sous le signe de bataille

masson • fautrier • bellmer

musée zervos rue Saint-Étienne vézelay 27 juin - 15 novembre 2012 SOUS LE SIGNE DE BATAILLE MASSON • FAUTRIER • BELLMER

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andré Masson, Métamorphoses, 1928 Huile sur toile, 59,5 x 73 cm Collection particulière, courtesy galerie Jean-François Cazeau, Paris SOUS LE SIGNE DE BATAILLE MASSON • FAUTRIER • BELLMER

PRÉFACE • 3

e musée Zervos, géré par le Conseil Général de l’Yonne, a été ouvert rue Saint-Étienne à Vézelay, en 2006. Il présente une collection cohérente d’art moderne à Paris entre 1925 L et 1960, léguée à la commune de Vézelay par Christian Zervos (1889-1970) et offre un lieu de mémoire pour le dernier occupant de cette demeure, l’écrivain Romain Rolland (1866- 1944). Depuis, il a élargi, par des acquisitions, ses intérêts aux architectes, artistes, poètes qui gravitèrent autour d’eux : Jean Badovici, Le Corbusier, Fernand Léger, . Notre der- nier achat, un tableau de Louis Marcoussis, Papillon de nuit, a été rendu possible par la partici- pation du Fonds national du patrimoine et du Fonds régional d’acquisition des musées. Ce sont des subventions déterminantes, mais aussi une marque essentielle de reconnaissance notam- ment de la part de Frédéric Mitterrand, ancien ministre de la culture et de la communication, que je remercie sincèrement. Mes remerciements s’adressent également à la sous-direction des Musées de France, à la DRAC de Bourgogne, et au Président de la Région Bourgogne. L’ensemble de ces aides récompense la politique de reconstruction et de développement du musée menée par le Conseil Général de l’Yonne avalisant les propositions averties du conservateur.

aujourd’hui, nous nous proposons d’intégrer à notre patrimoine l’écrivain (1897-1962) qui est inhumé à Vézelay. Il y arriva en 1943 et il s’y installa durablement de 1945 à 1949. Ensuite, il y revint irrégulièrement. La célébration du cinquantenaire de la disparition de ce Bourguignon d’occasion, anime Vézelay, du printemps à l’automne, par des conférences et des lectures organisées par Christian Limousin et le groupe Lire Bataille, à La Goulotte, maison des Zervos, à la Maison Jules-Roy et à la Cité de la Voix.

L’exposition place sous le signe de Bataille, la présentation d’œuvres de Masson, Fautrier et Bellmer, choisies par Christian Derouet conservateur du musée. Je voudrais remercier les ayants droit de l’écrivain et des artistes, les directeurs du Musée national d’art moderne au , du musée d’Art moderne de la Ville de Paris, les prêteurs particuliers, les galeristes, d’avoir confié d’aussi belles œuvres, les spécialistes qui ont accepté d’écrire des présentations à l’intention de nos visiteurs et enfin la direction administrative et l’équipe du musée Zervos de la réalisation de cette manifestation.

Le catalogue que nous publions s’inscrit dans la suite du Zervos et l’art des Cyclades, ouvrant la possibilité d’offrir progressivement une collection de cahiers annuels à nos visiteurs car nous savons que nombre d’entre eux, venus une première fois, y reviennent.

ANDRÉ VILLIERS Président du Conseil Général de l’Yonne SOUS LE SIGNE DE BATAILLE MASSON • FAUTRIER • BELLMER

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André Masson, Massacre, [1932] Fusain, 48,1 x 63,8 cm Dédicacé à l’encre noire en bas à droite : « À madame Zervos / en hommage : André Masson ». Legs Zervos. MZ 173

L’œuvre d’André Masson (Balagny-sur-Thérain – Oise, 1896-Paris, 1987) est Darius Milhaud créé à Anvers le 8 mai 1940 (MZ doc. 139). Ces traces rendent représentée au musée Zervos par un dessin dédicacé à Yvonne Zervos. Dans compte de l’appui dont le peintre bénéficia à Cahiers d’art, de 1929 à 1933, Cahiers d’art, n° 6-7, 1932, ce dessin illustrait l’article de Christian Zervos, et de sa réapparition en 1938 dans Histoire de l’art contemporain de Cézanne « À propos des œuvres récentes d’André Masson » : Lorsque Masson intitule à nos jours, où Zervos lui mesurait ses mérites : Après avoir subi la loi du un de ses tableaux Massacre, il ne cherche qu’à signifier sa vision par un tumulte de cubisme, à travers Juan Gris, André Masson a poussé ses recherches du côté du formes auxquelles s’associe une longue suite d’émotions. Cela lui permet de s’élever à subconscient. Les moyens plastiques qu’il avait empruntés au cubisme ne répon- l’abstraction sans jamais quitter le côté matériel des choses. En 1933, Zervos daient plus à son besoin d’exprimer les hallucinations d’une sensibilité hypertendue, organisait une vente aux enchères à l’hôtel Drouot pour sauver Cahiers d’art, au presque morbide, où l’objet devenait sujet, où la lumière subjective inondait l’apparent cours de laquelle il sacrifiait une nature morte post-cubiste peinte par l’ar- et le transformait. Son écriture, devenue presque automatique, aboutissait à un gra- tiste en 1923, Verres et cartes postales. La documentation du musée conserve phisme exaspéré, tendu à se briser. La parution des planches de la Mythologie de la une lettre de Masson non datée adressée de Lyons-la-Forêt à Zervos (MZ doc. nature dans Cahiers d’art, n° 5-10, 1939, mettait un terme à ce regain d’intérêt. 138) et un manuscrit autographe pour la mise en scène de Médée, opéra de C. D. SOUS LE SIGNE DE BATAILLE MASSON • FAUTRIER • BELLMER

INTRODUCTION • 5

a perspective d’un colloque permet d’introduire d’obsédants Massacres. Puis Masson élabora ses propres Georges Bataille au musée Zervos. Il avait arpenté mythologies : dans l’ouate de l’Olympe, il pastichait les L la grand-rue pendant ces décennies où Vézelay classiques allégories en de grands dessins au trait, desti- était fréquentée par des personnalités d’exception. Dans nés à de futurs albums. Avec Picasso, il avait découvert ce gros bourg pittoresque, un désir de détente avait, en que devant les bacchanales, les enlèvements et les viols effet, conduit dès les années 1930 un architecte, Jean sadomasochistes, affublés du masque du ou de Badovici, une figure littéraire, Romain Rolland, et un l’Acéphale, le censeur hésitait à user des ciseaux. éditeur d’art, Christian Zervos, à y aménager leur villé- giature. Ils y vécurent isolés les uns des autres, loin des Jean Fautrier croisa Bataille sans vraiment se com- grèves du Front populaire et de la désastreuse insurrec- promettre. Ses premières peintures, dont Marcel-André tion espagnole. En septembre 1939, à la déclaration de Stalter retrace le périple, avaient dressé du non-dit de guerre, Le Corbusier et son épouse prirent pension à la condition féminine un constat impitoyable : vieilles l’Auberge du Cheval Blanc. L’invasion foudroyante par la épuisées, femmes battues, femmes à l’abattage dans les Wehrmacht provoqua avec l’exode d’éprouvants retours maisons closes. Sans égard, il pendait au crochet de la bou- à la terre. Nusch et Paul Éluard trompèrent plusieurs fois cherie cette viande sur pied auprès des carcasses de mou- les rigueurs de l’Occupation ici : le ravitaillement sem- ton, puis la replongeait dans les ténèbres, à la recherche blait plus assuré et le couvre-feu, moins rigoureux. En de la lointaine ancêtre du temps des cavernes. Il reniait cet 1943, Georges Bataille y séjournait à son tour, ajoutant un univers sans joie quand la librairie Auguste Blaizot l’invita caractère à ce théâtre d’ombres. À l’armistice, il y revint, à fournir des vignettes pour Madame Edwarda et L’Alle- menant une déstabilisante réflexion,La Part maudite, et luiah. Catéchisme de Dianus. Fautrier esquiva la censure créa une revue, Critique, austère maillon du redressement en couvrant des liasses de feuillets d’une plume prime- intellectuel. sautière avec des bambochades moins lascives que bur- lesques. Comble d’un conservateur-bibliothécaire, soigner ses envois pour des livres à tirage limité colportés sous le Fabrice Flahutez catalogue l’œuvre gravé et dessiné manteau ? C’est par l’imprimé que Bataille lia son nom à de Hans Bellmer. Il reconstitue patiemment des corres- des peintres encore peu représentatifs. Masson, Fautrier pondances tronquées, émiettées dans les ventes aux en- et Bellmer éprouvèrent successivement des affinités li- chères, revivant l’anxiété de cet Allemand à la merci d’une bertines pour ses contes érotiques. Le contact opérait à simple dénonciation pour fignolage d’inavouables images. double sens dans ces réalisations clandestines où l’impri- Les bribes publiées ici laissent entrevoir la minutie avec meur risquait saisie et poursuite. Masson sollicitait un laquelle Bataille et lui élaborèrent l’iconographie pour essai de Bataille pour accompagner les gravures de Sacri- Histoire de l’œil. Après Die Puppe (La Poupée), méditant fices et Bellmer tentait de l’intéresser à ses dessins quand la Petite anatomie de l’inconscient physique ou l’Anatomie de il lui fut proposé d’illustrer Histoire de l’œil. Ce sont eux l’image, Bellmer proposa à l’Acéphale mâle de Masson- qui, sous le signe de l’écrivain, investissent la maison du Bataille une distorsion femelle, l’ignoble céphalopode. jardinier et les vitrines du logis principal. Les inventions de Masson, de Fautrier et de Bellmer andré Masson était, comme l’établit Camille Morando, commentaient une part minime de l’œuvre de Bataille un ami de Bataille. Dès la revue Documents (1929-1930), et leur parution coïncidait avec la Libération. En endos- une commune méfiance les avait confortés dans la « dis- sant des pages qu’aucun chartiste jusqu’ici n’avait osé sidence » pour dépasser le conflit esthétique du jour : signer, ils participèrent au combat contre l’interdit et ils surréalisme contre abstraction. En mai 1935, Bataille délivrèrent ensemble, avec leurs Massacres ou Monstre retrouvait Masson à Tossa del Mar, en Catalogne. Ils rouge, l’érotisme des « enfers » pornographiques de nos firent d’un hybride anthropomorphe dépourvu de tête, bibliothèques pour le restituer au domaine public. Acéphale, leur raison sociale. La qualité des dessins de Masson réunis par Yves de Fontbrune commence avec un Christian Derouet dessin automatique. Masson en transposait l’invention graphique sur les cuivres de L’Anus solaire où grouillent d’improbables animaux. Sa verve s’exacerbait ensuite en SOUS LE SIGNE DE BATAILLE MASSON • FAUTRIER • BELLMER

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andré Masson, Les Chrysalides, [1927] Encre de Chine, 21 x 26,5 cm Titré en bas à gauche au crayon : Les chrysalides Signé en bas à droite au crayon : André Masson andré Masson, étude pour Massacre, [ca. 1932] Collection privée Encre de Chine sur papier calque, 24,5 x 32,5 cm Monogrammé en bas à gauche : A. M. Ces deux dessins ne sont pas exposés. Collection privée

andré Masson, Trois pointes sèches pour Georges Bataille, L’Anus solaire, 1931 SOUS LE SIGNE DE BATAILLE MASSON • FAUTRIER • BELLMER

Vers Acéphale et le Collège de Sociologie : • 7 Bataille, Masson et les dieux qui meurent

eorges Bataille et André Masson se rencontrent à la fin de l’année 1924 par l’intermé- diaire de dans l’atelier parisien du peintre, une des chapelles partici- G pant du surréalisme naissant d’André Breton. Contrairement à ses deux amis, Bataille juge illisible le Premier Manifeste du surréalisme de Breton et restera en marge du mouvement. Masson se souvient que, en 1924, Bataille avait déjà en vue un autre combat, plus secret, et sans doute, plus profond. En 1925, leur amitié se scelle au moment où Bataille échange des dessins érotiques pour acquérir auprès du marchand du peintre, Daniel-Henry Kahnweiler, L’Armure de Masson (1925) dont le corps devenu spectral annonce le sacrifice. Leur passion commune pour les lectures de Sade et de Nietzsche augure de leurs futures collaborations. Prenant ses distances avec Breton dès 1928, pour finir par rompre en février 1929, Masson rejoint Bataille dans la dissidence – la parution d’Histoire de l’œil par Lord Auch (Georges Bataille) en 1928 avec huit lithographies originales non signées (de Masson) en est la manifestation, magistrale et clandestine. Dans ses compositions, Masson poursuit la ligne errante de l’automatisme, tout en affichant un érotisme cru et explicite qui renvoie autant aux écrits de Sade qu’à ce récit de Bataille. Premier illustrateur de Bataille, il poursuit l’échange avec trois pointes sèches pour L’Anus solaire, écrit au même moment qu’Histoire de l’œil et publié en 1931 : s’éloignant de l’illustration du texte de Bataille, Masson, par un dessin nerveux et griffé, s’approprie les visions évoquées en se fondant notamment sur un « sexualisme tellurique ».

