LES CÔTES DE CORSE Impressions d’un séjour, l’hiver, dans l’île natale de Napoléon

Auteur MAYNARD OWEN WILLIAMS

Traduction française FLORENCE REVERSAT

CRDP de Corse Préface

A NATIONAL GEOGRAPHIC SOCIETY, qui se propose depuis sa L fondation en 1888 de développer et de diffuser les connaissances géographiques, a vite perçu l’intérêt des photographies et a su choisir pour son magazine des clichés de grande qualité, qui montrent aussi bien les lieux que ceux qui y habitent. Avec le temps, les photographies d’un vieux numéro du magazine, celles du reportage de 1923 sur la Corse par exemple, deviennent de précieux documents sur une époque, tout en donnant à voir ce qu’il y a de pérenne dans la silhouette d’une montagne enneigée au dessus d’une vallée ou dans les contours d’une colline qui s’enfonce dans la mer. Au-delà des évolutions de l’activité économique perceptibles dans les vêtements ou les instruments de travail, les visages traduisent des émotions qui nous sont familières, de sorte que les portraits se regardent comme un album de famille.

Le texte apporte ce que ces images ne peuvent donner, les couleurs et les senteurs, le bleu noir d’un golfe, le jaune d’une plage, l’arôme sucré des arbustes du maquis. L’auteur est un des plus célèbres reporters du National Geographic. Il sait observer et aime rendre compte de ses voyages avec simplicité, précision et une pointe d’humour. Il suppose que ses lecteurs s’intéressent au monde entier et il n’hésite pas à évoquer ici le Liban, là Hong Kong. Mais il est américain et s’adresse en priorité à ses compatriotes. Pour bien se faire comprendre, il illustre volontiers ses observations par des références aux Etats-Unis. La maison de Napoléon donne la même impression de beauté et de perfection que Mount Vernon, la demeure de George Washington. L’anguille vivante expédiée à Nice ou à Naples pour les fêtes de Noël y prend la même importance que la sauce de canneberges pour le repas de Thanskgiving. C’est donc le regard d’un Américain, qui n’oublie pas non plus la Grande Guerre et tous les jeunes Corses qui sont morts sur les champs de bataille français. Le CRDP de Corse propose ici le reportage original du National Geographic et sa traduction en français. Il rend ainsi accessible à tous un texte qui n’existait qu’en anglais. Les professeurs pourront y trouver des extraits qui éveilleront l’intérêt de leurs classes. Les élèves qui aimeraient découvrir le texte original mais redoutent une longue lecture en anglais pourront s’appuyer sur la traduction. Ils prendront progressivement goût à la lecture suivie an anglais, encore trop peu pratiquée, même au lycée. Peut-être auront-ils ensuite la curiosité de chercher à bien comprendre les références culturelles américaines et à connaître les écrivains anglais qui sont mentionnés pour leur intérêt pour la Corse comme Byron et Boswell. L’apprentissage des langues étrangères fait connaître l’autre de l’intérieur, cette publication donne l’occasion privilégiée de découvrir l’autre à partir de ce qu’il dit de nous.

FRANÇOIS MONNANTEUIL Doyen du groupe des langues de l’Inspection générale LE MAGAZINE DU NATIONAL GEOGRAPHIC

LES CÔTES DE CORSE Impressions d’un séjour, l’hiver, dans l’île natale de Napoléon Ouvrage publié avec le concours de la Collectivité territoriale de Corse

dans le cadre de la convention Région de Corse/CNDP (délibération n° 86/88 A.C. du 26 septembre 1986) Convention du 31 octobre 1986, modifiée par avenant du 7 juin 1988. Remerciements à :

Monsieur FRANCIS BERETTI, professeur des Universités ; Monsieur ALAIN PENS, relecteur ; Monsieur ALAIN PIAZZOLA, libraire - éditeur ; Monsieur ALAIN VENTURINI, Directeur des archives départementales de la Corse-du-Sud ; la bibliothèque universitaire de l’Université de Corse.

Selon le code de la propriété intellectuelle, toute représentation ou reproduction intégrale ou partielle faite sans le consentement du CRDP est illicite. Il en est de même pour la traduction, l’adaptation ou la transformation, l’arrangement ou la reproduction par un art ou un procédé quelconque. Cette reproduction ou représentation, par quelque procédé que ce soit, constituerait donc une contrefaçon sanctionnée par les articles 425 et suivants du Code pénal.

N° ISBN : 2 86 620 181 7 Dépôt légal : juin 2005 Vol. XLIV, NO. 3 WASHINGTON SEPTEMBRE, 1923

LE MAGAZINE DU NATIONAL GEOGRAPHIC

LES CÔTES DE CORSE

Impressions d’un séjour, l’hiver, dans l’île natale de Napoléon

PAR MAYNARD OWEN WILLIAMS

Correspondant du magazine de publication du National géographic

AUTEUR DE “ AT THE TOMB OF TUTANKHAMEN”, “TROUGH THE HEART OF HINDUSTAN”, “RUSSIA’S ORPHAN RACES”, “THE DESCENDANTS OF CONFUCIUS”, Etc., DANS LE MAGAZINE DU NATIONAL GEOGRAPHIQUE.

Traduction française FLORENCE REVERSAT Professeur certifié d’anglais Cité scolaire de Sartene

Préface FRANÇOIS MONNANTEUIL Doyen du groupe des langues de l’Inspection générale

SERVICES CULTURE ÉDITIONS RESSOURCES POUR L’ÉDUCATION NATIONALE CRDP CORSE

Édité par le Centre Régional de Documentation Pédagogique de Corse Préface

A NATIONAL GEOGRAPHIC SOCIETY, qui se propose depuis sa L fondation en 1888 de développer et de diffuser les connaissances géographiques, a vite perçu l’intérêt des photographies et a su choisir pour son magazine des clichés de grande qualité, qui montrent aussi bien les lieux que ceux qui y habitent. Avec le temps, les photographies d’un vieux numéro du magazine, celles du reportage de 1923 sur la Corse par exemple, deviennent de précieux documents sur une époque, tout en donnant à voir ce qu’il y a de pérenne dans la silhouette d’une montagne enneigée au dessus d’une vallée ou dans les contours d’une colline qui s’enfonce dans la mer. Au-delà des évolutions de l’activité économique perceptibles dans les vêtements ou les instruments de travail, les visages traduisent des émotions qui nous sont familières, de sorte que les portraits se regardent comme un album de famille.

Le texte apporte ce que ces images ne peuvent donner, les couleurs et les senteurs, le bleu noir d’un golfe, le jaune d’une plage, l’arôme sucré des arbustes du maquis. L’auteur est un des plus célèbres reporters du National Geographic. Il sait observer et aime rendre compte de ses voyages avec simplicité, précision et une pointe d’humour. Il suppose que ses lecteurs s’intéressent au monde entier et il n’hésite pas à évoquer ici le Liban, là Hong Kong. Mais il est américain et s’adresse en priorité à ses compatriotes. Pour bien se faire comprendre, il illustre volontiers ses observations par des références aux Etats-Unis. La maison de Napoléon donne la même impression de beauté et de perfection que Mount Vernon, la demeure de George Washington. L’anguille vivante expédiée à Nice ou à Naples pour les fêtes de Noël y prend la même importance que la sauce de canneberges pour le repas de Thanskgiving. C’est donc le regard d’un Américain, qui n’oublie pas non plus la Grande Guerre et tous les jeunes Corses qui sont morts sur les champs de bataille français. Le CRDP de Corse propose ici le reportage original du National Geographic et sa traduction en français. Il rend ainsi accessible à tous un texte qui n’existait qu’en anglais. Les professeurs pourront y trouver des extraits qui éveilleront l’intérêt de leurs classes. Les élèves qui aimeraient découvrir le texte original mais redoutent une longue lecture en anglais pourront s’appuyer sur la traduction. Ils prendront progressivement goût à la lecture suivie an anglais, encore trop peu pratiquée, même au lycée. Peut-être auront-ils ensuite la curiosité de chercher à bien comprendre les références culturelles américaines et à connaître les écrivains anglais qui sont mentionnés pour leur intérêt pour la Corse comme Byron et Boswell. L’apprentissage des langues étrangères fait connaître l’autre de l’intérieur, cette publication donne l’occasion privilégiée de découvrir l’autre à partir de ce qu’il dit de nous.

FRANÇOIS MONNANTEUIL Doyen du groupe des langues de l’Inspection générale Vol. XLIV, NO. 3 WASHINGTON SEPTEMBRE, 1923

LE MAGAZINE DU NATIONAL GEOGRAPHIC

LES CÔTES DE CORSE

Impressions d’un séjour, l’hiver, dans l’île natale de Napoléon

PAR MAYNARD OWEN WILLIAMS

Correspondant du magazine de publication du national géographic

AUTEUR DE “ AT THE TOMB OF TUTANKHAMEN”, “TROUGH THE HEART OF HINDUSTAN”, “RUSSIA’S ORPHAN RACES”, “THE DESCENDANTS OF CONFUCIUS”, Etc., DANS LE MAGAZINE DU NATIONAL GEOGRAPHIQUE.

