Ircam - Centre Pompidou

© DR RC PAUSET BRICE ÉEBERQQT AMPHITHÉÂTRE – DÉCEMBRE S BASTILLE / PARIS DE NATIONAL OPÉRA

Ircam - Centre Pompidou

Ircam - Centre Pompidou Brice Pauset Exercices du silence Extrémités et abandon Exercices du silence Texte de Brice Pauset Texte de Laurent Feneyrou pour voix, piano et électronique C’estaprèsavoirassistéensonAnjou La vie de Louise du Néant nous est natalausermond’unobscurprédica- connue, comme ses lettres, par un Livret du compositeur d’après teur, que Louise de Bellère du Tron- ouvrage paru en 1732, sans nom d’au- les lettres de Louise du Néant chay décida de devenir Louise du teur, sous le titre Le Triomphe de la Néant (1639 – 1694). pauvreté et des humiliations. Jean Création mondiale Maillard (1618–1702), jésuite, traduc- Sonappétitd’ascétismeetd’humilia- teur de saint Jean de la Croix, prédi- Commande de l’Ircam – tionlaconduisitalorsàlaSalpêtrière cateuràNantesetàLaFlèche,directeur Centre Pompidou où, mêlée au sort effarant des inter- spirituel du collège Louis le Grand à et du Festival d’Automne à Paris nées, elle put accéder, au sortir des Paris, l’avait écrit peu après la mort Composition : 2007 – 2008 mortifications les plus extrêmes, à desapénitente,en1694.Maislapubli- Dédié à Laurent Feneyrou cesquelquesmomentsd’extasedont cation en fut retardée, en raison, vrai- Durée : 60’ elle redoutait aussitôt la dispari- semblablement, de la défaveur où tion. étaient alors tombées les mystiques Salome Kammer, soprano du XVIIe siècle. C’est d’un triomphe, Michael Wendeberg, piano Parseslettres,nousaccédonsàl’une donc, qu’il s’agit, selon le vocabulaire des expériences mystiques les plus del’époque,d’uneindépassablelimite Voix enregistrées de radicales du Grand Siècle finissant. de pratiques ascétiques constantes Daniel Raguin (Dieu) L’ampleur des symptômes qu’elle etrigoureuses,faitesd’abnégation,de Jacques Grandclément (Jésus) révèle contient les germes de la dra- souffrances, d’humiliations et de ver- maturgie, tant théâtrale que musi- tus héroïques, retournant la misère Jean Kalman, lumières cale, à l’origine de ma deuxième de l’homme en triomphe de la grâce compositiondestinéeàlascène:abjec- divine. Au cours du XIXe siècle, l’ou- Réalisation informatique musicale tion,extase,aphasie,régressionalter- vragenetrouvaguèredelecteurs,pas Ircam, Olivier Pasquet nent en une suite irrégulière de même Huysmans, auteur cher à Brice Ircam - CentreÉquipe technique Ircam : Pompidou quatorze stations dont les forces Pauset, qui aurait assurément mani- David Poissonnier, ingénieur du son surscène,ramenéesàl’essentiel(une festéquelqueintérêtpourcesdescrip- Sylvain Cadars, régisseur son voix,unpiano),etlepartiprisderepré- tions de visions, d’extases et de David Raphaël, régisseur Benjamin Fournier, stagiaire sentation (la désorientation senso- possessions. Et il fallut attendre l’His- rielle) exposent avec une certaine toire littéraire du sentiment religieux Équipe technique de l’Amphithéâtre méthodeleprixàpayerpourunidéal en France, somme fameuse d’Henri de l’Opéra national de Paris donné. Bremond, pour retrouver trace de Techniciens son, Christian l’Angevine, jeune fille de la noblesse, Coquillaud, Guillaume Perraudeau Un souci constant dans mon travail combléedetouslesdonsdelanature, Régie lumière, Jérome Coudoin récent est celui du polissage patient de l’intelligence comme de la société. Régie, Jean-Pierre Ruiz d’une « langue » musicale qui soit par essence vocale, d’une vocalité Mais un jour, un sermon consacré à faite de viande, de nerfs, d’os, de laconversionetàlapénitencedesainte