet le grade d'horloger complet33 :

31 Promotions certes réduites de cinq personnes, les industriels locaux se plaindront jusque dans les années cinquante de cette pénurie de mécaniciens. 32 II est très difficile de dire pour quoi le milieu local à décidé de spécialiser certaines taches plutôt que telle autre. Cette logique locale serait très intéressante à mettre en évidence et nous permettrait d'avancer dans la compréhension du phénomène locale de sous-traitance, en essayant de repérer la dynamique technique de celui-ci, et son rapport avec la dynamique sociale. 33 L'horloger complet est le personnage capable dans la production de la montre d'effectuer toutes les opérations de fabrications et surtout d'assemblage de celle-ci. Ce grade s'acquiérait souvent après un parcours professionnel long qui consistait à passer par toutes les autres étapes de fabrications de la montre. 131

"Il y avait beaucoup de sous-traitant des gars qui faisaient le rétreint, des gars qui faisaient les branches, qui faisaient du montage en charnière, des polisseurs c'étaient des petits artisans à leur compte, (Mr Grand Chavin).

La fabrication des cercles est une des opérations les plus courantes effectuées dans les unités artisanales, d'autant qu'elle avait pour caractéristique de s'appliquer aussi bien au produit pinces-nez qu'au produit lunette. N'oublions pas que nous sommes au moment où les lunettes à branches vont remplacer les célèbres pinces-nez. Ces derniers n'en étaient pas moins très élaborés techniquement, et avaient donné lieu à une débauche de brevets d'inventions de ressorts, qui étaient la partie des pinces-nez qui permettaient de maintenir les cercles sur le nez.

Il n'est pas dans notre intention de faire une histoire technique de cette invention, mais simplement de signaler que la fabrication de cercle est, sans doute, la seule opération technique qui va passer de la fabrication des pinces nez à celle des lunettes.

Les cercles ont toujours fait à partir d'un fil laminé puis étiré par passage dans des filières, les fils fournis par l'industrie n'étaient jamais aux bonnes dimensions, des opérations de tréfillerie classique étaient donc nécessaires L'ouvrier saisissait avec des pinces l'extrémité du fil de métal au delà de la filière, et le tirait pour calibrer celui-ci.

Dès le début de la fabrication de la lunette ou du pince-nez, la fabrication de filière était confié aux "mécaniciens locaux" qui étaient souvent les artisans ou les paysans /artisans dont nous avons déjà parlé. Ceux la mêmes qui avaient aussi fabriqué des machines à rouler pour faire des cercles.

Après avoir effectué le cercle on en soudait alors les deux extrémités puis on les vissait. Une calibreuse servait ensuite à mettre ceux-ci à la forme. Toutes ces opérations sont maintenant faites automatiquement par des machines.

2.1.3. L'époque charnière de 1960:

Après 1960 l'évolution des techniques de la lunetterie commence par la modification des sources d'énergies des machines. Là où existaient quelques moteurs qui faisaient fonctionner plusieurs machines, chacune de celles-ci va être dotée de son propre moteur. Le temps des courroies 132 de transmission va finir, comme dans les autres industries locales (tournerie, horlogerie). Seuls les isolats techniques tels que les forges de Syam, vont conserver ce système d'entraînement jusqu'aux années quatre-vingt. Les autres grandes évolutions consistent dans l'automatisation du roulage des cercles, et dans les systèmes de soudage haute fréquence.

Avant 1960 le travail des lunettes contenait plus de spécialités . Dans les unités de production on conserva le poste de lamineur qui correspondait en fait à une spécialité de mécanicien (ainsi appelés parce qu'il faisait les molettes de laminage). Entre les deux guerres les industriels se plaignent d'ailleurs des pénuries de mécaniciens. L'école d'optique n'en formait que cinq par promotion. Les lunetières correspondaient, à la même époque, à une qualification de personnes qui formaient les cercles. Mais la plus grosse spécialisation qui requérait un savoir-faire technique important, c'était sans doute le soudage. Le pliage et le formage furent quant à aux automatisés plus tôt, dès l'entre deux guerre.

Examiner tous les aspects des techniques de l'industrie lunetière moderne est impossible. Le fabrication de lunettes métalliques nécessite actuellement plus de 200 opérations techniques. Nous avons choisi de présenter les techniques les plus représentatives de l'industrie contemporaine. Celles qui représentent des taches stratégiques, et qui sont souvent pratiquées depuis longtemps.

Le soudage , le décolletage découpage, et les traitements de surfaces nous ont semblé être des techniques qui permettent de bien envisager l'industrie de la lunette, pour des raisons qui sont justement très différentes: - le soudage parce que c'est une activité essentiellement féminine, et qui a connu une automation tardive. - le découpage et le décolletage parce que l'un et l'autre sont des aspects techniques sous-traités depuis longtemps. - enfin le traitement de surface parce que cette technique pose aussi le problème du sous-traitement, mais surtout parce qu'il constitue l'aspect technique le plus récent qui s'est développé à partir de la modification de la destination sociale du produit lunette.

Mais parlons tout d'abord de l'évolution des conceptions mécaniques du au développement du machinisme. 133

2.1.4. Machinisme, milieu mécanicien et standardisation de la production. La période de 1960 signe celle de l'achat de matériel étranger surtout allemand, comme celui des machines à visser. La fabrication de leurs propres machines par les artisans et par les mécaniciens d'entreprises ne peut plus supporter la "dé-standardisation" de la production de cette époque : " En tant que mécanicien on n'avait plus le temps de faire nos propres machines. Les anciens faisaient leurs machines, leurs modèles duraient dix ans. Ils faisaient leurs outillages, leurs machines à refouler, les presses mécaniques, les perceuses, les taraudeuses, tout était fait dans l'usine on achetait le moins possible à l'extérieur. Après ça a été l'inverse, on achetait les machines à l'extérieur et on ne faisait plus que de l'outillage spécifiquement pour la lunetterie. Il fallait renouveler les modèles de plus en plus rapidement . Avant il y avait un ou deux modèles par an, quand on entrait un nouveau modèle, on essayait d'utiliser au maximum les parties des anciens modèles. Tenons ou ponts, ça évitait de fabriquer un nouvel outil. Il fallait concevoir des outils polyvalents", (Mr Grand Chavin).

Sous l'effet du machinisme il a fallu réenvisager la manière de fabriquer des éléments de lunettes. Notamment en adoptant d'autres logiques de production que les logiques locales. Cette évolution dans le processus technique ne s'est souvent pas fait sans heurt ou sans blocage, car les ouvriers très spécialisés et possesseurs d'un savoir faire important, ne voyaient pas d'un bon oeil qu'on leur enleva celui-ci au profit d'une opération standardisée.

Ces remplacements ont souvent signés la perte d'un savoir faire. Bien sûr, on peut toujours se demander si la condamnation d'une technique est dommageable, ou non, quand elle semble remplacée par une technique de production plus efficace. Ainsi alors qu'avant, la fabrication du nez de la lunette requérait une habileté manuelle opérée sur des machines à courbure, celui-ci s'effectue maintenant à partir d'opérations de matriçage à la presse, dont certains anciens ouvriers considèrent qu'elles ne respectent pas les propriétés mécaniques du métal, et affaiblissent la durée de vie du produit.

Ces débats sans fins ne trouvent souvent que peu de solutions objectives, mais ils appartiennent au milieu technique, dans la mesure où ils peuvent apparaître quelques fois comme des éléments de la valorisation d'un produit : "Lunettes faites à la main", "métal doublé or". 134

Sans qu'on sache vraiment ce qui appartient à l'imaginaire et à une réalité mesurable. On est forcé de constater qu'ici, comme dans la plupart des industries, les industriels et les publicitaires jouent avec une tradition technique (ou une pseudo-tradition technique?), qui rappelle l'artisan-lunetier.

2.1.5. Le soudage, main d'oeuvre féminine et conception locale

L'automatisation du soudage est très récente et rencontre encore maintenant des réticences très intéressantes à examiner car significatives des mentalités techniques locales. En effet la spécialisation du soudage, tache délicate, concernait les femmes, par contre à la même époque l'écrasage et les traitements de surface, étaient des activité masculines. On peut remarquer que les activités qui étaient masculines et donc requéraient une main d'oeuvre plus chère, furent les premières à avoir été automatisées, ou sinon comme dans le cas du développement des traitements de surface (organiques) elles passèrent dans la sphère d'activité féminine.

On peut aussi se poser la question de la profonde ambivalence qui régit la considération du travail féminin. Aux nombreuses questions posées au cours de notre enquête, aucune personne, aussi bien patrons qu'ouvriers, ne fut capable de donner une explication à cet état de fait. En fait ce qui se cache derrière cette spécialisation féminine dans le soudage, n'est certainement pas une "plus grande délicatesse" des femmes, qui serait en quelque sorte "génétique". La représentation sociale, d'ailleurs souvent partagée par les femmes elles mêmes, n'est la que pour sanctionner, une sous-qualification féminine. Les aspects techniques ne peuvent être déconnectés des aspects sociaux du travail tel qu'il est envisagé par le milieu local.

Le soudage est , d'un certain point de vue, une activité technique "paradigmatique" de la lunetterie locale. Lors de notre enquête sur l'entreprise L'amy, le responsable technique de cet atelier nous signalait les problèmes rencontrés pour l'introduction de nouvelles techniques de soudage dîtes "sous atmosphère neutre".

Dans cette opération, complètement automatisée actuellement, le soudage est effectué par soufflage d'un mélange d'azote et d'hydrogène pendant la soudure. Cette opération très récente, supprime le trempage auparavant effectué dans le boraxe , des pièces soudées. Ce trempage comme l'atmosphère soufflée est chargé de supprimer les dangers d'oxidation de la soudure. En fait les ouvriers chargés de superviser 135 cette opération sous atmosphère continuent néanmoins à tremper les montures dans le boraxe après les opérations de soudures sous atmosphère, et malgré que celles-ci leur aient été expliquées dans leurs principes. Le chef d'atelier s'en est rendu compte parce que les demande d'approvisionnement en boraxe, au lieu de diminuer, restaient toujours constantes.

Cet exemple montre comment après plusieurs mois d'introduction d'une nouvelle technique, celle-ci a du mal à être complètement acceptée. La rationalité technique est souvent issue d'une logique technicienne qui reste souvent incomprise. On voit très précisément grâce à cet exemple comment ce que l'on peut appeler " le milieu technique local" réagit à l'introduction d'une nouvelle technique. Sans parler de blocage volontaire vis à vis de celle-ci, les comportements techniques sont souvent déterminés par une représentation du procès technique antérieure considérée par le groupe comme meilleure. Pour comprendre totalement cet état de fait il faudrait opérer une sociologie de la connaissance technique, qui permettrait de comprendre pourquoi certaines techniques sont adoptées sans problèmes alors que d'autres ne sont pas envisageables34.

2.1.6.Décolletage et découpage

C'est aussi à cette époque charnière de 1960 que se développe vraiment le décolletage. Celui-ci , très important en emploi de main d'oeuvre pour la population active actuelle, trouve à ce moment des débouchés dans l'automobile. On peut citer ce moment comme étant celui où des entreprises comme Saran, Prost Chavin, Morel se développent. Dans les aspects techniques de la lunetterie, il est difficile de ne pas évoquer les techniques liées au décolletage. Ces techniques permettent, entre autre, la réalisation de la visserie, si importante et délicate dans la fabrication des lunettes.

Les vis étaient auparavant fabriquées suivant le système d'entraînement "à l'archet": une ficelle prise dans les deux extrémités d'une tige de bois servait à entraîner un axe, qui permettait par l'intermédiaire d'un outil de coupe, de réaliser le filetage des vis.

34 Nous employons ce terme d'envisageable sciemment car nous pensons que c'est effectivement au niveau des représentations de "ce qui est envisageable" par le milieu local que se situe le problème. Dans ce domaine il ne faudrait d'ailleurs écarter aucun éléments de compréhension et faire intervenir aussi bien les représentations religieuses que sociales ou techniques. 136

Cette technique de l'archet précède l'apparition du tour électrique, elle était également utilisée pour effectuer le taraudage des tenons. Cette partie de lunette était réalisée avec des aciers de basse qualité venant par exemple de baleines de parapluies. Il est tentant d'établir un pont avec la même technique de tournage du bois à l'archet qui est, rappelons le, la technique originelle du tour à bois, telle qu'elle était exécutée dans les montagnes jurassienne jusqu'au XIXème siècle par les paysans tourneurs.

L'emboutissage et le découpage était effectués par la technique du balancier, système prédécesseur des presses. Une vis avec plusieurs filets était entraînée par le mouvement d'inertie d'un bras qui portait des poids à ses extrémités. Ce bras était lancé et en prenant de la vitesse il permettait de fournir une inertie suffisante pour réaliser les opérations de découpage ou emboutissage. A ce sujet bien que les éléments de liaison technique entre horlogerie et lunetterie soient difficiles à établir, la proximité des techniques, et surtout des matières, permettent de trouver des traces de passages, ou d'utilisations, des mêmes techniques dans l'une et l'autre de ces industries: "Ce sont les horlogers qui découpent au balancier leurs aiguilles de pendules, qui apprennent aux lunetiers à découper leurs branches, (J. Monneret,1939)

Ce qui explique le non-développement des techniques de découpage sur place, est le fait que les traitements de surface en doublé or, qui vont se développer de plus en plus, ne permettaient pas de couper facilement le fil si on voulait garder l'or sur tout le fil. Il fallait, par écrasement, permettre que la doublure fine en or accompagne le métal. La technique du poinçon et de l'écrasage permettait ce résultat, on réalisait alors la coupure en même temps. Cette technique demandait que soient ensuite effectuées des opérations de recuit. Cet état de fait explique pourquoi une lunette métallique comprend très peu de pièces découpées, on peut constater suivant cet exemple que les difficultés techniques locales, détermine des choix de formes et de manières de faire.

En tout cas la découpage par ailleurs très utilisé dans d'autres industries, telles que le industrie automobile, va se développer sur l'agglomération Bisontine. Actuellement la plupart des pièces de lunettes découpées sont sous-traitées à cette industrie. Les techniques modernes du décolletage et du découpage sont maintenant exécutées complètement en dehors des usines de lunettes. Ceci n'est pas une fatalité mais le résultat d'un choix technique qui s'est opéré à partir d'une spécialisation. 137

Ces sous- traitants de la lunette ont réussi à trouver des débouchés vers l'automobile par exemple, qui ont assuré à l'activité son développement actuel. Il n'est pas question d'entrer plus en détail dans les aspects techniques de cette industrie qui par ailleurs est très automatisé.

C'est aussi à cette époque que se développe de manière importante une demande d'un plus grand public vers les montures doublées or. Au paravent ces montures étaient marginales dans la production totale et réservées à des nantis. Elle va se populariser avec l'augmentation du niveau de vie.

Le placage de l'or inaugure une véritable révolution sur les matières et les alliages qui vont composer les montures à partir de ces mêmes années. Cette révolution commence certes dans les années soixante avec la "démocratisation" des lunettes doublées. Mais elle va aussi se caractériser, toujours sous l'influence du changement de la destination sociale du produit , par une importance de plus en plus grande des opérations de traitement de surface.

2.1.7. Le développement des traitements de surface: "Comme c'est la mode qui compte c'est l'aspect, on cherche moins les qualités mécaniques (de souplesse). Certains ne regardent que l'aspect, ils vendent la mode. C'est pas la peine qu'une monture de lunette dure une vie, au contraire il faut pas à la limite...", (Mr Grand Chavin).

Les aspects extérieurs de la lunette sont devenus primordiaux. La destination sociale du produit sous l'effet de la mode, et la durée de vie de plus en plus courte des produits, ont profondément modifié les contingences techniques de la lunetterie. C'est sous ces effets que le traitement de surface a pris de plus en plus d'importance.

Au début cet aspect technique va quelques fois être sous-traité par les fabricants de lunettes en direction d'entreprises réalisant souvent des traitements équivalents pour l'horlogerie35. Elle commence par le traitement de surface proprement dit, par adjonction de matières métalliques, telles que le nickelage, le chromage ou l'apposition d'or.

35 Exemple de Coeur d'or entreprise de Morteau qui commence à travailler dans l'horlogerie avant d'être un des principaux sous-traitant de la lunetterie. 138

Quinze ans plus tard, la demande sociale de produits, va forcer à une diversification encore plus grande des montures. Celle-ci va prendre d'autres aspects: - l'adjonction de matières plastiques sur les montures métalliques et les décors peints. Il est à signaler que pour ces produits le sous-traitement sera plus réduit. - le laquage/vernissage.

Certaines grandes entreprises de la lunettes vont, comme dans le cas de Lamy, créer leur propre filiale 36, parce que n'existait pas déjà une compétence dans ce domaine. L'horlogerie, certainement l'industrie la plus proche de la lunette n'utilise pas ces techniques à cette époque37.

Le problème rencontré dans les années soixante-dix du développement des traitements de surface dans la lunette, nous semble symptomatique de l'influence de la destination sociale du produit que nous avons évoqué en introduction à cette étude. C'est en effet sous l'influence de la mode sur les lunettes, que celles-ci vont devenir des objets dont les qualités esthétiques vont se développer. Cette évolution va avoir des conséquences très fortes sur les conditions techniques de production des lunettes, donc sur leurs coûts de production, et sur la valeur ajoutée par l'importance de plus en plus grande les opérations de traitement de surface, qui sont la directe conséquence de ce nouveau style de lunettes. Dans les opérations de traitements de surface ont peut actuellement distinguer plusieurs types d'opérations : - celles de plaquage ou d'électrolyse de matières métalliques (appelé traitement galvanique). - celles d'adjonction de matières plastiques. - celles de laquage et tampographie. - celles,plus récentes encore, d'apposition des films papiers.

La chimie classique divise ces opérations en considérant d'un coté, celles qui relèvent de la chimie minérale, (chimie des métaux, électro- chimie) dans le milieu local on constate que ces opérations sont

36 On peut remarquer dans ce cas précis que la forme de développement choisie est de créer des filières autonomes à qui on demande de se comporter comme des sous- traitants. Exemple de l'entreprise Prisma à Saint Laurent en Grand Vaux 37 Le problème de la montre plastique est assez différent. Il est assez rare que des éléments de plastiques interviennent dans la montre métal. Les montres plastiques sont récentes et fabriquées en dehors de la France, même si elles sont quelques fois importées et commercialisées par des entreprises locales comme Kiple à Morteau. Les décors peints sont assez rares ou concernent les fabricants de fonds de montre, les contingences de fabrication sont différentes (nous parlons bien sur des traitements organiques). 139 généralement sous-traitées. D'un autre coté la chimie des carbones qui concerne la peinture (traitement organique)

On s'aperçoit en fait qu'il est de plus en plus difficile de faire une distinction entre ces divers opérations à l'heure actuelle, car elles peuvent nécessiter des techniques très voisines.

Ainsi la technique d'apposition de papier peint, qui au départ semble s'apparenter à une technique de peinture, se réalise-t-elle, de plus en plus, à partir de thermo-collage, technique proche du thermo­ formage plastique. En tout cas tous les industriels sont d'accord pour dire que ce sont ces techniques qui ont le plus modifiées le travail de la lunetterie depuis une dizaine d'années. Ces techniques ne sont pas à prendre comme de simples appendices au corps de la lunette elle même, puisque en s'intégrant à la matière première, les techniques de peinture deviennent, elles mêmes, partie de la lunette38. En outre le développement et l'apparition récente de ces techniques nous permettent ,de visu, de réfléchir au processus suivi localement lorsqu'il s'agit d'une évolution technique du produit.

Si l'on reprend ce que nous venons de dire et que nous allons développer à partir d'exemples précis , notamment celui de Prisma, on peut risquer la thèse que lorsque le savoir faire technique existe, par exemple lorsqu'il est développé pour d'autres fabrications, il est utilisé sous sa forme existante de sous-traitance. Par contre lorsqu'il n'existe pas, et ce pour la période actuelle , il est crée de toute pièce des unités de fabrication, souvent suivant une forme qui les institue comme sous- traitant eux-même.

On peut aussi signaler qu'au début de l'utilisation des techniques de traitement de surface, les industriels de la lunette ont pu faire appel à des entreprises locales qui possédaient un savoir faire dans un domaine proche.

On cite par exemple l'utilisation pour le recuit, technique métallurgique essentielle, des compétences de l'entreprise Girod à Bellefontaine (cinq kilomètres de Morez), et actuel leader français des panneaux de signalisation. Ainsi donc les divers spécialisations de la métallurgie du canton sont-elles utilisées pour démarrer une fabrication

38 D'ailleurs les normes de sécurités et de qualités européenne qui se mettent en place et vont s'imposer à la lunette française dès 1992 intégrent des directives très précises et draconiennes vis à vis des traitements de surface, surtout parce qu'il s'agit de matières qui sont directement en contact avec la peau de l'utilisateur 140 qui résulte d'une innovation technique39. Cet état d'esprit local, montre bien comment le milieu technique réagit quand il s'agit de s'adapter à de nouvelles "donnes techniques". Il montre que cette communication implique une bonne circulation de l'information entre les divers branches industrielles, qui ne peut avoir lieu qu'au sein d'un milieu local homogène.

Ainsi le club de football, le bistrot font partis de ces lieux de sociabilité ou s'échangent les expériences techniques. Ils sont déterminants si l'on veut comprendre ce milieu local, ou finalement l'appartenance à un communauté est peut être plus explicative des processus techniques que l'appartenance à une branche industrielle ou à une entreprise.

En toile de fond de ces innovations ou de ces échanges techniques, l'information sur celles-ci joue en effet un rôle considérable, dont nous parlerons au chapitre des transmissions des techniques. Le risque de l'industriel qui s'équipe en traitement de surface est d'avoir à embaucher des gens dont la compétence permet d'optimiser l'outil de production chèrement acheté. On nous a signalé, au cour de l'enquête, le cas de l'entreprise Bourgeois qui a connu des problèmes techniques pour faire fonctionner son unité de production dans le domaine des traitements de surface. Dans d'autres spécialisations de l'activité lunetière comme le rétreint, peut être plus facile à automatiser, les machines allemande ont permis d'intégrer correctement cet aspect de la production, mais les aspects largement récents et la différence qui doit se faire entre les fabricants sur le terrain du traitement de surface, les oblige à une évolution et à des recherches constantes. Celles-ci se font souvent à partir d'expériences originales en liaison avec les fabricants de matières premières comme dans le cas du laquage. Mais aussi en regardant du coté des techniques mises au point par d'autres d'industries. En tout cas les techniques mises au point dans le domaine du traitement de surface évoluent actuellement tellement vite, que l'équipement (achat de machines), et le fonctionnement de celles-ci, sont difficiles à maîtriser pour les industriels de la lunettes. Ce qui explique aussi pourquoi ils ont recours au sous traitement.

On peut aussi évoquer le fait que les changements techniques induisent souvent la multiplication des opérations de traitement de

39 L'activité d'émaillerie, dont on a une trace importante avec la fabrique Girod à Bellefontaine (deux cents employés à l'heure actuelle) était semble-t-il une activitée liée aussi au travail du métal nécessitant le laminage de plaques de tôles puis du traitement de surface de celles-ci. On voit donc poindre une activité qui met en cause des savoir-faire locaux que l'on retrouvera dans la lunette. 141 surface. Celles-ci prennent alors une part essentielle dans le processus technique. Non pas tant en tant que technique, mais en tant qu'opération dont la bonne exécution décide de la qualité du produit. On peut par exemple citer le cas du matriçage à froid que nous avons déjà évoqué. Ces opérations, inexistantes auparavant, nécessitent, maintenant qu'elles sont effectuées, des opérations complémentaires de recuit. Ces recuits à 650/700° consistent en un réchauffage par induction des tenons pour en assurer la meilleur élasticité . Ces opérations sont effectuées sur le site de production des lunettes et non dans des ateliers ou usines extérieures, elles peuvent pourtant être considérées comme des opérations de traitement de surface.

2.1.8. L'exemple Prisma:

Le cas de la création de l'unité de production Prisma par le groupe Lamy, est exemplaire de ce point de vue. Prisma est une unité de production constituée comme une filiale autonome, en 1986 à Saint Laurent en Grand Vaux. Elle résulte d'une constatation qui porte sur une anticipation du marché et sur une évaluation de potentialité locale:

" la sous-traitance manque de capacité à ce genre de travaux." . Mr Mairot (secrétaire général de Lamy).

Les éléments d'une unité de production déjà existante à Poligny sont alors rapatriés sur Saint Laurent. Le responsable actuel de production est un exemple de cette reconvertion de l'unité de Poligny, il vient d'ailleurs à l'origine de l'industrie horlogère. Cette unité de production ne s'occupera que de décors et non de traitement galvanique. Les problèmes techniques sont loin d'être complètement maîtrisés dès l'époque de création de l'entreprise. C'est au fur et à mesure que les problèmes se posent que les dirigeants et les techniciens réagissent. Le problème posé par la maîtrise de l'hygrométrie dans les salles de laquage est par exemple résolu par l'installation d'un matériel sophistiqué d'échange d'air entre l'intérieur de l'usine et l'extérieur. Le verni étant un produit organique il absorbe en effet l'humidité en produisant des réactions importantes qui peuvent faire plus tard évoluer le produit dans un mauvais sens après son apposition. L'air est renouvelé à 100% dans la salle de laquage. La température aussi est un élément important, mais le paramètre température et la paramètre hygrométrique sont contradictoires. 142

Des techniques encore plus récentes, qui datent de quelques années, sont développées à Saint-Laurent comme la sublimation qui est un décor posé sur papier qui est collé sur les montures. On trouve des techniques telles que la tampographie, et celle des vernis polymerises. Toute ces techniques de traitement de surface sont récentes et très proches des techniques employées dans le jouet en plastique. La pulvérisation des vernis se fait dans une salle spéciale dans une cage électrostatique, leur polymérisation est le résultat d'une technique de chauffage à 180 ° qui permet de durcir la couche de verni. Les polymères sont des plastiques, cette technique permet de transformer les vernis en une véritable couche de plastique.

La tampographie est employée notamment chez Jouef, pour les décors fins de trains électriques.40Le développement des produits se fait en liaison avec les fabricants et certains laboratoires de chimie de l'Université Bisontine. Les opérations concernant les décors sur lunettes plastiques injectés sont délocalisées sur Oyonnax, preuve s'il en est encore, de la division des compétences entre Morez et la capitale du plastique. La préparation des surfaces nécessite elle même divers bacs de lessives et des bains alcalins , ainsi que des opérations de rinçage et de séchage.