I LA CORSE était une femme et de l’île dissimulée sous l’allure banale Snon une île, elle serait en butte à des gens, il y a un mystère, une de nombreuses tentations, parce ambivalence dans la façon d’être, qui qu’elle est très belle et très pauvre. Les tout d’abord échappe à l’observation et déchirures éparses de son manteau de qui plus tard se manifeste partout. Il n’y maquis parfumé révèlent ses rondeurs. a probablement pas d’autres endroits où Le délicieux parfum dont Napoléon se la généralisation ait d’aussi grande souvenait dans ses rêves est aussi subtil chance d’être vraie et fausse en même qu’insistant. temps. Submergée par des vagues et des On va en Corse comme l’a fait l’ami vagues d’Histoire et de conquêtes, siège de Boswell en espérant trouver en d’une race aux passions exacerbées, mais chaque bandit une menace. On y étrangère au crime crapuleux, cette île demeure pour rencontrer l’homme au parfumée, située au sud de la Côte fusil le moins romantique des mortels. d’Azur, offre une récompense sensible à Le héros de mélodrame a fait plus avec ceux qui quittent la bousculade et le l’éclat d’une cuillère en argent tenue à la luxe ostentatoire du continent pour manière d’un revolver que n’a fait le visiter le pays de la vendetta. Corse qui fanfaronne le plus quand il est La Corse, comme il y en a un sur armé jusqu’aux dents. Cependant les deux, est un pays de contrastes. Mais affrontements concernant les affaires plus qu’un autre c’est un pays de privées entre natifs de l’île sont encore paradoxes. Derrière la beauté frappante chose courante. 12 LE MAGAZINE DU NATIONAL GEOGRAPHIC

La Corse est un pays où les femmes Les ânes et les cochons se nourrissent circulent seules la nuit en toute sécurité, de châtaignes de si bonne qualité que où les gendarmes vont par paires le jour, peu de gens dans les pays les plus riches où il y a des centaines de ponts sans pourraient se les offrir et un enfant sur rivières au-dessous, où chacun attend du trois est sous-alimenté. Lorsque depuis le visiteur qu’il paye un tribut verbal à carnaval de Nice on repense à la Corse, « Kalliste » (La Plus Belle) et où peu on se languit de ce paradis au Sud, sont capables de nommer les montagnes naturel, préservé, rempli de paradoxes, si dans l’ombre desquelles ils sont nés ! peu confortable et pourtant au charme Le banditisme est toujours une irrésistible. Aussi peu trépidante que soit légende et le vol est abhorré. Les la vie menée en Corse, c’est la vraie vie. aubergistes se vantent des grandes choses A Nice elle est factice ; en Corse on la vit qu’ils feraient s’il y avait davantage de - et on la perd. touristes et ils négligent le peu qu’ils ont. C’est le soleil qui fait le charme du AU DÉPART DE MARSEILLE pays ; et la neige sa beauté et sa EN MER AU CRÉPUSCULE salubrité. Les routes sont encombrées par des chevaux, des mules et des ânes, Nous quittons Marseille au quelques uns d’entre eux sont chargés et crépuscule avec l’ombre de la grande l’automobile, même si le voyageur est cathédrale sur le port en pleine activité et seul, s’avère être le moyen de transport le le soleil titubant disparaît dans un moins onéreux. Il n’y a pas de mots pour flamboiement rougeâtre laissant au phare exprimer ce que sont les parfums du qui clignote la responsabilité du port. maquis et les odeurs de la rue. L’hélice se met à tourner, et nous nous Les animaux avec lesquels on vit sont faufilons hors du Bassin de la Joliette, en traités durement et les enfants, rarement route pour la Corse. à la maison, sont généralement autorisés Les dômes de la cathédrale byzantine à faire ce qu’ils veulent. L’existence est se fondent dans le dôme sombre du ciel. morne et la mort reste l’événement Le pont transbordeur comme un bras essentiel pour ces gens qui se dans la brume fait son chemin à travers cramponnent aussi fort à leurs jours ce qui semble être une Notre-Dame de la monotones qu’on le fait dans des pays Garde en réduction, en haut de sa colline plus heureux et moins beaux. aride. Au-delà des remparts du fort Les flancs des montagnes sont cultivés Saint-Jean, l’entrée du Vieux-port s’ouvre en terrasses avec un travail infini et les puis se referme derrière l’école de plaines les plus fertiles sont laissées médecine. incultes. La mer est partout mais il y a Sur notre droite, des îles noires se peu de marins. Aussi mauvais marins dessinent de plus en plus larges. Contre qu’ils soient, les Corses se targuent d’être le ciel couleur de henné, la lumière près parents avec Colomb et, combattants du Château d’If envoie ses signaux. indomptables, ils ignorent Napoléon. Des Marseille n’est plus à présent qu’une personnages sacrés dont l’effigie est masse informe éclairée ça et là de lueurs exposée sur bien des murs sont profanés vives qui finissent par se transformer en dans la bouche de la plupart des hommes. un rougeoiement terne comme celui LES CÔTES DE CORSE 13 d’un feu de forêt lointain. Un trois mâts « N’avons-nous pas un charmant climat passe en glissant devant la lune. à Ajaccio ? » Nous commençons à plonger dans Sous ma fenêtre les orangers étaient les vagues dont le bruit s’élève et meurt chargés. Les roses avaient commencé à sous notre proue. Sur notre gauche il y a perdre leurs pétales avant les rigueurs de l’étincelant collier de lumières qui court décembre. le long de la Corniche jusqu’à l’endroit Dans l’Europe d’après-guerre, où le mont Rose clôt la longue plage l’intérêt que présente la Corse est tout comme Diamond Head met fin à presque unique. Par rapport à ailleurs, la une courbe similaire à Waikiki. vie n’a subi que des changements légers. Le steamer est fait pour du transport Pas de nouvelles frontières pour les à petite vitesse et des passagers munis de populations, ni de changement dans la simples bagages. La cabine que nous forme du gouvernement ou la partagions à trois, cachot dépouillé et nationalité. Les petits gars de la sinistre, est située sous le niveau de la montagne corse se sont magnifiquement mer. La nourriture est correcte, la literie battus sur les champs de bataille français propre. Que peut-on demander de plus à et 40 000 d’entre eux sur une population un bateau qui nous amènera au lever du de moins de 300 000 ont donné leurs soleil dans le golfe d’Ajaccio, avec les Îles vies pour la « belle patrie » ; mais Sanguinaires – on n’ose pas dire les aucun traité de paix n’a affecté la vie « Bloody Islands » à cause des lecteurs interne du peuple corse. L’impôt sur la Britanniques – qui montent la garde sur la plus-value est inconnu des milliers de gauche et une grande ligne de montagnes personnes qui dépensant pour vivre un qui portent, sur leurs flancs, le vieux minimum d’effort ont toujours ignoré ce monastère de Chiavari à la vue sans que signifie capital et excédent. pareille et baignent leurs pieds dans le La migration vers les villes si bleu de la mer au sud et à l’est ? frappante ailleurs n’a que peu affecté la Corse. Les plus importantes de ses QUARANTE MILLE CORSES SONT industries n’emploient qu’une poignée MORTS EN PENDANT LA d’hommes. Dans l’intérieur, il y a GUERRE MONDIALE seulement trois villes qui ont une population de plus de 3 000 habitants et Le golfe d’Ajaccio ensorcelle le le millier d’habitants dont le voyageur. On peut presque y chercher le recensement crédite tel village se partage cône fumant du Vésuve puisque ces en réalité entre plusieurs hameaux mêmes eaux ont joué à cache-cache dans répertoriés sous un seul nom mais les grottes bleues de Capri. éparpillés sur les flancs des collines, ce L’hôtel confortable se dresse dans un qui révèle un goût pour l’indépendance immense jardin joliment arrangé à même dans les affaires urbaines. l’avant mais qui avec ses cactus, ses aloès En suivant la côte, on peut apercevoir et son maquis conserve à l’arrière son la plupart des villages les plus importants caractère sauvage. La patronne ouvre de l’Île et là, le vrai Corse qui méprise grand les fenêtres pour laisser entrer l’air ceux qui vivent dans ce qu’il appelle les parfumé et demande : villes surpeuplées, ne se voit plus. 14 LE MAGAZINE DU NATIONAL GÉOGRAPHIC

