ANDRÉ HARDEL

ARMOIRIES ARMOIRIES DES ANCIENS DE LA COMMUNE BARONS DE MOYON. DE TESSY-SUR-VIRE (D'OR A LA CROIX (LE FEU PASSE, ENGRÈLÉE DE SABLE) L'EAU RESTE) HISTORIQUE DU CANTON DE TESSY - SUR - VIRE

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Edité par l'auteur — Tiré à 1.000 exemplaires — préface

Je suppose que l'amitié m'a valu l'aimable invite de Monsieur Hardel à préfacer ce livre à moins que ce ne soit le semblable intérêt que nous portons aux gens et choses de chez nous. Point n'est besoin de vous en présenter l'auteur puis- qu'il vit à Tessy depuis 1922 et je pense qu'un si long sé- jour a dû lui faire perdre sa qualité de « horsain ». Ses 43 ans au service de- la même étude, son apparte- nance à diverses sociétés locales lui ont permis de connaître parfaitement notre canton. Dans sa conclusion, Monsieur Hardel s'exprime ainsi : « Que ceux qui savent aiment à se souvenir » ; — C'est parce que lui-même a beaucoup aimé qu'il a pu entrepren- dre cet « Historique du canton de Tessy-sur-Vire ». — Pour écrire ce livre, l'auteur, a dû partir à la découverte, par monts et par vaux. — Page après page, votre plaisir sera grand, de mieux connaître les us et coutumes de chez nous, l'origine et l'histoire de nos communes, en même temps que de piquantes anecdotes et de plaisants dictons. Ajouterai-je que le travail de Monsieur Hardel est tota- lement désintéressé et que si profit il devait y avoir, il serait versé à l'Œuvre des Cheveux Blancs. Je souhaite à ce livre le succès qu'il mérite et que jeu- nes et moins jeunes, après l'avoir lu, se sentent encore plus attachés à leur terroir. MARCEL BOURDON.

avant-propos

Alors que, sous un soleil printanier, le lilas et le muguet de mon jardin s'épanouissaient, en percevant encore un faible écho des fêtes du Millénaire du Mont Saint-Michel, il m'est apparu possible, utile et agréable tout à la fois, de rassembler en un petit ouvrage, l'Historique plus ou moins lointain des com- munes composant actuellement le canton de Tessy-sur-Vire, en pensant être le premier à l'avoir réalisé, mais je n'en tire pas honneur pour autant... A l'origine, je disposais de quelques renseignements très succincts, parus dans le journal : « L'Ouest-Eclair », en mars 1942, conservés sans destination bien précise, mais qui m'ont rendu malgré tout d'appréciés services. — J'ai dû nécessairement les compléter en cherchant çà et là dans le canton tessyais, au greffe de la Justice de paix, de même qu'aux Archives départementales à Saint- Lô, puis à Bayeux, en compulsant quelques livres et en rédigeant divers « cha- pitres ». Cela m'a permis de faire un tout qui relate bon nombre de faits et d'évé- nements que vous connaissez ou que vous avez vécus, d'autres anciens, très anciens même, que vous apprendrez avec plus ou moins de surprise et de plaisir que j'ai moi-même ressentis. Je n'aurais garde d'oublier et de remercier toutes les personnes qui m'ont procuré bon nombre de documents qui se sont avérés indispensables. En lisant certains passages de ce livre, vous protesterez peut-être contre moi d'avoir relaté trop brièvement tel ou tel fait, — et quelques fois mes renseigne- ments étaient incomplets — ou de n'avoir pas « parlé » de tel autre, mais vous pensez bien que je ne pouvais pas « m'étendre » outre mesure et je le regrette comme vous-même. Acceptez donc bien aimablement ce que j'ai fait, puisque c'est mieux que rien, du moins je le pense... Tout en « meublant » mes loisirs de retraité, je suppose avoir réalisé ce qui était en mon pouvoir et je le dis en toute modestie, en ayant voulu être agréable à tous, me satisfaire dans mes occupations et, présentement, j'ose le dire, dans mes « préoccupations ». L'Historique du canton de Tessy-sur-Vire se trouve donc « établi » dans ses grandes lignes, car il est bien évident qu'il y a encore beaucoup de choses à raconter — et à découvrir aux Archives Départe- mentales, où le meilleur accueil vous est réservé.