Le laquage quand à lui est une opération extrêmement manuelle environ 70 % des lunettes sont laquées . Cette opération nécessite ensuite un vernissage. La main d'oeuvre dans l'atelier de laquage de Prisma est exclusivement féminine. Cet atelier emploie les 4/5 des personnes de cette usine. Le chef d'atelier qui est aussi une femme nous dit: "On a tous appris sur le tas, les méthodes et les produits évoluent très vite."

En effet si on considère que cette unité de production a été ouverte en 1988, et que la plupart des techniques qui y sont développées aujourd'hui n'existaient pas comme savoir-faire dans l'usine, on peut mesurer la rapidité d'adaptation locale et sa capacité en quatre ans de développer une nouvelle technique. La relation avec l'usine mère donneuse d'ouvrage, est la suivante: Le laboratoire de Prisma propose des échantillons prototype que l'usine mère accepte puis la production est lancée.

Les décors peint à la main sont un peu la fiereté de ce travail féminin.:

40 voir R.Lioger 1990 143

"C'est un peu du travail artisanal, si on regarde bien , y'a jamais deux lunettes pareilles." On retrouve la même division du travail, et la même considération de la valeur du travail manuel, que chez les faïenciers de Salins étudiés par Noël Barbe. Sinon que dans ce cas il s'agit d'une technique ancienne qui est enseignée dans une école celle de Longchamp. Mais comme le montre Noël Barbe on préfère toutefois former sur le tas aux techniques propres de l'entreprise41.

2.2. Aspects sociaux de la lunetterie

2.2.1. Réflexions à partir de trois généalogies:

Nous avons choisi à ce chapitre de présenter trois généalogies "exemplaires" de travailleurs de la lunettes. La première celle de Monsieur Beaud est sans doute la généalogie la plus typique du milieu local. Natif des Rousses, il porte un patronyme local qui le situe sur plus de six générations sur le plateau des Rousses. Petit fils d'agriculteur, il a lui même côtoyé ce milieu puisque son frère reprendra une exploitation agricole familiale. A cette époque c'était souvent l'ainé qui reprenait l'exploitation, les autres devaient "se louer aux fabriques", ou s'installer comme artisan. L'exploitation agricole, la ferme, était plus valorisée, plus "certaine", que ces activités ouvrières dont les vicissitudes de la vie économique et politique du XIX ème siècle avaient montré, qu'elles étaient très aléatoires en période de crise. Alors que la culture comme disait un informateur des Rousses: "Si on peut pas bien en vivre, on peut au moins s'en nourrir"

Cette mentalité locale valorisant fortement cette activité se retrouve nous l'avons déjà dit dans les monographies historiques, et explique à cette époque, l'attachement sinon à la terre, du moins à l'activité elle-même. Ce n'est peut être pas de gaieté de coeur qu'on cultive, mais au moins c'est une assurance. Cette histoire de la famille Grand Chavin est certainement l'histoire de l'extrême majorité des familles du plateau des Rousses.

En face de cet exemple de généalogie nous avons choisi d'en présenter deux autres parmi celles que nous avons recueillies.

Celle de Mr Beaud est exemplaire de la migration locale dont nous avons déjà parlé, et que nous reprendrons au chapitre 2.4. Elle représente si l'on s'en réfère aux recensements sur l'origine des

41 N Barbe 1990 :72. 144 populations ouvrières, la deuxième source de main d'oeuvre, celle qui vient du jura proche. Depuis Lons le Saunier, en passant par Champagnole et jusqu'à Poligny, cette population, que l'on pourrait considérer comme autochtone, va surtout s'établir dans les grands centres tels que Morez, ou son intégration est moins problématique que dans des villages comme les Rousses ou Bois d'Amont. Mais elle reste une "population d'ailleurs". Nous avons retrouvé Mr Beaud à Lons le Saunier où il "avait fait construire" pour sa retraite.

Enfin le dernier exemple est celui de Mr Vidic, un Lorrain qui viendra s'établir à Morez pour travailler dans l'horlogerie, puis dans la lunette, réalisant presque typiquement un autre parcours professionnel, et migratoire local.

2.2.1.1.Mr Beaud Maurice:

Mr Beaud Maurice a fait dans les années de seconde guerre mondiale l'école Nationale de Morez section mécanique 1942. Son père né en 1899 s'était lui formé sur le tas, il commença "dans la lunetterie" en 1923, il est arrivé de Lons le saunier, il est donc "représentatif" d'une migration ouvrière interne au jura. Il se fait embaucher au Consortium général d'optique comme commis aux écritures, et finira comme chef de fabrication. Cet établissement faisait dès cette époque des lunettes de protections42, mais aussi des transformateurs et survolteurs électriques43. Les lunettes de protection étaient faites en métal. Mais les techniques de fabrication étaient déjà à cette époque très différentes:

42 A cette époque trois entreprises sont spécialisées dans la lunettes de protection : Consortium général d'optique connu sous la marque Oto, Cretin Billez-Cebe et l'entreprise Jantet. L'âge d'or de la lunette de protection est celle de l'entre deux guerre, avec le développement de l'automobile et de l'aviation "décapotées", on peut aussi signaler la SNCF qui était grande consommatrice de lunettes de protection pour ses mécaniciens époque immortalisée par Jean Gabin dans le film la Bête humaine. Après cette période, la reconvertion dirigea leur activité vers les lunettes de protection pour les activités sportives telles que le ski. 43 Les moréziens appelaient cela "travailler dans la radio". Activité assez importante à Morez jusqu'à la seconde guerre. Le beau-père de Mr Beaud travaillait à cette activité. Survolteur dévolteurs transformateurs pour EDF et pour les machines à souder qui étaient employées dans la lunetterie. II semble donc que cette activité ne soit pas sans rapport avec celle de la lunette. La reconvertion du courant électrique de 120W à 220W ouvrit un marché important à cette activité jusque dans les années soixante puis elle s'interrompit progressivement. La SITAR employait 200 ouvriers dans le bas de Morez. Il s'agissait d'une ancienne émaillerie reconvertie. L'activité d'émaillerie, dont on a une trace importante avec la fabrique Girod à Bellefontaine. 145

Peu d'écrasage, beaucoup de découpage , de la couture de caoutchouc, de la chenille ou de la mousse. Les cercles étaient laminés puis étirés par passage dans des filières. Il finit sa carrière comme chef de fabrication dans un fabrique de lunettes de Morez.

Au début de sa carrière Mr Beaud connaît Tage d'or des entreprises de lunettes. Une entreprise importante est une entreprise de 20 personnes. Il existe alors une multitude d'entreprises de 5, 6 personnes. Il rentre dans la même entreprise que son père ce qui était souvent le cas. On peut mettre à jour un des mécanismes de recrutement familial, qui nous semble valable dans toutes les entreprises locales, de l'horlogerie ou de jouet : " Quand on commençait c'était souvent dans l'entreprise ou avaient travaillé ses parents par ce que le patron nous connaissait et avait confiance".

Cette phrase en dit long sur le climat d'interconnaissance dans l'ensemble de l'arc jurassien. Il y avait ainsi non seulement des familles de travailleurs, mais des familles de mécaniciens ou des familles de soudeuses. L'activité professionnelle était pensée comme transmissible, dans ses qualités par le milieu familial.

A la faillite du Consortium en 1955, Mr Beaud va un an en Suisse fabriquer des machines à écrire Hermès. Puis il s'associe avec son père de 1956 à 1967. Mais des différents de génération, forcent le père et le fils à cesser leur activité. Cébé rachète alors leur affaire. Cette petite entreprise familiale, s'était auparavant diversifiée en produisant de la lunette optique en métal.

"C'était un peu les techniques de tout le monde, on se disait entre mécano, tient comment tu fais, moi je fais comme ça. Il y avait des secrets tout le monde croyait avoir la bonne solution."

A cette époque les industriels se plaignent de pénuries de mécaniciens. L'école d'optique n'en formait que cinq par promotion. 146

2.2.1.2.Mr Grand Chavin: "A l'école on nous apprenait beaucoup sur la mécanique, mais peu sur la lunetterie. C'est un ancien de la lunetterie, Mr Aymé Gauthier qui m'a tout appris sur la lunetterie", (Mr Grand Chavin, promotion 1940 école nationale d'optique).

Ainsi le métier d'ouvrier de la lunette s'apprend plus encore sur le tas qu'à l'école . Cette école d'optique forme des opticiens détaillants , et des mécaniciens qui sont destinés à travailler sur les machines, que ce soit celles de l'industrie horlogère, plastique ou lunetière : "Ce sont les circonstances (la guerre) qui ont fait que je suis devenu mécaniciens. Mes parents auraient aimé que je sois plutôt professeur ou fonctionnaire que de travailler dans la lunette.", (Mr Grand Chavin).

Bien que ceux-ci travaillent aussi dans la lunette, la Famille Grand Chavin du lieu dit "l'Aube des Rousses"44 dont la généalogie précède, organise des stratégies professionnelles moins unidirectionnelles qu'on aurait pu l'imaginer: Le frère aine reprend la culture, l'autre s'associe avec le père d'égo dans la fabrique de pince nez. Il s'installent dans la ferme familiale au lieu dit l'Aube des Rousses. Ils fabriquent des pinces- nez et en achètent d'autres qu'ils vont eux-mêmes commercialiser jusqu'en Pologne. La guerre de 1914 va stopper leur commerce avec cet état. Ils ne seront pas payés de leur première livraison. Après celle-ci et plusieurs tentatives de travail infructueuses notamment à Saint Etienne (Loire), en 1923 le père d'égo descend (comme on dit sur le plateau) à Morez, à l'usine Louis Jacquemin puis usine Lux, où il travaille comme régleur jusqu'en 1940. Fort de son apprentissage sur le tas et à son compte, il entre ainsi dans une petite fabrique de lunettes à un poste équivalent de celui de mécanicien de précision.

44 On notera l'extrême précision de la situation patronymique. Grand Chavin est déjà le résultat d'une différenciation dans une lignée (peut être du à la grande taille d'un des ancêtres de celle-ci) la qualification du lieu d'habitat ici le lieu dit l'Aube sur la commune des Rousses (sur la route du lac de Bois d'Amont) est chargé quelques générations plus tard de faire une autre différenciation dans la lignée Grand Chavin. 147

II semble que la "professionnalité" des personnes et des familles soit quelque chose de plus marqué dans les villages que dans une ville comme Morez. Il était plus difficile de sortir d'une filière professionnelle familiale dans ces villages eux mêmes déjà très spécialisés. 148

2.2.1.3. Mr Vidic: A 50 aujourd'hui, monsieur C. Vidic est l'exemple d'une immigration extérieure à l'aire géographique. Lorrain venu à l'école nationale d'optique il restera à Morez pour y travailler dans la grosse horlogerie dans une des rares entreprises de ce type qui reste encore en activité après la seconde guerre mondiale, à savoir l'entreprise ODO45. L'entreprise comprend alors plus de cents personnes. Mr Vidic marie alors une fille de lunetier qui travaille elle même au montage dans la même entreprise que son mari.

Dans cette industrie existe les mêmes divisions du travail entre hommes et femmes dont nous avons déjà parlé: "les hommes aux presses et les femmes au montage". Par contre cette industrie et notamment Odo fabriquait elle même ses vis par des tours à décolleter jusque dans les années soixante. La justification est qu'elles étaient trop spécifiques. Ainsi si l'on en croit Mr Vidic , la sous-traitance marche à condition que la standardisation du produit soit suffisante pour assurer sa production et sa vente en grand nombre.

Mr Vidic nous parle aussi du changement technique important qui survint dans les années soixante dans la fabrication des horloges. Ces modifications, qui venaient surtout de l'introduction de l'électronique dans les mouvements d'horloges, força beaucoup de techniciens à se reconvertir, notamment avec l'aide du CETHEOR46 de Besançon: " Les mécaniciens qui passaient de l'un à l'autre des techniques, avaient les mêmes problèmes mais à l'école on avait appris les choses qui nous ont resservis"

Ainsi la polyvalence des formations de l'école d'optique servit-elle à l'évolution des techniques locales, aussi bien quand il s'agissait d'une même industrie, mais aussi plus tard, comme nous le confirme Mr Vidic, au moment ou cette entreprise passa à la fabrication de lunettes.

2.2.1.4.Transmission des savoirs et évolutions techniques:

45 La tradition Morezienne est, contrairement à celle du Haut Doubs, une tradition de pendules, ce que l'on appelle la grosse horlogerie par rapport à la montre. A cette époque il ne reste plus qu'ODO , l'entreprise de Morbier Romanet et quelques petits artisans tels que René Maillet spécialisé dans l'horlogerie d'église. 46 Centre 149

La plupart des recherches sur les savoir faire s'orientent de plus en plus vers les éléments de transmission des savoirs, plutôt que vers une observation des techniques elles-mêmes. Sans négliger pour autant la description de celle-ci il apparaît que le moment de la transmission est essentiel.

// nous semble que le moment du changement de technique, ou d'évolution est tout aussi essentiel, et que par contre il est plus négligé dans les observations ethnologiques que celui de la transmission, qui fut surtout bien mis en exergue par l'étude de Delbos et Jorion (1984).

La raison en est sûrement propre à la tradition ethnologique qui nous a fait considérer l'évolution technique sous le jour de l'affrontement de deux logiques: celle de la tradition technique, et celle de la modernité. Il est vrai que l'on peut ainsi présenter le débat qui s'est instauré dans les entreprises au moment de l'introduction du machinisme. Mais il semble aussi que, réfléchissant sur des savoirs techniques, et donc sur la manière dans ceux-ci sont structurés, on peut considérer le passage d'une technique à une autre, non plus seulement comme l'abandon d'une ancienne technique et l'adoption d'une autre, comme nous en avons donné des exemples dans cette étude, mais aussi comme le maintien d'une mentalité technique ou le transfert de celle-ci.

"La rencontre entre l'objet technique et l'homme s'effectue essentiellement pendant l'enfance. Le savoir technique est implicite non réfléchi, coutumier. Le statut de majorité correspond au contraire à une prise de conscience et à une opération réfléchit de l'adulte libre: la connaissance de l'apprenti s'oppose à celle de l'ingénieur. L'apprenti devenu artisan et l'ingénieur inséré dans le réseau des relations sociales conservent et font rayonner autour d'eux une vision de l'objet technique qui correspond dans le premier cas, au statut de la minorité et dans le second cas au statut de la majorité; ce sont la deux sources très différentes de représentations et de jugements relatifs à l'objet technique.41"

"Ce manque de cohérence est en partie responsable des contradictions que renferme la culture actuelle dans la mesure où elle juge et se représente l'objet technique en rapport avec l'homme4«."

47 Simondon : 85 48 Simondon : 86. 150

Le geste technique est sous-tendu par une représentation qui appelle autant des éléments religieux , familiaux que proprement technique. Le fils qui exécute une technique transmise par son père comme une technique de sélection du bétail, ou de fabrication quelconque, est ainsi fidèle à la tradition que lui a légué son père. Ses réticences à changer ses critères dans ce domaine, peuvent être autant du à un sentiment de trahison, dans certains cas, qu'à un refus d'adopter simplement une autre technique.

Ce qui est en négatif peut aussi apparaître en positif, à la question de savoir ce qui a changé dans leur travail un ouvrier ancien de chez L'amy qui avait pourtant connu une période importante de révolution technique , me disait : " Rien n'a vraiment changé sinon les machines, notre manière de travailler reste la même, on n'a rien perdu. Avant on avait l'habitude de bien faire tout de suite, fallait que les pièces soient impeccables; Cette manière de faire on l'a gardé pour le travail actuel"

Ainsi à une question qui visait le changement dans le processus technique l'ouvrier répond-t-il par une absence de changement de sa représentation du travail.

2.2.1.5.Circulation des techniques et secrets de fabrication:

On peut se demander comment dans un milieu local si homogène, les secrets de fabrications, les tours de mains, les innovations techniques circulent et ne circulent pas. On peut sans doute parler d'une dialectique de la circulation / non- circulation des techniques et des hommes, comme on pourrait aussi parlé d'une dialectique innovation / invention.

En fait notre point de vue est qu'il faut là encore mettre les informations en perspectives, ne serait-ce que parce que celles-ci sont souvent contradictoires, sinon opposées. A nos questions sur les savoir- faire particuliers, et la manière de les transmettre, l'informateur répond souvent par des paraboles, sinon franchement à côté. Nous y sommes habitué, mais ce qui semble le plus évident c'est que le savoir faire ou la technique, suivant la phrase de Simondon que nous avons citée plus haut, sont très largement inconscients à l'ouvrier voire au technicien. Par contre celui qui va avoir un discours à son sujet, c'est souvent l'ingénieur, capable de sa représenter ceux-ci. 151

Mais cette représentation est-elle pour autant plus valable ? N'avons nous pas la encore affaire avec une production idéologique à peine voilée ?

"J'avais un problème sur une monture de lunette. Pour réaliser un écrasement il me fallait faire quatres passes, et pourtant en voyant les montures d'un autre fabricant je voyais que je n'arrivais à la même finition. Je connaissais un ouvrier de chez eux, on fréquentait le même bistrot, un soir je lui a payé à boire de trop et j'ai finalement fini par apprendre comment ils faisaient. En plus ça prenait moins de passes", (Mr Morel ancien ouvrier-technicien de Morez).

Comme partout ailleurs nous nous apercevons que dans le milieu local, toutes les formes de transmission des techniques existent. Depuis le pillage jusqu'au simple détournement d'un ouvrier en passant par l'espionnage. Mais existait-il vraiment des secrets de fabrications ? "Il n'y avait pas vraiment de secret qui pouvait se garder longtemps, les patrons le savaient. Ils contrôlaient souvent leurs ouvriers mais tout le monde connaissait tout le monde, et un jour on apprenait. Les ouvriers eux mêmes étaient souvent trop fières de dire ce qu'ils avaient trouvé, surtout à quelqu'un de leur famille; et la même famille ne travaillait pas toujours dans la même entreprise, ça passait souvent par le canal de la famille ou des amis. Les plus malins c'est ceux qui disaient rien, mais un jour un de leur ouvrier était débauché par un autre patron. Et le secret partait avec lui", (Mr Morel ancien ouvrier- technicien de Morez).

Les techniques modernes d'espionnage industriel, trouvent des précurseurs dans le milieu technique morézien. Rien ne peut échapper au milieu local. Comme nous le disait Mr Beaud ancien technicien de chez Oto: "Ils avaient de nouvelles charnières chez Chevassus, j'étais tout de suite au courant."

Les secrets, plus ou moins secrets, ne concernaient pas seulement les processus techniques mais aussi, les clients. Comme le confirme cette autre phrase de Mr Beaud: " A la gare de Morez, les commis devaient toujours veiller à mettre les étiquettes vers le bas. Pour pas qu'on voit les destinataires." 152

Enfin la phrase qui nous semble la plus intéressante vis à vis des secrets de fabrication nous a été prononcé comme une boutade au cours d'un entretien à l'usine L'amy: "Il n'y a pas de secret de fabrication, il n'y a que des préjugés de fabrication", (Mr Cooche).

Le secret bien gardé sans rapport avec les autres techniques du milieu local est sans doute inexistant. Comme la connaissance, l'innovation technique relève d'un processus capitulatoire, qui souvent n'est rien d'autre qu'une perspective différente, ou qu'une manière autre d'envisager un problème.

Le milieu local s'enorgueillit de sa technique et chacun pense avoir trouver le meilleur moyen de fabriquer au moindre coût, mais comme le dit la dernière phrase, la meilleure de ces techniques devient vite un obstacle, si elle n'est pas reliée aux autres techniques de la même branche industrielle. Elle devient plus un frein qu'une avancée, parce qu'en dernier ressort, la validation d'une technique ne peut être faite que par l'ensemble du milieu local, surtout lorsque celui-ci est homogène industriellement comme dans le cas de la lunetterie morézienne.

Nous tenons peut être la le lien et la différence que nous cherchons à établir entre les industries développées dans l'arc jurassien et les isolats techniques. C'est peut être grâce à un détour vers la sociologie de la connaissance qu'il faudrait se tourner pour comprendre précisément ces processus. En tout cas nous pouvons dire que la technique et son développement sous forme de savoir-faire d'innovation et de secret bien gardé est tellement ancré dans une représentation du travail produite par les acteurs eux-mêmes qu'il est difficile de ne pas se prendre souvent les pieds dans les explications autochtones. Nous reprendrons dans la conclusion cette question à l'ombre des théories récentes développées par Pierre Tripier dans son récent ouvrage intitulé D u travail à l'emploi. 153

2.2.2. Réflexions sur les formes d'organisations sociales des entreprises et leur lien avec le milieu local.

2.2.2.1.Idéologie locale et structure sociale:

Henri Lissac49 fondateur de la dynastie Lissac directeur de "la manufacture d'horlogerie et de lunetterie", qui fut maire de Morez et député de 1908 à 1919, était un socialiste bon teint qui osa déployer au balcon de la mairie de Morez un drapeau rouge voilé de crêpe noir le jour de la mort de Jaurès. Il ne sera député que pendant cette période mais conservera son mandat de maire jusqu'à sa mort en 1931.

L'idéologie socialiste rencontre dans cette partie du Jura au moins, des échos très favorables50. On ne peut pas ne pas penser que cette rencontre est liée directement aux mentalités locales, elles mêmes issues des modes de vie paysans dont nous avons déjà parlé. Mouvement coopératif et mentalité socialiste vont de pair. Cette opposition va donner naissance, au moment de la séparation de l'église et de l'état à un affrontement idéologique très territorialisé. C'est à ce moment en effet que naissent dans les villages du Haut Jura, des scissions à l'intérieur des harmonies de musiques municipales. On voit se constituer une rivalité affirmée, entre les "harmonies rouges" et les "harmonies blanches". Au moment même où le sport populaire va prendre son essor 51, et où l'église va lever la condamnation de sa pratique. On assiste, dans ces mêmes villages à la création d'équipes de "football blanches", qui s'opposent aux équipes de "football rouges" Les divisions villageoises vont se cristalliser autour de cet affrontement idéologique, qui recouvre aussi un affrontement de classe sociale. Mais l'exemple de Lissac ne doit pas nous faire oublier qu'il serait réducteur de parler du mouvement socialiste et coopératif du Haut Jura de manière simpliste. Ne serait ce que parce qu'à l'époque où il se déroule, la constitution d'un capitalisme local est encore loin d'être une réalité. Les divisons sociales se font surtout dans les villages à partir de possessions agricoles. L'affrontement idéologique qui se fait sous des termes religieux, recouvre-t-il pour autant exactement un affrontement de classes sociales.

Ainsi lorsque l'équipe rouge de Saint Lupicin ou de Bois d'Amont, rencontrait l'équipe d'un autre village, c'est l'ensemble du village qu'elle trouvait pour la supporter.

49Georges Lissac profession: Opticien de génie 50 On peut aussi citer cet autre homme célèbre qui fut aussi député du Jura et propriétaire des forges de Syam . Très influencé par le socialisme proudhonien qui fut un des premier à doter ses forges de logements ouvriers. 51 entre les deux guerres 154

On peut dire que quelques fois les divisions idéologiques ne transcendaient pas les divisions établies elles à partir des lignées.52 Le fort taux d'endogamie villageoise, autre conséquence des pratiques de mainmorte, était une réalité aussi forte que les divisions qui existaient par ailleurs à l'intérieur des villages. Ainsi par exemple les Rousselants et les Bois d'Amoniers, jusque dans les années soixante, s'affrontaient-ils dans des bals populaires, en des combats qui n'avaient rien de sportifs. La mémoire locale rend même compte des expéditions punitives envers tel jeune de tel village, qui avait eu l'outrecuidance de s'intéresser de trop prés à la fille d'un autre village. Certes nous n'avons pas la une institution aussi importante que la vendetta, mais ce système est largement décrit par les anciens, et constitue la plus forte assurance du contrôle étroit que s'arrogeaient, il y a une vingtaine d'années encore, les communautés villageoises.

On peut se poser la question de savoir ce qui est le plus déterminant de la mentalité locale. Est-ce l'affrontement idéologique religieux ? L'affrontement lignager ? ou celui résultant des positions socio-économiques ?

La réponse a toutes les chances d'être un mixte des trois éléments repérés, mais remarquons tout de même que l'individu de notre partie de l'arc jurassien se trouve très fortement enserré dans le carcan familial. C'est encore lui qui lui donne une grande part de sa "légitimité sociale". C'est à partir de lui qu'il va pouvoir acquérir une technique de travail, c'est bien entendu lui qui le modèle. Il est rare de voir passer outre celui-ci. Les générations campent souvent sur les positions idéologiques, qui répondent à l'intérêt du lignage, voire à leur intérêt individuel. Ainsi lors des enquêtes constatons nous que l'on situe les gens à partir de familles rouges et de familles blanches.

Le mouvement coopératif Jurassien à très fortement influé sur les structures d'organisations des entreprises depuis les premiers écrits des socialistes utopiques, jusqu'à l'aube de la seconde guerre mondiale. Si le mouvement coopératif est surtout associé à l'agglomération de Saint Claude, il a largement influencé le haut plateau et le canton de Morez. Il prend forme dans des coopératives ouvrières de production qui étaient une forme d'organisation très courante et on peut même dire majoritaire dans cette région à cette époque. Il est extrêmement intéressant de se demander ce qu'il en est advenu, d'autant qu'il structura aussi des

52 Rappelons que l'histoire même de la constitution, du peuplement et du système de mainmorte détermine que les villages sont formés de souches anciennes issues souvent des mêmes ancêtres. 155 activités annexes de la vie locales comme les coopératives d'achat. En fait on se rend compte qu'il va vivre avec deux générations d'ouvriers.

Ce sont principalement des problèmes de successions qui vont signer sa perte. On constate en effet que c'est à la disparition de la génération des fondateurs que le système se désagrège, il n'est pas en concordance avec le droit Français sur l'héritage (éparpillement des successeurs dans le cas de grandes familles).

Dans ce sens on pourrait peut être dire que l'histoire familiale à pris le pas sur l'entraide communautaire. Et que les logiques anciennes entre familles et communauté, aussi complémentaires qu'elles aient été à un certain moment, ont signé la perte de ce système originale: en même temps que se désagrégeait la communauté rurale Jurassienne fondée à partir de l'exploitation des sols.

Les scoops qui vont résister sont celles qui sont liées à une activité très individualisée et peu automatisable (donc peu industrialisable): celles de la taille des pierres précieuses. C'est en effet autour de l'agglomération de Saint Claude que celles-ci étant localisées le mouvement coopératif va rester le plus fort.