Leur troisième collaboration, Sacrifices, ouvrage conçu dès 1933 et publié après maintes vicissitudes en 1936 chez Guy Lévis Mano, radicalise le principe. Bataille impose le « moi, qui meurt », analysant les liens inhérents du vide, du temps, de la vision extatique religieuse, de l’amour brûlant, de la révolte arrachant « à Dieu son masque naïf », de la catastrophe repré- sentée par un squelette armé d’une faux ayant découpé une tête, sans jamais citer les divinités cruelles et sacrifiées choisies par Masson pour les eaux-fortes (Mithra, Orphée, le Crucifié, le Minotaure et la Vierge et Osiris). Transposant la consumation du moi de Bataille, les gravures de Masson, dans la lignée de la série des Massacres, exposent un univers extatique : duel incessant, douloureuses déformations du corps, les étoiles et le soleil, association du sacrifice à l’érotisme. Ensemble, ils élaborent une vision nouvelle et sombre de la mythologie – celle de dieux qui s’aiment et qui meurent. Cette démarche va les conduire à la création du person- nage d’Acéphale et à la quête d’une anthropologie du sacré théorisée par Bataille au Collège de sociologie.

Si, depuis les années 1920, des acéphales sont présents dans la production du peintre et si « le bas matérialisme et la gnose » (Documents, 1930) de Bataille montrait entre autres une SOUS LE SIGNE DE BATAILLE MASSON • FAUTRIER • BELLMER

8 • empreinte d’intaille gnostique représentant le dieu acéphale égyptien Bès, il faut attendre le second séjour de Bataille en 1936 chez Masson, installé en Catalogne depuis 1934, pour que naisse véritablement le personnage Acéphale. Bataille, suite à l’échec du groupe Contre- Attaque, expose à Masson le projet de la revue Acéphale, qui réhabilite Nietzsche alors accaparé par les fascistes. L’Acéphale qu’ils inventent est un homme sans tête qui stigmatise une société sans chef, une communauté sans Dieu. Bataille décrit et Masson dessine « sur- le-champ ». Ni homme, ni dieu, Acéphale naît de l’idée de sacrifice, comme la conjonction de l’érotisme et de la mort. S’opposant au fascisme (politique monocéphale absolue), Acéphale, foudroyé ou foudroyant, vision solaire ou émanation souterraine, au corps athlétique d’Hercule, est présenté décapité et victorieux. Doté de ses instruments du sacrifice (cœur- grenade et poignard), Acéphale ne mutile personne d’autre que lui-même : la révolution est à mener contre soi pour s’opposer à la débâcle. Parmi les dessins de Masson, dont plusieurs utilisent le décor des hauteurs de Montserrat, six seront publiés dans la revue éponyme, qui produit cinq numéros (juin 1936-juin 1939).

autour de Bataille se préparent alors deux entités, qui demeurent toutefois indépendantes : en juillet 1936, la société secrète Acéphale à laquelle Masson restera étranger (son dessin Acéphale sert d’emblème aux textes de la société) et, au début de 1937, un groupe dont la « Déclaration relative à la fondation d’un “Collège de sociologie” » est publiée dans Acéphale (n° 3-4, juillet 1937). Fondé par Bataille, Michel Leiris et à Paris, le Collège de sociologie, en tant qu’organisme de recherches, se propose de définir « la sociologie sacrée » et d’étudier les manifestations du sacré, au moment où l’étreinte fasciste se refermait sur l’Europe. Du 20 novembre 1937 jusqu’en juillet 1939, il propose vingt-six conférences rassemblant un auditoire éclectique, écrivains, poètes, critiques, philosophes ainsi que les artistes André Masson, Taro Okamoto et Isabelle Waldberg. Masson va poursuivre dans ses œuvres la vision commune invoquée et entreprise dès 1928 avec Bataille, fondée sur la notion de « dépense inconditionnelle ». En 1940, dans l’ouvrage collectif consacré au peintre, Bataille confie : Là où souffle un vent qui brise la faible voix de l’esthétique, Masson ne se retrouverait pas avec Matisse ; il ne se retrouverait pas avec Miró ; là, ce qui parle avec toute la force en lui résonnerait avec les voix agressives d’Héraclite et Blake, avec la voix de nuit et de soleil de Nietzsche.

Camille Morando SOUS LE SIGNE DE BATAILLE MASSON • FAUTRIER • BELLMER

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Georges Bataille, Sacrifices, 1936. G. L. M. (Guy Lévis Mano). Paris. In-2 (463 x 350 mm). En feuilles, sous couverture en carton rouge avec atta- ches en toile rouge, imprimée en noir sur le frontispice. André Masson, 5 eaux-fortes en sanguine ou en noir (295 x 250) : Mithra (280 x 230), Orphée (315 x 245), Le Crucifié (310 x 218), Le Minotaure et la Vierge (309 x 245), Osiris [1933], signées au crayon sur japon impérial ou non signées sur vélin d’Arches. (Les 2e, 3e, 4e et 5e gravures sont numérotées II, III, IV et V dans le cuivre). Impression : 3 décembre 1936. Presses des Éditions GLM Paris, pour le texte et la typographie ; J.-J. Tanneur, pour les gravures. Laurence Saphire, Patrick Cramer, André Masson. Catalogue raisonné des livres illustrés. Genève, Patrick Cramer, 1994, n° 11, Sacrifices, 1936. Collection Yves de Fontbrune. Première de couverture et page de titre. SOUS LE SIGNE DE BATAILLE MASSON • FAUTRIER • BELLMER

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Planche I : Mithra SOUS LE SIGNE DE BATAILLE MASSON • FAUTRIER • BELLMER

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Planche II : Orphée Planche III : Le Crucifié

Planche IV. : Le Minotaure et la Vierge Planche V : Osiris SOUS LE SIGNE DE BATAILLE MASSON • FAUTRIER • BELLMER

12 • Collectionner les dessins de Masson

Le plus grand voyageur est celui qui ne sait où il va. Le plus curieux est celui qui ne sait où il regarde. Tchouang-Tseu, cité par André Masson.

insi s’est constituée cette collection, je préférerais abstractions géométriques où il ne voit que décoration, dire en transposition littérale et sans doute mala- cherche pour sa part l’inspiration dans la culture et dans A droite de l’italien cette « récolte » d’une quinzaine la nature. de dessins d’André Masson. Rien d’artificiel dans ce mouvement qui est celui même À cette époque, j’étais marchand, les œuvres se pré- de son sang, tordant le cou à toute mièvrerie, quitte à sentaient dans les ventes ou les foires, aux hasards de provoquer, dans un « paroxysme expressionniste » sou- cette vie très concrète et pleine d’aléas économiques, vent des plus grinçants, comme il le reconnaît : les tau- entraînant fréquemment des associations temporaires reaux de notre Estocade (1937) et de Mithra (Sacrifices I) avec des confrères autour d’acquisitions, qui ainsi se me paraissent illustrer cette désagréable intrusion. Aussi peuvent multiplier : sociétés commodes sur le moment la violence sexuelle mêlée de provocation religieuse de la mais qui ensuite obèrent désir éventuel et surtout liberté Naissance de la Femme ou du Crucifié (Sacrifices III). de les conserver. Il n’est qu’à lire les souvenirs de guerre livrés tardive- Car pour les œuvres dont on a la jouissance, le temps ment par André Masson pour comprendre que cette table est le cœur, et comme un filtre du désir, ou pour exclure rase définitive de l’ancien monde, aussi absurde que bes- ou pour confirmer l’adhésion première. Ainsi, certains tialement sanglante, a marqué d’une façon indélébile son dessins ont été achetés, revendus, souvent regrettés et être et son art, dramatique épisode dont ne témoigne pas parfois, des années plus tard, sont revenus, cette fois pour son art dans l’immédiat après-Grande Guerre, mais trau- entrer dans la « collection». matisme resurgissant déjà dans la thématique du milieu des années vingt, oiseaux blessés, chevaux morts, dans ainsi l’escarpin surréaliste de La mer se retire, planche les Sables (1927-1928) marqués de taches de sang, pre- XVII d’Anatomie de mon univers parti pour l’Amérique, nant toute la place dans les Massacres, contemporains des en a-t-il fait retour, ainsi La Naissance de la Femme, assez dessins et gravures de Sacrifices (ca.1933). Cette violence chérie, cédée en son temps par amitié à feu mon voisin de cauchemar, cette vengeresse dérision de ces valeurs de la rue du Dragon, le singulier marchand-poète Clarac- civilisées d’avant 14, au lieu de contenir, ont au contraire Sérou, a-t-elle pu réapparaître par la grâce d’une vente à habillé la tuerie et vont continuer ce travail sinistre Londres et cesser enfin d’avoir disparu ! et bientôt bénir les assassins en son ocre Espagne si charnellement aimée ! aucun esprit de système donc : des occasions, un goût se développant pour ces encres de Chine des années trente Mais la Nature, son observation si minutieuse, ses longs et quarante, pour les pages surtout de ces grands albums, après-midi passés à scruter le microcosme des insectes tracées pour ces Mythologies tant de la « Nature » que de dont il fait le sujet de vastes tableaux le ramènent aux l’« Être », pour cette Anatomie de mon univers, albums qui forces qui depuis des millénaires sauvent l’homme de lui- sont aussi comme des messages à lentement déchiffrer, même, à la Terre nourricière qui délie les puissances du dans le plaisir de leur mystère. Mythe, qui permet la magie du rêve, toujours pour André Masson mêlé d’une poussée de sève charnelle, affirmation Voici je crois ce qui m’a paradoxalement attiré dans du désir de vie. l’œuvre d’André Masson : le manque de facilité à l’aborder, non point tant par d’objectives difficultés qu’elle pourrait Il n’est qu’à regarder l’aquarelle intitulée Auvergne, présenter mais à cause de notre impréparation face à ce peinte à Freluc (Cantal), où le peintre et sa famille s’étaient qui l’inspire. Comme les artistes du passé plongés dans réfugiés lors de l’exode de 1940 pour y voir, au-delà du la tradition, et avec une conscience justement jalouse décor bucolique et apaisant de ces montagnes la cadence de leur « sécurité spatiale » irrémédiablement perdue, des cascades, la torsion des torrents […], la transfiguration de André Masson, tournant le dos de façon résolue aux toutes choses apportées par la brume. SOUS LE SIGNE DE BATAILLE MASSON • FAUTRIER • BELLMER

La transfiguration, c’est justement cette figure humaine chronologie nos dessins caraïbes de 1941 : Jungle, Mar- • 13 qui transparaît en manière d’Éole du chaos des rocs, ou tinique et Le Balisier où une Antillaise aux yeux en Ondine – petite déesse au panthéon surréaliste – du clos, vêtue seulement d’un fichu de coton, mêle sa touffe jaillissement des eaux : mythologies grecque ou germa- foisonnante aux lianes et feuillages d’une forêt tropicale, nique, réminiscences du classicisme comme du roman- où rampent d’étranges pistils bien membrés, tandis qu’une tisme allemand, culture dans la nature, nature dans la main végétale empoigne son sein. culture. Cette image d’Auvergne, une femme sans aucun doute, surgissant dans les hauteurs redevenues sau- Yves de Fontbrune vages de cette paisible province, précède de peu dans la