Alors, bonne lecture quand même pour laquelle vous n'en « ahanerez » pas, du moins, je l'espère... Et, nous reconnaîtrons, ensuite, spontanément, en bons normands que « j' sommes » que nous avons appris « biau faire » de notre histoire cantonale ; — moi-même en l'ayant plus ou moins découverte et vous-même en l'ayant lue. Pour terminer, permettez-moi s'il vous plaît, de vous présenter cette aima- ble relation de politesse, vieille de plus de trois siècles, à laquelle je m'associe envers vous et qui n'était autre, que le début de chaque contrat, d'équivalence notariale, en la Généralité de Caen ; — cela dit, sans vouloir, le moins du monde, me parer d'un titre qui ne pourrait m'appartenir...!

A TOUS CEULX QUI CES LETTRES VERRONT. LE GARDE DU SCEL DES OBLIGATIONS DE LA VICOMTE DE SAINT-LO. SALUT ! SÇAVOIR FAISONS QUE... Le canton de TESSY-SUR-VIRE en son ensemble

Un peu de Géographie

Avant d'aborder l'Historique même d'une ville, d'une commune ou d'un can- ton, il est de coutume de relater en une vue d'ensemble la géographie des lieux où se déroule l'action. — Vous êtes alors moins dépaysé, en réalisant plus faci- lement ce qu'a voulu l'auteur que l'on suit assez aisément : — dans ses pro- menades, par monts, par vaux et par les petits chemins qu'il emprunte ; — dans les villages calmes et charmants où il s'arrête et vous retient ; — enfin, dans les bourgades où tout s'anime un peu chaque jour, voire un peu plus le samedi et le dimanche matin. Il revient, avec vous, en son chef-lieu de canton et c'est de là que rayonnera toute l'histoire du pays tessyais. Autrefois, voici deux siècles, il existait en notre belle , une inégalité choquante dans la répartition des charges publiques et une absence complète de contrôle et de liberté ; — certains avaient tous les droits ; les autres toutes les obligations. Une révolution devint inéluctable et fatidique, pour fonder une société nouvelle où l'égalité de tous devenait la loi commune. Cette révolution se fit, en 1.789 et, par voie de conséquence, la division administrative de la France s'en trouva modifiée. La Vire, tout naturellement, délimitait alors les diocèses de Bayeux et de . Sur la rive droite de la rivière, les communes de , Fourneaux, , la Chapelle Heuzebrocq et Saint-Louet-sur-Vire, dépendaient des doyenné, bailliage et quart-bouillon de Thorigny-sur-Vire, diocèse de Bayeux et, en outre, de l'élection de Saint-Lô. Sur la rive gauche, , Saint-Vigor-des-Monts et Sainte-Marie-des- Monts ressortissaient du doyenné de , du bailliage de Vire, du quart- bouillon de Villedieu, diocèse de Coutances et de l'élection de Vire. — Beaucou- dray, Chevry, Fervaches, Le Mesnil-Opac, le Mesnil-Raoult, Moyon, Tessy et Troisgots relevaient du doyenné de Percy, des bailliage et diocèse de Coutances et de l'élection de Saint-Lô ; Tessy s'accordait au quart-bouillon de Thorigny et les sept autres communes à celui de Notre-Dame-de-Cenilly. Et c'est en 1790, que les seize communes sus-nommées formèrent le canton actuel de Tessy-sur-Vire, d'une superficie de 12.918 hectares ; l'arrondissement de Saint-Lô comptait douze cantons, à savoir : , Carentan, Esglandes, Marigny, Montmartin-en-Graignes, Saint-Clair-sur-Elle, Saint-Jean-des-Baisants, Saint-Lô, Saint-Eny, Percy, Thorigny et Tessy. Un nouveau remaniement des cantons, en l'An X (1802) supprima ceux de Montmartin, Saint-Jean-des-Baisants et Saint-Eny, tandis que celui d'Esglandes était transftéré à Saint-Jean-de-Daye ; pf~: ce fait, le département de la n'eut plus que 48 cantons au lieu de 63 ; l'arrondissement de Saint-Lô ayant 58 kilomètres de longueur sur 35 de largeur. Le territoire du canton de Tessy présente un certain « enfoncement » en sa partie Sud-Est, puisque les bourgades de Pontfarcy (Calvados) et de Tessy sont équidistantes de trois kilomètres de leurs limites réciproques. Ses points extrêmes sont : au Nord, le village du « Val » en la commune du Mesnil-Raoult ; au Sud, celui du Hamel ès Roux en celle de Saint-Vigor-des-Monts ; vers l'Est, la ferme de la court (avec un T) de haut en la commune de Saint-Louet-sur-Vire et vers Ouest, la terre de : « la Valesquerie », en Moyon. En 1829, la commune de la Chapelle Heuzebrocq fut rattachée à celle de Beuvrigny et Sainte-Marie-des-Monts à celle de Saint-Vigor-des-Monts. La région tessyaise, aux temps fort anciens, fit partie de la Gaule Armorique, dont les habitants étaient les Unellis ou Unelliens et la capitale Cosédia, devenue Constances, puis Coutances. Il y a un siècle, on ne parlait que de Tessy, sans ajouter « sur Vire », ainsi qu'en faisaient foi les sceaux du notaire, du juge de paix et du maire. La population cantonale décrut sans cesse ; en 1818, elle était de 9.890 habi- tants ; en 1832, de 9.835 ; en 1874, de 8.865 ; en 1887, de 8.290 ; en 1940, de 6.650 et, d'après le recensement de 1952, publié par commune dans l'almanach des P.T.T. de 1967, de 6.407 seulement. Les deux points culminants (et l'on parle encore couramment de buttes et non de collines) sont en la commune de Saint-Vigor-des-Monts (d'ailleurs bien nommée), à proximité de la route nationale N° 175 allant de Caen à Rennes et à gauche de celle-ci ; vous avez 272 mètres au-dessus du niveau de la mer au lieu dit : « les hêtres » bien connu des habitants du canton et 257 mètres au lieudit : « la Récouvière ». D'autres points élevés peuvent aussi être précisés ; vous trouvez 248 mètres à la Berthelimière en Gouvets ; 200 mètres aux « Trois Vergées », en Beuvrigny ; 191 mètres à : « la Vollerie » en ; 180 mètres à « la Croix Saint-Jacques » en Tessy ; 161 mètres à « la Heur- tevendière » en Gouvets ; 160 mètres au « Bourbon » en Domjean d'où l'on voit par temps clair, les flèches de la cathédrale de Coutances ; 135 mètres à « la Denisière », en Moyon ; 133 mètres au bourg du Mesnil-Opac ; 130 mètres au bourg de Troisgots. Enfin, la bourgade de Tessy n'est qu'à 36 mètres seulement au-dessus du niveau de la mer, mais vous êtes à 159 mètres aux « Dadinières », en Tessy, bordant Beaucoudray.

