NEIL MARCHAND

CROISSANCE RADIALE DE LA PRUCHE (TSUGA CANADENSIS) ET DU PIN BLANC (PINUS STROBUS) DANS LA FORÊT TEMPÉRÉE DU QUÉBEC EN RELATION AVEC LES PERTURBATIONS FORESTIÈRES ET LE CLIMAT

Thèse présentée à la Faculté des études supérieures et postdoctorales de l’Université Laval dans le cadre du programme de doctorat en Sciences géographiques pour l’obtention du grade de Philosophiæ Doctor (Ph. D.)

DÉPARTEMENT DE GÉOGRAPHIE FACULTÉ DE FORESTERIE, DE GÉOGRAPHIE ET DE GÉOMATIQUE UNIVERSITÉ LAVAL QUÉBEC

2013

© Marchand Neil, 2013

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Résumé

La présente thèse porte sur la croissance radiale de la pruche (Tsuga canadensis L. Carr.) et du pin blanc (Pinus strobus L.), deux espèces arborescentes de la forêt tempérée du sud du Québec où de multiples perturbations interviennent dans la dynamique forestière. Fondée sur une analyse dendroécologique et dendroclimatique, cette recherche comprend trois volets hautement complémentaires qui documentent les relations entre la croissance radiale chez ces deux espèces et les perturbations forestières, à savoir le prélèvement sélectif d’individus, la défoliation lors des épidémies de la tordeuse des bourgeons de l’épinette (TBÉ) (Choristoneura fumiferana (Clemens), ainsi que le climat.

Le premier volet présente les longues séries dendrochronologiques de pruche et de pin blanc confectionnées en Mauricie à l’aide d’arbres vivants et de diverses catégories de bois morts, surtout des billes de bois de flottage extraites de quelques lacs du Parc national de la Mauricie. Les années d’abattage montrent que le pin blanc a été exploité à des fins domestiques au moins 30 ans avant l’émission des premiers droits de coupe, c’est-à-dire depuis au moins 1800, et 70 ans après la disparition présumée des pinèdes dans la région. Les séries montrent des reprises de croissance découlant d’un prélèvement sélectif au sein des forêts. La chronologie des épidémies de la TBÉ établie à l’aide de la pruche, qui est pourtant une espèce hôte secondaire de la TBÉ, est la plus longue produite à ce jour dans l’est du Canada. Les données obtenues de plusieurs régions du Québec méridional (Mauricie, Outaouais et Lotbinière) suggèrent que la pruche peut subir une défoliation sévère lors des épidémies, là où des peuplements de sapin baumier et d’épinette blanche abondent à proximité. À l’échelle régionale, la fréquence des épidémies de la TBÉ augmenterait, vraisemblablement en lien avec l’augmentation de l’abondance du sapin dans les peuplements en régénération.

Le second volet de la thèse a permis d’évaluer la réponse climatique de la pruche et du pin blanc dans les forêts tempérées du sud du Québec. Les analyses dendroclimatiques ont montré que la pruche peut être un bon indicateur du climat si elle a crû dans un milieu où les perturbations naturelles et anthropiques ont été légères. Dans les études dendroclimatiques, on ciblera de préférence des peuplements situés dans des régions où dominent les forêts de feuillus et dont l’historique des perturbations est connu. Le pin blanc

iii est moins sensible aux perturbations biotiques que la pruche, mais la qualité de la réponse climatique chez ce conifère dépend des contraintes hydriques (comme en Outaouais) ou thermiques (comme sur l’île d’Anticosti).

Le troisième volet porte sur la formation de faux cernes chez le pin blanc dans les collines de l’Outaouais, une réponse dendroanatomique à un stress hydrique. Des chronologies de faux cernes ont été élaborées pour deux groupes de sites (sur affleurements rocheux et sur dépôts minces). La fréquence la plus élevée a été obtenue en 1955, 1959 et 1988 (62 % à 90 % des tiges). Les facteurs prédisposant à la formation de faux cernes sont l’âge cambial des tiges et les conditions de drainage rapide sur les affleurements rocheux. Les facteurs déclencheurs sont des événements climatiques (faibles précipitations) survenant pendant la saison de croissance.

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Abstract

Our dissertation documents the radial growth among eastern hemlock (Tsuga canadensis L. Carr.) and white pine (Pinus strobus L.), two tree species of the southern Québec temperate forests, where several disturbances get involved in stand dynamics. Based on a dendroecological and dendroclimatical approach, this study includes three highly complementary sections which address the relationship between radial growth among these two tree species and forest disturbances, i.e., selective tree harvest, defoliation during spruce budworm (SBW) (Choristoneura fumiferana (Clemens)) outbreaks, and climate.

The first section describes eastern hemlock and white pine long tree-ring series which were built from both living trees and dead wood, mainly submerged floated wood extracted from several lakes in the Mauricie National Park. One can deduce from white pine logging years that this tree had been harvested for domestic use 30 years before the first issue of logging rights, i.e., since the 1800s onwards, and about 70 years after presumed decimation of pine forests in the area. Tree ring series show major growth release which likely resulted from selective harvest in forest stands. Our chronology of SBW outbreaks established from eastern hemlock tree-ring series is the longest chronology produced so far in eastern Canada, although hemlock is a secondary host of SBW. Series from several regions (Mauricie, Outaouais and Lotbinière) suggest that eastern hemlock may experience severe defoliation and radial growth suppression in areas where primary hosts of SBW are abundant. At the regional scale, the frequency of SBW outbreaks increases likely in response to an increased abundance in balsam fir in second-growth stands.

In this section, we attempted to evaluate climate responsiveness among eastern hemlock and white pine growing in the southern Quebec Temperate Forest. Dendroclimatic analyses showed that hemlock radial growth may be a good climatic indicator in stands where natural and anthropogenic disturbances were light. Sampling strategies when conducting dendroclimatic studies should focus on trees growing in hardwood-dominated stands and areas where past disturbances have beendocumented. White pine is less sensitive to biotic disturbance than eastern hemlock but the climate responsiness of this conifer depends on constraints associated with water deficit or thermal stress.

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The third section deals with false ring formation in the white pine of the Outaouais Hills, a dendroanatomic response to water stress. False ring chronologies were established for two groups of sites (rocky outcrops and shallow soils). The years 1955, 1959, and 1988 were those with the highest occurrence of false rings (62% to 90% of all stems). Factors predisposing false ring formation include the cambial age of stems bearing false rings and drainage conditions (dry rocky outcrop sites). Triggering factors were climatic events (low precipitation) occurring during the growing season.

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Avant-propos

Cette thèse comprend cinq chapitres dont un, rédigé et publié en anglais, a fait l’objet d’un article scientifique (Chapitre 4). Les chapitres 2 et 3 feront aussi l’objet de publications distinctes, après quelques remaniements. Bien que complémentaires, les chapitres qui forment cette thèse peuvent être lus séparément. Par conséquent, le lecteur voudra bien faire preuve d’indulgence quant à certaines répétitions dans le texte. L’auteure est la principale rédactrice des chapitres et des illustrations, ainsi que la responsable des travaux de terrain et de la majorité des analyses en laboratoire. En sa qualité de directrice Louise Filion (biogéographe) a participé au cheminement de cette thèse et à l’amélioration de son contenu.

Chapitre 1 : Introduction générale

Chapitre 2 : Analyse dendroécologique de la pruche (Tsuga canadensis) et du pin blanc (Pinus strobus) en relation avec la coupe forestière et les épidémies d’insectes défoliateurs dans le Parc national de la Mauricie (Québec, Canada).

Chapitre 3 : Analyse dendroclimatique du pin blanc (Pinus strobus) et de la pruche (Tsuga canadensis) dans la forêt tempérée du Québec, dans un contexte de perturbations multiples.

Chapitre 4 : Marchand, N. et Filion, L. 2012. False rings in the white pine (Pinus strobus) of the Outaouais Hills, Québec (Canada), as indicators of water stress. Publié dans Canadian Journal of Forest Research, 42 : 12-22

Chapitre 5 : Conclusion générale

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Remerciements

Je tiens d’abord à remercier ma directrice de recherche, Louise Filion, de m’avoir confié ce travail passionnant, mais surtout de m’avoir soutenue dans sa réalisation. Je voudrais souligner la rapidité avec laquelle elle a toujours répondu à mes questionnements. La franchise et la pertinence de ses commentaires ainsi que la qualité de ses corrections ont grandement contribué à ma formation et sa grande disponibilité m’a permis de rester motivée pendant toute la durée de cette recherche.

Je voudrais exprimer ma gratitude aux membres de mon comité, le professeur Marc Saint- Hilaire (département de Géographie, Université Laval), et la professeure Diane Saint-Laurent (département des Sciences environnementales, Université du Québec à Trois-Rivières) pour leur encadrement et leurs conseils judicieux. Merci également au professeur Hubert Morin (département des Sciences fondamentales, Université du Québec à Chicoutimi), membre externe du jury qui a aussi évalué cette thèse.

Je souhaite remercier très sincèrement Michel Plante pour son accueil au Parc de la Mauricie et ses encouragements de tous les instants. M. Plante a utilisé tous les moyens dont il disposait pour faciliter le déroulement de mes travaux sur le terrain et il a volontiers partagé ses vastes connaissances du parc. Je remercie également François Auger, dont je n’oublierai ni les petites chansons et ni les itinéraires toutistiques. L’aide précieuse et indispensable de Guillaume Caron, Michel Mongrain et Gilles Bellemare, « les gars » de l’équipe Billot-canot, a été très appréciée, ainsi que celle d’Yves Marcouiller et de Simon Plante. En plus de partager votre expérience et votre amour des forêts et des lacs du parc, vous avez tous contribué à faire de mes travaux de terrain, non seulement une réussite, mais surtout une expérience inoubliable.

Un grand merci à Ann Delwaide et à Luc Cournoyer, deux professionnels de recherche au CEN qui ont été des personnes ressources avec qui j’ai eu grand plaisir à travailler. Merci donc Ann pour les discussions et réflexions devant des échantillons et Luc pour les innombrables versions du logiciel Dendro, les formules Excel et tout le reste !

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Je tiens également à mentionner le travail de mes nombreux assistants, tant sur le terrain qu’en laboratoire : Emmanuel Tousignant, Audrée Mercier-Remillard, Bryan Synkunas, mais surtout David Carignan et Anne Beaudoin pour leur patience dans les analyses en laboratoire qui, ont toujours été de très grande qualité. Mes remerciements s’adressent également à Isabelle Beaudoin-Roy et aux « Amis du parc de la Gatineau » pour leur aide financière.

Une pensée toute particulière va au professeur Pierre Pech, mon directeur de maîtrise à Paris I, que je remercie de m’avoir accompagné dans mes premier pas sur le chemin de la recherche, de la dendrochronologie et du Québec.

Un doctorat est un travail qui vous poursuit jour et nuit. C’est pourquoi je souhaite exprimer ma gratitude à mes amis de Québec qui m’ont appuyée pendant toutes ces années : Marianne, Julie, Jonathan, Francis, Max, Geneviève, Marc et Linda, ma super belle-maman. Un merci particulier va à Corinne Vezeau pour son amitié inconditionnelle, son aide dans la rédaction, ses encouragements et les excellents moments que nous avons passés ensemble. Je tiens à remercier mes amis et ma famille en France, dont ma maman, ma mamie Poulet et Ariane, qui m’ont toujours soutenue dans mes choix même s’ils impliquaient l’éloignement. Je tiens à remercier chaleureusement tout ceux qui m’ont fait le plaisir de venir partager mon expérience en visitant mon Québec, en particulier mes frères Adam et Léo, mes neveux Mars et Lala et mes amis Angeline et Arnaud. Il est difficile de trouver des mots assez forts pour remercier Jean-François Verville, mon lecteur le plus fidèle, mon cartographe, mon amoureux et équipier de toutes les circonstances.

Enfin, j’ai une pensée toute spéciale pour mon père qui aurait aimé ce travail et la vie qui vient avec, dans une cabane au Canada.

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Il faut prendre le taureau par les cornes, parce que par la queue, il n’aime pas ça. Charles Patenaude

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Table des matières

Résumé ...... ii Abstract ...... iv Avant-propos...... vi Remerciements ...... vii Table des matières...... x Liste des figures...... xiv Liste des tableaux ...... xviii Chapitre 1. Introduction générale ...... 20 Chapitre 2 : Analyse dendroécologique de la pruche (Tsuga canadensis) et du pin blanc (Pinus strobus) en relation avec la coupe forestière et les épidémies d’insectes défoliateurs dans le Parc national de la Mauricie (Québec, Canada) ...... 36 Résumé ...... 36 Abstract ...... 38 2.1. Introduction...... 39 2.2. Méthodes ...... 43 2.2.1 Région et sites d’étude...... 43 2.2.2. Échantillonnage dendrochronologique ...... 45 2.2.2.1. Bois de flottage ...... 45 2.2.2.2. Arbres vivants et autres catégories d’arbres morts ...... 47 2.2.3. Préparation des échantillons, analyses en laboratoire et élaboration des séries dendrochronologiques ...... 48 2.2.4. Évaluation du degré d’altération des billes en fonction des conditions de conservation ...... 50 2.2.5. Détermination et correction de l’année d’abattage des arbres ...... 50 2.2.6. Recherche documentaire ...... 51 2.2.7. Identification dendroécologique des épidémies d’insectes défoliateurs ...... 51 2.3. Résultats ...... 54 2.3.1. Série dendrochronologique de la pruche (série Isaïe)...... 54 2.3.2. Série dendrochronologique du pin blanc (série Houle) ...... 57 2.3.3. Série dendrochronologique de l’épinette rouge (série Patrick) ...... 58 2.3.4. Conditions de conservation et degré d’altération des bois lacustres ...... 59 2.3.5. Années d’abattage du pin blanc et de la pruche ...... 60 2.3.6 Marques de poinçon ...... 63

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2.3.7. Épidémies d’insectes défoliateurs ...... 64 2.3.7.1. Chez la pruche ...... 64 2.3.7.2. Chez l’épinette rouge ...... 66 2.3.7.3. Périodes de réduction de croissance associées à l’activité des insectes défoliateurs dans Lotbinière et en Outaouais ...... 66 2.4. Discussion ...... 71 2.4.1. Particularités du matériel dendrochronologique lacustre ...... 71 2.4.1.1. Qualité du bois ...... 71 2.4.1.2 Durée des séries dendrochronologiques ...... 71 2.4.2 Activités de coupe forestière et données dendroécologiques ...... 72 2.4.2.1 Le pin blanc ...... 72 2.4.2.2. La pruche ...... 75 2.4.3. Liens entre la coupe forestière sélective et la croissance radiale des conifères ...... 77 2.4.4. Activité des insectes défoliateurs ...... 79 2.4.4.1. Particularités méthodologiques de l’analyse de l’activité des insectes défoliateurs dans un contexte de perturbations anthropiques ...... 79 2.4.4.2. Insectes responsables de la défoliation ...... 79 2.4.4.3. Potentiel d’analyse d’une espèce hôte secondaire de la TBÉ ...... 81 2.4.4.4 Historique des épidémies dans les régions avoisinant la Mauricie tel qu’établi à l’aide de la pruche...... 84 2.4.4.5 Historique des épidémies en Mauricie tel qu’établi à l’aide d’une espèce hôte secondaire et dans les régions avoisinantes tel qu’établi à l’aide d’espèces hôtes principales ...... 85 2.4.4.6. Influence des activités anthropiques sur l’activité de la TBÉ ...... 87 2.5 Conclusion ...... 89 2.6. Références...... 90 Chapitre 3 : Analyse dendroclimatique de la pruche (Tsuga canadensis) et du pin blanc (Pinus strobus) dans la forêt tempérée du Québec, dans un contexte de perturbations multiples ...... 102 Résumé ...... 102 Abstract ...... 103 3.1. Introduction...... 104 3.2. Méthodes ...... 106 3.2.1. Régions et sites d’étude ...... 106 3.2.1.1. Parc de la Gatineau ...... 107 3.2.1.2. Parc national de la Mauricie ...... 108

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3.2.1.3. Réserve écologique de la Rivière-du-Moulin...... 109 3.2.1.4. Île d’Anticosti...... 110 3.2.2. Échantillonnage dendrochronologique ...... 111 3.2.3. Analyses dendroclimatiques ...... 113 3.2.3.1. Données météorologiques...... 113 3.2.3.2. Fonctions de réponse et fonctions de corrélation ...... 114 3.3. Résultats ...... 116 3.3.1. Caractéristiques des séries dendrochronologiques ...... 116 3.3.1.1. Séries de pruche ...... 116 3.3.1.2. Séries de pin blanc ...... 119 3.3.2. Comparaison des séries dendrochronologiques des deux espèces entre les régions ...... 122 3.3.2.1. Séries de pruche ...... 122 3.3.2.2. Séries de pin blanc ...... 123 3.3.2.3. Comparaison des séries dendrochronologiques des deux espèces au sein d’une même région ...... 123 3.3.3. Relation cernes annuels/climat ...... 124 3.3.3.1. La pruche ...... 124 3.3.3.2. Le pin blanc ...... 126 3.3.3.3 Stabilité des relations cernes annuels/climat...... 128 3.4. Discussion ...... 130 3.4.1. Relations cernes annuels/climat au sein des régions ...... 130 3.4.1.1. Outaouais ...... 130 3.4.1.2. Mauricie et Lotbinière ...... 132 3.4.1.3. Île d’Anticosti...... 135 3.5. Conclusion ...... 137 3.6. Références...... 138 Chapitre 4 : False rings in the white pine (Pinus strobus) of the Outaouais Hills, Québec (Canada), as indicators of water stress ...... 146 Résumé ...... 146 Abstract ...... 147 4.1 Introduction...... 148 4.2. Methods ...... 151 4.2.1. Study area and sites ...... 151 4.2.2. Sampling ...... 152

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4.2.3. Laboratory...... 152 4.2.4. False ring database ...... 152 4.2.5. False ring typology and dendrometric parameters related to their formation ...... 153 4.2.6. Meteorological data ...... 154 4.2.7. Correlation functions ...... 154 4.3. Results ...... 156 4.3.1. False ring chronology and frequency ...... 156 4.3.2. False ring characteristics...... 159 4.3.3. The cambial age of stems at the time of false ring formation ...... 160 4.3.4. Soil conditions ...... 161 4.3.5. Distribution of precipitation throughout the growing season...... 163 4.3.5.1 The driest month of the growing season ...... 163 4.4. Discussion ...... 165 4.4.1 Predisposing factors ...... 165 4.4.2 Triggering factors ...... 165 4.4.3. Radial growth and false ring formation ...... 167 4.4.4. Geographical distribution of false rings ...... 168 4.5. References...... 170 Chapitre 5. Conclusion générale ...... 174 5.1 Contributions de la thèse ...... 174 5.2 Portée de la thèse et perspectives de recherche ...... 176 5.3. Références...... 178

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Liste des figures

Figure 2.1. Localisation de la région d’étude et des sites d’échantillonnage des billes de bois de flottage et autres catégories d’arbres morts dans le Parc national de la Mauricie : pruche (●), pin blanc (■) et épinette rouge (▲). Les mêmes symboles en blanc représentent les sites d’échantillonnage d’arbres vivants. La carte montre le réseau hydrographique principal et localise la station météorologique de Shawinigan (*). Sur le carton, le site de Lotbinière étudié par Delwaide et Filion (1999) et le parc de la Gatineau sont aussi représentés…………………………………………45

Figure 2.2. A) Empilement de billes de bois de flottage extraites du lac Isaïe (août 2007). B) Bille de pruche extraite du lac Isaïe dont la partie lisse qui porte encore un fragment d’écorce (1) a été conservé dans les sédiments lacustres. La partie rugueuse (à gauche) a été altérée au contact de l’eau (2). C) Extrémité d’une bille de pruche extraite du lac Isaïe et portant des marques de poinçon LP identifiant la compagnie exploitante, dans ce cas la Laurentide Paper. L’échantillon couvre la période 1717-1906. D) Manœuvres d’extraction d’une bille de pin blanc à l’aide d’un pic, lac Français. L’échantillon couvre la période 1513-1832………………..48 Figure 2.3. A) Courbes de la croissance radiale moyenne (mm) du pin blanc (Pinus strobus, en orange) et de la pruche (Tsuga canadensis, en vert) dans le Parc national de la Mauricie. B) Séries dendrochronologiques indicées des trois espèces de conifères. Sous les courbes, le nombre d’échantillons utilisés dans la confection des séries dendrochronologiques est indiqué. C) Histogrammes de fréquence (%) de tiges montrant une réduction de croissance telle qu’identifiée dans le logiciel OUTBREAK (Holmes et Swetnam, 1996) : pruche en vert et épinette rouge en brun clair. Après 1800, lorsque les deux espèces sont touchées, les histogrammes prennent une teinte foncée. D) Périodes (P) historiques retenues pour effectuer l’analyse des données dendroécologiques…………………………………………56

Figure 2.4. A) Histogramme montrant les années de formation des derniers cernes annuels présents sur les billes de bois de flottage de pruche (vert et bleu) et de pin blanc (teintes de brun et orangé) dans l’ensemble des sites d’échantillonnage. En vert foncé, les années exactes d’abattage des tiges de pruche avec écorce. Les autres couleurs montrent les années maximales d’abattage déterminées sur des billes dont la partie externe est altérée (sans écorce), par secteur. B) Période d’exploitation par secteur (BEN : lac Benoît; ISA : lac Isaïe; SOL : lac Solitaire; HOU : secteur du lac Houle; BOU : lac Bouchard; PIM : lac du Pimbina; FR : lac Français) et par espèce (pin blanc en jaune, pruche en vert). La zone hachurée correspond à la correction qui a été appliquée afin de tenir compte de l’altération des tiges et des cernes externes manquants. C) Grandes phases d’exploitation de la forêt et principales compagnies exploitantes sur le territoire correspondant au Parc national de la Mauricie……………………………………………………………………………63

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Figure 2.5. Histogrammes de fréquence (%) de tiges montrant une réduction de croissance telle qu’identifiée dans le logiciel OUTBREAK (Holmes et Swetnam, 1996) chez la pruche A) dans Lotbinière (série Rivière-du-Moulin), B) en Mauricie (série Isaïe) et C) dans l’Outaouais (série Belisle). Les chiffres au dessus des histogrammes indiquent le nombre d’échantillons. Le seuil de 40 % retenu afin d’identifier les épidémies est indiqué par un trait en pointillés. En C, le seuil de 30 % a aussi été utilisé après 1880. La partie claire des histogrammes montre la période couverte par un nombre restreint d’échantillons ne permettant pas une bonne interprétation des résultats……………………………………………………………………………..71

Figure 2.6. A) Équarrissage à la hache d’un gros tronc de pin blanc (CIEQ http://mauricie.cieq.ca DIAPO_GRM_165). B) À l’avant-plan, glissoire en travers de la pente, en contrebas d’un site industriel à Shawinigan (CIEQ http://mauricie.cieq.ca N60-38). C) Scène hivernale prise à l’occasion de la construction de la voie ferrée entre Shawinigan et Trois-Rivières, 1906 (CIEQ http://mauricie.cieq.ca DIAPO_GRM_58). D) Scierie à l’usine de la Laurentide Paper à Grand-Mère, vers 1900 (Musée McCord http://www.musee-mccord.qc.ca VIEW-3503. E) Usine de papier de la Laurentide Paper à Grand-Mère et centrale hydroélectrique, 1900 (DIAPO_GRM_007). F) Draveurs piquant les billes de bois dans un rapide en Mauricie, vers 1940 (CIEQ http://mauricie.cieq.ca N 60-69)…..75

Figure 2.7. Périodes d’épidémie de la tordeuse des bourgeons de l’épinette identifiées dans les études dendrochronologiques antérieures à l’aide d’espèces hôtes principales (sapin baumier, épinette blanche) (trame grise) et dans cette étude à l’aide d’une espèce hôte secondaire (pruche) (trame noire). La durée des séries est donnée par les deux traits verticaux externes. Adaptée de Boulanger et Arsenault, 2004…………82

Figure 2.8. Courbes de croissance radiale (mm) A) d’une épinette rouge vivante, B) d’une pruche vivante, C) d’une pruche morte et D) série de référence (non indicée) du pin blanc. Les bandes grises représentent les périodes d’épidémie telles que décelées chez la pruche par l’entremise du logiciel Outbreak (Holmes, 1983)……………...85

Figure 3.2. Localisation des régions d’échantillonnage dendrochronologique : pruche ( ● ) et pin blanc ( ■ ). En Outaouais : parc de la Gatineau (2 espèces); en Mauricie : Parc national de la Mauricie (2 espèces); dans Lotbinière : réserve écologique de la Rivière-du-Moulin (pruche) et sur l’île d’Anticosti: bassin de la rivière Prinsta (pin blanc). La carte montre aussi la localisation des stations météorologiques de Chelsea, Shawinigan, Donnacona et Natashquan ( * )………………………….107

Figure 3.2. Courbes de croissance radiale (mm) (A) et séries indicées de la pruche B) obtenues des différentes régions d’échantillonnage dendrochronologique. Les chiffres sous les chronologies indicées indiquent le nombre d’échantillons qui forment chacune des séries………………………………………………………..119

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Figure 3.3. Courbes de croissance radiale (A) (mm) et séries indicées du pin blanc (B) obtenues des différentes régions d’échantillonnage dendrochronologique. Les chiffres sous les chronologies indicées indiquent le nombre d’échantillons qui forment chacune des séries………………………………………………………..121

Figure 3.4. Coefficients de corrélation (r de Pearson) et coefficients de réponse (valeurs de P) entre les paramètres climatiques (Températures maximums : bâtonnets oranges; précipitations totales : bâtonnets verts) des mois d’avril à août et la largeur des cernes annuels chez la pruche dans les différentes régions d’échantillonnage dendrochronologique ( p < 0,05 ; p < 0,05 récurrent dans les deux types d’analyse)…………………………………………………………………………126

Figure 3.5. Coefficients de corrélation (r de Pearson) et coefficients de réponse (valeurs de P) entre les paramètres climatiques (Températures maximums : bâtonnets oranges; précipitations totales : bâtonnets verts) des mois d’avril à août et la largeur des cernes annuels chez le pin blanc dans les différentes régions d’échantillonnage dendrochronologique ( p < 0,05 ; p < 0,05 récurrent dans les deux types d’analyse)…………………………………………………………………………128

Figure 3.6: Coefficients de corrélation (r de Pearson) calculés pour des périodes de 20 ans décalées de 5 ans, entre les paramètres climatiques (Températures maximums et précipitations mensuelles) des mois d’avril à août et la largeur des cernes annuels chez A) la pruche et B) le pin blanc dans les différentes régions d’échantillonnage dendrochronologique. Seuls les coefficients significatifs sont indiqués………….130 Figure 4.1. Location of the study area (inset) and sites within Gatineau Park in the Outaouais Hills, southwestern Québec (Mmodified from Saint-Cyr 1992). The location of Environment Canada’s meteorological station at Chelsea is also shown…………………………………………………………………………...... 150

Figure 4.2. (A) Histogram showing the number (N) of stems bearing false rings between 1801 and 2006. The three years during which a higher frequency of false rings was recorded are 1955, 1959, and 1988. The number of individuals/ per year used in the chronology is also indicated. The period 1928–2006 (between arrows) was used in this study for a number of statistical analyses. (B–C) Histogram showing the percentage of stems bearing false rings (B) on the rocky outcrop sites (n = 43 to 54) and (C) on shallow soil sites (n = 36 to 40). In B and C, the dotted line corresponds to a 70% frequency of stems bearing false rings………………………………….158

Figure 4.3. Macroscopic view of false rings formed in (A) 1955, (B) 1959, and (C) 1988 (60–80× magnification). The intra-annual bands (shown by the arrows) are darker and denser than the adjacent wood. The symbols ┤ and ├ define the outer limits of the annual ring containing one (A and B) or two (C) false rings………………....159 Figure 4.4. Linear relationship between the cambial age of stems at the time of false ring formation and percentage of false rings. The symbols represent ages for which the number of recording stems was ≤65. The number of individuals (N) is also indicated (grey line)……………………………………………………………………...... 161

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Figure 4.5. Correlation coefficients (Pearson’s r) between monthly maximum temperature (solid bars) and total precipitation (haded bars) and (A) false ring occurrence and (B) mean standardized ring widths (*,p < 0.05)……………...... 163

Figure 4.6. Partial (May to August) ombrothermic diagrams for the three years (A, 1955; B, 1959; C, and 1998) for which a higher frequency of false rings was recorded and the three years containing no or few false rings (D, 1952; E, 1994; F, 2000). The solid and broken lines represent the maximum monthly temperature (T, °C) and the total monthly precipitation (P, mm), respectively……………………………………...... 165

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Liste des tableaux

Tableau 2.1. Caractéristiques des séries dendrochronologiques Isaïe (pruche), Houle (pin blanc) et Patrick (épinette rouge)…………………………………………………..55

Tableau 2.2. Reprises importantes de la croissance radiale chez la pruche et le pin blanc, identifiées à l’aide des méthodes de Lorimer et Frelich (1989) et de Cook (2000)………………………………………………………… …………………..58

Tableau 2.3. Nombre de cernes manquants chez la pruche et le pin blanc dans chaque secteur et selon les conditions de conservation…………………………………….61

Tableau 2.4. Périodes de réduction de croissance chez la pruche et l’épinette rouge identifiées dans le logiciel Outbreak et pourcentage maximum et moyen d'individus affectés par la défoliation en période d’épidémies de la TBÉ……………………...66

Tableau 2.5. Périodes de réduction de croissance chez la pruche en Mauricie (série Isaïe), Lotbinière (série Rivière-du-Moulin) et Outaouais (série Lauriault) identifiées dans le logiciel Outbreak et pourcentage maximum d'individus affectés par la défoliation en période d’épidémies de la TBÉ. Les traits pointillés représentent les limites des périodes d’analyse communes……………………………………………………...69

Tableau 3.1. Données des quatre stations météorologiques d’Environnement Canada utilisées dans l’analyse dendroclimatique………………………………………...109

Tableau 3.2. Caractéristiques des séries dendrochronologiques de la pruche dans chacune des régions d’échantillonnage dendrochronologique……………………………..117

Tableau 3.3. Cernes diagnostiques chez la pruche et le pin blanc dans les régions d’échantillonnage dendrochronologique………………………………………….118

Tableau 3.4. Caractéristiques des séries dendrochronologiques du pin blanc dans chacune des régions d’échantillonnage dendrochronologique……………………………..120

Tableau 3.5. Statistiques comparatives des séries dendrochronologiques de pruche (A) et de pin blanc (B) entre les sites d’échantillonnage et pour la période commune à deux séries. Les résultats significatifs (p ≤ 0,001) sont en caractères gras……………123

Tableau 3.6. Statistiques comparatives des séries dendrochronologiques de pruche et de pin blanc au sein d’une même région d’échantillonnage et pour la période commune aux deux séries. Les résultats sont tous significatifs (p ≤ 0,001)……………………...124

Table 4.2. Number of false rings relative to their position within a growth ring and to the number of tracheids forming the intraannual band……………………………….160

Table 4.3. Characteristics of the false ring chronologies derived from the rocky outcrop and shallow soil sites…………………………………………………………………..162

xix

Table 4.3. Extreme radial growth data (widths of the narrowest and largest growth rings) for select populations of white pine (Pinus strobus), along with the mean yearly precipitation and temperature from Massachusetts (US), the Mauricie region, and the Outaouais Hills (Québec)……………………………………………………..169

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Chapitre 1. Introduction générale

Les milieux forestiers, tels que nous les connaissons actuellement au Québec et, de manière générale, dans l’est de l’Amérique du Nord, sont le résultat de l’action combinée des perturbations naturelles et des activités humaines d’exploitation (Turner, 1989). Bien que la forêt y ait été très fréquentée et localement exploitée par les populations autochtones depuis longtemps (Litalien, 1993), les activités humaines qui ont eu un réel impact sur le couvert végétal ont débuté avec l’établissement permanent des Européens en Nouvelle-France, en particulier en bordure du fleuve Saint-Laurent et de ses affluents. Ces activités initiales ont mené à une déforestation qui a permis l’occupation des terres à des fins agricoles ou d’urbanisation (Marie-Victorin, 1935). C’est au début du 19e siècle, avec l’avènement de l’exploitation industrielle de la forêt, que l’impact de cette activité sur la dynamique de la végétation elle-même s’est fait sentir (Hardy et Séguin, 2004).