fluides : une vocalité qui redonne- Madeleine, que Louise de Bellère du rait à la consonne et au bruit la place Tronchaysuitavecexaltation,luirévèle Coproduction Festival d’Automne à Paris, que notre culture leur a déniée. sa faute, la vanité de son existence, Ircam-Centre Pompidou ses complaisances pour le monde, Coréalisation OpéraIrcam national de Paris ; - Centre etPompidou la désigne comme pécheresse, Festival d’Automne à Paris promise à la damnation et à l’enfer, Avec le concours de la Sacem coupablesansconteste.Peuaprès,au sortir d’un confessionnal, elle hurle, horsd’elle-même,agitéed’unefureur horrible,possédée,disait-onàl’époque. Sescris,terribles, brisentlecoursd’une existence entre piété et obligations

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Ircam - Centre Pompidou de son rang. Angoisses et violences Surnatureletlesdieuxd’aprèslesmala- Livret établi par le du corps la mèneront, en 1677, à la dies mentales, essai de théogénie compositeur d’après les Salpêtrière, où elle partagera le sort pathologique de Georges Dumas… lettres de Louise du Néant des folles, des miséreuses, des men- diantes,desprostituées,desvoleuses, Maisuntroisièmetempsirrigueencore 1. PRÉLUDE DU SILENCE des grabataires et autres égarées de lesExercicesdusilence,celuidenotre LOUISE l’Hôpitalgénéral,enferméesetenchaî- monde. L’œuvre en effet ne tient ni Je sais que le silence est le nœud de nées dans des basses-fosses, des delareligionnidelapsychologie,mais la perfection, et je tâche, autant que cachots.Cettephase,dequelquesmois, del’esthétique.Lacyclicitédestroubles jelepuis,àlegarder,carjedésireardem- laisse bientôt place à la négation, à deLouiseduNéantdéterminesastruc- ment de plaire à mon Jésus; mais je l’abandon de soi, à l’extase. Louise du ture, ses effets de répétitions et de vous prie de m’enseigner la manière Néantavaitaimélachair;elleenscrute reprises : aux mortifications, la simul- de lui être agréable ; je ferai très exac- ladécomposition,tournantautourdes tanéité disloquée du récit et de l’ac- tement tout ce que vous me prescri- ulcères, des varices ouvertes et des tion,commeunfroiddocumentdesoi rez.Necraignezpasdemefaireaucune peaux vérolées, sur lesquelles elle sursoi;auxextases,lesvariationssans peine.Onfaittoutaveclagrâcedivine. appose ses lèvres. thème.LeslettresqueLouiseduNéant Jemesens,parlamiséricordedeDieu, adresse à ses confesseurs donnent si disposée à tout ce qu’il voudra, que C’estencoredevéritéreligieuse,d’ap- l’architecturedesrythmes,parlesécu- si je devenais encore aussi folle que proche spirituelle du délire, qu’il est laire procédé de la guématrie : a = 1, j’ai été, je l’en bénirais ; la créature question, avant que Charcot et Janet b = 2, c = 3…, la suite numérique ainsi doit servir de quelque chose à son n’exercent leur science médicale et obtenue multipliant une valeur de créateur. que la psychiatrie moderne n’y voie baseetconstruisantunelignetempo- Quem’importeenquelétatilmemette, lessymptômesd’unepsychose.«Lors- relle sur laquelle se greffent la voix, jediraitoujourscommemonaimable qu’on lit, par exemple, les fragments lepianoetl’électronique.Plusencore, Jésus : Mon Dieu, que votre volonté d’entretiensdePierreJanetavecMade- lesExercicesdusilenceétablissentun soitfaite,etnonlamienne.Jevousprie leine [Lebouc], sa fameuse patiente, répertoiredebruitsinstrumentauxet très instamment, monsieur, de conti- mystique et hystérique, internée échantillonnés,miroird’unabjectdont nuer vos soins charitables, et de ne commel’avaitétéLouiseduTronchay, le Christ putrescent du Retable