La « région » la plus basse est évidemment la Vallée de la Vire, admirable et enchanteresse en tous lieux ; plus ou moins encadrée de rochers, la Vire s'écoule lentement l'été, nonchalante, laissant apparaître son lit encombré d'her- biers, de nénuphars et de roseaux qui sèment la détresse parmi les pêcheurs utili- sant la plus fine ligne possible ; des poissons filent à toute allure, au moindre signe suspect ; des poules d'eau plongent à votre approche, des couleuvres s'éveil- lent, des sauterelles bondissent ; dans une barque, des promeneurs saluent, par çi, par là, quelques pêcheurs sédentaires à qui ils posent toujours la même question ; par contre, l'hiver, la Vire se fâche et déborde, rien ne peut la rete- nir, ni la contenir ; elle s'élève par bonds au pied des déversoirs appelés encore des « pérées » ; elle glane tout, sur son passage, et les branches à la dérive sont ensuite délaissées en quelques remous, plus calmes, mais valsant à plaisir pour le plus grand profit de la gent aquatique en quête de nourriture. Le paysage est magnifique ; le décrire est illogique, car il faut aller sur place l'admirer, le voir et le revoir ; connaissez-vous ces « coins » merveilleux, que sont Campeaux et la grotte Saint Ortaire, les rochers de Bures-les-Monts, les planches d'Avenel, la Chapelle-sur-Vire, les roches de Han ou Ham ? Tout est beau, les prés, la Vire et ses ruisseaux aux méandres compliqués, quelques labours devenus assez rares ; venez donc à la ferme de « la Campagne », en Tessy d'où vous verrez la vallée de la Chapelle et les deux flèches de sa « cathédrale »..., à droite, sur la hauteur, le magnifique château de l'Angottière » ; comme toile de fond des bois et la carrière de « Ravigny » impressionnante de hauteur ; enfin, dominant le tout, le clocher de Troisgots, encadré de sa petite bourgade.