Jusqu'à son exploitation industrielle, la forêt mixte des régions tempérées du Québec a été essentiellement régie par des perturbations naturelles, d’étendue et d’intensité variables. Les épidémies d’insectes, les chablis et les feux sont des événements naturels récurrents qui peuvent constituer un facteur de mortalité des arbres au sein des peuplements affectés, dont l’ampleur varie beaucoup en fonction de l’intensité de la perturbation (Payette, 1992 ; Dansereau et Bergeron, 1993 ; Bergeron et Charron, 2010). Ces perturbations forestières et la succession qu’elles enclenchent ensuite contribuent au renouvellement des peuplements et entraînent un changement de la composition floristique des communautés végétales et de la répartition des individus ligneux dans les différentes classes d’âge (Lorimer, 1977 ; Pickett et White, 1985 ; Frelich et Lorimer, 1991 ; Payette, 2010 ; Frelich, 2002 ; Johnson et Miyanishi, 2007). Elles contribuent aussi au maintien de la diversité écologique à l’échelle du paysage (Mooney et Godron, 1983; Pickett et White, 1985 ; Talon et al., 2005).

Si la fréquence des feux en forêt boréale est assez bien connue, les intervalles variant de quelques décennies à plusieurs siècles (Bergeron et al., 2001 ; 2004 ; Talon et al., 2005 ; Bergeron et Charron, 2010), elle est cependant moins bien documentée en forêt tempérée.

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Dans les régions où les forêts caducifoliées dominent, et malgré la présence de conifères comme le pin blanc (Pinus strobus L.) et la pruche (Tsuga canadensis (L.) Carr.), en peuplements purs ou mixtes (feuillus et conifères), le passage du feu est moins fréquent (Talon et al., 2005). Plus complexe à déterminer qu’en forêt boréale, la fréquence des feux de cime, entraînant plutôt un mode de renouvellement arbre par arbre, a toutefois été évaluée à 2700 ans dans les peuplements de pin gris (Pinus banksiana Lamb.) du Bas- Saint-Laurent (Parisien et al., 2004). En forêt tempérée, les feux peuvent certes constituer une perturbation sévère, mais leur fréquence reste faible.

Les perturbations dites secondaires, c'est-à-dire les épidémies d’insectes défoliateurs et les chablis, se produisent selon un intervalle de retour plus court que celui des feux (Lorimer, 1977 ; Boucher, 2008), mais elles sont généralement moins sévères (Pickett et White, 1985). En forêt tempérée, les épidémies d’insectes défoliateurs sont fréquentes, d’autant que les peuplements mixtes d’arbres feuillus et de conifères peuvent accueillir des insectes se rattachant tantôt à la forêt caducifoliée, tantôt à la forêt boréale. La livrée des forêts (Malacosoma disstria Hübner) est l’insecte phytophage ravageur des populations d’arbres feuillus de l’est du Canada le plus largement répandu en Amérique du Nord (Stehr and Cook 1968 ; Martineau, 1985 ; Frey et al., 2004 ; Cooke et al., 2011). Cet insecte est à l’origine du déclin des populations de peuplier faux-tremble (Populus tremuloides Michx.) et il constitue également le principal ravageur des populations de peuplier baumier (Populus balsamifera L.) en Alberta, en Ontario et au Québec (Hogg et al., 2002 ; Man and Rice, 2010). En période de pullulation, la livrée des forêts s’attaque à toutes les espèces d’arbres feuillus, sauf l’érable rouge (Acer rubrum L.) (Martineau, 1985). Les épidémies de cet insecte ont lieu environ tous les 10 ans (Frey et al., 2004 ; Moulinier et al., 2011). Elles sont d’une durée de 3 ans (à l’échelle du site) à 10 ans (à l’échelle du paysage) (Sippell, 1962 ; Witter, 1979 ; Cooke et al., 2009 ; Moulinier et al., 2011). Une défoliation de courte durée entraîne une diminution de la croissance radiale et la formation d’un cerne pâle chez les arbres défoliés (Frey et al., 2004), mais une défoliation soutenue, pendant au moins trois années consécutives, entraîne un accroissement du taux de mortalité dans les peuplements affectés (Churchill et al., 1964 ; Frey et al., 2004 ; Man and Rice, 2010 ; Moulinier et al. 2011). Cette mortalité crée des trouées dans le couvert forestier, qui sont à l’origine de la structure inéquienne des peuplements affectés par la livrée des forêts (Moulinier et al.,

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2011). En forêt boréale, la tordeuse des bourgeons de l’épinette (TBÉ) (Choristoneura fumiferana (Clem.)) est le principal insecte ravageur des forêts de conifères (Martineau, 1985). Cet insecte défoliateur s’attaque principalement au sapin baumier (Abies balsamea (L.) Mill.) et à l’épinette blanche (Picea glauca (Moench) Voss). La défoliation peut causer une réduction importante de la croissance des arbres en période épidémique et entraîner une mortalité élevée au sein des peuplements affectés. Plus au sud, en forêt mixte, la TBÉ peut s’attaquer à environ 25 espèces de conifères, dont la pruche et toutes les espèces d’épinettes (Martineau, 1985). Au Québec, les épidémies de la TBÉ se produisent selon un intervalle de retour de 30 à 40 ans (Régnière et Lysyk, 1995 ; Jardon et al., 2003 ; Boulanger et Arsenault, 2004 ; Morin et al., 2010 ; Payette, 2010).

Les chablis résultent de la chute ou du déracinement d’un groupe d’arbres lors de vents violents ou d’ouragans (Peterson et Picket, 1995). Ce processus favorise un remaniement des sols, la disponibilité en nutriments et la régénération forestière, mais il augmente en revanche les conditions d’exposition des arbres qui restent sur pied ou se retrouvent en bordure des trouées ou des secteurs chablisés (Canham et Loucks, 1984; Payette et al., 1990). En forêt tempérée, la fréquence des chablis varie de quelques décennies (45 ans dans le cas de la réserve écologique de Tantaré) (Payette et al., 1990) à plus de 1000 ans (Canham et Loucks, 1984).

À ces perturbations naturelles, s’est ajoutée, au cours du 19e siècle, l’exploitation industrielle des forêts, d’abord dans la vallée du Saint-Laurent, puis au sein des bassins versants de ses principaux tributaires, en particulier ceux de la rivière des Outaouais et du Saint-Maurice. C’est en effet au début du 19e siècle que l’Angleterre, contrainte par le conflit qui l’opposait à la France, alors sous l’autorité de Napoléon, entreprit l’exploitation de ses forêts coloniales au Québec (Lower, 1938 ; Gaudreau, 1988 ; 1999). Dès lors, l’exploitation forestière va entraîner de profonds changements écologiques, tant dans les milieux forestiers que dans les cours d’eau et les bassins hydrographiques. On note, par exemple, un certain contrôle des feux dans les aires exploitées (Friedman et Reich, 2005 ; Bergeron et al., 2006), le prélèvement sélectif d’une grande quantité d’individus matures au sein des peuplements forestiers ou encore l’aménagement des cours d’eau pour le flottage du bois.

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Le transport par flottage des billes de bois, opération connue sous l’appellation de drave, est un symbole de l’exploitation forestière au Québec (Hardy et Seguin, 2004). Il s’agit d’une activité qui a été très importante pendant plus de 150 ans. Dans les régions exploitées, une grande partie du réseau hydrographique a été aménagé dans le but de faciliter le transport du bois (Lafleur, 1970 ; Pelletier-Bellefleur, 1974 ; Hardy et Séguin, 2004). Ce mode de transport a laissé des traces, surtout le long des cours d’eau qui ont servi à cette fin. En plus des infrastructures de bois érigées sur les cours d’eau (barrages de retenue des eaux et du bois), une grande quantité de billes de bois de drave a été abandonnée sur place et a coulé par la suite, tapissant la zone infralittorale de débris ligneux. La présence de ces billes a entraîné des changements importants au sein de ces écosystèmes aquatiques, comme la modification du bilan sédimentaire et des propriétés physico-chimiques de l’eau, ainsi que la dégradation des frayères (Plante, 2006).

À ces modifications du réseau hydrographique, viennent s’ajouter celles qui sont en lien direct avec l’exploitation du couvert forestier. D’abord locale et de type artisanal, l’exploitation forestière a connu de grandes phases au cours desquelles l’intensité des pratiques de coupe s’est accrue au fil du temps. Au début du 20e siècle, la récolte va prendre une ampleur telle que son influence sur le milieu forestier deviendra comparable, voire supérieure, à celle d’une perturbation naturelle sévère et de grande étendue (Carleton et MacLellan, 1994 ; Dussart et Payette, 2002). Les prélèvements massifs de bois ont entraîné une modification de la composition en espèces des peuplements et leur rajeunissement (Whitney, 1994 ; Bouchard et Domon, 1997 ; Friedman et Reich, 2005).

Ces changements brusques au sein des peuplements de la période préindustrielle se sont traduits, entre autres, par une quasi disparition des peuplements mono- ou bispécifiques de pruche et de pin blanc (Hardy et Séguin, 1984 ; 2004 ; Mladenoff et al., 1993 ; Foster et al., 1998). Ces deux espèces, parmi les plus longévives de ces régions avec le thuya occidental (Thuya occidentalis L.) (Arseneault, 2010), étaient bien représentées dans les forêts de la période préindustrielle dans le sud du Québec. Les billes de bois submergées constituent donc une source de données paléoenvironnementales de première importance, qui peuvent être mises en valeur grâce à une analyse dendroécologique.

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Associée à l’écologie végétale, la dendroécologie aborde l’étude des relations spatiotemporelles entre les végétaux ligneux et leur habitat (Payette et Filion, 2010). Axée sur la notion de temps, elle met en valeur la capacité des plantes ligneuses à enregistrer des données qui permettent de mieux comprendre leur environnement (Payette, 2010). En ce sens, elle se rattache au domaine de l’écologie historique (McIntosh, 1985). Les méthodes dendroécologiques sont de plus en plus utilisées dans l’interprétation de la structure et du fonctionnement des peuplements forestiers. Elles permettent de reconstituer les régimes de perturbations à l’aide d’arbres vivants et d’arbres morts, et de statuer sur la dynamique passée, actuelle et à venir des forêts. L’utilisation d’arbres vivants permet de couvrir des périodes qui vont de quelques décennies à plusieurs centaines d’années, selon la longévité des arbres en présence. Toutefois, les vieux arbres vivants sont relativement rares et leur analyse ne permet pas de couvrir des périodes très longues. L’utilisation concomitante d’arbres morts, en revanche, permet des reconstitutions écologiques pour des périodes plus anciennes, qui ne sont habituellement que peu ou pas documentées dans les écrits.

De nombreux documents historiques font état des activités de coupe en forêt et du mode de transport du bois par la drave. On trouve des sources primaires comme les carnets d’arpentage qui décrivent l’état des peuplements avant la coupe (Mauri Ortuno, 2010), les actes notariés relatifs aux ventes de bois (Simard et Bouchard, 1996), les archives de certaines compagnies forestières qui font état de leurs activités commerciales (CIEQ), ou encore des photographies historiques (CIEQ, 2012 ; Musée McCord, 2012). Il existe également de nombreuses sources secondaires qui sont souvent le fruit de travaux de recherche et de synthèse d’envergure et qui prennent la forme de dossiers statistiques ou de monographies régionales (Hardy et Séguin 1980 ; 2004).

Le Parc national de la Mauricie (PNM) est une aire protégée qui vise la sauvegarde de territoires qui ont été le théâtre de ces activités passées d’exploitation forestière. Créé en 1971, le PNM occupe une superficie de 536,7 km2. Il est situé à la limite méridionale du Bouclier canadien, dans une zone de transition où plusieurs espèces atteignent leur limite septentrionale ou méridionale de répartition (Latourelle et Blouin, 2010). Dans le cadre d’un projet de restauration de l’intégrité écologique des lacs, les autorités du parc ont entrepris l’extraction de la majeure partie des billes de bois de flottage qui ont coulé dans la

25 zone infralittorale de certains lacs (Plante, 2006). Si la première conséquence de ce programme fut la restauration des habitats aquatiques, la seconde fut le prélèvement de plus de 17000 billes de bois de 14 pieds (4,20 m) dans cinq lacs. Les autorités du parc souhaitaient la mise en valeur de cette importante source de données environnementales et historiques. L’analyse dendrochronologique préliminaire de quelques dizaines de billes, la grande majorité étant de la pruche, laissait entrevoir un grand potentiel de reconstitution dendroécologique et historique en raison de leur grand âge.

Ce type de matériel s’apparente aux mégafossiles ligneux décrits par Arseneault et Filion (2001). Les mégafossiles comprennent des troncs d’arbres, mais aussi certaines parties comme les souches ou les branches de grande dimension. Le bois peut se conserver pendant de longues périodes dans divers types de milieux terrestres, semi-aquatiques ou aquatiques, là où les conditions demeurent anoxiques. En milieu terrestre, le matériel minéral détritique, par exemple alluvionnaire, éboulisé ou déposé à la suite de mouvements de masse (ex. glissements de terrain) constitue un milieu privilégié de conservation des bois fossiles (Becker, 1993 ; Freidrich, 2004). Les tourbières et les lacs sont aussi des milieux où les mégafossiles ligneux peuvent être très abondants (Arseneault et Payette, 1998). Des troncs d’arbres enfouis et très bien conservés ont permis une reconstitution des conditions paléoenvironnementales pour des périodes souvent très anciennes. Par exemple, les troncs extraits de la tourbe dans les dunes paludifiées du complexe éolien de Saint-Flavien dans la région de Lotbinière, ainsi que les macrorestes de plantes et d’insectes, ont permis d’identifier les causes du déclin de la pruche à l’Holocène moyen (Bhiry et Filion, 1996). L’abondance de troncs de pruche, de pin blanc et de mélèze laricin ( (Du Roi) K.Koch) y a aussi permis une reconstitution paléoenvironnementale de plusieurs millénaires en lien avec la paludification de ces vastes surfaces sableuses, en réponse aux changements hydroclimatiques survenus au cours de l’Holocène moyen et supérieur. De façon analogue, mais dans le Nord du Québec, Arseneault et Payette (1998) ont prélevé plus de 1300 échantillons d’épinette noire (Picea mariana [Mill.] BSP.), dans les tourbières à pergélisol situées le long du cours moyen de la rivière Boniface. Cette étude a permis de prolonger de plus de 600 ans la chronologie des cernes pâles chez l’épinette noire et de documenter le rôle respectif des conditions écologiques locales et du climat sur la formation de ce type particulier de cernes diagnostiques.

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De nombreuses études ont permis l’analyse de troncs d’arbres qui ont été transportés à la surface de l’eau comme le bois de dérive (driftwood) qui peut se conserver très longtemps sur les berges, en particulier dans les conditions froides de l’Arctique (Eggertsson, 1994), ou encore le bois de flottage qui peut aussi persister longtemps au fond des lacs et des rivières (Eggertsson, 1994 ; Douglas et al., 2006 ; Boucher et al., 2009). Grabner et al. (2004) ont ainsi étudié les infrastructures qui ont servi à la drave des conifères pendant la période industrielle, depuis les hautes montagnes alpines sur les rivières Enns et Steyer en Autriche. Dans le sud-ouest de l’Allemagne, l’étude des bois archéologiques de milieu humide (bord de lacs et de tourbières) a permis, en plus de la datation des habitations palafittiques, une reconstitution paléoécologique des milieux d’origine de ces bois (Billlamboz, 2010). En retraçant les phases de l’occupation du sol entre -4000 et -2400 ans avant aujourd'hui dans les environs du lac de Constance, Billlamboz (2010) a effectué une reconstitution du cadre de vie des sociétés néolithiques, tout en faisant ressortir le rôle de l’Homme dans l’évolution de son environnement.

Les bois fossiles permettent de faire le lien entre les études dendroécologiques des bois modernes et certaines méthodes de la paléoécologie (palynologie, anthracologie, analyse macrofossile) utilisées pour documenter des périodes anciennes, mais qui sont peu utiles dans l’étude de phénomènes récents. À ce titre, les billes de bois de flottage extraites des lacs du PNM constituent une source inestimable de données primaires (sensu Courville, 1995) qui permet de compléter les connaissances que nous avons de l’histoire de la forêt et de son exploitation. Dans ce travail, la dendroécologie entend favoriser la convergence des méthodes historiques, géographiques et écologiques afin de produire des données nouvelles qui permettront de mieux comprendre les activités d’exploitation des forêts en Mauricie, ainsi que certaines perturbations écologiques comme les épidémies d’insectes défoliateurs.

Cette recherche a pour but de montrer quels ont été les impacts de ces diverses perturbations sur la croissance radiale des arbres en exploitant le matériel dendrochronologique mis à notre disposition : les nombreuses billes de bois de flottage extraites de quelques lacs du PNM et quelques chronologies de pruche et de pin blanc d’autres régions (parc de la Gatineau, réserve écologique de la Rivière-du-Moulin dans Lotbinière et île d’Anticosti) qui sont utilisées ici à des fins de comparaison interrégionale.

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De l’ensemble de ce matériel, nous pouvions escompter des données environnementales de grande valeur et ce, pour plusieurs raisons. En Mauricie, le nombre élevé de billes de bois et leur âge avancé (tel qu’évalué par le dénombrement des cernes annuels) ont permis d’envisager la construction de longues séries de pruche et de pin blanc dans une région où il est difficile de trouver de vieux arbres vivants. De plus, les échantillons de bois montraient de nombreuses séquences de cernes étroits suivies d’une récupération plus ou moins rapide. Il s’agit d’un patron de croissance analogue à celui que présentent les arbres touchés par une défoliation sporadique (Krause et Morin, 1999), ce qui laissait entrevoir un grand potentiel d’analyse dendroécologique. Enfin, la disponibilité de séries dendrochronologiques des mêmes espèces, mais provenant d’autres régions, a permis d’effectuer des comparaisons interrégionales en ce qui a trait à la croissance de ces conifères tempérés à la limite de leur aire de répartition.

D’abord axée sur l’historique de l’exploitation forestière en Mauricie, notre recherche s’est donc étendue à l’analyse du patron de croissance chez la pruche, un patron jugé a priori caractéristique de la défoliation par des insectes phytophages. L’épinette rouge (Picea rubens Sarg) a aussi été analysée car nous disposions d’une série dans le PNM. S’ouvrait ainsi à nous le vaste champ d’investigation de cette importante perturbation forestière.

Nous avons formulé l’hypothèse que le patron de croissance des pruches en Mauricie répondait à des perturbations multiples (exploitation forestière et épidémies d’insectes défoliateurs), avec en toile de fond des conditions climatiques qui ont pu changer au fil des siècles et qui diffèrent entre les régions d’échantillonnage dendrochronologique. Un des principaux défis à relever dans cette thèse résidait donc dans l’utilisation de méthodes d’analyse appropriées en vue d’une interprétation crédible du patron de croissance radiale des arbres dans un contexte de perturbations multiples.

L’objectif général de cette thèse est d’étudier la croissance radiale de la pruche et du pin blanc dans la forêt tempérée du Québec à l’aide des méthodes dendroécologiques, afin de comprendre les relations entre le patron de croissance et les perturbations forestières, d’une part, et le climat, d’autre part.

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Les objectifs spécifiques sont les suivants :

1) Effectuer une analyse dendroécologique de la pruche et du pin blanc en Mauricie en lien avec les principales perturbations, à savoir l’exploitation historique des forêts et les épidémies d’insectes défoliateurs ;

2) Effectuer une analyse dendroclimatique des séries de la Mauricie et celles d’autres régions du sud (Outaouais, Lotbinière) et de l’est (Anticosti) du Québec, afin d’évaluer les possibilités d’extraire le signal climatique chez des arbres ayant subi ces perturbations ;

3) Analyser un cas particulier de cernes diagnostiques observé chez le pin blanc dans les collines de l’Outaouais, à savoir la présence généralisée de faux cernes qui sont des bandes intraannuelles de bois de densité plus élevée que le bois adjacent.

Après cette introduction générale (Chapitre 1), le chapitre 2, qui s’intitule « Analyse dendroécologique de la pruche (Tsuga canadensis) et du pin blanc (Pinus strobus) en relation avec la coupe forestière et les épidémies d’insectes défoliateurs dans le Parc national de la Mauricie (Québec, Canada) » présente, en plus des longues séries dendrochronologiques, les données concernant l’exploitation de la forêt et la reconstitution historique des épidémies d’insectes défoliateurs, nommément de la tordeuse des bourgeons de l’épinette. Ce chapitre met également en relation les perturbations naturelles et anthropiques qui se conjuguent dès le milieu du 19e siècle.

Le chapitre 3, intitulé « Analyse dendroclimatique chez le pin blanc et la pruche dans la forêt tempérée du Québec, dans un contexte de perturbations multiples » utilise les méthodes classiques de la dendroclimatologie que sont les fonctions de réponse et de corrélation. Les analyses portent sur les séries dendrochronologiques présentées dans le chapitre 2, mais uniquement sur la partie des séries élaborée à l’aide d’arbres vivants, ainsi que sur plusieurs autres séries des mêmes espèces. Il a permis d’évaluer la qualité de la relation cernes de croissance/climat dans un contexte de perturbations multiples, dans des régions climatiquement contrastées du sud-ouest (Outaouais), du centre-sud (Mauricie et Lotbinière) et de l’est du Québec (île d’Anticosti).

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Le chapitre 4, intitulé « False rings in the white pine (Pinus strobus) of the Outaouais Hills, Québec (Canada), as indicators of water stress » porte sur une analyse des faux cernes chez le pin blanc dans une région du Québec où peuvent sévir des épisodes momentanés de sécheresse. Il a permis d’identifier les facteurs qui prédisposent et déclenchent la formation de faux cernes, ainsi que les seuils de précipitation qui entraînent la formation de ces bandes intraannuelles de bois plus dense. Ce chapitre est publié dans le numéro de janvier 2012 de la Revue Canadienne de Recherche Forestière.

Enfin, la conclusion générale (chapitre 5) résume les principales contributions de cette thèse et identifient certaines avenues de recherche qui pourraient être explorées.

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Chapitre 2 : Analyse dendroécologique de la pruche (Tsuga canadensis) et du pin blanc (Pinus strobus) en relation avec la coupe forestière et les épidémies de la tordeuse des bourgeons de l’épinette dans le Parc national de la Mauricie (Québec, Canada)

Résumé

De longues séries dendrochronologiques de pruche (tsuga) et de pin blanc, confectionnées à l’aide d’arbres vivants et de billes de bois de flottage extraites de quelques lacs du Parc national de la Mauricie, ont permis de documenter les principales phases d’exploitation des forêts en Mauricie, ainsi que les épidémies de la tordeuse des bourgeons de l’épinette (TBÉ) des derniers siècles.

Les années d’abattage des pruches (entre 1870 et 1930) confirment le patron historique d’exploitation de la pruche à des fins de production de bois de sciage. Les années d’abattage obtenues des pins blancs nous amènent à conclure que cette espèce a été exploitée pendant une période plus longue que ne le rapportent les écrits historiques : dès 1800, soit 30 ans avant l’émission des premiers droits de coupe, à des fins domestiques et jusque vers 1950, soit environ 70 ans après la disparition présumée des pinèdes dans la région. Les séries montrent d’importantes reprises de croissance à des moments clés de l’exploitation des forêts, découlant vraisemblablement du prélèvement sélectif au sein des peuplements forestiers. Nos données dendroécologiques viennent compléter les connaissances que nous avons de l’historique de la coupe forestière dans le Parc national de la Mauricie.

La chronologie des épidémies de la TBÉ que nous avons établie à l’aide des séries de pruche est la plus longue produite à ce jour au Québec et dans l’est du Canada, bien qu’il s’agisse d’une espèce hôte secondaire de la TBÉ. Les séries obtenues en Outaouais, en Mauricie et dans Lotbinière suggèrent que la pruche peut subir une défoliation sévère et une

37 réduction de croissance radiale dans les régions où abondent le sapin baumier et l’épinette blanche, deux espèces hôtes principales de la TBÉ. La fréquence des épidémies de la TBÉ augmenterait, vraisemblablement en lien avec l’augmentation de l’abondance du sapin dans les peuplements en régénération.

Mots clés : bois de flottage, dendroécologie, Mauricie, patrons de croissance, pin blanc, prélèvement sélectif, pruche, séries dendrochronologiques, tordeuse des bourgeons de l’épinette, tsuga.

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Abstract

Long tree-ring series of eastern hemlock and white pine, which were constructed by using living trees and submerged floated wood extracted from several lakes in Mauricie National Park, allowed us to document the main forest harvesting stages in the Mauricie area and past spruce budworm (SBW) outbreaks.

Hemlock logging years (between 1870 and 1930) confirmed the historical pattern of hemlock exploitation for lumber production. One can deduce from white pine logging years that this tree had been harvested for a period longer than that reported in historical records. From the 1800s onwards, it has been exploited for domestic use, i.e., 30 years before the first issue of logging rights, and until 1950, i.e., about 70 years after presumed decimation of pine forests in this area. Tree ring series show major growth release at key moments of historical forest exploitation, which likely resulted from selective harvest in forest stands. Our tree-ring data complements the historical background pertaining to logging activities in La Mauricie National Park.

Our chronology of SBW outbreaks established from eastern hemlock tree-ring series is the longest chronology produced so far in Québec and in eastern Canada, although hemlock is a secondary host of SBW. Series from Outaouais, Mauricie and Lotbinière regions suggest that eastern hemlock may experience severe defoliation and radial growth suppression in areas where balsam fir and white spruce, two primary hosts of SBW, are abundant. The frequency of SBW outbreaks increases likely in response to an increased abundance in balsam fir in second-growth stands.

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2.1. Introduction

En régions tempérées, la dynamique des milieux forestiers est surtout influencée par les perturbations naturelles telles que la défoliation par les insectes, les chablis et les feux de forêt (Frelich et Lorimer, 1991 ; Frelich, 2002). Certaines perturbations, comme le feu en forêt coniférienne ou mixte, causent une ouverture rapide du couvert forestier (Pickett et White, 1985 ; Payette, 1992, 2010 ; Dansereau et Bergeron, 1993 ; Bergeron et Charron, 2010). D’autres entraînent plutôt un remplacement arbre par arbre dans les trouées causées par les chablis locaux, comme en forêt caducifoliée (Payette et al., 1990). L’impact de ces perturbations dépend habituellement de leur intensité. Par exemple, une défoliation par les insectes, selon qu’elle sera légère ou sévère, n’aura pas le même impact sur la vitalité et la mortalité des arbres, l’étendue des dommages, etc. (Blais, 1983 ; Filion et al., 2010 ; Morin et al., 2010). Les perturbations agissent donc comme un moteur de la succession écologique et elles entretiennent une mosaïque de peuplements de composition et d’âge variables (Pickett et White, 1985 ; Johnson et Miyanishi, 2007 ; Payette, 2010). Des coupes forestières causant un prélèvement quasi complet des arbres et qui sont opérées selon une période de retour souvent plus courte que celle de la plupart des perturbations naturelles peuvent constituer une perturbation sévère (Carleton et MacLellan, 1994 ; Dussart et Payette, 2002).

Dans le sud du Québec, les forêts caducifoliées et les forêts mixtes étaient anciennement formées d’arbres qui, en raison de la qualité du bois et de la taille des individus ou encore de leur propriété de conservation, ont été très tôt prisés par l’industrie forestière. C’est le cas notamment du pin blanc (Pinus strobus L.), de la pruche (Tsuga canadensis (L.) Carr.) et des épinettes (Picea sp.) chez les conifères (Bouchard et al., 1989), ainsi que du chêne rouge (Quercus rubra L.), de l’érable à sucre (Acer saccharum Marsh.) et du bouleau jaune (Betula alleghaniensis Britton) chez les arbres à feuillage décidu (Bouchard et Domon, 1997 ; Brisson et Bouchard, 2003).

L’exploitation industrielle des forêts du Québec s’est amorcée au début du 19e siècle, dans le contexte du blocus napoléonien sur la Grande-Bretagne, initié en 1806 (Hardy et Séguin, 1984 ; 2004). En effet, privée du bois des régions continentales d’Europe, l’Angleterre a dû se tourner vers ses colonies pour assurer son approvisionnement en bois. Le gouvernement

40 anglais instaura dès lors un système protectionniste favorisant les importations en provenance de ses colonies nord-américaines. Durant la première partie du 19e siècle, l’exploitation forestière dans l’est du Canada alimente le marché anglais vers lequel est expédiée, par bateau, la quasi-totalité du bois de pin blanc et de pin rouge récolté (Lower, 1933 ; Gaudreau, 1999). L’industrie se développe d’abord dans le Haut-Saint-Laurent, l’Outaouais et en Mauricie, le long des cours d’eau puisqu’il s’agit des voies de transport utilisées pour le flottage des billes de bois (Hardy et Séguin, 1984).

En Mauricie, bien que les premiers droits de coupe aient été émis en 1832, l’arrière-pays reste essentiellement celui des chasseurs et des trappeurs jusque vers 1850 (Caron, 1889 ; Lafleur, 1970). En 1852, la construction des premières glissoires à bois permettant de franchir les obstacles sur la rivière Saint-Maurice marque le début de l’exploitation industrielle des forêts de la région. On estime qu’en 120 ans, soit entre 1850 et 1970, de 50 % à 60 % de la superficie correspondant à l’actuel Parc national de la Mauricie (PNM créé en 1971) aurait été soumise à l’exploitation forestière commerciale. Trois types de produits ligneux ont été exploités de manière non exclusive pendant cette période : 1) le bois équarri entre 1850 et 1870, 2) le bois de sciage, surtout entre 1870 et 1910 et 3) le bois pour la production de pâtes et papiers entre 1890 et 1970.

Le bois équarri vient de l’exploitation sélective du pin blanc. Plusieurs fois centenaires et de grande taille (> 35 m), les arbres provenaient surtout de forêts primaires ou, du moins, de vieilles forêts. Les longues tiges droites donnaient un bois de qualité supérieure (Caron, 1889 ; Lower, 1933 ; Séguin, 1977). Face à l’épuisement rapide de la ressource en pins (Gaffield et al., 1997), l’industrie forestière se tourna vers la production de bois de sciage. Débuta alors l’exploitation de la pruche et des épinettes qui, à maturité, ont une taille plus modeste que celle du pin blanc et forment des forêts, en règle générale, moins diversifiées (Lower, 1933). La transition entre les ventes de bois équarri et les ventes de bois de sciage s’est effectuée progressivement entre 1850 et 1870 (Gaffield et al., 1997 ; Gaudreau, 1999). De moins en moins sélective et de plus en plus axée sur la quantité, l’industrie du bois de sciage est touchée par une crise économique au cours des années 1870 (Lower, 1933 ; St- Amand, 1969 ; Hardy et Séguin, 1984 ; Gaudreau, 1988 ; 1999). Le bois de sciage est destiné tant à l’exportation qu’à une utilisation locale dans la construction d’habitations et

41 de dépendances, ainsi que de divers types d’infrastructure comme les voies ferrées. Vers la fin des années 1890, un nouveau secteur d’activité fait son apparition avec le développement de la technologie de production de la pâte à papier. L’industrie des pâtes et papiers redynamise l’économie forestière de la Mauricie, en permettant l’exploitation de peuplements de sapin, d’épinettes et de pruche de petite taille, qui étaient souvent des peuplements régénérés après une première coupe (Hardy et Séguin, 1984). L’essor de cette industrie est lié à la mise au point de procédés chimiques permettant d’utiliser le bois pour la fabrication du papier (Legendre, 2005). En Mauricie, l’exploitation du bois à des fins de production de pâtes et papiers connaît un développement accéléré entre 1910 et 1930. Elle va se poursuivre jusqu’en 1971, année de la création du PNM.

Dans le nord-est de l’Amérique du Nord, en particulier dans la région des Grands-Lacs et dans la vallée du Saint-Laurent et la partie sud du Québec, l’exploitation forestière est à l’origine de transformations majeures de certains milieux naturels et de la mosaïque végétale (Frelich, 2002). Les recherches relatives à l’impact de l’exploitation des forêts montrent que les peuplements forestiers ont été profondément altérés par le prélèvement sélectif, voire abusif, d’individus de certaines espèces. Bien qu’on reconnaisse que l’exploitation de la forêt entraîne un rajeunissement des peuplements, il demeure que, dans une perspective à long terme, leur composition est généralement modifiée, de sorte qu’ils comptent aujourd’hui moins d’espèces de fin de succession (Frelich et Lorimer, 1991 ; Simard et Bouchard, 1996 ; Radeloff et al., 1999 ; MacQuarrie et Lacroix, 2003 ; Boucher et al., 2006, Bergeron et Charron, 2010). De plus, certains peuplements mono- ou bispécifiques de pruche et de pin blanc sont devenus rares à la suite de leur exploitation. Bien que ces espèces retrouvent une certaine abondance en certains endroits bénéficiant d’un statut particulier de protection (réserves écologiques ou parcs naturels), il demeure que ces deux conifères des forêts tempérées ne retrouvent pas à l’heure actuelle l’abondance qu’ils avaient pendant la période préindustrielle (Pelletier, 1998 ; Del Degan et Massé, 1999).