Photographie de A. H. Bumstead CARTE DES CÔTES DE CORSE LES CÔTES DE CORSE 15

IL MANQUE À LA CORSE Chinois, témoignent du fait que le LES COULEURS DE LA SARDAIGNE travail ne fait pas vraiment peur au Corse. Il y a chez lui un indiscutable sens Nulle part ailleurs la Nature ne règne de l’économie et de la prévoyance. autant sur ses sujets. Le peuple n’ajoute rien au décor. Assurément il ne lui porte LES GRECS ONT DONNÉ À LA CORSE aucun intérêt, que ce soit dans les LE NOM DE « LA PLUS BELLE » élégantes tenues des veuves du Cours Napoléon ou de la Place Saint-Nicolas Lorsque les Grecs, qui ne sont pas des ou dans le sombre vêtement et le fichu amateurs en matière de beauté, d’un noir verdâtre qui encadre les faces appelèrent la Corse « Kalliste » - la plus jaunes et ridées des vieilles femmes de belle - ils faisaient référence à ses côtes l’intérieur, costume qui jamais ne s’évase déchiquetées où les rochers rouge sang à l’avant avec une couleur chatoyante plongent profondément dans la mer, où comme cela se fait en Sardaigne*, en une douce brume communique Inde ou sur la côte Dalmate. Les successivement son charme aux larges hommes portent des costumes en velours plaines, aux vallées des hautes montagnes côtelé marron ; parfois leurs ceintures jusqu’aux lointains sommets couverts de sont suffisamment larges et d’une neige tout opalescents sous le doux éclat couleur suffisamment éclatante pour du lever du jour, où les cascades ajouter du piment au tableau. déversent leurs flots de perles contre des Mais les Corses sont des gens falaises rocheuses aussi noires que modestes. Ils s’effacent volontiers devant l’ébène. le paysage, disant que le pays est si beau La Corse est intéressante parce que qu’il n’a besoin d’aucun costume c’est la Corse. Avec tout son manque de polychrome pour le rendre attractif. Et confort, l’île paresseuse vaut la peine quand on voit la médiocre réussite avec d’être visitée parce qu’elle est paresseuse. laquelle les gens de la ville portent des De tels endroits non défigurés sont couleurs, on se réconcilie vite avec le tellement rares dans le monde moderne sombre costume qui ressort si peu sur la que l’on peut bien tolérer de petits beauté du pays lui-même. inconvénients pour le plaisir de Le Corse est à la France ce que le connaître un peuple qui a été peu affecté Géorgien était à la Russie. Il n’est pas par le modernisme. paresseux de nature ; mais il déteste l’idée d’être assujetti à un homme, à un moment AJACCIO, ou à une saison. Il préférerait être un VILLE NATALE DE NAPOLÉON pauvre gentilhomme plutôt qu’un riche serviteur. Ajaccio fut fondée par les Génois, D’innombrables petites terrasses où cette même année où un de leurs poussent les récoltes, au prix d’un travail citoyens découvrit l’Amérique après avoir pénible, comme on en trouve chez les poursuivi un rêve à travers les mers Ifugaos des Philippines ou chez les déchaînées. Gênes ne comprit pas à *Voir « L’Ile de Sardaigne et Son Peuple », par Guido l’époque lequel des deux événements Costa, dans le magazine du NATIONAL était le plus important. GEOGRAPHIC de Janvier 1923. 16 LE MAGAZINE DU NATIONAL GÉOGRAPHIC

Photographie de Maynard Owen Williams

Ajaccio vue d’en haut « La verte colline qui sert de toile de fond à un Ajaccio rose et crème, donne à la ville une forme de Y ». LES CÔTES DE CORSE 17

En 1811, Napoléon, qui était né là est né dans cette maison le 15 août 42 ans plus tôt, en fit la capitale de la 1769 ». Les gens l’appellent une maison à Corse parce que sa mère, Laetizia trois étages puisqu’en Corse l’étage Ramolino Bonaparte, le désirait. C’est inférieur, qui peut être laissé à des peut-être pour cette raison, autant que boutiques ou à des écuries, ne compte pour le fait d’avoir honoré la ville en y pas. naissant, qu’Ajaccio est la seule, parmi les villes de Corse, qui vote encore DANS LA PIÈCE OÙ NAPOLÉON EST NÉ Bonapartiste. Ajaccio est la ville natale de L’intérieur, comme beaucoup Napoléon. On ne doit jamais l’oublier. d’intérieurs en Palestine, est une entrave Mais il a fait à la Corse le grand à l’imagination plutôt qu’une aide. Le déshonneur de quitter ses côtes et peu de mobilier a l’air perdu dans des pièces Corses semblent s’intéresser à Napoléon. dépouillées comme si, après la vie intime Aujourd’hui, Napoléon est à la Corse ce qu’il avait connue, il avait été oublié que le Fuji-Yama est au Japon et le même par l’homme d’entretien qui Capitole à Washington – une sorte de habite en face et qui rentre seulement marque de fabrique du lieu avec des dans les salles froides quand la curiosité souvenirs de toutes sortes représentant d’un étranger promet une pièce. Il y a le son portrait et des cartes postales lit dans lequel Napoléon est né, la chaise représentant sa maison de la rue Saint dans laquelle sa merveilleuse mère fut Charles et ses batailles à travers la moitié amenée à la cathédrale avec le génie qui du monde. se battait pour naître. Mais la très forte Officiellement Ajaccio a bien agi impression que laisse le spectacle de la envers son fils renommé. Le boulevard Casa Napoléon est la même que celle de la ville est le Cours Napoléon. Le que laisse le mont Vernon par sa beauté visiteur qui arrive par la mer accoste sur et sa perfection. le quai Napoléon. Il y a la rue du Roi de Ajaccio a deux statues de son héros, Rome et la rue Napoléon. Il y a la place aucune n’est très belle, mais les deux du Premier Consul, la Casa Napoléon, la échappent à l’idée qui n’est pas – Grotte Napoléon, Le Café Napoléon et entièrement – prussienne de représenter le Cinéma Napoléon. Les gens lui font le grand génie militaire en uniforme. cette concession de fumer des cigarettes Sur la place des Palmiers, la statue Petit Caporal. montre le Consul comme un dieu des La maison de Napoléon est bâtie eaux, plutôt émacié, se tenant debout au comme une caserne, sur laquelle on milieu de quatre lions tout en bois. n’aurait pas pu avoir de perspective La statue de la place du Diamant est d’ensemble si la destruction de deux beaucoup mieux. Cependant quelques maisons opposées n’avait rendu possible la plaisantins l’ont depuis longtemps petite place Laetizia d’où l’on peut voir la appelée « l’encrier ». L’histoire dit que le hauteur des quatre étages, les trois étages sculpteur s’est suicidé parce qu’il n’a pas supérieurs marqués par dix–huit fenêtres réussi à mettre un fer à cheval sur le régulières ainsi que les armoiries de la pied libre du coursier que chevauche famille et la plaque disant « Napoléon Ier Napoléon, en costume d’empereur 18 LE MAGAZINE DU NATIONAL GÉOGRAPHIC

Photographie de Clifton Adams

Un passage couvert dans la capitale de la Corse Dans les quartiers populeux des plus grandes villes de Corse il y a entre les maisons des passages couverts qui font communiquer entre elles les ruelles tortueuses. Il s’agit ici d’un passage de la place du marché à Ajaccio. LES CÔTES DE CORSE 19 romain, tenant un globe terrestre où le Les gens de l’extérieur vous diront mot victoire est en équilibre. que l’Ajaccien est paresseux. Et il l’est. Aux quatre coins du socle se trouvent On n’a jamais entendu parler d’une les quatre frères de Napoléon en costume horloge à Ajaccio et s’il y en avait une, de licteurs. Les personnages sont l’œuvre elle ne serait jamais remontée. Tant qu’il de quatre sculpteurs différents et le socle y a du soleil, il y a du monde pour de granit rouge provient de la falaise l’apprécier. d’Appietto qui, derrière Ajaccio, s’élève Les garçons jouent aux billes, au au dessus de la plaine. Comme si cette lancer de pièces, ou donnent un coup de table ornementale avait besoin d’être pied dans tout ce qui, avec un effort flanquée d’une paire de calendriers, il y a d’imagination, pourrait ressembler à un deux plaques de ses victoires, au bas ballon. Des petites filles, les bras remplis desquelles sur les bancs qui entourent la de balles en caoutchouc de diverses statue, les hommes âgés s’assoient et les tailles, en gardent trois qu’elles font enfants jouent au cheval. rebondir d’un coup contre mur et Bastia a la seule autre statue de trottoir, en faisant claquer plusieurs fois Napoléon que j’ai vue en Corse et là leurs mains derrière le dos pour montrer aussi il est représenté en robe flottante. que le loisir n’est pas forcément Ces statues manquent peut-être d’une synonyme de nonchalance. La jeunesse touche de Michel-Ange mais les deux corse vibre d’énergie et déborde dernières ont de la vigueur et donnent de d’entrain. Il est évident qu’il faut de Napoléon une image assez peu courante. l’entraînement et de l’âge pour s’adapter Les statues en toge qui sont en Corse, à des divertissements plus tranquilles. apportent un véritable soulagement à Jeunes gens et jeunes filles vont et ceux qui, d’instinct, se représentent viennent – tous bien mis et bien élevés – l’auteur des meilleures réflexions sur les avec des livres d’école au bras. En dépit pyramides comme un soldat de piètre de tout ce temps perdu, les nombreuses stature, essayant toujours, en pressant écoles d’Ajaccio sont remplies et les quelque ressort caché sous le troisième élèves assoiffés de savoir. bouton de son manteau, de faire La place du Diamant, recouverte de disparaître sa tête grotesque, avec son graviers, est toujours pleine de gens dont chapeau transversal, entre ses épaules la conversation, qu’elle se fasse en voûtées. français, en italien ou en corse, est accompagnée à coup sûr de beaucoup de LA VIE DANS LES RUES D’AJACCIO mouvements de poignet. Une des premières choses qu’un chauffeur corse Mais en dehors de Napoléon, Ajaccio doit apprendre est de jurer avec efficacité vaut la peine d’être connue. C’est un sans précipiter sa voiture contre les endroit où l’on peut rêver, se gorger de charrettes encombrantes qui attendent le soleil et s’abîmer paresseusement pendant dernier moment pour faire tourner leur des heures dans la contemplation de la interminable chargement dans les rues montagne, de la plaine et de la mer. Son étroites. climat est celui que l’on associe aux Un peu plus bas à gauche, près du oranges et aux roses de Noël. mur qui borde le rivage, se trouve 20 LE MAGAZINE DU NATIONAL GÉOGRAPHIC