La Vire, absorbante et captivante, vous donne le bras et vous retient près d'elle ; des petits cours d'eau disparaissent en son sein pour ne faire ensuite qu'un même corps, plus robuste et aux possibilités plus grandes ; « notre » Vire est gracieuse, parce que la nature l'a voulu ; l'homme l'aurait-il modelée entre ses doigts qu'elle ne pourrait être ce qu'elle est et pourtant il l'a déformée et défi- gurée en la canalisant et maintenue en ce même état par l'installation de centrales hydro-électrique ; — il faut admettre, toutefois, que les temps modernes veulent Les bords enchanteurs de la Vire, route de la Chapelle qu'il en soit ainsi, puisque nous en tirons un mieux-être collectif ; nous pensons, malgré tout, que sa beauté originelle, sa renommée d'antan doivent en souffrir en leur for intérieur. La Vire est un fleuve côtier, de 118 kilomètres de parcours, s'écoulant du Sud vers le Nord, pour s'étaler et disparaître dans la mer de la Man- che, en la baie des Veys ; elle prend sa source, de même que la Virène, la Sée et le Noireau, au Mont Brimbal de 367 mètres d'altitude, en la commune de Saint- Sauveur-de-, près de Vire ; elle traverse la ville qui lui a donné son nom, après avoir passé entre les Vaux de Vire, chantés par le virois et poète bachique Olivier Basselin, à qui il faut, semble-t-il adjoindre Jean Lehoux, son compatriote. Après un parcours fort sinueux, la Vire aborde le département de la Manche et le canton de Tessy tout à la fois formant, dès son arrivée, une limite naturelle et indiscutable. Tout d'abord, elle délimite Fourneaux sur la rive droite et Pontfarcy (Calvados) sur la rive gauche ; puis Fourneaux et Tessy, Domjean et Tessy, Domjean et Fervaches, Domjean et Troisgots, Brectouville et Troisgots et, enfin, Condé-sur-Vire et le Mesnil-Raoult.

Tous les ruisseaux convergent vers la Vire : Sur la rive gauche, vous avez : La Drôme, dont la source est à , tra- verse le bourg de Montbray, sépare Saint-Vigor de Landelles, et passe au pied des collines de la Bionnière et de la Fertière et près du moulin de Drôme qui refuse maintenant ses services. La Gouvette qui prend sa source au Sud du village de : « la Capellière », en Gouvets, traverse ceux de la Baconnière et de la Restou- dière, salue au passage l'église et l'ancienne baronnie de Gouvets et côtoye, en fin de parcours, la bourgade de Pontfarcy. Le Fincel dit aussi « le Beaucoudray », venant de , regarde avec tristesse les vieilles pierres du château de Fincel, en Tessy, et délimite, en fin de parcours, Tessy de Pontfarcy. L'Heudien, recevant le ruisseau de Chevry, prend sa source dans les bois du Buron, dont il porta le nom, en Beaucoudray ; salue au passage la Sénécalerie, Lazerie et Bioville et rejoint le champ Bottin où il se perd en amont du moulin de la Maigrerie main- tenant silencieux ; Le Marqueran ou Marcran, s'étonnant de la grandeur du bois de Moyon, quitte ces lieux giboyeux, délimite Fervaches d'une part, Moyon, le Mesnil-Opac et Troisgots d'autre part, sourit, au passage, à la très coquette bour- gade de Moyon, salue « le Vert Œillet », reçoit à « la Marière », le petit « Dil- lon », accepte encore le « Bricqueville » qui a traversé le site admirable du Val la Belle, et, après avoir regardé les bois des Huttereaux et de Troisgots juchés à flanc de côteaux, disparaît près de la Chapelle-sur-Vire, en brandissant un bou- quet de myosotis, dont le langage d'amour « Ne m'oubliez pas »... ! sera toujours sublime, puisque, ce qui existait, meurt en cet endroit précis. Et sur la rive droite, vous avez : « le ruet Tison » qui traverse l'étang du superbe château de Beuvrigny et délimite ensuite Fourneaux et Pleines-Œuvres. Le Castillon venant du village de ce nom, en Domjean, se jette au pont de Tessy. La Jacre qui prend sa source près de l'ancienne gare de Guilberville, au village de « la Couaille », traverse les bois de Breuilly, de la Palière et de l'Angotière et termine son parcours « au pont à tan », en Domjean. D'autres ruisseaux sont plus directs, tels « le Servigny » appelé aussi « le caillou » qui délimite Domjean de Brectouville et a son confluent un peu en amont des roches de Ham ; tel aussi le « Manet » qui prend sa source au village du « Champ de l'aval » ; ayant passé au bourg de Domjean et entendu, au lavoir municipal, les « on dit » et « il paraît que » de quelques lavandières aimables, il salue ensuite les prés du « Val d'Or- gueil » et rejoint la Vire, après un dernier regard au petit calvaire daté de 1682, placé à l'entrée de l'avenue du château de « Bouttemont » ; ce petit calvaire, soit dit en passant, se trouvait autrefois sur le pont de la Vire, en Tessy, emporté par la crue de 1852, probablement comme celui de Saint-Lô, dans la nuit du 6 au 7 octobre ; tel encore « le Lignerolles » qui grossit le Castillon, tel encore « le bois l'abbé » qui accourt vers la Jacre.