Comme dans l’ensemble des régions forestières de l’est de l’Amérique du Nord, le transport de la matière ligneuse en Mauricie a été en grande partie effectué par la drave, c’est-à-dire par le flottage, après l’abattage et parfois l’écorçage des arbres, des billes de

42 bois sur les cours d’eau. Presque tous les lacs et cours d’eau qui s’y prêtaient ont été aménagés à cette fin. En 120 ans, le réseau hydrographique a été profondément transformé par les opérations reliées à la drave. Le lit des cours d’eau a été nivelé et canalisé par endroits, afin de permettre le passage des billes de bois (Plante, 2006). Des barrages ont été érigés à la tête ou à la décharge de la majorité des lacs de grande taille. Le niveau de nombreux lacs et cours d’eau a été haussé par la construction de ces barrages. Cette hausse a causé la mort de nombreux arbres riverains par une submersion plus ou moins prolongée. Aux arbres renversés dans les cours d’eau se sont ajoutées les billes de flottage qui se sont déposées dans le fond des lacs, par exemple les billes trop lourdes pour le flottage, et celles qui ont été oubliées lors des activités de drave. On a estimé que jusqu'à 15 % des billes d’un chargement pouvaient être perdues lors de la drave (Lower, 1933).

En 2006, Parcs Canada a mis en œuvre un programme de restauration de l’intégrité écologique des lacs dans le PNM (Plante, 2006). Ce programme comprenait notamment des opérations visant l’élimination des billes de bois sur les berges et dans la zone infralittorale peu profonde de plusieurs lacs situés dans le parc. En mettant au jour une grande quantité de billes de bois de flottage datant de la période d’exploitation commerciale des forêts du parc, ce programme de restauration écologique des lacs offrait l’opportunité de confectionner de longues séries dendrochronologiques à l’aide d’espèces d’arbres dont l’abondance a beaucoup changé au fil du temps. Ces arbres ont été des témoins et, en quelque sorte, des victimes de l’essor de l’industrie forestière en Mauricie. Les objectifs de cette étude sont 1) d’élaborer, à l’aide du matériel approprié (billes de bois de flottage, autres catégories d’arbres morts et arbres vivants), de longues séries dendrochronologiques de la pruche et du pin blanc, deux conifères qui étaient jadis abondants dans les forêts de la Mauricie, 2) de déterminer les années d’abattage des arbres et d’évaluer dans quelle mesure nos données dendroécologiques reflètent le cadre historique d’exploitation des forêts dans cette région, en particulier dans le PNM, et 3) d’analyser le patron de croissance radiale chez ces conifères en relation avec deux perturbations majeures, nommément la coupe forestière et les épidémies d’insectes défoliateurs. Enfin, nous discuterons les relations qui ont pu exister entre ces perturbations d’origine naturelle et anthropique.

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2.2. Méthodes

2.2.1 Région et sites d’étude

Le PNM est situé à environ 130 km à l’ouest de la ville de Québec et à quelque 60 km au nord de Trois-Rivières (Figure 2.1.). Depuis 1971, il constitue une aire naturelle protégée d’une superficie de 536 km2. Il se situe dans la zone de contact entre la Plateforme du Saint-Laurent et le piémont des Laurentides, à la marge sud du Bouclier canadien, à une altitude comprise entre 150 m et 500 m. Le substratum est formé de roches précambriennes appartenant à la province de Grenville (Allard, 1978 ; Occhietti, 2007). Dans la région, la déglaciation est survenue entre 11000 et 10000 ans avant aujourd’hui (Allard, 1978 ; Occhietti, 2007). Environ 90 % de la surface du parc est couverte de till dont l’épaisseur est très variable.

Le bassin versant principal est celui de la rivière Saint-Maurice. La rivière Matawin, un des principaux tributaires de la rivière Saint-Maurice sur la rive droite, borde le parc à sa limite nord. Son parcours, formant des angles par endroits, comme celui du Saint-Maurice d’ailleurs, reflète bien les orientations principales (Nord-est – Sud-ouest et Nord-ouest – Sud-est) que prennent les failles et les diaclases dans la région. On trouve dans le parc plus de 150 lacs de dimension et de forme très variées, comme le lac Wapizagonke, de forme très allongée et qui s’étend sur 20 km, et de nombreux petits lacs circulaires comme le lac Solitaire (Figure 2.1.).

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Figure 2.1. Localisation de la région d’étude et des sites d’échantillonnage des billes de bois de flottage et autres catégories d’arbres morts dans le Parc national de la Mauricie : pruche (●), pin blanc (■) et épinette rouge (▲). Les mêmes symboles en blanc représentent les sites d’échantillonnage d’arbres vivants. La carte montre le réseau hydrographique principal et localise la station météorologique de Shawinigan (*). Sur le carton, le site de Lotbinière étudié par Delwaide et Filion (1999) et le Parc de la Gatineau sont aussi représentés.

Le climat est de type tempéré froid et continental (Wilson, 1971 ; Litynski, 1982 ; Robitaille et Saucier, 1998). La température moyenne annuelle est de 4,5 °C (Figure 2.1. : Station météorologique de Shawinigan, période 1902-2004, Environnement Canada, 2011). La température moyenne du mois le plus froid (janvier) est de -13 °C et celle du mois le plus chaud (juillet) est de 19,5 °C. La durée de la saison de croissance est de 179 jours en moyenne (Lalumière et Thibault, 1988). Les précipitations annuelles totalisent 1068 mm. Elles sont réparties sur toute l’année, bien que près de la moitié tombe entre juin et septembre.

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Le PNM se trouve à la charnière de la forêt à feuillage décidu et de la forêt boréale (Lalumière et Thibault, 1988). Dans la partie sud et dans les sites protégés, c’est le domaine de l’érablière à bouleau jaune où l’érable à sucre et le bouleau jaune sont presque toujours associés au sapin baumier (Abies balsamea (L.) Mill.) et à l’épinette rouge (Picea rubens Sarg.) (Grandtner, 1982). Vers le nord et dans les sites plus élevés en altitude, le domaine de l’érablière cède le pas à la forêt mixte où le bouleau jaune et le sapin baumier s’associent dans des proportions variables, puis à la sapinière dominée par le sapin baumier, le bouleau blanc (Betula papyrifera L.) et l’épinette blanche (Picea glauca (Moench) Voss) et enfin, à la pessière dominée par l’épinette noire (Picea mariana (Mill.) B.S.P.). Quelques peuplements de pin blanc subsistent dans certains sites bien drainés à proximité du lac Houle et du lac Anticagamac, dans la partie centre ouest du parc (Figure 2.1.). Aujourd’hui peu abondante, la pruche croit souvent en association avec le bouleau jaune dans les sites moyennement bien drainés comme à proximité des berges du Saint-Maurice (Lalumière et Thibeault, 1988). Dans le bassin versant du lac à la Pêche et du lac Isaïe (Figure 2.1.), on la trouve surtout au sommet des collines où, en raison des pentes fortes, la coupe forestière a été partielle. Elle forme aujourd’hui des peuplements quasi monospécifiques sur des affleurements rocheux où vraisemblablement les individus d’espèces compagnes ont fait l’objet d’un prélèvement qui semble ancien, à en juger par l’état avancé de putréfaction des souches.

2.2.2. Échantillonnage dendrochronologique

Les séries dendrochronologiques ont été confectionnées à l’aide de plusieurs types d’échantillons : des billes de bois de flottage extraites de quelques lacs, d’arbres abattus et laissés au sol dans certains parterres de coupe, d’arbres morts naturellement et d’arbres vivants.

2.2.2.1. Bois de flottage Au total, plus de 17 000 billes de bois de flottage ont été extraites de six lacs par les équipes de travail du PNM, entre 2005 et 2009 (Figure 2.2. A-D). Environ 900 sections transversales ont été prélevées au niveau où elles avaient le plus gros diamètre et à même celles qui, après un décompte rapide, avaient le nombre de cernes de croissance le plus

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élevé. À cette étape, deux espèces ont été ciblées : la pruche, une espèce à croissance lente (cernes étroits) dont le bois a une teinte rougeâtre caractéristique, et le pin blanc, une espèce à croissance rapide, du moins durant les stades juvéniles (cernes généralement larges du côté de la moelle), dont le bois a une teinte pâle. Certaines particularités ont été notées au moment de l’échantillonnage, à savoir la présence d’écorce (Figure 2.2. B), de marques de poinçon (Figure 2.2. C) ou d’entailles d’abattage, le cas échéant. La majorité des billes de pruche utilisées dans cette étude (87 %, n = 176) ont été extraites du lac Isaïe, bien que quelques billes très âgées viennent du lac Bouchard et du lac Aux Chevaux (Figure 2.1.). Au total, 70 billes de pin blanc ont été extraites du lac Solitaire, du lac Isaïe, du lac Français, du lac Aux Chevaux et du lac Benoit (Figure 2.1.).

Vingt-trois billes de pruche (13 %, n = 176) avaient une extrémité enfoncée dans les sédiments lacustres. Dans la majorité des cas, les sections transversales ont été prélevées à un niveau où la partie externe de la tige était complète, protégée de l’érosion dans les sédiments minéraux, et une partie incomplète et altérée dans l’eau (Figure 2.2. B). Ce groupe restreint de billes a permis d’évaluer le nombre moyen de cernes externes manquants sur les billes de bois non fichées dans les sédiments et de déterminer, avec plus de précision, les années d’abattage des autres arbres, sans écorce.

Enfin, quelques structures de barrage ont été échantillonnées à la charge et à la décharge du lac Isaïe (n = 13), à la décharge du lac Pimbina (n = 2) et du lac Aux Chevaux (n = 8). Des carottes ont été prélevées dans les plus grosses pièces formant ces structures, parfois dans des poutres équarries.

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1 2

Figure 2.2. A) Empilement de billes de bois de flottage extraites du lac Isaïe (août 2007). B) Bille de pruche extraite du lac Isaïe dont la partie lisse qui porte encore un fragment d’écorce (1) a été conservée dans les sédiments lacustres. La partie rugueuse (à gauche) a été altérée au contact de l’eau (2). C) Extrémité d’une bille de pruche extraite du lac Isaïe et portant des marques de poinçon LP identifiant la compagnie exploitante, dans ce cas la Laurentide Paper. L’échantillon couvre la période 1717-1906. D) Manœuvres d’extraction d’une bille de pin blanc à l’aide d’un pic, lac Français. L’échantillon couvre la période 1513-1832.

2.2.2.2. Arbres vivants et autres catégories d’arbres morts

Chez les arbres vivants, deux carottes ont été prélevées à l’aide d’une sonde de Pressler à 30 cm de la surface du sol, ou plus haut dans la tige (jusqu’à 1 m) s’il y avait de la carie du bois au centre de la tige. Les carottes ont été prélevées en directions opposées et perpendiculairement à la pente afin d’éviter les anomalies dans les cernes annuels (bois de réaction). Deux carottes ont aussi été prélevées à la sonde Pressler dans le tronc des arbres morts sur pied et des sections transversales ont été prélevées à la tronçonneuse à même la tige de ceux qui étaient au sol.

Les pruches vivantes (n = 37) ont été échantillonnées au sommet d’une colline située du côté ouest du lac Isaïe, culminant à 250 m d’altitude (N : 46 ° 43’’ 15’ ; O : 72° 50’’ 54’). Dans ce versant orienté vers le nord-est et en pente forte, la roche en place affleure en plusieurs endroits, surtout dans le haut du versant où la pruche domine. On note aussi la présence de quelques thuyas (Thuya occidentalis L.), bouleaux jaunes, épinettes et hêtres

48

(Fagus grandifolia Ehrh.). Certaines souches sont des vestiges d’une exploitation ancienne du peuplement, vraisemblablement des souches d’espèces compagnes co-dominantes, mais d'autres témoignent d’une mort naturelle des arbres.

Des pins blancs vivants ont été échantillonnés dans divers sites à proximité du lac Anticagamac et du lac Wapizagonke. Les plus vieux viennent d’un site entre le lac Dauphinais et le lac Houle (Figure 2.1.), où on a pu observer les signes d’une exploitation ancienne de la forêt (souches, billes de bois au sol). Plus de 70 arbres vivants ainsi que neuf billes de bois cordées, mesurant 14 pieds (4,2 m) de longueur, et dont l’état de conservation le permettait, ont été échantillonnées. Afin de prolonger les séries dendrochronologiques, des pins morts naturellement et tombés au sol (n = 9) et quelques pins submergés (n = 3) à la décharge de quelques lacs ont été échantillonnés. Dans certains cas, les sections transversales ont été prélevées jusqu'à 4 m au dessus du collet en raison de la carie du bois.

Les épinettes rouges (n = 17) ont été échantillonnées dans un site relativement bien drainé, en pente douce et régulière, à proximité du lac Patrick (Figure 2.1.).

2.2.3. Préparation des échantillons, analyses en laboratoire et élaboration des séries dendrochronologiques

En laboratoire, les sections transversales de billes de bois de flottage et d’autres catégories de bois morts ont été consolidées. Les carottes ont été collées dans le creuset de petits supports de bois. Les surfaces ont été mécaniquement poncées avec un papier à grains fins (80-120-320 grains), afin de mettre en évidence les trachéides et les cernes de croissance. Ces derniers ont été pointés sous la loupe binoculaire, à un grossissement de 6x à 40x et leur largeur a été mesurée à l’aide d’un micromètre Velmex d’une précision de 0,001 mm. Un inventaire des cernes diagnostiques (sensu Schweingruber et al., 1990 ; Kaennel et Schweingruber, 1995) a été effectué, à savoir les cernes très étroits ou absents ainsi que les faux cernes, afin de déterminer l’année d’abattage des arbres et interdater les séries élaborées à l’aide des billes de bois de flottage et autres catégories d’arbres morts. La présence de l’ensemble des cernes de croissance et leur datation ont été vérifiées à l’aide du logiciel COFECHA (Holmes, 1983 ; Grissino-Mayer, 2001). Afin d’extraire le signal de

49 basse fréquence (tendance à long terme), les séries brutes de largeur de cerne obtenues de chaque rayon ont été standardisées à l’aide d’une fonction spline couvrant 60 % de la longueur de chaque série ou, dans le cas de certains échantillons de pin blanc, d’une fonction exponentielle négative en utilisant la fonction i.detrend () de la suite de logiciels « dlpR » (Bunn, 2007) dans un environnement « R » (R Development Core Team, 2009). La moyenne des deux rayons comptant le plus grand nombre de cernes chez chaque individu a été calculée afin d’obtenir une seule série standardisée par individu. Dans le cas de certaines billes de bois submergées, l’état de dégradation de l’échantillon n’a permis d’obtenir qu’un seul rayon qui constitue, dans un tel cas, la série individuelle. Chez la pruche, seules les séries comptant 200 cernes annuels ou plus ont été retenues dans la confection de la série dendrochronologique. Chez le pin, les séries comptant 100 cernes ou plus et présentant une corrélation élevée (r de Pearson ≥ 0,6) ont été retenues. Chez l’épinette rouge, deux échantillons jugés trop jeunes (< 110 cernes) ont été exclus de l’analyse. Les statistiques des séries (sensibilité moyenne, autocorrélation d’ordre 1, EPS) ont été calculées à l’aide des fonctions de la suite « dlpR » (Bunn, 2007) dans le même environnement « R » (R Development Core Team, 2009). La sensibilité est une mesure de la variation moyenne de la largeur de deux cernes annuels successifs. Cette valeur quantitative donne une estimation de la sensibilité des arbres aux facteurs environnementaux (Fritts, 1976). L’autocorrélation est une valeur permettant d’estimer l’interdépendance des données d’une même série. Elle permet de quantifier la persistance de l’impact des facteurs environnementaux sur la croissance radiale (Schweingruber, 1996). La valeur d’EPS (Expressed Population Signal) a été calculée pour chaque série standardisée. L’EPS permet de jauger l’incertitude des moyennes calculées chez un ensemble de séries de données au sein d’une population et d’évaluer si le nombre d’individus retenus dans l’élaboration d’une série est suffisant. Les paramètres déterminants sont les corrélations moyennes entre les séries et la fraction de la variance commune. Une valeur d’EPS de 0,85 est généralement retenue comme seuil au-dessus duquel les séries sont statistiquement valables (Wigley et al., 1984).

Dans l’analyse des tendances à long terme des séries dendrochronologiques, les reprises de croissance ont été analysées selon les méthodes de Lorimer et Frelich (1989) et de Cook

50

(2000). Une reprise de croissance a été considérée comme telle lorsque la largeur moyenne des cernes annuels, calculée sur la base d’une moyenne mobile couvrant des périodes de 10 ans chez la pruche (Lorimer et Frelich, 1989) et de cinq ans chez le pin blanc (Cook, 2000), augmente de plus de 50 % par rapport à la période précédente. Cette durée variable tient compte de la vitesse de croissance des espèces, les espèces à croissance rapide étant analysées selon une période courte et les espèces à croissance lente, selon une période plus longue (Rubino et MacCarthyz, 2004). Les années de changement ainsi identifiées ont été arrondies à la décennie (inférieure lorsque l’unité est ≤ 5, supérieure lorsqu’elle est > 5).

2.2.4. Évaluation du degré d’altération des billes en fonction des conditions de conservation

Pour l’ensemble des échantillons, le nombre de cernes manquants a été évalué en soustrayant le nombre de cernes du rayon le plus court du nombre de cernes du rayon le plus long. Dans le cas des 23 billes de bois dont une extrémité était enfoncée dans les sédiments lacustres, le dénombrement des cernes annuels a également été effectué le long de deux rayons, l’un dans la partie protégée, l’autre dans la partie altérée de la tige, afin de déterminer le nombre de cernes manquants dans la partie de la tige altérée dans l’eau en comparaison avec la partie protégée dans les sédiments lacustres. Chez les pruches conservées dans les eaux lacustres et dont le bois est altéré à tous les niveaux, ce qui est le cas de la majorité des échantillons (n = 96), la différence du nombre de cernes entre les rayons provenant des deux niveaux d’un même échantillon a été déterminée et nous avons ensuite calculé le nombre moyen et l’écart-type de cernes manquants par espèce (n pruches = 176 ; n pins blancs = 70). En ce qui a trait aux neuf billes de bois jonchant le sol forestier dans le secteur du lac Houle, nous avons eu recours à une procédure semblable afin de déterminer le nombre de cernes manquants dans la partie altérée des tiges.

2.2.5. Détermination et correction de l’année d’abattage des arbres

Une fois l’interdatation des billes de bois de flottage effectuée, l’année de formation du dernier cerne présent sur les échantillons de pruche et de pin blanc a été relevée. Cet

51 inventaire a été effectué sur 176 pruches, (n = 151 extraites du lac Isaïe et 25 des autres lacs) et sur 70 billes de pin blanc, extraites de plusieurs lacs. Une correction a été appliquée afin de tenir compte de l’altération des tiges et du nombre de cernes externes manquants. Les échantillons prélevés à même les structures de barrage ont été interdatés à l’aide des séries de référence.

2.2.6. Recherche documentaire

Des documents d’archives et des écrits relatifs aux méthodes de coupe et d’aménagement forestier ainsi qu’à la production, en particulier les dossiers statistiques couvrant la période 1850-1930 et les recherches historiques de Hardy et al. (1980, 1984, 2004), certains documents émis par les autorités du PNM, comme les plans de conservation (Pelletier, 1998 ; Plante, 2006) ou les études d’impact (Gélinas, 1984 ; Richard, 1995 ; Del Dégan et Massé, 1999), ont permis de comprendre le contexte historique dans lequel s’est effectuée l’exploitation de la forêt en Mauricie. La portée des données obtenues de ces documents va de l’échelle provinciale à celle du bassin versant, selon le cas. Les documents du Centre Interuniversitaire d’Études Québécoises (CIEQ), incluant ceux du groupe de recherche sur l’histoire de la Mauricie dirigé par René Hardy et Normand Séguin, ont été consultés. La documentation photographique vient du fonds du CIEQ et du fonds du musée McCord à Montréal. Les cartes et les rapports produits par le PNM au sujet des interventions d’entretien, de mise en valeur ou de protection des forêts ont également été utilisés (Bordeleau, 1984, 1985, 1986 ; Godin, 1987 ; Pelletier, 1998).

2.2.7. Identification dendroécologique des épidémies d’insectes défoliateurs

La récurrence de périodes de faible croissance dans les séries de pruche nous a incitées à émettre l’hypothèse selon laquelle les peuplements de pruche ont été sporadiquement affectés par l’activité des insectes défoliateurs. Ces périodes de réduction de croissance radiale ont été analysées chez deux espèces hôtes de la TBÉ, à savoir la pruche et l’épinette rouge. Afin de distinguer le signal biotique laissé par la défoliation par les insectes et le signal climatique, les chronologies obtenues de ces deux espèces hôtes ont été comparées à

52 la chronologie d’une espèce non-hôte, le pin blanc. Les variations de croissance communes aux trois espèces sont imputées au climat et les réductions propres aux espèces hôtes sont imputées à une défoliation sévère ou modérée en période épidémique (Speer et al., 2001). Ces réductions de croissance ont été identifiées à l’aide du logiciel OUTBREAK (Holmes et Swetnam, 1996) chez tous les individus formant une série dendrochronologique donnée. Une épidémie a été identifiée comme telle lorsque 40 % des individus ont montré une baisse de croissance d’une durée ≥ 5 ans et que la croissance radiale (largeur) pendant une de ces cinq années était inférieure ou égal à la moyenne -1,28 écart-type (Swetnam et Lynch, 1993 ; Speer et al., 2001 ; Boulanger et Arsenault, 2004).

Une coupe partielle occasionnant le prélèvement de certains individus au sein d’un peuplement est susceptible d’influencer la croissance des arbres épargnés. On peut donc présumer que la croissance radiale de ces derniers répond en partie à une exploitation ancienne de la forêt. Les calculs dans le logiciel OUTBREAK (Holmes et Swetnam, 1996) afin de reconstituer l’historique des épidémies de la TBÉ dans la région et les analyses subséquentes (calcul de fréquence ou période de retour et intensité des épidémies) ont donc été effectués en distinguant trois périodes (P) définies sur la base des données historiques : P1) la période préindustrielle et celle axée sur la récolte de pins blancs, puis de pruches et d’épinettes rouges matures (1523-1910 chez la pruche et 1801-1910 chez l’épinette rouge), P2) la période 1910-1970, soit depuis la fin du prélèvement de la pruche dans le bassin versant du lac Isaïe et P3) la période 1970-2006, soit depuis la fin de toute forme de récolte de bois dans le Parc national de la Mauricie.

L’intensité de la défoliation est définie à l’aide du pourcentage d’arbres affectés dans sa croissance chaque année au cours d’une période de réduction de croissance. Lorsque plus de 70 % des arbres sont affectés, un épisode de défoliation est jugé sévère et lorsque de 40 à 70 % des arbres sont affectés, il est jugé modéré. Au cours d’un épisode de défoliation donné, on considère que les arbres entrent dans une période de récupération post- épidémique lorsque le pourcentage d’arbres affectés est inférieur à la moyenne de l’ensemble de la période.

La fréquence correspond au nombre d’épidémies identifiées par période. Elle a été déterminée en considérant la première année d’une période de réduction de croissance

53

(chez au moins 40 % des individus), et non l’année médiane comme dans la plupart des travaux qui reposent sur l’utilisation du logiciel OUTBREAK (Holmes et Swetnam, 1996).

Afin de comparer l’historique des épidémies d’insectes défoliateurs que nous avons établi en Mauricie à celui d’autres régions du sud-ouest du Québec, des séries de pruche et de pin blanc provenant de l’Outaouais (nos données) et de Lotbinière (données de Delwaide et Filion, 1999) ont été analysées selon le protocole décrit ci-dessus. Ces séries ainsi que les caractéristiques de ces régions dominées par des forêts de feuillus seront analysées plus en détail dans le chapitre suivant.

54

2.3. Résultats

2.3.1. Série dendrochronologique de la pruche (série Isaïe)

La série de pruche (série Isaïe) est d’une durée de 483 ans (1523-2005) (Tableau 2.1. et Figure 2.3. A-B). Élaborée à l’aide d’un nombre élevé d’échantillons (arbres vivants et billes de bois), ce nombre étant supérieur à 20 entre 1600 et 2000 (Figure 2.3. B), cette série est très solide au plan statistique. Bien que la provenance exacte des billes de bois soit inconnue, il est probable qu’elles viennent d’arbres qui ont été abattus dans le bassin versant du lac Isaïe dont elles ont été extraites. La valeur d’EPS est de 0,94, une valeur très élevée, nettement supérieure au seuil de 0,85 établi par Wigley et al. (1984), ce qui reflète l’homogénéité de la population d’échantillons utilisés dans la confection de cette série.

Tableau 2.4. Caractéristiques des séries dendrochronologiques Isaïe (pruche), Houle (pin blanc) et Patrick (épinette rouge).

Isaïe (pruche) Houle (pin blanc) Patrick (épinette rouge)

Nombre d’arbres (rayons) 46 (91) 44 (81) 15 (30) Nombre d’arbres vivants 20 22 15 Nombre de billes de bois submergées 26 20 0 Nombre d’arbres morts naturellement 0 2 0 Durée de la série 483 ans 567 ans 205 ans Période couverte 1523-2005 1440-2007 1801-2006 Largeur moyenne des cernes (écart-type) 0,58 (0,3 mm) 1,37 (0,4 mm) 1,18 (0,9 mm) Sensibilité moyenne de la série indicée 0,29 0,13 0,26 Autocorrélation d’ordre 1 0,89 0,88 0,84 EPS (1) 0,936 0,942 0,966 (1) EPS : Expressed Population Signal (Wigley et al., 1984)

55

Figure 2.3. A) Courbes de la croissance radiale moyenne (mm), du pin blanc (Pinus strobus, en orange) et de la pruche (Tsuga canadensis, en vert) dans le Parc national de la Mauricie. B) Séries dendrochronologiques indicées des trois espèces de conifères. Sous les courbes, le nombre d’échantillons utilisés dans la confection des séries dendrochronologiques est indiqué. C) Histogrammes de fréquence (%) de tiges montrant une réduction de croissance telle qu’identifiée dans le logiciel OUTBREAK (Holmes et Swetnam, 1996) : pruche en vert et épinette rouge en brun clair. Après 1800, lorsque les deux espèces sont touchées, les histogrammes prennent une teinte foncée. D) Périodes (P) historiques retenues pour effectuer l’analyse des données dendroécologiques.

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La largeur moyenne des cernes chez cette espèce à croissance lente n’est que de 0,58 mm, une valeur de 2 à 2,4 fois moins élevée que celle des deux autres conifères (Tableau 2.1.). La sensibilité moyenne de la série indicée est de 0,29, la plus élevée des trois séries présentées dans cette étude (Tableau 2.1.). L’autocorrélation d’ordre 1 est supérieure à 0,5, un seuil au-delà duquel les facteurs influençant la croissance des arbres ont un impact se répercutant sur plusieurs années (Fritts, 1971). Les cernes des années 1752, 1754 et 1876 sont très étroits. Identifiés chez plus de 50 % des échantillons, ils ont été utiles dans l’interdatation des billes de pruche et sont de fait des cernes diagnostiques. Les cernes de deux de ces années (1752 et de 1876) peuvent même être complètement absents chez certains échantillons. Les cernes de 1752 et 1876 sont absents chez deux échantillons utilisés dans la confection de la série Isaïe. Au total, huit années de cerne absent ont été identifiées chez au moins une des 46 pruches utilisées dans la confection de cette série.

L’application de la méthode de Lorimer et Frelich (1989) a permis d’identifier, entre 1523 et 2005, six années de reprise importante de la croissance radiale chez la pruche, en 1535, 1570, 1599, 1867, 1884 et 1949, années qui ont été arrondies à la décennie (1530, 1570, 1600, 1870, 1880 et 1950) (Tableau 2.2.). Les trois reprises identifiées au cours du 16e siècle caractérisent la période de croissance juvénile d’individus qui ont probablement crû dans des conditions de surcimage, à en juger par la croissance radiale très faible entre 1523 et 1870. La courbe de croissance radiale montre une différence marquée avant et après la reprise survenue vers 1870, laquelle a été observée tant chez les billes de bois de flottage que chez les arbres vivants et quel que soit l’âge cambial des tiges (Figure 2.3. A). En effet, l’accroissement annuel moyen a presque doublé, passant de 0,36 mm à 0,70 mm, avant (n = 346 années) et après (n = 137 années) 1870. La reprise survenue vers 1880 s’inscrit dans cette tendance générale à la hausse qui a atteint un sommet vers 1950. Après 1950, l’accroissement annuel moyen est de 1,1 mm (n = 56 années), soit trois fois ce qu’il était avant 1870.

Enfin, la série Isaïe a été comparée à la série Rivière-du-Moulin (Delwaide et Filion, 1999). Cette série a été confectionnée à l’aide de pruches formant, avec le pin blanc, un vieux peuplement, aujourd’hui protégé au sein d’une réserve écologique située à environ 90 km du PNM, dans la région de Lotbinière (Figure 2.1.). Le coefficient r de Pearson entre les

57 deux séries (Isaïe et Rivière-du-Moulin) est élevé (0,439), ainsi que la valeur de G (0,68), ce qui traduit vraisemblablement une réaction à des facteurs communs d’échelle régionale (discutés plus loin).

Tableau 2.2. Reprises importantes de la croissance radiale chez la pruche et le pin blanc, identifiées à l’aide des méthodes de Lorimer et Frelich (1989) et de Cook (2000).

Année de Augmentation Espèce Origine reprise/Décennie (%) Pruche 1536/1540 54 Processus naturels Pin blanc 1555/1550 53 de dynamique Pruche 1570/1570 59 forestière Pruche 1599/1600 88 Pin blanc 1838/1840 61 Exploitation Pruche 1868/1870 63 forestière caractérisée par un Pruche 1884/1880 59 prélèvement Pin blanc 1906/1910 53 sélectif des arbres Pruche 1951/1950 59

2.3.2. Série dendrochronologique du pin blanc (série Houle)

La série du pin blanc (série Houle) couvre une période de 567 ans (1440-2007), soit 83 ans de plus que celle de la pruche (Tableau 2.1. et figure 2.3. A-B). Bien que cette série ait été élaborée à l’aide de nombreux échantillons, de plusieurs types et de provenances diverses (Tableau 2.1.), la valeur d’EPS (0,94) est élevée, identique à celle de la série de pruche (Tableau 2.1.). L’autocorrélation d’ordre 1 est supérieure à 0,5, un seuil au-delà duquel les facteurs influençant la croissance des arbres ont un impact se répercutant sur plusieurs années (Fritts, 1971).

Quatre années de reprise importante de la croissance radiale ont été identifiées chez le pin blanc, à savoir 1442, 1555, 1838 et 1906, années qui ont été arrondies à la décennie la plus

58 proche (1440, 1550, 1840 et 1910) (Tableau 2.2.). Comme la série repose sur un seul échantillon avant 1513 et sur moins de cinq échantillons avant 1585 (Figure 2.3. B), les deux premières reprises survenues au stade juvénile doivent être interprétées avec prudence. Le nombre d’échantillons augmente ensuite, de sorte que la courbe devient plus représentative de la population. Bien que la courbe montre une faible croissance entre 1500 et 1530, qui est en fait attribuable à un seul arbre, on observe une diminution de la croissance radiale avec l’âge jusque vers 1840 (Figure 2.3. A), une tendance généralement observée chez le pin blanc. Avant 1840 (n = 253 années), l’accroissement annuel moyen a été de 1,28 mm. Entre 1840 et 2007 (n = 167 années), il a été de 1,48 mm, la reprise la plus importante étant survenue au début du 20e siècle (vers 1910).

Pourtant effectué dans l’ensemble des échantillons, tant chez les pins vivants que chez les pins morts, l’inventaire des cernes diagnostiques n’a révélé que peu de cernes diagnostiques. Il s’agit de quelques faux cernes, relevés chez des individus encore au stade de croissance juvénile (avant le 20e cerne de croissance). Un faux cerne en 1991 a été observé chez environ 30 % des individus analysés (n = 60).