Photographie de Clifton Adams

Où les ménagères peuvent louer des baquets pour 4 sous par jour Dans les plus grandes villes de Corse, les lavoirs municipaux disposent d’eau courante et tous les jours de la semaine s’y presse un groupe de femmes affairées. LES CÔTES DE CORSE 21 l’endroit ensoleillé où se tiennent les sait que le temps c’est de l’argent et il n’a vieux messieurs. Les grand-mères aucun désir de l’amasser ou de le semblent toujours avoir une descendance multiplier. Le fait qu’il ne s’intéresse qui commence à trotter et dont les guère à l’esthétique et à la beauté du premiers pas dans la vie requièrent paysage est exactement du même ordre l’attention. Mais pour les hommes âgés, que le fait que les fleurs fleurissent au les enfants sont simplement une printemps, voilà, cela ne le concerne pas. distraction temporaire. Le soleil lui chauffe le cœur et c’est plein Pendant les courtes récréations de de joie qu’il l’accueille. l’école catholique, de longues queues Ajaccio est à califourchon sur le d’enfants bruyants remplissent la rue qui Monte Salario, d’où on a tiré la pierre va jusqu’aux anciens bastions, dont le pour la construction de ses belles seul ennemi est la mer. Mais appuyé au demeures, et regarde vers une couronne mur qui renvoie sa chaleur sur les dos de montagnes qui s’étire de l’est au sud. courbés par l’âge, il y a un groupe Le joyau étincelant de ce petit cercle attendrissant d’hommes âgés, aux beaux montagneux est le Monte d’Oro, 7845 visages, qui se réchauffe en parlant pieds de haut et couvert de neige une politique. grande partie de l’année. La verte colline, Juste au coin, une douzaine de qui sert de toile de fond à un Ajaccio femmes et de filles, aux pieds engourdis rose et crème, donne à la ville une forme par le froid et humides malgré leurs de Y aux longs et larges bras et à la base épaisses chaussettes de laine et leurs courte et épaisse où se dresse la vieille sabots, lavent leur linge dans des baquets citadelle. fixes pour lesquels elles payent 4 sous par Le bras droit du Y est le Cours jour. Napoléon qui file presque directement vers le nord et d’artère citadine devient AUCUNE TRACE ICI DE LA DURETE DE LA VIE route nationale près de la gare. L’autre bras, le cours Grandval, va vers le sud- L’Ajaccien est paresseux. Mais qui ouest et s’achève à la Place du Casone, parmi nous a le droit de jeter la première terre en friche de l’autre côté de laquelle pierre ? Au Britannique en visite, fusil et deux rochers dont les sommets se chien servent de prétexte à vagabonder. touchent forment la Grotte Napoléon La moderne Miss Nevils, l’hiver à dans laquelle on dit que le jeune génie Ajaccio où l’on ne voit qu’elle, dessine venait étudier. des croquis destinés ou non à décorer un L’histoire, ici, a peu de chance de se mur, mais qui lui servent d’excuse pour répéter puisque le vacarme du football, si s’asseoir et siroter une boisson en apprécié de la jeunesse corse, s’entend à profitant de la beauté des lieux. toute heure sur la place et la grotte a été C’est vrai le Britannique est en incorporée dans un authentique jardin vacances. Et c’est là sa façon de montrer public. Le 5 mai 1921, le Maréchal qu’il fait ce qu’il veut. Et l’Ajaccien ne Franchet d’Esperey posa ici la première fait pas autre chose en passant des heures pierre du troisième monument ajaccien agréables dans des paysages agréables. Il de son fils le plus distingué. 22 LE MAGAZINE DU NATIONAL GÉOGRAPHIC

Photographie de Maynard Owen Williams

Fabrication de nasses à langoustes avec des tiges de myrte : Ajaccio LES CÔTES DE CORSE 23

LE BRODWAY ET sont généralement des marchandes avec LA CINQUIEME AVENUE D’AJACCIO une clientèle essentiellement féminine. Chaque matin sont dressés des deux Au-dessous du cours Napoléon, qui côtés du petit parc, de petits stands qui est le Brodway d’Ajaccio, il y a les deux sont des étals de boucher avec comme zones portuaires dont les larges quais principaux produits des gigots d’agneau sont toujours le centre d’une activité et de chevreau. intéressante sinon fiévreuse. Ici, les Entre le cours Napoléon et les quais, pêcheurs étalent leurs filets pour les il y a des ruelles sales où le linge est réparer. Là, ils font bouillir leurs étendu à la façon des ruelles solutions de tannage dans des chaudrons cosmopolites, où les écuries échappent sans couvercle dans lesquels les filets sont au regard mais pas à l’odorat et où des régulièrement trempés pour les préserver. ânes gris souris croquent des châtaignes Là-bas, sur des plaques de marbre, ils d’une façon telle qu’à côté un festin laissent tomber du plomb fondu qui, d’épis de maïs semble silencieux, et qui lorsqu’il refroidit, est plié entre les doigts doit certainement faire augmenter le pour former des plombs destinés aux prix des marrons glacés de Paris aux filets. De petits poulpes sont coupés en Prairies du Minnesota. morceaux, pour servir d’appâts aux lignes Même la ruelle dans laquelle se dresse soigneusement enroulées dans des la maison de Napoléon est une ruelle paniers bas sur les bords desquels sont malpropre. Lorsqu’à St.Hélène, le grand piqués des cercles brillants d’hameçons à général disait que, les yeux fermés, il la pointe aiguisée. reconnaîtrait son pays natal à son odeur, À minuit les pêcheurs sortent dans le ce n’était pas à sa rue natale qu’il faisait golfe d’Ajaccio et dépassent souvent les allusion. L’odeur est la même qu’à îles Sanguinaires. Vers 2 ou 3 heures de Jérusalem ou à Damas. l’après-midi qui suit, ils rentrent les Le Cours Grandval est la Cinquième mains vides ou bien chargées selon leur Avenue de cette ville de 22 000 habitants chance. et au-dessous se trouve le Boulevard Lantivy, l’avenue du bord de mer, lieu de EN CORSE LE VOL N’EST PAS promenade de la haute société. Son À CRAINDRE prolongement mène à la tour génoise en retrait des îles Sanguinaires, une route Voici les docks des vapeurs de l’Île de sept miles, pleine de charme avec qui éparpillent leurs cargaisons en plein oliveraies, orangeraies et maquis au nord air sur le quai parce que la pluie est peu et, de l’autre côté, le Golfe toujours aussi fréquente et que quelques bâches fascinant dont les vagues se brisent suffisent amplement pour protéger les presque sur la route. objets de valeur laissés à l’extérieur, dans Toute la beauté à laquelle donnent ce pays de la vendetta où l’expéditeur a lieu les collines verdoyantes et la vue des davantage à craindre des officiers de la montagnes lointaines, tout le charme de douane que des voleurs. la mer dansante, voilà ce qui fait Ajaccio. Les marchés aux poissons et aux Mais les enfants les plus pauvres ne légumes se tiennent là. Les marchands y connaissent pas la signification du mot 24 LE MAGAZINE DU NATIONAL GÉOGRAPHIC