Si les problèmes de succession sont à l'origine des disparitions progressives des Scoop après la seconde guerre mondiale, il faut aussi citer comme explication de la désagrégation du mouvement coopératif, la mésentente entre l'idéologie de ces ouvriers et celle du système bancaire. Le développement d'un capitalisme ordinaire dans la région devient une des données de l'après guerre. L'enrichissement individuel une valeur qui n'était certes pas celle partagée par les ouvriers coopératifs.

i Il reste aussi à faire l'histoire du rapport entre milieu ouvrier coopératif et syndicalisme politique. Rapport qui ne parait pas si simple. En effet le mouvement communiste, fort à l'époque dans les syndicats locaux comme ceux de la lunetterie, ne croyait pas possible idéologiquement de fonder des "îlots de socialisme dans une société capitaliste"53. C'est du moins l'avis des vieux militants de la CGT que

53Dans un passage de sa thèse Pierre Tripier (1991:101) se réfère justement à la situation du travail envisagé par les penseurs utopiques. Reprenant Pierre Ansart qui dit que pour Proudhon le travail est l'acte total, celui par lequel la société même est engendrée. Nul besoin d'insister alors sur le terreau fabuleux que les idées de socialistes utopiques ont trouvé dans l'arc jurassien. Le travail n'est pas défini comme une aliénation comme chez Marx mais comme une libération.C'est par le travail qu'on transformera la société pour Proudhon, alors que pour Marx c'est en transformant la société qu'on se libérera du travail. Voila peut être aussi 156 nous avons rencontré à Morez et qui avaient participé aux grèves de lunetiers entre deux guerres.54

Pris en tenaille idéologique, l'originalité du mouvement coopératif local, ne pouvait survivre. Sans doute certains penserons qu'il était inadapté aux lois du marché, pour notre part il nous intéresse en tant que composition locale originale, dont nous pensons qu'elle vient en droite ligne des systèmes communautaires que nous avons décrits précédemment (communauté mainmortable, communauté familiale) .

Il reste qu'historiens et ethnologues, dans un vrai travail anthropologique, devrait s'atteler à développer cette question qui nous semble originale dans le tissu industriel français.

Les fusions d'usines qui étaient tenant du système capitaliste Silor (usine Lissac) avec des usines fondées suivant le système coopératif Essel (société des lunetiers), se firent fréquemment en faveur des premières. Le système capitaliste absorba le système coopératif lunetier55.

2.2.2.2. Hiérarchie sociale et parcours professionnels dans la lunetterie:

Un statut professionnel commun pour les travailleurs de la lunette était une des revendications du mouvement syndical qui va se développer à Morez dans les petites fabriques entre deux guerres. Ce mouvement syndicaliste classique, dominé par la CGT va être à l'origine

pourquoi communistes et coopératifs Moréziens ne pouvaient résolument pas s'entendre.

54 Voir à ce sujet le numéro 1 de histoire du parti communiste français documentaire en trois parties réalisé par diffusé par FR3 la 7 intitulé: Mémoire d'ex . Dans ce documentaire on voit notamment un ancien animateur des grèves et les ouvrières de la lunette qui nombreuses participèrent à ce mouvement animé principalement par la CGT et le PCF voir aussi chapitre suivant ou nous reparlons de ce mouvement. 55 Nous nous referons pour cette histoire particulière au travail de François Faraut (1990). Ce document, pour l'instant interne, dont nous remercions Mr Faraut de nous l'avoir communiqué, établit une monographie historique essentielle pour la compréhension de l'industrie lunetière. En effet cette entreprise à l'origine Morézienne et Parisienne réalise justement un mixte intéressant des deux grandes traditions lunetières. 157 de grandes grèves qui furent très suivies par les ouvrières locales56. Il va aboutir à la reconnaissance des spécialités lunetières et nous l'avons dit va s'opposer autant au petit patronat naissant qu'au système coopératif qui, il est vrai, ne su sans doute pas se doter d'une ligne de politique sociale claire, à même de régler entre autre le problème de la différence de statut entre les ouvriers associés des Scoop et les simples employés57.

La division des taches et donc la forme de l'organigramme de production dans la lunette qui va suivre ces revendications est la suivante:

OS 1 manoeuvre OS 2 manoeuvre plus qualifié OQ 1 soudeuse OQ 2 soudeuse plus qualifiée PI mécanique générale P2 mécanicien qui faisait un outil P3 mécanicien qui pouvait créer un outil

Bien évidemment cette division du travail en poste recoupe une division des tâches qui n'était pas celle du parcours professionnel précédent dans les entreprises du XIX ème siècle jusqu'à la seconde guerre mondiale. Nous avons déjà pu mettre en évidence, dans le travail sur les forges de Syam, que le parcours de l'apprenti était à l'époque essentiel. Mais cet exemple prenait racine dans une industrie qui fut, dès son origine, concentrée en un seul lieu de production. Par contre elle fixe la domination des opérations de mécaniques générales sur les opérations de fabrication de la monture de lunette proprement dites.

Le parcours du jeune apprenti dans l'entreprise lui permettait de se définir des affinités avec des taches professionnelles et de déterminer au cours des quelques années que duraient son apprentissage, ce qu'il allait faire dans l'entreprise. Dans la lunette les choses de ce point de vue se passent différemment., principalement à cause de la place du travail à la ferme et de la structure artisanale "originelle" du travail des lunettes. A ce sujet Gilbert Raillard raconte une anecdote personnelle

56 Voire à ce sujet le film documentaire Mémoire d'ex réalisé par P. Mosco diffusé par et produit par la Sept FR3 . Notamment la première partie intitulée Les damnés de la terre, ou le rôle d'Adrien Langumier permanent du PCF dans cette grève est très bien expliqué. 57 Faraut dans son étude se pose aussi le problème du passage du mode d'organisation coopératif au mode d'organisation capitaliste p. 12 158 concernant la manière dont il est devenu commercial dans la lunette, à la suite de sa première embauche chez Lemmonier un opticien Parisien: "J'ai engagé Raillard (dit Lemonnier) sur recommandation de son oncle, un de mes vieux amis. Il avait à l'époque 19 ans, il était plein de bonnes dispositions et semblait assez débrouillard. Je lui donnais d'entrée une lunette à monter de verres Zeiss. Les deux premiers verres furent cassés au montage, je lui en redemandais deux autres; l'un était trop petit, l'autre monté à contre axe... Voyant son peu de capacité pour l'atelier, je le mis en rapport avec la clientèle pour des ventes faciles. Il ne se débrouilla pas trop mal", (Raillard, p. 59).

Cette question du parcours professionnel est complexe car elle met en jeu justement plusieurs "étages historiques" du travail de la lunette. Celle-ci se développe dans des manufactures au début du XIX ème siècle à Morez.

Rappelons que cette première création est celle d'un entrepreneur parisien. Il reste à régler le problème du passage de l'artisanat parisien marqué par des structures "compagnonniques", à l'étape de la manufacture Morézienne ou Parisienne, tout comme d'ailleurs le passage de cette structure au travail à la ferme artisanal. On pourrait schématiquement décrire des grandes étapes des modes d'organisation de la production de la lunette: - structure compagnonnique parisienne depuis l'origine (lettres de patentes 1461 si l'on en croit R. de Lespinasse) jusqu'aux années de fin du XVIIIème siècle. - passage morézien et parisien à une production en manufacture jusqu'au milieu du XIXème siècle, coexistence de cette forme d'organisation sociale avec de l'artisanat de production essentiellement parisien. - dégradation du projet "manufacturer' à Morez et développement du travail à façon et de l'artisanat (début de spécialisation et sous-traitance) milieu du XIX ème siècle jusqu'aux années d'entre deux guerres. Pendant le même temps développement des idées socialistes utopiques à Paris et sur l'arc Jurassien occidental, et premières formes d'organisations coopératives. - développement d'une structure industrielle plus classique à partir de 1960.

Le travail de François Faraut à le mérite de se développer une réflexion sur l'industrie lunetière à partir d'une situation que nous avons 159 nommer une situation "d'isolat technique". En effet la société Essilor en partant s'établir en Lorraine, rompt ses attaches culturelles et techniques avec le bassin morézien et Parisien (celui-ci du point de vue de la verrerie lunetière). La question d'ailleurs que pose Faraut est de savoir si les difficultés de l'entreprise apparu dès le début de ce siècle , ne sont pas dues à la viabilité du système très particulier d'organisation sociale "hérité" du passé coopératif de l'entreprise.

Les formes d'organisations des sociétés coopératives sont très intéressantes à examiner elles sont très bien détaillées par Faraut: "Il faut faire régner l'ordre et la discipline, une discipline qui apparaît d'autant plus sévère à la lecture du règlement intérieur qu'il n'y a pas de hiérarchie installée entre les égaux. D'où les nombreux cas d'infractions justiciables d'amendes plus ou moins lourdes, cela va des négligences dans le nettoyage des ateliers au retard aux assemblées. Autre exemple: se servir des outils d'un collègue sans permission", (F.Faraut, 1990 : 8).

Nous avons déjà signalé que la spécialisation croissante à cette époque des taches. Comme le remarque aussi de son coté F. Faraut : "Ainsi sait on que la fabrication parisienne se partageait entre les ateliers et le travail à domicile. La discussion des tarifs de main d'oeuvre s'appliquent dès 1852 à une trentaine de modèles différents de montures, à la fin des années cinquante, la centaine est atteinte. Pour chaque modèle, de dix à quinze opérations différentes sont distinguées et tarifées. Cette décomposition des taches s'accompagnera d'une division croissante du travail (F.Faraut, 1990 : 12).

Malgré l'éloignement géographique et la différence dans le choix des structures de production, les industries lunetières moréziennes et Parisiennes connaissent, quelques fois avec quelques années de différences, les mêmes structures d'évolution sociale qui, on le voit dans cet exemple, influent directement sur l'évolution technique. On ne peut malheureusement développer plus cet aspect du rapport entre organisation des forces productives et structures techniques à cause notamment de la recherche historique spécifique que cela signifierait. Nous renvoyons donc à l'étude de François Faraut qui est en cours de publication, d'autant que celle-ci contient bien d'autres éléments propre à comprendre l'industrie lunetière contemporaine. Il aborde notamment le problème crucial pour la question des savoir-faire techniques, de l'intégration du corps des ingénieurs au sein des sociétés lunetières coopératives. Le recrutement de ce corps qui ne peut se faire 160 qu'extérieurement se trouve en opposition avec l'idéologie de promotion technique interne prônée par le système coopératif.

Au delà de ce problème de main d'oeuvre nous avons l'exemple le plus caractéristique de l'affrontement entre deux représentations de la technique: - un modèle endogène fixé par le système de promotion interne qui commence par l'apprentissage sur le lieu de production, et la graduation interne. - un modèle extérieur "d'expert technique" .constitué dans les grandes écoles.

Au premier modèle on peut sans doute attacher une représentation de la technique proche de l'idéologie du "savoir faire", au second par contre une représentation des techniques de type "procédurale"58.

L'intérêt de l'étude de François Faraut est de montrer que cette opposition a du être concrètement résolue dans les entreprises coopératives, bien qu'elle fut "techniquement plus cruciale" dans l'industrialisation des verres que dans celui des montures.

En effet à cette époque c'est surtout la technologie du verre qui, en évoluant rapidement, rend indispensable le recrutement d'ingénieurs, (F. Faraut 1990 : 18) par contre le développement technique des montures pouvait encore se suffire des mécaniciens d'entreprises , ce qui ne sera plus le cas après les années soixante, nous l'avons déjà vu.

On peut donc avoir, à partir de notre enquête et de celle de François Faraut, une idée plus précise des modes d'organisations sociales de la production de lunettes dans le bassin morézien. L'influence précoce du système coopératif est une donnée dont on a sans doute sous estimée l'importance. Le cas typique d'Essilor qui agit comme une sorte d'isolat social et technique, n'est pas la seule trace de l'influence du système coopératif sur les structures de productions locales. Une influence plus lâche est toujours perceptible, ne serait-ce que dans l'explication que nous pouvons donner des phénomènes de sous-traitance, mais encore plus précisément dans les entreprises pourtant franchement capitalistes. Ainsi dans notre enquête sur la société L'amy avons nous eu l'attention attirée sur le choix d'une "filiarisation" quasi systématique de certains processus techniques. Nous avons eu l'occasion d'examiner le cas de Prisma qui est une filière "traitement de surface" de L'amy. Il est peut

58 Au sens ou l'entendent Jorion et Delbos.(1984) 161

être abusif de voir dans ce système propre à l'entreprise L'amy, une influence directe du système coopératif. Nous pouvons quand même penser, que cette volonté de "filiariser", tout comme la volonté de maintenir la sous-traitance, révèle en fait d'un désir de "responsabilisation" des unités de production et d'une représentation du travail qui a fortement à voir avec le fait qu'on aime localement les petites unités de production autonomes et responsables.

On pense qu'elles ont le mérite de ne pas diluer la responsabilité, de ne pas "fonctionnariser" les opérateurs et les techniciens.

Nous pourrions appeler cela l'idéologie du "petit chez soi", qui permet une meilleure identification de l'homme à son entreprise. De plus elle réduit les courroies de transmission entre la direction et l'ouvrier.

On peut peut-être trouver notre propos excessif, sans doute l'est-il, dans la mesure où la même volonté de "filiariser" peut aussi être interprétée comme le désir frileux de ne pas mettre en péril tout l'édifice. Mais outre le fait qu'un même phénomène peut tout à fait admettre plusieurs explications, nous avons constaté, dans l'organisation interne de ces filières même, une "cellularisation" des divers ateliers, qui nous a fait encore plus penser que ce système d'organisation était décidément bien inscrit dans la mentalité locale.

Chez L'amy chaque atelier est en effet organisé comme une unité propre qui permet au chef d'atelier de s'occuper lui même de ses approvisionnements. Cette organisation institue entre les divers ateliers des rapports qui sont, toutes proportions gardées, les mêmes que ceux qui régissent une filière et la maison mère, ou un donneur d'ordre et un sous-traitant. Ce mode de fonctionnement semble bien s'adapter au système du flux tendu mis en place progressivement, ainsi qu'à la gestion interne de l'atelier. En opposition à la gestion taylorienne, au delà de sa polyvalence, le groupe doit prendre en charge l'organisation de son travail jusqu'aux réglages de machines, des cadences et son approvisionnement. Ce mode d'organisation ne met pas la maîtrise dans le même rôle que dans une entreprise taylorienne classique. Conformément à ce que nous disait Mr Jean Mairot secrétaire général de L'amy : "La maîtrise à chez nous un rôle d'assistance technique plutôt qu'un rôle hiérarchique"

Le débat risque de prendre des tours complètement idéologique si l'on pose la question de savoir ce qu'il reste effectivement d'un mode d'organisation coopératif local, dans les formes d'organisation du travail 162 telles que nous venons d'en donner un exemple chez L'amy. Les dirigeants de l'entreprise L'amy ont peut-être une conscience plus claire de ce que ce mode d'organisation correspond mieux à la mentalité locale, ils l'ont ainsi institutionnalisé. Mais on peut aussi remarquer qu'au travers quelques fois des ajustements locaux ,des aménagements du travail dans des entreprises plus "tayloriennes", on assiste aussi à la "perdurence" de ce modèle local de production. Disons tout de même, que celui-ci n'a peut-être pas que des avantages , il peut développer des systèmes de "chefferies" et constituer quelques fois un frein à l'innovation technique. Mais en tout cas il est vrai qu'il respecte un certain degré d'initiative personnelle. S'il fallait encore établir la permanence de ce modèle citons cette phrase de Raillard: "Il me faut maintenant donner quelques explications sur l'organisation des "Frères Lissac", tout au moins pour ce qu'elle était en 1942: Selon l'importance des succursales, celles-ci étaient divisées en "salons". Chacun de ces salons était un unité complète et indépendante, et chaque employé était spécialisé dans une tâche déterminée."

Cet autre exemple tiré de la biographie de Georges Lissac montre encore, si il était besoin, que ce fonctionnement modulaire des entreprises de la lunette, touche un nombre important, et non des moindres, des entreprises de la lunettes. Avec les exemples que nous avons pris à divers époques (début du siècle pour Essilor, 1942 pour Lissac et actuellement pour L'amy), et sur trois des plus grandes entreprises de la lunette, nous pouvons sans doute établir plus que des hypothèses sur l'influence des modèles locaux coopératifs sur la structure sociale des entreprises de la lunette.

2.2.2.3.La main d'oeuvre féminine: des activités de soudures aux activités de traitement surface:

Les activités de soudages n'ont pas été au départ de la lunetterie des activités spécifiquement féminines. L'exemple que nous avons relaté du père de Mr Grand Chavin qui effectuait entre deux guerres des opérations de ce type pour de petites fabriques locales montre bien qu'il s'agissait à cette époque d'une activité masculine. Quelle est alors la cause du passage de cette activité technique du domaine des hommes à celui de la femme au point qu'on identifie actuellement encore cette activité à la main d'oeuvre féminine exclusivement ? Il est bien difficile de répondre, remarquons simplement, que c'est dans le développement du travail en usine que ce passage s'est effectué. 163

La division du travail homme/femme qui existait dans le travail à la ferme nous semble plus difficile à établir dans la lunetterie qu'elle ne l'est par exemple dans la lapidairerie, ou dans le travail du bois à la ferme. Dans notre enquête, et en l'absence de travaux historiques dans ce domaine, il semblerait que la femme du ménage double actif n'interviennent pas de manière aussi déterminante dans le travail de la lunette.

Le travail féminin à la ferme semble être plus réduit sur le lunette (comme il l'est sur la montre,) alors que la place de la femme dans la lapidairerie et dans le bois semble avoir été dans le processus de production plus déterminante.

Encore sommes nous, en l'état actuel de nos connaissances, très prudent sur cette affirmation . D'autant qu'il nous reste à expliquer de manière satisfaisante la part essentielle par contre que la main d'oeuvre féminine va prendre dans la lunetterie industrielle.

Cette part qu'elle a aussi dans le jouet, ou dans les entreprises d'horlogerie, est la encore différente, dans la mesure où ce sont des tâches très spécifiques qui lui sont confiées dans la lunette (soudage, laquage) qui sont des tâches qui, tout en étant très spécialisées, n'en sont pas moins stratégiques59. On peut aussi évoquer, pour être complet, les tâches qui étaient confiées à la main d'oeuvre féminine dans le travail à façon à la ferme : "Les travaux à la ferme étaient donnés pour la lunette de protection pour la couture. On allait jusqu'à Champagnole on. faisait toute la tournée, l'avantage c'est que quand on avait beaucoup de travail on leur donnait mais quand on en avait peu on donnait pas, ça on pouvait pas le faire à l'usine. Les femmes qui effectuaient ces travaux de couture, elles voulaient coudre ce modèle là et pas un autre"

Ce qui est intéressant c'est que cette activité de couture par exemple concernait déjà les femmes d'éleveurs. Et que celles-ci se spécialisaient déjà dans une monture de lunettes : "Dans une usine de lunettes il y a toujours eu le tiers d'homme et les deux tiers de femmes".

59 On peut peut-être tenter l'explication de la guerre de 1914-1918 qui vit bien sur la main d'oeuvre masculin déserter l'industrie, mais cela ne semble correspondre qu'en partie à la réalité de l'industrie lunetière entre les deux guerres, qui était encore très rudimentaire. 164

L'exemple que nous avons pris au chapitre 2 des techniques sur l'usine Prisma, montre bien la réalité d'une main d'oeuvre féminine à 80 % (100% dans l'atelier de laquage). Cette main d'oeuvre à été recrutée très récemment et sa moyenne d'âge tourne autour de trente cinq ans, avec un taux de turn over de 10 % par an. En fait ce recrutement, essentiellement féminin, est encore expliqué, comme pour l'antique technique de la soudure, par une qualité propre à la main d'oeuvre féminine. On nous dit aussi que "les hommes ne postulent pas". Il semble donc qu'il s'établisse une division, ou une représentation des taches valable même à l'extérieur de l'établissement, qui considère que le laquage est une activité féminine, comme le ménage ou la lessive, et que ce serait un déclassement pour un homme de travailler à ce poste.

L'atelier est dirigée par une femme plus âgée que la moyenne et qui à une plus grande expérience dans ce domaine, essentiellement acquise sur le tas depuis 1988. Cette femme est elle même fille et petite file de lunetier et femme d'horloger.

Bref la femme n'ayant pas apparemment dans l'artisanat lunetier précurseur, de place technique évidente comment se fait-il qu'avec l'industrialisation des techniques lunetières (entre deux guerres et après 1960) celle-ci acquiert une place aussi marquée ? L'importance du travail des femmes est souligné dans le reportage sur l'histoire du P.C.F. dont nous avons parlé au moment des grandes grèves du front populaire et des mouvements précédents. On ne peut pas vraiment dire que les tâches qui lui sont alors confiées soient des tâches sous-qualifiantes. Elles sont mêmes de plus en plus stratégiques dans le processus de production, nous l'avons vu: soudage et traitement de surface (laquage) sont des éléments essentiels de la fabrication de la lunette moderne. Une idée, qui semble s'imposer tout de même pour ce qui concerne leur embauche, c'est le fait que très tôt entre les deux guerres et surtout après les années soixante, une pénurie de main d'oeuvre locale est établie. Elle explique d'ailleurs les courants migratoires internes et externes et sûrement l'emploi de la main d'oeuvre féminine.

Par contre elle ne résout pas le problème de l'attribution des taches et de leur changements en même temps que l'évolution de celles- ci au cours de l'histoire.

2.2.2.4.L'esprit maison:

Sous ce cours chapitre, nous voulons signaler un élément important apparu au cours de notre enquête, résultat de ce que l'on pourrait 165 appeler l'identification des ouvriers et des techniciens au style de leur entreprise. Nous avons longuement évoqué, au sujet des structures de productions, l'adéquation qui existait à notre avis entre forme/ mode d'organisation et mentalité locale. Dans les enquêtes et notamment, ce qui est peut être plus étonnant chez L'amy nous avons entendu cette phrase: "Les gens s'en vont mais l'esprit maison reste. Les gens de Saint Laurent (Prisma) ils y savent toujours ce qu'on veut", (un Technicien de chez L'amy).

Cette communication qui est pensée comme implicite par ce chef d'atelier d'une grande entreprise dans son rapport avec une filiale, établit sûrement qu'il existe des éléments esthétiques communs qui établissent effectivement d'emblé, avec peu d'explications, une bonne réponse à la demande de produit fait par le donneur d'ouvrage.

Pour que s'établisse une totale communication, source de travail de bonne qualité, il faut que soient partagées, entre autres, des valeurs esthétiques communes qui sont disons le "style L'amy". Tout comme l'on reconnaît une Peugeot dans la rue à la forme de sa carrosserie60, on reconnaît une lunette L'amy. Cette perception est d'ordre esthétique, au sens où Leroi Gourhan employait ce terme pour ce qui concerne certains éléments des phénomènes techniques61. Loin de nous de définir ce qu'est le style esthétique L'amy, c'est justement ce qui sans doute mettrait le plus de temps à émerger précisément. Mais nous voulons néanmoins signaler cet aspect qui nous semble très proche des travaux récents en ethnologie technique tels que ceux de Lemonier et Déforge.62 D'autant que ces thèses sont proches aussi de celles développées par Simondon et dont nous avons déjà parlé. Au sujet des savoir-faire on peut remarquer l'homologie qui existe entre ce style esthétique largement inconscient aux opérateurs et le savoir-faire lui même. On pourrait même se demander la part d'esthétique contenue dans le processus même du savoir -faire notamment au moment de sa transmission.

En gros la question serait de savoir si dans cette transmission informelle par imprégnation, les éléments esthétiques contenus, par nature, dans les éléments de représentation d'une technique, sont plus ou moins déterminants que dans une transmission par procédure comme à l'école.

60 Ceci devient de moins en moins vrai. 61 Relire à ce sujet Leroi Gourhan 1964, chapitre XII 62 Lire à ce sujet l'article de J.P Digard 1989. 166

On peut faire l'hypothèse que ces éléments absents par définition des techniques scolaires, sont à l'origine de l'insatisfaction des professionnels quand un jeune leur arrive de l'école. La phrase souvent entendue: "Quand ils sortent de l'école ils savent rien.", serait alors traduisible par: "Il faut leur apprendre le style maison" , la manière d'envisager la technique du point de vue "maison". On constate en effet que dans les cas d'apprentissages, les jeunes savent "objectivement" se servir d'une technique, mais qu'il leur manque souvent le contexte culturel d'utilisation de cette technique. De ce point de vue, la question de l'importance de l'ethnologie pour comprendre la technologie semble complètement essentielle, il s'agirait alors de savoir, comment les éléments esthétiques agissent dans la constitution de l'identité professionnelle?

On pourrait aussi sans doute s'apercevoir que ces éléments esthétiques jouent aussi comme des blocages à l'introduction de nouvelles techniques, non pas seulement par rapport à la technique elle même, mais plus par rapport au type de produit qu'elle génère.

Dans la lunette nous a été cité un cas d'artisan spécialisé dans la fabrication du pince-nez qui ne sut pas s'adapter à la fabrication des lunettes à branches Dans ce cas la mutation technique n'est pas si essentielle qu'elle puisse expliquer à elle seule l'échec de cette entreprise. Il est vrai que la fabrication des branches posait alors des problèmes techniques difficiles à résoudre, mais cet artisan qui malgré le rôle porteur dévolu alors aux branches, continuait à fabriquer des lunettes dont les mécanismes de maintien étaient aussi élaborés que sur des pinces-nez, produisit un surcoût complètement injustifié qui coula sa production. On peut surtout expliquer qu'il avait du mal à concevoir esthétiquement (autant que fonctionnellement) des lunettes sans les éléments de serrage du nez aussi élaborés que ses précédents pinces- nez. Cet exemple montre comment les éléments esthétiques peuvent donc intervenir de manière déterminante.

On peut sans doute dire en conclusion qu'il s'agit d'épiphénomènes qui n'entraînent pas de conséquences aussi fondamentales pour l'histoire des techniques et des objets industriels. Notre point de vue est tout autre, il nous semble au contraire, comme le dit d'ailleurs Jean Pierre Digard dans l'article que nous avons déjà cité, que les représentations esthétiques sont à l'origines quelquefois de véritables impasses techniques, et d'inadaptations graves. 167

Notre sujet n'est pas celui de l'horlogerie, mais pour avoir travaillé sur cette industrie de manière très brève, nous nous autorisons à penser que la difficulté des horlogers du Haut Doubs à penser que les mécanismes à quartz pouvaient un jour suppléer les mécanismes à ressort est à l'origine de la grave crise de l'horlogerie locale dans les années soixantes quinze. Il faut rechercher du côté des représentations esthétiques cet état de fait:

La montre pour un horloger du haut doubs ne pouvait être faite que d'un mécanisme à ressort.