2.3.3. Série dendrochronologique de l’épinette rouge (série Patrick)

D’une durée de 205 ans (1801-2006), la série de l’épinette rouge est la plus courte des trois séries présentées dans cette étude (Tableau 2.1.). Comme la sélection initiale des billes de bois de flottage faisait intervenir un critère de taille et de nombre de cernes de croissance, les billes d’épinette rouge ont été sous-représentées. Celles qui ont été extraites des lacs comptaient peu de cernes annuels (< 60), ce qui n’a pas permis leur interdatation. La croissance radiale a été très faible au 19e siècle, jusque vers 1880 ; l’accroissement annuel moyen a été de 0,3 mm (n = 80 années). Entre 1880 et 2006, il a été de 1,6 mm, une moyenne amplifiée par l’accélération importante de la croissance radiale survenue au début des années 1950 (Figure 2.3. A). Aucun cerne diagnostique n’a été identifié chez les épinettes rouges analysées.

59

2.3.4. Conditions de conservation et degré d’altération des bois lacustres

Les pruches dont une partie de la tige était enfoncée dans les sédiments lacustres peuvent être parfaitement conservées. La présence de restes d’écorce a même été notée sur certaines billes de bois (Figure 2.2. B). Le nombre moyen de cernes manquants dans la partie altérée est de 4,2 (Tableau 2.3.). L’année d’abattage prise en compte dans la datation de ces 23 échantillons est celle du rayon complet. Chez les pruches conservées dans les eaux lacustres et dont le bois est altéré à tous les niveaux, ce qui est le cas de la majorité des échantillons (n = 96). Rappelons que le nombre de cernes annuels manquants a été évalué en soustrayant le nombre de cernes du rayon le plus court à celui du rayon le plus long. Le nombre moyen de cernes manquants est de 4,5 (Tableau 2.3.). Notons qu’il peut manquer jusqu’à 33 cernes externes sur un rayon donné.

Chez les pins blancs conservés dans l’eau, le nombre moyen de cernes manquants varie de 11,8 (lac Isaïe) à 15,6 (lac Solitaire) (Tableau 2.3.). Les billes jonchant le parterre forestier dans le secteur du lac Houle avaient, en moyenne, 31,5 cernes externes manquants, soit un nombre de 2 à 3 fois plus élevé que chez les billes de bois de flottage conservées dans l’eau. Le bois de certaines billes était entièrement carié, ce qui n’a pas permis d’effectuer le dénombrement des cernes. Le nombre de cernes externes manquants découlant de l’altération subie par les billes de bois depuis l’abattage des arbres varie donc en fonction des conditions de conservation, en milieu lacustre ou dans les parterres forestiers. L’altération du bois, dans sa partie externe, entraîne une erreur de plusieurs années dans la détermination de l’année d’abattage des arbres. Hormis les années exactes d’abattage déterminées sur les billes de bois intactes, soit celles dont une partie était enfoncée dans les sédiments lacustres, les autres sont des années maximales de coupe. Une correction a donc été apportée en tenant compte du nombre moyen de cernes externes manquants, tel que déterminé à cette étape de l’analyse.

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Tableau 2.3. Nombre de cernes manquants chez la pruche et le pin blanc dans chaque secteur et selon les conditions de conservation.

Conditions de N moyen de cernes Site N d’échantillons conservation manquants (Écart-type) Pruche (lac Isaïe) Sédiments lacustres/eau 23 4,2 (2,5) Pruche (lac Isaïe) Eau 96 4,5 (5,8) Pin blanc (lac Isaïe) Eau 11 11,8 (16,8)

Pin blanc (lac Solitaire) Eau 33 15,6 (16,3) Pin blanc (secteur du lac Houle) Au sol 12 31,5 (29)

2.3.5. Années d’abattage du pin blanc et de la pruche

Les traces d’exploitation du pin blanc les plus anciennes ont été décelées au lac Benoit où une vieille bille de pin a été abattue vers la fin du 17e siècle, le dernier cerne visible étant daté de 1693. Sur 10 autres billes, la distribution des années de formation du dernier cerne (entre 1803 et 1952) indique que l’exploitation du pin blanc au lac Benoit remonterait au début du 19e siècle et qu’elle se serait prolongée jusqu’au milieu du 20e siècle.

Au lac Isaïe, l’année maximale de coupe des 17 pins blancs est comprise entre 1753 et 1916. Le nombre de cernes externes manquants est de 12, en moyenne, mais il est plus élevé chez les billes les plus anciennes, respectivement de 26 et 57 chez les deux billes dont le cerne externe le plus ancien fut formé respectivement en 1753 et 1797. En raison du nombre peu élevé d’échantillons de pin blanc et du degré d’altération élevé des billes de bois, le début de l’exploitation du pin blanc dans le secteur du lac Isaïe est difficile à cerner, mais il se situerait aux environs de 1820. Le pin blanc y aurait été exploité jusque dans les années 1910.

Dans le secteur du lac Bouchard, du lac Français et du lac Aux Chevaux, les derniers cernes chez les quatre pins blancs échantillonnés sont datés entre 1832 et 1900. La structure en bois de pin blanc érigée à la décharge du lac Aux Chevaux aurait été construite durant la décennie 1850 (derniers cernes formés en 1855, 1856, 1858 et 1859). Ces années étant

61 rapprochées, il est probable que les cernes externes manquants soient peu nombreux. Les pins blancs dans le secteur du lac Aux Chevaux et du lac Français ont la particularité d’être les plus vieux arbres de tous les sites d’étude. Ils couvrent respectivement la période de 1440 à 1850 et de 1513 à 1832 (Figure 2.2. D). Aucune bille de pin blanc n’a été extraite du lac du Pimbina.

Au lac Solitaire, les pins blancs ont été trouvés en assez grande quantité (n = 34). Les cernes externes ont été datés entre 1828 et 1903. Prenant en compte le nombre moyen (15,6) de cernes manquants chez le pin blanc dans ce site (Tableau 2.3.), le secteur aurait été exploité entre 1840 et 1920. Bien que nous n’en ayons aucune trace dendrochronologique, les cartes d’exploitation forestière de la région indiquent que la dernière période d’exploitation du pin blanc dans le secteur du lac Solitaire remonte à 1961- 1962 (Gelinas, 1984).

Dans le secteur du lac Houle (Figure 2.1.), 4 des 9 billes de pin blanc échantillonnées au sol ont été interdatées. Les derniers cernes sont ceux de 1864, 1902, 1916 et 1924 qui ne sont pas les années d’abattage, mais l’année maximale de la coupe (Figure 2.4. A). Une fois la correction apportée aux billes bien conservées au sol par l’ajout de 31 années, soit le nombre moyen de cernes manquants chez le pin blanc dans ce site, les années d’abattage se situeraient vers 1895, 1933, 1947 et 1957. Les données historiques couvrant la période 1910-1970 obtenues des autorités du parc indiquent que le secteur a été exploité entre 1930 et 1949. Il est peu probable que ce secteur éloigné ait été exploité avant 1930, ce qui en fait le secteur le plus récemment exploité de notre aire d’étude.

Le secteur du lac Solitaire est celui qui présente les traces d’exploitation de la pruche les plus anciennes. Les rares pruches (n = 3) extraites de ce lac auraient été abattues entre 1870 et 1900. Dans le secteur du lac Isaïe, l’abattage de la pruche (n = 154) a essentiellement été effectué entre 1896 et 1911, en une quinzaine d’années (Figure 2.4. A-B). Environ 18 % des billes ont au moins un rayon complet, ce qui a permis de déterminer les années exactes d’abattage qui s’échelonnent entre 1901 et 1911 (Figure 2.4. A-B). L’interdatation dendrochronologique des autres échantillons de pruche (n = 131) a permis d’établir que le dernier cerne présent a été formé entre 1877 et 1915. Si l’on apporte la correction afin de tenir compte du nombre de cernes externes manquants, on peut conclure que c’est à la

62 charnière du 19e siècle et du 20e siècle que la pruche a fait l’objet de coupes dans le secteur du lac Isaïe.

Figure 2.4. A) Histogramme montrant les années de formation des derniers cernes annuels présents sur les billes de bois de flottage de pruche (vert et bleu) et de pin blanc (teintes de brun et orangé) dans l’ensemble des sites d’échantillonnage. En vert foncé, les années exactes d’abattage des tiges de pruche avec écorce. Les autres couleurs montrent les années maximales d’abattage déterminées sur des billes dont la partie externe est altérée (sans écorce), par secteur. B) Période d’exploitation par secteur (BEN : lac Benoît; ISA : lac Isaïe; SOL : lac Solitaire; HOU : secteur du lac Houle; BOU : lac Bouchard; PIM : lac du Pimbina; FR : lac Français) et par espèce (pin blanc en jaune, pruche en vert). La zone hachurée correspond à la correction qui a été appliquée afin de tenir compte de l’altération des tiges et des cernes externes manquants. C) Grandes phases d’exploitation de la forêt et principales compagnies exploitantes sur le territoire correspondant au Parc national de la Mauricie.

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Les restes du barrage érigé à la décharge du lac Isaïe, bien que celui-ci fût construit en bois de pruche, n’ont pu être interdatés, car l’échantillon prélevé ne comprenait que 30 cernes annuels. À la charge du lac, cinq pièces d’une structure qui semble être un ancien barrage ou un pont, aussi en bois de pruche, ont été interdatées. La construction remonterait au tout début du 20e siècle (derniers cernes formés en 1904 et 1907), mais cette structure aurait été restaurée et réutilisée au cours de la décennie 1950 (derniers cernes formés en 1951, 1953 et 1954).

Les années d’abattage corrigées des pruches indiquent que les secteurs du lac Bouchard et du lac du Pimbina auraient été exploités à la charnière du 19e et du 20e siècles, soit au même moment que le secteur du lac Isaïe.

La structure d’un ancien barrage au lac du Pimbina comprenait une pièce de bois de pruche équarrie dont le dernier cerne date de 1789, ainsi qu’une pièce de thuya (Thuya occidentalis L.) qui n’a pu être interdatée. Les cernes de l’aubier ont probablement été en grande partie supprimés lors de l’équarrissage, rendant impossible la datation précise de cette structure.

Enfin, l’exploitation de la pruche dans le secteur du lac Français semble plus récente (décennie 1920). Aucune pruche extraite du lac Benoit n’a pu être interdatée.

2.3.6 Marques de poinçon

Trois billes de pruche extraites du lac Isaïe et portant des marques de poinçon ont été interdatées. Les derniers cernes ont été formés en 1907 (année exacte) et vers 1910-1912 (1906 et 1908 + 4 cernes manquants). Les autres échantillons portant des marques de poinçon étaient des épinettes ou du sapin baumier. Cependant, le nombre de cernes de croissance trop faible n’a pas permis leur interdatation. Toutes les marques sont constituées des lettres LP qui signifient Laurentide Paper. Il convient de mentionner que cette entreprise a changé d’appellation plusieurs fois au cours du 20e siècle (Niosi, 1975).

64

2.3.7. Épidémies d’insectes défoliateurs

L’histogramme de la figure 2.3.C montre la fréquence (%) de tiges ayant enregistré une réduction de croissance vraisemblablement associée à la défoliation par les insectes en période épidémique. Le tableau 2.4. présente ces périodes chez la pruche et l’épinette rouge, les deux espèces hôtes de la TBE.

2.3.7.1. Chez la pruche Au total, 19 périodes de réduction de croissance ont été identifiées entre 1538 et 2005 dans la série Isaïe (Tableau 2.4.). Avant 1700, sept périodes ont été identifiées, soit trois au 16e siècle, bien que le nombre d’échantillons composant la série dendrochronologique soit inférieur à 10 avant 1600, et quatre au 17e siècle. Au 18e siècle, bien que le nombre d’échantillons soit supérieur à 20, une seule période (1722-1725) a été identifiée. Enfin, au 19e siècle et au 20e siècle, respectivement quatre et six périodes de réduction de croissance ont été identifiées (Tableau 2.4.).

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Tableau 2.4. Périodes de réduction de croissance chez la pruche et l’épinette rouge identifiées dans le logiciel Outbreak et pourcentage maximum et moyen d'individus affectés par la défoliation en période d’épidémies de la TBÉ.

Pruche Épinette rouge % max. N d’années % max. N d’années Périodes % moyen (3) Périodes % moyen (3) (n total) < moyenne (n total) < moyenne 1538-1549 50 (2) 50 0 1559-1567 50 (4) 50 0 1573-1583 80 (7) 62 5 1620-1635 80 (20) 62 5 1642-1670 90 (26) 63 13 1672, 1675-1676 46 (26) 43 2 1690-1695 66 (27) 64 0 1722-1724 46 (32) M (1) 42 2 1808-1817 88 (41) S (2) 73 2 1801-1819 100 (3) 73 3 1819-1834 90 (42) S 75 2 1825-1834 66 (7) 56 4 1852-1857 62 (42) M 61 0 1851-1859 89 (10) 75 2 1866-1883 77 (43) S 62 8 1865-1896 92 (15) 71 8 1910-1918 85 (24) S 74 0 1912-1920 93 (15) 77 2 1926, 1928-1934 85 (20) S 75 1 1930-1934 53 (15) 50 1 1937-1945 70 (20) M 60 3 1937-1945 87 (15) 76 3 1952-1959 80 (20) S 72 0 1952-1959 73 (15) 67 0 1971-1976 45 (20) M 44 0 1986-1997 50 (20) M 47 4 1985-1996 87 (15) 66 3 2000-2003 45 (20) M 42 0 1999-2005 100 (15) 91 1 (1) M : épisode de défoliation vraisemblablement modérée (40 à 70 % des arbres affectés) (2) S : épisode de défoliation vraisemblablement sévère (> 70 % des arbres affectés) (3) Nombre d’années pendant lesquelles le pourcentage d’arbres affectés a été constamment inférieur à la moyenne calculée pour l’ensemble de la période de réduction de croissance. Période présumée de récupération post épidémique (voir texte pour explications)

Si on estime la sévérité des épidémies à l’aide du pourcentage maximum d’arbres affectés au cours de chaque épisode de réduction de croissance, pour la période couverte par plus de 20 individus, c'est-à-dire depuis 1700, les épisodes de défoliation les plus sévères seraient survenus entre 1808 et 1834 (2 épisodes), entre 1866 et 1934 (3 épisodes) et au début des années 1950 (Tableau 2.4.). Notons que les pourcentages sont relativement faibles (45-

66

50 %) entre 1971 (année de création du PNM) et 2003, soit au cours des trois derniers épisodes de défoliation. D’autre part, en considérant en plus le pourcentage moyen (plutôt que maximum) d’arbres affectés au cours des périodes de réduction de croissance, on constate qu’au cours des périodes les plus longues (≥10 ans), de 5 à 13 ans peuvent s’écouler après le pic présumé de défoliation (tel que révélé par la valeur maximum d’arbres affectés). Ces années pendant lesquelles le pourcentage d’arbres affectés est constamment inférieur à la moyenne calculée pour l’ensemble de la période pourraient correspondre à la récupération post-épidémique. Dans ces cas, la durée des périodes épidémiques se trouve donc surestimée.

Avant 1910 (P1 sur la figure 2.3. D), soit pendant les 12 premières périodes de réduction de croissance survenues avant l’exploitation des espèces hôtes de la TBÉ (sapin baumier et épinettes sp.), le pourcentage maximum moyen d’individus montrant une réduction de croissance est de 69 (Tableau 2.4.). En ne considérant que les périodes durant lesquelles le nombre d’individus formant les séries est supérieur ou égale à 20 (entre 1620 et 1883), ce pourcentage est de 71,6. Pendant la période d’exploitation des espèces hôtes (P2 : 1910- 1970), ce pourcentage maximum moyen atteint 80. Après la création du PNM (P3 : 1971- 2003), il baisse à 47 % (Figure 2.3. C-D).

2.3.7.2. Chez l’épinette rouge Au total, 10 périodes de réduction de croissance ont été identifiées entre 1801 et 2005 (Tableau 2.4.). Toutes, hormis la période 1971-1976, ont été identifiées à la fois chez la pruche et l’épinette rouge. Le pourcentage maximum moyen d’épinettes rouges montrant une réduction de croissance est de 87 avant 1910 (P1). Il baisse à 77 entre 1910 et 1970 (P2) et remonte à 94 après 1971 (P3) (Figure 2.3. D).

2.3.7.3. Périodes de réduction de croissance associées à l’activité des insectes défoliateurs dans Lotbinière et en Outaouais Dans la région de Lotbinière, la série de pruche (série Rivière du Moulin) couvre la période 1524-1982. Au total, 15 périodes de réduction de croissance ont été identifiées selon les mêmes méthodes que celles appliquées aux séries de la Mauricie (Figure 2.5 A-B et tableau 2.5.). Comme la série Isaïe en Mauricie, cette série repose sur moins de 10 individus avant 1700. Au cours de la période 1524-1700, sept périodes de réduction de croissance ont été

67 identifiées (Tableau 2.5.). Il va sans dire que le nombre peu élevé d’échantillons entraîne le calcul de pourcentages élevés, mais nous les présentons néanmoins dans le tableau 2.5. à titre indicatif. Après 1700, huit autres périodes de réduction de croissance ont été identifiées (Tableau 2.5.). La série reposant alors sur 10 à 17 individus, les pourcentages obtenus sont plus représentatifs. Parmi les huit périodes identifiées après 1700, seulement deux d’entre elles (1728-1743 et 1932-1948) pourraient correspondre à des épisodes de défoliation sévère (> 70 % d’arbres affectés), comparativement à 6 en Mauricie (Tableau 2.5.).

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Tableau 2.5. Périodes de réduction de croissance chez la pruche en Mauricie (série Isaïe), Lotbinière (série Rivière-du-Moulin) et Outaouais (série Lauriault) identifiées dans le logiciel Outbreak et pourcentage maximum d'individus affectés par la défoliation en période d’épidémies de la TBÉ. Les traits pointillés représentent les limites des périodes d’analyse communes aux trois séries.

Isaïe Rivière du Moulin Outaouais % maximum % maximum % maximum Périodes Périodes Périodes (n total) (n total) (n total) 1538-1549 50 (2) 1559-1567 50 (4) 1560-1569 100 (1) 1573-1583 80 (7) 1572-1611 100 (2) 1614-1616 50 (2) 1620 -1635 80 (20) 1629-1651 75 (4) 1642-1670 90 (20) 1659-1667 80 (5) 1672-1676 46 (26) 1670-1677 40 (5) ND(1) 1690-1695 66 (27) 1680-1698 100 (6) 1709-1710 50 (10) 1713-1721 58 (12) 1722 -1724 46 (32) 1728 -1743 100 (13) 1774-1789 70 (17)

1808-1817 88 (41) 1811-1814 47 (17) 1823-1875 1819-1834 90 (42) 1852-1857 62 (42) 1841-1857 70 (17)

1866-1883 77 (43)

1891-1895 47 (17)

1910-1918 85 (24) 1926-1934 85 (20) 1923-1927(2) 35 (46)

1937-1945 70 (20) 1932-1948 100 (17) 1952-1959 80 (20) 1953-1958(2) 40 (54)

1971-1976 45 (20) 1986-1997 50 (20) ND 2000-2003 45 (20) (1) Non documenté (2) Seuil de 30 % retenu dans l’identification des épidémies

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La série de pruche de l’Outaouais (série Lauriault) couvre la période 1807-2006. Jusqu’en 1850, le nombre d’individus formant la série est plutôt restreint (9-10 chez la pruche et de 3 à 7 chez le pin blanc qui a été utilisé comme espèce non hôte). Entre 1815 et 1880, on peut identifier quatre périodes au cours desquelles plus de 70 % des individus sont affectés. Toutefois, on constate que plus de 40 % des individus sont affectés pendant près des trois quarts des 65 années, ce qui traduit probablement une croissance en sous-bois. Après 1880, au contraire, une seule année (1956) dépasse le seuil de 40 % d’individus affectés. Comme quelques formes en pyramide sont bien visibles dans l’histogramme de fréquence au cours du 20e siècle (Figure 2.5), nous avons effectué le même traitement en baissant le seuil de 40 % à 30 %, ce qui a permis d’identifier deux périodes de défoliation associées à la tordeuse des bourgeons de l’épinette entre 1880 et 2006. Cette moins grande capacité d’enregistrement du signal de défoliation pourrait être due au fait que les arbres proviennent d’une région largement dominée par des peuplements de feuillus (Tableau 2.5.). Notons que l’analyse a aussi été effectuée selon le même découpage chronologique qu’en Mauricie, sans obtenir de meilleurs résultats quant au signal épidémique.

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Figure 2.5. Histogrammes de fréquence (%) de tiges montrant une réduction de croissance telle qu’identifiée dans le logiciel OUTBREAK (Holmes et Swetnam, 1996) chez la pruche A) dans Lotbinière (série Rivière-du-Moulin), B) en Mauricie (série Isaïe) et C) dans l’Outaouais (série Belisle). Les chiffres au dessus des histogrammes indiquent le nombre d’échantillons. Le seuil de 40 % retenu afin d’identifier les épidémies est indiqué par un trait en pointillés. En C, le seuil de 30 % a plutôt été utilisé après 1880. La partie claire des histogrammes montre la période couverte par un nombre restreint d’échantillons ne permettant pas une bonne interprétation des résultats.

71

2.4. Discussion

2.4.1. Particularités du matériel dendrochronologique lacustre

2.4.1.1. Qualité du bois La grande quantité de billes de bois de flottage extraites des lacs du PNM représente une occasion unique d’analyser le patron de croissance radiale chez des espèces d’arbres qui ont été très exploitées au cours des 150 dernières années. Il s’agit d’un matériel dendrochronologique de très grande qualité, en raison de son état de conservation, certes, mais aussi des informations historiques et environnementales qu’il recèle. Ce type de matériel permet la confection de longues séries dendrochronologiques dans des régions où la majorité des très vieux arbres ont été supprimés lors d’opérations de coupe forestière (Guyette et Cole, 1999, 2002 ; Grabner et al., 2004). Le bon état de conservation du bois formant le pourtour des billes permet des datations dendrochronologiques parfois exactes (à l’année près), parfois approximatives lorsque manquent des cernes externes. Dans notre étude, le nombre de cernes externes manquants varie de 4 chez la pruche à 10 chez le pin blanc, en moyenne. Cette valeur de 10 cernes manquants concorde avec celle obtenue par Grabner et al., (2004) qui ont étudié des billes de bois chez trois espèces européennes (épinette de Norvège, pin sylvestre et mélèze européen) en provenance de barrages érigés sur les cours d’eau dévalant les versants des Alpes autrichiennes. Boucher et al. (2006) ont aussi obtenu des valeurs semblables chez des billes de bois de flottage (surtout du sapin baumier) dans le Bas-Saint-Laurent (Québec, Canada). Les propriétés du bois de pruche permettent donc sa conservation en milieu lacustre.

2.4.1.2 Durée des séries dendrochronologiques Les séries dendrochronologiques de pin blanc et de pruche du PNM, obtenues d’arbres vivants, de billes de bois de flottage et d’autres catégories d’arbres morts, sont parmi les plus longues séries de ces deux espèces en Amérique du Nord. Débutant respectivement en 1440 et 1523, elles ont permis de couvrir l’ensemble de la période historique dans la région.

Au Québec et dans le Nord-est américain, il existe de longues séries de pin blanc comme la série Champlain (Québec, Canada) et celle du lac Swan (Ontario, Canada) qui remontent

72 respectivement à 1470 (Delwaide et Filion, 1999) et à 950 (Guyette et Cole, 1999 ; 2002). La série Champlain a été confectionnée à l’aide d’arbres vivants, mais aussi d’arbres morts extraits de petits lacs de glissements de terrain dans Charlevoix (Filion et al.,1991) et de bois historiques prélevés à même des structures anciennes dans le Vieux-Québec (Delwaide et Filion, 1999). Quant à la série du lac Swan, elle a été confectionnée à l’aide d’arbres morts naturellement et accumulés dans la zone infralittorale du lac (Guyette et Cole, 1999 ; 2002).

Il existe aussi de longues séries de pruche comme celle de la Rivière-du-Moulin (Québec, Canada) qui remonte à 1524 (Delwaide et Filion, 1999), celle de Presque Isle River (Michigan, USA) ou de Tionesta Natural Area (Pennsylvanie, É.-U.) (Cook, 1994a ; 1994b) qui remontent respectivement à 1444 et 1445. Ces séries ont été confectionnées à l’aide d’arbres vivants. La plus vieille pruche échantillonnée par Cook (1994b) comptait 554 cernes et elle a été échantillonnée en Pennsylvanie (Arsenault, 2010).

Nos longues séries ont contribué à mettre en lumière certains aspects de l’histoire humaine et écologique en Mauricie, qui ont trait tant à l’exploitation du bois et des forêts qu’à l’influence d’une coupe forestière sélective sur la croissance des arbres survivants (épargnés du prélèvement) et l’activité des insectes défoliateurs. Fayvan et Seymour (1993) ont d’ailleurs identifié ces mêmes facteurs de perturbation dans le Maine, au sein de peuplements mélangés de conifères (pin blanc, pruche et épinette rouge) qui ont subi dans le passé un prélèvement sélectif.

2.4.2 Activités de coupe forestière et données dendroécologiques

Les historiens qui se sont penchés sur l’exploitation de la forêt en Mauricie ont distingué plusieurs phases d’exploitation de la forêt qu’on peut déceler et en partie nuancer à la lumière de nos données dendroécologiques.

2.4.2.1 Le pin blanc L’exploitation forestière en Mauricie aurait débuté en 1832, année correspondant à l’émission des premiers droits de coupe dans la région (Caron, 1889 ; Lafleur, 1970). Nos données dendrochronologiques montrent que le pin blanc a fait l’objet de prélèvement dès

73 les années 1800-1820 (Figure 2.4 A-B). Il s’agissait sans doute de coupes effectuées par des particuliers et le bois était surtout destiné à la construction de bâtiments (Lower, 1938). Cette période préindustrielle du début du 19e siècle était essentiellement axée sur une exploitation domestique qui avait peu d’impact sur la structure de la forêt.

À partir de 1832, l’exploitation industrielle du pin blanc s’amorce dans la région, d’abord à proximité de la rivière Saint-Maurice où Edward Grieve aurait été le premier exploitant (Boucher, 1952 ; Gélinas, 1984) (Figure 2.4. C). À cette époque, les troncs de pin pouvaient être équarris sur place, dans les parterres de coupe (Curtis, 1981) (Figure 2.6. A), ou être transformés dans des scieries locales comme celle d’E. Grieve qui était située proche de la rivière Cachée, ou plus tard, au poste des Grès (Boucher, 1952).

En 1852, des glissoires à bois ont été mises en place le long du Saint-Maurice, à l’emplacement des chutes des Grès, de Shawinigan et de Grand-Mère. En permettant le franchissement des obstacles à la descente des billes de bois sur la rivière (Figure 2.6. B), la construction de ces glissoires a mené à une intensification des activités de coupe et a constitué un des éléments clés de l’essor de l’industrie forestière dans la région (Boucher, 1952).

Par ailleurs, la construction d’infrastructures sur les plus petits cours d’eau aurait commencé vers 1850, comme en témoigne le barrage érigé à la décharge du lac aux Chevaux, que nous avons pu dater par l’interdatation dendrochronologique de pièces de pin blanc. Cette structure pourrait avoir été mise en place par la compagnie Norcros and Phillips ou par la compagnie George Baptist and Sons (Gélinas 1984) (Figure 2.4. C). Ces deux entreprises ont été les plus actives dans la région entre 1852 et 1890. Georges Baptist and sons serait la première compagnie à avoir étendu ses activités à des espèces exploitées pour le bois de sciage, à savoir les épinettes et la pruche (Gélinas, 1984).

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Figure 2.6. A) Équarrissage à la hache d’un gros tronc de pin blanc (CIEQ http://mauricie.cieq.ca DIAPO_GRM_165). B) À l’avant-plan, glissoire en travers de la pente, en contrebas d’un site industriel à Shawinigan (CIEQ http://mauricie.cieq.ca N60-38). C) Scène hivernale prise à l’occasion de la construction de la voie ferrée entre Shawinigan et Trois-Rivières, 1906 (CIEQ http://mauricie.cieq.ca DIAPO_GRM_58). D) Scierie à l’usine de la Laurentide Paper à Grand-Mère, vers 1900 (Musée McCord http://www.musee-mccord.qc.ca VIEW-3503. E) Usine de papier de la Laurentide Paper à Grand-Mère et centrale hydroélectrique, 1900 (DIAPO_GRM_007). F) Draveurs piquant les billes de bois dans un rapide en Mauricie, vers 1940 (CIEQ http://mauricie.cieq.ca N 60-69).

Bien que quelques auteurs (Caron, 1889 ; Hardy et Séguin, 1984 ; 2004 ; Gaudreau, 1988) fassent mention de la disparition des pinèdes dans la Mauricie dès 1880, les années d’abattage obtenues dans le secteur du lac Houle (Figures 2.1. et 2.4. B) indiquent que

75 l’exploitation du pin blanc s’est poursuivie jusqu’au milieu du 20e siècle. Les activités s’étaient alors étendues vers le nord-ouest, à des secteurs moins accessibles et plus éloignés du Saint-Maurice. La présence de nombreuses billes abandonnées sur les parterres de coupe, en particulier les tiges dont le bois est partiellement carié, semble indiquer que les exploitants ne rapportaient que les sections de grande valeur, vraisemblablement en raison des coûts de transport de plus en plus élevés. En effet, à partir des années 1930-1940, les camions assurent le transport du bois depuis les sites trop éloignés des cours d’eau ou des billes dont le flottage n’est pas efficace (St-Amand, 1969).

2.4.2.2. La pruche Durant la seconde moitié du 19e siècle, la Mauricie était la région forestière la plus importante du Québec. Vers 1860-1870, en période de grande richesse industrielle, cette région fournissait entre 14 % et 20 % des revenus forestiers de toute la province (Hardy et Séguin, 1984), dont une bonne partie venait du bois de sciage. Dans la présente étude, ce sont des billes de pruche extraites du lac Solitaire qui ont donné les années d’abattage les plus anciennes, vers 1870, au moment où l’industrie du bois de sciage était à son apogée (Figure 2.4. A-B). Cette industrie a ensuite été touchée par une crise économique et, en 1887, elle en était à son niveau le plus bas (Lower, 1933 ; Hardy et Séguin, 1984 ; Gaudreau, 1988 ; 1999). Les pruches exploitées au cours du 19e siècle étaient destinées à plusieurs usages. Le plus ancien a trait à l’utilisation de l’écorce dans l’industrie de la tannerie (Caron, 1889 ; Boucher, 1952 ; Hardy et Séguin, 2004). Au moment de l’abattage de la pruche en Mauricie, vers la fin du 19e siècle, le tanin contenu dans l’écorce avait déjà été remplacé par des produits chimiques depuis plus de 20 ans, de sorte que ce type de récolte ne s’est jamais fait sur une base industrielle en Mauricie (Caron, 1889 ; Boucher, 1952). Le bois de pruche était surtout utilisé dans la fabrication de papier brun, comme matériau de construction bon marché et comme dormants ou traverses de chemins de fer (Brisbin, 1970). Dans la région, une ligne de chemin de fer construite en 1880 reliait l’actuelle ville de Grand-Mère à la ligne Québec-Montréal (Boucher, 1952). Une ligne reliait aussi l’usine de la Laurentide au réseau du Canadien Pacifique en 1891 (Niosi, 1975), et une autre, construite en 1906, reliait Shawinigan et Trois-Rivières (CIEQ 2011, en ligne) (Figure 2.6. C).

76

À partir de 1898, la Laurentide Paper Company (LP) est la seule compagnie à exploiter le territoire correspondant au PNM (Niosi, 1975 ; Gélinas, 1984) (Figure 2.4. C). De nombreuses billes extraites du lac Isaïe en témoignent, car elles portent les marques de poinçon LP (Figure 2.2. C). Cette compagnie exploita la forêt surtout à des fins de production de bois de pâtes et papiers, mais aussi de bois de sciage, bien qu’en proportion moins grande (Niosi, 1975). Elle possédait une scierie à Grand-Mère qui était en activité en 1900 (Musée McCord, page consultée le 5 septembre 2011) (Figure 2.6 D-E).