Pour embellir encore un peu cette belle vallée de la Vire, il faut citer M. Henri Ermice, de Vire qui s'exprime ainsi : C'est un vol odorant de verdure et de mousse Où le gazon jaunit sous le genêt en fleur Où l'heure en s'enfuyant se fait exquise et douce A l'amour qui s'attarde... au bruit du flot berceur !

Chaque commune est divisée en villages ou lieux dits dont les noms ont sou- vent une signification précise ; les fermes isolées ont aussi un nom spécialement choisi. L'utilité de ces appellations est évidente, lorsque l'on veut situer tel endroit précis. Ainsi, vous trouvez bon nombre de noms en relation avec ceux des habitants d'alors, des faits plus ou moins marquants qui s'y sont déroulés, des cultures et des plantations maintenant disparues ; il en est de même pour bon nombre de pièces de terre, pour lesquelles une étude serait très intéressante à faire ; voyez simplement à Tessy, vous avez : le chapitre, le jardin des tanneries, la grange aux Huguenots, le clos au pistolet, la queue du renard, les vignes, le rouge val, le four à chaux, le moulin à vent, le gibet, et bien d'autres encore.

Voici quelques noms de villages plus ou moins significatifs et vous en trou- verez d'autres en cours de lecture. A Tessy-sur-Vire : Les Ferrières, la Poémellière, la Blosière, la Furetière, l'Alfosse, Béhie, Le Mesnil-Ours, le Nid de Loups, la Queue du Renard, Le Val, Les Croix, La Fresnaie, La Rogerie. A Beaucoudray : Hennequin, Moisson, Faby, Ladroue, Chevallier, Mahomet, Cavey, Bertrand, Page- rie, Feugret, La Mare Auvray, Fauquet, Gabliers, La Vollerie, La Phétairie, Hu- guet. A Beuvrigny : la Bôtière, la Hervière, la Picotière, la Ferrière, Busnellière, Logerie, le Hamel au Pellerin, le Champ de la Croix. A Chevry : Pinel, Lucas, Blondel, Cornu, Nicollerie. A Domjean : la Villière, Palière, Houillère, Mastière, Fromagère, Tailleferie, , Petit Aunay, Mort Franc, Cretteville. Bisson, Mazurie, Fouquerie, le Mont-Hébert. A Fervaches : Maigrerie, Vages, Rouvray, Monnerie, Héronnière, Cavey, Bioville, Simonnière, Huttereaux. A Fourneaux : Le Val, la Mazure, Durandière, Hamel de la Voie, la Crocardière, Hamel ès Mar- chands. A Gouvets : La Havardière, Harlière, Houillère, les Valettes, Baconnière, Mainterie, rues de Gouvets, la Buglière, Beau Chêne. Au Mesnil-Opac : Les Lan- des, Morandière, Henrière, les Vaux, le Pivelet, le Brisoult, les Hayes, Bricque- ville, Beaussemey, la Faverie, le Dillon. Au Mesnil-Raoult : La Bessinerie, la Ri- querie, Faverie, Sauvagerie, la Roque Plate. A Moyon : Le Paradis, le fief du Cens, l'Oliverie, l'Ognonnerie, la Forge Mazure, la Blanche Maison, la Réauté, le Buhot, le Carrefour Paris, la Patoyère, la Métairie, le Haut Aunay, Hainne- ville, Lasserie, la Lande à Bled. A Saint-Louet-sur-Vire : La Vimondière, la Tire- lière, le Nid de Loups, Montigny, le Tertre, le Mesnil, l'Esnouverie, la Françaiserie. A Saint-Vigor-des-Monts : La Bionnière, la Bouillière, la Guérinière, Ricouvière, Villière, Drôme, Poulardière, Fertière, Maugerie, Maugeraie, la Basse Meulerie, L'asselotière, Lorgerie, la Hercerie, le Clos Olivier, le Clos Neuf. A Troisgots : L'Etournière, la Mercerie, le Hamel, la Vaquerie, le Cancer, les Jardins, le Boscq Russe, le Moulin Hébert, la Pézerie, le Val de Vire, la Lande Mathieu.