Ainsi la représentation technique détermina-t-elle que, malgré les avertissements de Fred Lip notamment, les horlogers de cette partie de l'arc jurassien tournèrent délibérément le dos à cette nouvelle technique, ce qui fut, l'histoire le montre, une erreur fatale dont ils payent encore maintenant les conséquences.

Bien évidemment on peut tourner le problème dans un autre sens qui serait de dire, que la révolution technique que supposait l'adoption d'un mécanisme à quartz était si importante, qu'elle risquait de remettre en cause le savoir faire technique élaboré depuis des générations et dont les horlogers complets étaient les dépositaires. Ils auraient ainsi perdu leur supériorité technique et donc hiérarchique. Cette remarque ne fait que lier encore plus précisément la question des savoir faire à celle des représentations esthétiques comme nous le disions plus haut.

2.2.2.5.Mode de commercialisation:

Les grands chefs d'entreprises comme Henri Lissac sont avant tout des commerciaux. Comme le dit Gilbert Raillard dans la biographie de celui-ci: "Henri Lissac était donc établi à Morez où il dirigeait la "Manufacture d'Horlogerie et de Lunetterie". En fait de manufacture, il n'était pas fabriqué grand chose, dans les locaux de l'établissement. Il s'agissait plutôt de négoce, comme beaucoup d'entreprises de cette époque, la fabrication était confiée à des artisans locaux des environs de Morez", (Raillard:27).

Cette question est essentielle à la compréhension du phénomène lunetier et à travers lui du phénomène de structuration de cette industrie dans la partie occidentale de l'arc jurassien. François Faraut fait bien remarquer que les premières associations de lunetiers qui 168 donnèrent naissances à Essilor sont dues à des raisons commerciales (Faraut 1990 : 2).

Si à l'heure actuelle le syndicat de la lunette s'associe comme les fabriquants de jouet, c'est sans doute pour échanger des techniques , mais surtout pour commercialiser leurs produits sur les marchés internationaux. Le commerce reste le nerf de la guerre. On peut aussi citer l'exemple de la complémentarité à la tête de L'amy des deux fondateurs de L'amy S.A. qui se sont divisés, dès le départ les taches entre un responsable de production et un commercial. On dit beaucoup de choses sur l'origine du mode de commercialisation des produits industriels et artisanaux Jurassiens. Notamment il apparaît que dans le jouet en bois, comme dans la lunette, l'on produisait en quantité avant même de savoir si l'on pourrait vendre. La vente se faisant à des négociants au cours de foires, qui avaient lieu par exemple au sortir de l'hiver pour la commercialisation de ces produits63. Ceux-ci avaient souvent beau jeu, sous l'effet de l'abondance de l'offre, de faire baisser extrêmement les prix des objets qu'on lui proposait: "Ils profitaient de l'hiver en faisant un maximum de travail en supposant ce qui allait se vendre",(Mr Grand Chavin).

Le négoce est une activité très spécifique, qui ne jouit pas d'une bonne considération dans les villages. Le commerce n'est pas considéré par le milieu paysan comme une activité noble, il faut y voir une trace de la représentation catholique, très proche déjà de la représentation ayant cours au sujet des capitaux et dont nous avons déjà parlé. Les négociants étaient souvent assimilés aussi à des voleurs. Il semblait inconcevable de n'être que négociant, il fallait en plus produire.

Il faut néanmoins faire une différence entre le négociant et le donneur d'ordre qui sont souvent confondus. Le négociant s'adresse principalement à l'artisan, ou à la petite entreprise. Il a d'ailleurs souvent bureau à Paris et vient acheter des montures. Il est presque toujours de l'extérieur de l'aire géographique au moins pour la période d'avant l'entre deux guerres. Mais il ne faut pas noircir le tableau local comme on l'a souvent fait. S'il est vrai que le commerce ne jouit pas d'une grande considération sociale, les artisans locaux et surtout les petits chefs d'entreprises, ont vite compris la nécessité d'investir cette activité.

Le cas des ancêtres de Mr Grand Chavin et de leur expérience malheureuse que nous avons relaté au chapitre 2.2.1. nous montre que

63 Elles semblent avoir été plus fréquentes pour la lunetterie que pour le bois. 169

certains parmi les petits artisans n'hésitèrent pas à aller jusqu'en Pologne pour, à une époque ancienne (avant 1914), commercialiser leur produit. Sans doute le cas était-il particulier dans la mesure où le père de Mr Grand Chavin avait une soeur qui était allée s'établir dans ce pays.

Mais enfin les cas de fabriquants locaux qui "établirent comptoir" de vente à Paris, ou simplement commercialisèrent eux mêmes. Ils sont souvent à l'origine des réussites des entreprises de lunettes. De ce point de vue nous avons sûrement un élément de distinction entre les entreprises qui après 1960 vont se développer et les autres. Comme pour ce qui est du jouet la maîtrise d'un savoir faire commercial est un élément essentiel de la réussite des entreprises de l'arc Jurassien.

2.2.3. Le rôle de l'immigration dans l'arc jurassien.

Le haut jura est une terre de migration. On peut même dire qu'au cours de son histoire, la montagne Jurassienne est peuplée de peuples d'origines diverses, qui amèneront avec eux des techniques agricoles artisanales ou industrielles, qui se développeront localement.

La première grande migration historique, qui fonde la base de la vie sociale de la population jurassienne, est celle que note Michèle Salitot et dont nous avons déjà parlé. C'est l'établissement Burgonde du VI ème siècle. Il amène avec lui sur les premiers plateaux le système de vie familiale des mesnies germaines. Ce système est suffisamment détaillé par l'auteur pour que nous n'y revenions. // forme la base de la vie familiale et collective, qui va être l'élément de "particularisation" de la vie sociale de l'arc jurassien 64. Ce chapitre ne considère pas à proprement parler ce fait puisqu'il s'intéresse à l'immigration récente, notons tout le moins, que c'est ce système familial caractéristique importé, qui va accoucher plus de douze siècles plus tard du système collectif d'exploitation des fruitières à Comté .

Bien entendu c'est à partir de l'agriculture que le système artisanal et industriel jurassien prend sa base économique. Agriculture très diversifiée jusqu'au milieu du XIXéme siècle, qui connaîtra un début de spécialisation dans l'élevage. Auparavant les populations de l'arc jurassien pratiquent autant la polyculture céréalière que la vigne, voire que l'élevage de porcs et d'ânes. Les sources historiques sont formelles

64Salitot dit que ce droit sera fixé au Xème siècle c'est le grand mouvement de rédaction des coutumes aux XVème et XVIème qui permet de faire le point sur ces systèmes et leurs influences: "les indivisions fraternelles ou encore les communautés familiales entre frères attestent la permanence pendant la période féodale d'une forme plus ancienne d'organisation familiale" (1988) : 35. 170 de ce point de vue, le dictionnaire des communes du Jura, établit en 1850 par Rousset, signale de la vigne à Orgelet et Moirans en Montagne à cette époque. Il dresse le tableau d'une polyculture céréalière, où les paysans ne possèdent guère que 2 à 3 têtes de bétail par ménages, ce qui rend quasi indispensable l'association en fruitière pour la fabrication commune du fromage et des produits associés du lait^5. Ce paysage, largement dominé par l'agriculture jusqu'au milieu du XIXème siècle, connaît néanmoins des concentrations industrielles diverses, qui sont pour Morez la métallurgie et l'horlogerie. Mais ces activités, qui ne se développent pas avant le dernier quart du XVIIIéme, sont très limitées si l'on considère la population active employée.

La caractéristique essentielle du tableau de l'arc reste, au moins du coté Français, une agriculture de subsistance qui, ont peut l'imaginer, tend à développer un esprit de coopération entre les ménages et un esprit de bricolage pour permettre d'utiliser au maximum les maigres ressources du terroir66.

Une autre activité règne, c'est celle de l'exploitation du bois. Celle- ci est comme l'a montré P.L. Pelet 67 indissociablement liée à la métallurgie. En effet pour cet auteur le défrichage précoce du coté Suisse des bois avait avant tout pour nécessité d'alimenter une activité sidérurgique très gourmande de ce combustible (système de la métallurgie dite Comtoise)** 8 # C'est derrière ces défricheurs que s'établissent les populations paysannes immigrées. Ainsi on rejoint une caractéristique de base de la population locale, c'est son origine immigrée depuis l'établissement Burgonde, jusqu'au milieu du XVIIème siècle où, après les grandes guerres et les épidémies de pestes, ce sont les Suisses et les Savoyards qui vont en partie repeupler les Hauts plateaux. Il est impossible de dire comment va se faire l'intégration de ces populations avec la population locale, ni le nombre et la proportion de cette population. Il semble simplement que les cantons ont été diversement touchés par les guerres entre Français et Espagnols, ce sujet seul mériterait une thèse d'histoire. Ce que l'on sait par contre c'est que

65 C'est de cette époque que date sans doute un droit curieux réservé à la femme du ménage agricole sur la fabrication du beurre à son propre usage. Droit que combattront plus tard les commissions de chalet modèle instituée après 1860 pour unifier les structures techniques et juridiques des fruitières à comté. 66 Reste que cette habitude au bricolage est une caractéristique de l'ensemble du milieu rural Français à la même époque et qu'il ne peut constituer une explication en tout cas suffisante du développement de la mécanique et du bricolage de celle-ci dans la région. 67 Paul Louis Pelet 1971 68 Si l'on en croit PL Pelet la métallurgie suisse se développe dès le milieu du XVI. Soit presque un demi-siècle plus tôt que du coté Français. 171 la frontière n'a jamais constituée un obstacle aux contacts et aux migrations.

Le cas des migrations massives au XVIIème siècle des populations Savoyardes, ne s'applique qu'à certaines régions très localisées qui avaient été plus durement touchées par les vicissitudes de cette époque, comme la région de Saint Laurent en Grandvaux, ou les historiens ont pu recenser que sur 43 lieux dits, 32 portent une origine Savoyard., Il n'en reste pas moins qu'en 1700, un habitant sur six porte un nom Savoyard. Les contacts avec la Savoie sont fréquents et l'historien Fournier n'hésite pas à en parler de manière déterminante. Il fait remonter les contacts à des traités commerciaux de 1402 et note dès le XVIème siècle et au cours du XVIIéme siècle une population de transporteurs, seraient les prédécesseurs des voituriers du Grand Vaux , très connus au XIXéme siècle pour être une population spécialisée qui transporte la plupart des produits industriels du haut jura vers le port de Gray ou vers Lyon.

Cette immigration va se stabiliser et se fondre avec la population locale. Ce que nous ne savons pas, c'est ce qu'apporte chacune de ces populations eut égard aux conditions climatiques qui imposent quand même un certain type d'agriculture .

Car outre cet exemple spectaculaire des voituriers, il ne faut pas oublier que l'essentiel de la population immigrée avant le XIXème siècle s'établit comme population agricole. Les origines montagnardes des savoyards et des Suisses leur donnent cette connaissance du milieu écologique, mais leur impose de se soumettre aux coutumes et usages locaux en termes de droit; qu'il s'agisse du droit de mainmorte, ou des usages collectifs d'exploitation des sols. Par exemple le système Suisse est celui de la liberté d'exploitation des sols, alors que le système Français impose un assolement.

A ce sujet le travail de Michèle Salitot est plein d'enseignement sur la migration agricole. Son étude monographique de Nussey lui permet d'établir la formation, à partir de 1745, d'une classe paysanne dominante. Au cours de cette période, dit-elle, le courant d'immigration excède la courant d'émigration. Cette immigration est celle d'une paysannerie pauvre. Autre caractéristique mise en avant par l'auteur et qui rejoint la perdurance du système de mainmorte: les propriétaires sont en majorité des résidents: Il y a transmission familiale préférentielle (que permettent les anciennes coutumes locales héritées du droit Burgonde) des terres et des bois,au résidents (Salitot 1988:134). 172

Il n'est donc pas contradictoire de penser que l'immigration ne contrarie pas la perdurance d'un système collectif d'exploitation du sol, et des produits de celui-ci, qu'ils soient directes ou non. On imagine qu'il ne contrarie pas non plus l'importante emprise des structures familiales, sur la vie économique et sociale, d'autant que cette époque signe le développement de la propriété privée. En fixant donc au cours du XVHIéme siècle une paysannerie familiale possédant plus de terre, les communautés villageoises, comme celle de Nussey vont absorber le courant migratoire principalement agricole dans cette région du XIXème siècle.

On peut aussi à ce chapitre retenir le fait d'une constante géographique des immigrations à savoir que celles-ci s'établissent par zone, en amenant au même endroit des immigrés d'une même famille ou d'un même village. L'exemple de Saint Laurent en Grandvaux obéit de ce point vue aux mêmes lois de l'immigration que nous pouvons constater en France en général et dans le Haut Jura en particulier69.

Mais on peut se demander si finalement l'immigration dans l'arc Jurassien, ne constitue pas une condition même du développement Jurassien. Si ce n'est pas dans le contact perpétuel, entre des populations différentes que s'est constitué le "génie Jurassien" dont parlait Rousseau.

En effet si d'un coté on peut parler d'une immigration importante des populations de base. L'exemple des Savoyards sus-cités, mais aussi des Suisses au XIXéme siècle et plus récemment des populations venu du d'Italie, du Portugal du Maghreb et du Moyen Orient : "Dans les années soixante-soixante dix il y avait une pénurie de main d'oeuvre , on emmenait du travail à la maison, ils ont fait venir des Portuguais par wagons entiers. Odo allait chercher les gens jusqu'à Champagnole ou aux Rousses avec des tubes Citroen, tout ça c'était l'entreprise qui payait", (Mr Vidic).

D'un autre coté on ne peut manquer de citer l'influence d'une cité comme Genève ville cosmopolite d'artisans dès le moyen age et d'industriels dès l'époque de la réforme, qui va influencer et initier la taille de la pierre précieuse à Saint Claude, et dans le haut Jura. Bâle dont l'influence politique et religieuse fut très grande jusqu'au canton de

69 On peut parler de l'immigration des travailleurs Marocains sur la petite commune de Syam qui vont reprendre le savoir faire des lamineurs locaux mais aussi de l'immigration italienne entre les deux guerres. Le curé de Syam nous parlait des difficultés d'intégration de sa famille à cette époque et du fait qu'il se faisait caillouté en allant à l'école. Enfin Salitot note la communauté patronymique des immigrés de Nussey. 173

Neuchatel, dont les capitaux financiers vont très précocement ( dès le milieu du XVIII ) s'investire dans la métallurgie dans le premier canton franchisé de la mainmorte: Pontarlier70.

On assiste donc sur ces terres de frontière, à une dialectique importante entre apport extérieur et intégration locale de cet apport. Ce qui caractérise le plus l'arc jurassien dans son ensemble c'est, semble-t­ il, la possibilité de sa population à jouer sans cesse à partir d'une identité locale, (que sont par exemple une habitude de travail collectif), et d'assimiler les opportunités techniques et industrielles telles qu'elles arrivent de l'extérieure sous forme d'investisseurs ou de techniciens qui s'établissent. En privilégiant bien sur le contact avec les populations proches de l'autre coté de la frontière.

Nous avons vu au cours de l'histoire technique de la lunetterie, mais cela est vrai aussi pour la lapidairerie, et encore plus vrai pour l'horlogerie qui conserve encore de part et d'autre de la frontière des structures industrielles très fortes.

?0 Voir Daveau 1959. 174

3. Conclusion générale. L'étude que nous venons de proposer sur la lunetterie est la première jamais réalisée sur cette industrie d'un point de vue de l'ethnologie. Les travaux d'histoire de cette industrie, sont eux mêmes assez parcellaires. Il est donc difficile de parler tout à fait définitivement des caractéristiques propres de cette industrie. Celle-ci mériterait d'ailleurs d'autres études envisageant les lunettes de protection et la filière plastique, voire approfondissant, à partir de monographies d'autres entreprises, les lunettes métalliques. Malgré tout, les éléments que nous avons choisi de développer dans cette étude, nous semblent déjà suffisants pour émettre un certain nombre d'hypothèses, et avancer une réflexion sur le sujet qui nous préoccupe dans cette étude.

Si ce sujet part de la liaison entre cette industrie et les deux autres étudiées par Hervé Baulard et Noël Barbe, l'industrie du jouet et celle de la montre, il pose aussi le problème, à partir de ces exemples, de la particularité des savoir-faire techniques par rapport à leur insertion locale (ici la culture technique locale "arc jurassien") . Tout ceci étant finalement lié à une question, que nous nous permettrons de traiter dans cette conclusion, qui est de savoir ce qu'il en est d'une théorie plus large de l'anthropologie du travail.

Vis à vis de l'industrie de la lunette et de l'arc jurassien, qu'elles étaient les questions que nous posions dans notre réponse à l'appel d'offre? Nous nous demandions: - pourquoi et quand y a-t-il emprunt technique ? - s'agit il d'une réponse à un problème endogène solutionné par les techniciens locaux ? - ou d'appel à la sous-traitance ?

Dans ce cas comment celle-ci est elle assimilée par la culture technique locale ?

La question de l'existence de la culture technique locale est centrale à toute notre réflexion. C'est le fleuve vers lequel converge les divers courants que sont les diverses études sur les industries locales. Certains de ces courants paraissent importants (les industries étudiées ici) d'autres, qui l'ont été, sont plus réduits maintenant (isolats techniques) mais ils concourent tous au fleuve de la culture technique locale. 175

La question qu'on est en droit de se poser c'est si cette culture technique locale est une fiction (produit d'une rhétorique locale71) ,ou au contraire une réalité qui détermine, explique, la particularité des industries locales d'un point de vue technique, mais aussi social et économique ?

Nous avons cité la phrase de JJ. Rousseau, lorsqu'à la veille de la révolution française il visita l'arc jurassien. A l'étonnement de ce philosophe, va succéder les influences des penseurs utopistes qui vont lui succéder comme Fourrier et Proudhon. Mais cette influence n'a pu être directe, et il faut aussi appeler à la rescousse de l'explication du développement du mouvement coopératif jurassien, les conditions locales d'exploitation des sols qui depuis l'époque de la colonisation burgonde, en passant par le système de la mainmorte imprimèrent, à la structure de production agricole en premier, un mode d'exploitation plutôt collectif, dont une des illustrations est le mouvement des coopératives fruitières à comté.

On peut aussi penser que ce sont les conditions économiques (élevage réduit à quelques têtes de bétail par ménage) qui ont produit le mode d'exploitation collectif du comté. Mais les mêmes conditions d'agriculture de montagne dans les alpes, n'ont pas produit le même système d'exploitation; voire dans l'arc jurassien lui même, le côté suisse, s'il développe un système d'exploitation du comté dans des fruitières, ne connait pas un mode d'organisation de celles-ci aussi "coopératif" (collectiviste ?) que le mode français.

Repartir de cette réalité agricole dans cette conclusion, nous sert à ré-établir la toile de fond du développement des techniques. Mais cette toile de fond ne doit pas nous faire oublier que l'origine de ces techniques est toujours extérieure à l'aire que nous considérons.

On peut donc affirmer que le mouvement technique industriel est un mouvement urbain, qui trouve dans l'arc jurassien un terreau de développement original dans le milieu rural, ou il sera transformé en artisanat (ou en double activité), avant que d'être redéveloppé sous forme d'une industrie originale dont nous avons essayé de mettre en évidence les caractéristiques: Autofinancement, influence de l'adaptation/ bricolage technique, sous-traitance et initiative ouvrière importante, circulation des techniques généralisés à partir de V inter connaissance du milieu local.

71 Le débat entre réalité et rhétorique locale est bien sur plus complexe, dans la mesure ou des éléments de rhétoriques s'agrègent généralement à la réalité locale. 176

Si l'on accepte de dire que ces éléments constituent bien une "culture technique locale", alors celle-ci existe sur l'arc jurassien. Elle nous semble aussi caractéristique dans la lunetterie que dans la lapidairerie et dans le jouet. Par contre nous apporterions sans doute des modifications pour ce qui concerne l'horlogerie, qui semble moins influencée par un état d'esprit collectif de production. Sans doute parce que celle-ci a subi, et dans le mode d'exploitation du sol, et à travers l'horlogerie suisse, une influence (qui reste à déterminer dans son degré) de la part des populations de l'autre coté de la frontière. En effet les cantons horlogers furent en première ligne de l'affrontement idéologique né du schisme de la réforme. Ils sont aussi ceux qui entretiennent malgré tout, le plus fort degré de relation avec les populations suisses notamment à travers l'histoire même de cette technique.

Si la lapidairerie par exemple a été introduite par un suisse (d'ailleurs catholique), les relations des lapidaires avec la population suisse se sont limitées à cette introduction. Pour la lunetterie, celle-ci se développe sans influence suisse, tout comme la tournerie et le plastique. Seule avec l'horlogerie, l'élevage et la fromagerie vont entretenir ce lien ténu entre techniciens des deux pays. On a vu que ce lien qui s'opèrent dans ce techniques n'est pas sans influences, on pourrait dans ce cas parler d'influence par rebond.

Malgré tout, si ce lien entre populations frontalières, qui existait aussi rappelons le dans la métallurgie et la verrerie locale, il s'est sans doute distendu tout au cours du XXème siècle, aussi à cause des guerres, il se rétablit progressivement depuis une vingtaine d'année sous la forme originale du travail frontalier. Un récent travail de sociologie d'une chercheuse du L.A.S.A.72 de Franche-Comté, montre tout l'importance quantitative, mais aussi qualitative de cette main d'oeuvre française pour l'industrie Suisse. On peut dire qu'actuellement le mouvement historique trans-frontalier est en train, dans l'arc jurassien, de s'inverser. Nul doute que la circulation des savoir-faire et des techniques (notamment celles de la micro-mécanique moderne) est assurée.

On peut faire remarquer que les structures sociales de production sont largement dominantes dans l'appréhension du phénomène technique (division du travail), ou dans la division des taches dans le ménage rural, mais aussi plus tard entre hommes et femmes. Le

72 Fréderique Oudot 1991. 177 changement technique qui s'est développé, surtout depuis 1960, à révélé une autre caractéristique locale, à savoir sa possibilité d'adaptation. Cette possibilité d'adaptation ne s'est pas faite uniquement en prenant telles quelles ces techniques mais, au moins dans un premier temps, en les intégrant au mode de production, voire en les changeant.

Mettant bien en évidence ce qui ne fut pas perçu généralement par la classe des ingénieurs ce que disait Simondon: "L'évolution désadapte autant qu'elle adapte. La réalisation des adaptations n'est qu'un des aspects de la vie; les homéostasies sont des fonctions partielles; la technologie, en les enveloppant et en permettant, non seulement de les penser, mais aussi de les réaliser rationnellement, laisse en pleine lumière les processus ouverts de la vie sociale et individuelle. En ce sens , la technologie réduit l'aliénation", (Simondon 1989: 106).

En pensant le lien unissant technique et mode d'organisation sociale, Simondon remarque le rôle de changement de la technique vers le mode d'organisation artisanal. Il met aussi en évidence que l'organisation sociale se "technicise" elle même en devenant l'objet d'une science, celle de "l'organisation du travail". Le déterminisme technologique de Simondon est largement partagé à l'époque ou il écrit et ce dans des traditions intellectuelles apparemment séparées. On peut bien sur parler de Leroi Gourhan et de Cresswell, mais aussi du coté de la sociologie du travail de l'école initiée par Friedmann : "La technique partout ou elle triomphe entraîne dans son sillage le temps libéré, tous les possibles du loisir, la quête du bonheur, expression de la "bonne vie" rapportée aux conditions matérielles et morales du nouveau milieu", (Friedmann cité par Tripier 1991: 96).

Pierre Tripier ajoute que pour Friedmann la technologie est une variable lourde, qui s'impose comme une loi de la nature. Ne pourrait-on pas faire la même réflexion pour Robert Cresswell et Leroi Gourhan ? Et pourtant ces traditions intellectuelles se côtoient en s'ignorant parfaitement.

Dans ce déterminisme technologique, qui ne néglige pas d'ailleurs les autres aspects notamment sociaux, on a une réactualisation des thèses évolutionnistes chères à Marx et Weber. Comme le montre très bien Pierre Tripier dans son histoire des paradigmes de la sociologie du travail, ces thèses, dans cette discipline, sont directement issues des théories de Veblen qui "développent une théorie technologique de l'histoire" (Tripier 1991:96). 178

Nous proposons d'appliquer les mêmes constatations aux théories de Cress well et Leroi Gourhan. Sans en renier l'apport considérable, nous ne proposons pas d'en faire une utilisation explicative aussi déterministe.

L'intérêt d'une étude de terrain comme la nôtre serait alors de montrer que, dans la réalité régionale, les éléments techniques peuvent être réaménagés, réinterprétés, au point d'en changer justement le poids du déterministe. On peut ainsi se demander, si quelquefois ce n'est pas la technique qui se plie aux structures de production, et non l'inverse, cette proposition amène à se poser la question de savoir comment est alors perçue la technique. De la part de l'observateur extérieur, dont fait partie souvent l'ethnologue et l'ingénieur, la technique est perçue comme arrivant sous forme de machines déterminées dans une mono-utilisation (celle de leur concepteur ingénieur). Le postulat est alors que les techniciens et ouvriers locaux vont s'adapter à cette utilisation, celle-ci va alors agir comme déterminant puissant des modifications de leur travail (pris dans son ensemble technique et organisation ). Or les exemples ethnographiques montrent justement que l'utilisation des machines, aussi déterministe qu'elle ait été conçue par les ingénieurs, trouve souvent, dans des milieux locaux fortement imprégnés d'une culture technique, des adaptations, des ajustements qui peuvent aller jusqu'à en détourner la finalité. Ces adaptations peuvent aller jusqu'à des blocages, des refus ou des détournement, lorsque la machine n'est vraiment pas conforme aux structures mentales d'appréhension de la technique du technicien local ou del'ouvrier.

Cet état de fait n'est visible que dans un milieu local "techniquement fort", où les ouvriers peuvent participer à la production en intervenant sur les machines. Dans un processus technique complètement "taylorisé" , où la division du travail, et le degré de machinisme réduit les ouvriers à des rôles de surveillants des machines (comme dans le plastique actuellement) les observations que nous faisons sont bien sur inexactes. Mais l'exemple des isolats techniques, à l'inverse, montre bien que dans des milieux techniques très fermés, le conservatisme technologique peut conduire à des surprises telles que la découverte, 30 ans après, des vertus du travail en laminoir non automatisé, et de l'apprentissage long par imprégnation. Deux aspects qui ont permis justement de garder un savoir faire technique ancien.