d’Is- vous pas rebuter de la dissipation de Ircam - Centreà la Salpêtrière, on peut sePompidou dire – ou senheims’étaitjadisfaitleversantgra- monesprit,etdugrandfluxdeparoles du moins je me le dis – que le savoir phique:bruissements,chuchotements, que vous avez remarqué de moi. médical, en laïcisant la maladie, a tué crissements,hurlements,raclements, Votre très humble et obéissante quelque chose d’essentiel et de réel- arrachages,vomissures,voixàl’envers servante, lement irremplaçable, au fond de la (oùl’airs’entendcommeentrantdans Louise du Néant parole, et que celle-ci, tenue définiti- le corps de l’interprète, rend audible vementpourdélire,contribue,certes, soninspiration),voixencrécelle,chant 2. PREMIÈRE MORTIFICATION à la connaissance que nous pouvons avec les dents serrées, insistance sur LOUISE avoirdumaladeetdesamaladie,mais laconsonne,désormaisindépendante J’avais une grande tentation de man- qu’aussibienelleestnulledevéritéet de la syllabe, parlé sans phonation, ger d’un pâté, j’en ai coupé par mor- videdetranscendance»,écritClaude- recherche d’une vocalité instrumen- ceaux, et l’ai mis avec de la saleté, et Louis Combet, qui réédita, en 1987, Le tale,oudesonsinstrumentauxcomme puisl’aimisàterre,etl’airamasséavec Triomphe de Maillard. Brice Pauset des occlusives, piano étouffé, « châ- la langue comme une bête. se tient à cette intersection, entre, tré », dissociation, par l’électronique, d’une part, la religion et la rhéto- de la voyelle (son) et de la consonne 3. PASSACAILLE DES DÉTESTATIONS riqueduGrandSiècle–lesornements (bruit), suscitant l’effroi… Il en est de LOUISE de la « Passacaille des détestations » mêmelorsdeschizesdelasalle,quand … faire gémir la nature en lui donnant s’en font l’écho lointain – et d’autre à droite, le son est proche, et qu’à tout ce qu’elle ne voudra point. part, la psychologieIrcam du mystique. Son gauche,- il sonneCentre comme dans une Je nePompidou suis plus à moi ; mon cœur, mon œuvre se nourrit d’études aux titres cathédrale. L’œuvre se fait alors poli- âme, mon corps, et tout ce que je suis, explicites, dont la fin du XIXe siècle et tique : la désorientation sensorielle est le domaine de Dieu. lapremièremoitiéduXXe siècleoffrent suscitée de la sorte évoque celle … tout ce qu’il y a de créé m’est insup- une abondante littérature : L’Expé- d’autres détenus. portable,etjenepuismesouffrirmoi- rience religieuse, essai de psycholo- même. gie descriptive de William James, De … je ne vaux rien, je ne souffre pas l’angoisseàl’extasedePierreJanet,Le tant que j’ai mérité, étant digne d’un

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Ircam - Centre Pompidou million d’enfers. porte fort bien ; on aurait pu me com- qui leur sont nécessaires ; je sers mes … je demeure quelquefois à genoux pareraumontEtna,quiesttoutblanc maîtressesavectantd’amour,queder- deux heures, immobile comme une de neige au-dehors, et tout plein de nièrement j’en portais une entre mes statue, sans savoir où je suis, ni ce flamme au-dedans ; car tandis que je bras, et l’autre sur mon dos, pour les que je fais. suis toute blanche de neige, je suis mener où il était nécessaire ; je les … je ne me mêlais plus de moi-même, dans le cœur rouge et embrasée des recouchai. Que pourrais-je bien faire et je m’étais défaite de ma volonté. flammes divines. pour garantir du froid mes pauvres … je conçois contre moi une aversion … être abjecte et méprisable. maîtresses?jevoudraisbienmoiseule incroyable. mechargerdetousleursmaux.Jeverse Ilm’estarrivédemefairebattre;jeme 6. LITANIE DES HUMILIATIONS des