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Le repas du jour Certaines des salles à manger des paysans corses sont spacieuses, pleines de beaux meubles anciens et d’un étonnant bric-à-brac. LES CÔTES DE CORSE 25 mouchoir ; il y a des petites cours pour grimper jusqu’à la petite chapelle odorantes qui rappellent celles des située entre le vert Salario et la pointe seigneurs de Syrie et du Turkestan ; rocheuse de Lisa où se tient sa principale même en se montrant indulgent, on ne fête. pourrait pas dire que les cafés, où des Les troupeaux et les porcs avaient été hommes jouent avec des cartes bénis avant que je n’arrive. Ce n’étaient graisseuses et discutent politique, sont pas les moutons mais les chèvres qui des endroits lumineux et gais ; de petits avaient reçu cette bénédiction et peu ânes rentrant à la tombée de la nuit, après ces animaux alertes grimpèrent vers tirant des charrettes chargées en haute leurs pâturages sur les flancs des collines, montagne de grossiers fagots de bois, laissant bien tassé le sol du lieu où ils pour le feu et les fours, mettent encore étaient parqués comme un endroit de plus l’accent sur le degré insuffisant de choix pour le lancer des pennies. confort. Les coups de battoir d’un lavoir Le désir d’être présent à cette près de la cathédrale nous rappellent bénédiction du troupeau m’avait conduit qu’à Ajaccio la propreté du corps est jusqu’à la petite chapelle avant que les non seulement parente de la propreté nuages ne se fussent dispersés, à l’heure de l’âme mais aussi proche de où l’air est toujours très froid. A cette l’impossible ; mais à cause de l’oisiveté, heure, la mauvaise route était pleine de on sent peser sur les épaules, autrefois charrettes d’ânes transportant des viriles, un sentiment de défaite et oranges, des produits en bouteille, de la d’impuissance. vaisselle, des tables et un orgue de Vue de loin, Ajaccio est féerique. Le barbarie jusqu’à l’endroit des festivités du soleil bienveillant qui harmonise les tons jour. Mais il y avait plein de choses à lumineux de bleu, de vert, de rose et regarder et il était alors possible de d’ivoire sous des pochoirs , des pénétrer dans le petit lieu de pèlerinage treillis et des toits aux tuiles rouges, qui se dressait sur la ligne de partage baigne le décor d’une lumière magique des eaux d’où l’on surplombe la mer et le de spectacle de scène. Le ciel, la mer et golfe des deux côtés. Lorsque le soleil l’air parfumé sont les éléments les plus parut, le soubassement de la chapelle agréables de la vie des gens. prit une couleur plus chaude provenant des grands tas d’oranges disposés en À LA FÊTE DE SAINT-ANTOINE bouquets attachés chacun avec un brin de mimosa duveteux, prémices du De tous les saints chéris par les printemps. Ajacciens, saint Antoine est le préféré. Une demi-douzaine de pots de café Prenez n’importe quel groupe de garçons bouillaient déjà et une table était ajacciens et vous trouverez pour chaque doublement populaire en raison des Napoléon une équipe de football verres à liqueur d’absinthe qu’on y versait « d’Antoines ». Je ne l’affirmerai pas, et qui ressemblaient à des verres de lait mais chaque Napoléon pourrait avoir de chaux avant d’être bus. pour lui seul, une compagnie ou un « Je pensais que l’absinthe était régiment d’Antoines. Le 17 janvier des interdite », dis-je à l’un des buveurs. centaines de personnes quittent Ajaccio « Oui, c’est interdit », répliqua-t-il entre 26 LE MAGAZINE DU NATIONAL GÉOGRAPHIC

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Un berger corse d’Ajaccio Il y a des pâturages communaux pour lesquels de tels hommes payent un impôt pour bénéficier du privilège d’y faire paître leurs troupeaux. Le couteau et le bout de bois à tailler sont aussi fréquemment utilisés que dans nos propres fermes. LES CÔTES DE CORSE 27 deux gorgées. Pendant tout ce temps, la mazurka, et ça et là, les quelques-uns des citoyens à pied et en charrettes qui dansent, entament une variété de pas arrivaient sur la colline avec par impressionnante pour le novice, et qui intermittence un lourd chargement de serait probablement une révélation pour fêtards avec leur nourriture. Puis beaucoup de danseurs professionnels. venaient les voitures à moteur qui Il a fallu donc les airs les plus joyeux permettaient aux paresseux de monter en que pouvaient produire l’accordéon et coup de vent pour présenter leurs l’orgue de barbarie pour que les jeunes respects au Saint et retourner en ville à soient prêts à révéler leur art sur ce sol temps pour manger à l’intérieur. inégal. Mais une fois qu’ils avaient Manger à l’intérieur semblait être le commencé, rien ne semblait prêt à les dernier souhait de la plupart des visiteurs arrêter. Plus de la moitié des danseurs et dans 50 endroits du maquis et, à l’abri n’était pas des couples à strictement des grands rochers, des petits foyers en parler, mais des jeunes de la ville, en plein air avaient été construits ; chacun bleu de travail et casquettes d’Apache, d’entre eux était un lieu où l’on sacrifiait avec des chaussures à lacets très décorées à la camaraderie gustative. et très serrées jusqu’à donner au pied le plus robuste un aspect féminin. ORGUE DE BARBARIE ET ACCORDEON, L’ORCHESTRE DES DANSEURS L’accordéon avait entraîné la plus grande partie de la foule loin de l’orgue La fête de saint Antoine est l’occasion de barbarie, l’absinthe avait été toute bue, pour les citadins de s’échapper et d’aller et les familles qui pique-niquaient au passer une journée dans le maquis, et milieu des rochers et dans les sous-bois l’on riait et l’on s’amusait davantage ici avaient fait griller leur repas et l’avaient sous le ciel que dans tous les autres mangé avant mon départ. Mais des endroits d’amusement dont Ajaccio se chandeliers à quatre pieds liés à des targue. planches comme à des attelles A l’écart, le long des collines, une continuaient à être amenés de la ville, et quarantaine d’hommes armés les ratissait les citadins les plus raffinés continuaient à la recherche du sanglier, ce cochon à gravir péniblement le chemin rocailleux sauvage dont la chair fait des plats si dans leurs douloureux souliers vernis. délicieux. Dans l’après-midi je chevauchais L’orgue de barbarie et un accordéon jusqu’à Mezzavia où à l’ombre d’un rivalisaient pour donner de la musique à aqueduc il y a une autre petite chapelle ceux qui avaient envie de danser. La de Saint-Antoine. jeunesse corse prend la danse au sérieux. En dépit des bouteilles de vin jouées Marcher sur le sol au rythme de la à pile ou face, des nombreux jeux de musique avec un bras autour de la jeune hasard, et de l’aspect marchand du fille n’attire pas le jeune Ajaccien. Tous les temple de l’endroit, ce rassemblement magasins de livres avec leur grande variété avait un caractère plus religieux que les d’ouvrages sur le savoir-vivre, ont des joyeux fêtards de la vallée d’Ajaccio ; guides sur le Boston, la scottish, le tango, mais il y avait aussi davantage de belles 28 LE MAGAZINE DU NATIONAL GÉOGRAPHIC

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Livraison de lait le matin Il y a peu de vaches en Corse et le lait vient essentiellement des chèvres qui sont de belles bêtes vigoureuses et pleines de vitalité. LES CÔTES DE CORSE 29 robes et de souliers bas puisque la route concierge de la Côte d’Azur la machine de Mezzavia, même si l’on parcourt la plus parfaite et l’être humain le moins toute la distance à pied, n’est pas intéressant du monde. difficile. L’ILE A LA FORME D’UNE TORTUE UNE INVASION TOURISTIQUE DE L’ILE EST IMMINENTE Avant de faire le tour des côtes de la Corse, il est bon d’avoir d’abord une Jusque là délaissée, la Corse est en idée de ce que le voyage offre. La Corse train de devenir à la mode. Un des est habituellement comparée à une grands réseaux ferroviaires français est bouteille de parfum dont un soleil en cours d’aménagement pour une chaleureux distille l’odeur subtile à partir correspondance entre ce mode de des arbustes du maquis à l’arôme sucré. transport et les vapeurs en provenance de Pour qui regarde la Corse, de l’ouest Nice et de Marseille, et l’hiver dernier plutôt que du nord, c’est une immense une demi-douzaine d’hôtels sobres mais tortue. La longue tête de cette île à propres dirigés par des Suisses a été l’allure de bête est le Cap Corse, avec prévue pour que même ceux qui Bastia, la ville la plus importante de l’île insistaient pour avoir des propositions de au niveau de sa nuque et le tout petit voyage répondant à une norme puissent port de Saint-Florent étroitement niché visiter la plupart des régions de l’île. sous son menton. Mais, pour apprécier la Corse, il faut Sur la côte ouest, quatre golfes faire connaissance et une voiture importants, qui en comptent de nombreux vrombissante, qui impitoyablement laisse plus petits, séparent les pieds de ce monstre derrière elle les collines et passe à 30 des mers sans jambes. Plus au nord et le miles à l’heure devant de splendides plus beau de tous, le golfe de Porto, sorte points de vue, ne laisse aucune chance de de coin aiguisé qui semble avoir séparé, en connaître l’hospitalité traditionnelle de les écartant, les collines derrière lui. A côté, ceux qui ne portent pas leur cœur sous au sud, se trouve le large golfe de Sagone, leurs manches de velours. On ne peut alimenté par des courants paresseux pas montrer une hospitalité très sincère à quoique forts autrefois. un nuage de poussière et à du monoxyde Puis, le golfe d’Ajaccio dont la beauté de carbone. plus tranquille, comme celle de la baie de Le lien envisagé entre la Corse Naples, rivalise avec le charme sauvage originelle et la Côte d’Azur sophistiquée du golfe de Porto aux lèvres rouges. Le est simplement un mariage de golfe du Valinco, quoique bien moins convenance. La Corse et le Continent connu, a ses partisans. ont des goûts et des caractères différents. Là où le dos devient une sorte de Il faut espérer que des considérations queue se trouve Porto-Vecchio, à la seule vénales ne réussiront pas à sceller cette rupture conséquente de la côte basse qui union dans laquelle les caractères s’étend du Cap Corse à Bonifacio. spécifiques à la Corse doivent tôt ou Concernant la structure interne de cet tard être subordonnés à ce mélange animal, la principale ligne de montagnes cosmopolite de cultures qui fait d’un s’incline légèrement du nord-ouest au 30 LE MAGAZINE DU NATIONAL GÉOGRAPHIC