Entre les techniques très automatisées et les isolats techniques témoins de l'histoire ancienne d'une industrie, les industries que nous 179 avons étudiés comme la lunetterie semble tenir une place médiane. Elles sont un peu les tenants des deux structures de production. En disant cela nous adoptons aussi une démarche "darwinienne" dirait Pierre Tripier. Nous le faisons en respectant le nouveau paradigme qu'il propose, c'est à dire de constituer une anthropologie du travail à partir de l'observation de l'acte de travail.

En ce sens les théories telles que celles du déterminisme technologique, sont ainsi "recontextualisées" à partir d'exemples locaux. Le propre de l'ethnologue étant de favoriser l'étude de la culture locale, ce paramètre va, contrairement à la tradition sociologique, prendre une valeur explicative plus grande. On pourrait aussi se demander si notre étude n'a pas chargé d'un poids explicatif très grand, le paramètre socio- familial? Notre point de vue est que, loin de choisir entre la valeur explicative des divers paramètres l'ethnologue, par rapport à son terrain, fait émerger ce qui lui semble explicatif. Dans le cas de l'arc jurassien le paramètres socio-familial semble important.

Pour Pierre Tripier, et pour nous aussi, la théorie ne peut être validée que si elle correspond à l'observation de l'acte de travail "en tant qu'objet premier de la connaissance et élément explicatif fondamental" (Tripier 1991:99). Pour notre part nous pensons que nous arriverons à une réelle anthropologie du travail, dont la question des savoir-faire techniques n'est qu'un élément, quand nous arriverons non seulement à la jonction entre les acquis de la sociologie du travail et de l'ethno- technologie, mais aussi des champs ethnologiques qui réfléchissent sur l'organisation sociale et les représentations symboliques.

Comment en effet dissocier la technique de son contexte d'apprentissage ? Comment penser que l'exécution d'une technique soit le résultat d'une opération "déculturalisée" voire "désaffectisée" de la part de l'ouvrier ou du technicien? Comment alors réintroduit-on cette part de relation humaine, d'apprentissage qui est toujours présente dans les entretiens de techniciens ou d'ouvriers, quand ils vous expliquent comment et par qui ils ont appris à effectuer ce geste technique ?

L'ouvrier ou le technicien sont sans doute moins fascinés par la machine et l'automatisme que l'ingénieur et le sociologue. La position d'expert que tiennent souvent ces deux dernières catégories obère une partie du discours qu'ils recueillent sur "l'acte de travail". C'est en réintroduisant cette partie, que nous viendrons à faire une réelle anthropologie du travail. La où la machine et l'automatisme supplentes l'acte de travail , le sociologue n'a plus rien à dire sinon à constater que l'acte de travail est réduit à un acte de surveillance et à un acte de 180 maintenance. La ou au contraire l'acte de travail est encore pleinement significatif, il restera toujours "humainement contingenté" dans le plus profond sens de ce néologisme. C'est en tout cas ce que nous apprennent la réflexion sur les savoir-faire techniques. Inutile de dire que nous ne ne partageons pas le pessimisme ambiant sur la pertinence de la question des savoir faire. Elle nous semble une bonne question pour traquer "l'inqualifiable" dans les techniques, et cette part résolument humaine, indéfinissable.

La question est certes moins rassurante que la description pure et simple d'un geste technique73, mais elle nous semble autrement plus "oxygénante" pour la discipline à la suite de travaux comme ceux aussi de Bruno Latour et de Lemmonier.

En introduction à sa thèse Pierre Triper parle du revirement qu'a connu la sociologie du travail dans les années soixante. D'une sociologie du travail donnant à la situation structurelle de travail elle même une "vertu explicative décisive" (Tripier 1991:7) on est passé à une sociologie mettant l'accent sur des genèses, des destins, des itinéraires non des situations mais des personnes: "Sans écarter absolument le caractère explicatif de la situation de travail, ces résultats de recherche plaidaient pour que l'ont pris au sérieux le poids de l'expérience passée, de l'itinéraire parcouru, dans l'interprétation qu'un individu, un groupe, une communauté, fait de cette même situation", (Tripier 1991: 8).

C'est finalement à la même révolution que l'observation des savoir-faire technique invite l'ethnologie. Cette invitation était déjà présente en germe dans l'oeuvre de Marcel Mauss avant que ne soient définis, peut être de manière un peu trop rigide, les champs de l'ethno- technologie, par rapport aux champs de la parenté ou à ceux de la religion. Ces éléments préhensibles dans leur interdépendances dans les sociétés traditionnelles74 ne paraissaient plus devoir être mélangés dans l'observation de notre propre société, déjà dans la tête des chercheurs, ensuite au sein des spécialités de l'ethnologie. Il n'y a guère que dans les recherches monographiques que purent être tentées des approches trans-spécialités, encore que du fait même du statut de ces recherches ont fut très prudent quant à leur généralisation. En face de cela se développa en ethnologie la même tension paradigmatique qu'il se développa en sociologie du travail et qui aboutit, sur le champ même de la constitution de ces spécialités, à la constitution de formes

73 Qu'il faut différencier de l'acte technique. 74 On peut critiquer la maladresse du concept de fait social total chez Mauss mais c'est bien ce problème qu'il voulait soulever 181 paradigmatiques qui, pour explicatives qu'elles aient été, n'en avaient pas moins un statut limité d'explicativité. Le déterminisme technologique dans l'ethnologie technique aboutit à notre sens, quand il est poussé à l'extrême, à une vision machiniste de l'acte de travail qui ne prend plus en compte le fait humain dans la technique.

Ce paradigme est illustré par certaines recherches qui se focalisent sur l'observation du geste technique sui generis postulant que son observation, la plus minutieuse possible (chronométrée décortiquée) va nous aider à comprendre, la dynamique propre à la technique alors exécutée. La décomposition du geste technique à outrance ne mène guère qu'a l'absurdité d'un geste mécanisé, perçu implicitement comme le geste d'une machine. On sait que cette décomposition à aussi ses émules dans une certaine forme audiovisuelle, il s'agit pour nous d'une position épistémologique fondamentale que d'affirmer qu'elle représente pour nous une des voies de garages les plus certaines de l'ethnologie. Ce n'est pas en défendant des positions protectionnistes de ce style que nous avancerons dans la compréhension de l'acte de travail, mais en multipliant les observations très contextualisées de celui-ci essayant en même temps d'en extraire la substance culturelle. Ces recherches monographiques ambitieuses constituent pour nous le pendant du changement de perspectives de la sociologie du travail des années soixante. Elle réintégrant l'ouvrier dans son identité totale, on comprend mieux, par la juxtaposition de ces expériences personnelles, la conception qu'ils ont de leur travail, et l'on fait donc avancer l'anthropologie du travail et non la technologie de la machine.

182

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15=

- * I NDUSTR I E DE L-A MOMTRE RUPTURE ET CONT I NJU I TES

NOS i BATÍDE TABLE DES MATIERES

1. L'horiogerie franc-comtoise l.i. La majorité bes entreprises françaises 1.2. Des cantons de mécaniciens 2. La constitution d'un modeie de production 2.1. Les villes: transformation du système technique et sociai de production 2.1.1. Frédéric Japy: intégration et concentration 2.1.2. La vi lie de Besançon 2.2. Les Montagnes du Doubs 2.2.1. Un procès de production éciaté. dans l'orbite des vi lies suisses" 2.2.2. Agriculture, pluri-activité et horlogerie 2.3. I\iord/5ud: haut/sas 2.4. Emprun t techn i que et m i 1 i eu technc-économ i aue 2.5. Un exemoie de prcto-industriaiisation? 2.5. 1500-1955: de la crise au renouveau 5. Ruptures et continuités 3.1. Premiers chocs et premières ruptures 3.2. Les années 70-50: changement technologique et surproduction mondiale 3.3. Une structure horizontale 3.4-. ¡Je petites entreprises 3.5. Quelques tentatives ce regroupement 3.5. Capital, formes juridiques et changements techno i og i ques 3.7. Rupture de transmission et rupture technique Conclusion 5ibliographie Annexe 1. L'HORLOGERIE FRANC-COMTOISE

1.1. La majorité des entreprises françaises

En 1955. l'industrie horlogére française comporte 155 entreprises. Eiie empioie 5 525 personnes. 5on chiffre d'affaires consolidé, hors taxes, est de 3.045 milliards de francs.

Cette industrie se divise en deux secteurs distincts. L'industrie de la montre est dite'de "Detit volume". Elle est repésentée par 130 entreprises. 7 261 personnes et 2.573 milliards de francs de chiffres d'affaire. L'horiogerie dite "de gros volume" regroupe i'horlogerie domestique -réveils, pendules, horioges- et l'noriogerie technique -compte-tours, compteurs de temps. interrupteurs horaires.... 25 entreprises, employant 1 554 personnes, réalisent 475 millions de chiffres d'affaires.

En 1555. sur ces 155 entreprises horlogères françaises. 55 soit 53.5 % sont franc-comtoises. Parmi ei¡es il faut encore une fois distinguer: 165

- ies fabricants de l'horiogerie de petit, voiume qui au nombre de 93 représentent 71.55*» de i'ensemoie français: — ies fabricants de l'horiogerie de gros voiume au nomore de 6 représentant 24% des fabricants français d'horlogerie de gros voiume. Réveiis et penduies sont fabriaués dans ie Jura et en Alsace. L'horlogerie technique -programmateurs. compteurs- est pius disséminée sur ie territoire national.

Au sein de l'espace franc-comtois. l'industrie de la montre est largement dominante puisqu'elle représente 93 des 99 entreprises horiogères de la région et 6 046 de ieur ö 537 employés. La répartition des spécialités fait ia part belie au Doubs pour ce qui de l'horiogerie de petit voiume. Ceci n'exclut pas pour autant i a présence ae fabricants d'horlogerie de gros voiume dans ce aépartement. Ainsi en y trouve des proaucteurs de penduies et penaulettes -Emont. Maty. L'Epée-. de penduies murales -Barostar. Altitude. Maty. Fanchet. Schiumbergei—. d'horloges de parquets -Alonet. Prêtre-. de réveils —Fraisen. Maty-. d'horiogerie industrielle -Schiumberger. 165

TABLEAU Uli 1 Nombres d'entreprises e_L effectif SD. franee. gejJLL. e_L SLQ5. volume su 31/12/1955

Rn51 ON NOMBRc D' erre- rirS ENTREPRISES Petit oros Petit öros Voiume Voiume vo i urne Vo1 urne : Franche Comté S3 6 046 451 ! Région parisienne 16 454 62 ! i-chone-A i oes 371 45 ! Alsace 5" 71 ! Picardie 123 ! Auvergne Bourgogne Champagne Haute Normandie rao 1 Midi-Kvrénées Pays de Loire Poitou Charentes Provence Cote c'Acur

1 1 TOTAL IJO 7 251 ¡ 1 564 !

Source: Chambre française ae i'Horloeerie et aes M i ero tec'nn i aues 150

IucLcâU Ni 2 Chiffres d'affaires gros et, petit vo i urne en francs, pon consol i de ajj 31/12/59

Rea I ON CHIrrrcc.3 D'ArrAlRE

Petit Vo i urne 5ros va iurne

Franche Comté 2 575 554 OOO 115 355 'OOO

Reg i on par i s i enne 220 013 •000 20 455 OOO

Rhone Aipes 45 355 OOO 22 455 OOO

Aisace 2O0 3 5 OOO

Reste 207 7 9 OOO '•

TOTAL 3 035 544 000 475 553 000

Source: Chambre française de 1 'Horioeerie et des M i erotechn i aues

Répartition des effectifs horlogers franc-comtois entre petit SI gros vpjurne, entre D^uas £1 Jura. 15(5 iejj %±

uoucs jura Petit Volume 55.7 0.7

5ros volume i i. ( ¿.— . J

lotai 55.4 w » c>

Source: Ministère du travai i 1.2. Des cantons de mécaniciens

La localisation des entreprises horiogêres peut apparaître relativement dispersée puisqu'elle couvre outre une bonne partie du Doubs. une partie du Jura et de la Haute 5aone. Cependant 3 cantons du Doubs concentrent prés de 72% de l'activité horlogère du département: Besançon sud avec 15.49b des entreprises. Malcne avec 25.7%. Morteau avec 23.8%. Les autres cantons ne dépassant pas 7%.

Cependant ces chiffres prennent des sens différents si i'on regarde le taux de i a population active occupé à i a construction mécanique et l'activité principale de chacun des cantons: - le canton de Besançon sud a pour activité principale ies sévices non marchands et seuls 5.4% de ia population active ayant un emploi travaille dans la construction mécanique: -ie canton de Maiche est industriel puisque 57% de la population active ayant un emploi est dans le secteur secondaire. L'activité construction mécanique est la première de toutes les activités avec 36 % de cette population: - i 1 en est ae même du canton de Mcrteau avec 57.3% de i a population active ayant un emploi travaillant dans ie secteur secondaire et une industrie de ia construction mécanique employant 33.6% de cette population: - ie canton du Russey qui ne regroupe guère des inoustries horiogêres du Doubs (2.5%) est par contre dans ia même situation eue i es crécèdents avec 42% et 20.9% de la population active ayant un empioi: —dans le canton de Pierrefontaine, activité agricole et industrielle s'équilibrent: 35 et 32% mais ia construction mécanique est ia première des industries avec 11.5?»: -dans le canton de Vercel i a première des activités est l'agriculture, la construction mécanique représente 10.3%.de ia population active ayant un empioi.

Seuls du Doubs. les cantons de Maiche. Le Russey et Horteau sont principalement occupés a l'industrie mécanique. Les différents cantons de Besançon varient entre 5.4 et 10.32% ae ia population active ayant un emploi. En France ce chiffre est de 2.4%. 1S3

TAnT HAU b£4 Répartition des salariés se i on la catégorie. socio-professionnel ie go 1557. Ensemoie QS£ activités.ten %i ¡Aire géograhiaue •rranee r ranche-Comté lie oe Rhone-A 1 ces ¡ * « * France ¡ Catégorie ¡ socio-prof. ¡Chefs d'entreprise 1 1 0.9 1.1 ! ¡Cadres.professions ¡intermédiaires 10.4 5.4 19 5.Ö ! ! super i eures ¡Professions 20.4 15.7 24.7 20.7 ! 1 intermédiaires ¡Emp i oyes 23.2 17.7 25.7 20.7

¡Ouvriers qualifiés 50,4 39.3 20 •5-3 3 ' i 1 1 1 ¡Ouvriers non 14.5 20.9 c .7 15.7 ¡ quai if iés ¡ Source: ihBcr;

TAELçAU ÊU5. Répartition de_s sajarles selon la catégorie socio-professionnel le eu 135' , Construction mécanique ±sn ^J-,. Aire géograhiaue rranee .Franche-Comté 1 ie de Rhone—A1 pes * * * France Catéeorie socio-prof. Chefs d'entreprise 1.2 1.3 1.4 1.1 !

Cadres.profess ions i n termed i a i res 10 ! 4.9 2'0.2 10.3 ! supérieures

Professions 19.9 13.3 25.4 21.4 I intermédiaires

Emp1oyés 10 5,5 14.7 9.5 !

Ouvriers qualifiés 44.4 Ow • Í? 29.6 41.3 ! 1 | 1 1 Ouvriers non 14.5 Ow * J 5.5 15.4 ! quai ifiés

Source: INEcr. 194

TABLEAU Nl¿ Population active agricole par rapport à la population active totaie en 1982 len %)

¡Canton ¡Population active agricole/! ! population active totale ¡ 1Amancey ¡ 42.1 ! ;Audeux 7.6 ! ¡Audincourt 0.4 ! ! Baume Les Dames 14.3 ! ¡Eesançon Nord-est 0.5 ! ¡Besancon sud 2.2 i ¡Besançon est 0.6 ! ¡Besancon ouest 0 i ¡Eesançon nord-ouest 0.5 ; ¡Besançon Pi anoi se 0.4 ! ;Boussiéres 5.2 ! !C1erva1 ¡ 20.3 ! ¡Etupes 1 ! ¡Hérimoncourt o.5 ! ¡Isie/Doubs 5.3 ¡ ¡Le Russey 29 ! ¡Levier 29.6 • ¡ ¡Haiche 12.7 ¡ !Marchaux 5.6 ¡ ¡Hon tbé1 i ard oues t 2.2 ¡ ¡Montbëliard Est 0. j ¡ ¡Montbenoit 28. B ! ¡Mor teau 7 ! ! Mouthe 19.1 ! ! Omans 13.6 ¡ ¡Pierrefontaine ¡Les Varans 33.4 ! ¡Pontarlier 5.4 ¡Pont de Roide 4.7 ! ¡Quingey 21.8 ¡ ¡Rougemont 29.2 ¡ 1Rou i ans 16.7 ¡ ¡Saint Hippolyte 25.5 ¡ ¡Sochaux 0.1 ¡ IValentigney 0.4 : IVercel 21.3 ! ¡D0UB5 6.3 ; ¡FRANCE 7.5 ! Source: INBcti. recensement de la population 1952 1S5

IûBLEûL! Mil Population des artisans EST rapport à la population active totaie en 1332 isn *> . EST canton

Canton Population des artî sans/ population active totale . Amancey 4.5 Audeux 4.5 Audincourt 2.7 Baume Les Dames •3 9 Besançon Nord-est ¿^ • ^7 Besancon sud 4.5 Besancon est 2.4 Besançon ouest 2.3 Besançon nord-ouest 2.4 Besançon F i anoi se 0,5 Boussiéres 4.3 C i erva1 ! 5.7 Etupes 10.1 Hérimoncourt 3.2 Isle/Dcubs 3.2 Le Russey 5.1 Levier 5.5 lia i ene 5.1 Marchaux 3.5 lion tbè i i ard oues t 1.8 Montbéliard Est 1.5 Montbenoit D Morteau 4.5 Iiouthe 5.5 Omans 5.5 Pierrefontaine Les varans 5.1 Fontarlier 3.S Pont de Roide 3.2 Quingey 7 Rougemont 4.9 Rou i ans 4.1 saint Hippoiyte 4.3 Sochaux 1 Vaientigney 2.9 Verce1 4.5

DJU35 3.4 ¡rt-tANCE 3.4

Source: IIM'SEC. Recensement de la DODU i at ion 1952 TABLEAU N-8 Population des chefs d'entreprise de. pi us de. lv_ salariés rapport à lg population active totale en 1952 »en %> . canton

¡Canton •Population aes chefs d'entre 'se/population active totaie. 1Amancey 0.7 ¡ i Auaeux 0.9 ¡ ¡Audincourt 0.2 ! ¡Baume Les Dames 0.7 ¡ ¡Besançon Nord-est 0.4 ; ! Besancon sud 0.6 ¡ ¡Besançon est 0.9 í ¡Besançon ouest 0.4 ¡ ¡Besançon nord-ouest 0.2 ! ¡Besançon Pi anoise 0 i ¡Boussières 0.5 i ! G1erva1 ! 0.2 ! ¡Etupes 0.2 : ¡Hér i moncour t 0.2 ; !lsle/Doubs 0.4 i ¡Le Russey 1.05 ' • ! ¡Levier 0 ; ! Maiche 0.9 ! !Marchaux 0.7 ¡ ¡Montbéiiard ouest 0.2 ; ¡Montbéiiard Est <. 0. 1 ! ¡Montbenoit 0.2 ! ¡Morteau O.B ¡ ! Mouthe 0.5 ¡ ¡ Omans 0.5 i ¡Pierrefontaine ¡Les Varans 0.4 i ¡Pontari ier 0.5 ¡ ¡Pont de Roide 0.2 ¡ ¡Quingey 0.5 ! ¡Rougemont 0.5 ¡ !Rou i ans 0 i ¡Saint Hippolyte 0 ¡ ¡Bochaux 0.2 ; !Valentigney 0.2 ! ¡Verce1 0.2 !

i i !D0UB5 0.4 ; ! FRANCE 0.4 !

Source: IN5EE. Recensement de ia population 15E2 1ST

TABLEAU NF 9 répartition des entreprises hör loseres CSX. canton e_L trancnes g'effectifs

Effectif ! non 0-9 ! 10 50 ! 100 SJO ¡Total Canton ! connu ! à à ; à à ! 49 99 :i99 999 Audeux ! 1 3 ! 1 ! 1 ¡ 5 Baume Les Dames 1 Sesançon vi lie 2, 15 ! B 3 ! 1 1 ! 31 ¡ Besancon Sud 1 Boussières 1

Hérimoncourt 3 w i Le Russey 2 3 5 ! Ma1che 1 21 17 5 '4 50 !

Marchaux 4 5 ¿L 1 12 ! Montbeliard f 1 3 ! Montbenoit 1 1 Morteau 23 7 3 5 40 Í Mouthe 1 1 ! Pierrefontaines 1 3 2 5 ! Fontarl1er 1 1 ! , Font ae Roide 1 1 ! Vercel n 1 4 1 TOTAL 5 53 . 43 19 13 1 ! 153 1 3 49.4i 25.5 11.3. 7.7 0.5 !100.5 ! Source: IN5EE. fichier SI REHE, décembre 1990 195

TABLEAU NalP Répar t1t i on dss entreprises nor i oaeres par , tranches d'effectifs _L£D %1

1 1 Effectif 1 non í 0-9 10 50 .ICO 200 .500 .Total Canton ¡connu¡ à à ä à à 49 99 199 499 999 Audeux ! 15.51 50 15.5 15.5 99.8 Baume Les Dames ! :i00 100 ! Besançon vi 1 le i 5.4¡5l.5 25. S 9.7 3.2 3.2 99.9 ! Besancon Bud 100 ICO ! Boussiëres ! ¡ 100 100 ! Hérimoncourt î : 100 ICO !

i-e t-iussey 40 50 100 ! Malche ! 2 ! 42 34 12 5 ~> ICO ¡ Marchaux ! i 33.341. 7 15.7 £.3 ICO ! Montbéliard ! ! 55.7 33.3 ICO ! Montbenoit ! ¡50 50 ICO í Morteau ! ! 57,517. 5 7.5 12.5 5 ICO ! Mouthe ! 1 ICO 1O0 ¡ rierrefontaines 15.71 50 33.3 ICO ¡ t-ontari i er ; lOO ICO ! Pont de Roide ! lOO íoo : verce 1 ¡ 50 25 25 lOO ¡

TOTAL > 3 ¡49.4 25.5 li.3 i • i 2.9 0.5 100.51 l Source: INSce,. rich i er BIRCÎMC uécembre 1590 155

TABLEAU N°ll Répartition spatlaie des entreprises nor i oeeres QU QOJJQS EâH canton ten%)

i Effectif/Effectif total Canton Auaeux ! 5.6 Baume Les Dames ¡ 0.5 Besancon vi i le ! 6.4 Besancon 5ud , 15.4 Boussiéres . 0.5 Hérimoncourt 1.6 Le Russey 2.5 Maiche Marchaux 7.1 Montbéliard 1.6 Montbenoit 1.2

Morteau J.^i. C Mouthe 0.5

Fierrefontaines w • wO Fontarlier 0.5 Font de Roide 0.5 Verce 1 2.3 Source: IN=nn. fichier sIREI-in. aécemore 1550 2'JO

2. LA CONSTITUTION D'UN MODELE DE PRODUCTION

Alors que l'industrie hcriogere comtoise représente aujourd'hui ia majeure partie de i'horiogerie française, aiors que cette activité a été longtemps emblématique, elle a une origine récente et exogène. Cette origine a des modalités différentes seion les parties du département. Les formes qu'ei ie va prendre varient entre concentration et dissémination, bouleversement au milieu iocai ou adaptation à ses contraintes socio-économiques.

A sa naissance, elle est localisée dans deux villes du bas-pays où lui pré-existe un artisanat nor i oser: Eeaucourt alors dans ie Haut Rhin et 5esançon.

2.1. Les villes: transformation du système technique et social de production

2.1.1. Frédéric Japy: intégration et concentration Frédéric Japy nait en 1749 à Montoéliard. En 1755 il fait son apprentissage chez un hcricger du Locie. en Suisse. 201

Par ia communauté de la religion reformée, ies relations entre le Pays ae Montbéliara et ia suisse sont courantes.

Puis . toujours au Locie.il travaille dans un atelier spécialisé dans les machines-outils. Il revient ä Beaucourt en 1770 où il installe un petit ateiier d'horiogerie aont il exporte ia production en Suisse. ii s'installe ensuite dans la propriété de son beau-père à Montbéliara. En i 776 il achète les machines de son ancien patron suisse J. —J. Jeanneret—oris et crée lui-même 10 machines pour fabriquer 52 pièces d'ébauches différentes. En 1777 il s'installe définitivement a Montbéliara. La réalisation mècaniaue des ébauches provoque une baisse du coût de proauction et met en péril l'artisanat. il approvisionne i'inaustrie suisse en ébauches de façon quasi-exclusive jusqu'en 1793 où ces derniers créent ieur propre fabrique d'ébaucnes a Fontainmelon. En 1500. 100 COO ébauches sent produites par an: en 1500 750 0O0 dont 75% sont exportées vers la Suisse

Ainsi Frédéric Japy révolutionne: -ie système social de cette fabrication avec la creation d'une unité de production de taille importante puisqu'en lcOi i 1 emp i o i e 300 ouvr i ers. -le système technique de fabrication des ébauches avec leur fabrication mécanique et donc ieur interchangeabii i té.

Cette imbrication entre le développement ces machines outiis et i'horlogerie n'est pas son seul fait. La mise au 202. point, ie travail et l'ajustage oes pièces et des engrenages constitue des compétences techniques aptes au développement de i a machine outil qui rencontre des problèmes similaires. Ce développement rejaillira sur d'autres secteurs de l'industrie. En 1725 Fardoii. un horioger anglais met au point une machine à tailler les limes. Ii utilise une vis sans fin pour déplacer un chariot porte-outil. En 1765. John Day encore un horloger anglais conçoit la navette voiante et construit ie premier métier à filer avec un confrère. Ricnard Arkwright. Vaucanson . ingénieur des Manufactures de scies du Royaume utilise ses travaux sur ies norioges et automates pour mettre au point un métier à filer ia soie et a tisser ies étoffes façonnées, un tour à tirer ia soie, une machine à faire ies chaînes, un tour â charioter. une machine à percer et à fendre, une fraiseuse.

De pius. au cours du XVI i le siècle. Frédéric Japy intégre dans ses ateliers toutes les étapes de fabrication de ia montre. Jusque ià. 1'établissage se faisait par parties brisées, chaque fabricant ayant son reseau de producteurs. En 1555 ia production journaiière de Japy est ae l ECO montres.

2.1.2. La viiie de Besançon A Eesançon. ie 13 Prairiai de l'An il '.1er juin 1754;. nait une manufacture d'horlogerie à ¡'initiative du suisse Laurent Hégevand. proscrit Du Locie. il est soutenu par ies Montagnaras qui mettent à sa disposition des bâtiments ¿UJ

nationaux, des prêts sans intérêt.