larmes en abondance, quand je jetaientrelesbrasdecellequimefrap- JÉSUS les vois beaucoup souffrir, et je consi- pait,afinqu’elleredoublâtsescoups ; Ma chère épouse, sois moi fidèle jus- dère que c’est moi qui mérite tout ce et je disais tout bas : Bon, ma chère, qu’àlamoindrechose;jesouhaiteque qu’elles endurent. Hélas ! faut-il que frappez plus fort, et vengez bien mon tu fasses tout le contraire de ce que l’innocent périsse pour le coupable! Dieu;jecroisquejemeseraisfaitdéchi- tu as fait autrefois; tu as eu de l’or- Jecroisquecesbonnespersonnesfont rer, tant j’avais d’aversion pour moi- gueil et de la vanité, il faut que tu pénitence pour moi. même. t’abaissesmaintenant,quetuobéisses … être abjecte et méprisable. à tout le monde ; tu as mangé de bons 9. DEUXIÈME MORTIFICATION morceaux, il faut maintenant que tu LOUISE 4. MARIAGE MYSTIQUE manges ce qu’il y a de plus mauvais ; Je ne fais guère d’autres pénitences LOUISE tu aimes à demeurer longtemps au que de jeûner deux fois par semaine, Unjour,jefusbientroisheuresàjouir lit pour être plus belle, tu te lèveras mais pour y suppléer j’ai pratiqué de sa présence, avec un plaisir que je degrandmatin ;tuaimaisleluxedans d’autres mortifications pendant la nesauraisvousexprimer;carjem’étais les habits, tu porteras des haillons et grandemaladiedesœurP.Jeluiraclais enferméeseuleavecmondivinÉpoux le reste des pauvres ; tu étais pas- la langue, et j’avalais les ordures que dansmaprière,oùilsemblaitquenous sionnée pour l’honneur et la flatte- j’entirais;jemangeaisaussicequ’elle parlions cœur à cœur. Il me déclara rie,ettuvoulaispasserpourungrand avait mâché et rejeté de la bouche, ses volontés sur moi, et il me fit esprit ; il faut que tu passes pour une afin de me châtier de la répugnance Ircam - Centreconnaître que je ne mourrais Pompidou pas si folle, et que tu aimes le mépris, les que j’avais à la servir. tôt,etqu’ilvoulaitmelaisservivrepour affronts, les rebuts, les anéantisse- souffrir des maux si extraordinaires ments.Tuaseusoindebientraiterton 10. LOUISE ABANDONNÉE qu’à moins qu’il ne me fît une grâce corps, tu lui feras toutes les macéra- LOUISE particulière,jenepourraislessuppor- tions que tu pourras ; enfin, il faut Mon cher Amant m’a fait la grâce de ter.Ilmerépétacelaplusieursfois.Oui, quetunemettesaucunempêchement me dire, il y a quelques jours, que medit-il,machèrefilleetmonépouse, à la Grâce, et je prendrai un plaisir j’auraidespeinesinconcevables;ilme je veux être uni à toi par les grandes extrême à reposer en ton cœur ; car si témoignaaussiqu’iln’étaitpascontent croixquejeteprépare,soisconstante. tufaiscelapurementpourmoi,tuferas de ce que dernièrement je refusai ses tous mes délices. caresses spirituelles. En se retirant il 5. PASSACAILLE DES DÉTESTATIONS - ajouta que je ne le verrais de long- REPRISE 7. PREMIÈRE EXTASE temps, et que j’étais une mutine. Il LOUISE LOUISE me dit tout cela au fond du cœur ; je Je ne suis plus à moi ; mon cœur, mon J’irai partout criant : Amour, amour, je l’entendis aussi distinctement que si âme, mon corps, et tout ce que je suis, neveuxplusvivrequedudivinamour… jel’eusseentendudesoreillesducorps. est le domaine de Dieu. Car ainsi qu’il s’est vengé de ma résis- Jesaisquejesuissurunemerorageuse, 8. SCÈNE DES FOLLES tanceàsescaresses;sonéloignement où je ne vois qu’écueils de tous côtés. LOUISE m’a jetée dans un abîme de tristesse, … tout ce qu’il y aIrcam de créé m’est insup- Mes- maîtresses Centre les pauvres m’aidè- croyantPompidou qu’il m’avait abandonnée, portable,etjenepuismesouffrirmoi- rent à me mortifier ; car