De plus, vous trouvez ou trouviez dans des temps encore récents, des familles Mourocq au village de ce nom en Tessy ; Fauquet au village du même nom en Beaucoudray ; Loisel et Loisellière, en Gouvets ; Lebugle et la Buglière en Gouvets ; Aubel et le village Aubel en Beaucoudray ; Rogerie et Chantepie aux mêmes villages en Tessy ; Lemarchand au village de ce nom en Fourneaux ; Gos- selin et la Gosselinière, Binet et la Binetière, Simon et la Simonnière en Ferva- ches.

Parcourant le canton tessyais, il existait, autrefois, quatre grandes routes, dont trois sont encore fréquentées en tant que chemins ruraux ; les nouvelles routes ont totalement délaissé les précédentes. L'une d'elles, dite de Caen à Gran- ville passait sur le territoire de Domjean, dans le village des Landes de Jacre, dans le bourg qu'elle quittait en obliquant à gauche, ensuite dans le village de la Mazu- rie, coupait alors la grande route actuelle, près du Calvaire, pour aller vers les villages de la Campagne et de la Roquette ; traversait la Vire, près des Ferrières et se dirigeait vers le quartier de la Fontaine Saint-Pierre en Tessy, puis vers l'Al- fosse, la Fresnaie et les Dadinières, pour entrer en Beaucoudray, au village du Mont et couper, vers la route actuelle de Saint-Lô à Villedieu, à quel- que deux cents mètres du carrefour de , vers Percy. Sur les cartes anciennes cette même route était dite « et au havre de Bricqueville » (sur mer évidemment). Une autre route était dite de Saint-Lô à Villedieu, à droite de celle actuelle (vers Villedieu) ; en territoire de Moyon des hôtels ou relais pour voya- geurs en diligences existaient sur ce parcours où vous trouviez : l'hôtel Meslier, l'hôtel Costé, l'hôtel Mauger, l'auberge, le bourg Groult et l'hôtel Besnard ; ces noms ont été conservés lors de la confection du cadastre, vers 1820-1830. Une troisième grande route, dite de Caen à Rennes, passait en Beuvrigny, au sommet de la colline, près du village des « Trois Vergées » et, tant soit peu, en ce parcours, parallèle à la route nationale actuelle ; elle traversait les bois de Beuvrigny et de Guilberville qui ont la renommée de « renvoyer » les orages toujours violents de la région de Vire. Enfin la quatrième grande route qui n'est plus fréquentable était appelée de « Saint-Lô à Tessy » ; en son parcours dans le canton tessyais, vous la retrouvez facilement en descendant la côte du Mesnil-Opac, sur votre droite ; la route actuelle vers Moyon la coupe en cet endroit, au lieu dit « l'Aubannerie », puis, plus bas, au lieudit : « l'Ancien Moulin de Fouquet », elle entrait en Ferva- vaches, à « la Héronnière » et dans la bourgade, allait vers la Bostière, descendait vers l'Azerie et remontait, en Tessy, après avoir passé l'Heudien, pour aboutir en ligne droite à la place du Marché en traversant la place du Calvaire, appelée plus tard, la place de la Gare.