Une interprétation qui donne le fait politique comme cause de l'installation et du développement de l'industrie horlogère bisontine a longtemps fait autorité: proscrit il aurait été accompagné ou rejoint par quelques centaines d'horlogers répuDileains du Loe le et de La Chaud de Fonds: "Comment cette importante industrie, s'est-elie étaDiie a Besancon? En 1793. un certain nomore de citovens suisses, proscrits de leur pays, par suite oe dissensions politiques, vinrent s'établir à Besancon" iMurton 1555: 32;.

Mais le projet de Mégevand. visant à instal1er un atelier d'horiogerie en Franche Comté date de 1792. date a laqueiie il adresse, alors qu'il n'est pas encore proscrit, une demande en ce sens aux administrateurs du Doubs. L'implantation est aiors envisagée à Morteau. Ce projet ne verra pas le jour iFohien 1952: 251;.

De plus le flux migratoire horloger n'est pas exclusivement iié a Mégevand puisque, sur un corpus de 1550 hommes, femmes et enfants dressé en l'An II et i'An VI: -35 horlogers arrivent en 1753: ils sont nés dans ia montagne jurassienne ou sur les piateaux du Jura: ils ont séjournes en Suisse avant de venir à Besançon: -des immigrés horlogers suisses ne travaillent pas peur Mégevand mais a domicile ou pour d'autres etabiisseurs. 2oa

Enfin il ne s'agit pas d'une seule immigration politique puisque 7.6% des chefs de famille et 4.1% des célibataires sont décrétés de prise de corps ou de bani ssement. Four C. -I. Erelot ilSS9>, cette émigration apparaît comme ie résultat de la pression démographique oui régne à Neuchatei et du système corporatif en vigueur à ôenève. Far ailleurs, i i est vrai que Laurent Megevand organise une vaste campagne de débauchage. La République française promet 2 mois de sa i ai res. la gratuité du transport, une avance de 5000 marcs-or pour la fabrication des boites, un logement gratuit pendant six mois, les mêmes droits et ¡es mêmes devoirs que les citoyens français, une exemption partielle de la conscription. Des prospectus clandestin sont envoyés Au Locie ^Barreiet 1563;. Il est vrai que la République importe aiors 12 OOO montres représentant de 15 à 15 millions oe francs.

Les autorités politiques essaient également de favoriser des transferts de compétences : subventions versées pour tout horloger suisse qui aurait formé un élève français, gratifications aux jeunes femmes françaises qui s'étaDlissent comme horiogère afin d'inciter les suisses à se marier et se fixer en France.

Megevand fit faillite. Des horlogers suisses retournent dans leur pays, d'autres s'étaolissent à Besançon, des ouvriers français continuent ieur métier. Le passage de Megevand est considéré comme l'acte ae naissance ae 205

l'industrie horlogère bisontine puisqu'il y introduit la fabrication industriel le des montres en France, alors que jusque là les artisans horlogers français oeuvraient à la main par un même homme. Dans ie chateau de Beaupré, cú i 1 a installé la fabrication des éoauches. Mégevand a pour matériel : - un laminoir avec cylindre de 0.15cm: - un cric à renforcer ia puissance pour étirer ia filière: - de fortes cisailles â levier: - un tour â couper les bandes de laiton: - un tour à creuser i a rainure des potences sur une bande de laiton préparée à i a fiiiere vet irage aemi pi at;: - un tour a creuser i es barillets: - un tour a creuser les roues de cnamp: - un tour aux roues de fusée: - un tour à faire les piliers polygonaux ce cage: - un tour a fendre ies roues: - un tour a tailler i es fraises: - un balancier à découper: - un tour ä percer ies trous de toutes dimensions len 3 secondes un trou de 6 mm d'épaisseur;: - une machine à faire ies petits vis (200 doucaines en ö 1/2;.

Dans la lettre qui propose cet outillage à une entreprise genevoise. Hègevand insiste sur ia simplification du travail produite par CGS machines iiée à la petite métallurgie de transformation. Les pieces produites 20E

étant interchangeables, leur montage est pius faciie.

Il y a en suisse tendance à ia spécialisation dés ie milieu du XVII¡e. En 1755 un recensement genevois distingue lö spécialités. Ce sont les horlogers ic'est à dire les termineurs; . i es monteurs de boite. i es cadraturiers (fabricants de montres à répétition; . les faiseurs d'aiguiiles . ies faiseurs de bandes (.phase préparatoire au découpage;, les faiseurs de cadrans, ies faiseurs de pignons. ies faiseurs de ressorts. ¡es faiseurs de timorés. ies faiseurs de verges. ies iisseurs . ies poiisseurs. ies polisseurs d'acier. ies coreurs. ies penauiiers. ies marchands horiogers. les professions communes à la fabrication des boites et à i'orfèvreriei iapicaires. emai1ieurs. graveurs, gui ilocheurs;

Au mi iieu du XIXe une dizaine de branches nouvelies apparaissent. Il s'agit des fabricants de balancier, fabricants ae cyiindre. faiseurs de oentures. fabricants d'échappements ^qui faisaient les pieces autres ies cyiindres;. finisseurs de charnières, polisseuses oe vis. faiseurs de ressorts ce coite, fabricants ce spiraux. TAcLEA'J bü 12 Menores passant EST. is tUT£3U 02 Pgrsr.tJS OS. sessr.CSn

An I I 3 734 ! An I I I 14 iSE ' An IV 11 J07 ¡ An V 15 553 ; An VI 15 324 ! An VI I 9 470 : An VIII- 12 945 ! An i X ^ 545 ; An X 21 ~*j£í ¡ An XI 25 /Ctr ; An XI I 25 259 ! An X i I 20 155 I 1520 30 000 ! 1S25 50 COO ; 1537 43 923 ! 1545 54 152 ! 1547 55 COG 1Ö34 i- del CO1 000 i 1555 150 165 ! 1554 300 000 ! 1555 305 405 ! 1557 • 334 COO ; 1574 395 OOO 1575 419 OOO ! 1575 455 915 1575 454 555 ! 1552 491 400 . 1553 499 255 : 1554 455 050 1555 352 530 ; 1557 345 041 1555 359 247 !

Source: Isambert, 155a JJC

2.2. Les Montagnes du Doubs

Mais l'industrie horiogère ne concerne pas te seul bas-pays et n'a pas pour seuie organisation du travail ¡a manufacture. Happeions que Marx ilcôT: 254 sa; localise dans i a chaîne jurassienne suisse, opposée à Genève, son "exemple classique de la manufacture hétérogène". il cnoisit la fabrication des montres pour l'illustrer. Ii ccnsiaere ce type d'ouvrier ni comme un artisan indépencant. ni comme un ouvrier d'usine et liera iors de ia scission de la première internationale cette organisation du travail et i'anarchisme jurassien. Certains tenteront d'étabiir une corrélation entre le mode d'organisation du travail dans ies montagnes suisses et les grands thèmes de 1'anarchisme teile qu'ii se définissent dans ses positions quant â l'organisation de ls première internationale iVuilleumier 1955)

2.2.1. Un procès de production éciate. dans i'orbite des vi 1 les suisses C'est dans ia mouvance de i'horiogerie suisse et de son organisation du travail que naît donc l'inoustrie horlogers dans la montagne du Doubs. Au XVIe et au XVI le siècies. ia fabrication des montres est une activité ae type urbain en Suisse. Elle est fabriquée par des orfèvres qui se limitent a ia vi lie de Genève. Pendant le XVI le siècie. I'horiogerie se développe â Genève jusqu'à occuper en 1700. la première place des exportations de ia ville. Elle a été aioee par l'immigration française. flamande et anglaise. Les maîtres horlogers genevoix dominent la fabrication de i a montre en fournissant le capital, en organisant ia production et en se chargeant de la commercialisation. Ils ont recours au travail d'artisans: fabricants de boites, fabricants de mouvements, graveurs, peintres sur émail... Au XVI ! le siècie. avec l'élargissement du marché de ¡a montre, i i y a implantation et dispersion de l'horlogerie dans la partie romande de la chaîne jurassienne. Les maîtres genevois font exécuter certains travaux hors de ia ville dans le pays de Vaud. Si cette implantation ne prend guère dans cette partie de ¡a chaine il en est tout autrement du Jura neuchateiois a ia fin du XVI le siècle. Le développement est rapide avec 5O0 personnes employées dans I'horlogerie r.euchateicise vers 1750 et 3 500 à la fin du XVI i le siecie '.Chiffelie 1355;. Cette industrie naissante a bénéficié seien les historiens, de nomoreux avantages comme un travail de qualité par la pratique ancienne de l'industrie du fer. une main d'oeuvre bon marché par ia grande disponibli 1ité du paysan-éleveur durant la morte saison. i'absence de corporations et ce réglementations restrictives. Dés ia fin du XVIIie. les entrepeneurs neuchateiois eciipsent la precuction lémanique par ia vente de montres soi ides mais pius populaires, moins chères.

C'est i a période de i'établissage où i'étaoiisseur fait confectionner ies pièces ou i a montre entière par des "paysans horlogers". ¡1 distribue ie travail, finit les 2lO

pièces et assemble ies montres. Parfois son roie se reauit à ¡a distribution du travail et a la commercialisation. Cette organisation du travail se répandra dans tout ie Jura romand. Dans les Montagnes neuchateloises en 1570. les 2/3 de ia main d'oeuvre horiogére travaille à domicile. C'est aurant ia première moitié du XIXe siècle que les établisseurs recrutent dans ies montagnes du Doubs lorsque les vi lies suisses frontalières deviennent des centres horlogers. Suzanne Daveau remarque que "dans son ensemble l'inaustrie horiogére du Jura français est une filiale de i'industrie suisse. L'horlogerie du Doubs est donc une activité ruraie et occupe ae nomoreuses familles paysannes. En 1650 ¡'annuaire au Dcuos recense 152 fapriques et ateiiers divers d'horiogerie dans ie département dont 55 dans le canton du Russey. 26 dans celui de Haiche. 24. dans ceiui de Morteau. et 22 dans ceiui de Fontarlier. 73% des ateliers sent donc situés dans la montagne et sur les hauts plateaux.

L'horloger est souvent un double actif. Il est présenté comme un paysan qui cherche dans ie travail à domiciie un complément économique. De ce fait. la maison traditionnelle au montagnon. fermée, protégée du froid par uri revêtement en bois et une vaste grange pieine de foin . fermant un i sciant thermique, dans iaqueiie betes et hommes voisinent, des mlurs épais et de faibles ouvertures se transforme par ie percement et j'élargissement de fenêtres pour CDtenir pi us de lumière, "phénomène inhabituel dans l'architecture rurale traditionnelle" ^Royer 1575;. r abrigues et, atei iers divers ci'hör ioaerie e_i Q prés i s i en, csx canton

Besancon 29 Montbéi iara w> Audincourt 1 51 amont 5 Le Russey 5D Maiche .10 5t Hyppo1 i te 11 Fontarlier 22 Montbenolt 1 Morteau 24 Mouthe 5 TOTAL 152 Source: Annuaire du Doubs Dour 1550 211

2.2.2. Agriculture, pluri-activité et horlogerie On peut se demander pour quel le raison, sinon sa proximité avec la Suisse, cette industrie s'est développée dans cette région. Certains y ont vu 1'effet conjugué des conditions naturelles et d'une qualification innée: la seconde étant parfois considérée comme une conséquence de la première: "Comment la fabrication de la montre s'est-eile établie dans ies montagnes du Jura? ... i i est evident qu'il a fallu d'abord que cette industrie rencontrât un terrain favorable, un gout inné chez ies habitants, pour l'industrie mécanique. des aptitudes particulières, l'amour du travail, la persévérance, l'application de la pensée, i'habileté des doigts et enfin des conditions accessoires heureuses, le calme et i a solitude des montagnes, les longs hivers, la séparation forcée par ies amas de neige. 1'aosence de toute distraction et ia nécessité ae gagner sa vie" i Murton 1555: 14;.

On pourrait y voir ie résultat d'une tradition tecnnique remontant au moins jusqu'à l'Ancien Régime, s'appuyant sur ies ressources i oca les: sabie vitrifiabie. fer. bois et eau. 11 est vrai que l'on trouve au milieu du XVI i le siècle toute une série de martinets dans cette région: Vauclusotte. Consolation. Montlebon. Longeville. La ûrand Combe. Les Cras. Maison du 5ois (Lassus 1950;. Mais la plupart de ces établissements existent encore vers lcc5. i i n'y a donc pas substitution. De pius l'existence d'une tradition tecnnique n'implique pas qu'elle se perpétue. Tout au pius peut,—el ie être un facteur à coté de facteurs sociaux et économiques. Suzanne Daveau il959> retient trois facteurs qui ont contribué seion eile à la réussite de ¡'activité horlogère a domicile dans le haut Doubs: c'est une region relativement surpeuplée qui se trouve en rapport facile aves une autre région déjà horlogère. Siie ajoute pariant au coté suisse que la petite propriété est un atout favorable.

Puisque i'horloger serait aussi un paysan, il faut donc chercher du coté des structures agricoles des montagnes du Doubs des éléments de réponse. C'est au cours du XIXe siècle que s'opèrent les spécialisations agricoles de différentes régions du Doubs: les piateaux et la montagne se tournant vers 1'activité pastorale et frcmagère. alors qu'au début du siècle i es labours sont présents aussi bien dans ie naut que dans ie bas-pays. Dans un premier temps i es petits paysans, s'appuyant sur i es communaux et ies oroits d'usage collectifs. sont intégrés dans ce mouvement de spécisiisation. Fuis peu à peu ies pius gros propriétaires prennent le controle des fruitières. ies tournent d'organisation sociale de conservation ou i ait et d'autoconsommaticn. vers le marché. Parfois i is excluent physiquement ies petits paysans. Ces oerniers chercheront alors dans le travail à domicile le complément économique que ne peut pius ieur offrir i a communauté ou i a fruitière dont i i sont progressivement privés U-layaud 1955:. Ceci expliquerait donc ie développement de 1'horlogerie a domicile -^

s ce moment. Drecis. au moins DOUI toute ia zone oui va du canton ae Mouthe au sud. à ceiui de Marteau au nord.

Par contre i es secteurs du Russev et de Maiche sont en denors de la zone traditionnelle de i a fruitière: et au XIXe siècle ia multiplication des fromageries cans i'arrondissement de Montbèiiard est surtout due à i'initiative Drivée. Peut-être fsut-ii voir ¡a. dans ia spécialisation horiogere une répense au oéciin au tissage a domicile qui iaisse peu à peu oiace à un regrcuoement en manufacture: les entreceneurs invitant i es tisserands a abandonner ieurs activités agricoles.

2.3. Nord/Sud; Haut/Bas

Les voies cT implantation et de développement de i'horlogerie diffèrent donc entre ie bas-pavs et ia zone montagneuse. D'un coté ce sont les migrations qui sont à l'oeuvre dans 1'imolantation de cette activité: ae ¡'autre se confrontent une demande accrue de montres et un besoin d'activité complémentaire pour resonare s i 5 montee ae i'individualisme agraire et à i'abandon au tissage à domicile. D'un coté ies migrants vont oouieverser ¡es structures sociales et techniques: de i'autre c'est ie enangement socio-économique endogène qui favorise i'aacption d'une activité nouvelle. Nous voiiâ donc, d'une certaine manière confrontés aux ceux grands modèles d'interprétât:or. anthropologique: ie modèle migrationniste et ie modeie ae déve i oppement endo nene.

La disLinctíon se fait également par ies structures de production, caractérisées par des unités de production importantes dans ¡a région de Montbéiiard. Ainsi en 1544. seuls 5 des 27 ateliers d'horlogerie, d'outils d'horlogerie, de ressorts et mouvements divers recensés par i'Annuaire départemental du Doubs (.251-253; ont pius de 100 salaries, lis sont tous dans ie nora-est du département, i i s'agit ces: - "Fabrique d'horlogerie et mouvements divers" oe Mr Roux, sous la raison sociale "Vincente et Cie" s Mor.tbéi iarc avec 220 ouvriers: - "Fabrique d'hcriogerie" de M Marti, sur 1'Aliun. a Montbéiiard avec 140 ouvriers: - "Fabrique de mouvements de pendules" de MM Japy Frères à aadevel avec 6O0 ouvriers; - "Fabrique d'cutils d'horlogers, de bijoux et d'orfèvrerie" de MM Pouiignot. öueutal et wuéiet a Montécheroux avec 250 ouvriers : - "Fabrique de grosse horlogerie et de fer battu" de M Louis Japy fi is a Seioncourt avec 2O0 ouvriers.

C'est parmi ces "grasses entreprises" que l'ont trouvent ies seules unités de production utilisant i'énergie hydraulique ^Marti. Japy Frères. Louis Japy Fils; ou la machine à vapeur ^Japy Frères en 1544: Japy Frères. Marti. Roux. Four ie reste, se trouvent une fabrique ae 4 ouvriers a Thiébouhans. une de 4 à Damprichard. 15 entre 1 et il ouvriers aux öras. 3 entre 20 et 30 ouvriers à Ch3rquemont. une de 40 à Sainte Suzanne et une de S3 à Morteau: cette dernière étant l'ancienne école d'horlogerie. De pius le travail à domicile n'est pas ici pris en compte.

A Besancon, on trouve 2 O00 ouvriers mais repartis en ateiiers "disséminés au sein d'un certain ncmcre de familles is plupart d'origine suisse" i Annuaire départemental du Dou'os 1544: 255i. . Ainsi ie départ de Mégevand aurait sonne le gias du recoupement en manufacture. Le travail ne serait Dien sur plus celui de i'artisan-horloger mais divisé en un grand nombre de spécialités techniques comme au sein de la montagne. Ainsi i'organisation technique, économique et sociaie du travail oppose d'un coté ie nora-est de la Franche-Comté av^c ses unités de production importantes au reste du département i ieu de ia "manufacture hétérogène" mais aussi au catholicisme et ae ¡'horlogerie ae petit voiume.

Besançon et Hontbéiiard se différencient également, tout au long eu XIXe siècie par leur prccucticn. Alors que Besançon fabrique ses propres montres. i a region de Hontbéiiard est surtout connue pour sa production de pieces détachées. Besancon est orienté vers une production ae montres de iuxe. au contraire de Hontbéiiard. Ce ieur cote. i es faoricants de pièces détachées -ébauches, verges, cylindres et pignons de montre, roues d'échappement a 217

cylindre et à ancre- ae la montagne travaillent beaucoup pour ia Suisse, aiors que ceux du cas-pays expédient leurs produits à Besancon et à Paris. Ainsi nombreux sont les fabricants des 5ras dont ¡a moitié de ia production en vaieur est exportée vers la Suisse i Annuaire Départemental au Doubs 1644 ;. L'horlogerie du Haut Doues demeure conc dans i'oroite oel'horlogerie suisse. Le Das—pays s'indigne oe cette concurrence. Pourtant tout avait été tenté pour enrayer l'expansionnisme des établisseurs helvétiques. Afin d'éviter la concurrence et la contrebande —les montres suisses fabriquées partiellement dans ies ateliers ae la montagne devenaient françaises et évitaient ies iouraes taxes douanières- les douanes interdisent ies fabriques d'horioge dans la zone frontalière. Les populations frontalières sent sacrifiées au développement de la manufacture ae Besançon. Les plus pauvres exclus de la fruitière n'ont pi us ie secours du travail à domicile. Une veritable crise s'installe: le conseil municipal de Morteau évoque ia disparition de 1'horlogerie et constate que le cinquième aes habitants de ia commune est considéré comme indigent. En 1634 lorsque l'interdiction d'importer des montres suisses est ievèe. les ateliers d'horlogerie renaissent progressivement.

La naissance de l'industrie horiogére du département du Dcubs. est récente mais aussi le fait d'agents extérieurs ou d'agents formés a l'extérieur ou du ceveioppement d'une industrie étrangère. Zl£

2.4. Emprunt technique et milieu techno-economique

La circulation des tecnniques ei aes hommes iiés à 1'horlogerie va donc dégager trois types de structures de production dans ie Doubs: - la région de Hontbéliard caractérisée par ia concentration verticale tant aans le domaine de ia grosse horlogerie -ce qui est encore ie cas aujourd'hui pour cette industrie en France- que des pièces détachées ^ mouvements, ébauches, assortiments, pignons, spiraux, rubis; ou des montres len 1593. Japy produit 1 500 montres/jour). Cette région va. au cours du XîXe siècie. disparaître de la carte hcriogere par ia perte des débouches suisses, par une grande sensibilité des grandes entreprises aux crises horiogères. par i a concurrence d'activités nouvelles teiies 1'automobile qui donne de meilleures conditions d''empioi.

— la région de Besancon où se fabriquent prine ipaiement des montres soignées de toutes catégories: montres compliquées et petits calibres, chronomètre. Les fabriques de pieces détachées sont spécialisées dans les pierres, ressorts, cadrans, aiguilles. balanciers, assortiments, cylindres, pendant. couronnes et anneaux. Après i a première concentration de la fabrication en un seul iieu par Megevand: il semble que ies structures de production soient caractérisées par 1'éparpi1iement et la faibie taiiie maigre i'intégration de toute ia fabrication dans une entreprise intégrée comme ôeismar au cours du XIXe siècie. L'histoire ae la concentration au cours du XIXe et du XXe siècles reste à faire. - la montagne qui approvisionne Besançon et, ia Suisse en pièces détachées. Il y a peu de fabricants de montres terminés. En 1590. sur le piateau de Maiche se fabriquent des pivotages ancre et cylindre dans toute la région: des boites de montres métal et acier a Damprichard: des pierres rucis a Maiche. Frambouhans. Les Fontenelles. Le Russey: des assortiment cylindre a Charmauvi1iers. Les Ecorces destinés en grande partie à la Suisse. Dans ie Val de Mcrteau se fabriquent des boites métal et acier à Morteau: des balanciers â vis pour montre a ancre a Vi i i ers Le Lac: ccquerets et raquettes aux verrières. Vi i lers Le Lac ^rizzr^ pi us près que Morteau oes centres horlogers suisses, travaille longtemps peur ncs voisins. La qualité ou travail de ses planteurs c'échappement était réputée. En i552 avec la rupture des relations diplomatiques, beaucoup de planteurs d'échappement sont privés de ieurs ressources et se lancent dans la terminaison de la montre et conquièrent ainsi ieur indépendance commerciale. La aussi ies structures de production sont caractérisées par une faibie taille et un éparpi1iement de la proouction. L'histoire de ia concentration en entreprises, même de petite taille reste également s faire.

2.5. Un exemple de développement proto-industriel ?

Certains ont vu un exemple de protc-industrisiisatien dans ie 220 développement, de l'inaustrie horiogère. Ce modèle ae développement dont la théorie a été dégagée par Hendéis à partir du cas flamand est défini par: — une production destinée à un marché extérieur a ¡s zone productrice: — la force de travail industrielle est composée de paysans et la production est implantée pour une i arge part dans la campagne : — les cones protc-industrieiles sont associées de façon complémentaire B^^Z des aires d'agriculture commercialisée. du bien on trouve au seir. ae la même cene oes petites exploitations proto-industrieiies et des exploitations tournées vers la commercialisation des produits agricoles.

De ces faits, ie système démographique ancien se rompt et provoque i a multiplication des hommes sur des exploitations qui se morceiient. L'accumulation du capital. la propension des entrepreneurs a concentrer un preces de production vont transformer ¡es marchands-fabricants en une nouvelle classa d'entrepeneurs.

un ne peut parier de proto-inoustriaiisation en ce qui concerne l'industrie de la montre que ae façon extrêmement prudente et réservée. I1 existe peu d'etuaes historiques sur le sujet. Le travail de I\i. Fetiteau il555/. le seul a reposer sur une analyse de cas precise à partir d'archives d'entreprise est à ce cas exemplaire. Malgré son titre on peut constater: - que les ateliers d'horiogerie sur ie plateau ae Maiche ont un effectif moyen de 4.5 ouvriers au XIXe siècle: - que 1'analyse des rendements des fabricants de boites montre qu'il s'agit d'une main d'oeuvre spécialisée: - que dans "l'entreprise protc—industrielie" Bourgeois i i y a bien double activité mais qu'aiors que Íes memores de cette rami 1ie sont occupés au travail du maiiiecnort. c'est une main d'oeuvre salariée qui s'occupe aes travaux agricoles. De Pius l'image du "paysan-horloger" est extrêmement ambiguë: ainsi Finot ilSTS.i nous parie de ces douDies actifs tout en disant pour l'un d'entre eux qu'il ne faisait même pas son jardin sous peine de ne pouvoir se remettre à i'établi. Fius tard 1 sambert-Jamati notera que pour beaucoup de postes ae travail, l'importance des gestes et du toucher sont si impor­ tantes que ie travaii d'une autre matière serait nuisible - et qu'enfin ie passage de 1'ate i 1er à i a facrique par ¡a troisième génération, en 1570 se fait grace a des capitaux provenant de i a vente de terres et d'emprunt dans la spnere fami i iaie.

Qu'ii y ait un mode de développement franc-comtois -certainement commun a d'autres regions d'industrialisation ruraie ayant survécu à la concentration spatiale comme ie Roannais, l'arrondissement de Roohechouart. ie Choletais. i'Est depuis les Vosges au Bas-Dauphiné (.Fruit 195E: 25;- fondé sur une doubie activité liée à ia specialisation Dastoraie et a ia montée de 1'individualisme agraire au XIXe pris la forme de fermes-ateliers aussi. Hais ceci ne signifie pas que l'on ait a faire a un moaeie proto—industriel.

La seule industrie de la région qui ait été analysée ae façon fouillée et présentée comme un exemple typique de la proto-industriaiissticn —la taillanoerie ae Mans-sous-5ainte-Anne icrelot et Mayaud L5E1)— n'entretenait que peu de relations B'JGZ ie milieu iocal. De pius rien ne nous est dit de ses ressources agricoles, de ia pression démographique et des ressources artisanales. Ce sont pourtant des facteurs définitoires de cette voie d'industrialisation. Les modalités de cette piuri-activité sont complexes puisque par exemple, certains montagnards neuchateicis donnent à ferme ieur domaine pour se consacrer a ¡'établi iDaveau 1555;. Ceci n'est pas sans rappeler l'économie de certains paysans-potiers megalao-Baint siancara 1555;. Cette double activité est souvent considérée comme réduite au seui secteur de ia montagne, produisant ainsi une image liant hiver long, agriculture de montagne, et nécessite d'une dcubie activité pour survivre. Une approche Historique comparative de is double activité dans la montagne et cans la pi aine sur des sites comme Etrepigney iBaroe IS50J permettrait de mettre à jour de façon précise d'autres facteurs qui. s'i¡s sont mentionnés dans ies travaux actuéis, voient rarement leurs effets mesurés. 2.6. 190O-1965: de la crise au renouveau

En 1921. Doues et Territoire de aeifort comptent 10 TCO ouvriers alors qu'ils en comptaient 33 000 en 1900. A ia veille de ia seconde guerre, c'est une industrie qui dépend à T0% de l'étranger pour des fournitures de base comme les ébauches. Après cette crise de début de siècie. l'industrie horiogère du Doubs va connaître un renouveau dans ¡es années 1940-1965.