j’entrepris de parce qu’ensuite je me trouvai atta- même. faire dix-huit lits dans un jour, et de quée par des tentations de colère, de … frappez plus fort… balayerdeuxfoisdeuxgrandessalles. pensées sales, et de plusieurs autres Couchée comme je suis dans un lieu Tous les soirs je déshabillais mes maî- misères qui me portaient au déses- très malsain, où il n’entre que le feu tresses pour les mettre au lit, et le poir.Jemerenfermaidansmoncachot, d’une chandelle, où la neige tombe matin je les habillais. Toute la jour- etnesentantaucunsecoursdecebien- jusque sur mon lit, néanmoins je me née je leur rends d’autres services aimé, je pris une grande croix entre

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Ircam - Centre Pompidou mes bras, et la regardant fixement en pour honorer la Passion de mon Fils ; vagances ; je criais tout haut : Aime- me mettant à genoux devant elle, je et parce que tu m’as demandé plu- t-onmonAmour!J’étaisseule,etjepar- lui dis : Ô bonne croix, ô chère épouse sieurs fois d’être fille de la Passion, tu laisauxcréaturessansraison,etjeleur demonJésus!jedoisêtreattachéesur porterascejour-làlacouronned’épine demandaissiellesaimaientmonJésus. le côté qu’il n’occupe pas, il l’a laissé et la robe nuptiale, et tu feras la dis- Quelle folie ! vide pour moi… cipline trois fois, le jeûne au pain et à l’eau, et tu mangeras par terre. 13. TROISIÈME MORTIFICATION 11. LOUISE JALOUSE DE MADELEINE LOUISE ET TROISIÈME EXTASE LOUISE Il ajouta qu’il voulait entièrement se LOUISE Tandisquej’étaisdansunconfession- communiquer à moi, et me faire de Lesamedi,jefisvenirdansmoncachot nal pour être plus recueillie, je vis grandes faveurs ; mais il m’obligea à deuxdemesmaîtresses,quiontdepuis l’image de sainte Madeleine qui en garder le secret, et à me tenir fort trois ans des ulcères incurables aux embrassait les pieds de mon Jésus. Il cachée. Il me semblait que mon âme jambes. Il y avait plus de quinze jours me prit une si grande jalousie contre s’était envolée dans le sein de la divi- que j’étais fortement inspirée de les elle,quejememisàcrier,paruntrans- nité, et que j’étais en Paradis ; je tom- lécher ; je les enfermai l’une après port qui vous paraîtra une vraie folie. bai dans de si violents transports l’autre dans mon cachot, je leur don- Donnez-moi votre place, lui dis-je ; il y d’amour, que je fis de grandes extra- nai à dîner, et de l’argent que j’avais ; aassezlongtempsquevouspossédez mon amant, je veux aussi le posséder à mon tour. Ce n’est pas la première fois que ces sottises sont arrivées. Quand je vis qu’elle ne se retirait pas, je pris mon crucifix, je lui embrassai lespieds,etjeluidisais:Jeletiensaussi bienquevous.Jeleregardaisfixement, et les larmes me vinrent aux yeux ; je luifismilleprotestationsdefairepéni- tence comme la Madeleine, afin de Ircam - Centrelui être aussi agréable qu’elle.Pompidou 12. DEUXIÈME EXTASE DIEU Jedésirequetumesoisextrêmement fidèle; que tu corriges jusqu’à la moindrepetitefaute ;quetumortifies continuellement tes sens; que tu rentres sans cesse en toi-même pour m’entretenir. Sache que la moindre tache qui obscurcit ton âme tant soit peu,mefâcheetm’obligeàm’éloigner de toi. LOUISE Seigneur,commentferai-jepourobser- ver tout ce que vous désirez de moi ? DIEU Mafillebien-aimée,retire-toidescréa- tures ; je veux queIrcam tu gardes un grand - Centre Pompidou silence; que tu fasses tous les mois uneretraitedetroisjoursenl’honneur des trois Personnes de la Très Sainte Trinité ;quetufassesunedehuitjours aux quatre fêtes solennelles de l’an- née,commetonPèrespirituell’ordon- nera;quetouslesvendredistulafasses