Georges Bataille, L’Anus solaire, 1931. Illustré de pointes sèches par André Masson. Vignettes d’après un bois d’André Derain représentant le monogramme HK placé entre deux grandes coquilles. Éditions de la galerie Simon, 29 bis, rue d’Astorg, Paris, 1931. In-4° (251 x 200 mm). Broché sous couverture en papier, imprimé en noir sur le frontispice. Trois pointes sèches en bistre (136 x 134, 136 x 109, 136 x 109) non signées. Impression : 25 novembre 1931. G. Girard, Paris, pour le texte et la typographie ; Charlot Frères, pour les gravures. Laurence Saphire, Patrick Cramer, André Masson. Catalogue raisonné des livres illustrés. Genève, Patrick Cramer, 1994, n° 7. L’Anus solaire. 1931. Exemplaire n° 38, signé au crayon encre : Georges Bataille. Collection Yves de Fontbrune. Page de couverture et page de titre. Disposition typographique adoptée pour prévenir l’intervention éventuelle du censeur ? La première de couverture est presque muette : seuls s’y affirment l’auteur et le titre du texte, (écrit en 1927). Sur la page titre, à l’intérieur, s’y ajoutent les noms de l’illustrateur et de l’éditeur. SOUS LE SIGNE DE BATAILLE MASSON • FAUTRIER • BELLMER

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andré Masson, Dessin automatique, 1927 Encre de Chine, 43 x 31 cm Monogrammé en bas à droite au crayon : A. M. Collection Yves de Fontbrune SOUS LE SIGNE DE BATAILLE MASSON • FAUTRIER • BELLMER

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andré Masson, Naissance de la femme, 1938 Encre de Chine, 28 x 38 cm Inscription en bas à droite à l’encre : La lampe file / La tête se décolle / Le phallus brille / Une femme est née (Novalis) Monogrammé à l’encre en bas à droite : A. M. Collection Yves de Fontbrune SOUS LE SIGNE DE BATAILLE MASSON • FAUTRIER • BELLMER

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andré Masson, Chimère, [1938] Encre sur papier bleu, 31,5 x 24 cm Signé à l’encre en bas à droite : André Masson Collection Yves de Fontbrune SOUS LE SIGNE DE BATAILLE MASSON • FAUTRIER • BELLMER

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André Masson, Estocade, 1937 Encre de Chine, 51 x 67 cm Signé en bas à droite : André Masson Collection Yves de Fontbrune

Dessin de référence pour Numancia, élément des décors et des figures par André Masson pour la tragédie de Cervantès, Numance, au Théâtre-Antoine, mise en scène de Jean-Louis Barrault, 22 avril-6 mai 1937, et pour la couver- ture du catalogue de l’exposition André Masson, Espagne 1934-1936, galerie Simon, 29 bis, rue d’Astorg, 7-19 décembre 1936. SOUS LE SIGNE DE BATAILLE MASSON • FAUTRIER • BELLMER

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andré Masson, Près des signes de feu, mai-juin 1938 Encre de Chine, 50 x 65,4 cm À la source de la femme aimée Titré au crayon en haut à gauche au verso : p. des signes de feu À la fois le piège et la proie Signé en haut à droite au verso : André Masson Juin 1938 Rejetée par la mer Collection Yves de Fontbrune Apporté par l’orage Pose la main sur la montagne 0nzième planche de Mythologie de la nature par André Masson (mai-juin Écoute la pluie nourrice des abeilles 1938), Cahiers d’art, n° 5-10, 1939, non paginé. Vois l’antre des Métamorphoses llustration de « Prestige d’André Masson » par André Breton dans André Il n’y a pas de monde achevé Masson, Rouen, achevé d’imprimer, le 5 avril 1940, p. 111. Sur les rives de l’ennui Il y a le charme et le chêne enlacés Près des signes de feu Se reflétant dans l’œil du marécage Assis dans ton jardin tu deviendras… Forêt.

Nomenclature sous le frontispice, établie par André Masson, in Cahiers d’art, n° 5-10, 1939, avec des précisions portées par l’éditeur. Pour la première planche : Coll. Dr Lacan ; pour la huitième : Coll. Mme L. Salacrou ; pour la douzième : Coll. Mme Mary Callery. SOUS LE SIGNE DE BATAILLE MASSON • FAUTRIER • BELLMER

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André Masson, La mer se retire, 1941 Encre de Chine, 50,5 x 64 cm [à vue] Signé daté en bas à droite : André Masson / 1941 Collection Yves de Fontbrune

André Masson, Anatomie de mon univers / Anatomy of my Universe. New York. Éditeur Curt Valentin, 1943, ch. IV : The Theme of Desire, planche 17 : The Sea Recedes. SOUS LE SIGNE DE BATAILLE MASSON • FAUTRIER • BELLMER

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André Masson, La Fraternité des règnes, 1940 Encre de Chine, 51 x 67 cm Signé en bas à gauche : André Masson Collection Yves de Fontbrune

André Masson, Anatomie de mon univers / Anatomy of my Universe. New York. Éditeur Curt Valentin, 1943, ch. I. : The Demon of Analogy, planche 1 : The Fraternity of the National Kingdoms. SOUS LE SIGNE DE BATAILLE MASSON • FAUTRIER • BELLMER

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André Masson, Dans le pur néant, à la cime de l’être, 1939 Encre de Chine : 62,5 x 47,5 cm Signé en bas à droite : André Masson André Masson, Mythology of Being. A Poem. New York, Wittenborn and Com- Titré au crayon en haut à gauche au verso pany, 1942. Eight pen and ink drawings and a frontispiece by André Masson. Collection Yves de Fontbrune Planche I : Dans le pur néant / à la cime de l’être. // In the Pure Void / On the Peak of Being (traduction anglaise par Eugène Iolas). SOUS LE SIGNE DE BATAILLE MASSON • FAUTRIER • BELLMER

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andré Masson, Auvergne, à Freluc, 1940 Aquarelle, 57,5 x 43 cm [à vue] Signé et daté en bas à droite au crayon : André Masson 1940 Collection Yves de Fontbrune

Mai 1940, Masson quittait Lyons-la-Forêt (Eure) pour se réfugier à Freluc (Cantal) dans la maison de Bataille. SOUS LE SIGNE DE BATAILLE MASSON • FAUTRIER • BELLMER

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andré Masson, La Nostalgie de la mer, 1940 Aquarelle, 47,5 x 62 cm Titré, signé et daté à l’encre en bas à gauche : La nostalgie de la mer / André Masson 1940 Collection Yves de Fontbrune SOUS LE SIGNE DE BATAILLE MASSON • FAUTRIER • BELLMER

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andré Masson, Le Langage des fleurs, 1941 Fusain, 44 x 31,5 cm Titré en haut à gauche au crayon : Le langage des fleurs Signé en bas à gauche au crayon : André Masson Verso : Nu féminin, pastel. Collection Yves de Fontbrune

Georges Bataille, Le Langage des fleurs (à propos des photographies de reste plus qu’une touffe d’aspect sordide. D’autres fleurs, il est vrai, présentent M. Bloosfeld), Documents, n° 3, 1929. p. 160-164 : […] D’autre part, les des étamines très développées, d’une élégance indéniable, mais, si l’on avait fleurs les plus belles sont déparées au centre par la tache velue des organes recours, une fois encore, au sens commun, il apparaîtrait que cette élégance sexués. C’est ainsi que l’intérieur d’une rose ne répond nullement à sa beauté est celle du diable : ainsi certaines orchidées grasses, plantes si louches qu’on extérieure, que si l’on arrache jusqu’au dernier les pétales de la corolle, il ne est tenté de leur attribuer les perversions humaines les plus troubles […]. SOUS LE SIGNE DE BATAILLE MASSON • FAUTRIER • BELLMER

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André Masson, Jungle, Martinique, 1941 Fusain, 64 x 48,5 cm [à vue] Signé en bas à gauche à l’encre : André Masson Collection Yves de Fontbrune SOUS LE SIGNE DE BATAILLE MASSON • FAUTRIER • BELLMER

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andré Masson, Forêt, Martinique, 1941 Encre de Chine, 58 x 45 cm Signé et daté en bas à droite : André Masson. / Martinique 1941 Collection Yves de Fontbrune

Fourrure arborescente de la terre éventrée éventail de désir élan de sève oui c’est la roue de lourde feuille dans l’air fruité. Interroge la sensitive elle répond non mais rouge au cœur de l’ombre vaginale règne la fleur charnelle du balisier – le sang s’est coagulé dans la fleur insigne. Lave spermatique il t’a nourri pétrissant le verre banal la main du feu l’irisait de mortelle nacre. La grande main caresse le sein du morne à moins qu’elle ne soit ta croupe Vénus Antille (1941), un des deux textes d’André Masson publiés dans André Breton, d’anthracite elle irrite le crin des palmes Soulève la plume des frondaisons et Martinique charmeuse de serpent, Paris, Éditions du Sagittaire, 1948. Ce recueil se glisse Sous la toison amoureuse de l’énorme Sylve. reproduit des dessins d’André Masson. SOUS LE SIGNE DE BATAILLE MASSON • FAUTRIER • BELLMER

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andré Masson, Le Balisier, 1941 Encre de Chine, 50 x 37,5 cm [à vue] Titré à l’encre en haut à droite : Le Balisier Signé et daté à l’encre en bas à droite : André Masson. 41 Collection Yves de Fontbrune

En mars-avril 1941, André Breton et André Masson passèrent trois semaines en Martinique. SOUS LE SIGNE DE BATAILLE MASSON • FAUTRIER • BELLMER

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© MUSÉE D’ART MODERNE / ROGER-VIOLLET Jean Fautrier, Buste aux seins, 1929 Bronze, 40 x 20 x 18,5 cm 6 ex. numérotés et signés. Fonte : GI. BI. ESSE, Vérone Don de l’artiste 1964. Musée d’Art moderne de la Ville de Paris, n° inv. : AMS 426 SOUS LE SIGNE DE BATAILLE MASSON • FAUTRIER • BELLMER

L’enlèvement de la Robe • 29

l y a quatre-vingt-dix ans, Fautrier exposait au Salon d’automne et Bataille devenait archi- viste-paléographe. Il y a quatre-vingt-dix ans était découverte à Lespugue la Vénus d’ivoire I qui transforma la préhistoire. Le primitivisme modifia les principes mêmes de l’École. Fautrier abandonna vers 1926 le naturalisme patent dans La Concierge endormie. On voit aussi dans cette exposition le Portrait de Fernande (1923), modèle de Montparnasse.

Il existait aussi en 1923-1924 de puissantes études de nu, dont on signala la « beauté bestiale ». Celle du Musée national d’art moderne caractérise les modèles les plus fréquents à cette époque par son épanouissement charnel. En revanche, la sanguine de dos est très simplifiée, sans bras ni jambe. Le dos peint, daté de 1925 exhibe des hanches bien envelop- pées évoquant les formes du quaternaire. Bataille parlera de stéatopygie « monstrueuse ». On comprend la réaction de Michel Ragon rendant visite à Fautrier en 1957, au lendemain de l’exposition des Nus de 1955 : […] les Nus de Fautrier sont exagérément nus, parce qu’ils ont principalement des seins et des bourrelets de chair (Fautrier, Éd. Le Musée de Poche, 1957, p. 33).

Depuis la Première Guerre mondiale, la représentation sans fard des « choses sexuelles » (G. Bataille, Histoire de l’œil, 1928) connaît un progrès persistant ; il n’est compromis qu’après l’armistice de 1918 – cheveux très courts, poitrine très plate –, puis l’instinct reprend ses droits : Sachez d’un coup toute la vérité, il y a des seins !, écrit Colette (Demain, août 1924). La sensualité disparaîtra, durant la Seconde Guerre mondiale, devant la férocité du désir auquel la femme convie désormais. Madame Edwarda de Bataille (édité en 1945) est une pros- tituée de haut vol ; elle exhibe ses « guenilles », parures de cette « araignée velue et rose » pour laquelle on fait tant.