L'état du marché giobai de ia montre, a ia veiile de la guerre 1939-1940 est ie suivant: -Montres meta i ancre et cyiindre 2.1 Mû pièces: -Montres meta i Roskopf 0.T3: -Montres argent ancre et cyiindre 0.90: -Montres or ancre et cylinore 0.50; -Montres compliquées 0.20; soit 3 millions de pièces au total.

Ces chiffres comprennent i'exportation de montres et mouvements démontés soit environ 15-0 000: donc ie marché intérieur est de 2.65 Mc ae montres dont 0.2 M- ae montres suisses. Les fabricants ae mouvements français utilisent 1.5 Ms d'ébauches suisses dent O.T Reskopf. i is n'aenètent aux fabricants françcais que 0.T5 M' de pièces mon compris ¡a production d'ébauches par ies manufactures;. La production de ces derniers est de î.ZM'1. la difference est donc destinée à 1'exDortation. Far ailleurs ies ébauches françaises 224 comprenaient une part importante oe pièces suisses ^pignons, arbres de bariilet. tiges de remontoir...;. Elles peuvent donc représenter 30 à 40% de ¡a valeur des ébauches. Viennent de Suisse en grande partie les assortiments et une quasi totalité des pierres rubis. Les producteurs de montres français sont au nombre de 150: les fabricants de pieces détachées de 550. Les montres et i es pièces détachées sont ae mauva i se qua i i te.

En 1SE5. ies fabricants de montres français produisent E.5M: de pièces i=I% dans ie Doues> dont 0.7 H~ sur éoauenes suisses: 1.3 M- sur éoauenes F.OSKCCÎ. Les importations de montres suisses sont au nomore de 0.3M°. Les exportations sont au nombre de 2.5M- dont 0.5M; sous forme de mouvements de montres.. Les fabricants d'ébauches vendent environ o.Bl-P d'ébauches par an et ies fabricants français ne produisent que 5.2Kr de montres sur ébauches françaises. ii y a donc 1.7M- d'exportation sous forme d'ébauches.

i i y a en France en 15£5. 2O0 faoricants ae montres dont 45 assurent £0 *> de ia production. il y a 150 fabricants de pieces détachées. Ceci represente iO 000 ouvriers cent 5 000 dans ie Doues.

Donc en 2E ans. i a production de montres a été douoiee. ce i¡e d'ébauches multipliée par 5. exportation multipliée par 15. La vente de montres sur le marché français a augmentée de 20 %. L'importation des montres suisses est au même niveau --3

qu'il y a 25 ans. L'importation d'ébauches suisse a baisse ae 70%.

I 1 y s une volonté de la profession et des pouvoirs publics d'organiser la profession face a la dissemination oes petites entreprises. En 1935 il va création du Eureau aes Etudes Hor i ogéres. De 154-0 : Comité d'Organisation oe l'industrie de ia Montre. En 1544. il n'y a pius oe pieces oetachees faoriquees à ¡'extérieur. En 1950 est cree le Comité Frofesssionei interrégional de la Montre. 3. RUPTURES ET CONTINUITES

3.1. Premiers chocs et premières résistances

L'éparpi1 lernent et ¡a raibie tai lie ces établissements, ainsi que i'éclatement de ia production caractérisent donc les structures productives de l'industrie de is montre telie qu'eiie s'est historiquement constituée. Ce svstene ae procuction manifestera ies pius grandes resistances aux changements techniques qu'ils concernent ie produit cu i es moyens de production.

L'histoire de i'industrie horiogere du Dcucs pourrait ainsi se résumer à des disparitions, des creations ou des reprises d'entreprise au gré des changements des conditions mondiales de ia production. Ainsi aiors qu'un mouvement oe concentration se dessine dans ie dernier quart d-j, XiXe siécie, les grands noms de l'horlogerie des trois premiers quarts de ce siècle disparaissent des annuaires horlogers.

un premier choc a lieu au cèbut eu XXe siècle en 1905. La Suisse a conduis son indécenaance car raccort a i a France et abandonne ies fournisseurs français d'éoaucnes et d'assortiments. Elle jouit de pius d'une avance tecmique importante. Les importations suisses en France vent être contingentées en avrii 1517. De fait tout a commence beaucoup pius tot. en 1576 iors du 5aion de Philadelphie. Les Suisses y envoient un représentant: ieurs exportations vers ies Etats Unis étant passées d'une vaieur de 15.3 millions de francs en 1572 à 4-.5 millions en 1575. i is y découvrent que ies américains sont arrivés a fabriquer mécaniquement des montres d'aussi benne qualité que ies montres suisses faites a la main. Longtemps une teiie possibilité était apparue incongrue tant en Suisse qu'en France ou en /Angleterre.

Ainsi ie suisse Pierre Fréoéric ingoid avait essave en i5*i0 d'introduire en Angleterre ia fabrication ces montres en série suivant ie principe oe pieces détacnees uniformes et interchangeables. L'idée était deja mise en oeuvre cheo Japy mais de façon partielie puisque ies ébauches devaient être finies et ajustées à i a main. Comme dans son pays et comme en France ies horiogers s'opposèrent a son entreprise. Hais, après ie saion de Phiiadeiphie il y a en Suisse création d'unités de production mécanisées et complètes. En France cette exposition ne déclenche rien sinon que: " Les montres américaines ne menacent pas ie marene français et ne peuvent lutter avec ie gcut artistique des montres bisontines" mirschi 1-55: 117;. ~—G

3.2. Les années 70-80: changement technologique et surproduction mondiale

En 1574. d'après l'ASSEDiC. il y a en Francne Comté 14 700 employés dans l'horlogerie soit 5% des effectifs salaries de la region. En 1575 c'est l'une des 4 pius importantes branches d'activité avec i'autcmoDiie. le bâtiment, l'industrie électrique. L'horiogerie de petit voiume franc—comtois représente 50% de ia production française

Les étabiisseurs français exportent 50% oe leur procuction de montres, i es fabricants ae boite 57% ae ieur production, i es faDricants de verres 47%. ceux d'eoauches et rouages 27% et ies fabricants d'assortiments 24%.

En 1575. 54 établissements emploient moins de 10 salariés. 133 établissements pius de 10. i'ensemole de ces établissements employant 12 515 personnes. L'industrie oe ia montre est marquée par un caractère artisanal et une insertion au sein ces rappoprts familiaux. Le nomore d'entreprises employant moins de 50 ouvriers est très éieve.

Dans ce cadre l'éclatement de i a production provoque un morcellement accru de ia professiez. Les pièces detacnées sont réparties en un certain ordre oe spécialités distinctes: - i'ébauche ou caiibre. partie ia plus importante car c'est à partir d'eile que toutes ies autres pièces détachées sont fabriauées. C'est ie fabricant d'éoauches oui realise ia 229

totalité des pians.des pièces détachées au mouvement, c'est lui qui est détenteur de la propriété industrielle du produit. Elle peut comporter de 50 à 150 pièces. Les plus importantes sont la platine ipièce principale qui sert de support aux pièces mobiles, et complétée elie-meme par de petits supports ¡es "ponts"). le cari i let troue motrice entraînée par ie ressort;. le rouage lorgane de transmission composé de roues et pignons et entrainé par le barillet; le mécanisme de remontage et ae mise a l'neure et is raquette iqui fait varier i a longueur du spirai pour corriger l'avance ou ie retour;. Les éoaucnes sont achetées non empierrées et ga1 van i sées. -les rouages: roues dentées. axes. pignons pour i a transmission du mouvement. -les assortiments c'est-à-dire i'ensemcle aes organes '.balancier, roue d'ancre, ancre; qui assurent l'échappement. -les pierres, qui placées à 1'extrémité des pignons et aux deux pointes ae l'ancre, font office de paliers dans iesqueis tournent ies pivots des rouages, de i'ancre, du balancier. —ie ressort, ressource d'énergie. -ie spirai qui régularise ie mouvement. -ies vis qui fixent ies ponts sur ia platine. -¡'habillage qui comporte le bcitier. le caerán . ies aiguilles, ie verre et le bracelet.

Four ce qui est des pièces métalliques -c'est-à-dire toutes sauf ie verre et parfois le bracelet- ies techniques de fabrication se font en trois granaes phases : -1'extraction de la pièce d'un bioc de métai par décolietage s'il s'agit d'une barre de laiton ou d'acier <,pi gnon. axes, tiges, couronnes, cylindres...; ou par découpage ou estampage si 1'on est en présence d'une bande de métal i ébauches, boi­ tes, caarans. pièces plates;: -son traitement mécanique pour obtenir i a forme voulue par découpage et piiage sur presse, par tréfilage, par iaminage. par boi inage, par des usinages de reprise comme ie perçage. ie taraudage. le fraisage, ie contournage; — le traitement des surfaces: dégraissage, nickelage, trempa­ ge, polissage, tonne i age. galvanoplastie.

L'étabiisseur assemble ces pièces: empiérrase de la pla­ tine et des ponts, reg i ages manuels, montage au mouvement, nabi i läge.

Ce travail peut se faire à domicile et ne nécessite pas de machines-outils mais de l'outiliage à main comme aes brucelles, des tournevis ou des potences, une certaine tendance à l'automatisation se fait cependant jour. Le travail à domicile bien qu'ii concerne principalement ie montage n'y est pas réduit. Des usinages de reprise des ébauches, rouages et boites, le sciage et le controle ces pierres, ie façonnage et le réglage au balancier spiral, ¡a décoration et la finition des cadrans et des aiguilles, le di amantage des boites ainsi que ieur oecoration a ia main, leurs polissage et butelage. ieur montage. ie scucage de bracelets métaiiiaues. oendants et cnarnières se fcnt 231

également à domicile. Le travail a oomiciie concerne hommes et femmes. 5'il semole que i es femmes y scient pi us nombreuses, c'est parce qu'eiie sont ie plus souvent affectées à des taches de montage, en ateiier comme à bomiciie. Entre ¡es ateliers de fabrication oes pieces et ceux où se font leur assemciage la différence réside non seulement dans l'ambiance sonore qui oppose bruit et silence, mais aussi dans la répartition sexuelle des taches, il resterait dans cette perspective à dresser des lignées ae filiation entre ia division sexué iie à l'oeuvre dans le travail à domicile et celle pratiquée au sein des unites de procucticn industrielie.

Seuies ¡es manufactures sent partieliement intégrées, reunissant ie pi us souvent éoauenes et terminaison. La specialisation est tres poussée bien que d'assec nombreuses entreprises (.sauf bien sur ies etabiisseurs; recherchent une diversification en dehors de l'horlogerie. C'est par exemple ie cas ae l'entreprise Bourgeois de Dampricnard qui utilisant son matériel et ses preocédés de fabrication de traitement des boites de montre, fera également du traitement de surface et mettra même au point après la guerre un clincage cour les pi urnes de styio. c'est a dire un plaque non poreux.

Far contre, ¡'industrie jurassienne ae ¡'horlogerie de gros voiume connaît plus d' integration et moins de spécialisation. La fabrication est moins ccmciexe. ¡a proauction se fait en grande série Travai1 leurs 3 domicile cans le Doues.par canton, en iïï»

Trava i 1ieurs à domici ie

Va i eur absc i ue ; % 1 Population ¡ CANTON ¡ active

Total - H F

;Amancey 3 4 4 0.7 !Audeux 44 4 40 0.6 .AudIncourt 4 0 4 <, 0.1 I Baume Les Dames 20 4 16 0.5 ! Besançon ! Nord-Est 112 12 ICO 1.1 ; Besançon 5ud 96 w/fa. 64 0.9 ¡Eesançon EST, 136 16 120 1.2 I Besançon ouest /6 5 65 1 !Eesançon ¡Nord Ouest 40 12 25 0.5 !Eesançon iFianoise 53 0 55 1 ;Eouss1ères 36 4 Wta 0. 1 ;C i erva1 5 0 5 0.4 ¡Etuces 4 0 4 0.1 ;nëvi moncour t 16 0 15 0.3 ¡Isle/Doubs 32 4 25 0.5 ¡Le Russey 32 0 32 1.4 i Levier 26 0 - . rr 0.9 ; lia 1 che 140 12 125 2.3 ! liarchaux 16 0 16 0.1 '. liontbé i i ara—Es t 5o 0 =)C 0.4 ¡liontbé iiard

•ouest W>w 0 52 0.5 iliontbenoit 24 0 24 1.2 IMorteau 212 12 200 2.7 1 Mouthe 40 12 z.¿ 1.5 i Omans 15 0 16 0.4 !Fierrefontaine ¡Les Varans 16 0 15 0.5 ¡Fontari1er 104 5 9c 0.9 .Font de Roide =5 4 52 1 !Quingey c 4 .1 0.3 ¡Rougemont 0 0 0 0 !Rou i ans 35 6 25 \ — ¡5t Hyppoli te 12 0 12 0.6 !5ochaux-6rand !Charmont ¡ 15 0 í 15 0.2 ¡Valentíeney ¡ 20 0 •i'w' 1 0.2 i Vercel ! 44 5 35 1.2

t 1 i D0UB5 ¡164 5 154 1454 0.5

t 1 Source: INscu. recensement de i a ccouiaticn. 1552 La concentration géographique est très accentuée: sur les 133 établissements francs-comteis heriogers cent l'effectif est supérieur à 10 salariés. 54.9% sont dans ie Haut Doubs. 31.3% dans ie reste du Doubs. 3.5% dans ie Jura. Ce qui donne pour ies effectifs: 45.3% dans ie Haut Doubs: 51.3% dans ie reste du Doubs: 3.4% dans ie Jura. Le reste au Doubs represente pius de ia moitié ces salariés dont 47.5% dans la région bisontine aiors que 1/3 des étaelissements horiogers franc comtois sont dans cette region. Ceci est du a la taille des étSDlissements.

Les avantages de cette localisation très groupée sont des contacts professionnels rapides, une main d'oeuvre i oca ie spspécialisée et compétente. L'un des dangers est i'uniformité de la production tant par ie recours aux mêmes fabricant qu'au copiage. Le second danger est celui ae la mono-industrie surtout dans ie Haut Dcubs.

1.2.1. La surproouction mondiaie D'eux problèmes essentieis sent a i ers rencontres par l'horlogerie. Le premier est l'augmentation aes capacites mondiaies de production avec i'apparition ce nouveaux pays particulièrement du 5ud Est asiatique.

Face à ces deux problèmes, de 1977 à 1955. le Dcuos est passé de 11 702 a 7 455 employés dans i'horiogerie. De 1955 â 1574 ia production mondiale augmente au taux annuei moyen de 6.5% pour arriver à 230 Millions en 1574. En 1575. 217 Hc soit moins 5.5%. dont 205I*r de montres mécaniques classiques. En 1576 la production est estimée â 255 Mc dont 200 H° de montres mécaniques. En 1576 on retrouve donc, à peine le niveau de 1574. De 1574 à 1575. i i y a une baissse de 2% des montres ci assidues dans ie monoe. En France: de 1570 à 1574 la production française ae mcntres mécaniques se développe ä un rythme annuei de 11%. Eiie passe de il â 16.7 M- de pièces et se trouve au 5e niveau mondial. Depuis 1574. ia production française ae montres mécaniques stagne au même niveau: de 16.7 W de montres, on serait passe en 1575 lestimation; à 15 Mc de montres. Ii y a cependant apparition de nouveaux producteurs dans ie sud-est asiatique et ie tiers monde. Au debut ces pays pratiquent une activité de montage pour des raisons de ccut de main d'Oeuvre. Mais certains se sont équipés pour fabriquer partie ou totalité des pièces détachées.

2.2.2. Le prob i eme du quartz Le second problème est i'apparition du quartz qui va se substituer au baiancier spirai comme régulateur.

En effet, en 1660 des oscillateurs c'un genre nouveau apparaissent avec ia découverte de ia piezo—éiectricité. Fierre et Faul—Jacques Ourie mettent en évioence 1'existence d'un temos croore a'un oscillateur exceoticnneiiement crecis au sein de la matière. lis montrent qu'un morceau de cristal de quartz c'est â dire d'un oxyde de silicium, taille suivant une forme de lame, de bâtonnet ou d'anneau, placé dans un circuit électrique sous vide et à température constante, vibre 32 755 fois par seconde, comme un penouie très rapiae. La première utilisation de cette découverte est ia mise au point de mesures très précises des fréquences hertziennes, ae facen à pouvoir les empiier au maximum sur des longueurs d'ondes de pi us en pi us encombrées, par ie développement du téléphone et des radio communications civiies et militaires. En 1325. des chercheurs des laboratoires Bell aux U5.ñ. donc ingénieurs des télécommunications et non horlogers, mettent au point ie premier oscillateur à quartz. Les vibrations d'un diapason de quartz excité électriquement sont comptées afin de signa i er i'écoulement d'une seconde chaque fois que 32 755 de ces vibrations ont lieu. Four disposer d'une horlcge a quartz complète, il faut donc pouvoir relier le quartz á un système électronique capacle d'entretenir ses vibrations, de i es compter et de les afficher sur un cadran. La première montre utilisant un oscillateur a quartz, produite de façon industrielle est un chronographe de 5ibbs fabriqué en 1935. La guerre en empêche i a commercialisation. En 1952. Fred Lip avec ¡'aide d'un fabricant américain Elgin, ayant accès aux progrès des technologies militaires, tente de commercialiser ia première montre à quartz utilisant une piie électrique. Mais ei ie est encore trop grosse, trop icurce. troo coûteuse et œut-etre arrive-t-elle troc tot oour au'on »oo

et au'on ne voit Das.

Les progrés se poursuivent dans ie sens d'un abaissement des coûts ae production. Mais ie marché est encore entièrement occupé par ie succès des montres mécaniques a bon marché. En 1955. Fred Lip met sur ie marché une montre a diapason métallique entretenu par un transistor. Ce diapason a une iongueur d'environ 20 millimétrés et une fréquence de résonnance de 260 Hz. Le comptage des vibrations s'y fait mécaniquement : un cliquet fixé à une des branches du diapason entraîne une roue à rochet et fait tourner ies rouages. Le diapason est excité par oeux oooines magnétiques. Fuis l'utilisation des transistors permet de reauire l'encombrement oe cette montre aux dimensions d'un chronomètre de marine. En 1560 un éiectrcnicien suisse Max Heteei met au point la première montre pourvue d'un oscillateur à quarte et d'un circuit intégré assurant les fonctions de comptage et d'affichage. Les horlogers suisses et japonais tentent d'introduire des quarte dans les montres mécaniques en conservant encore i'affichage par aiguilles, .ñ cette époque, ies circuits intégrés monolithiques crees par Texas instrument sont encore trop cners et trop cer.semröteurs d'énergie pour permettre oe compter les oattements eu diapason et d'afficher i'heure sur une montre braceiet a un prix accessible, il faudra attendre ia mise au peint dans oes laboratoires encores américains ae circuits integres iogiques d'oxyde métaiiique de silicium a très faibie consommation pour que ia montre a quarte à affichage numérique soit •ossicle.

En 1571. deux Lecr.no ¡og i es sont, encore en concurrence pour l'affichage de l'heure: celie des cristaux liquides ex ceile des diodes a émission ce lumière. Dans ie premier cas. des cristaux liquides, alignés et transparents à l'état normal, sont, sous ¡'influence d'un champ électrique, réorganises pour diffuser la lumière amoiante selon oes figures révélant des cniffres. ils souffrent encore ae trois faiblesses: pour être iisibies i is aoivent être éciaires par une source oe lumière extérieure, en dessous de O- ia montre ne peut pius afficner i'neure. ces cristaux i i oui oes vieillissent rapidement. La seconde repose sur une emission oe iumiere par une diooe. iorsqu'un courant ia traverse. Eile dissipe environ dix miiie fois plus d'énergie Q^° les cristaux iiquides rendant i'affichage permanent impossible.

Le colloque internat icnai de Chronometrie de Paris en septemore 15E5 peut être considère comme i a date de naissance de l'industrie des montres a quarte, ün y presente i a premiere montre de serie utilisant un quarte haute fréquence a 0.~ HH'c. de forme lenticulaire, de 0.7 rnm d'ecsisseur et ce ii mm oe diamètre. L'osci1iateur et ie diviseur oe frequence ne consomme plus siers que 10 microamperes. Four recuire encore ies dimensions de l'oscillateur, on éiève ia fréquence jusqu'à 4.2 l'Hz. Les progrès continueront dans le ser.s d'une miniutar iusation du quarto i de 200 à 5mm3 en lr75.'. le ncuveiies techniques neuve i les se développent: scuoure céramique-métai . brassage tendre à froid. photolitnograpnie. usinage chimique des métaux.

La géographie mcndiaie ce ¡'industrie horlogère est bouleversée. Jusqu'en 1574 i'inoustrie horiogere suisse est ¡a première au monde avec £7 millions d'unités. Eile passe aerriére ¡es U5.n et ie Japon en 1574. Dés 1570 le Japon est le second producteur mondiai avec 24 millions ae montres produites par 4 constructeurs seulement dont deux fscrlouent, à eux seuis 50% du total.

La production d'horiogerie a quarte represente en 1575. 10% ae ia production totale soit 24 ou 25 H'- de pièces, une étude de marché pour 1550 montre que cette production sera de i'erdre de 20 a 25 %. Cette part sera largement oepassée.

2.2.4. Problème du quartz et localisation des savoir-faire. Du mécanique, on déborde sur i'électronique: ie ressort est remplacé par une pile. i'échappement par un système électrique avec un quartz, un circuit integre, quelques composants. Dans ie cas des montres analogiques se trouvent un micromoteur et des aiguilles. Dans celui des montres, ies aiguilles sent remplacées par i'affichage.

La promptitude des Japonais et des Américains a adopter la nouvelle technique est due a ¡'importance déjà acquise par ces oeux économies dans ia faorication d'aooareiis électroniques et de ieurs composants, en particuliers oes puces. Les principaux horiogers japonais —5eiko et Citicen- ont déjà acquis quelque expérience en ce domaine et ils furent rejoints de 1'autre coté par des entreprises électroniques: Enarp. Ricoh. Casio.

Avec ia montre mécanique il y a conjonction entre ie produit fabriqué et ies moyens ae ie fabriquer: i i s'agit d'une industrie fabriquant un mécanisme a i'aide d'autres mécanismes. Qu'il s'agisse des horiogers ou des ouvriers ae i'entretien, un savoir dé même nature traverse ies entreprises. Ainsi dans i a fabrique de montres Bourgeois oe Dampricharo au XIXe siécie. le sommet de ia hiérachie ouvrière en termes ae salaires est occupe par ies mécaniciens outiiieurs c'est a dire par ceux qui préparent i'cuti i läge. D'ailleurs constructions de machines outils et horiogerîe peuvent coïncider. Historiquement certaines usines sont nées de ia fabrication de mécanismes non horlogers. C'est ie cas de L'Epée, entreprise de construction de boites a musique, fondée en i 533 par un suisse. 5a proauction est a i ors exportée jusqu'au Caucase. Eiie fabriquera des boites a musique jusqu'en 1914. En 1320 elie faorique oes portes échappements, des mouvements d'horlogerie et de ia mécanique de précision.

Avec le quarte, un hiatus se cr^<=. sensible dans ies rapports avec l'inoustrie électronique. Certes ceiie-ci est diverse '.machines automatiques. ordinateurs. télécommunications. télématique. audiovisuel, automobile, horlogerie; mais la localisation des grandes usines de circuits intègres est a cet égard significative. Le problème de 1'horlogerie n'est pas seul en cause pui squ'au aébut des années 1570 par exemple, le iaboratoire d'électronique du CEA devenu un pionnier en matière de CAO ne parviendra pas à trouver de partenaire industriel pour développer cette technologie. Aujourd'hui pas une seuie granee unité de circuits intégrés ne se trouve en Franche Comté: RT5 à Caen, 565 ATE5 à Rennes. MHS à Nantes. IBM s Gerbei1 Essonnes. intermetai1 a Colmar. Tnomson-C5F s 5t Egreve. EFC15 a ûrenobie. Motorola a Toulouse. Texas instrument a Villeneuve Louoet. Eurotechnique â Rousset.

5e pose donc ie problème d'une competence électronique. ae la maitrise de ia fabrication. A cette époque, de l'avis de tous, un moindre mal serait 1'analogique, comportant des aiguilles et donc un mécanisme. Mais sur 2*i M1 de montres a quarte. 70?= sent numériques.

L'entreprise qui a ie pius contribué a ia mise en piace du quartz en France est Lip. par : - une expérience, une maitrise des preciemes au quarte: - une conception ae modèles de modules en serie industriel le et même plusieurs composants sent facriques dans i'entreprise: quartc-oiapason. micromoteur, pile extra-piate: - par un roie important dans ia formation professionnel le de nombreux cadres et techniciens qui émigrerent pius tara dans 241

d'autres entreprises microtechniques.

En 1575 cette entreprise disparaît et de façon générale les industriéis de la montre, à cette époque, n'ont pas cru au développement du quartz tout comme quelques dizaines d'années auparavant, ieurs prédécesseurs jugeaient inconcevable la fabrication en série de montres ce qualité. Le fait de juger comme un moindre mal i es montres a quarte analogiques. donc "encore un peu mécaniques" est significatif. Pourtant en 1571 avait été cree une société d'étuass pour la montre éiectroniquce. chargée d'assurer la coordination entre ie niveau scientifique confié à. C5F Thomson et ie niveau recherche confié au CE7EH0R. En 1S75 le pian norioger comportent deux programmes pour ie développement de is montre â quarte: Mcntrelec déjà cité et Quartzelec (Lip;. A terme ils doivent permettre de produire plusieurs millions de montres. En 1975 Lip et Quartoelec disparaissent. Thomson renonce au projet Montre iec prétextant le départ de la holding suisse rt5EUA'3 vers un groupe américain. Montrelec continue cependant et produit 120 O00 HHHmodules électroniques en 1575. Cette société est aosoroee par rrameiec en 155J et devient ainsi l'affaire d'un seui faoricant: puis disparait avec I'acsorption de Frameiec par Matra. MONTRE. HECTIQUE Ej: H~'HTRE, à vvrñT»

Mentre mecanicue entre a cuarte

; cnergíe mecani que éiectr i q'j.s

; F.éguiateur baIanc i er spirai quarte: ce.T/jliticii e jusqu'a la seconae ; Echappement ancre. cy i inde transi stcr déc i an- chant i 'afíichag e Transmission train de rouages train de re uages cu commande ci'3i f fichage i Affichage aígui i¡es ai gui 1¡es ou cristaux iiauides 143

3.3. Une structure horizontale

Face à ces changements techniques. i a structure des entreprises franc-comtoises de i a montre n'a pas changée. Parmi i es fabricants d'nor loger ie oe petit voiume. i: faut toujours distinguer: - ies fabricants de orsceiets au ncmore oe 12 en IS55 -soit 45% de i'ensemoie français-: - les fabricants de composants au ncmore de 45 —cC* de l'ensemble français-: - et les fabricants de montres dont les 35 entreprises repesentent 73% des entreprises nationales.