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Ircam - Centre Pompidou après que j’eus fait ma prière je vou- Biographies etc. Il a été compositeur en résidence luscommencer,maislapuanteurétait pour la saison 2004–2005 à l’opéra de si grande que le cœur m’en fit mal ; Brice Pauset Mannheim. cependant,sansbalancerdavantage, Brice Pauset, né à Besançon en 1965, Parmisesprojetsfigurentune Kontra- jemejetaidessus.Commejen’enpou- aétudiélepiano,leviolonetleclavecin Partita pour violon seul, Erstarrte vais plus, je cessai, afin de prendre avant d’aborder l’écriture et enfin la Schatten – Symphonie VI pour grand haleine ; je craignais de lécher les composition avec Michel Philippot, orchestre,sixvoixsolistesetélectron- endroits les plus puants, mais je me GérardGrisey,AlainBancquartàParis, ique, Dornröschen II pour quatuor à disaisàmoi-même:Lèche,lèche,vilaine etFrancoDonatoniàSienne.Boursier cordessolo,doublechœuretorchestre, bête, et punis ta mauvaise langue qui 1994delaFondationMarcelBleustein- Kontra-Konzert pour orchestre clas- a tant offensé Dieu. La bonté divine Blanchet pour la Vocation puis sta- sique et pianoforte principal, ainsi me donna tant de courage, que je le giaire à l’Ircam de 1994 à 1996, il s’est qu’une œuvre pour trois voix solistes, fis à dessein de soulager mes maî- depuisentièrementconsacréàsacar- chœuretorchestre.Parailleurs,Isabel tresses qui me faisaient pitié. Je sen- rièredecompositeur,àl’enseignement Mundry et Brice Pauset ont composé tisalorsunsigrandtransportd’amour, ainsi qu’à l’interprétation au clavecin en dialogue trois pièces dont l’opéra que je baisais ces ulcères avec plai- et au piano de ses propres œuvres, Das Mädchen aus der Fremde com- sir ;jepensaimêmetomberenpâmoi- éventuellement en relation avec le mandé par le Nationaltheater son.Jepleuraisdejoie,puisj’exhortais répertoire ancien. Mannheim (2005, scénographie et mespauvresmaîtressesàsouffriravec Il collabore régulièrement en France chorégraphie de Reinhild Hoffmann). patience, et à aimer Dieu de toutes avec l’Ircam, le Festival d’Automne à Brice Pauset a été nommé en 2008 leurs forces. Paris et l’ensemble Accroche Note, professeur de composition à la enAutricheavecleKlangforumWien, MusikhochschuledeFreiburg oùil vit 14. TENTATION DE LA GLOSSOPTYSIE lesfestivalsWienModernetMusikpro- depuis 2002. LOUISE tokoll (Graz), et en Allemagne avec www.henry-lemoine.com Ah! mon Dieu, je me suis éloignée de les orchestres de la SWR de Baden- monpayspourmeneruneviecachée, Baden/Freiburg,WDRdeCologne,Bay- Salome Kammer etpourêtrelerebutdetouteslescréa- erische Rundfunk (), le Après des études de violoncelle avec tures;etjetrouveencoredesgensqui Konzerthaus (Berlin), l’ensemble Maria Kliegel et Janos Starker à Essen Ircam - Centreont de la bonté et de la charitéPompidou pour Recherche(Freiburg),ainsiqu’avecdes de1977à1984,elleentredanslatroupe moi, et qui me regardent comme une chefs comme Sylvain Cambreling, duthéâtredeHeidelbergoùelleappa- bonne servante de Dieu. Mais, hélas! Johannes Kalitzke, Emilio Pomarico, raîtdansdenombreuxrôlesduthéâtre où sont les services que je lui ai ren- Kwamé Ryan, Ed Spanjaard; et des classique et dans des opérettes. Elle dus ? Cela vient peut-être de ce que je solistescommeSalomeKammer(voix), prend des cours de chant avec Yaron parle de Dieu ; en vérité il me prend Isabelle Menke (récitante), Nicolas Windmüller.