Avec le temps, l’exploitation de la forêt devint de moins en moins sélective, misant davantage sur la quantité de bois que sur sa qualité (St-Amand, 1969). Malgré la crise économique qui avait touché le secteur forestier entre 1870 et 1890 (Lower, 1933 ; Hardy et Séguin, 1984 ; Gaudreau, 1988 ; 1999), les activités de coupe ont été importantes dans le bassin versant du lac Isaïe entre 1895 et 1915, comme en témoignent les nombreuses billes de pruche extraites de ce lac (Figure 2.4. A-B). L’abondance des billes de pruche (un bois qui flotte peu) au fond des lacs du PNM serait attribuable, du moins en partie, au faible débit des cours d’eau, en particulier au cours des hivers 1870, 1901, 1904 et 1905, qui aurait contrevenu au transport des billes de bois (Hardy et Séguin, 1984). Certaines de ces billes, retenues depuis 5, 6 ou 10 ans, pouvaient être entraînées lors de précipitations abondantes (Hardy et Séguin, 1984), mais plusieurs se sont déposées sur les berges ou ont coulé en eaux peu profondes pour se retrouver plus tard au fond des cours d’eau et des lacs. La pruche dont le bois a une densité plus élevée (0,43 g/cm3) que celui du pin blanc (0,37 g/cm3) coule en effet plus rapidement que ce dernier (Oliver, 1998, consulté le 12 décembre 2011 ; Boucher et al., 2004).

Par ailleurs, il est possible que les épidémies de la TBÉ qui ont sévi dans la région aient causé une mortalité élevée des arbres matures chez les espèces hôtes principales de la TBÉ (sapin et épinettes), ce qui a pu inciter les exploitants à récolter une plus grande quantité de pruche, une espèce hôte secondaire de la TBÉ qui est plus résistante à la défoliation (Kenefic et Seymour, 2000).

En somme, entre 1850 et jusque vers 1910, on assiste à une exploitation industrielle et sélective de la forêt : d’abord du pin blanc équarri entre 1850 et 1870, puis à celle des épinettes et de la pruche, surtout à des fins de production de bois de sciage, jusque vers

77

1910 (Figure 2.6 A, D, E et F). Entre 1910 et 1970, l’exploitation intensive de la forêt, d’abord par la Laurentide Pulp Compagny Limited, puis par la Consolidated Paper entre 1932 et 1970, ciblait le sapin baumier et les épinettes à des fins de production de pâtes et papiers. Après 1970, avec la création du PNM, toutes les activités de coupe industrielle ont cessé.

2.4.3. Liens entre la coupe forestière sélective et la croissance radiale des conifères

Est-il possible qu’une telle exploitation sélective de la forêt mauricienne se reflète dans la croissance radiale des arbres utilisés dans la confection des séries dendrochronologiques?

Le pin blanc et la pruche montrent des épisodes d’accélération de la croissance radiale qui pourraient découler d’une diminution de la concurrence entre individus au sein des peuplements exploités. Si les reprises de croissance survenues avant 1800 peuvent être attribuées à des processus naturels, il en va autrement aux 19e et 20e siècles, au moment où des activités de coupe industrielles ont prévalu dans la région. En effet, les individus qui ont été utilisés dans la confection des séries dendrochronologiques semblent avoir sporadiquement bénéficié de meilleures conditions de croissance, vraisemblablement après le prélèvement d’arbres codominants au sein des peuplements. Les périodes d’accélération de croissance les plus importantes sont en effet survenues à des moments clés de l’exploitation des forêts en Mauricie.

La courbe de croissance des trois espèces de conifères affiche une nette tendance à la hausse vers la fin du 19e siècle et au début du 20e siècle (Figure 2.3 A). Celle de la pruche pourrait s’expliquer par l’élimination des arbres codominants d’autres espèces comme le pin blanc et peut-être le thuya, une situation que nous avons observée près du lac Isaïe, sur les sommets où les pruches vivantes ont été échantillonnées. Dans ces peuplements de haut de pente subsistaient de vieilles souches très dégradées, généralement de gros diamètre. Leur état n’a cependant pas permis d’effectuer une identification anatomique du bois de ces souches, ni de dater l’abattage des arbres.

Ce phénomène de prélèvement sélectif était une pratique assez courante au Québec, au début de l’exploitation industrielle des forêts. Dans le peuplement de pruche et de pin blanc

78 au sein de la réserve écologique de la Rivière-du-Moulin dans Lotbinière, la présence de souches très dégradées témoigne aussi d’activités de coupe anciennes. Les pruches utilisées par Delwaide et Filion (1999) dans la confection de la série Rivière-du-Moulin montrent le même patron à la hausse et au cours de la même période que chez la pruche de la Mauricie. Ces deux séries (Rivière-du-Moulin dans Lotbinière et Isaïe en Mauricie) sont d’ailleurs fortement corrélées. Les reprises de croissance chez la pruche pourraient donc résulter de coupes sélectives au sein de peuplements mixtes où le pin blanc était d’abord recherché et exploité.

Chez le pin blanc, la reprise de croissance survenue au début du 20e siècle (vers 1910) pourrait résulter d’une première vague de coupe dans le secteur du lac Houle, à en juger par les nombreuses souches qui étaient visibles sur le terrain, mais qui n’ont pu être datées en raison de leur état de dégradation. Couvertes de mousses, ces souches témoignent d’une coupe ancienne. Cette accélération de croissance pourrait résulter du prélèvement d’arbres codominants de la même espèce ou d’autres espèces. Par ailleurs, il est possible que les peuplements mixtes dans le secteur du lac Houle aient été exploités ultérieurement pour le prélèvement d’arbres d’autres espèces (possiblement du sapin baumier et des épinettes). Les seules traces visibles de cette coupe sont quelques billes de 4 pieds, connues sous l’appellation familière de «pitounes», qui ont été observées dans les eaux peu profondes du lac Houle.

Bien que présentes à la décharge de nombreux lacs, les billes de bois de sapin baumier et d’épinettes destinées à la fabrication de pâtes et papiers n’ont pas été échantillonnées dans le cadre de cette étude. Ces billes de 4 pieds ont aussi fait l’objet d’un transport par flottage à partir de 1930 (Legendre, 2005) (Figure 2.6. F). Les reprises de croissance survenues vers 1950, résulteraient d’une seconde vague de coupes sélectives afin de récolter les tiges de sapin et d’épinettes matures. En effet, comme le mentionnent Hardy et Séguin (1984), il y a eu dans la région des retours sur des parcelles précédemment exploitées selon des cycles inférieurs à 60 ans.

Nos données dendroécologiques (années d’abattage et fluctuations de croissance à long terme) permettent donc de faire ressortir certaines particularités locales de l’exploitation des conifères en Mauricie. Elles sont complémentaires à celles que fournissent les

79 documents historiques. Si les fluctuations à la hausse et de grande longueur d’onde (basse fréquence) de la croissance radiale semblent découler d’une exploitation forestière sélective, en revanche, les fluctuations à la baisse et de haute fréquence que montrent ces mêmes arbres seraient attribuables à l’activité des insectes défoliateurs, la principale perturbation naturelle de la forêt boréale méridionale et de la forêt mixte où domine le sapin baumier.

2.4.4. Activité des insectes défoliateurs

2.4.4.1. Particularités méthodologiques de l’analyse de l’activité des insectes défoliateurs dans un contexte de perturbations anthropiques Lorsqu’effectuée sur toute la durée des séries dendrochronologiques, la recherche automatisée de réductions de croissance en relation avec l’activité des insectes défoliateurs par l’entremise du logiciel OUTBREAK (Holmes et Sweetnam, 1996) s’avère infructueuse. L’exploitation forestière est à l’origine de reprises de croissance importantes, de sorte que le signal épidémique n’est plus détectable, même après une standardisation serrée des séries. Lorsque les analyses dendrochronologiques portent sur des arbres en provenance de peuplements qui ont connu plusieurs phases d’exploitation, il devient donc impératif de prendre en compte le contexte historique dans lequel a été effectuée l’exploitation forestière et de retenir un découpage chronologique convenant à ces analyses. C’est pourquoi nous avons effectué des calculs dans OUTBREAK selon des périodes qui correspondent aux trois phases principales d’exploitation de la forêt en Mauricie (Figure 2.3. D).

2.4.4.2. Insectes responsables de la défoliation Outre l’influence de la coupe forestière sélective qui se manifeste dans des fluctuations de grande longueur d’onde, les séries dendrochronologiques de la pruche et de l’épinette rouge en Mauricie montrent des réductions momentanées, mais majeures, de la croissance radiale, s’étendant sur plusieurs années (de 4 à 28 ans). Une telle signature s’apparente à celle découlant de la défoliation par des insectes.

La pruche peut être envahie par plus de 60 espèces d’insectes nuisibles. Martineau (1985) mentionne, entre autres, la spongieuse (Lymantria dispar Linnaeus) dont l’activité entraîne

80 presque systématiquement la mort des individus attaqués, la tordeuse du mélèze ( improbana Walker) qui, somme toute, cause peu de dégâts et enfin, l’arpenteuse de la pruche ainsi que la tordeuse des bourgeons de l’épinette. Ces deux dernières espèces sont considérées comme des insectes nuisibles de première importance au Canada (Ressource Naturelle Canada, page consultée le 16 septembre 2011) et toutes deux pourraient être à l’origine des réductions passagères de la croissance radiale chez la pruche et l’épinette rouge. Toutefois, bien que la pruche soit une espèce hôte de l’arpenteuse dans l’est du Canada (Ressources naturelles Canada, page consultée le 20 janvier 2010), il est peu probable que les réductions de croissance décelées dans la série Isaïe (pruche) soient imputables à l’arpenteuse de la pruche. Ces réductions sont en effet synchronisées à des réductions semblables chez l’épinette rouge telles que décelées dans la série Patrick. Or, il semble que l’épinette rouge, comme l’épinette noire d’ailleurs, soit peu sensible à la défoliation par cet insecte (Chabot, 2009 http://www.consultation-guides- sylvicoles.mrnf.gouv.qc.ca/ consulté le 12 décembre 2011). De plus, les attaques par l’arpenteuse se soldent souvent par une mortalité rapide (en 2-3 ans) et élevée dans les peuplements infestés. En effet, comme les larves s’attaquent à l’ensemble du feuillage, ne broutant que partiellement les aiguilles de l’année courante, la mort des individus survient souvent prématurément, après une à trois années de défoliation (Martineau, 1985). Enfin, au plan géographique, l’activité de l’arpenteuse serait surtout concentrée dans les régions maritimes de l’est du Canada où les espèces hôtes principales de cet insecte (surtout le sapin baumier et l’épinette blanche) sont plus abondantes.

La Mauricie se situe au cœur de l’aire de répartition de la TBÉ. Les réductions de croissance enregistrées à la fois chez la pruche et l’épinette rouge sont synchrones chez ces deux espèces hôtes de la TBÉ (Tableau 2.4.), mais elles sont inexistantes chez le pin blanc, une espèce non-hôte. De plus, nos chronologies de l’activité de cet insecte sont en général bien synchronisées à d’autres chronologies régionales, pour la plupart établies selon des méthodes comparables (Figure 2.7.). Pour toutes ces raisons, nous en déduisons que l’insecte responsable des réductions de croissance chez les arbres de la Mauricie que nous avons analysés est la TBÉ.

81

Figure 2.7. Périodes d’épidémie de la tordeuse des bourgeons de l’épinette identifiées dans les études dendrochronologiques antérieures à l’aide d’espèces hôtes principales (sapin baumier, épinette blanche) (trame grise) et dans cette étude à l’aide d’une espèce hôte secondaire (pruche) (trame noire). La durée des séries est donnée par les deux traits verticaux externes. Adaptée de Boulanger et Arsenault, 2004.

2.4.4.3. Potentiel d’analyse d’une espèce hôte secondaire de la TBÉ Bien que la reconstitution de l’historique des épidémies de la TBÉ repose généralement sur des séries confectionnées à l’aide du sapin baumier et de l’épinette blanche, les deux espèces hôtes principales de cet insecte, notre reconstitution à long terme (près de 500 ans) a été effectuée sur la base d’une espèce hôte secondaire de la TBÉ, la pruche (Martineau, 1985 ; MacWilliams et Schmidt, 2000). L’épinette rouge, considérée par certains comme une espèce hôte principale (Fraver et al., 2007), n’a permis de couvrir que les deux derniers siècles.

D’après Médoc et Beisel (2011), la pruche, en tant qu’espèce hôte secondaire, ne permet pas aux larves de la TBÉ d’atteindre leur plein développement. Ces dernières ne séjournent que peu de temps dans la couronne, de sorte que les arbres ont peu de chances de mourir des suites d’une défoliation. En raison de la perte d’une partie de leur feuillage, ceux-ci enregistrent tout de même une réduction de croissance en période épidémique. Le synchronisme des périodes de réduction de croissance chez la pruche et l’épinette rouge

82 témoigne de la capacité d’enregistrement du signal épidémique chez cette espèce hôte secondaire.

La pruche est donc une espèce très appropriée dans la reconstitution à long terme de l’activité de la TBÉ en raison 1) de sa grande longévité et ; 2) de sa résistance à plusieurs événements successifs de défoliation. Elle peut en effet atteindre un grand âge, soit 500- 600 ans (Farrar, 2001), bien que plusieurs espèces d’insectes s’y attaquent. Elle affiche une bonne capacité de récupération, même après une défoliation sévère par la TBÉ, comme ce fut le cas lors de l’épidémie survenue en 1984 dans le PNM (Bordeleau, 1984). Cet événement a causé une réduction de croissance modérée entre 1986 et 1997 chez les pruches, pourtant matures au moment de l’épidémie, alors que la mortalité fut très élevée chez le sapin baumier (Plante, communication personnelle)

Il est possible que le mode de développement architectural de la pruche la rende moins vulnérable que le sapin ou les épinettes aux effets de la défoliation, fut-elle sévère. Comme la TBÉ se nourrit d’abord des axes apicaux, le mode de croissance plagiotrope et la mortalité élevée chez les axes apicaux (Hibbs, 1981) feraient de la pruche une espèce moins attrayante pour la TBÉ, sauf en période de grande disette. L’abondance de son feuillage et sa capacité de réitération (à former de nouveaux axes de remplacement après un traumatisme) pourraient aussi expliquer sa facilité à récupérer après une défoliation. De plus, cette bonne capacité de récupération post-épidémique lui permet de rester attrayante pour les insectes à la différence des individus d’espèces hôtes principales qui généralement meurent en grand nombre après une épidémie. Dans un tel cas, il faut attendre que la régénération pré-établie forme la strate supérieure, ce qui entraîne un délai d’une trentaine d’années. Cette caractéristique permet à la pruche d’enregistrer des vagues d’épidémies plus rapprochées que les espèces hôtes principales.

Dans notre analyse, le début et la fin d’une épidémie donnée correspondent respectivement à l’année la plus ancienne et à l’année la plus récente comptant le pourcentage minimal d’arbres affectés (≥ 40%), chez l’une ou l’autre des deux espèces hôtes (pruche et épinette rouge). Si l’année correspondant au début d’une épidémie donné paraît relativement juste, la fin de la même épidémie est plus difficile à déterminer. Visiblement, cette difficulté peut entraîner une surestimation de la durée de certaines épidémies. Par exemple, les

83

événements de 1642-1670 chez la pruche (28 ans) et de 1865-1896 chez l’épinette rouge (31 ans) sont d’une durée deux fois plus longue que celle des épidémies de la TBÉ les plus longues, à savoir une quinzaine d’années (Blais, 1961 ; Martineau 1985 ; Belle-Isle et Kneeshaw, 2007). Cette durée correspond en fait à la période entière de réduction de croissance, laquelle comprend à la fois la période de défoliation et la reprise post- épidémique qui est parfois longue chez des arbres sévèrement défoliés. Il est possible aussi que ces longues périodes découlent de deux vagues de défoliation successives (Morin et al., 1993). En outre, les individus d’une espèce hôte secondaire semblent n’être affectés que durant quelques années qui peuvent d’ailleurs varier quelque peu d’un arbre à l’autre (Figure 2.8. A-C). De ce fait, les réductions de croissance, telles qu’enregistrées dans les séries dendrochronologiques chez l’ensemble des individus d’espèces hôtes secondaires, s’étendent sur des périodes plus longues que celles enregistrées dans les séries élémentaires.

Les courbes de croissance de quelques individus montrent que l’épinette rouge (Figure 2.8. A) subit plus durement que la pruche (Figure 2.8. B-C) les effets de la défoliation. Étant une espèce hôte secondaire, la pruche ne subit probablement qu’une défoliation légère ou modérée. De plus, les peuplements de pruche sont de nos jours peu étendus et s’insèrent dans une mosaïque végétale qui s’est beaucoup modifiée au fil du temps, au profit des arbres feuillus. Le caractère mixte de la mosaïque végétale pourrait donc causer une dilution du signal dendrochronologique relié à la défoliation chez cette espèce.

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Figure 2.8. Courbes de croissance radiale (mm) A) d’une épinette rouge vivante, B) d’une pruche vivante, C) d’une pruche morte et D) série de référence (non indicée) du pin blanc. Les bandes grises représentent les périodes d’épidémie telles que décelées chez la pruche par l’entremise du logiciel Outbreak (Holmes, 1983).

2.4.4.4 Historique des épidémies dans les régions avoisinant la Mauricie tel qu’établi à l’aide de la pruche Considérant la période commune aux trois régions (1801-1986), les données indiquent que les périodes de réduction de croissance décelées dans OUTBREAK sont beaucoup moins nombreuses dans l’Outaouais (n = 3) et dans Lotbinière (n = 4) qu’en Mauricie (n = 9) (Tableau 2.5.). De plus, le pourcentage maximum moyen d’arbres affectés est généralement plus élevé en Mauricie (70 %) que dans les deux autres régions (Lotbinière : 66 %, Gatineau : 37,5 %) (Tableau 2.5. et figure 2.5.). Après 1800, trois des quatre périodes de réduction de croissance survenues dans Lotbinière (hormis celle de 1891-1895) ont été enregistrées en Mauricie. Dans l’Outaouais, la longue période de réduction de croissance enregistrée avant 1880 (Figure 2.5 A) correspond à la phase de croissance juvénile des

85 arbres, probablement dans des conditions de surcimage. Notons que, durant cette période, trois pics cumulant plus de 70 % d’individus affectés ressortent de la série Lauriault et que deux d’entre eux sont assez bien synchronisés avec ceux de la série Isaïe en Mauricie (1829-1831 et 1870-1872). Toutefois, l’histogramme de fréquence ne montrant pas de formes en pyramides caractéristiques de ces épisodes de défoliation, il est difficile d’associer ces pics à des épisodes de défoliation par les insectes.

Bien que le Parc de la Gatineau soit situé dans une région où les forêts sont surtout formées d’arbres feuillus, essentiellement des chênaies à chêne rouge et divers types d’érablières (Gosselin, 2004), les deux périodes de réduction de croissance enregistrées au 20e siècle dans la série de pruche Lauriault sont bien synchronisées avec celles de la série Isaïe dans le Parc de la Mauricie situé à la marge sud de la forêt boréale (Tableau 2.5.). La période 1953-1958, bien que cumulant un pourcentage peu élevé d’individus affectés (30 %), correspond à une épidémie de la TBÉ qui a été bien documentée dans d’autres régions (Morin et Laprise, 1990 ; Boulanger et Arsenault, 2004).

Ces données suggèrent une plus grande capacité de la pruche à enregistrer l’activité de la TBÉ dans un contexte écologique où les peuplements formés des espèces hôtes principales de l’insecte (sapin baumier et épinettes) sont abondants. Les populations d’insectes peuvent certes déborder depuis les peuplements d’espèces hôtes principales vers les peuplements d’espèces hôtes secondaires, mais ces derniers ne semblent pas constituer à eux seuls des foyers d’infestation de la TBÉ.

2.4.4.5 Historique des épidémies en Mauricie tel qu’établi à l’aide d’une espèce hôte secondaire et dans les régions avoisinantes tel qu’établi à l’aide d’espèces hôtes principales

La figure 2.7. permet de comparer les données obtenues de la pruche en Mauricie (centre du Québec), à celles obtenues de l’épinette blanche et du sapin baumier dans les régions avoisinantes du centre, de l’ouest et de l’est du Québec (Blais, 1961, 1965, 1981 ; Morin et Laprise, 1990 ; Morin et al., 1993 ; Krause, 1997 ; Jardon, 2001 ; Boulanger et Arsenault, 2004 ; Boulanger et al., 2012). Nous commentons ci-après notre reconstitution dendrochronologique des épidémies de la TBÉ en la comparant à celles obtenues dans d’autres régions (Figure 2.7. et tableau 2.4.).

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Deux des trois épidémies survenues au 16e siècle, celles de 1538-1549 et de 1559-1567, sont rapportées pour la première fois. Cette période demeure peu documentée à ce jour, car il est difficile de trouver des arbres vivants assez vieux pour remonter aux années 1500. L’épidémie de 1573-1583 et celles rapportées chez l’épinette blanche par Boulanger et Arseneault (2004) entre 1577 et 1600, dans le Bas-Saint-Laurent et entre 1564 et 1590 dans le sud du Québec (Boulanger et al., 2012) sont assez bien synchronisées. La pruche, qui est une espèce longévive, constitue donc une bonne source de données relatives aux épidémies anciennes. Il convient cependant de rappeler que la série de pruche repose sur moins de 10 individus avant 1600 (Figure 2.3. B).

Alors que la série de pruche Isaïe a permis d’identifier quatre épidémies en Maurice au 17e siècle (Tableau 2.4. et figure 2.7.), celle de Boulanger et Arsenault (2004) n’en fait ressortir que deux chez l’épinette blanche : une première survenant en 1642-1648, au même moment que celle que nous rapportons, et une autre en 1678-1690, non synchronisée à nos données. Cette dernière s’insère en effet entre les épidémies de 1672-1676 et de 1690-1695 survenues en Maurice. Ces deux épidémies concordent assez bien avec celle survenue entre 1664 et 1670 dans le sud du Québec (Boulanger et al., 2012).

Au 18e siècle, une seule épidémie de très courte durée (1722-1725) ressort de la chronologie de pruche en Mauricie. Elle n’est d’ailleurs pas rapportée dans les études de Boulanger et Arsenault (2004) dans le Bas-Saint-Laurent, de Boulanger et al. (2012) dans le sud du Québec, ni dans celles de Blais (1965) et de Krause (1997) (Figure 2.7.). En raison de sa courte durée, la possibilité qu’il s’agisse d’une épidémie locale d’arpenteuse de la pruche ne peut être écartée.

Au 19e siècle, quatre épidémies ressortent en Mauricie, tant de la série de pruche que de celle de l’épinette rouge (Tableau 2.4.). Une épidémie survenue entre 1810 et 1830 a été documentée dans de nombreux travaux (Blais, 1965 ; Morin et al., 1993 ; Krause, 1997 ; Jardon, 2001 ; Arseneault et Boulanger, 2004). Elle correspond dans nos données à deux événements distincts (1809-1817 et 1819-1834), tant chez la pruche que chez l’épinette rouge. L’épidémie de 1851-1859 enregistrée en Maurice demeure peu documentée au Québec (Jardon, 2001). Celle de la fin du 19e siècle (1865-1890 en Mauricie, tableau 2.4.) est qualifiée de sévère en Ontario et au Nouveau-Brunswick, ainsi que dans le Maine

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(États-Unis) (Blais, 1964, 1965), mais elle demeure moins documentée au Québec (Blais, 1961 ; Krause, 1997 ; Boulanger et Arsenault, 2004).

De manière générale, les épidémies enregistrées en Mauricie au 20e siècle et au début du 21e siècle sont plus fréquentes (au nombre de sept) et de plus courte durée que celles des siècles précédents. L’épinette rouge a enregistré six de ces sept épidémies. Pendant l’épidémie survenue entre 1971 et 1976, seulement 20 % des épinettes rouges ont été touchées (et non 40 %, le seuil retenu dans OUTBREAK).

Les trois épidémies principales survenues au 20e siècle et documentées dans de nombreuses régions au Québec, soit celles des années 1910, 1950 et 1970 (Blais, 1981, 1984 ; Morin et Laprise, 1990 ; Arsenault et Boulanger, 2004), sont aussi survenues en Mauricie. Alors que les deux premières auraient été sévères, du moins sur la base du pourcentage élevé (>75 %) d’arbres affectés, la dernière (après 1970) aurait été modérée (45-50 % d’arbres affectés) (Tableau 2.4.). L’événement de 1985 correspondrait à une seconde vague de défoliation après celle des années 1970 (Morin et al., 1993). En Mauricie, elle est qualifiée de sévère par les équipes du PNM (Bordeleau, 1984). Des interventions d’abattage de sapins baumiers morts sur pied ont dû être entreprises afin de sécuriser des sites destinés au public comme les terrains de camping et les aires de pique-nique. Entre 1984 et 1987, les autorités du parc eurent même recours à des insecticides (Bordeleau, 1984).

Les trois autres épidémies enregistrées en Mauricie (1926-1935, 1937-1945, et la plus récente en 1999-2005) pourraient avoir un caractère local.

2.4.4.6. Influence des activités anthropiques sur l’activité de la TBÉ Par ailleurs, est-il possible que le patron d’exploitation de la forêt mauricienne aux 19e et 20e siècles, suivant la séquence visant à récolter d’abord le pin blanc, les épinettes et la pruche, puis le sapin, ait eu un impact sur l’activité de la TBÉ? Sans que l’exploitation forestière n’ait une influence directe sur les populations d’insecte, est-il possible qu’elle ait modifié l’importance relative des espèces hôtes au fur et à mesure de leur exploitation, influençant ainsi, de manière indirecte, l’activité de la TBÉ?

88

Au total, nous avons recensé en Mauricie 19 épidémies (Tableau 2.4.), alors que Boulanger et Arsenault (2004), dans le Bas-Saint-Laurent, en ont recensé 11. La fréquence est donc d’une épidémie tous les 25 ans en Mauricie (période de 483 ans) et tous les 45 ans dans le Bas-Saint-Laurent (période de 490 ans).

Pendant la période préindustrielle (1538-1850), les épidémies ont lieu tous les 31 ans, une valeur correspondant à la fréquence de 30 à 33 ans habituellement rapportée (Jardon, 2001, 2003). Cette fréquence reste à peu près la même (30 ans) tant que ce ne sont que les espèces non-hôtes de la TBÉ (pin blanc) et les espèces hôtes secondaires (pruche) qui sont exploitées (1850-1910). En période d’exploitation des espèces hôtes principales (sapin baumier, épinette rouge), soit entre 1910 et 1970, cette fréquence est de 12 ans, ce qui suggère un transfert d’activité de la TBÉ vers les espèces hôtes secondaires. On peut difficilement calculer la fréquence pour la période postérieure à l’exploitation de la forêt, soit après la création du PNM en 1971, car cette période de 30 ans est trop courte, correspondant à l’intervalle moyen entre deux épidémies.

En Mauricie, l’intervalle entre deux épidémies a varié de 11 à 87 ans. Jardon et al. (2003) sont d’avis que cette irrégularité est assez typique des reconstitutions d’échelle locale.

Dès 1919, Tothill (in Miller et Rusnock, 1993) a constaté que les peuplements les plus sévèrement attaqués sont situés à proximité de coupes forestières. De manière générale, les recherches ont montré que l’anthropisation des milieux forestiers, notamment par l’entremise d’une régénération abondante en sapin après une coupe, du contrôle des feux protégeant les sapinières matures, de l’abandon des terres agricoles favorisant les friches d’épinette blanche, rend la forêt plus susceptible à la défoliation par les insectes en favorisant le développement de peuplements des espèces hôtes principales (Blais, 1983 ; Miller et Rusnock, 1993 ; James et al., 2011). Notre étude tend à montrer que la coupe forestière peut avoir un effet sur l’activité de la TBÉ en période de récolte des espèces hôtes principales. Commencée au début du 20e siècle, la récolte massive de sapin et d’épinettes s’est intensifiée à partir de 1930, année charnière à partir de laquelle l’exploitation forestière devient une perturbation qui influence tant la composition des peuplements forestiers que la dynamique des perturbations elle-même (Baskerville, 1975). Si la coupe semble avoir pour effet d’augmenter la fréquence des épidémies, en revanche, elle pourrait

89 contribuer à diminuer leur sévérité, du moins chez les espèces hôtes secondaires. Les travaux de James et al. (2011) ont montré qu’à court terme, l’exploitation forestière peut contribuer à un certain contrôle des épidémies, mais qu’à long terme, elle tend à accentuer leurs effets.

Nos analyses suggèrent donc que le régime des épidémies de la TBÉ chez une espèce hôte secondaire comme la pruche serait modifié en période d’exploitation des espèces hôtes principales. La fréquence des épidémies de la TBÉ augmente, vraisemblablement en lien avec l’augmentation de la proportion de sapin dans les peuplements en régénération et de son abondance régionale. Le sapin serait d’ailleurs la seule espèce commerciale dont le nombre de tiges a augmenté suite à la période d’exploitation (Richard, 1995 ; Del Degan et Massé, 1999).

2.5 Conclusion

Cette étude constitue une première à maints égards. Elle a permis de confectionner de longues séries dendrochronologiques de pruche et de pin blanc en Mauricie, une région qui n’en disposait pas à ce jour. Ces séries de référence permettront, entre autres, la datation dendrochronologique de nombreux phénomènes écologiques et géographiques, en plus de bois archéologiques et historiques dans cette région. Les données obtenues de ce matériel dendrochronologique (lacustre et terrestre) a aussi permis de compléter et de nuancer nos connaissances historiques sur les activités de coupe en Mauricie.

L’utilisation de marqueurs dendrochronologiques (hausse de la croissance radiale) a permis de faire ressortir l’impact positif du prélèvement sélectif sur la croissance des arbres codominants. Les reprises importantes chez ces derniers ont été associées à des activités de coupe sélective au sein des peuplements. La similitude de notre série de pruche à celle de Delwaide et Filion (1999) traduit une réponse à un signal commun que nous avons associé au prélèvement sélectif (du pin blanc).

Notre étude a aussi permis d’exploiter le potentiel d’une espèce hôte secondaire de la TBÉ dans l’analyse et la reconstitution historique des épidémies d’insectes. En raison de sa longévité, la pruche est, à ce jour, l’espèce qui a permis de dresser l’historique le plus

90 complet de ces épidémies, sur environ 500 ans. Nos données suggèrent que la coupe forestière peut avoir un impact sur l’activité de la TBÉ, en augmentant la fréquence des épidémies, mais en contribuant à diminuer leur durée.

L’impact des activités de coupe (signal de basse fréquence), combiné à celui de la défoliation par les insectes (signal de haute fréquence), vient brouiller le signal climatique à tel point que l’analyse dendroclimatique de nos séries constitue un véritable défi. Si les arbres de la Mauricie offrent à cet effet un potentiel probablement mitigé, en revanche, la pruche et le pin blanc croissant sous des conditions de plus grand stress climatique et sans le stress relié à la défoliation par la TBÉ pourraient faire l’objet d’une analyse comparative. À cet effet, nous consacrons le prochain chapitre à une analyse dendroclimatique de la pruche et du pin blanc dans plusieurs régions, soit la région plus sèche de l’Outaouais et la région plus arrosée de l’Est du Québec (île d’Anticosti) (chapitre 3 de cette thèse).

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Chapitre 3 : Analyse dendroclimatique de la pruche

(Tsuga canadensis) et du pin blanc (Pinus strobus) dans la forêt tempérée du Québec dans un contexte de perturbations multiples

Résumé

Dans ce chapitre, nous avons tenté d’évaluer la réponse climatique de la pruche et du pin blanc, deux espèces longévives des forêts tempérées du sud du Québec où plusieurs perturbations interviennent dans la dynamique forestière. Les analyses dendroclimatiques ont montré que la croissance radiale de la pruche peut être un bon indicateur du climat dans les peuplements où les conséquences des perturbations naturelles et anthropiques, incluant la défoliation lors des épidémies de la tordeuse des bourgeons de l’épinette (TBÉ) et la coupe forestière sélective, ont été légères. Les stratégies d’échantillonnage à des fins d’études dendroclimatiques devraient privilégier des peuplements et des régions où dominent les forêts de feuillus et dont l’historique des perturbations est connu. Le pin blanc est moins sensible aux perturbations biotiques que la pruche, mais la qualité de la réponse climatique chez ce conifère dépend largement des contraintes associées à un déficit hydrique ou à un stress thermique.

Mots clés : coupe sélective, dendroclimatologie, île d’Anticosti, Lotbinière, Mauricie, Outaouais, perturbations multiples, pin blanc, stress climatique, tordeuse des bourgeons de l’épinette, tsuga.