La structure de prccuction est donc toujours horizontale. Aucune usine ne fabrique ei ie-meme à partir oe la matière première i'ensemoie des pièces constitutives d'une montre, un distingue donc ies faoricants de composants oui façonnent ies pièces nécessaires au mouvement de i a montre et à son habillage: et ies faoricants ae montre dits établisseurs qui achètent les composants et ies haciiient.

Dans i a période récente, seuies trois entreprises installées en Franche Comté, avaient choisi l'intégration industrielie: -Lip qui a disparue: - Cattin à Horteau qui a déposé son cilan en septemore irrO. A cette époque ie FD5 d'une autre marque et orèsioent ou syndicat national ces faoricants de montres ainsi que ie 2-Í4.

président de is Chambre Française se l'horlogerie, imputent

ce depot de biian non a un problème de conjoncture mais a un

accident et semble donc ie renvoyer du coté de i a structure.

Reiancée grace à des capitaux suisses, cette société est a

nouveau en difficulté maigre un élargissement ae sa gamme et

ia mise au point, en 1951. d'une montre a quarte avec un système accumulateur-générateur où les rayonnements ambiants

lumineux et thermiques, se substituent à la piie. Cette société avait en commun avec Lip d'avoir opté pour une démarche intégrée où ses 275 salariés réalisaient i'ensemoie de i a fabrication: boitier. mécanisme, montage:

- Kipié. Société Mcrtuacienne d'Horlogerie qui facriquait des montres mécaniques et a quartz, des reveiis mécaniques et

électriques, des pencuies et pencuiettes mécaniques et

électriques. Ei ie avait repris la marque Lip en 1555 et dépose son bilan en 1590. Eile eme i ovait 115 salariés.

5e constituent ainsi oes réseaux de sous traitance. Far exemp1e:

- Fraporiux à Thise fournit en cadrans: Chrisian Bernard.

Héberlin. Féquignet. Maty. Taboo Taboo. Kipié. Dodane.

- Féquignet a pour fournisseur curset peur ies boites. £M5 pour ies bracelets en cuir, et Fraporiux pour ies caorans:

- Bürdet fournit également i a Société Suisse de

Microtechniques et d'Hcriogerie:

- Les Montres Taboo-taboo sont fournies en mouvements par

France Eoaucnes. en ooitiers par Bornairs. en aiguiiies par

Universo, en cadrans par FracorLux. en craceiets par Soss. en 24s

couronnes psr Chevai . Le montage se fait cr.ez Repariux. - H5T Fetitjean fournit en boites et bracelets Raymond weil. Onega. Zenith. A i ex i s Eartnelay. Codnor. Miche i héoerlin. - Judex Morel s'approvisionne en mouvements chez France Ebauches.

Ces relations peuvent aller jusqu'à la prise de participation cher un fournisseur. Ainsi Emiie Féquignet participe au capital de Jean Louis Bürdet qui iui fournit ses •cites de montres.

L'interpénétration de ses reseaux de sous-traitance. alliée a une forte concentration géographique, peut conouirea une banalisation de la prccuction et a ie copiage mutuel des modèles. Face à ceia certains fabricants ae montres créent ieurs propres unités de fabrication ou ies rachètent. En novembre 1955. ies montres Amore de Morteau ouvrent une fabrique de boites à Besancon pour garder i'exclusivité de leurs produits. Certains fabricants de pièces détachées garantissent i'exclusivité a leur client et fabriquent une partie de ieurs machines pour ne pas être facilement copies.

La spécialisation et ia coupure entre ies facricants de produits finis et ceux oe pièces détacnees sont toujours aussi importantes. Sans prendre en compte Cat tin. seuies 5.5?= des faoricants franc-comtois de ¡oroduits finis font aussi oes pendulettes; - "Dodane" qui a la fois fabrique des montres et oes centrales de temps: - "Fraisen" qui fait des boites de montres et du oécciletage de précision: - "Frésard-Fanneton" avec des balanciers et des centrales de temps, des échappements et assortiments pour mouvements oe montre: - "Novelty" avec des boites de montres.

De ia même manière, seules ll.E^ de ces entreprises fabriquent pius d'un type de produit fini hcrioger: - "Exniie Bonnet et ses fi is" qui fabriquent oes montres, des montres pour aveugies et aes chronographes. - "Citizen" et "Dodane" qui fabriquent des montres et des chronographes. - "Fraisen" avec des montres et des réveiis: - "Kiarguet" avec des montres et des montres pour aveugies: - "Maty" avec des montres, des réveils et des pendu i es: - "Echiumoerger" avec des penduies et ae l'hcriogerie industrielie. Et oarfois les différences ce Drocuits sont minimes.

3.4. De petites entreprises

En 1550. de façon générale, en Franche Comté, les établissements horlogers sont de petite tai lie : 4=.£% ont 247

moins de 10 salariés: 25.5% de 10 à 49: il.6% as 5J a 99: 10% de 100 à 499 et 0.557*. plus de 500. Four l'ensemcie de la France 95.5% des êLabiissements ont moins de 50 salariés. Dans ces établissements sont comptaQiiisés ies réparateurs ce qui explique ce chiffre. Le plus ia comparaison Francne Comte - France, chiffre à chiffre, n'a qu'un intérêt restreint puisque ie premier terme de ia comparaison concentre l'écrasante majorité de ia profession. Tout au pius peut-cn noter en France en 1990. l'existence de 15 établissements horlogers de plus de 1C00 salariés ai ers qu'il n'y en a aucun dans ie Doues. D'après ie fichier 5iREI\iE. des 155 entreprises heriogeres du Doues 50% ont moins de 10 sa i ar íes. 75;-° moins de 50. 5euis ies cantons de Sesançcn 5ud et Du F.ussey ont pius de 5CT= de leur entreprises qui empieyent pius de 50 saiariés.

3.5. Quelques tentatives de regroupements

Face à ie crise des tentatives oe regroupement se sont opérées. regroupements industriéis ou regroupements commerciaux.

La pi upar t ont échou.é=. C'est ie C3S de France Montres oui naît a ia fin des années soixante. Cette société resrouoe 24-3 capital appartient a ¡a Société oe Développement ae l'Horlogerie: le reste étant répartis a egaiite entre ies quatre partenaires. A ia fin des années soixante-dix cette société emploie une centaine de personnes qui montent des montres dans des ateiiers situés a Viiiers Le Lac. Sancey Le Grand et Charmauvi1iers.

Même ¡es tentatives de regcupement commercial comme en 1953, ie projet de société de commercialisation commune a toute la profession. Ligne France. tournent cours. Ce qui fait dire à un chef d'entreprise que ies franc-comtois répugnent au "gigantisme". il est vrai aussi qu'a cette époque, i i ya reprise de ¡'industrie horiogere et que 1'heure est peut être moins au regroupement qu'a ¡a concurrence.

5eui 1'entreprise France Ebauches semoie avoir réussi cans cette voie. Née en 1557 d'un regroupement ae quatre entreprises fabriquant des ébauches, eile produit sur deux sites Haicne et Le V'aidahon. C'est le premier fabricant de mouvements de quarte analogiques de la CEE. Elie possède ces fiiiaies en Suisse, a Hong Kcng. à 1'1ie Maurice. Bon capitai est de 103 215 000 francs. il s'agit z''j.r.<= société anonyme contrôlée par indosuez et Centrest. Cette forme juridique, l'importance du capitai et la participatien majoritaire d'établissements financiersq font exception p-ur ia majorité des fabricants de montres. 14r

3.6. Capital, formes juridiques et changements techniques

Four ce que nous pouvons en S3vcir. is majorité oes entreprises de fabrication de montres sent aes Sociétés à Responsabilité Limitée. donc des sociétés d'associés, contrairement aux Sociétés Anonymes où les actions peuvent être cédées librement. Ces dernières permettent de mobiliser plus aisément des capitaux en phases de Développement.

Certaines des sociétés anonymes de i a région de Marteau sont aes filiales. C'est le cas de ia 6.5.H. de Morteau qui. filiale du groupe Hattcri-SeiKO. est née ou rachat oe l'activité horiogére de Matra en 195". ¡i en est de même ZZLIC Camy France. Mais d'autres, comme ies montres Amere, en s'ouvrant à hauteur de ¿

Mais dans ie cas des montres Amere, ie groupe familial controle ia majorité du capital social. TABLEAU N- 15 Capita! £1 formes juridique; i-oison sociale Forme Juridique : Capita i ; social iFr; Montres Amores 5A ; 10 555 500

sniie Bonnet et ses fi is 5ARL -i'-'s eco

Sounei ie.- et Cil O 5A 5ZO OOJ

Charpier Rième 5A ¡ — OOJ 000

C'3H 5A , 112OJ J ooo

Montres Ciyda 5A ; 4- OOJ OOJ

Dechaux et Cie 5ARL 53 OOJ Montres Duke 5ARL 150 000

Fabior watch 5ARL 100 OOJ rornase Félix et Cie 5ARL ICO 000

«_nj '^autnier 5ARL 200 OOJ vîaison Gérard Mioez 5ARL ! 5 000 OOJ =té Pierre Marsuet 5ARL 105 OOJ

•aecrses honmn et u:e 5A i 3 550 OOJ hoiaoo eiectromaue 5ARL 351 000

rarent rrérss 5A. i C'*» OZO Montres emiie réouienet 5A j.—0 O0Z>

rienaud oecot 5ARL C 1 'J •ZOO

Vu i 1 i em i n Résn i er 5A i _ OOO 251

3.7. Ruptures de transmission et rupture technique

5i I'on prend pour exemple ies entreprises importantes ayant fait une publicité dans un numéro spécial de l'Illustration économique et financière consacrée à ia Franche Comté en 1545: eiles ont pour la plupart disparues. Sont en effet citées a cette aate: Lip. Les spiraux français. Sarda. Universo. Miseree. Compagnie des compteurs. Camiiie Mercier. Cupii iarc-Vuec. Micnei-Amadry. Jacquot-Lcuvet. Dcdane. Montres Herma. Farrenin. Deipnin-Eurdet, Frésard-Panneton. Eiectcr. Rubis Précis. Jeamcrun.

Il ne reste aujourd'hui que peu ae ces entreprises. Leur continuité s'est faite au prix d'importants changements oe direction, de personnel, de production et de preouits. Les montres Dodane se diversifie vers la mode en lançant un parfum et en ayant peur projet une ligne ce prêt á porter. En i555. un groupe de none Kong. REKEX est devenu l'actionnaire principal oe la société Parrenin. En 1550 ia fabrication de mouvements mécaniques est aoanaonnée. En 1555 ies établissements Frésard-Panneton spécialisés dans 1'éenappement pour ies montres mécaniques ne réalisent pius que 10% de ieur chiffres d'affaires dans 1'heriegerie. La diversification s'est opérée vers la mierc-mecanique dans oes domaines aussi différents que ia médecine, i'aéronautique, i'armement ou ¡a bureautique. La part oe i'nor i oser ie représente moins de ia moitié du chiffre d'affaires de ia société Rubis Précis. Laser et outils clamantes sont utilisés pour travailler ie rubis. ie sapnir. ies céramiques techniques, des micrc-assemblages. Le recrutement, ae ¡a main d'oeuvre s'est profondément modifié puisque ce sont aes décoiieteurs et des regieurs qui sent recrutés.

La piupart oe ces ruptures tecnr.ioues se font a l'occasion de ia transmission de i'entreprise qu'elle se fasse au sein de ia spnére familiale ou par un racnat.

C'est donc ie cas de la société Rubis Précis, qui depuis sa reprise en 1954 par ie petit-fils maternel de son fondateur a diversifié production et moyens de production.

La société Haoiiiage 5arae Temps est née du racnat des établissements Frainier-Eandcc. Ces aerniers crees par un suisse en 1554 facriquaient des ooites ae montres puis se sent orientés vers l'ensemcle montre—sr3celet. En 1553 le biian est dépose et ia société change oe mains, r.vec les nouveaux dirigeants, ies Doitiers fabriqués différent. Cr.C< et Cr.^ü sont introduites. Les machines s commandes numériques font leur apparition. La composition du personnel a ete profondément modifiée.

Maigre ces ruptures famiiiaies. ies structures de parenté restent néanmoins très presentes. Eiies ie sont tout d'aberd asns i a eenemi nation des entreprises. Dans E2:° ces cas cour ies fabricants ae ¡oroauits finis, dans 45-/= cour ies fondateur rait, partie äe ¡a raison sociale, li peut i'être en totalité ou sous forme c'initiaie.

Parfois cette raison sociale designe ie groupe ae parenté qui dirige l'entreprise comme "E. Bonnet et ses fi is" ou "Parents frères". C'est ie cas pour six fabricants de produits finis et sept de pieces détacnées. Certains patronymes traversent également i es organigrammes ae plusieurs entreprises. De pi us i es capitaux même s'ils s'ouvrent parfois aux financiers. restent propritète majoritaire du groupe famiiiai et des aescendants du fondateur. C'est ie cas oe Pubis Précis. Le groupe familial peut se répartir les taches ae ai recti on. comme aar.s ie cas ae ia fsmiiie Petitjean où un fi is et une fiiie travaillent au sein de i'entreprise aicrs qu'un second fi is suit une formation de galvanoplastie afin ae oeveiopper i a gamme ces productions. 254

Evolution du nomore d'entreprises g'hcrJPRSrie G£ ceUt voiufne sn franee, aar. pranches Irr r-1959

1=77 1351 1555 1959

¡EhiTREFR1555 155 144 150 ¡cJGnt fabricants de ;- montres 70 49 49 i— composants 52 .' 1 ¡— bracelets ( i \ 1 i 24 11 ; Non connu Source: Chamore rraneaise de i r.oriceer îe et aes mi cre-teenn i cues

Eve i ut i on os lg structure des entreprises d'heriogerie de. peti t voi urne en frsnce 19,~~1955

ENTREFF. i 5E5 1577 1951 1555 1959

- de 51 5a 1 Srie s lia de 51 s ICO saiar. 14 17 24

de 101 a 200 saiar. 5 10

de 201 s 5O0 5ci 1 3t • lu 1 •*• ae 50C sai sriés

TOTAL .DO «L **+fat

Source: Chamore rrançaise ae i ncrîcserie •es mi croteenn i cues _SD

TABLEA'J h1- 12 Evolution et struciure _gss_ effectifs hsric^ers ce petit voiume so frenes. 15f t-lïzB

crrn'wi lr 1577 1551 15=3 ._7cd

CADRES ET EMPLOYES -

ÜUVRIERS 5 ÏJD 5 254 3 'w'/O 3 040 dent fabricants de - montres 551 2 515 2 051 1 573 - composants 4 434 3 315 2 570 - bracelets Il J K1 ; 517 557

i u i ni* i j 555 D -3J, 251

i i i non connu Source: Chambre Française de i 'Honoser ie a<== Mi ero techn i cues

TArLEAU LU 20. Eve i ut i en du chiffre d* affaire hors iajie ¿S i 'industrie g- montre tax branene si oes t i nation 15:7-1=55 _iSD ilî-l

1t 3wT 1 7i 1551

rabr. de montres . 10CO052 1225103 aont á i ' exportât i on, 44% 44.47o 35 7o

raer, ne composants i e525l5 E~Z. , =- cont s i'exportation 41.4% 53. 4% 55. 5T= rabr. ae bracelets i a; (1) ISJ i .'^ 331235 dont â i'exDortation; SE. 2% s / . w%

'. 1 J non connu Source: Chambre Française de ¡'Horlogerie •es M i ero techni aues 25E

TABLEAU N-21 CVgUJtlcn OS IS Product!en Qs msntres terminées cu QÇJI CS 15PJ â 1555. en mi i i ions QS. QÎSZ25.

1553 , o

1570 14.5

1575 úw' • Z3

i 575 25

1577 25.5

1575 "^ 5

1575 25.7

1550 21 .5

1551 20.3

1552 17.5

1555 17.5

1554 15

1555 20.1

1555 23.4

1557 22.4

1555 30

1555 . 30.4

Source: Chambre Française cié i'Horiceerie et ÖBS H i ere techn i nues 257

CONCLUSION

Dans ies années soixante-dix. i'industrie de ia montre connaît une profonde mutation techniaue avec i'introduction du quarte comme régulateur, roie tenu jusque i a par un baiancier spiral.

Avec ia disparition de certaines pieces, disparaissent également ieurs fabricants. Mais surtout l'incrédulité des horlogers franc-comtois face a cette nouvelle technique conduit a une grave crise dans ce secteur d'activité.

Far deià cette mutation se manifestent un certain nemere de continuités. La production se fait toujours de façon eciatée entre les fabricants ae pièces détachées et ceux de montres, même si queiques-un ae ses aerniers s'assurent ie controle ae ia fabrication de boites de montre. Des reseaux de sous-traitance se constituent. Les liens peuvent aller jusqu'à la prise de participation dans ie capital de i'une de ces entreprises sous-traitantes.

Four ce qui est des fabricants de montres, ia mutation technique semble se faire de pair 3vec ie changement ae l'équipe dirigeante qu'eiie seit liée a un changement de propriété ou à un moment dans ia transmission familiale. Dans tous ies cas la structure familiale garde un roie important tant dans la répartition des tacnas de direction que dans cei le du capitai. En effet ies facricants de montres qui ont aujourd'hui réussi à imposer ieur nom et leurs procuits sont ceux qui tout en s'ouvrant aux capitaux financiers, ont su garder ie controle au capital social.

Far de i à les changements survenus. i^r\e même relation semble suosister entre ies produits et ies outiis de production. Historiquement. mais aussi iocaiement. l'industrie horiogére et l'industrie mécanique sont liées. Aujourd'hui avec les nouveaux oesoins en personnel manifestés, un même iien sembie se dessiner entre ia capacité de gérer, entetenir et modifier un parc de macnines a commanoes numériques et ie proouit montre à quarte. Ce iien et cet univers restent a inventorier. •isiw'

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ANNEXE FABRICANTS DE PRODUITS FINIS HORLOGERS ET DE PIECES DETACHEES DANS LE DOUBS

Légende:

FABRICANTS DE. PRODUITE riN[5; 1 : FABRICANTS DE MONTEES MECANIQUES OU A QUARTZ 2 : FABRICANTS DE MONTRES FOUR AVEUGLES 3 : FABRICANTS DE CHRONOGRAFHE5. CHRONOSCOFEB. COÍ-FTEUR DE TEMPS 4 : REVEILS MECANIQUES ET ELECTRiQUES 5 : PENDULES ET FE\JDULETTES MECANIQUES ET ELECTRIQUES 6 : PENDULES MURALES NECANIQUES ET ELECTRIQUES 7 : HORLOGES DE PARQUET 8 : HORLOGES AUTONOMES OU RECEPTRICES POUR AFFiCHASE. APPAREILLAGE DE Di5TRi BUT I UN DE L'HEURE POUR L'USINAGE.

DI STr: I BUTEURS D=. T 1 Cud5 Ds z-TAT i ONNr.Ke.NT

FABRICANTS DE. PIECES DETACHEES A : Eu i TES DE MONTRES B : BOITES DE MONTRES AVEC BRACELET INTEGRE C : BRACELETS CUIR OU AUTRE MATIERE NON METALLIQUE D : BRACELETS METALLIQUES E : CADRANS F : AIGUILLES G : VERRES H : EBAUCHES ET MOUVEMENTE POUR MONTRES MECANIQUES OU A QUARTZ I : ECHAPPEMENTS ET ASSORTIMENTS FOUR MOUVEMENTS ZE MONTRES J : PIGNONS ET ROUAGES K : RESSORTS FOUR MONTRES L : F iERRES M : BALANCiERS N : AXES DE BALANCiERS O : BALANCIERS REGLES POUR L'HORLOGERIE DE PETIT VOLUi-E P : MICROBOBINESr Q : COURONNES LE REMONTO i RS. POUSSOIRS. CORRECTEURS R : VIROLES ET PITONS. CANONS D'AIGUILLES. PIECES POUF. BRACELETS METALLIQUES. ASSORT IMENT POUR MOUVEMENT METALLIQUE S : CENTRALE^ DE TEMPS T : FORTE-ECHAPPEMENTS POUR MOUVEMENTE MECANIQUES U : DECOLLETAGE DE PRECiSION FABRICANTS DE PRODUITS FINIS

Raison sociale: Lieu Effectif ¡Prenait ALT I TIDE Morteau 50 5 ALGNET Jean-Ciaude Le Bizot ? 7 Montres AMBRE Morteau FABRIQUE D'HORLOGERIE SOIGNEE. EMILE 5ÜNHE7 ET FIL5 Morteau BARGST AR-KiETEOSTAR FA i VRE-DUTEC Morteau G EOUHELIER ET CiE Vi il ers Le Lac 132 1

i CAMY FRANCE 1 Vi 1lers Le Lac 2 CATTIN ^MORT IMA; Morteau 5S0 CHASFiER RI EHE Morteau CENTRE DE CREAT iON HORLOGERS Geneu i i i e CENTRE CREATION REALISATION DIFFUSION PRODUITS H0RL05ER5 Besançon CIE GENERALE D'HORLOGERIE Besançon CIE GENERALE D'HORLOGERIE Morteau ; 24; EHGNT Jacques Raynans SOCIETE NOUVELLE L'E=EE Sainte Suzanne 111 ETE FISH CITIZEN FRANCE Chati lion ie Duc 40 1.3 MONTRES CLYDA Charquemont ' ¿~ DECHAUX ET CIE Charquemónt DIFFUS i ON HORLOGERIE SDDH Morteau MONTRES DODANE PRECIA 5ETE Besançon ¡ ! DORN 1ER Gérard Mor Leau ; ! MONTREE DUKE Vil 1ers Le Lac ! FABIGR WATCH Villers Le Lac i FGRNAGE FELIX ET G IE Villers Le Lac FRALSEN HORLOGERIE Eesar.çcn FRANCHE COMTE HORLOGERIE Vi i i ers Le Lac FRE5ARD PANNETON MICROTECHNIQUES Charquement GGJ GAUTHIER Meneau GHEYSEMS G i ¡bene CharquemonL MONTRES LUCCI Besançon MONTRES HE5ERLIN Charquemónz HORLOGERIE MAI CHOI SE Maiche Améaée MAI ROT ei Cie Maiche MATY SFM Besançon Gérard MIDEC CharquemonL 5TE Pierre MARGUET Villers Le Lac Georges MONNIN et Cie CharquemonL MGNTHOR Besançon MOREL Jean Luc CharquemonL MOUCHE ET FILS- Besançon MER! QUE Pierre Moneau MOLA50 ELECTRONiQUE Meneau MULLER TECHNI PASSiON INTERNAT¡ONAL Besançon NOVELTY Vennes ETS PANCHET Le Russey PARENT FRERES Vi I1ers Le Lac --

i PATüIS FRERES Frambouhans ; ~

i L. 6. FETIT ET CiE Charquemcnt ; 130 t i ( MONTRES i Morteau ; 40 i Emiie FEyUIGNET i Mamiroi ie 4 PRETRE ET F i LS Vi i i ers Le Lac £ RENAUD EEZOT Maiene i - RELLRELL i AC Maiche ¡ - R. H. QUARTZ Besançon ¡ 32 REPARALUX Maree i RUPRECHT et Fus G i ¡ley ! 41 5ARLUÄ Charquemont ; 45' 5CHLUMEERSER TECHNOLOGIES nesancon ; io_

5ERAMM Chati i i en Le Duc 31 i i 5!« Besancon i 30 t i 5M5 Chati 1 ion Le Duc 45 i i VI5EZZZI Bernard Pont de Roide 3 i i VUILLEMIN RE5NÎER ¡Cnarauemont 1 34 ~c¿

FABRICANTS DE PIECES [DETACHES

i-iaison sociaie Lieu effectif î-TOCUl t AIR CÜ Le Russey iE U AU5E MiCROTECHNIÇ-uE Thise K

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Au terme ae cette étude. et pour conclure previ soi rement. ies trois activités que nous avons inventoriées présentent des caractéristiques communes mais aussi des variations.

Du point de vue de l'organisation du travail, horlogerie et iunetterie recourent à ia sous-traitance. Dans l'incustrie du jouet, cette sous-traitance disparaît avec ie passage au plastique et perdure pour i a fabrication oes jouets oe bois. A défaut d'entreprises qualifiées. ies lunetiers créent parfois ieurs propres unités de fabrication de certains produits. Un même mouvement, cemeiné a une deiocaiisatio n. existe pour i'inoustrie de ia montre mais i i est justifié par i a volonté ae ne pas voir ses concurrents facriquer trop vite ies mêmes modèles.

Du point de vue de i a coopération entre faoricants. ¡es situations sont également extrêmement différentes puisoue si les industriels du jouet ont réussis à opérer des regroupements commerciaux, ceux-ci ont été voués à 1'échec dans l'industrie horiogere.

De ¡a même manière, alors que l'autofinancement est de

^\ jca régie dans îe jouet. i es fabricants ae montres cnt ouvert ieurs capitaux aux participations financières. Le groupe rami i loi qui dirige l'entreprise se réserve toutefois "15 majorité des parts.

Ce qui est résolument commun à ces trois activités est i a pi ace attribuée a i a mécanique, à i a technique et à i'outii de production. Toutes ces incustries cnt recours au bricoiage. à ia modification des machines. C'est ià que parfois s'appuie l'exclusivité d'une fabrication, même si i'on est passé à aes types de machines et de qualifications différentes. ii conviendrait cependant de confronter ces résultats à ia fois aux mêmes industries dans d'autres régions et à d'autres comaine d'activités comme ¡'agriculture dans l'Arc Jurassien pour déterminer si cette pi ace oe ia mécanique est ou non caractéristique de i'aire inventoriée.