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Dans la rue principale de Sagone Les autobus d’Ajaccio, Vico et Ota via Piana se rencontrent tous ici. Il n’y a pas plus d’une douzaine de maisons dans ce hameau qui autrefois était une riche communauté. LES CÔTES DE CORSE 31 sud-ouest et il manque au dos de la bête Le premier petit col, moins de 1000 la carapace à laquelle on s’attendrait, pieds au-dessus de la mer, était un avant- alors que l’ensemble de la partie interne goût des nombreux autres qui du corps a une armature de granit et de viendraient ensuite. porphyre et est munie de féroces griffes Au sud, se trouvait la riche plaine qui de rochers profondément plantées dans est derrière le golfe d’Ajaccio, plaine par la mer. laquelle Laetizia et ses enfants s’enfuirent Ces côtes ne constituent pas la vraie entrevoyant au loin la tour de Capitello, Corse. Elles forment une zone de d’où Napoléon lui-même, qui fuyait un transition entre le monde extérieur et danger, partit vers la gloire. De l’autre cette terre dont la résistance au côté du golfe d’un bleu noir se trouvent changement et la passion pour les montagnes qui font face à Ajaccio. l’indépendance rendent plus remarquable la véritable hospitalité de LA GLOIRE DE SAGONE A DISPARU son peuple. Qu’espérer de plus beau que notre Devant nous, la route jaune promenade à travers les plaines derrière s’enfonçait plus profondément dans les Ajaccio. A portée de main, le vert foncé collines en serpentant ; mais, sur notre des oliveraies ; là-bas, l’épaulement gauche, sur le flanc de la colline des rocheux, rose rouge, du Gozzi, d’un Pozzo di Borgo, en haut, se trouvait le granit très dur mais ressemblant à château de la Punta, un ouvrage d’art quelque colline de Petra, et dont un ciel égaré, construit avec des matériaux sombre adoucissait la couleur. Ensuite, provenant du château des Tuileries à une route d’un bleu terne qui mène aux Paris, mais depuis lequel on a une vue alentours du Monte d’Oro dont la tête incomparable sur l’épine dorsale de la enneigée se perdait dans les nuages. Corse, du Capu Tafonatu à l’Incudine. Nous sommes passés sous l’aqueduc qui Plus au nord, s’étend le golfe de Lava, approvisionne Ajaccio en eau, quand les près duquel, dit-on, le principal bandit gendarmes sont en service. Ces gardes du moment a son refuge. armés sont quelquefois postés le long de Chaque montée découvrait des son trajet, pour empêcher les fermiers paysages toujours plus grandioses et d’en détourner l’eau vers leurs champs. aboutissait à une descente sinueuse où Ensuite, nous avons grimpé vers notre l’on entrait dans l’intimité d’une beauté premier col. moins imposante. En descendant nous Voyager en Corse, c’est se trouver sur avons gagné le golfe, contourné la tour une balançoire qui monte et qui descend de Capigliolo sur son promontoire et et qui va tantôt vers l’intérieur, tantôt avons quitté Sagone avant même de vers l’extérieur. Mais les passages savoir que nous y étions arrivés. Des montagneux justifient leur existence, tournants au-dessus du hameau, nous qu’ils courent à travers des forêts denses avons aperçu le port situé à l’extrémité vers un col très boisé ou qu’ils atteignent lointaine de la plage jaune et nous nous un point d’où l’on domine des golfes attendions à ce que la ville soit là. houleux, tous plus beaux les uns que les Mais ce qui reste de Sagone est proche autres. de la colline par laquelle nous étions 32 LE MAGAZINE DU NATIONAL GÉOGRAPHIC

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La récolte de blé d’un fermier Corse Après que les épis de blé ont été foulés par les sabots du bétail, un tamis est utilisé pour séparer le grain de la paille. Ce fermier mesure son blé avec soin avant de le mettre dans des sacs pour l’amener à dos d’âne jusqu’au grenier à blé. On dit que ce type de pelle et de fourche en bois que l’on voit sur l’illustration a été introduit par les Maures. La croix placée sur le tas de grain est un symbole de prière pour une bonne récolte l’année suivante. LES CÔTES DE CORSE 33 arrivés et nous nous en trouvions à romaine en travers d’une petite vallée plusieurs centaines de mètres, longeant la pleine de jardins. splendide allée d’eucalyptus qui est Je m’attendais à trouver ici des traces supposée combattre les miasmes de ce visibles des Grecs qui s’établirent à petit coin de plaine, avant de savoir que Cargèse juste après le « Boston Tea l’arpenteur avait enregistré un autre nom Party ». Leur histoire est une histoire sur la carte. étonnante. Un siècle auparavant, ces Sagone était autrefois la résidence d’un Grecs du Péloponnèse, fatigués de la évêque épicurien dont les fêtes faisaient tyrannie des Turcs, demandèrent à Gênes scandale et entraînèrent un blâme de un endroit où ils pourraient vivre en Grégoire le Grand. Les pirates sécurité. Les Génois les accueillirent et barbaresques vinrent, détruisirent la leur garantirent liberté de religion et cathédrale et laissèrent Sagone en ruine ; gouvernement local. La première colonie si bien qu’aujourd’hui, il manque à son composée d’environ 700 personnes s’était petit campanile une église. installée sur les collines situées entre les Voilà l’histoire. Le fait est que sites actuels de Cargèse et de Sagone. probablement les vigoureux anophèles Ils restèrent fidèles à Gênes pendant sont pour beaucoup plus dans cette les luttes des Corses pour leur liberté. En ruine. En Corse, comme à Panama, le 1731 leurs villages furent brûlés et ils moustique a fait plus que sa part, pour s’enfuirent vers Ajaccio à 25 miles de là. priver la France de gloire et de richesse. Quand la Corse fut cédée à la France, Le port, qui ne s’est pratiquement pas Monsieur de Marbeuf fit construire pour développé, est desservi par de rares eux l’église et le village de Cargèse actuels voiliers qui y abordent pour embarquer et, aujourd’hui une des rues principales les tas de charbon venant des collines. et un café mal tenu portent le nom de ce bienfaiteur des Grecs qui fut gouverneur À CARGESE, de la Corse sous Napoléon. RÉSIDENCE DES RÉFUGIÉS GRECS A cette époque, les 110 familles parlaient encore grec, portaient des La Sagone, qui est une rivière sur la costumes grecs et honoraient Dieu selon carte et moins qu’un ruisseau en réalité, le rite grec. se déverse ici dans la mer par d’étroits Au départ, ils n’avaient pas grand- bras bordés de hauts joncs. Après l’avoir chose à voir avec les Corses qui les traversée, sur un nouveau pont en entouraient et les persécutaient, mais ciment, on va vers l’ouest une fois de quand leurs activités suscitèrent des plus, contournant une colline après jalousies, ils réglèrent les choses par des l’autre et, au-delà d’une oliveraie bien mariages entre communautés plutôt que entretenue, on voit, située sur un col par le recours à la vendetta ou à la guerre peu élevé entre deux collines, chacune ouverte. avec ses tours en ruine datant de Bien que l’on m’ait assuré qu’il y plusieurs siècles, la petite ville de Cargèse avait toujours quelques Grecs à Cargèse, dont le caractère apparent le plus je n’ai pas pu en trouver et le prêtre grec intéressant est le face à face entre deux donnait l’impression d’être plus à sa églises grecque de rite catholique et place à la Sorbonne qu’à Athènes. 34 LE MAGAZINE DU NATIONAL GÉOGRAPHIC

Photographies de Maynard Owen Williams Tout le monde est à bord, sauf le père, un jour de déménagement en Corse LES CÔTES DE CORSE 35