L’excès de présence féminine s’est imposé chez Fautrier dès 1927 : en témoigne la brutale effigie présente à l’exposition. On en a aussi quelque idée avecLa Jolie Fille du musée d’Art moderne de la Ville de Paris, datée de 1928 ; grimaçante, les seins comme des outres et dis- symétriques, elle fut reproduite en juillet 1930 dans la revue Formes. Une autre érotisation et une platitude toute pariétale s’exhalent du Nu couché (Musée national d’art moderne) ; il est présenté comme un « fruit dans un plat », notait-on en 1931. La présentation manducatoire du Nu couché évoque l’introduction d’Histoire de l’œil où la jatte de lait destinée au chat sert à l’ablution intime de Simone. J’étais anxieux des choses sexuelles, dit le narrateur ; de ce simple aveu, il va tirer une véritable théorie : Il faut le système et il faut l’excès. L’exemple de la robe éclaire son intention : Je pense comme une fille enlève sa robe ; à l’extrémité de son mouvement la pensée est l’impudeur, l’obscénité même. La liaison se fait avec Fautrier, qui a dessiné et peint les femmes qui enlèvent leur robe, depuis les aquarelles sur la prostitution (1924) jusqu’aux études de 1925, moment où Andrée devint le modèle favori. SOUS LE SIGNE DE BATAILLE MASSON • FAUTRIER • BELLMER

30 • Les circonstances de la Seconde Guerre mondiale ont contribué à la rencontre du système et de l’excès. Bataille et Fautrier devaient suivre un chemin parallèle en 1955, quand Bataille publie Lascaux ou la Naissance de l’art (Éd. Skira) et que Fautrier retrouve de son côté le succès avec les dix-sept Nus (1945-1955) exposés en 1956 à la galerie Rive Droite ; ils sont souvent réduits à l’encorbellement de seins volumineux évoquant l’art du quaternaire. Il n’est plus besoin d’un décrit quelconque, l’excès seul suffit désormais.La peinture, à partir de là, avait le sens d’une possibilité ouverte allant, en un sens, plus loin que celle de la littérature (G. Bataille, Les Larmes d’Éros, Éditions Jean-Jacques Pauvert, 1961, p. 110).

Marcel-André Stalter

Bataille (Georges). L’Alleluiah. Catéchisme de Dianus. Paris, librairie Auguste Blaizot, 1947. 18 lithographies et 18 gravures en noir par Jean Fautrier, sur papier d’Auvergne pur chiffon. 92 exemplaires, 275 x 210 mm. Rainer Michael Mason, Jean Fautrier, les estampes. Genève-Paris, 1986, p. 73. La typographie est de Frazier-Soye et les lithographies ont été tirées sur les presses de Desjobert. L’artiste a dessiné 100 lettrines litho- graphiées en violet in-texte. Couverture et vignette de la page 37. SOUS LE SIGNE DE BATAILLE MASSON • FAUTRIER • BELLMER

Jean Fautrier et Cahiers d’art, Traces d’une fin de non-recevoir • 31

Par lettre en date du 18 juillet 1928, Zervos informait le docteur Justi, Je crois de mon devoir d’attirer l’attention de ce jeune peintre sur la voie dan- directeur de la Galerie nationale à Berlin, qu’il organisait pour octobre gereuse dans laquelle il s’est engagé. Il a encore beaucoup de temps et beau- une exposition à la Maison municipale de Prague de dix-huit jeunes coup de possibilités pour en sortir. peintres de Paris : sur la liste, il portait le nom de Fautrier entre Max Cahiers d’art, n° 8, 1928 : « Fautrier (galerie Georges Bernheim) », Ernst et Ghika. p. 354. Quand la galerie de France ouvrit au 2 rue de l’Abbaye, à Saint- Germain-des-Prés, Zervos, qui pensait en être le directeur artistique Peu après, E.Tériade, un collaborateur de Cahiers d’art chargé de pros- officieux, indiquait qu’elle était destinée àsoutenir les efforts des jeunes, pecter les jeunes artistes, montrait plus de réticence dans « On expose», de ceux tout au moins parmi eux qui semblent tracer le chemin de l’art de rubrique qu’il tenait dans le quotidien L’Intransigeant : On prépare ce jeune demain. Il citait Fautrier. peintre, il se prépare peut-être lui-même, notamment à dynamiter, dit-on, à décomposer, à détruire à jamais cette vieille pauvre petite chose qu’est pour Zervos lui consacra un complaisant compte rendu d’exposition : certains l’esprit de l’Occident. Ceux qui parlent de lui enseignent avec ferveur Fautrier est un jeune peintre qu’il ne faut pas condamner sur sa première qu’il émane de sa peinture des poisons dissolvants et destructeurs ! Atten- exposition, comme vient de le faire la dons. Car il faut encore pouvoir détruire grande presse du Petit Parisien à L’In- quelque chose et jusqu’à maintenant le transigeant. Jusqu’à présent, Fautrier peintre a, semble-t-il, chargé à blanc ses ne montre, en effet, que de petites engins de destruction. Quant aux poisons, possibilités et des manières dont il doit ils pourraient bien, d’un jour à l’autre, se débarrasser le plus tôt possible. Il lui donner des fâcheuses coliques pour le est très facile de se faire remarquer par moins excessivement personnelles. Mais une manière personnelle extérieure, Fautrier qui n’est pas sans talent expose mais cette manière ne saurait comp- ici quelques documents où il fait preuve ter dans l’œuvre d’un véritable artiste. d’une certaine santé mais bien dissimulée Ce qui intéresse en celui-ci, c’est pour les besoins de la cause. son esprit et les élans continus de son L’Intransigeant, 16 décembre 1929, âme qui lui font changer perpétuelle- p. 5 : « Fautrier (aux Quatre Chemins, ment sa manière. Or, Fautrier nous 22, rue Godot-de-Mauroy) ». présente toujours les mêmes recher- ches dans la même manière qui consiste En 1934, Fautrier cessait de peindre à estomper les choses et à leur don- et d’exposer. Il réapparut pendant ner non pas une signification nouvelle la guerre mais il pratiquait désor- mais simplement un aspect particulier mais un style elliptique qui devait le au moyen de certains procédés tech- conduire à l’informel. Il se rangeait niques qui ne sont ni nouveaux, ni sous la protection de Jean Paulhan intéressants. qui publiait Fautrier l’enragé, en deux Contrairement à certains jeunes pro- livraisons du magazine Variété, en diges, Fautrier semble d’un esprit plu- 1945-1946. tôt lent et qui s’attache trop à savoir ce que les autres ont pu faire. On a parlé, L’œuvre de Jean Fautrier (Paris, à propos de son exposition, des influences 1898 - Châtenay-Malabry, 1964) est de Soutine, de Vlaminck, de Seurat, représentée au musée Zervos par un de Carrière et de je ne sais qui encore. buvard, technique mixte sur papier Cela provient toujours de l’attachement marouflé sur toile, 50 x 65,4 cm, du peintre au côté extérieur de son art. 1960, Legs Zervos. MZ 71, un don Nous avons reproché aux surréalistes – resté invendu – pour une vente l’excès d’intellectualisme dans leur pein- aux enchères organisée par Yvonne ture. L’excès contraire est encore plus Zervos en faveur de , néfaste à la peinture. le 4 juillet 1963. C. D. Jean Fautrier, Le mouton pendu, 1926, huile sur toile, 130 x 80 cm, est l’une des sept photographies confiées à Zervos et restées inédites. Fonds Cahiers d’art. Bibliothèque Kandinsky, Centre Pompidou, Paris. SOUS LE SIGNE DE BATAILLE MASSON • FAUTRIER • BELLMER

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Jean Fautrier, La Concierge endormie, 1922 Huile sur toile, 46 x 38 cm Signé en haut à gauche : Fautrier Collection particulière

Fautrier. 1898-1964. Musée d’Art moderne de la Ville de Paris, 25 mai– 24 septembre 1989, n° 3. Réalistes des années 20. Musée-Galerie de la Seita, Paris, 1998. p. 54. SOUS LE SIGNE DE BATAILLE MASSON • FAUTRIER • BELLMER

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Jean Fautrier, Portrait de Fernande, vers 1922 Huile sur toile, 46 x 38 cm Signé en bas à gauche : Fautrier Collection particulière

Fautrier 1925. Musée des Beaux-Arts de Calais, 1986, n° 7. p. 23. SOUS LE SIGNE DE BATAILLE MASSON • FAUTRIER • BELLMER

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© CENTRE POMPIDOU, MNAM-CCI, DIST. RMN-GP / DROITS RÉSERVÉS Jean Fautrier, Sans titre [Nu féminin de face], vers 1924 Sanguine et pierre noire sur papier, 64,7 x 49,3 cm Signé en haut à droite : Fautrier Musée national d’art moderne, Centre Pompidou, Paris n° inv. : AM 1981-9

Réalistes des années 20. Musée-Galerie de la Seita, 1998. p. [60]. SOUS LE SIGNE DE BATAILLE MASSON • FAUTRIER • BELLMER

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Jean Fautrier, Sans titre [Nu féminin de dos], vers 1924 Sanguine et pierre noire sur papier, 70 x 47 cm Fautrier 1925. Musée des Beaux-Arts de Calais, 1985. p. 25. Collection Marcel-André Stalter Réalistes des années 20. Musée-Galerie de la Seita, 1998. p. [60]. SOUS LE SIGNE DE BATAILLE MASSON • FAUTRIER • BELLMER

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Jean Fautrier, Nu de dos, 1925 Huile sur toile, 35 x 26,5 cm Signé daté en bas à gauche en rouge : Fautrier Collection particulière

Réalistes des années 20. Musée-Galerie de la Seita, 1998, p. 61. SOUS LE SIGNE DE BATAILLE MASSON • FAUTRIER • BELLMER

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Jean Fautrier, Petit nu noir de face, [1926] Huile sur toile, 35 x 27 cm Signé en blanc en haut à droite : Fautrier Collection particulière, courtesy galerie Jean-François Cazeau, Paris SOUS LE SIGNE DE BATAILLE MASSON • FAUTRIER • BELLMER

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© MUSÉE D’ART MODERNE / ROGER-VIOLLET Jean Fautrier, La Jolie Fille, 1927 Huile sur toile, 92 x 60 cm Signé en haut à gauche : Fautrier Don de Fautrier 1964. Musée d’Art moderne de la Ville de Paris, n° inv. : AMVP 1488 SOUS LE SIGNE DE BATAILLE MASSON • FAUTRIER • BELLMER

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© CENTRE POMPIDOU, MNAM-CCI, DIST. RMN-GP / PHILIPPE MIGEAT Jean Fautrier, Nu féminin couché, 1929 Huile sur papier marouflé sur toile, 81 x 130 cm Musée national d’art moderne, Centre Pompidou, Paris, n° inv. : AM 1975-186 SOUS LE SIGNE DE BATAILLE MASSON • FAUTRIER • BELLMER

40 • Georges Bataille, L’Alleluiah. Catéchisme de Dianus. Paris, librairie Auguste Blaizot, 1947. 18 lithographies et 18 gravures en noir par Jean Fautrier, sur papier d’Auvergne pur chiffon. 92 exemplaires. 275 x 210 mm. Rainer Michael Mason, Jean Fautrier. Les estampes, Genève- Paris, 1986. p. 73. La typographie est de Frazier-Soye et les lithographies ont été tirées sur les presses de Desjobert. L’ar- tiste a dessiné 100 lettrines lithographiées en violet in-texte. Exemplaire enrichi de trois dessins de nu par Fautrier, le premier est monogrammé, en frontispice ; le deuxième, face à la page 41 ; le troisième, face à la page 59. Collection particulière.

Georges Bataille avait eu à se plaindre du peu d’égards qui lui avait été témoigné par l’éditeur du premier ouvrage en collaboration avec Jean Fautrier, Madame Edwarda. Mason cite une lettre de Bataille à Georges Blaizot datée de Vézelay, 9 novembre 1945 : J’avais accepté de n’avoir qu’un seul exem- plaire à cette condition : que je recevrais environ trois exemplaires non numérotés, formés à l’aide des feuille de passe les moins défectueuses. Vous nous avez présenté, à Fautrier et à moi, que cette façon de faire avait des inconvénients. Je n’ai pas insisté. Mais je m’aperçois maintenant que je n’ai même pas un exem- plaire pour moi (celui qui me sera remis est imprimé aux initiales de la personne à laquelle il est destiné). N’est-ce pas un peu dur ? Qu’en fut-il pour L’Alleluiah ?