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Abstract

In this chapter we attempted to evaluate the climate responsiveness of eastern hemlock and white pine, two long living species of the southern Québec temperate forests, where several disturbances get involved in forest stands. Dendroclimatic analysis showed that hemlock radial growth may be a good climatic indicator in stands where natural and anthropogenic disturbances including defoliation during spruce budworm (SBW) outbreaks and forest selective harvest, were light. Sampling strategies when conducting dendroclimatic studies should focus on trees growing in hardwood-dominated stands and areas where past disturbances were documented. White pine is less sensitive to biotic disturbance than eastern hemlock but the climate responsiveness of this conifer depends on constraints associated with water deficit or thermal stress.

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3.1. Introduction

L’objectif généralement poursuivi dans les études dendroclimatiques est la reconstitution à long terme des climats passés (Fritts, 1976 ; Blasing et al., 1984 ; Guiot et Nicault, 2010). Dans ces études, on utilise de préférence des espèces qui montrent une grande sensibilité au climat et des arbres assez âgés pour faire ressortir les fluctuations de moyenne et de grande longueur d’onde (de basse fréquence), celles qui conservent généralement un signal climatique (Fritts, 1990 ; Tardif et al., 2001). La première étape d’une analyse dendroclimatique prévoit le calcul de fonctions de réponse afin d’évaluer la qualité du signal climatique enregistré par les arbres (Blasing et al., 1984 ; Guiot et Nicault, 2010). Les individus dont la croissance est principalement influencée par le climat sont ceux qui fournissent le meilleur signal aux fins de reconstitution des conditions passées (Fritts, 1976 ; Graumlich, 1993 ; Michelot et al., 2012).

Les conditions de sites, ainsi que les perturbations naturelles et anthropiques, causent un bruit de fond et compliquent généralement la lecture du signal climatique (Tardif et al., 2001). Si la pruche (Tsuga canadensis (L.) Carrière), est considérée comme une espèce sensible au climat et propice aux reconstitutions climatiques (Avery et al., 1940 ; Cook et Jacoby, 1977 ; Cook et Cole 1991 ; Abrams et al., 2000 ), le pin blanc (Pinus strobus L.), en revanche, est une espèce moins utilisée dans ce type d'analyse (Cook et Jacoby, 1977 ; Abrams et al., 2000 ; Kipfmueller et al., 2010 ; Marchand et Filion, 2012).

Dans le chapitre précédent, les analyses dendroécologiques de la pruche ont montré que la croissance des arbres en Mauricie, dans Lotbinière et dans l’Outaouais, a été en partie influencée par l’action conjuguée de la coupe forestière et de la défoliation lors des épidémies de la tordeuse des bourgeons de l’épinette (TBÉ). La pruche est toutefois moins touchée par la défoliation en Outaouais qu’elle ne l’est dans la région de Lotbinière et surtout en Mauricie. Dans cette dernière région, les courbes de croissance radiale de la pruche montrent, en plus, des reprises en lien avec la coupe forestière sélective survenue dans le passé. Les activités d’exploitation forestière ayant cessé dans le Parc national de la Mauricie (PNM) après sa création en 1971, la croissance radiale des arbres y a été moins perturbée pendant les dernières décennies, bien que quelques épidémies de la TBÉ soient survenues.

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On peut s’interroger sur les possibilités d’extraire le signal climatique chez des individus croissant au sein de peuplements qui ont subi des perturbations multiples et à répétition (Swetnam et al., 1999). Afin de bien évaluer l’influence du climat dans de telles conditions, nous avons effectué une analyse dendroclimatique de la pruche et du pin blanc dans plusieurs régions du sud du Québec qui sont contrastées au plan climatique. Nous avons utilisé pour ce faire nos propres chronologies de la Mauricie et de l’Outaouais et quelques chronologies existantes de la région de Lotbinière (Delwaide et Filion, 1999) et de l’île d’Anticosti (Filion, données non publiées).

Nos objectifs sont 1) d’analyser la réponse dendroclimatique de la pruche et du pin blanc à l’aide de divers types de fonctions statistiques, ainsi que sa stabilité dans le temps, dans des sites répartis le long de l’axe du Saint-Laurent, en Outaouais, en Mauricie, dans Lotbinière et sur l’île d’Anticosti et 2) d’évaluer les facteurs biotiques et abiotiques, tant anthropiques que naturels, qui sont à l’origine de la variabilité de la réponse dendroclimatique de ces deux conifères des régions tempérées. Nous discuterons aussi la pertinence et les contraintes des méthodes dendroclimatiques dans un contexte de perturbations forestières multiples.

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3.2. Méthodes

3.2.1. Régions et sites d’étude

Les quatre régions où se trouvent les sites d’échantillonnage dendrochronologique sont l’Outaouais (Parc de la Gatineau : PG), la Mauricie (Parc national de la Mauricie : PNM), Lotbinière (Réserve écologique de la Rivière-du-Moulin : RDM) et l’île d’Anticosti (Figure 3.1.).

Figure 3.1 : Localisation des régions d’échantillonnage dendrochronologique : pruche (●) et pin blanc (■). En Outaouais : parc de la Gatineau (2 espèces); en Mauricie : Parc national de la Mauricie (2 espèces); dans Lotbinière : réserve écologique de la Rivière-du-Moulin (pruche) et sur l’île d’Anticosti: bassin de la rivière Prinsta (pin blanc). La carte montre aussi la localisation des stations météorologiques de Chelsea, Shawinigan, Donnacona et Natashquan (*).

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3.2.1.1. Parc de la Gatineau Le PG couvre une superficie de 300 km², depuis Ottawa-Gatineau jusqu'à 50 km au nord- ouest de cette agglomération (Figure 3.1.). La création du parc remonte à 1903, mais la mise en protection des terres fut graduelle et s’est poursuivie jusqu’en 1958 (Messier, 1996).

Le relief est formé de collines dont les versants sont en pente modérée ou forte. L’altitude maximale est de 400 m et le dénivelé le plus grand est de 250 m. Les escarpements sont nombreux, certains étant entaillés par des vallées étroites et encaissées. Le substrat rocheux, qui représente plus de 40 % de la superficie de la région, est formé de roches ignées et métamorphiques d’âge protérozoïque et appartenant à la province de Grenville. La majorité des dépôts meubles sont des tills minces indifférenciés qui tapissent le sommet des collines et certains versants (Gosselin, 2004).

En Outaouais, le climat est de type continental, mais la région subit de fréquentes incursions d’air maritime en provenance de l’Atlantique et des Grands-Lacs (Crowe, 1984 ; Robitaille et Saucier, 1998). La température moyenne annuelle est de 5,6°C (Station météorologique de Chelsea, Environnement Canada, 2011) (Tableau 3.1.). La température moyenne du mois le plus froid (janvier) est de -11,5 °C et celle du mois le plus chaud (juillet) de 20,7 °C. Durant la saison de croissance, les températures maximales journalières sont supérieures à 25 °C durant 42 jours en moyenne. Les précipitations annuelles totalisent 987,1 mm dont 22 % tombent sous forme de neige. Près de la moitié de la pluie tombe entre mai et septembre (441 mm en moyenne). Bien que les étés soient relativement arrosés, la saison de croissance connaît fréquemment plus de 10 jours consécutifs sans précipitation mesurable (Crowe, 1984).

Le PG est situé dans le domaine de l’érablière à tilleul (Gosselin, 2004). Les périodes de faible précipitation au cours de la saison de croissance, la discontinuité et la faible épaisseur des dépôts de surface ainsi que les pentes fortes créent des conditions qui sont favorables à des espèces xériques comme le chêne rouge (Quercus rubra L.) et le pin blanc. Dans les basses terres, l’érablière domine dans les stations mésiques et, dans les stations où le drainage est plus rapide, ce sont plutôt des formations mixtes de pin blanc et de pin rouge

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(Pinus resinosa Aiton) ou de pins et de pruche qui abondent. Vers le nord, la sapinière remplace l’érablière dans les stations mésiques (Gaffield, 1997 ; Gosselin, 2004).

Tableau 3.1 : Données des quatre stations météorologiques d’Environnement Canada utilisées dans l’analyse dendroclimatique.

Chelsea Shawinigan Donnacona Natashquan (Outaouais) (Mauricie) (Lotbinière) (Anticosti) Période couverte 1927-2011 1902-1997 1953-2008 1914-2003 Température moyenne annuelle 5,6 (±1) 4,5 (±2) 4,6 (±2) 1,1 (±1) en °C (écart-type) Température maximum moyenne 20,7 19,6 19,5 14,5 de juillet Température minimum moyenne -11,5 -13,2 -12,6 -13,5 de janvier Précipitation annuelle en eau en 772,2 819,4 901,9 774,5 mm Précipitation 356,3 annuelle en neige 214,8 (22)(1) 249,1 (23)(1) 239,2 (20 %)(1) (31)(1) en cm et (%) Précipitation totale 987,1 1068,6 1141 1129,8 annuelle en mm (1)Pourcentage des précipitations totales

3.2.1.2. Parc national de la Mauricie Le PNM est situé à environ 130 km à l’ouest de Québec et à 55 km au nord de Trois- Rivières (Figure 3.1.). D’une superficie de 536 km², il constitue, depuis 1971, une aire naturelle protégée. Il est dans la zone de contact entre la Plateforme du Saint-Laurent et le piémont des Laurentides, à la marge sud du Bouclier canadien, à une altitude comprise entre 150 m et 500 m. Le substratum est formé de roches précambriennes appartenant à la province de Grenville (Allard, 1978 ; Occhietti, 2007). Environ 90 % de la surface du parc est couverte de till dont l’épaisseur est très variable.

Le climat est de type tempéré froid et continental (Wilson, 1971 ; Litynski, 1982 ; Robitaille et Saucier, 1998). La température moyenne annuelle est de 4,5 °C (Station

109 météorologique de Shawinigan, Environnement Canada, 2011) (Tableau 3.1.). La température moyenne du mois le plus froid (janvier) est de -13,2 °C et celle du mois le plus chaud (juillet) de 19,6 °C. Les précipitations annuelles totalisent 1068,6 mm. Elles sont réparties sur toute l’année, bien que près de la moitié tombe entre juin et septembre.

Le PNM se trouve à la charnière de la forêt à feuillage décidu et de la forêt boréale (Lalumière et Thibault, 1988). Dans la partie sud et dans les sites bien protégés, c’est le domaine de l’érablière à bouleau jaune où l’érable à sucre (Acer saccharum Marsh.) et le bouleau jaune (Betula alleghaniensis Britton,) sont presque toujours associés au sapin baumier (Abies balsamea (L.) Mill.) et à l’épinette rouge (Grandtner, 1983). Vers le nord et dans les sites plus élevés en altitude, le domaine de l’érablière cède le pas à la forêt mixte où le bouleau jaune et le sapin baumier s’associent dans des proportions variables, puis à la sapinière dominée par le sapin baumier, le bouleau blanc (Betula papyrifera L.) et l’épinette blanche (Picea glauca (Moench) Voss) et enfin, à la pessière dominée par l’épinette noire (Picea mariana (Mill.) B.S.P.). Quelques peuplements de pin blanc subsistent dans certains sites bien drainés dans la partie centre ouest du parc. Aujourd’hui peu abondante, la pruche croît souvent en association avec le bouleau jaune dans des sites moyennement bien drainés, comme c’est le cas à proximité des berges du Saint-Maurice (Lalumière et Thibault, 1988). Dans le bassin versant du lac à la Pêche et du lac Isaïe, on la trouve surtout au sommet des collines où, en raison des pentes fortes, la coupe forestière a été partielle. Elle forme aujourd’hui des peuplements quasi monospécifiques sur des crans rocheux où vraisemblablement les individus d’espèces compagnes ont fait l’objet d’un prélèvement qui semble ancien, à en juger par l’état avancé de putréfaction des souches.

3.2.1.3. Réserve écologique de la Rivière-du-Moulin Créée en 1975, la réserve écologique de la RDM fut la première à être reconnue au Québec. Elle est située sur la rive sud du Saint-Laurent, à environ 65 kilomètres à l'ouest de Québec (Figure 3.1.). Elle occupe une basse terrasse dont l’altitude est d’environ 20 mètres. Elle couvre une superficie de 10,66 ha, à l'intérieur des limites de la municipalité de Lotbinière. Les dépôts, essentiellement argileux et d’origine marine, sont généralement minces et

110 reposent directement sur le substratum rocheux de la Plateforme du Saint-Laurent qui est formée de schistes à cet endroit (Occhietti, 1989).

La température moyenne annuelle est de 4,6 °C (Station météorologique de Donnacona, Environnement Canada, 2011) (Tableau 3.1.). La température moyenne du mois le plus froid (janvier) est de -12,6 °C et celle du mois le plus chaud (juillet) de 19,5 °C. Les précipitations annuelles totalisent 1141 mm. Elles sont réparties sur toute l’année, bien que près de la moitié tombe entre mai et septembre.

La réserve écologique de la RDM est située dans le domaine de l’érablière à tilleul. En raison de divers types d’activités humaines (coupe forestière, agriculture) et de conditions édaphiques entraînant un mauvais drainage (topographie plane, dépôts à texture fine), le couvert forestier forme, dans la région de Lotbinière, une mosaïque de peuplements plutôt jeunes et de peuplements mixtes dans lesquels l’érable rouge (Acer rubrum L.), le bouleau jaune et le sapin baumier occupent une place prépondérante (Gosselin, 2005),

La réserve de la RDM assure la protection d'une prucheraie à pin blanc mature. Des individus de ces deux espèces ont permis la confection de longues séries dendrochronologiques (Delwaide et Filion, 1999).

3.2.1.4. Île d’Anticosti L’île d’Anticosti est située dans l’estuaire du Saint-Laurent, à 650 km au nord-est de Québec (Figure 3.1.). Le climat est de type boréal océanique où l’influence maritime du golfe du Saint-Laurent contribue à réduire les écarts annuels de température (Boisclair, 2004). À Natashquan (station qui a servi de référence dans ce travail, voir plus loin dans les méthodes), la température moyenne annuelle est de 1,1 °C (Tableau 3.1). La température moyenne du mois le plus froid (février) est de -13,5 °C et celle du mois le plus chaud (juillet) de 14,5 °C (Station météorologique de Natashquan, Environnement Canada, 2011).

Les précipitations annuelles totalisent 1129,8 mm, dont 40 % tombent sous forme de neige.

Au plan géologique, l'île d'Anticosti est une cuesta formée de calcaires d'âge siluro- ordovicien, dont le pendage est faiblement incliné vers le sud (Desrochers, 2006 ; Simard, 2010). Au plan biogéographique, elle appartient au domaine de la sapinière maritime formée de sapin baumier, d'épinette blanche et de bouleau blanc (Rowe, 1972). Les sites

111 d’échantillonnage dendrochronologique sont situés dans la partie est de l’île, le long de la route trans-anticostienne, dans le bassin versant de la rivière Prinsta. Dans ce secteur de l’île, l’altitude ne dépasse pas les 40 m et les dépôts de surface sont généralement minces.

3.2.2. Échantillonnage dendrochronologique

Les données dendrochronologiques analysées dans ce chapitre viennent de sources diverses. Les séries de pruche et de pin blanc de l’Outaouais et de la Mauricie ont été élaborées dans le cadre de cette thèse (Chapitre 2) et celles de la réserve écologique de la RDM l’ont été par Delwaide et Filion (1999). Les échantillons de pin blanc de l’île d’Anticosti ont été prélevés lors d’une campagne de terrain effectuée en 2002 par l’équipe de L. Filion, mais nous avons traité les données et confectionné nous-mêmes la série dendrochronologique.

Les séries dendrochronologiques ont été élaborées selon les méthodes standard (Schweingruber, 1988 ; 1996 ; Delwaide et Filion, 2010). Bien que les longues séries de pruche et de pin blanc de la Mauricie aient été confectionnées à l’aide d’arbres vivants et d’arbres morts, seules les parties confectionnées à l’aide d’arbres vivants ont été utilisées aux fins de l’analyse dendroclimatique. De ce fait, tous les échantillons ont été prélevés, préparés et analysés selon des méthodes identiques dans tous les sites.

Les carottes ont été prélevées à l’aide d’une sonde de Pressler à 30 cm de la surface du sol, ou plus haut sur la tige (jusqu’à 1 m) s’il y avait de la carie du bois au centre de la tige. Deux carottes ont été prélevées sur chaque individu, en directions opposées et perpendiculairement à la pente afin de limiter les effets de pente (formation de bois de réaction), le cas échéant.

En laboratoire, les carottes ont été collées dans le creuset de petits supports de bois. Les surfaces ont été poncées mécaniquement avec un papier à grains fins (80-120-320 grains), afin de mettre en évidence les trachéides et les cernes de croissance. Ces derniers ont été pointés sous la loupe binoculaire, à un grossissement de 6x à 40x, et leur largeur a été mesurée à l’aide d’un micromètre Velmex d’une précision de 0,001 mm.

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Un inventaire des cernes diagnostiques (sensu Schweingruber et al., 1990 ; Kaennel et Schweingruber, 1995), à savoir les cernes très étroits, les faux cernes ainsi que les canaux résinifères traumatiques qui leur sont associés, a été effectué. La présence de l’ensemble des cernes de croissance et leur datation ont été vérifiées à l’aide du logiciel COFECHA (Holmes, 1983 ; Grissino-Mayer, 2001).

Afin d’extraire le signal de basse fréquence, les séries brutes de largeur de cernes obtenues de chaque rayon ont été standardisées à l’aide d’une fonction spline couvrant 60 % de la longueur de chaque série ou, dans le cas de certains échantillons de pin blanc, d’une fonction exponentielle négative en utilisant la fonction i.detrend () de la suite « dlpR » (Bunn, 2008) dans « R » (R Development Core Team, 2009). La moyenne des deux rayons comptant le plus grand nombre de cernes chez chaque individu a été calculée afin d’obtenir une seule série standardisée par individu.

Au total, six séries ont été utilisées dans cette analyse : trois de pruche, respectivement de l’Outaouais, de la Mauricie et de Lotbinière et trois de pin blanc, respectivement de l’Outaouais, de la Mauricie et de l’île d’Anticosti.

Les statistiques de ces séries (sensibilité moyenne, autocorrélation d’ordre 1, Expressed Population Signal ou EPS) ont été calculées à l’aide de la suite « dlpR » (Bunn, 2008) dans « R » (R Development Core Team, 2009). La sensibilité est une mesure de la variation moyenne de la largeur de deux cernes annuels successifs. Elle donne une estimation de la sensibilité des arbres aux facteurs environnementaux (Fritts, 1976). Le coefficient d’autocorrélation est une valeur permettant d’estimer l’interdépendance des données d’une même série et d’évaluer dans quelle mesure l’impact des facteurs environnementaux sur la croissance radiale est persistant (Schweingruber, 1996). La valeur d’EPS de chaque série standardisée a été calculée. Elle permet de jauger le niveau d’incertitude des moyennes calculées pour un ensemble de séries de données au sein d’une population et d’évaluer si le nombre d’individus retenus dans l’élaboration d’une série est suffisant. Les paramètres déterminants sont les corrélations moyennes entre les séries et la fraction de la variance commune aux séries. Une valeur d’EPS de 0,85 est généralement retenue comme seuil au- dessus duquel les séries sont statistiquement valables (Wigley et al., 1984).

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Les statistiques de comparaison ont été compilées entre les séries d’une même espèce pour les différentes régions, mais également entre les espèces au sein d’une même région. Le N commun est le nombre de cernes de croissance communs aux deux séries comparées, sur lequel reposent les calculs statistiques. Le r de Pearson mesure la corrélation entre les valeurs de largeur de cerne de chaque année entre deux séries (Sokal et Rohlf, 1987). Comme la valeur obtenue lors du calcul de ce test dépend en grande partie du nombre de données (années) prises en compte, on l’associe souvent à un test de Student, car ce dernier est moins dépendant du N. Une valeur t supérieure à 3,5 est jugée acceptable (Delwaide et Filion, 2010). Le test de signe de Gleichläufigkeit ou test de G permet de vérifier la concordance entre deux séries en quantifiant le sens des variations de croissance entre deux années consécutives (Huber et Dresden, 1943 in Delwaide et Filion, 2010).

3.2.3. Analyses dendroclimatiques

3.2.3.1. Données météorologiques Les quatre régions où se trouvent les sites d’échantillonnage sont situées dans la partie québécoise de l’aire de répartition du pin blanc et de la pruche où les deux espèces atteignent leur limite nord de répartition (Farrar, 2001). Les données météorologiques (températures et précipitations) sont celles des stations de Chelsea (en Outaouais, à la limite nord-est du PG), de Shawinigan (en Mauricie, à 30 km au sud-est du PNM), de Donnacona (région de Portneuf, à environ 10 km au nord-est de la réserve écologique de la RDM dans Lotbinière) et de Natashquan (sur la Côte-Nord du Saint-Laurent, à environ 95 km des sites d’échantillonnage sur l’île d’Anticosti) (Figure 3.1). Il convient de mentionner que la période d’enregistrement à la station de Port-Menier, située à l’extrémité ouest de l’île d’Anticosti, ne débute qu’en 1960 et que le climat dans la partie est de l’île ressemble davantage à celui de Natashquan qu’à celui de Port-Menier (Simard, 2010).

Les données indiquent que l’Outaouais est la région la plus chaude et la plus sèche, l’île d’Anticosti, la plus froide, et Lotbinière, la plus arrosée, bien que les précipitations sous forme de neige soient nettement plus abondantes à Natashquan (Tableau 3.1.), de même que sur l’île Anticosti d’ailleurs où le couvert de neige peut être très épais certaines années (Environnement Canada, 2011).

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Le pourcentage de données manquantes dans les séries de données mensuelles de mai à août est de 3,1 ±1,4 en moyenne et il varie de 1,4 (Chelsea) à 6 (Shawinigan). Cette dernière station est la seule où le pourcentage est au-dessus du seuil minimal de 5 % suggéré par Fritts (1976). Dans tous les cas, les données manquantes ont été remplacées par les normales climatiques de la station (Environnement Canada, 2011).

3.2.3.2. Fonctions de réponse et fonctions de corrélation Dans l’analyse dendroclimatique des six séries dendrochronologiques (trois de pruche, trois de pin blanc), la période d’avril à août de l’année courante a été prise en compte. Les précipitations mensuelles et les températures maximums mensuelles de ces cinq mois constituent les 10 régresseurs sur lesquels repose le calcul des fonctions statistiques (Biondi et Waikul, 2004). Un nombre peu élevé de régresseurs permet d’assurer la solidité des modèles lorsque la quantité de données météorologiques est plutôt restreinte. La sélection que nous avons faite repose sur des résultats préliminaires qui ne sont pas présentés ici.

Des fonctions de réponse et des fonctions de corrélation ont été calculées entre chacune des séries dendrochronologiques et les données climatiques, à l’aide des fonctions mdc () et mdcc () du logiciel « BootRES 1.2.2» (Zang, 2009) dans l’environnement « R » (R Development Core Team, 2009). Au total, 1000 paires de données cernes annuels-variables climatiques ont été analysées selon la méthode bootstrap. Les données non significatives ont été exclues selon la méthode des critères PVP (produit des valeurs propres, en anglais CEP pour cumulative eigenvalues product) (Guiot, 1985 ; 1991). Une analyse en composantes principales (ACP) a ensuite été effectuée à l’aide des matrices résiduelles, selon la méthode décrite par Biondi et Waikul (2004). Le degré de signification des coefficients a été évalué grâce à la méthode du 95e percentile (Dixon et al., 2001 in Zang, 2009). Lorsque les résultats obtenus des deux méthodes statistiques (corrélation et réponse) sont significatifs, ils trouvent une validation additionnelle.

Afin de valider la stabilité des relations statistiques cernes annuels/climat dans le temps, nous avons en plus procédé au calcul de fonctions de corrélation selon des intervalles (fenêtres) mobiles de 20 ans, chaque fois en décalant les fenêtres de cinq ans (Biondi et Waikul, 2004). La dimension ou largeur (L) des fenêtres mobiles doit remplir les deux exigences suivantes : 1) L < 80 % du nombre d’années disponibles, afin d’obtenir un

115 nombre suffisant d’intervalles, 2) L ≥ deux fois le nombre de régresseurs, afin qu’un nombre de degrés de liberté soit généré pour l’analyse (Biondi et Waikul, 2004). La signification des données obtenues de chaque période de 20 ans a été testée dans l’environnement « R » (R Development Core Team, 2009).

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3.3. Résultats

3.3.1. Caractéristiques des séries dendrochronologiques

3.3.1.1. Séries de pruche La série Belisle du PG (Outaouais), la plus courte des trois séries de pruche, couvre 263 ans (Tableau 3.2.). La série Rivière-du-Moulin dans Lotbinière est la plus longue (459 ans) et elle affiche la sensibilité moyenne la plus élevée (0,25). Les valeurs de largeur moyenne des cernes annuels, d’autocorrélation (ordre 1) et d’EPS de la série Belisle sont toutes supérieures à celles des séries des deux autres régions. Étant supérieures au seuil de 0,50, les valeurs d’autocorrélation indiquent qu’il existe dans les trois régions une certaine persistance des facteurs influençant la croissance des arbres d’une année à l’autre. Quant aux valeurs d’EPS, elles sont toutes supérieures à 0,85, la valeur seuil établie par Wigley et al. (1984) au-dessus de laquelle la population est considérée homogène.

Tableau 3.2 : Caractéristiques des séries dendrochronologiques de la pruche dans chacune des régions d’échantillonnage dendrochronologique

Belisle Isaïe (1) Rivière-du-Moulin

(Outaouais) (Mauricie) (Lotbinière) Nombre d’arbres (rayons) 26(52) 20 (40) 17 (35) Durée de la série 263 ans 327 ans 459 ans Période couverte 1744-2006 1678-2005 1524-1982 Largeur moyenne des cernes (écart-type) 0,93 (±0,4 mm) 0,66 (±0,36 mm) 0,53 (±0,3 mm) Sensibilité moyenne de la série indicée 0,20 0,20 0,25 Autocorrélation d’ordre 1 0,84 0,72 0,81 EPS (2) 0,952 0,901 0,93 (1) : Série n’incluant que les arbres vivants de la série présentée dans le chapitre 2 (2) : EPS : Expressed Population Signal (Wigley et al., 1984)

Chez la pruche, les seuls cernes diagnostiques sont des cernes étroits (Tableau 3.3.). En Outaouais, les cernes les plus étroits ne sont pas assez fréquents pour être considérés comme des cernes diagnostiques. Certains cernes étroits ont été utiles à l’interdatation des séries de pruche de la Mauricie et de Lotbinière, mais aucune année de cerne étroit n’est commune aux deux régions.

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Tableau 3.3 Cernes diagnostiques chez la pruche et le pin blanc dans les régions d’échantillonnage dendrochronologique

Pruche Pin blanc Régions/Types Canaux de cernes Cernes étroits Cernes étroits Faux cernes résinifères diagnostiques traumatiques Outaouais 0(1) 0 1988, 1955, 1959 1989 Mauricie 1752, 1734,1876 0 1991 0 Lotbinière 1781, 1800, 1820, 1841 ─ (2) ─ ─ Anticosti ─ 1860, 1947 0 0 (1) Aucun résultat (2) Combinaisons impossibles en raison de l’absence de pruche sur l’île d’Anticosti et dû au fait que nous ne disposons pas de pin blanc pour la région de Lotbinière

La série Belisle montre quelques grands pics de croissance pendant la période de croissance juvénile des pruches (Figure 3.2A). Cette série, ainsi que la série Isaïe en Mauricie (Figure 3.2.A), montre une forte croissance radiale durant la deuxième moitié du 19e siècle, laquelle persiste pendant tout le 20e siècle. L’origine de cette reprise en Mauricie a été attribuée au prélèvement des arbres codominants d’autres espèces comme le pin blanc et peut-être le thuya (chapitre 2 de cette thèse). La série de la Rivière-du-Moulin dans Lotbinière ne montre pas de grandes fluctuations de la croissance radiale ni de hausse de croissance au 20e siècle (Figure 3.2.A). Les séries indicées (Figure 3.2.B) sont celles qui ont été utilisées dans le calcul des différentes fonctions statistiques. La standardisation a pour effet d’exagérer le rythme de croissance juvénile. Toutefois, ces données n’ont pas été utilisées dans les analyses dendroclimatiques, car les données météorologiques ne vont pas au-delà de 1902 (Tableau 3.1.).

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Figure 3.2 : Courbes de croissance radiale (mm) (A) et séries indicées de la pruche B) obtenues des différentes régions d’échantillonnage dendrochronologique. Les chiffres sous les séries indicées indiquent le nombre d’individus qui forment chacune des séries.

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3.3.1.2. Séries de pin blanc La série de pin blanc la plus courte est la série Lauriault en Outaouais (199 ans) et la plus longue est celle de Prinsta sur l’île d’Anticosti (443 ans) (Tableau 3.4). La largeur moyenne des cernes annuels en Outaouais (1,57 mm) est près du double de celle sur Anticosti (0,83 mm). La série Prinsta sur Anticosti se distingue nettement des deux autres séries par une valeur très faible de sensibilité de la série indicée (0,09) et une valeur d’EPS de 0,83 qui est légèrement en dessous du seuil de 0,85 jugé acceptable (Wigley et al., 1984). Les valeurs du coefficient d’autocorrélation sont toutes supérieures au seuil de 0,5, ce qui indique que la croissance des arbres est influencée par des facteurs qui persistent plusieurs années consécutives. Le coefficient de la série Prinsta est le plus élevé. Les valeurs d’EPS sont relativement faibles, probablement en raison de la croissance rapide et très variable des arbres.

Tableau 3.4 : Caractéristiques des séries dendrochronologiques du pin blanc dans chacune des régions d’échantillonnage dendrochronologique.

Lauriault Houle (1) Prinsta (Outaouais) (Mauricie) (Anticosti) Nombre d’arbres (rayons) 33 (66) 22 (44) 28 (56) Durée de la série 199 ans 290 ans 443 ans Période couverte 1807-2006 1717-2007 1560-2002 Largeur moyenne des cernes (écart-type) 1,57 (0,4 mm) 1,26 (0,5 mm) 0.85 (0,2 mm) Sensibilité moyenne de la série indicée 0,19 0,13 0,09 Autocorrélation d’ordre 1 0,88 0,88 0,92 EPS (2) 0,964 0,902 0,820 (1) : Série n’incluant que les arbres vivants de la série présentée dans le chapitre 2 (2) : EPS : Expressed Population Signal (Wigley et al., 1984)

Les courbes de croissance radiale du pin blanc montrent des patrons de croissance très différents d’une région à l’autre (Figure 3.3.A). En Outaouais, la série Lauriault montre une chute de croissance importante entre 1800 et 1860, mais le nombre d’individus y est inférieur à 10 (Figure 3.3.A). En Mauricie, la série Houle montre une augmentation de la croissance radiale avec l’âge, ce qui est contraire au modèle de croissance exponentiel négatif habituellement observé chez cette espèce (Figure 3.3.A). Signalons que les 70

120 premières années ne sont représentées que par deux individus qui ont eu une croissance radiale extrêmement faible. La croissance radiale augmente ensuite et atteint un palier au début du 20e siècle. Sur l’île d’Anticosti, le patron de croissance du pin blanc est relativement constant (abstraction faite des quelque 40 années avant 1600 qui sont couvertes par un seul individu) et ne montre aucune fluctuation de basse fréquence. Les fluctuations de haute fréquence ne sont pas de grande ampleur, ce qui se traduit dans le faible écart-type de la largeur moyenne des cernes annuels qui est d’ailleurs très faible (0,83 ±0,2 mm) (Tableau 3.4).

Figure 3.3 : Courbes de croissance radiale (mm) (A) et séries indicées du pin blanc (B) obtenues des différentes régions d’échantillonnage dendrochronologique. Les chiffres sous les séries indicées indiquent le nombre d’individus qui forment chacune des séries.

Chez le pin blanc, les faux cernes sont très nombreux en Outaouais où ils ont fait l’objet d’une étude particulière (Marchand et Filion, 2012), laquelle est présentée dans le chapitre suivant. Les plus fréquents sont ceux des années 1955, 1959 et 1988 (Tableau 3.3.). Cette

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étude montre que les faux cernes sont répartis dans l’ensemble de la série (1807-2006) et qu’environ 25 % de tous les cernes ont une ou plusieurs (jusqu’à cinq) bandes intra- annuelles de bois plus foncé (à densité plus élevée), en particulier pendant la période de croissance juvénile des tiges.