Àpartirde1990elleinter- fortenviedemecouperlalangue,aussi Hodges (piano), Irvine Arditti (violon), prèteensolistelesœuvresvocalesdu bien il ne m’en faut point pour aimer Teodoro Anzelotti (accordéon). répertoire d’aujourd’hui. Dieu : Un grand saint se l’est coupée, Les Vanités ont été créées par Gérard En2001,elleestrécitantedansl’opéra qui ne méritait pas cette punition Lesne et Il seminario musicale, et la Das Mädchen mit den Schwefelhöl- comme moi ; mais il n’importe, mon Kontra-Sonate a été donnée par zern de Helmut Lachenmann qu’elle cherPère,nelaissonspasd’aimerDieu; Andreas Staier, son dédicataire, tan- a aussi enregistré avec l’orchestre du oui, aimons-le, et ne travaillons que dis que Exils (Deuxième Concerto de Staatsoper de Stuttgart, dirigé par pour sa gloire toute pure. chambre) a été commandé et joué en LotharZagrosek,publiéparKairos.En Ce qui me console, c’est que je suis tournée par le Freiburger Barockor- 2003, elle participe à la création de dans la souffrance. chesteretlepercussionnisteChristian l’opéra Das Gesicht im Spiegelde Jörg Dierstein.LeQuatuorDiotimajoue ses Widmann, commandé par l’Opéra trois premiers quatuors à cordes. d’ÉtatdeBavièreetreçoitleprixSchnei- Louise du Néant, parIrcam Jean Maillard Brice- Pauset Centre a enseigné la composi- der-SchottPompidou de la Ville de Mayence. En Présentation et notes établies tion en septembre 2001 à l’abbaye 2005,ellecréelerôledePénélopedans par Claude Louis-Combet de Royaumont, aux côtés de Brian Die Odyssee – Ein Atemzug d’Isabel Édition Jerôme Million, Ferneyhough et Stefano Gervasoni; Mundry à l’Opéra de Berlin. Nouvelle édition, mai 2006 il donne de nombreuses conférences EllechanteégalementPierrotlunaire en France et à l’étranger. Des sémi- et Die Jakobsleiter d’Arnold Schoen- naires et rencontres sur ses œuvres berg (qu’elle a enregistré avec Kent ont eu lieu à Berlin, Francfort, Zürich, Nagano et l’Orchestre symphonique

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Ircam - Centre Pompidou de Berlin chez Harmonia Mundi), Die duThéâtrenationaldeMannheim,où Pour le théâtre, Jean Kalman crée les sieben Todsünden de et La il a travaillé pendant la saison lumières de très nombreux spec- FabriccailluminatadeLuigiNono,ainsi 2007/2008.Depuislasaison2008/2009, tacles, dont Richard III, pour lequel il que des œuvres de Cage, Berio, Zen- il travaille au Staatsoper de Berlin. reçoitleprixLaurenceOlivieren1991. der, Rihm, Kurtág et Eisler. Au Festival d’Aix-en-Provence, il signe En2007,ellechanteZeugendeGeorges Olivier Pasquet leslumièresdeplusieursproductions: Aperghis au Festival de Witten, repris Compositeur,OlivierPasquettravaille Euryanthe de Weber (1993), mis en en 2007–2008 à Berne, Venise et Varso- dansdiversstudiosd’enregistrement, scène par H.P. Cloos, Semele de Haen- vie, et Kafka-Fragmente de György avant de se perfectionner en compo- delavecRobertCarsen(1996),DonGio- KurtagavecCarolinWidmann(violon). sitionàCambridge(1996)oùilapprend vanni de Mozart (1998), mise en scène Enmars2008,ellecrée LadySarashina aussil’écritureélectroacoustique.Col- dePeterBrook,LesNocesdeFigarode de Peter Eötvös à l’Opéra National de laborateur à l’Ircam de 1999 à 2004, il Mozart,avecRichardEyreetIlritorno Lyon. y aide les compositeurs dans la réali- d’UlisseinPatriadeMonteverdi(2000), Elle enseigne au Conservatoire de sation informatique et électroacous- mis en scène par Adrian Noble. musique de Münich. tique de leurs projets. Depuis, il se Dans un tout autre domaine, il colla- consacre en indépendant à la com- boreavecChristianBoltanskipourpro- Michael Wendeberg position ainsi qu’à la réalisation élec- duire des œuvres entre installation et Michael Wendeberg, pianiste et chef