Bien avant, des voies romaines existaient et M. de Gerville s'exprime ainsi dans son dictionnaire : « Beuvrigny est cité comme possédant d'an- s'exprime ainsi dans son dictionnaire : « Beuvrigny est cité comme possédant d'an- ciens pavés romains, de même que la Chapelle Heuzebrocq ; une voie romaine passait à la Beunière (la Busnelière en Beuvrigny), venant de Fourneaux où elle traversait à gui, la Vire, au Val », puis à « la Voie » (au Hamel de la Voie en Fourneaux) ; de la Beunière elle gagnait Domjean en passant au « Castillon » (camp romain comme le nom l'indique) ; elle était dite de à Bayeux ».

De nouvelles routes furent donc construites, au début du XIXe siècle et même commencées un peu avant ; celles de Saint-Lô à Villedieu et de Caen à Rennes furent décidées par le Conseil du département de la Manche, au cours de sa session de novembre 1790 et, de fait, commencées l'année suivante ; la route de Saint-Lô à Villedieu était alors de seconde classe et l'autre, de première classe. Ces grands travaux résultaient aussi des décisions prises par les Assemblées natio- nales. D'après les registres de la Commission intermédiaire chargée en 1797 de préparer l'Assemblée provinciale de Basse-Normandie (et je cite) : « on pourrait se convaincre des efforts de ses membres pour établir une répartition plus équita- ble des impôts, transformer « la corvée » en une prestation en argent et faire exécuter les grands travaux de voirie par les « ateliers de Charité », moyen très ingénieux de supprimer la mendicité, du moins dans la mesure du possible ». Entre temps, à Domjean par exemple, le Conseil Général, dans sa délibération du 12 mai 1793 décidait de « réparer » la route tendant de Torigny à Tessy, en fixant chaque journée de travail d'un homme à 30 sols, en créant 2 ateliers de 10 hommes cha- cun avec 2 voitures ; un atelier, commençant par « la Roquette » serait commandé par Jean Tricard, fils de Guillaume et l'autre, commençant par Jacre, commandé par Joseph Guillet ; délibération tant soit peu protestataire, puisque suivie de 63 signatures ! Les Normands et les Bocains d'hier et d'aujourd'hui !

Dans un livre édité en 1886, Monsieur Pierre Clément, Membre de l'Insti- tut relate, dans les termes suivants, ce qu'étaient les Normands au XVe siècle : « Sur cette terre au rude climat et au sol ingrat vit une population de cinq cent mille âmes, robuste, intelligente et laborieuse. Les femmes ont une belle carna- tion, le maintien aisé, la démarche légère, la physionomie spirituelle. Les hom- mes sont solidement bâtis et parviennent à un âge très avancé ; ceux qui abusent du cidre ou du poiré meurent souvent de phtisie ou succombent aux attaques de la colique végétale ; la goutte, les rhumatismes, les catarhes sont fréquents ; par contre, le scorbut et les maladies « calculeuses » sont extrêmement rares. Le bocain est chicaneur, c'est là son moindre défaut ; il est moins disposé que tout autre à endurer les servitudes de passage sur son terrain, l'usurpation d'une haie, le vol d'un arbre ou de ses fruits, les injures portées à son amour-propre. Qu'il soit artisan, journalier ou laboureur, personne ne lui conteste son amour du tra- vail bien fait. La récolte des céréales fournit à peu près la nourriture ; le pain est fait d'un mélange de seigle et de froment et les pauvres sont réduits souvent à vivre de galettes et de bouillie de sarrasin. On s'est adonné à la culture de la pom- me de terre, mais, les bocains, ennemis des innovations, se sont longtemps montrés incrédules. »

Voici une décennie d'années, le 31 mars 1957 exactement, le journal : « La Manche Libre » commençait la publication d'un roman dont l'auteur est Monsieur de Heurtaumont, actuellement Maire de Beuvrigny.

Il s'agit de « Champ Micheline ».