Le faux cerne de 1989 est particulier, car il compte fréquemment des rangées de canaux résinifères traumatiques. En Mauricie, une seule année de faux cerne (1991) a été identifiée, et ce, chez 30 % des individus (n = 20), ce qui ne représente que 0,1 % de tous les cernes de la série (1678-2005). Sur l’île d’Anticosti, les cernes de deux années (1860 et 1947) sont très étroits et peuvent être considérés comme des cernes diagnostiques, ainsi que quelques cernes pâles.

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3.3.2. Comparaison des séries dendrochronologiques des deux espèces entre les régions

3.3.2.1. Séries de pruche Les statistiques de comparaison des séries de pruche entre les trois régions montrent que la série Isaïe (Mauricie) est hautement corrélée à la série Rivière-du-Moulin (Lotbinière) et à la série Belisle (Outaouais), selon les données obtenues respectivement de trois et de deux tests (Tableau 3.5. A). La valeur élevée du r de Pearson (0,407) indique que les séries de pruche de la Mauricie (Isaïe) et de Lotbinière (Rivière-du-Moulin) sont les plus hautement corrélées. (Tableau 3.5. A).

Tableau 3.5 : Statistiques comparatives des séries dendrochronologiques de pruche (A) et de pin blanc (B) entre les sites d’échantillonnage et pour la période commune à deux séries. Les résultats significatifs (p ≤ 0,001) sont en caractères gras.

A) Pruche B) Pin blanc

r de Pearson Isaïe Rivière du Moulin r de Pearson Prinsta Houle Rivière du Moulin 0,407 (305)(1) Houle 0,122 (288) Belisle 0,139 (262) 0,079 (239) Lauriault 0,103 (198) 0,331 (200)

t de Student Isaïe Rivière du Moulin t de Student Prinsta Houle Rivière du Moulin 7,41 Houle 2,88 Belisle 2,25 1,22 Lauriault 1,98 2,00

Test de G Isaïe Rivière du Moulin Test de G Prinsta Houle Rivière du Moulin 0,655 Houle 0,545 Belisle 0,638 0,586 Lauriault 0,52 0,593

(1) : Nombre d’années communes aux deux séries comparées

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3.3.2.2. Séries de pin blanc Les statistiques de comparaison des séries de pin blanc entre les trois régions montrent que la série Houle (Mauricie) est corrélée à la série Lauriault (Outaouais), la valeur du r de Pearson de 0,331 étant significative (Tableau 3.5. B). Les tests de Student et de G n’ont donné aucune relation significative entre les séries de pin blanc des trois régions.

3.3.2.3. Comparaison des séries dendrochronologiques des deux espèces au sein d’une même région Les trois tests de comparaison des séries de pruche et de pin blanc au sein d’une même région sont tous significatifs, tant en Outaouais qu’en Mauricie (Tableau 3.6.). Les valeurs obtenues des trois tests (r, t et G) sont toutes plus élevées en Outaouais qu’en Mauricie.

Tableau 3.6. Statistiques comparatives des séries dendrochronologiques de pruche et de pin blanc au sein d’une même région d’échantillonnage et pour la période commune aux deux séries. Les résultats sont tous significatifs (p ≤ 0,001).

Outaouais Mauricie Pin blanc/Pruche Pin blanc/Pruche r de Pearson 0,52 (200) 0,229 (289) t de Student 7,92 3,93 Test de G 0,681 0,597

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3.3.3. Relation cernes annuels/climat

3.3.3.1. La pruche En Outaouais, la fonction de corrélation et la fonction de réponse ont toutes deux donné des relations négatives avec les températures maximums de mai et les précipitations de juillet (Figure 3.4. A-B). En Mauricie, seule la fonction de réponse a donné des relations significatives, une relation négative avec les températures maximums de mai et une relation positive avec les précipitations de juillet (Figure 3.4. B). Dans Lotbinière, seule la fonction de corrélation est significative, donnant une relation négative avec les précipitations de mai (Figure 3.4. A). En Mauricie et dans Lotbinière, les deux types d’analyse n’ayant pas donné de résultats significatifs pour les mêmes paramètres climatiques et les mêmes mois, il est peu probable que le climat soit un facteur déterminant dans la croissance radiale de la pruche dans ces régions.

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Figure 3.4 : Coefficients de corrélation (r de Pearson) et coefficients de réponse (valeurs de P) entre les paramètres climatiques (Températures maximums : bâtonnets oranges; précipitations totales : bâtonnets verts) des mois d’avril à août et la largeur des cernes annuels chez la pruche dans les différentes régions d’échantillonnage dendrochronologique ( p < 0,05 ; p < 0,05 récurrent dans les deux types d’analyse).

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3.3.3.2. Le pin blanc En Outaouais, la fonction de corrélation et la fonction de réponse ont toutes deux donné des relations négatives avec les températures maximums de mai et les précipitations de juillet (Figure 3.5. A-B), des résultats identiques à ceux obtenus de la pruche. En Mauricie, aucune relation significative n’a été obtenue quel que soit le type d’analyse. Sur l’île d’Anticosti, la fonction de corrélation et la fonction de réponse ont toutes deux donné une relation négative avec les précipitations d’avril. En Outaouais et sur l’île d’Anticosti, les deux types d’analyse ayant donné des résultats significatifs pour les mêmes paramètres climatiques et les mêmes mois, il est très probable que le climat soit un facteur déterminant dans la croissance radiale du pin blanc dans ces régions.

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Figure 3.5 : Coefficients de corrélation (r de Pearson) et coefficients de réponse (valeurs de P) entre les paramètres climatiques (Températures maximums : bâtonnets oranges; précipitations totales : bâtonnets verts) des mois d’avril à août et la largeur des cernes annuels chez le pin blanc dans les différentes régions d’échantillonnage dendrochronologique ( p < 0,05 ; p < 0,05 récurrent dans les deux types d’analyse).

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3.3.3.3 Stabilité des relations cernes annuels/climat Le calcul des fonctions de corrélation effectué selon des fenêtres mobiles de 20 ans a donné un nombre peu élevé de coefficients significatifs, ce qui indique que les relations cernes annuels/climat ne sont pas stables dans le temps (Figure 3.6.). En Outaouais, les relations entre la largeur des cernes annuels et les températures maximums de mai ainsi que la précipitation de juillet ont donné des résultats significatifs, pour une durée respective de trois et cinq périodes consécutives de 20 ans. Ce sont les mêmes paramètres qui influencent à la fois la pruche et le pin blanc, bien que les coefficients soient moins élevés chez le pin blanc (Figure 3.6.). En Mauricie, les relations ne sont que rarement significatives chez les deux espèces et seule la relation entre les cernes annuels chez le pin blanc et les températures maximales d’avril a donné des coefficients significatifs, et ce, pour trois périodes successives seulement. Dans Lotbinière, chez la pruche, seule la relation entre les cernes annuels et les températures maximums de juin a donné des coefficients significatifs, et ce, pendant cinq périodes successives de 20 ans. Sur l’île d’Anticosti, chez le pin blanc, les relations entre la largeur des cernes et les températures maximales d’avril ainsi que les précipitations de mai ont donné des résultats significatifs, respectivement pour cinq et trois périodes successives, ce qui ne représente que 49 % et 36 % de la période analysée et traduit le manque de stabilité de ces relations.

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Figure 3.6: Coefficients de corrélation (r de Pearson) calculés pour des périodes de 20 ans décalées de 5 ans, entre les paramètres climatiques (Températures maximums et précipitations mensuelles) des mois d’avril à août et la largeur des cernes annuels chez A) la pruche et B) le pin blanc dans les différentes régions d’échantillonnage dendrochronologique. Seuls les coefficients significatifs sont indiqués.

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3.4. Discussion

Dans cette étude, nous avons évalué les relations entre le climat et la largeur des cernes de croissance chez la pruche et le pin blanc, dans quatre régions du sud du Québec où ces espèces atteignent la limite nord de leur aire de répartition. Pour ce faire, nous avons eu recours à une méthode de comparaison des deux fonctions statistiques habituellement utilisées à cette fin, à savoir la fonction de réponse et la fonction de corrélation (Blasing et al., 1984). Nous ne considérons ici que les résultats significatifs obtenus de ces deux types d’analyse dendroclimatiques. Nous tenterons de comprendre comment le climat, mais aussi les facteurs autécologiques et les perturbations, interviennent de façon complexe dans la croissance radiale de ces deux conifères.

3.4.1. Relations cernes annuels/climat au sein des régions

3.4.1.1. Outaouais En Outaouais, où les statistiques de comparaison entre les séries Belisle et Lauriault ont toutes donné des valeurs élevées (Tableau 3.6.), la relation entre le climat et la largeur des cernes de croissance s’est avérée significative pour les mêmes paramètres chez la pruche et le pin blanc. Les deux chronologies montrent en effet une relation négative avec les températures de mai et les précipitations de juillet, comme en font foi les résultats obtenus à la fois des fonctions de corrélation et des fonctions de réponse (Figures 3.4. et 3.5.).

Les relations cernes annuels/climat (températures) sont négatives en mai, car dans cette région où la précipitation annuelle est la plus faible de toutes les régions, les températures élevées sont souvent accompagnées de faibles précipitations, ce qui entraîne une faible croissance radiale. Cette relation traduit l’importance de l’apport en eau au début de la saison de croissance. Une relation négative avec les précipitations de juillet a aussi été décelée, ce qui pourrait signifier qu’en pleine saison de croissance, des précipitations abondantes peuvent entraîner la formation d’un cerne étroit. Cette relation pourrait s’expliquer par la nébulosité élevée en périodes très pluvieuses, ce qui limite la capacité de photosynthèse (Fritts, 1976 ; Laxson, 2011). Toutefois, dans une région telle que

131 l’Outaouais, il est probable que la croissance radiale soit à toutes fins utiles complétée en juillet et que ce résultat soit le fruit d’un artéfact mathématique.

En Outaouais, si une réponse au climat est détectable chez les deux espèces, c’est en partie en raison de leur faible vulnérabilité aux perturbations biotiques dans une région où dominent les forêts de feuillus. En effet, la croissance de la pruche y est peu influencée par la défoliation lors des épidémies de la TBÉ (chapitre 2) et le pin blanc, de manière générale, est peu sensible aux effets des agents pathogènes et des ravageurs, à l’exception toutefois de la rouille vésiculeuse (Cronartium ribicola J. C. Fisch.) et du charançon du pin blanc (Pissodes strobi Peck) (Lavallée, 1986).

La rouille vésiculeuse est un champignon pathogène provenant d’Asie, qui peut entraîner la mort relativement rapide des individus attaqués (MNRF, en ligne). Au Québec, la rouille vésiculeuse est présente dans l’ensemble de l’aire de répartition du pin blanc, mais son incidence est relativement faible dans la partie fluviale de la vallée du Saint Laurent où les températures de juillet atteignent souvent le seuil de 23 °C au delà duquel les spores sont détruites (Lavallée, 1974). Cet agent pathogène a peu d’influence sur la croissance radiale des arbres, car il entraîne généralement la mort des individus dans les trois premières années de l’infection (Lachance, 1990).

Le charançon du pin blanc est un insecte qui s’attaque à la flèche terminale de l’arbre. Les dommages peuvent entraîner une réduction de la croissance de 40 % à 70 % (Lavallée et Benoit, 1989). La résine est alors véhiculée vers l’apex dans les canaux résinifères qui sont souvent traumatiques (Lavallée et al., 1994). Au Québec, l’activité de cet insecte s’est accrue entre 1988 et 1991, avec l’augmentation des plantations d’épinette de Norvège (Picea abies [L.] Karst.) (Morissette et al., 1994). Les faux cernes comptant des rangées de canaux résinifères traumatiques, en 1991 en Mauricie et en 1989 en Outaouais, peuvent être considérés comme la signature d’une épidémie de charançon. Toutefois, l’activité de cet insecte est ponctuelle et ne constitue pas une perturbation majeure et persistante, susceptible d’affecter la qualité du signal climatique. En outre, le nombre élevé de faux cernes chez le pin blanc en Outaouais, dont l’origine n’est visiblement pas entomologique, traduit une réaction ponctuelle à un stress hydrique saisonnier (Marchand et Filion, 2012).

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3.4.1.2. Mauricie et Lotbinière Aucune relation significative n’est ressortie de l’analyse dendroclimatique des séries de la pruche et du pin blanc en Mauricie, et de la pruche dans Lotbinière. Toutefois, l’absence de réponse climatique a des causes différentes chez ces deux espèces.

Pruche

Plusieurs facteurs pourraient expliquer l’absence de réponse climatique chez la pruche, en l’occurrence des facteurs autécologiques faisant intervenir la tolérance à l’ombre et certains facteurs de perturbation, à savoir la coupe forestière sélective et la défoliation pendant les épidémies de la TBÉ.

La pruche est une espèce sciaphile, mais elle s’adapte à la pleine lumière lorsqu’elle atteint les strates forestières supérieures (Grandtner, 2004). Elle a une grande tolérance à l’ombre, de sorte que son rythme de croissance est lent pendant la période de croissance juvénile et jusqu’à ce que les individus atteignent les strates intermédiaires ou hautes (Marshall, 1927; Gamache, 1969). Lorsque survient une perturbation comme un chablis ou la coupe d’arbres dominants ou codominants produisant une ouverture du couvert, certains individus des strates inférieures peuvent profiter de meilleures conditions et connaître une accélération de croissance. Dans le chapitre précédent (chapitre 2 de cette thèse), nous avons mis en évidence des reprises de croissance importantes qui témoignent de plusieurs événements de coupe sélective en Mauricie. Les pruches épargnées du prélèvement sélectif peuvent alors croître plus rapidement que les individus qui n’ont jamais connu de stress en relation avec la luminosité (Gamache, 1969). Rathgeber et al. (2011) ont montré que la taille et la position sociale des individus dans un peuplement (en position de surcimage, dans les strates intermédiaires ou supérieures) entraîneraient chez eux une différence de sensibilité au climat plus grande que celle qui existe entre des espèces différentes. Un changement de position sociale des arbres dans un peuplement pourrait donc expliquer certaines fluctuations de basse fréquence dans les séries dendrochronologiques (De Luis et al., 2009 ; Rathgeber et al., 2011). Le patron de croissance des arbres qui ont profité d’une ouverture du couvert forestier un peu avant ou pendant la période visée par une analyse

133 dendroclimatique est donc trop perturbé pour permettre une bonne lecture du signal climatique, ce qui est le cas de la pruche en Mauricie et dans Lotbinière.

Dans le chapitre précédent (chapitre 2 de cette thèse), nous avons également montré que la pruche est une espèce sujette à la défoliation lors des épidémies de la TBÉ, en particulier dans le contexte de la forêt mixte dans laquelle abondent le sapin baumier et l’épinette blanche, deux espèces hôtes principales de l’insecte. En période épidémique, la pruche, une espèce hôte secondaire de la TBÉ, abrite l’insecte pendant une partie de son cycle de vie. À en juger par la concordance entre les périodes de réduction de croissance chez cette espèce et celles enregistrées chez les espèces hôtes principales, la pruche subit alors une défoliation modérée ou sévère, mais suffisamment importante pour venir brouiller le signal climatique. En Mauricie et dans Lotbinière, l’absence de relation cernes annuels/climat s’expliquerait donc en grande partie par cette perturbation d’origine biotique. En Outaouais, en revanche, la série Belisle montre que la pruche est peu affectée par la défoliation dans une région où les forêts de feuillus dominent nettement.

L’évaluation de la stabilité des relations cernes annuels/climat grâce à la fonction de corrélation calculée à l’aide de fenêtres mobiles fait ressortir une gradation du signal climatique en fonction de la position géographique des peuplements au sein de l’aire de répartition de la TBÉ. En Outaouais, en effet, où la série Belisle n’a montré qu’une seule chute de croissance en relation avec la défoliation par la TBÉ, la pruche montre une plus grande sensibilité à certains paramètres climatiques, ce qui n’est le cas ni en Mauricie ni dans Lotbinière où les deux séries dendrochronologiques de la pruche (Isaïe et Rivière-du- Moulin) sont d’ailleurs fortement corrélées. Dans la réserve écologique du Boisé-des-Muir située dans le sud-ouest du Québec, les pruches analysées par Tardif et al. (2001) ont montré une relation négative avec les températures moyennes de juin. Ce signal est proche de celui que nous avons obtenu dans l’Outaouais où ce sont les températures maximum de mai qui ont montré une relation significative avec la largeur des cernes annuels. Dans cette réserve qui bénéficie d’un statut de protection depuis 1830, les arbres n’ont apparemment connu ni reprises de croissance en lien avec des coupes sélectives (seules de rares coupes ont été effectuées entre 1820 et 1830) ni réductions de croissance associées à la défoliation par la TBÉ, la région du Haut Saint-Laurent étant en effet située en dehors de la zone de

134 vulnérabilité de la pruche à la TBÉ puisqu’elle est dominée par des forêts de feuillus (chapitre précédent de cette thèse).

L’analyse dendroclimatique de la pruche effectuée par Cook et Cole (1991), dans 42 sites répartis dans l’ensemble de l’aire de répartition de la pruche aux États-Unis, est en revanche peu concluante. Les sites et les individus échantillonnés ont été sélectionnés sans tenir compte des conditions édaphiques ni de l’historique des perturbations au sein des peuplements. Les résultats mitigés de l’analyse dendroclimatique effectuée par Cook et Cole (1991) indiquent que le modèle de simulation actuellement utilisé dans le calcul d’une fonction de réponse ne permet pas d’expliquer comment la pruche réagit au climat. En effet, dans ce modèle linéaire, les facteurs non climatiques (par exemple la défoliation par les insectes ou les pratiques forestières) sont intégrés dans le calcul de la fonction de réponse, mais ils ne constituent pas une entrée à part entière dans le modèle, au titre de régresseurs (Guiot et Nicault, 2010). Lorsque ces facteurs de perturbation interviennent de façon importante dans la croissance radiale, le modèle linéaire de la fonction de réponse ne permet pas de détecter le signal climatique.

Des facteurs biotiques (autécologie de l’espèce et perturbations par la coupe sélective et la TBÉ) limitent grandement l’enregistrement du signal climatique chez la pruche. À en juger par les quelques études dendroclimatiques effectuées à ce jour (Avery, 1940 ; Blasing et al., 1984 ; Tardif et al., 2001), le processus de sélection des sites devrait favoriser des sites où les peuplements ont échappé au prélèvement sélectif d’individus arborescents, mais les auteurs de ces études n’abordent pas la question de la défoliation par la TBÉ. Les études dendroclimatiques de la pruche devraient donc être dirigées vers des régions où dominent les forêts de feuillus, minimisant ainsi les effets de la défoliation par la TBÉ, et porter sur des peuplements où le prélèvement sélectif d’individus de grande taille a été nul, rare ou minimal.

Pin blanc

En Mauricie, le climat ne semble pas suffisamment contraignant pour permettre l’enregistrement d’un signal climatique chez le pin blanc. Contrairement à la pruche, le pin blanc est une espèce héliophile qui s’installe dans les milieux ouverts, souvent après le

135 passage d’un feu, mais qui peut également tolérer des conditions d’ombrage. Au plan édaphique, il connaît son développement optimal sur des sols sablonneux humides, bien qu’il puisse s’accommoder de conditions de drainage variables (Farrar, 2001; Grandtner, 2004). Les sols sablonneux étant assez répandus dans la plus grande partie des basses terres du Saint-Laurent et du piémont appalachien et laurentidien et l’apport en eau étant généralement suffisant, les conditions sont favorables à sa croissance.

En ce qui a trait aux perturbations anthropiques, les régions de l’Outaouais et de la Mauricie ont connu des étapes similaires de prélèvement sélectif d’individus d’espèces arborescentes, bien que chacune ait connu son propre patron d’exploitation des forêts (Hardy et Séguin, 1984 ; 2004; Vincent, 1995 ; Gaffield, 1997 ; Gaudreau, 1999). Toutefois, l’exploitation sélective des forêts ne semble pas avoir influencé la réponse dendroclimatique du pin blanc. En effet, ces deux régions ont connu des patrons de perturbation anthropique comparables, mais l’analyse dendroclimatique a montré qu’il existe des relations cernes annuels/climat significatives en Outaouais, mais pas en Mauricie.

3.4.1.3. Île d’Anticosti Sur l’île d’Anticosti où le pin blanc atteint sa limite nord-est de répartition et où les conditions climatiques sont plus contraignantes que dans les autres régions du centre et du sud-ouest du Québec, la croissance radiale de ce conifère est beaucoup plus lente (Tableau 3.4.). Les sites d’échantillonnage étant tous situés dans la partie est, les peuplements n’ont pas subi l’impact de la coupe forestière sélective. Quant à l’activité du charançon, elle est négligeable sur la Côte-Nord du Québec (Boulet, 1995).

Sur l’île d’Anticosti, l’analyse dendroclimatique a fait ressortir une relation négative entre la largeur des cernes annuels et les précipitations d’avril. Il convient de mentionner que plus de 40 % des précipitations en avril tombent sous forme de neige dans cette région insulaire du golfe du Saint-Laurent. Des précipitations abondantes sont souvent accompagnées de températures fraîches et d’une forte nébulosité, ainsi que d’un retard dans la disparition du couvert de neige, autant de facteurs qui ont leur importance au printemps, car ils déterminent en partie les conditions du démarrage de l’activité cambiale (Rathgeber et al., 2011). Plusieurs études dendroclimatiques ont montré l’existence de relations

136 significatives entre la croissance des arbres et certains paramètres climatiques au début de la saison de croissance (Archambault et Bergeron, 1992 ; Kelly et al., 1994 ; Tardif et Bergeron, 1997 ; Buckley et al., 2004 ; Kipfmueller et al., 2010). Toutefois, les calculs de corrélation selon des fenêtres mobiles de 20 ans ont montré que les relations cernes annuels/climat qui se sont révélées significatives n’affichent pas une grande stabilité dans le temps (Figure 3.6. B). La position géographique des sites à la limite de l’aire de répartition de l’espèce ne peut constituer le seul critère de sélection puisque cette limite n’est pas induite uniquement par le climat (Hofgaard et al., 1999). Chez le pin blanc, par exemple, le régime de perturbation par le feu limite aussi la répartition de l’espèce (Engelmark et al,. 2000).

137

3.5. Conclusion

En résumé, dans la forêt mixte du sud du Québec, la pruche a été soumise aux effets cumulés des coupes forestières sélectives et de la défoliation lors des épidémies de la TBÉ. Dans ce contexte de perturbations multiples, le patron de croissance des arbres se caractérise par des fluctuations comprenant des reprises de croissance de basse ou de moyenne fréquence reliées à des événements de coupe forestière sélective ainsi que des réductions de croissance récurrentes, mais de hautes fréquences, découlant de la défoliation par la TBÉ. Cette situation de perturbations a prévalu dans les deux régions du centre sud du Québec (Mauricie et Lotbinière), de sorte que la réponse climatique de la pruche s’est avérée imperceptible, alors qu’en Outaouais, cette réponse, bien que mitigée, est meilleure en raison d’une activité de la TBÉ vraisemblablement plus légère au sein du domaine de la forêt caducifoliée tempérée. Chez le pin blanc, l’impact des perturbations est moins perceptible et ce sont davantage les extrêmes climatiques, à savoir un stress hydrique (Outaouais) ou thermique (Anticosti), qui permettent l’enregistrement d’un signal climatique.

Dans des régions marquées par un contexte historique d’exploitation des ressources forestières, la sélection des sites devrait se porter sur ceux qui ont échappé à toute forme de prélèvement d’individus arborescents. Une connaissance précise de l’historique des peuplements et des perturbations qu’ils ont subies est primordiale. Par conséquent, nous recommandons certaines mesures afin d’accroître l’efficacité de l’analyse dendroclimatique, notamment chez la pruche, comme l’utilisation d’individus 1) provenant de régions où dominent les forêts de feuillus et 2) ayant apparemment peu profité d’ouvertures dans le couvert forestier, ce qui peut potentiellement être décelé par l’absence de souches en forêt.

Chez le pin blanc, une analyse dendroclimatique reposant sur un indice de sévérité de sécheresse comme celui de Palmer (PDSI) permettrait peut-être d’obtenir de meilleurs résultats. Toutefois, un tel indice n’existe dans l’est du Canada que pour une courte période entre 1990 et 1995 (Dai et al., 1998).

138

D’un point de vue statistique, seule une méthodologie rigoureuse qui permet de comparer et d’évaluer les résultats obtenus de plusieurs tests statistiques peut limiter les biais, voire les erreurs, d’interprétation des relations cernes annuels/climat. L’utilisation d’un modèle plus complexe, intégrant les chronologies des différentes perturbations, permettrait d’obtenir une lecture plus précise du signal climatique chez des individus croissant au sein de peuplements qui ont subi des perturbations multiples (Guyot et Nicault, 2010).

La plupart des études dendroclimatiques ont abordé l’impact des changements climatiques induits par les activités humaines au cours des 150 dernières années (Fritts, 1976 ; Kelly et al., 1994 ; Hofgaard et al., 1999 ; Swetnam et al., 1999). Or, ces mêmes activités peuvent avoir un impact direct sur la croissance des individus analysés, ce qui limite leur capacité d’enregistrement d’un signal climatique. L’absence de relation entre la largeur des cernes annuels et le climat chez la pruche, dans des régions comme la Mauricie et Lotbinière, découle du fait que les reprises et les réductions de croissance en lien respectivement avec les activités de coupes sélectives et les épidémies de la TBÉ brouillent le signal climatique dans ces régions. Pour ces raisons, et bien que nous disposions dorénavant de longues séries dendrochronologiques de pruche et de pin blanc en Mauricie, le calcul de fonctions de transfert en vue d’une reconstitution du climat passé serait difficilement envisageable (Guiot et Nicault, 2010). En revanche, en Outaouais, l’étude des faux cernes chez le pin blanc pourrait être poussée davantage grâce à des études anatomiques ou à des mesures directes de l’accroissement du tronc à l’aide de dendromètres, ce qui permettrait de mieux comprendre la réaction de cette espèce à des stress hydriques saisonniers.

3.6. Références

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Chapitre 4 : False rings in the white pine (Pinus strobus) of the Outaouais Hills, Québec (Canada), as indicators of water stress

Résumé

Les faux cernes ont été analysés chez 110 pins blancs dans 12 peuplements matures des collines de l’Outaouais (Québec). Des chronologies de faux cernes ont été élaborées et analysées selon deux groupes de sites (affleurements rocheux et dépôts minces). Les années présentant la fréquence de faux cernes la plus élevée sont 1955, 1959 et 1988 (62 % à 90 % des tiges). Les facteurs prédisposant à la formation de faux cernes sont l’âge cambial des tiges porteuses et les conditions de drainage rapide sur les affleurements rocheux. Les facteurs déclencheurs sont des événements climatiques (sécheresse) survenant pendant la saison de croissance. Les années de faibles précipitations (avril à août) sont en effet celles qui ont les fréquences de faux cernes les plus élevées. Les températures élevées en été pourraient aussi intervenir, car elles semblent expliquer la distribution de faux cernes dans toutes les classes de fréquence. Les faux cernes constituent chez le pin blanc des cernes diagnostiques et sont des indicateurs d’un stress hydrique.

Mots clés : Affleurements rocheux, facteurs déclencheurs, facteurs prédisposants, faux cernes, Outaouais, pin blanc.

147

Abstract

False rings were analyzed on 110 trees from 12 mature stands in the Outaouais Hills (Québec). A false ring database was built, and false ring chronologies were established and analyzed for two groups of sites (rocky outcrops and shallow soils). The years 1955, 1959, and 1988 were those with the highest occurrence of false rings (62% to 90% of all stems). Factors predisposing false ring formation include the cambial age of stems bearing false rings and rapid drainage on rocky outcrops. Triggering factors were climatic events (drought) occurring during the growing season. Years with low precipitation (April to August) correlate with years featuring a higher occurrence of false rings. High summer temperatures may also be involved, as they explain the distribution of false rings in all frequency classes. False rings in white pine can be used as diagnostic rings and as indicators of water stress.

148

4.1 Introduction

False rings are intra-annual bands of wood that are darker than the adjacent wood, but distinct from latewood (Kuo and McGinnes, 1973). Most studies have associated false ring formation with a drought during the growing season (Glerum, 1970; Kozlowski and Pallardy, 1997; Bouriaud et al., 2005). A tree experiencing water stress during the growing season produces small-diameter, thick- walled cells that resemble latewood cells. Once moisture conditions return to normal later in the growing season, large- diameter cells with thin cell walls are produced (Copenheaver et al., 2006).

Research conducted on teak wood (Tectona grandis L.f.) indicates that the formation of false rings in this tropical species occurs when there are unusual alternating dry and wet episodes (Priya and Bhat, 1998). In lenga beech (Nothofagus pumilio (Poepp and Endl. Krasser), false rings form when a hot, humid summer follows a warm, dry spring (Masiokas and Villalba, 2004). some studies associated false rings with other factors, such as air pollution (Kurczyska et al., 1997) severe floods (Young et al., 1993), a sudden frost in late spring or early summer (Kozlov and Kisternaya, 2004), defoliating insects, or attacks by microorganisms (Kozlowski and Pallardy, 1997). Finally, Bouriaud et al. (2005) concluded that factors responsible for false ring formation and radial growth (ring widths) in Norway spruce are different, as the climate during the first part of the growing season affects radial growth rather than wood density.

False ring occurrence has been reported for several species of Pinus, most notably jack pine (Pinus banksiana Lambert) in Michigan (Copenheaver et al., 2006) and Manitoba (Hoffer and Tardif, 2009), black pine (Pinus nigra Arn.) in Austria (Wimmer et al., 2000), and Scots pine (Pinus sylvestris L.) in Switzerland (Rigling et al., 2002). In Austria, false rings develop in black pine when precipitation is low in May, i.e., less than half the monthly average (Wimmer et al., 2000). In semi-arid regions of the Central Alps (Switzerland), false rings form in Scots pine growing on dry sites (Rigling et al., 2002). False ring formation has not been reported yet for white pine (Pinus strobus L.), a North American species whose distribution extends from Manitoba to the Atlantic Coast and from Newfoundland to Virginia (Grandtner, 2004). Moreover, false ring analysis conducted so far was done on pine growing in regions where the yearly precipitation

149 ranges from 480 to 810 mm. In the Outaouais Hills, in the extreme southwest of Quebec (Figure 4.1.), the mean yearly precipitation exceeds 980 mm, but white pine nevertheless forms false rings in several years.

Fig. 4.1. Location of the study area (inset) and sites within Gatineau Park in the Outaouais Hills, southwestern Québec (Modified from Saint-Cyr 1992). The location of Environment Canada’s meteorological station at Chelsea is also shown.

False rings suggest that white pine in this region may be sensitive to water stress during the growing season. As it is considered a species that is not sensitive to climate (Abrams et al., 2000), white pine has rarely been used in dendroclimatological studies. Its sensitivity to climate may therefore be better expressed in terms of wood density fluctuation (false rings) rather than ring width.

The objective of this study was to elucidate predisposing and triggering factors responsible for the formation of false rings under the favorable growth conditions of the Outaouais Hills. As our preliminary analyses and some studies (e.g., Bouriaud et al., 2005) showed no relationship between ring widths and false ring formation, we assumed that climatic factors leading to false ring formation might be different from those governing radial growth. To test this hypothesis, we (i) established false -ring chronologies from sites contrasted on the basis of drainage and described the characteristics of the false rings and stems bearing false rings, (ii) identified monthly

150 climatic parameters that best correlate with false ring formation and radial growth, and (iii) identified precipitation thresholds for false ring formation and some climatic characteristics of the growing season during years of higher false ring frequency.

151

4.2. Methods

4.2.1. Study area and sites

This study was conducted in the Outaouais Hills, within Gatineau Park (area: 300 km), which is ~50 km north of the Ottawa–Gatineau Metropolitan Area (Figure 4.1.). The climate is continental but often experiences maritime air incursions from the Atlantic and the Great Lakes (Robitaille and Saucier, 1998). The mean yearly temperature is 5.6 °C (Chelsea meteorological station, Environment Canada, 2010). January is the coldest month, with a mean temperature of –11 °C, and July is the warmest, with a mean of 20 °C. During the growing season, maximum daily temperatures are above 25 °C for an average of 42 days. The growing season lasts about 190 days (Grandtner, 1982). Yearly precipitation totals 987 mm, with 30% falling as snow. Almost half of the rain falls between May and September (Crowe, 1984). The Quebec portion of the Outaouais Hills is drier than the Ontario portion, which explains the abundance of pine and oak in well- drained sites, especially on rocky outcrops. The topography consists of hills (Elevation: 400 m) with moderate to strong slopes (maximum height difference: 250 m). There are numerous escarpments, some of which are bisected by valleys. Rocky outcrops, which account for 40% of the surface area of both the study region and Gatineau Park (Figure 4.1.), consist of Proterozoic igneous and metamorphic rocks of the Grenville Province. Surficial deposits are mainly of glacial origin, with shallow undifferentiated till on hilltops and steep slopes, and thick till on gentle slopes and at the bottom of depressions (Gosselin, 2004). Steep slopes and shallow surficial deposits along with periodic occurrence of low precipitation can create dry conditions for trees during the growing season, as well as water stress. On dry sites, species such as red oak (Quercus rubra L.), white pine, and red pine (Pinus resinosa Ait.) often form mixed stands with eastern hemlock (Tsuga canadensis (L.) Carr.). In the lowlands, maple dominates mesic sites.