troacoustique d’œuvres de divers spectacle, comme O Mensch !, au Fes- d’orchestre, est né en 1974 en Alle- compositeurs dans le domaine des tival d’Automne à Paris en 2003, ou à magnedansunefamilledemusiciens. arts numériques. Il est notamment VarsovieTantquenoussommesvivants. Ilcommencelepianoàcinqans.Entre impliquédanslesspectaclesdedanse, Avec Bienvenue, créée à Dijon en 2001 1990et1993,ilremporteplusieurspre- l’opéra,lethéâtremusicaletlethéâtre dans le Festival Autre scène, cette col- miers prix en Allemagne et poursuit classiqueetcontemporain.Iltravaille laboration s’est enrichie du travail du ses études auprès de Markus Stange, aussi dans le domaine de la musique compositeur Franck Krawczyk. Bernd Glemser et Benedetto Lupo. electronicaouIDM.Ilécritdespièces, Lauréatde concours internationaux, principalementélectroniques,surdes L’Ircam. Institut de recherche il s’est produit en soliste avec l’Or- systèmes originaux temps réels et etcoordinationacoustique/musique chestresymphoniquedeBamberg,les interactifs. Il s’intéresse particulière- L’Ircamestl’undesplusgrandscentres Ircam - Centreorchestres des radios de Hambourg,Pompidoumentàl’algorithmique,àl’interpréta- de recherche publique au monde se Cologne, Francfort et Baden-Baden tion et à l’improvisation à l’aide de consacrant à la création musicale et ainsi qu’avec la Philharmonie de Ber- méta-systèmescompositionnelsbasés àlarecherchescientifique.Lieuunique lin, avec des chefs comme Jonathan surdesprincipesphilosophiquesgéné- oùconvergentlaprospectiveartistique Nott, Marek Janowski et Sir Simon ralisés tels que l’harmonie générale. et l’innovation scientifique et tech- Rattle. Il travaille aussi beaucoup sur l’écri- nologique, l’institut est dirigé depuis De 2000 à 2005, il est pianiste de l’En- ture du texte sonore ou parlé. 2006parFrankMadlener,etréunitplus sembleintercontemporain.Il travaille de cent cinquante collaborateurs. avecKlausHuber,PierreBoulez,György Jean Kalman L’Ircam développe ses trois axes prin- Kurtág et Jonathan Harvey. Avec l’en- Né à Paris en 1945, Jean Kalman tra- cipaux–création,recherche,transmis- semble, il a joué en soliste au Festival vaillecommecréateurlumièredepuis sion–aucoursd’unesaisonparisienne, de Lucerne et au Carnegie Hall de 1979, principalement pour le théâtre d’unfestivalfédérateur,Agora,detour- New York sous la direction de Pierre et l’opéra, en France, en Italie, en nées en France et à l’étranger. Fondé Boulez. Grande-Bretagne, en Hollande, aux par Pierre Boulez, l’Ircam est associé Danslemêmetemps,ilcommenceune États-Unis et au Japon. au Centre Pompidou sous la tutelle formationdechefd’orchestre.Ilasuivi Il conçoit les lumières de Peter Brook du ministère de la Culture. des cours de direction avec Pierre pour La Cerisaie de Tchekhov, Le www..fr Boulez et étudié auprès de Toshiyuki Mahabharata, La Tempête de Shakes- Kamioka de 2005Ircam à 2007. En tant que peare.- Il travailleCentre en étroite collabo- Pompidou chef, il a dirigé les Neue Vokalsolis- ration avec nombre de metteurs en ten de Stuttgart, l’Ensemble Musikfa- scène tels que, Pierre Audi, avec qui il brik Cologne,l’Orchestredechambre signe les lumières d’un cycle Monte- Lochen,dontilestlefondateur,laPhil- verdientre1991et1995,maisaussiDie harmonie de Ljubljana, le Dartington Zauberflöte de Mozart. Pour Robert Festival Orchestra, l’Orchestre sym- Carsen,ilcréeleslumières,entreautres, phoniquedeWuppertaletl’Orchestre d’un cycle Puccini au Vlaamse Oper. www.operadeparis.fr www.festival-automne.com

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