LES COUTUMES, LES COSTUMES ET LES Quelque ennemi de la ville y a CARACTERES PROPRES AUX GRECS récemment laissé en dépôt la peinture ONT DISPARU verte la plus agressive qu’ait jamais connu l’œil humain - une couleur sans Cargèse, mis à part son intérêt doute conçue dans une crise de delirium. historique, est aujourd’hui une ville sans C’est devenu une coutume de peindre les intérêt. Si les gens déploient ici une activité qui sort de l’ordinaire - et en volets des maisons roses et jaune clair Corse une activité raisonnable sort de avec cette horrible chose. Une des l’ordinaire - cela ne se voit pas à l’œil nu. maisons les plus prétentieuses de Cargèse Les femmes s’activaient à laver des se dresse entre les deux églises et cette vêtements, à transporter de l’eau, à peinture enlaidissante a fait d’elle ramasser des olives, à nettoyer la rue l’édifice le plus atroce que j’ai jamais vu devant leurs maisons et à surveiller les sur une île où des bâtiments semblables enfants et les poules ; mais le seul à des casernes ont le bon goût de passer homme que j’ai vraiment vu travailler à inaperçus quand ils ne satisfont pas Cargèse était dans un petit moulin à complètement le regard. huile. Il manoeuvrait le levier qui pesait Il est difficile de dire à quel point la sur la vis hélicoïdale, faisant sortir l’huile ville de Cargèse est endormie ; on peut qui s’écoulait goutte à goutte à travers seulement dire que pour les Ajacciens une natte de paille ou d’osier dans un elle vit au ralenti. Le travail est largement bac pas très propre. vocal. Le berger s’allonge au soleil et Les coutumes, les costumes et les appelle son troupeau ou le siffle. caractères propres aux Grecs ont disparu. L’ouvrier du moulin à huile stimule par Cargèse a eu une vie romantique, mais ses invectives l’ardeur du Samson l’appareil photographique ne montre chevalin épuisé qui fait tourner les roues. aucune trace de différence ethnologique Le postier reste dehors et appelle les entre elle et ses villes voisines. Seule personnes pour lesquelles il a du courrier. l’apparence extérieure des champs bien On pourrait devenir célèbre à Cargèse en cultivés et des troupeaux bien gardés mettant son nom sur un bon paquet de révèlent qu’il y a encore des restes de lettres, car le facteur est un stentor l’activité grecque d’origine. énergique, même si le plomb a remplacé LE TRAVAIL À CARGESE EST les ailes de Mercure sur ses pieds qui se PRINCIPALEMENT VOCAL refusent à marcher. Les femmes portent un étonnant Un ancien écrivain vit ici des femmes chapeau de paille semblable à un si jolies qu’il lui fallu une page d’adjectifs chapeau de plage d’enfant mais de pour les décrire. Il est possible que des couleur noire évidement. Elles sont aussi prospecteurs venus d’Hollywood les actives à Cargèse qu’ailleurs. En Corse, il aient emmenées et de ce fait il manqua n’est pas nécessaire de regarder si la l’occasion d’enregistrer photographique- forme qui approche porte une jupe ou ment une réalité qui a disparu. Je n’ai vu un pantalon. Si elle porte un fardeau ni Mona Lisa ni déesse grecque. c’est probablement une femme. 36 LE MAGAZINE DU NATIONAL GÉOGRAPHIC

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Un soir sur le golfe de Porto A l’estuaire de la rivière se trouve la petite forêt de Porto et le petit port. Une ancienne tour de garde génoise veille sur le port. Au loin se trouvent les rochers déchiquetés du Cap Senino. LES CÔTES DE CORSE 37

PIANA Nice et les couteaux au manche d’ivoire N’A PAS DE RÉPUTATION À TENIR sont en acier inoxydable. Voilà encore un de ces paradoxes surprenants avec lequel Piana, petite ville attrayante accrochée la Corse adore déconcerter les gens. aux calanques au-dessus de On y peut manger, cuite à point, de la l’incomparable golfe de Porto a un relief tête d’agneau coupée en deux, avec la particulier. langue, les joues et la cervelle, et trouver Il y a probablement autant d’hommes à ce plat répugnant mais très goûteux prenant le soleil devant l’église de Piana une saveur qu’on ne lui trouverait pas qu’il y en a devant les deux églises de dans un environnement moins attrayant. Cargèse. Les petites filles, qui font En fin de compte, Piana comme Ajaccio rebondir leurs balles en caoutchouc, puis est un endroit où l’on peut vagabonder, tournent rapidement pour les faire grimper et prendre plaisir à regarder en rebondir à nouveau, trahissent un grand respirant l’air tonifiant. C’est l’un des besoin de sous-vêtements comme à endroits de Corse qui vaut la peine qu’on Cargèse. Les garçons capables de pousser s’y attarde car la lumière sur les rochers des cris à emplir les vieilles rues rouges n’est jamais deux fois la même et pittoresques d’une foule d’enfants dont les formes fantastiques des calanques ne on se serait passé, chacun au garde-à- cessent d’éveiller la curiosité. vous avec son ventre sorti dans un style pseudo-militaire, chacun espérant UNE ÉTONNANTE GALERIE DE éclipser les marches de pierres inégales, SILHOUETTES FANTASTIQUES les belles vieilles dames ou les humbles DANS LES CALANQUES ânes, voilà ce qui contribue à donner son ton à un village de campagne. Les calanques offrent un des Piana cependant est connue non pas spectacles les plus surprenants au monde. pour ses ancêtres remontant à l’antiquité Des langues effilées de granit rouge où se classique mais pour les silhouettes profile un millier de silhouettes grotesques de granit rouge qui sont un fantastiques descendent des pics de la peu au-delà et pour sa vue sur les golfes Pianetta et du Capo d’Orto dans les les plus bleus de la plus rouge des eaux bleues du golfe de Porto. A mi- péninsules. A partir de là, elle n’a pas de chemin, elles sont coupées par une route réputation particulière à soutenir pour sa sinueuse qui, tantôt surplombe des propreté ou ses activités. C’est une ville ravins apparemment sans fond et tantôt corse tout à fait semblable aux autres est surplombée par de grandes masses de sinon que son horloge affiche une heure granit qui, lorsqu’on lève les yeux et que vraisemblable. l’on voit les nuages passer au-dessus Le meilleur hôtel est un bâtiment d’elles, semblent prêtes à vous tomber grand et étroit à la limite extrême de la sur la tête. ville. L’ameublement est parfait et sans Partout où les plantes peuvent surcharge. La propreté est presque trouver racine, il y a du maquis ou des tangible, la nourriture est bonne, la vue pins dont le vert ajoute de la verdure au imprenable. Le service à thé en argent paysage déjà coloré. Ici, par sa beauté ferait honneur à un hôtel touristique de accessible et son immensité effrayante, le 38 LE MAGAZINE DU NATIONAL GÉOGRAPHIC

Photographie de Clifton Adams Cette gand-mère a été habituée toute sa vie aux rudes tâches ménagères Les vieilles dames semblent être aussi actives que les plus jeunes et l’on en voit peu assises au coin de la cheminée. LES CÔTES DE CORSE 39 paysage brodé par la nature a ce quelque décoré par la nature que le sont ceux de chose qui inspire une crainte Madura par la main de l’homme, semble respectueuse et rend la description du si parfaitement authentique que l’on Grand Canyon impossible. Le rocher n’a peut imaginer des corps bruns se pas ces veines exquises qui donnent aux prosternant devant des idoles également grès de Petra un aspect de bois précieux. brunes et à la peau huileuse, pendant Mais le grotesque des formes que des que des gongs de temple retentissent de forces titanesques ont sculpté dans la manière discordante à côté de plans pierre les rendent plus intrigantes que d’eau stagnante. celles des masses rocheuses de l’Arizona Les calanques constituent un ou des tombes du temple des Nabatéens véritable test pour l’imagination, de la de « la ville rose rouge à moitié aussi même nature que celui qui consiste à vieille que le temps. » voir dans les formes des nuages des Des gargouilles lancent un regard images intéressantes et des rêves à moitié furieux d’une centaine de rochers conçus. Mais le granit dur de Piana n’a saillants. Les têtes de chiots regardent à rien de cette beauté fugace que l’on l’extérieur des chenils de granit, en haut trouve dans un nuage poussé par le vent de l’entrée nord de ce chaos de granit au coucher du soleil. Les formes rouge, et deux amants un peu raides grotesques y sont pétrifiées et même dans leur attitude mais admirables dans quelqu’un dépourvu d’imagination peut leur constance se tiennent debout près de passer rapidement et avoir remarqué le la sortie du haut. Il y a, sur le haut de la stock de curiosités que montre l’endroit. pente, un lion géant à l’allure Il se peut que le jour vienne où on les véritablement majestueuse. Une énorme numérotera à la peinture blanche pour tortue se tient sur la pointe d’un rocher les faire correspondre à des curiosités que les constructeurs de la route ont semblables dans le guide ! détaché de sa masse rocheuse originelle. En passant au travers de cette farce Une sorcière avec un menton en lame de gigantesque jouée par quelque incendie couteau et une arcade sourcilière de éteint depuis longtemps, on trouve les criminel commence à sortir de la pierre pentes nord de ces masses de roche avec une ardeur qui suggère des rouge, ensevelies sous le maquis. Un chevauchées nocturnes sur un balai et, un tournant de la route nous conduit hors peu plus bas tout au bord du groupe, je de cette fantasmagorie de porphyre aussi trouvai un visage féroce qui sûrement brusquement que le col au-dessus de devait être l’esprit malin de ce cauchemar Piana nous y a fait entrer. de pierre. Le golfe de Porto, qui avait été Il y a des formes dont on s’attend à jusqu’à présent une mer lointaine de entendre sortir le profond grondement bleu concentré séparant les rochers rouge d’un puissant organe dont les tuyaux brun des calanques des pics violets du irréguliers suggèrent une symétrie cap Senino et de la pointe de Scandola, presque artificielle comme si autrefois s’étend maintenant parfaitement ils avaient été véritablement accordés aux enchanteur, avec une tour génoise depuis buses marines qui s’y engouffrent. Un longtemps fissurée en ruine et abritant grand « gopura », aussi outrageusement un petit port à son extrémité. 40 LE MAGAZINE DU NATIONAL GÉOGRAPHIC