Les dessins systématiquement ajoutés au livre illustré sont moins anodins, plus érotiques que les culs-de-lampe impri- més dans le texte. Sont-ils une gratification supplémentaire qui accompagne les hors-commerce, ou de véritables hors- texte à intégrer au travail d’illustrateur de Fautrier et simple- ment encartés pour être ôtés plus facilement, dans l’éventua- lité d’une menace d’hostilité de la part de la censure ? SOUS LE SIGNE DE BATAILLE MASSON • FAUTRIER • BELLMER

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Jean Fautrier, [Sans titre] quatre dessins, 1944 Encre et fusain, 30 x 35 cm Monogrammé et daté en bas à gauche : 44 Collection particulière

Jean Fautrier, exposition du 27 avril au 27 mai 2006. Galerie Di Meo, 9, rue des Beaux-Arts, Paris, p. 59. 63, 65, 67. SOUS LE SIGNE DE BATAILLE MASSON • FAUTRIER • BELLMER

42 •

Hans Bellmer, Le Monstre rouge, 1952 Huile sur toile et encre rouge, 63,5 x 63,5 cm Signé et daté en bas gauche : Bellmer 1952 Collection particulière SOUS LE SIGNE DE BATAILLE MASSON • FAUTRIER • BELLMER

Hans Bellmer et Georges Bataille, • 43 une collaboration éditoriale

ans Bellmer est essentiellement célébré pour les dessins et les photographies de La Poupée. Le corps y est sujet à toutes les expériences, comme en témoigne Rose H au cœur violet (ill. p. 45) dans lequel la jeune fille fouille dans ses entrailles à la recherche d’une réponse à sa propre constitution. Le titre se décline selon une multitude d’anagrammes inspirées de Gérard de Nerval : Ô toi couleuvre rose ; Se vouer à toi, ô cruel !, etc. Créature féminine aux jointures mobiles, La poupée se désarticule pour se recomposer selon des schémas anagrammatiques. Photographiée dans de multiples positions, elle sus- cite dès 1934 l’engouement de Paul Éluard qui écrit une série de poèmes en prose pour lui servir d’écrin. Les Jeux de la poupée devait être publié par Christian Zervos à Cahiers d’art à la rentrée de 1939 mais la guerre interrompit le projet, malgré les vives recommandations du poète. Dans une lettre inédite du 2 avril 1940 adressée du camp des Milles à Zervos, Bellmer insiste pour que la publication de cet utopique projet voie le jour, même s’il doit renoncer à l’intégralité des poèmes. La vérité, écrit-il, est cependant qu’un texte si comprimé ne survit que douloureusement des coupures ; car même les notes sont indispensables pour la solidité de cet édifice assez minutieux. Ne prenant pourtant pas ombrage de l’arrêt de la publication, Hans Bellmer réalise au même moment un portrait de pour une exposition projetée à la galerie de madame Zervos, rue Bonaparte.

après l’internement au camp des Milles, les années de clandestinité qui s’imposent à l’artiste allemand jusqu’en 1944 le confinent à travailler inlassablement les images les plus insolites et à s’adonner à la gravure en taille douce. Pour subvenir à ses besoins, il dessine (ill. p. 46) également les portraits de notables et d’amis avec la méticulosité d’un Dürer et l’expressivité d’un Baldung Grien. Il faut dire que la pratique du dessin réaliste est l’autre versant de son œuvre, qui fait écho aux images les plus désarticulées. Les visages sont précis et le dessin de l’œil donne souvent un regard froid et direct au modèle. Le réalisme affirmé de sa cousine Ursula Naguschewski (1953) appartient à cette typologie (ill. p. 53).

Malgré l’isolement, quelques collaborations éditoriales lui sont proposées, mais c’est surtout la réédition d’Histoire de l’œil qui fait l’objet de toutes ses attentions. Au début de l’année 1947, Hans Bellmer rencontre enfin Georges Bataille avec lequel il avait corres- pondu depuis presque deux ans pour mettre au point une nouvelle édition. Les six gravures érotiques entrent en résonance avec le sulfureux texte dont la police française n’hésitera pas à détruire la plus grande partie du tirage (ill. p. 51). Cependant, on peut noter à travers les dizaines d’études crayonnées sur des petits cahiers d’écolier que les deux univers se complètent pour sublimer les liens de fraternité d’Éros et de Thanatos sous le regard d’Hypnos. SOUS LE SIGNE DE BATAILLE MASSON • FAUTRIER • BELLMER

44 • une seconde collaboration en 1949 aura pour objet Justine ou les Malheurs de la vertu du marquis de Sade pour les Presses du Livre français. Bellmer ornera l’ouvrage d’un céphalo- pode sur papier rose en frontispice tandis que Georges Bataille en écrira la préface. Par la suite, la complicité des deux créateurs se confirmera dans l’illustration d’un livre érotique de Pierre Angélique (pseudonyme de Bataille), Madame Edwarda, qui ne paraît avec les douze cuivres de Hans Bellmer qu’en 1965 chez Visat, soit trois ans après la mort de l’écrivain et vingt-cinq ans après la première édition. Lorsqu’en 1955 Georges Bataille reprend le manuscrit de Madame Edwarda pour en faire l’édition corrigée, Bellmer s’adonne à des variations sur le thème des deux filles furtives dans l’escalier d’un lavabo qui ouvre le texte. Cela confirme le mobilier de la maison close (lavabo, miroir, lit, etc.) comme l’attribut des jeunes filles depuisHistoire de l’œil. La gémellité entre également au cœur d’un dispositif érotique de la surenchère et les dessins préparatoires qui sont élaborés sur plus de dix années appuient le leitmotiv du double et de la duplication des corps. Le dessin de 1957 Les Deux Sœurs (ill. p. 52), provenant de l’ancienne collection Julien Levy, en est un bel exemple. Le galeriste new-yorkais envisageait d’ailleurs de faire une exposition Bellmer à la fin de l’année 1940 mais le projet fut, lui aussi, stoppé par la guerre. Bataille et Bellmer ont donc partagé des univers semblables mêlant l’érotisme à la mort dans le même souci de créer une poétique de l’indicible et du sacré.

Fabrice Flahutez

Hans Bellmer, Sans titre, 1944 Crayon sur papier, 13 x 10 cm Inscription en bas à l’encre : Voici une esquisse d’un portrait scandaleusement interprété Signature en bas à droite à l’encre : Bellmer Collection Yves de Fontbrune

Bellmer, à propos de La Mineure et des Jeux de la Poupée. Hans Bellmer, lettre à Henri Parisot : Il faut expliquer à Bataille l’ambiance de l’ensemble (il ne s’agit pas de faire des textes pour tous mes dessins !). Mes dessins peuvent servir de « provocateur ». Tout est libre, mais le sujet est précis. Le sujet : l’ambiance scandaleusement et authentiquement imaginative et particulière de la mineure (entre 7 et 13 ans). Si par hasard Bataille serait en mesure et disposé à consacrer à ce sujet un enthousiasme, – oui, pourquoi ne serait-ce pas, en définitive, rien qu’un long texte de Bataille avec mes dessins ? […] deux choses sont importantes : d’abord, de récupérer des épreuves impeccables de toutes les photos en question pour les faire rephotographier ou pour les préparer à la reproduction et ensuite, de trouver un moyen de reproduction basé sur la photogravure – qui donnerait bien le caractère de la photo coloriée. Alde. Lettres et manuscrits autographes, hôtel Regina, Paris, jeudi 19 avril 2012, n° 7. La Mineure, référence à la revue Minotaure, n° 6, p. [30-31] « Poupée. Hans Bellmer. Variation sur le montage d’une mineure articulée ».

Hans Bellmer. Musée départemental Moulins albigeois, à Albi et musée Goya à Castres, mars 1992, p. 17. SOUS LE SIGNE DE BATAILLE MASSON • FAUTRIER • BELLMER

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Hans Bellmer, Rose ouverte la nuit, 1946 Crayon sur papier quadrillé, 8,8 cm x 14 cm Inscription en haut à gauche : à Sade Daté en bas à gauche : 7 juillet 46 Inscription en bas à droite : Revel Collection Yves de Fontbrune SOUS LE SIGNE DE BATAILLE MASSON • FAUTRIER • BELLMER

46 • Hans Bellmer, lettre à Henri Parisot : Lundi soir. Castres […]. J’avais laissé à Ricka la liste des dessins chez vous, avec l’indication des prix ! Je ne vous donne donc, ci-joint, encore une fois cette liste, avec des prix un peu plus bas. Quant à l’album, disons : 4 000 frs. La terreur est que je n’ai plus le sou ! Depuis ce matin. Vous pensez que ce n’est pas pour améliorer les termes infernaux où je vis avec ce gendarme à grands pieds qu’est « ma femme ». Vous pensez bien que je suis rentré de Paris plein de courage et de projets immédiats, plein de travail : mettre au point la préface (retrouvée par Hugnet) pour Les Jeux de la poupée. Mettre au point, suivant les indications du nouveau clicheur, les photos en couleurs. Puis l’Anatomie etc. – Puis, l’Histoire de l’œil. Eh bien, il ne me restera que d’aller (avec quelques sous dans la poche, que l’on me prêtera, j’espère) à Carcassonne, ce qui n’est pas drôle par ce froid, pour y essayer de faire quelques portraits. Jusqu’au moment où mon Dalí, à Paris, sera vendu, ou jusqu’à la vente d’un des dessins qui sont chez vous. J’aime autant revenir tout de suite à Paris, pour terminer les illustrations pour l’œil. Mais est-ce que je pourrais compter un peu sur lui, matériellement et est-ce que l’on pourra m’héberger de nouveau sans que je doive craindre de déranger terriblement. Écrivez-moi toujours à Castres, avant de partir, le cas donné je vous donnerais mon adresse télégraphiquement. Alde, Lettres et manuscrits autographes. Salle Rossini, Paris, vendredi 11 mars 2011, n° 5.

Hans Bellmer, Sans titre [Visage de jeune fille, de profil à gauche], [1934] Crayon et rehauts de gouache blanche, 32,5 x 25 cm Collection Marcel Fleiss

Hans Bellmer, Calendrier / Calendar, 2007. Galerie 1900-2000, Reproduit. SOUS LE SIGNE DE BATAILLE MASSON • FAUTRIER • BELLMER

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Hans Bellmer, Sans titre [Nu au lys, Nu à la feuille], ca. 1937 Encre, crayon, rehauts de gouache blanche, 30 x 23 cm Signé en bas à gauche : Bellmer Au verso (ci-contre en haut), à l’encre : Sans titre [deux fillettes] Collection particulière SOUS LE SIGNE DE BATAILLE MASSON • FAUTRIER • BELLMER

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Hans Bellmer, Sans titre, 1939 Crayon sur papier, 31 x 22,2 cm Signé et dédicacé en bas au centre : Hommage amical à Joyce Reeves Hs Bellmer Collection particulière SOUS LE SIGNE DE BATAILLE MASSON • FAUTRIER • BELLMER

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Hans Bellmer, Sans titre [variante du Petit traité de morale] Dessin au crayon sur papier quadrillé, 10,5 x 17 cm Signé en bas à droite : Bellmer En bas à gauche : un briquet pour pipe à opium Collection Yves de Fontbrune SOUS LE SIGNE DE BATAILLE MASSON • FAUTRIER • BELLMER

50 • Georges Bataille, lettre à Hans Bellmer, tapuscrit ou copie : 9 août 1945. J’aurais dû tout au moins vous écrire et depuis longtemps. J’ai été amené brus- quement à partir à la campagne où je suis installé. J’aurais bien voulu vous voir. J’envoie aujourd’hui à Simone Lamblin une liste des « scènes » à illustrer l’Histoire de l’œil. J’ai l’impression que le mieux serait une suite d’images toutes du même genre, derrière ou de- vant, photographiées de près, sans corps ni jambes. C’est ce qui me semble-t-il répondrait le mieux en même temps à l’esprit du livre et à ce que j’admire le plus dans vos photographies : si elles décèlent dans les formes ce que l’idée d’un corps (non ensemble) empêche d’aperce- voir (excusez cette pédanterie). Je me trompe peut-être… Vous rappelez-vous en dehors de cela le projet avec Chatté ? Ça devrait évidemment être une image du même genre, mais ce sera mieux si vous avez un autre sujet (pour éviter le rapprochement des deux livres). Est-ce trop compliqué ? En principe pour l’œil, le sexe le plus délicat et le plus discret (le plus jeune) vaudrait mieux. Pour la tombe, il serait pas mal au contraire d’accentuer les horribles replis. Artcurial. Livres et manuscrits modernes. 7, rond-point des Champs-Élysées, 75008 Paris, mercredi 16 mai 2012, n° 307 bis.