Des plaisantins ont cru ou ont voulu reconnaître parmi les personnages « in- téressés », quelques-uns de leurs semblables, communalement parlant, à moins que ce ne soit eux-mêmes en leurs qualités évidentes, voire en leurs péchés mi- gnons !... Dans ce roman, les moeurs sont dépeintes de spirituelle manière, d'une plume fine et experte, — tout est vrai, vécu, qualifié et... personnifié, tout est nor- mand « de par chez nous » —. Vous découvrez ce qu'est l'art d'écrire, d'émou- voir, de silhouetter des types, de dévoiler des caractères, de graver des traits, de saisir sur le vif des gestes et réflexions. Vous devez vous souvenir (pour ceux qui ont lu ce roman très certainement avec beaucoup de plaisir) de tous ces « acteurs » qu'étaient les deux jeunes Jean et Liliane, Levrel dit Jacasse puisqu'on l'appelait ainsi, Madame Levrel qui savait qu'elle était fort belle, Jamois, un solide paysan dont on aurait acheté la santé ; Madame Jamois, simple, presque austère ; Miche- line brave femme bien « travaillante », sans oublier Jaunet, Pièsel, Crampette et la charmante Louisette !... L'auteur de ce roman s'exprime ainsi en préambule : « Les Normands sont très fiers de leur province ; je les comprends, certes. C'est l'un des plus beaux et des plus riches pays du monde : chacun l'envie ; il s'équilibre bien. Les grasses et verdoyantes prairies s'installent et se prélassent dans les vallons. La culture s'y perche encore aux flancs des collines. Les forêts ne dédaignent pas de jeter leurs taches sombres à tous les horizons ; ses côtes offrent, à l'estivant, ses plages lan- goureuses de sable fin ou l'aspect sauvage et grandiose de. ses rocs millénaires. Les Normands sont sympathiques, attachants pour peu qu'on les connaisse et qu'on veuille les comprendre. On les associe aux Gascons ; c'est une erreur de fabuliste en recherche de rime ; ils ne sont pas vantards ; s'ils rusent ou finassent, ils le font sans bruit. Mieux même, ils détestent les hâbleries ; s'ils les écoutent, ils s'en gaussent ensuite, car ils sont trop fins pour les gober et parce qu'ils possèdent le sens inné de la mesure et de la pondération. Hospitaliers, on les accuse, à tort, de savoir lésiner ; leur cœur est bon et généreux. L'esprit d'économie n'est pas un défaut ; l'amour qu'ils portent à leur terre n'est qu'une qualité. Un seul repro- che donc à cette Normandie ; je le fais tout bas, en crainte d'être haché !... Il pleut sans trève ; le soleil est en vacances trois cents jours par an ; la pluie est vénérée ; que dis-je, bénie par ses habitants qui n'ont de soucis qu'en son ab- s'ence. Le Normand, au beau sec, n'est pas content, un mois sans nuage est une catastrophe ; il geint, il se plaint, il voudrait des orages. La pousse de l'herbe en est la cause ; les torrents du Ciel se transforment « en fleuves de lait !... » Pour attirer, malgré tout, les touristes et les « plageux » dans notre belle contrée, il faut préciser qu'il n'a plu « que » pendant 196 jours en 1965 et 190 jours en 1966. Un vieux livre précise encore que les Normands sont recherchés en tous lieux, pour leur bonhommie et ajoute : « Qu'ils sont peu expansifs, laborieux, économes, jaloux de leurs droits (c'est mon drei et mè j'y tiens...), méfiants, braves, endurants et dépourvus de jactance... (ce dernier point est à revoir... !) ; qu'ils aiment la bonne chère, le grand air, les vieilles coutumes, les foires et les légendes, la vie calme et tranquille des bourgs et des champs ». En regardant de plus près, force nous est de reconnaître que les Normands sont parfaits... Monsieur Clément, déjà cité, rappelle aussi ce qu'était la Normandie au XVe siècle ; il s'exprime ainsi, en copiant un vieux parchemin : « Puis y est le païs de Normandie qui est bonne duchié, puissant et riche et est très bon païs de blez et de bestial blanc et rouge et foison de belles forests et petites rivières et grant foison de pommes et poires dont l'on fait le cidre et le poiré dont le peuple boit pour ce qu'il n'y croist point de vin, combien qu'il en vient assez par mer et par la rivière de Seine. En ce païs se font moult bons draps en grant foison et est ce païs de grant revenu au prince. En ce païs à grant noblesse et de grans seigneurs et barons et y a grant foison de bons marchands par mer et par terre et sont lez populaires de grant peine et fort laboureux, hommes et femmes et sont honnestes gens de vestures et de mesnaige et sont grans buveurs en leurs festimens et grans chières se font par boire. Puis y est la duchié de Bretaigne... ».