152

4.2.2. Sampling

In total, 130 white pine trees were sampled at 12 mature stands within Gatineau Park. The sites were selected with the aid of aerial photographs and eco-forestry maps of the region (National Capital Commission, 1991) on the basis of the presumed age of the stands, with older trees being the main criterion for selection. Trees were cored with a Pressler increment borer ~1 m above the ground. Cores were collected in two opposite directions, parallel to the contour, to limit slope effects (i.e., reaction wood). Twenty of the 130 individuals sampled were excluded from the analysis, because either sample quality was poor or the stem was too young (<70 years). In total, 110 trees were analyzed from 12 sites. However, the majority of the analyses were conducted on 94 individuals from nine sites, each of which had at least seven trees suitable for our analyses.

4.2.3. Laboratory

In the laboratory, the increment cores were glued to wooden frames and sanded with fine-grained sandpaper (1000 to 2000 grit) for better observation of the wood cells. They were synchronized by cross-dating, and growth ring dating was tested using COFECHA software (Holmes, 1983). False rings were systematically recorded along the two radii of each tree sampled, and described with the aid of a binocular microscope (magnification: 10–40 x). Tree ring widths were measured using a Velmex micrometer with a precision of 0.001 mm. Individual ring width series were standardized via a spline function run through the “i.detrend” routine from the “dlpR” package (Bunn, 2008) in “R” software (R Development Core Team, 2009 Master tree ring chronologies were constructed using the individual series that were used for false ring analyses.

4.2.4. False ring database

The false rings were described using the following parameters: the position within the growth ring, their intensity as compared with the latewood, and the number of tracheids forming the intra-annual bands.

The position within the growth ring was expressed using a value from 1 to 5, with

153 position 1 being in contact with the first earlywood cells, position 3 being in the middle of a given ring, and position 5 being in contact with the latewood cells. Positions 2 and 4 were intermediate positions found, respectively, between 1 and 3 in the first half of a given growth ring, and 3 and 5 in the second half of the ring.

False ring intensity was expressed on a scale of 1 to 4, with 1 being the lightest and 4 being the darkest. A value of 4 indicates that the intra-annual band is at least as dark as the latewood of its respective growth ring.

The number of tracheids was determined by counting the number of cells that comprised any given intra-annual band. The values were then grouped into three classes: 1, one– three cells; 2, four–six cells; and, 3, >six cells. Cell size was not considered.

Each intra-annual band found within a growth ring was considered an individual false ring, with a maximum of five false rings counted in a single ring. False rings were recorded as such when they were present on one of the two radii. If the same band was present on both radii, the darker of the two was recorded and evaluated according to our four parameters.

4.2.5. False ring typology and dendrometric parameters related to their formation

The database enabled us to characterize the false rings using sorting tools such as pivot tables. Scatter plots were constructed to evaluate the relationship between the cambial age of stems at the time of false ring formation and false ring occurrence.

To evaluate the relationship between soil conditions and the formation of false rings, the false ring data and ring width series were analyzed for rocky outcrop (number of trees = 43 to 54) and shallow soil sites (number of trees = 36 to 40). The data obtained from the trees belonging to the two groups generated two distinct false ring chronologies, as well as two ring width chronologies.

154

4.2.6. Meteorological data

Although the general false ring chronology covers the period 1801–2006, the false ring – climate relationship was analyzed for the period 1928–2006 for two main reasons: (i) the first year with a full record of meteorological data at the Environment Canada station at Chelsea was 1928 (Figure 4.1.), and (ii) the number of trees available to establish a false ring chronology increased significantly, i.e., to between 79 and 94, after 1928. Monthly precipitation data from the Chelsea station (period: 1928–2006) were analyzed, with some years being excluded due to missing data (essentially during the 2000s). For correlation function analysis, missing data were extrapolated with the average of monthly data available.

4.2.7. Correlation functions

Because they feature a value for each year, false ring chronologies consist in time series. Correlation function analyses (Fritts, 1976; Cook and Briffa, 1990) were therefore conducted for both false ring and ring width chronologies. The climatic response of the two chronologies was calculated using the “dendroclim” routine from the “BootRES” package (Zang, 2009) in “R” software (R Development Core Team, 2009) Bootstrapped cross -correlation functions were calculated following Biondi and Waikul (2004). Correlation function coefficients were found via Pearson’s correlation coefficients, and tested for significance using the 95 % percentile range method (Dixon et al., 2001). Calculations were computed for 14 climate variables, consisting of monthly maximum temperature and total precipitation, for seven months from April to September of the growth year.

There are no data available in the study area for soil water field capacity. Moreover, preliminary analyses using a simple drought index yielded results that were not statistically significant. Hence, the water stress that trees experienced was evaluated using precipitation data. We first considered the driest months of the growing season for the 28 years of highest (14 years) and lowest (14 years) false ring frequency, and then the distribution of precipitation and maximum temperature throughout the growing season for the three years of highest and lowest false ring frequency. The driest month of

155 the growing season was deemed to be the month between May and September with the lowest precipitation. The driest months were selected for the 14 years containing the most false rings and the 14 years containing the fewest to determine the precipitation thresholds below which false rings form and above which false rings are absent or only rarely present. The smallest value of monthly precipitation during growing seasons for the 14 years with maximum false ring occurrence is considered to be the threshold under which false rings are likely to form. The greatest value of monthly precipitation during growing seasons for the 14 years with minimum false ring occurrence is considered to be the threshold above which false rings are unlikely to form.

The distribution of precipitation and maximum temperature throughout the growing season were represented using partial (from May to August) ombrothermic diagrams (P = 2T) for the three years with the highest false ring frequencies (1955, 1959, and 1988) and the three years having few false rings or none at all (1952, 1994, and 2000).

156

4.3. Results

4.3.1. False ring chronology and frequency

Of the 206 years in the entire chronology (1801–2006), 164 years (80%) contained at least one false ring on a radius (Figure 4.2. A). In total, 4500 false rings were recorded on all samples analyzed. If the same intra-annual band identified on the two radii of any given stem were counted only once, the result would be 2916 false rings recorded from a total of 10 055 annual rings, representing 29% of all annual rings. Considering the 94 trees from the nine sites analyzed for the 1928–2006 period (79 years), 1877 false rings were recorded from a total of 7200 annual rings, representing 26% of all annual rings for this period. Only five of the 94 trees analyzed had no false rings. The years 1955, 1959, and 1988 were those with the highest percentage of false rings: 62 % (n = 57/92), 90% (n = 83/92), and 83 % (n = 78/94) of all stems, respectively (Fig. 4.2.A). These three years can be considered pointer years as defined by Kaennel and Schweingruber (1995) After 1928, only the 2000 growth ring did not contain any false rings. In the 1955 and 1959 growth rings, most of the intra-annual bands were near the latewood (Figures 4.3. A -B). The 1988 growth ring generally possessed two intra-annual bands (67 %, n = 94) (Figure 4.3. C).

157

Figure 4.2. (A) Histogram showing the number (N) of stems bearing false rings between 1801 and 2006. The three years during which a higher frequency of false rings was recorded are 1955, 1959, and 1988. The number of individuals/ per year used in the chronology is also indicated. The period 1928–2006 (between arrows) was used in this study for a number of statistical analyses. (B–C) Histogram showing the percentage of stems bearing false rings (B) on the rocky outcrop sites (n = 43 to 54) and (C) on shallow soil sites (n = 36 to 40). In B and C, the dotted line corresponds to a 70% frequency of stems bearing false rings.

In summary, we determined that (i) 80% of all years (n = 164) contained at least one false ring, (ii) 29% and 26% of all annual rings contained at least one false ring, for the 1801– 2006 and the 1928–2006 periods, respectively, and (iii) the years 1955, 1959, and 1988 were those with highest frequencies of stems bearing false rings (60 % – 90 %).

158

Figure 4.3. Macroscopic view of false rings formed in (A) 1955, (B) 1959, and (C) 1988 (60–80× magnification). The intra-annual bands (shown by the arrows) are darker and denser than the adjacent wood. The symbols ┤ and ├ define the outer limits of the annual ring containing one (A and B) or two (C) false rings.

159

4.3.2. False ring characteristics

More than half (56 %) of intra-annual bands were found in position 4 (Table 4.1.). Positions 4 and 5 (near the latewood) together totaled 75 % of all false rings recorded, whereas positions 1 and 2, in the earlywood, only accounted for 6 %. The majority (63%) of false rings contained four to six tracheids, 29% contained fewer than four tracheids, and only a few contained more than six (Table 4.1.). A “typical” false ring occupies position 4 in the second half of the growth ring and is comprised of four to six cells (1664 out of 4556 rings: 37% of all cases) (Table 4.1), which is the case for the 1959 growth ring (Figure 4.3. B). However, no trends were found for the intensity, as the distribution of false rings between the four classes was relatively uniform (22% to 30%).

Table 4.5. Number of false rings relative to their position within a growth ring and to the number of tracheids forming the intraannual band.

Number of tracheids

Position 1 to 3 4 to 6 >6 cells Total (%) 1 6 4 0 10 (0,002) 2 85 164 17 266 (6) 3 242 551 61 854 (19) 4 681 1664 (37) 231 2576 (56) 5 301 485 64 850 (19) Total (%) 1315 (29) 2868 (63) 373 (8) 4556(100) Note: Position 1, in contact with the first earlywood cells; 2: Intermediate position between positions 1 and 3; 3: In the middle of a ring; 4: Intermediate position between positions 3 and 5; and 5: In contact with the latewood cells.

160

4.3.3. The cambial age of stems at the time of false ring formation

An inverse relationship was found between the cambial age of stems at the time of false ring formation and the occurrence of false rings (Pearson’s r = –0.7, n = 4468), juvenile stems being propitious to false ring formation (Figure 4.4.).

There is no relationship between the number of intra-annual bands formed within a growth ring and the age of the stem. In fact, stems with two or three intraannual bands within growth rings were, between 1 and 187, and 3 and 137 years old, respectively. The two stems that contained four and five bands in the same growth ring were 57 and 9 years old, respectively.

Figure 4.4. Linear relationship between the cambial age of stems at the time of false ring formation and percentage of false rings. The symbols represent ages for which the number of recording stems was ≤65. The number of individuals (N) is also indicated (grey line).

161

4.3.4. Soil conditions

False rings were widespread among pine growing in rocky outcrop sites compared to with those in shallow soil sites. For the period 1928–2006, mean relative frequency (%) of stems bearing false rings was 34 % ± 23 % and 16 % ± 15% in rocky outcrop and shallow soil sites, respectively (Table 4.2.; Figures. 4.2. B-C). This means that trees on rocky outcrops were twice as likely to develop false rings as those on shallow soils. Four years can be considered pointer years (>70%) in rocky outcrop sites but only one year in shallow soil sites (Table 4.2.). There were 22 years with over 50% of stems bearing false rings in rocky outcrop sites but only three years in shallow soil sites (Table 4.2.). Trees growing on rocky outcrops had only one year with no false rings, in contrast to eight years for shallow soil sites (Table 4.2.).

Table 4.6. Characteristics of the false ring chronologies derived from the rocky outcrop and shallow soil sites.

Rocky outcrop sites Shallow soil sites

Mean relative frequency (%) of stems bearing 34 (± 23) 16 (± 15) false rings (standard deviation) Pointer years : years with over 70% of stems 1933, 1955, 1959,1988 1959 bearing false rings 1929, 1932, 1933, 1939, 1940, 1941, Years with over 50% of 1944, 1953, 1955, 1959, 1962, 1963, 1941, 1959,1988 stems bearing false rings 1966, 1969, 1970, 1975, 1981, 1988, 1991, 1993, 1995, 1999 1935, 1952, 1954, 1960, 1968, Years without false rings 2000 2000, 2003, 2004 Note : Total number of years: 79 years (1928-2006)

162

4.3.5 Correlation functions Correlation functions indicate that maximum temperatures have a positive impact on false ring formation (Fig. 5A) but a negative impact on radial growth (Fig. 4.5 B).

Figure 4.5. Correlation coefficients (Pearson’s r) between monthly maximum temperature (solid bars) and total precipitation (haded bars) and (A) false ring occurrence and (B) mean standardized ring widths (*,p < 0.05). Whereas false ring formation is favored by high temperatures throughout the growing season in pine, radial growth is negatively affected by the current year’s maximum

163 temperatures in May and June. March maximum temperatures have a positive impact on radial growth, likely in relation to early snowmelt and soil water availability.

Correlation functions also indicate that there is no significant relationship between monthly precipitation and false ring formation and that July precipitation has a negative impact on radial growth.

4.3.5. Distribution of precipitation throughout the growing season

4.3.5.1 The driest month of the growing season Monthly maximum and minimum precipitation thresholds were determined for the two groups of years containing the most and the fewest false rings. A monthly maximum precipitation of 46 mm during the driest month of the growing season was identified as a threshold under which a false ring had a high chance of being produced. A monthly minimum precipitation value of 54 mm was also identified as a threshold over which false rings were unlikely to develop. In shallow soil sites, false rings were rare except in those years with one summer month recording a precipitation <46 mm. Trees growing on shallow soils formed very few false rings when the total precipitation of the driest month remained at or above 62 mm. Fewer than 10% of the stems contained false rings when monthly precipitation remained above this value. In rocky outcrops, we were not able to determine any precipitation thresholds because trees growing there form false rings almost every year.

4.3.5.2. Ombrothermic diagrams for the six most extreme false ring years

The partial ombrothermic diagrams for the three years containing the most (Figures. 4.6. A–C) and the least (Figures 4.6. D-F) false rings show that throughout a given growing season, monthly temperature fluctuates very little in contrast to precipitation. During the three years containing the most false rings (1955, 1959, and 1988), the proximity of the precipitation and temperature curves in some months indicates that conditions approaching water deficit prevailed (Figures. 4.6. A-C). In 1955, the precipitation curve actually crossed the temperature curve in July (Figures 4.6. A). In 1959, the two curves almost meet in June. In 1988, the curves intersect in May, and the distance between them is minimal in July. The

164

1988 ring usually possessed two intra-annual bands (Figure 4.3. C), the growing season in that year being characterized by alternating dry and relatively wet months.

Figure 4.6. Partial (May to August) ombrothermic diagrams for the three years (A, 1955; B, 1959; C, and 1998) for which a higher frequency of false rings was recorded and the three years containing no or few false rings (D, 1952; E, 1994; F, 2000). The solid and broken lines represent the maximum monthly temperature (T, °C) and the total monthly precipitation (P, mm), respectively.

During the three years with the smallest number of false rings (1952, 1994, and 2000), the distance separating the precipitation and temperature curves was greater (Figures 4.6. D-F).

165

4.4. Discussion

Our results showed that false ring formation is associated with multiple factors, some of which can be qualified as predisposing factors, others as triggering factors.

4.4.1 Predisposing factors

Predisposing factors for false ring formation include (i) cambial age of stems and (ii) soil conditions linked with root characteristics. (i) In the Outaouais Hills, young white pines form more false rings than mature trees. As shown in several studies, growth hormones produced in the apex strongly influence the size of tracheids and cellwall thickness, hence the formation of false rings (Kozlowski and Pallardy, 1997). Larson (1969) showed that the intensity of cell response to hormonal control is proportional to the distance between the apex and the cells being formed. Accordingly, as a tree grows in height, the production sites of these hormones constantly move further away from the typical sample level (<1 m), limiting the recording of the hormonal signal at the base of the trunk. (ii) White pine has a shallow root system, and it develops optimally on sandy loam soils (Farrar, 2001). In the Outaouais Hills, the number of false rings formed in trees growing on rocky outcrops was twice that in trees growing on shallow soils (Table 4.2.). Hence, water availability is likely involved in the formation of false rings and may explain the difference in false ring occurrence between the two site groups. As opposed to rocky outcrops, surficial deposits, albeit shallow, reduce the amount of water lost to run-off and create a buffer that reduces the risk of water deficit due to low precipitation during the growing season.

4.4.2 Triggering factors

If soil conditions predispose trees to water stress, low precipitation during the growing season may be the factor that triggers the formation of false rings (Fritts, 1976), particularly when air temperatures are elevated (Hantemirov et al., 2000). Water deficit, by affecting photosynthesis, hormonal systems (especially auxins), cambium activity, and cellular division, favors the formation of abnormal growth rings such as false rings (Kozlowski and Pallardy, 1997) or, less frequently, a special type of light ring (Filion et al., 1986), which

166 was reported by Liang and Eckstein (2006) in the Chinese pine (Pinus tabulaeformis) in response to severe droughts in semiarid areas of northern China. In the Outaouais Hills, the high occurrence of false rings (almost every year) combines with favorable tree growth conditions to complicate the interpretation of the climate–false ring relationship. This relationship was analyzed on three different time scales: (i) the entire false ring chronology (1928–2006), (ii) the 28 extreme years (maximum and minimum false ring occurrence), and (iii) the six most extreme false ring years. (i) We were able to establish from the false ring chronology that the majority (75%) of false rings formed in positions 4 and 5 (closer to the latewood). Our data showed that water deficit may occur anytime in the growing season, from May to August, which suggests a lag between a specific climatic event and tree reaction. However, the relatively uniform distribution of false rings among the intensity classes suggests that the intensity of the response to a common signal varies from tree to tree. (ii) For the 28 extreme years, we established that trees growing on shallow soils formed false rings when monthly precipitation in any one of the four months of the growing season was less than 46 mm, a threshold under which a false ring has a high chance of forming. At the rocky outcrop sites, it was impossible to determine such a precipitation threshold due to the extreme sensitivity of trees to water stress. The sole year without false rings among the Outaouais pine is 2000, a year characterized by high monthly precipitation (79 to 156 mm) between May and August. (iii) For the three years with maximum false ring occurrence (1955, 1959, and 1988), the proximity of monthly precipitation and temperature curves (Figure 4.6.) reflects conditions that likely created soil water deficit. In contrast, for the three years with few or no false rings (1952, 1994, and 2000), the distance between the two curves reflects abnormally high precipitation levels. In spite of relatively minor fluctuations in maximum temperatures during the growing season (May-August), we calculated that the mean maximum temperature for 1955, 1959, and 1988 was 2 °C higher than that for the three years with few or no false rings. Correlation functions calculated for the entire period of the false ring chronology also showed that May-August maximum temperatures had an impact on false ring formation. It thus seems that both low precipitations and (or) high temperatures may be involved in false ring formation depending on local conditions, but also on the methods used for evaluating the climate -false ring relationship.

167

Some species (including pine species) growing under certain conditions (dry sites) are sensitive to water stress. False ring occurrence among white pine in the Outaouais Hill is thus a response to both predisposing (hormonal signal and soil/–root characteristics) and triggering (summer low precipitations and (or) high temperatures) factors

4.4.3. Radial growth and false ring formation

Despite the abundance of false rings, white pine allowed the construction of tree ring series. The three years (1955, 1959, and 1988) with the maximum false ring occurrence, i.e., 60%–90% of all tree stems, can be used as pointer years (sensu Schweingruber et al., 1990). However, no statistical relationship was found between ring widths and false ring occurrence, which implies that conditions leading to false ring formation are different from those governing radial growth (Bouriaud et al. 2005). Correlation functions indicated that white pine radial growth is largely (negatively) influenced by the May-–June maximum temperatures, whereas false rings may be formed throughout the growing season in response to water deficit.

168

4.4.4. Geographical distribution of false rings

The Outaouais Hills are ~300 km below the white pine’s northern limit. It appears to be a region within the North American distribution of white pine in which climate can impact wood characteristics (density) rather than wood production (radial growth). When comparinged with two wetter regions (Mauricie in Québec and Massachusetts in the U.S.), we found that false rings were rare in the Mauricie region and absent in Massachusetts (Table 4.3.).

Table 4.3. Extreme radial growth data (widths of the narrowest and largest growth rings) for select populations of white pine (Pinus strobus), along with the mean yearly precipitation and temperature from Massachusetts (US), the Mauricie region, and the Outaouais Hills (Québec).

Massachusetts a Mauricie b Outaouais Hills c (this (Abrams et al. (Marchand, study) 2000) unpublished) False rings None Rare Common Narrowest growth ring (mm) 0.070 0.034 0.028 Largest ring (mm) 9.31 8.75 6.63 Mean yearly precipitation (mm) 1090 1068 987 Mean yearly temperature (°C) 8 4.5 5.6 a Stockbridge meteorological station (1951-1981), Scanu, 1988. b Shawinigan meteorological station (1971-2000), Environment Canada, 2010 c Chelsea meteorological, 1928-2006, Environment Canada, 2010

In the Mauricie, only 0.1% of all annual rings contained at least one false ring (compared towith 26% in the Outaouais), and only the 1991 growth ring contained a false ring, whereas in the Outaouais, only the 2000 growth ring did not contain any false rings. In Massachusetts, Abrams et al. (2000) did reported not finding any false rings on 18 trees within a stand located on a steep slope with rapid drainage. A systematic study should be conducted to establish the geographical extent of false rings among pine populations distributed along climatic gradients. Direct methods measuring the development of growth rings using a dendrometer or micro-sampling techniques (pinning or punching) throughout the growing season along with continuous climate records would help elucidate the mechanisms involved in false ring formation and the climate – false ring relationship.

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Acknowledgments

The authors are grateful to I. Beaudoin-Roy, Gatineau Park authorities, and Friends of Gatineau Park, who kindly provided permission, as well as logistic and financial support, to conduct this study. We also thank D. Carignan, A. Beaudoin, A. Delwaide, and L. Cournoyer for field and laboratory assistance.

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4.5. References

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Chapitre 5. Conclusion générale

5.1 Contributions de la thèse

Cette étude a permis d’apporter une contribution importante à la compréhension des facteurs qui influencent la croissance radiale de la pruche et du pin blanc, deux espèces de la forêt tempérée du sud du Québec dont l’abondance a beaucoup diminué au cours des derniers siècles. Ces conifères ont une grande longévité et les cernes annuels constituent, dans les deux cas, une source de données environnementales que nous avons tenté d’exploiter sous plusieurs aspects. Les billes de bois de flottage mises à notre disposition par les autorités du Parc national de la Mauricie ont permis de confectionner de longues séries dendrochronologiques dans une région où de telles séries n’existaient pas, et de documenter la croissance radiale de ces conifères pendant les 5-6 derniers siècles, les séries remontant à 1523 dans le cas de la pruche et à 1440 dans le cas du pin blanc. Les trois volets de cette thèse sont complémentaires, car nous abordons les principales perturbations qui ont influencé la croissance radiale chez ces espèces.

Le premier volet de la thèse (Chapitre 2) complète les connaissances que nous avons de l’historique de la coupe forestière dans le Parc national de la Mauricie. Les analyses dendrochronologiques ont révélé que la période d’exploitation du pin blanc a largement dépassé le cadre temporel décrit dans les documents historiques, tandis que celle de la pruche est conforme aux données qui ont trait à son exploitation, d’ailleurs plutôt concentrée dans le temps, à des fins de production du bois de sciage. Cette différence traduit, entre autres, le grand intérêt porté au pin blanc par l’industrie forestière, alors que la pruche est restée peu prisée. Encore aujourd’hui, certaines mesures visent à favoriser la régénération en pin blanc, notamment le brûlage dirigé, mais aucune ne vise à favoriser celle de la pruche dans les peuplements où cohabitaient pourtant ces deux espèces.

La chronologie des épidémies de la TBÉ, établie à l’aide de la pruche, est la plus longue produite à ce jour au Québec et dans l’est du Canada, bien qu’il s’agisse d’une espèce hôte secondaire de la TBÉ. La sensibilité de la pruche varie en fonction de la composition du peuplement dans lequel elle a crû. Dans les régions où abondent le sapin baumier et l’épinette blanche, deux espèces hôtes principales de la TBÉ, la pruche peut subir une

175 défoliation sévère, tandis que dans les régions où les forêts de feuillus dominent, elle y est peu affectée dans sa croissance radiale, la défoliation demeurant légère.

À l’échelle régionale, une augmentation de l’abondance du sapin baumier et de l’épinette dans les peuplements en régénération augmenterait la fréquence des épidémies de la TBÉ, mais diminuerait leur durée. Les relations entre la coupe forestière et les épidémies sont habituellement abordées sous l’angle de la production forestière, car la mortalité massive d’individus matures et la dégénérescence des forêts pendant et suivant les épidémies peuvent causer d’énormes pertes en bois. Cependant, l’impact de la coupe sur les épidémies de la TBÉ est plus rarement abordé. Ce volet de notre recherche apporte un nouvel éclairage sur les relations entre la croissance de la pruche et l’activité de cet insecte ravageur. À ce jour, aucun travail dendroentomologique n’a été consacré à ce conifère. Toutefois, l’analyse des épidémies d’insectes chez des individus qui ont été témoins de coupes sélectives demande un ajustement méthodologique. Les reprises de croissance qu’enregistrent ces arbres en réponse à l’ouverture du couvert atténuent, du moins en partie, les ralentissements de croissance découlant de la défoliation. Il est donc impératif de prendre en compte ce patron de croissance particulier et de procéder à une analyse de la croissance radiale par segments, dont la limite correspond à des moments charnières de l’exploitation des forêts. De plus, les études dendroclimatiques antérieures n’ont guère pris en compte la sensibilité de la pruche à l’activité des insectes défoliateurs.

En raison de l’importance de ces perturbations sur le patron de croissance de la pruche et du pin blanc, la question de la force du signal climatique dans les séries dendrochronologiques se pose. Le second volet de la thèse documente le potentiel dendroclimatique de ces deux espèces dans un contexte de perturbations multiples. Chez la pruche, les résultats montrent que dans les régions qui ont subi des prélèvements sélectifs et où le sapin baumier et l’épinette blanche, c'est-à-dire les espèces hôtes principales de la TBÉ, abondent, le patron de croissance est très perturbé. Aucun signal climatique n’est d’ailleurs ressorti des séries provenant de la Mauricie et de la région de Lotbinière. En Outaouais, où dominent les forêts de feuillus, la pruche est en dehors de la zone de vulnérabilité à la TBÉ. L’analyse dendroclimatique a permis de conclure que la croissance de la pruche est surtout influencée par les températures de mai et les précipitations de juillet.

176

Le pin blanc est moins sensible aux perturbations biotiques et il affiche une grande tolérance au regard des conditions climatiques et édaphiques. De ce fait, la qualité de la réponse climatique chez ce conifère dépend largement des contraintes associées à un stress thermique comme sur l’île d’Anticosti ou hydrique comme en Outaouais.

Dans le troisième volet de cette thèse, la présence généralisée de faux cernes chez le pin blanc de l’Outaouais nous a donné l’occasion d’approfondir un aspect particulier de la relation cernes annuels/climat, cette fois à l’échelle intraannuelle. Contrairement aux pins blancs des régions du centre du Québec (Mauricie et Lotbinière), ceux de l’Outaouais portaient de nombreux faux cernes, la majorité étant située dans la moitié distale du cerne annuel (près du bois final). Bien qu’elle ait été rapportée chez plusieurs espèces du genre Pinus, la formation de faux cernes n’avait pas encore été rapportée chez le pin blanc. L’activité du charançon du pin blanc n’a eu que peu d’impact sur les caractéristiques anatomiques du bois du pin blanc en Outaouais où les faux cernes constituent plutôt un indicateur de sensibilité à un stress hydrique. Notre étude a permis d’identifier les facteurs qui prédisposent à la formation de faux cernes (âge cambial des tiges et conditions de drainage) et ceux qui la déclenchent (stress hydrique pendant la saison de croissance). Nous avons aussi montré que les facteurs qui régissent la formation de faux cernes chez le pin blanc diffèrent de ceux qui influencent sa croissance radiale (largeur des cernes).

5.2 Portée de la thèse et perspectives de recherche

Ce travail a avant tout permis d’exploiter la richesse des données environnementales que renfermaient les arbres et les billes de bois de flottage extraites des lacs du Parc national de la Mauricie. Grâce à une analyse détaillée du bois de ces billes, notamment la détermination des années d’abattage par interdatation dendrochronologique, nous avons été en mesure de nuancer certaines données historiques relatives aux périodes et aux modes d’exploitation des forêts de la Mauricie. Des coupes sélectives répétées peuvent entraîner une modification de la mosaïque végétale. Au fil des siècles, certains groupements forestiers, notamment les formations dominées par le pin blanc et la pruche sont presque disparus. Nos données pourront être utilisées à des fins de mise en valeur des forêts et de reconstitution des activités historiques d’exploitation forestière, notamment les périodes de

177 coupe, les opérations de drave et l’aménagement des cours d’eau à cette fin. Certains échantillons font déjà partie d’une exposition destinée au grand public, présentée au Centre d’interprétation du parc situé à Saint-Jean-des-Piles.

Notre travail constitue une percée dans la compréhension des facteurs qui influencent la croissance radiale de la pruche et du pin blanc dans le sud du Québec. Ces deux espèces, qui sont pourtant emblématiques de la forêt préindustrielle du Québec, n’avaient jusque-là fait l’objet que de quelques études, essentiellement dendroclimatiques. À ce jour, les analyses dendroclimatiques de la pruche n’ont été effectuées que dans des régions situées au sud ou à l’ouest des régions que nous avons explorées (Cook et Jacoby, 1977 ; 1979 ; Cook et Cole, 1991; Tardif et al., 2001), c'est-à-dire hors du domaine de la forêt mixte où abondent le sapin baumier et l’épinette blanche. La mise en évidence de la sensibilité de la pruche à la défoliation par la TBÉ permet d’améliorer notre compréhension du patron de croissance chez cette espèce. Son potentiel d’analyse dendrochronologique à des fins de reconstitution de l’historique des épidémies de la TBÉ s’en trouve ainsi accru, en particulier dans les régions où les individus âgés d’espèces hôtes principales sont devenus rares. Les études dendroentomologiques pourraient être approfondies, notamment en multipliant le nombre de séries dendrochronologiques et en les étendant à d’autres régions et à d’autres milieux. Ce faisant, on pourrait, par exemple, tenir compte de la distance qui sépare les peuplements de pruche des plus proches peuplements de sapin baumier et d’épinette blanche. On pourrait aussi envisager la mise en place d’un réseau de surveillance de l’activité des larves sur le feuillage de la pruche en période d’infestation. Enfin, notre travail pourrait constituer une base dans l’élaboration d’un modèle dendroclimatique qui intégrerait les chronologies de perturbations élaborées dans cette étude. Un tel modèle permettrait de procéder à des analyses dendroclimatiques dans des régions où des facteurs comme l’exploitation sélective des forêts et les épidémies d’insectes viennent brouiller le signal climatique.

La formation des faux cernes chez le pin blanc est ici documentée pour la première fois. L’étude des faux cernes pourrait être approfondie grâce à l’analyse d’autres chronologies de faux cernes, notamment à la limite ouest de l’espèce, dans des régions plus sèches au Canada (Manitoba) et dans les états du centre des États-Unis (Minnesota, Iowa, Missouri et

178

Arkansas). Une analyse de tige effectuée sur des tiges porteuses de faux cernes permettrait de vérifier leur formation depuis l’apex jusqu’à la base du tronc en réponse à un signal hormonal. Enfin, la mise en place d’un protocole de suivi journalier, doublé d’un enregistrement météorologique au même pas de temps, permettrait de comprendre comment les événements climatiques sont enregistrés dans la tige et les cernes annuels.

5.3. Références

Cook, E.R., et Jacoby, C.G. 1977. Tree-ring-drought relationships in the Hudson Valley, New York. Science 198: 399-401. URL:http://www.jstor.org/stable/1744261

Cook, E.R., et Jacoby, G.C. 1979. Evidence for quasi-periodic July drought in the Hudson Valley, New York. Nature 282: 390-392. DOI:10.1038/282390a0

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