Hans Bellmer, Sans titre [dit La Cruche cassée], 1946 Encre sur papier, 25,7 x 19 cm Provenance Georges Hugnet Collection Marcel Fleiss

Hans Bellmer, Sans titre, (non daté) Dessin au crayon, 27 x 21 cm Signé en bas à droite : Bellmer Collection Marcel Fleiss

Georges Bataille à Hans Bellmer, lettre datée de Vézelay, le 1er avril 1946 : Vous n’imaginez pas les difficultés que j’ai avec les Gheerbrant pour de simples corrections d’épreuves. À propos des cuivres : il est vrai que je suis responsable du format. C’est en effet le format de la page agrandi d’environ 1 cm de chaque côté. Les eaux-fortes sans marges ne sont pas si rares en bibliophilie et elles sont faciles à distinguer des reproductions parce que le trait est en relief. Cela vous laisse en tout cas la liberté de donner aux images exactement la dimen- sion qui vous plaira dans les limites de la feuille. Il est bien en effet de s’en tenir au format du texte mais dans ce cas il faudrait que l’on vous envoie un feuillet indiquant la place qu’occupe le texte dans la hauteur. Alde, Lettres et manuscrits autographes. hôtel Regina, 2, place des Pyramides 75001 Paris, 6 octobre 2009, n° 181.

Le Trésor de Hans Bellmer par André Pierre de Mandiargues, Éd. Le Sphinx, Paris, 1979. p. 38. SOUS LE SIGNE DE BATAILLE MASSON • FAUTRIER • BELLMER

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Hans Bellmer, Sans titre, 9 mai 1946 Dessin pour la 1ère gravure d’Histoire de l’œil, de Georges Bataille Encre et crayon sur papier, 27,5 x 19,7 cm Signé en bas à droite : Bellmer Daté au verso : Mai 1946 Hans Bellmer, anatomie du désir. Gallimard / Centre Pompidou, sous la direction Collection Yves de Fontbrune d’Agnès de la Beaumelle, 2006. Repro. p. 159. Cat. n° 124. SOUS LE SIGNE DE BATAILLE MASSON • FAUTRIER • BELLMER

52 • Hans Bellmer, entretien : Sans être forcé de m’exiler je suis venu à Paris à titre de protestation contre le régime hitlérien, son réar- mement et ses conséquences prévisibles. Les contacts établis, d’abord à distance, avec les surréalistes fran- çais autour de 1935 m’ont donné l’occasion de quitter l’Allemagne. J’ai trouvé à Paris le contraire de ce que je venais de fuir : le lieu de rencontre de la pensée et de l’expres- sion d’une élite. Le fait d’y être amicalement admis marque certainement un des points positifs de ma vie. Au-delà de cet accomplissement premier et ses suites, j’ignore ce que mon travail aurait pu être sous un autre climat intellectuel, géographique, amical. L’influence intellectuelle et bien complexe de Paris sur moi pourrait être ramenée à ceci : l’encourage- ment perpétuel de pousser à l’extrême l’expression la plus intimement individuelle et, à la fois, le contrôle objectif maximal. Après une visite, il y a quatre ans, en Allemagne occi- Hans Bellmer, Les Deux Soeurs 1957 dentale, mon intention de ne pas retourner dans mon Crayon sur papier, 13 x 20,4 cm ex-pays est devenu définitive. Signé en bas à droite au crayon : Bellmer Bellmer (Allemand, arrivé en 1935) : « Le marché Daté en bas à gauche au crayon : 1957 de la peinture est commandé par New York », in Collection particulière Beaux-Arts, n° 659, 20 février-4 mars 1958.

Hans Bellmer, Sans titre, 1944 Crayon sur papier, 21 x 16,3 cm Signé et daté en bas à gauche au crayon : Bellmer 44 Dédicacé en bas à gauche au crayon : à Mme Jacqueline et Jean Brun ! Collection particulière Hans Bellmer, anatomie du désir. Gallimard / Centre Pompidou, sous la direction d’Agnès de la Beaumelle, 2006. Repro. p. 159. Cat. n° 111.

L’œuvre de Hans Bellmer (Katowice, 1902-Paris, 23 février 1975) est repré- sentée par trois dessins au musée Zervos : - Sans titre [Femme, 1939]. Dessin au crayon et élément d’enveloppe collé [Monsieur Hans Bellmer / centre de Rass[emblement] / Uzès / (Gard)], 27 x 19 cm. Legs Zervos. MZ 14 - Sans titre [Portrait d’homme], 1941. Crayon et rehauts de gouache blanche, 31 x 24,1 cm. Achat du Conseil Général de l’Yonne. MZ 807 - Sans titre [Petite fille, ca 1927]. Crayon noir, 31,1 x 23,6 cm. Don de Marcel Fleiss. MZ 826 SOUS LE SIGNE DE BATAILLE MASSON • FAUTRIER • BELLMER

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Hans Bellmer, Ursula Naguschewski, 1953 Crayon, rehauts de gouache blanche sur papier teinté, 29 x 24 cm Signé au crayon en bas à droite : Hans Bellmer Daté au crayon en bas à gauche : 1953 Collection particulière Hans Bellmer, Calendrier / Calendar, 2007. Galerie 1900-2000. Reproduit. SOUS LE SIGNE DE BATAILLE MASSON • FAUTRIER • BELLMER

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Fantaisies de William B. Seabrook, photographies originales très libres, restées longtemps sous le boisseau. Six épreuves gélatino-argentiques, 130 x 180 mm, mention manuscrite au verso d’une d’entre elles : Cette épreuve de m’a été remise par Georges Bataille, J. P. [Jacques Pimpaneau]. Ces photographies ne sont pas exposées.

Notice établie avec les informations communiquées gracieusement pose un dossier Bataille. Je vais le voir pour le projet et lui, ça me souffle par Serge Plantureux, sur une hypothétique commande photogra- encore aujourd’hui, me dit toute sa gratitude parce que le fait qu’une revue lui phique pour une revue incertaine et restée sans emploi par Georges consacre la couverture avait décidé Pauvert de publier un de ses textes. Je suis Bataille. allé le voir à Orléans où il était conservateur de la bibliothèque. Me sachant « William Seabrook, diabolist, fetishist and recreational cannibal, invited étudiant de chinois, Diane, sa femme, m’avait préparé un repas oriental et tous Ray to a dinner which didn’t feature, as was sometimes the case, Fri- deux m’avaient invité à rester la nuit chez eux. J’avais vingt et un ans. Je suis casse la Parisienne made with a real Parisienne, but a naked girl chained resté ami jusqu’à sa mort. to the stairs. Unblinking, Man snapped her, as he did a succession of Extrait de Livres, le 4 mars 2004. Pimpaneau, drôle de pékin. Interview. Seabrook’s other tableaux vivants. » (In Man Ray Laid Bare, Tate Britain Il fut le secrétaire de Dubuffet, l’ami de Bataille et de Klossowski. Ren- Magazine online, n° 3.) contre avec l’auteur d’Anthologie de la littérature chinoise classique par Sean Elle avait les mains liées derrière le dos et était attachée au pied de la rampe, James Rose. par un cadenas. Seabrook nous présenta une clef et m’informa que je ne devais libérer la fille qu’en cas d’urgence… Man Ray, Autoportrait, Paris, Ajoutons que Bataille citait Seabrook dans l’article « Abattoir », Docu- Éd. Seghers, 1986, p. 176. ments, n° 6, 1929, p. 329-334 : Il est curieux de voir s’exprimer en Amé- rique un regret lancinant : W. B. Seabrook constatant que la vie orgiaque a Jacques Pimpaneau : subsisté, mais que le sang des sacrifices n’est pas mêlé aux cocktails, trouve – Comment avez-vous rencontré Georges Bataille ? insipides les mœurs actuelles. Voir aussi Michel Leiris, « Caput Mortuum – Tout à fait par hasard. J’en avais entendu parler par Antelme et Des Forêts. ou la femme de l’alchimiste », Documents, n° 8, 1930, p. 21-26, illustré J’imaginais que ce devait être quelqu’un d’intéressant. Alors, lorsqu’une de de photographies érotiques, de femmes, le visage revêtu d’un masque mes connaissances me demande de l’aider à lancer sa nouvelle revue, je pro- de cuir conçu par Seabrook. C. D. SOUS LE SIGNE DE BATAILLE MASSON • FAUTRIER • BELLMER

59, rue Saint-Étienne, Vézelay (Yonne) • 55

Mars-octobre 1943 ès-Montagnes de son enfance auvergnate. Il y a rencontré Diane, ’homme qui, un jour de mars 1943, franchit le seuil de la maîtresse, compagne, puis épouse. Il y a connu André Costa, maison du 59 de la rue Saint-Étienne, à Vézelay, est un ami serviable et effacé. L inconnu. Il n’a publié que des livres sous le manteau (mais quels livres !) : Histoire de l’œil, Madame Tout a changé : guéri, Bataille n’est pas re- Edwarda. Dans les années trente, il a animé tourné à la Nationale car il entend désormais des revues (Documents, Acéphale) et des gagner sa vie grâce à sa plume. Il n’est plus groupes (Contre-Attaque, Collège de sociolo- sur la terrasse mais rivé à son bureau du pre- gie). Il s’est violemment opposé à Breton et au mier étage. Ici, il crée et dirige Critique, revue surréalisme. Dans le combat contre la mon- qu’il porte à bout de bras, dans des conditions tée des totalitarismes comme dans la dénon- difficiles, sans téléphone. Il en est à la fois le ciation de la faillite des démocraties, il a été directeur et le principal rédacteur. Il organise l’un des plus virulents. Avec la société secrète les sommaires, rédige de nombreux articles, Acéphale, il a joué à l’apprenti sorcier. Il a été établit le bilan d’Auschwitz et d’Hiroshima un scandale permanent. sous l’angle de « l’homme entier ». Il écrit Théorie de la religion, qui restera inédit, et La Tuberculeux, en congé de maladie de son Part maudite, livre d’« économie générale » poste aux périodiques à la Bibliothécaire qui n’a pas le succès escompté. Il dialogue nationale, il a loué pour l’année cette petite avec Breton, Camus, Char, Merleau-Ponty, maison à mi-pente. Je me propose une trêve Perroux, Sartre et acquiert un indéniable avec moi-même, écrit-il. Son programme est simple : M’étendre statut intellectuel. En 1948, la naissance de sa seconde fille, au soleil, à l’ombre, lire, un peu de vin […], des paysages brumeux, Julie, l’oblige à reprendre un poste de bibliothécaire. Nommé à ensoleillés, déserts, riants, écrire enfin, rédiger un livre. Il entend y Carpentras, il vit cela comme une défaite économique et un exil. terminer un ouvrage d’économie, mais il va être happé par le Mais il reviendra à Vézelay, ayant toujours loué la petite maison paysage. Modeste et froide, cette maison n’a qu’un luxe : sa ter- aux volets gris. rasse. Là, dans une chaise longue, un verre de vin à la main, son carnet de notes à proximité, Bataille poursuit son « expérience au cimetière, une dalle nue, piquetée de taches noires et intérieure ». de mousse : Georges Bataille, 1897-1962. Lui qui avait essayé de vivre à hauteur de mort retrouvait, un jour de juillet 1962, Sur cette terrasse, il se livre non pas à la transcendance du l’abjecte nature et la purulence de la vie anonyme, infinie, qui « haut lieu » mais à l’immanence, à la recherche de l’« illumi- s’étend comme la nuit. Commençait alors la lente découverte de nation », de l’extase dé-liée de Dieu et des églises. Il entend l’ampleur de son œuvre et du radicalisme de sa pensée. L’astre pratiquer « la nage dans les eaux du temps ». Il précise : Personne Bataille, soleil noir, commençait à briller. ne sait ce qu’est la nage. Les méthodes sont contraires à la nage : cha- cune d’elles la désapprend. Personne ne sait nager, nous ne pouvons Le cimetière domine toujours les collines, les forêts alentour. que nous laisser aller à la nage. Il veut être Oreste et laisser jouer Rien n’a vraiment changé. la chance. Au-dessus des remparts, suspendu entre terre et ciel, dans la nuit, il note : Le tapis de jeu est cette nuit étoilée où je tombe, Ma folie dans le bois règne en souveraine. Je mets le feu au bois. Les jeté comme le dé sur un champ de possibles éphémères. flammes du rire y pétillent.

Vézelay lui procure l’angoisse qu’il convertit en extase et le Christian Limousin rire dont il proclame la « divinité » dans la dernière partie du Coupable. À Vézelay, il rit beaucoup, il rit divinement, d’un rire majeur, d’un rire infini.Dans le rire infini la forme divine fond comme du sucre dans l’eau.

Mai 1945-mai 1949 Si Bataille est revenu à Vézelay, s’il s’est attaché à ce lieu, c’est qu’il y a noué des liens essentiels. Il a beaucoup reçu de Les citations sont extraites de Georges Bataille, Le Coupable, Paris, Éditions ce village rural et roman qui lui rappelle sans doute le Riom- Gallimard, 1944. SOUS LE SIGNE DE BATAILLE MASSON • FAUTRIER • BELLMER

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Acéphale, revue éphémère fondée par Georges Bataille, Pierre Klossows- Un placard publicitaire indiquait qu’Acéphale confiait à Guy Lévis ki et André Masson, prévue pour paraître quatre fois par an. Proposi- Mano, l’éditeur en chambre de la rue Huygens, le soin des cahiers d’une tion aléatoire : le premier numéro porte la date du 24 juin 1936 et le « collection Érotisme » qui prévoyait entre autres titres la diffusion pro- cinquième et dernier numéro paraît en juin 1939. Une réédition fac- chaine de Heinrich von Kleist Les Marionnettes, traduit par Flora Klee- similée, introduite par Michel Camus, « L’acéphalité ou la religion de la Palyi et Fernand Marc, et de Hans Bellmer, La Poupée. 10 photographies mort », a été publiée par les Éditions Jean-Michel Place à Paris en 1980. originales, traduit par Robert Valançay. Une seule plaquette parut : Michel Acéphale, n° 1, n° [2], n° 3-4. Collection Yves de Fontbrune. Leiris, Miroir de la tauromachie. Nouvelle série, cahier I « L’Érotisme ». Acéphale. Paris, GLM, 1938, in-12 broché, édition originale avec trois dessins d’André Masson. C. D. Couverture et un des trois dessins de Masson, reproduit en double page. Collection particulière. SOUS LE SIGNE DE BATAILLE MASSON • FAUTRIER • BELLMER

bataille et cahiers d’art, zervos et la censure • 57

n 1939 Bataille plaçait un texte en mal d’im- où il proposait la suite de photographies en couleurs illus- pression, Le Sacré, au sommaire du n° 1-4 de trées par des poèmes de Paul Éluard. Mais c’était en 1939 E Cahiers d’art, encadré par des contributions de et, malgré l’insistance de Bellmer, Zervos remit le projet Roger Caillois et de Claude Duthuit. En 1945, dans l’épais sine die. numéro Cahiers d’art, 1940-1944, qui marquait la renais- De la censure, Zervos devait en subir les mauvais tours là sance du magazine après son interruption pendant la où il s’y attendait le moins, de l’autre coté de l’Atlantique. guerre, il confiait à Zervos, sous le titre « À hauteur d’ami- À son débarquement le 29 mai 1941 à New York, Masson tié », les bonnes pages de Sur Nietzsche, à paraître aux Édi- avait dû sacrifier aux douaniers cinq grands dessins licen- tions Gallimard. Mais en 1946, tout à son projet de lancer cieux, Zervos, à Paris, ignorait tout de la déviance mora- une dernière revue, il déclinait par un mot adressé de Véze- liste américaine. En janvier 1947, cherchant à refaire ses lay, le 19 mars 1946, la possibilité de nouvelles contribu- finances, il avait édité à grands frais le fac-similé d’un car- tions : Je ferai mon possible pour vous envoyer un texte sur net que Picasso avait rempli de dessins à Royan en 1940. Blake avant le 10 avril. Mais je suis si embarrassé d’engage- Un des feuillets présentait un homme au pénis dressé luti- ments et si lent à écrire que je n’ose vous promettre absolu- nant sa partenaire dans l’ombre et les « customs » prirent ment. Le 28 juin 1946, il lui envoya de Vézelay quelques le parti de s’en effaroucher. Zervos réclama l’intervention lignes en hommage au peintre Paul Klee : J’ai beaucoup de ses amis new-yorkais, Curt Valentin, Frederik Kiesler, d’intérêt pour l’œuvre de Klee, l’un des peintres contemporains et chapitra son correspondant exclusif, Edward Weyhe, le qui m’ont le plus attaché. Je me suis toujours senti en accord 1er février 1948 : Quant à la question du dessin érotique, on avec un côté discret, insistant, obsédé vraiment nécessaire et ne devrait pas laisser passer mon Art en Grèce où il y a très silencieux de toutes ses compositions. Et je m’aperçois que j’ai, réalistement exprimées des scènes érotiques bien plus aiguës bien plus que je ne pensais, vécu dans une sorte d’intimité avec que dans le dessin de Picasso. Dans ce livre il y a des satyres des fantômes qu’il était agréable et pourtant un peu dangereux qui copulent avec des animaux, des scènes d’enlèvement et de d’aimer. Klee, me semble-t-il, avait plutôt la douceur d’un vice, viol, très crues. Regardez les grands détails que j’ai donnés quelque chose de moins distant que ne l’est généralement la dans ce livre des céramiques du VIe et du Ve siècles. Vous savez peinture, et que j’ai du mal à distinguer de moi-même. qu’il n’y a pas un ouvrage sur les peintures de Pompéi qui ne Zervos, lui, avait ménagé Bataille. Dans l’Exposition de fourmille de scènes érotiques autrement suggestives que celle peintures et sculptures contemporaines au palais des Papes de Picasso. Vous savez aussi que l’île de Délos est truffée de en Avignon durant l’été 1947, il présentait et reproduisait phallus énormes. Cela n’empêche pas les visiteurs américains au catalogue un plâtre récent, Buste de femme, du sculp- de fréquenter l’île. Une fois même j’y ai conduit la mère du teur : le modèle en était Diane, la com- Président Roosevelt et un groupe de dames américaines à qui pagne et la future épouse de Bataille. Mais d’anciennes le conservateur du musée a expliqué le rôle phallique dans la rivalités compliquaient leurs relations. Le succès de Docu- religion grecque. Elles n’avaient pas l’air choquées. Il faut que ments, revue de réflexion, avait déstabilisé, en 1929 et l’inspecteur des douanes distingue l’art érotique de la porno- 1930, Cahiers d’art, revue d’art commerciale. Bataille, graphie. Et je suis presque certain qu’il ne verra rien car nous, extrêmement actif dans la conception de Documents, y nous sommes habitués à lire le dessin de Picasso. Ceux qui ne le avait détourné les jeunes ethnologues groupés autour sont pas ne voient rien d’érotique. Je viens de faire l’expérience de Georges-Henri Rivière, sous-directeur du musée du sur des personnes d’ici et sur les trois personnes du consulat. Trocadéro, un vivier que Zervos considérait comme acquis. Personne ne prit le risque de l’aider à contourner le refus Bataille et ses amis Roger Caillois et Michel Leiris contri- catégorique opposé par les douaniers. Zervos s’entêta, ce buaient aux sommaires des revues Minotaure et Verve, qui précipita sa ruine sur son seul marché subsistant : d’E. Tériade, en compétition directe avec Zervos. En 1946, Cahiers d’art, revue et éditions, restèrent bloqués dans les la concurrence reprenait de plus belle, avec Critique. entrepôts de New York avant d’être réexpédiés au Havre, victimes du maccarthysme. Bataille et Zervos n’abordaient pas la censure de la même manière. L’un la provoquait, l’autre la redoutait et Christian Derouet en anticipait ses effets, comme le met en évidence Fabrice Flahutez. Cédant à Georges Hugnet, un de ses collabora- teurs, Zervos avait fait imprimer un luxueux bulletin de souscription pour Les Jeux de la poupée de Hans Bellmer, SOUS LE SIGNE DE BATAILLE MASSON • FAUTRIER • BELLMER

58 • Éléments biographiques de Georges Bataille (1897–1962) Extraits de la bibliographie des livres illustrés de Georges Bataille Le 10 septembre 1897, il naît à Billon (Puy-de-Dôme). • Lord Auch [Georges Bataille], Histoire de l’œil. Avec huit lithographies En novembre 1918, il est admis à l’École des chartes. originales par André Masson. Paris, 1928. De 1922 à 194, il devient bibliothécaire à la Bibliothèque nationale. • Georges Bataille, L’Anus solaire. Avec trois pointes sèches par André En 1936, il habite 76 bis, rue de Rennes à Paris. Masson, Éditions de la Galerie Simon. Paris, (1931). En 1941, il est atteint de tuberculose pulmonaire. En disponibilité en avril 1942 pour raisons médicales, il se fait réinsuffler un pneumothorax. • Georges Bataille, Sacrifices. Avec cinq eau-fortes en sanguine ou En mai 1943, Bataille s’installe au 59 de la rue Saint-Étienne, à Véze- en noir par André Masson. Paris, Éditions GLM (Guy Lévis Mano), lay avec sa fille et Denise Rollin. Sylvia Bataille, sa première épouse et 1936. prévoient de les rejoindre. Il publie avec Michel Leiris la • Pierre Angélique (Georges Bataille), Madame Edwarda. Nouvelle ver- seconde partie des Écrits de Laure : Histoire d’une petite fille. En octobre, sion revue par l’auteur et enrichie de trente gravures par Jean Perdu il rentre à Paris. [Jean Fautrier]. Paris, Chez le Solitaire (Auguste Blaizot), [1945]. En juin 1945, il revient à Vézelay avec Diane Kotchoubey de Beauhar- • Lord Auch [Georges Bataille], Histoire de l’œil. K éditeur, avec six eaux- nais, alias madame Snopko, rencontrée en 1943. Il y réside jusqu’en mai fortes de Hans Bellmer. Paris 1947 [Séville, 1940]. 1949. Par la suite, il y fait des séjours épisodiques. • Georges Bataille, L’Alleluiah. Catéchisme de Dianus. Avec dix-huit litho- En mai 1949, il est nommé conservateur en chef de la Bibliothèque graphies et dix-huit gravures par Jean Fautrier. Paris, librairie Auguste inguimbertine de Carpentras. Blaizot, 1947. En juin 1951, il est chargé de la Bibliothèque municipale d’Orléans. Le 17 mars 1961, une vente de solidarité au bénéfice de Georges Bataille • Georges Bataille, Histoire de rats (Journal de Dianus). Avec trois eaux- et de Pierre de Massot est dirigée par Me Maurice Rheims : Tableaux et fortes d’Alberto Giacometti. Paris, les Éditions de Minuit, 1947. sculptures modernes, Paris, hôtel Drouot. Le 9 juillet 1962, il meurt à Paris. Il est inhumé au cimetière de Vézelay. Extrait de la bibliographie de Georges Bataille Publiés pendant les séjours à Vézelay : • L’Expérience intérieure. Paris, Éditions Gallimard, 1943. • Le Coupable. Paris, Éditions Gallimard, 1944. • Sur Nietzsche, volonté de chance. Paris, Éditions Gallimard, 1945. • La Haine de la poésie. L’Orestie, Histoire de rats, Dianus. Paris, Éditions de Minuit, coll. Propositions, 1947. • « L’Art, exercice de cruauté », in L’Art et le Destin. Paris, Olivier Perrin, coll. Connaissance de l’Art, connaissance de l’Homme, 1949. • La Part maudite. La Consumation. Paris, Éditions de Minuit, coll. L’usage des richesses, 1949. Ayant trait à l’histoire de l’art : • Lascaux ou la Naissance de l’art. Genève, Édition d’art Albert Skira, coll. Les grands siècles de la peinture, 1955.

La pierre tombale de Georges Bataille dans le nouveau cimetière de • Manet . Genève, Édition d’art Albert Skira, coll. Le goût de notre temps, Vézelay, adossé à la muraille de la ville, derrière l’abside de la basilique 1955. • Les Larmes d’Éros, Bibliothèque internationale d’érotologie n° 6, d’après une maquette de Lo Duca. Paris, Éditions Jean-Jacques Pauvert, 1961. SOUS LE SIGNE DE BATAILLE MASSON • FAUTRIER • BELLMER

Éléments bibliographiques récents sur Bataille et son œuvre Éléments bibliographiques sur les peintres • 59 • Georges Bataille, Œuvres complètes, 12 tomes. Paris, Éditions Gallimard, André Masson (Balagny - Oise, 1896 - Paris, 1987) 1970-1988. • André Masson, textes de Jean-Louis Barrault, Georges Bataille, André • Acéphale , réédition fac-similée, préface par Michel Camus, « L’Acépha- Breton, , Paul Éluard, Armel Guerne, Pierre-Jean Jouve, lité ou la religion de la mort ». Paris, Éditions Jean-Michel Place, 1980. Madeleine Landsberg, Michel Leiris, , Benjamin • Documents, 1929 et 1930, réédition fac-similée, préface, «La valeur Péret. Rouen, imprimerie Wolf. Achevé d’imprimer, le 15 avril 1940. d’usage de l’impossible » par Denis Hollier. Paris, Éditions Jean-Michel • Jean-Paul Clébert, Mythologies d’André Masson. Genève, Éditions Pierre Place, 1991. Cailler, 1971. • Michel Surya, Georges Bataille, la mort à l’œuvre. Paris, Librairie Séguier, • André Masson. Les années surréalistes. Correspondance 1916-1942. 1987. Réédition Paris, Gallimard, 1992. Édition établie et présentée par Françoise Levaillant. Paris, La Manu- • Denis Hollier, La Prise de la Concorde / Les Dimanches de la vie / Essais sur facture, 1990. Georges Bataille. Paris, Éditions Gallimard, NRF, 1993. • Guite Masson, Martin Masson, Catherine Lower, André Masson. • Michel Surya, Georges Bataille, choix de lettres, 1917-1962. Paris, Édi- Catalogue raisonné de l’œuvre peint. Tome I (1919-1941) ; vol. I, 1919- tions Gallimard, 1997. 1929 ; vol. II, 1929-1946. Préface par Bernard Noël, texte principal, Dawn Ades. Vaumarcus (Suisse), Artcatos éditeur, 2010. • Georges Bataille, l’apprenti sorcier, Textes, lettres et documents (1932-1939). Rassemblés, présentés et annotés par Marina Galletti. Paris, Éditions • Camille Morando, André Masson. Biographie. Première partie, 1896- de la Différence, coll. Les essais, 1999. 1941. Vaumarcus (Suisse), Artcatos éditeur, 2010. • Bataille-Leiris, l’intenable assentiment au monde. Sous la direction de • Laurence Saphire, Patrick Cramer, André Masson. Catalogue raisonné des Francis Marmande. Paris, Éditions Belin, 1999. livres illustrés. Genève, Patrick Cramer, 1994. • Georges Bataille-Michel Leiris, Échanges de correspondances, Les iné- Jean Fautrier (Paris, 1898 - Châtenay-Malabry, 1964) dits de Doucet, édition établie et annotée par Louis Yvert, postface de • Marcel-André Stalter, Recherches sur la vie et l’œuvre de Jean Fautrier Bernard Noël. Paris, Éditions Gallimard, 2004. (1898-1964), de leurs commencements à 1940. Essai de catalogue métho- • Georges Bataille. Romans et récits. Édition établie par Denis Hollier, dique et d’interprétation, thèse de doctorat d’État (dactylographié), uni- Jean-François Louette, Paris, Éditions Gallimard, coll. Bibliothèque de versité de la Sorbonne, Paris IV, 1982. la Pléiade, 2004. • Rainer Michael Mason, Jean Fautrier, Les estampes. Cabinet des • William Blake, traduit et présenté par Georges Bataille. Éditions Fata Estampes, galerie tendances. Genève et Paris, 1986. Morgana. 2008. • Fautrier, 1898-1964. Musée d’Art moderne de la Ville de Paris, 25 mai- • Élisabeth Arnould-Bloomfield, Georges Bataille, la terreur et les lettres, 24 septembre 1989. perspectives. Lille-Villeneuve-d’Ascq, Presses universitaires Septen- trion, 2009. Hans Bellmer (Katowice, 1902 - Paris, 1975) • Bernard Noël. André Masson ou le Regard incarné, Éditions Fata • Fabrice Flahutez, Catalogue raisonné des estampes de Hans Bellmer : Morgana, 2011. 1938-1975. Paris, Nouvelles Éditions Doubleff, 1999. • Francis Marmande. Le Pur Bonheur Georges Bataille, Lignes, 2011. • Hans Bellmer, anatomie du désir, sous la direction d’Agnès de la Beaumelle. Gallimard et Centre Pompidou, 2006. • Hans Bellmer, Calendrier / Calendar. Paris, galerie 1900-2000, 2007. Expositions de référence

• Georges Bataille : une autre histoire de l’œil. Les Sables-d’Olonne, Cahiers Les auteurs de l’Abbaye Sainte-Croix, mars-juin 1991. • Masson et Bataille, à l’occasion du colloque « Bataille après tout », • Camille Morando, documentaliste principale des œuvres au Musée 27 et 28 novembre 1993, musée des Beaux-arts d’Orléans et national d’art moderne, Centre Pompidou Musée municipal de Tossa de Mar, 1993. • Yves de Fontbrune, collectionneur et donateur au Musée Zervos • Hors limite. L’Art et la vie, 1952-1994. Marseille et Paris, 1996. • Marcel-André Stalter, professeur émérite des Universités • Undercover Georges Bataille and Documents. Londres, • Fabrice Flahutez, maître de conférences à l’université Paris-Ouest, Hayward Gallery, 2006. Nanterre-La Défense • Traces du sacré. Centre Pompidou, Grande Galerie, 7 mai- • Christian Limousin, professeur honoraire de lettres 11 août 2008. • Christian Derouet, conservateur général honoraire du patrimoine SOUS LE SIGNE DE BATAILLE MASSON • FAUTRIER • BELLMER

60 • Table des matières Remerciements • Préface d’André Villiers, président du Conseil Général de l’Yonne...... 3 Nous remercions ceux qui ont apporté à la réalisation de cette expo- • Introduction, par Christian Derouet ...... 5 sition leur aimable collaboration : les ayants droit des artistes et des auteurs représentés : Julie Bataille, Guite Masson, Diego Masson et Lydie • Vers Acéphale et le Collège de sociologie : Bataille, Masson Masson-Angelopoulos, Dominique Fautrier, Manuelle Fautrier de et les dieux qui meurent, par Camille Morando...... 7 Galembert, Jacqueline Cousin, Doriane Bellmer et Béatrice Bellmer. • Collectionner les dessins de Masson, par Yves de Fontbrune...... 12 • L’enlèvement de la robe, par Marcel-André Stalter...... 29 L’exposition a bénéficié de prêts du Musée national d’art moderne, Centre Pompidou, grâce à Alfred Pacquement, Brigitte Léal, Olga Makhroff, • Hans Bellmer et Georges Bataille, une collaboration éditoriale, par Fabrice Flahutez...... 43 Émilie Choffel, du musée d’Art moderne de la Ville de Paris, grâce à Fabrice Hergott, Jacqueline Munck, de prêts de collectionneurs privés • 59, rue Saint-Étienne, Vézelay (Yonne), par Christian Limousin...... 55 et de précieuses informations, M. et Mme Hervé Lefevre, Jean-Jacques • Bataille et Cahiers d’art, Zervos et la censure, par Christian Derouet... 57 Plaisance, Nello Di Meo et Lydie Di Meo, Marcel Fleiss et David Fleiss, • Éléments bibliographiques...... 58 Franck Prazan, Jean-François Cazeau, Marcel-André Stalter. Notre reconnaissance s’adresse à Yves de Fontbrune pour la générosité du prêt de ses collections et de leur présentation et à Staffan Ahrenberg pour avoir gracieusement permis de reproduire des extraits de textes Cette exposition a été produite par le Conseil Général de l’Yonne. Mis- de Christian Zervos publiés dans Cahiers d’art, aux auteurs Camille sion pour les sites patrimoniaux. Morando, Marcel-André Stalter, Fabrice Flahutez, Christian Limousin Christian Derouet, conservateur général honoraire du patrimoine et pour leur implication dans ce projet, à Gisèle Caumont, Rodica Aldoux, conservateur du musée Zervos en a assuré le commissariat et dirigé la Laure de Buzon-Vallet, Isabelle Limousin, pour leurs expériences tech- publication. niques, à Benoît Dagron, Francis Guy et Adam Rzepka. Daniel Buisine, administrateur hors classe, responsable de la mission des sites patrimoniaux, et Pierrette Chêne, attachée principale, en ont Nous remercions ceux qui nous permettent chaque année de renouveler suivi la réalisation avec Jacqueline Cumont, l’équipe technique des par des prêts les accrochages du logis principal et de la Maison du Jardi- expositions de la direction culturelle du Conseil général de l’Yonne, et les nier : Annie Caubet, Michel Amandry et Marielle Pic de la Bibliothèque agents d’accueil et de surveillance du musée Zervos. nationale de France, Didier Schulmann et la Bibliothèque Kandinsky au Centre Pompidou, Gérald et Ève-Anne Poubelle, Annie Lançon et Conception graphique et affiche de l’exposition François Simon, Germain Brochet et Madame Grué-Brochet, ceux qui maintiennent des prêts à long terme, Patrick Bongers et la galerie André Belleguie. Louis Carré, Daniel Malingre et la fondation Hans Hartung et Anna- Eva Bergman, Jean-Pierre Duport et Michel Richard à la fondation Crédits photographiques Le Corbusier. Agence photographique de la Réunion des musée nationaux, La Pari- Nous tenons à associer à ces remerciements les personnalités qui veillent sienne de Photographie, Paris-Musées, galerie Jean-François Cazeau, ga- à l’enrichissement du musée Zervos et rendent possible l’acquisition lerie 1900-2000, galerie Di Meo, galerie Les Yeux fertiles, Adam Rzepka, du tableau de Louis Marcoussis, Papillon de nuit, présenté dans la salle Jacques Faujour, Christian Derouet. des années 1920 : Frédéric Mitterrand, ancien ministre de la Culture et de la Communication, Henri de Raincourt, ancien ministre, sénateur de l’Yonne et conseiller régional, Philippe Bélaval, directeur général Copyright des patrimoines, Marie-Christine Labourdette, directrice, chargée des © Adagp, Paris 2012. André Masson [couv. p. 1 , p. 2, 4, 6 (haut et musées de France, Pierre Provoyeur, sous-directeur de la politique des bas), 9, 10, 11 (haut et bas), 14, 15, 16, 17, 18, 19, 20, 21, 22, musées, Bruno Saunier, sous-directeur des collections, Bruno Chauffert- 23, 24, 25, 26, 27, 56 (haut et bas)] / Fautrier [(p. 28, 30, 31, 32, 33, 34, Yvart, directeur régional des Affaires culturelles en Bourgogne, Clara 35, 36, 37, 38, 39, 40 (haut et bas), 41 (haut et bas)] / Bellmer [(couv. Gelly, conseillère musée, Françoise Tenenbaum, vice-présidente de la p. 4 , p. 42, 44, 45, 46 (haut et bas), 47, 48, 49, 50 (haut et bas), 51, région Bourgogne, et François Delagoutte, et à adresser nos compliments 52 (haut et bas), 53)]. à Michel Zlotowski.

Achevé d’imprimer par Filigrane (Nitry, Yonne) Dépôt légal, 2e trimestre 2012 ISBN 2-912-660