Photographie de Clifton Adams Torrefaction du café Les grains sont toujours achetés verts et on les fait griller sur un feu de brindilles du maquis ou de charbon dans une rôtissoire en fer qui fait partie des ustensiles de cuisine. La boisson préparée en Corse est noire, forte et amère. LES CÔTES DE CORSE 41

Sur le petit port, un tas de bûches à La châtaigne vient naturellement moitié rangées attend d’être chargé. Un mais chaque famille a sa châtaigneraie cochon, que son régime de châtaignes a favorite et de nombreux arbres fait grossir au point que le plus ignorant appartiennent à des particuliers. On des visiteurs ne pourrait le confondre fait sécher les châtaignes pendant avec un sanglier, fouille, avec satisfaction, un temps, puis on les enferme dans la terre brune à la recherche de racines. un sac en cuir avec lequel on cogne Une jeune fille, sans beauté, dans une sur un tronc d’arbre en faisant le robe de couleur gaie, en faisant sa lessive même bruit que les lavandières qui derrière une cabane qui laisse échapper, utilisent la méthode de Mark Twain en volutes, d’une cheminée sommaire, qui consiste à tenter de briser un un peu de fumée, apporte à la scène une rocher avec un pan de chemise touche de « home sweet home ». humide. Ensuite, elles sont passées A droite, lorsque l’on regarde vers la au crible dans un tamis rond mer, se trouvent les pentes presque nues ordinaire qui glisse d’avant en qui dominent la route de Calvi, avec arrière sur deux bâtons parfaitement plus loin la Pyramide du Senino et à polis. gauche du côté de Piana, le maquis. Les enveloppes sont jetées et les Brisant le triangle inversé du ciel et de châtaignes à nouveau séchées toute la l’eau il y a la tour de garde génoise sur nuit dans un four dont le feu et le pain son socle rocheux - une image qu’aucun ont été enlevés. Elles sont alors prêtes à artiste ne pourrait enfermer dans une être broyées en une fine farine sucrée toile. Une orgie de beauté et un désert très agréable au goût. Je n’ai cependant inexplicable. Tandis que je regardais le jamais mangé en Corse du pain fait avec joli bouquet d’eucalyptus au-delà de la de la farine de châtaigne car il n’a pas courbe scintillante de la rivière, mon bonne réputation chez les gens du fait pied heurta une vieille bouteille de que la douceur de la châtaigne vire à médicament dont l’étiquette était l’aigre au cours de la panification. toujours lisible. Elle avait contenu un remède contre la fièvre. Pendant l’été, ce ravissant débouché de vallée est un « LA MAISON OÙ EST NÉ COLOMB » marécage miasmatique aux effluves aussi mortels que les roses droguées des Il y avait de lourds nuages pendant romans d’aventure. notre promenade en voiture jusqu’à Calvi en suivant le long de la côte rude FABRICATION DE LA FARINE et découpée, et ce qui aurait dû être un DE CHÂTAIGNES voyage d’une rare beauté manquait de cette vue sur les lointains qui, A côté du pont à trois arches, qui est la d’ordinaire, le caractérise. Nous suivions construction la plus importante de Porto la haute route qui hésite toujours à faire et presque sa seule raison d’être, il y a un un plongeon spectaculaire mais n’en a petit moulin à eau dans la cour ombragée jamais le courage et se hâte de revenir duquel se tiennent de tout petits ânes qui vers l’intérieur des terres. ont amené ici les châtaignes pour la Quand sur elle, ou peut s’en faut, nous fabrication de la farine. avons tourné pour faire face à Calvi, la 42 LE MAGAZINE DU NATIONAL GÉOGRAPHIC

Photographie de Clifton Adams

Paysan Corse Les paysans et les travailleurs agricoles de l’Île portent généralement des chaussures cloutées, des pantalons et des vestes en velours côtelé, des chemises écossaises et quelquefois de petits plastrons fantaisie du même tissu. A l’occasion, de larges ceintures rouges apportent au costume une touche de couleur. LES CÔTES DE CORSE 43 vieille citadelle « semper fidelis » aux cet homme, quand Colomb ne m’a génois, se dressait comme un coffret de jamais révélé où il était né et que je ne le vieil ivoire dans le ciel nuageux. sais pas ? » Assurément il y a peu de villes bâties C’est pourquoi Calvi, aussi jalouse dans un site aussi enchanteur. La haute de l’honneur d’avoir donné naissance à ville surplombe depuis les murailles la Colomb qu’Ajaccio est indifférente à cité plus récente derrière le quai et la ville celui d’avoir vu naître Napoléon, est neuve pointe son nez vers sa voisine plus incapable de prouver que l’étoile ancienne. Près de l’entrée de la ville il y particulièrement brillante de la a un beau monument que les citoyens nombreuse famille Colomb qui était ont érigé à leurs morts récents. génoise et dont les descendants vivent Sur le versant nord d’une butte à jusqu’à ce jour à Calvi, n’était pas née l’intérieur des bastions de la forteresse de à Gênes elle-même, mais dans la cité Calvi se trouvent des murs en ruine qui que Giovanninello de Loreto avait ne résisteront plus très longtemps à fondé deux siècles auparavant. l’action du temps. La plaque L’indifférente Ajaccio aura bientôt commémorative est récemment tombée une troisième statue du soldat qui a sa de l’endroit où elle se trouvait au-dessus loyauté mais pas son amour. La jalouse de la porte, et a été emmenée dans une Calvi a permis que la maison petite chapelle de la citadelle. Seules présumée du grand découvreur tombât maintenant quelques traces de complètement en ruine alors que c’est maçonnerie grossière s’accrochent elle qui l’a poussée à revendiquer désespérément au renom qui a si verbalement qu’il y est né. rapidement abandonné la construction Si Calvi prouve un jour que c’est le cas, dont beaucoup ont osé railler les le minutieux travail de reconstruction ambitieuses prétentions. qu’elle aura à faire sera aussi difficile que L’inscription n’a rien d’équivoque : de rassembler des documents justifiant sa « Ici, en 1441, est né Christophe revendication, parce que les garçons de Colomb, qui à cause de sa découverte du Calvi se servent des pierres de la maison Nouveau Monde a gagné l’immortalité, de Christophe Colomb dans leurs jeux pendant que Calvi était sous la divers. Aucun savant ne s’est plus domination génoise. Il est mort à moqué des revendications de Calvi que Valladolid le 20 Mai 1500. » les garçons de Calvi ne l’ont fait de la Personne ne sait où Colomb est né. Un maison de Colomb. de ses plus proches amis qui a rédigé Calvi est liée à l’Amérique par quelques souvenirs du navigateur avait Colomb et le Boulevard Président été contacté par un homme qui lui offrait Wilson qui est la rue principale de la beaucoup d’or, s’il mentionnait dans son cité, et à l’Angleterre parce que c’est compte rendu que Colomb était né à ici que Nelson eut l’avantage de perdre Gênes. Les publicitaires ne sont pas, à un œil, pendant le siège de 1794 - un l’évidence, une pure invention du monde événement qui l’a conduit à un moderne. Mais l’historien reste un brillant résultat à Copenhague, quand historien : « Comment puis-je affirmer son orbite vide vit une victoire là où le une telle chose ? demanda naïvement bon œil refusait de lire un repli. 44 LE MAGAZINE DU NATIONAL GÉOGRAPHIC

Photographie de Clifton Adams

Perspective de gants pour l’Italie Une des industries de la Corse est la préparation de peaux de chevreaux pour l’exportation. Madame dit que ces peaux qui sèchent au soleil devant sa maison sont destinées à l’Italie pour la fabrication de gants. LES CÔTES DE CORSE 45

LES PORTS POUR LE PLUS RICHE Vers la mer émergent les petites îles JARDIN DE CORSE d’une pierre rougeâtre desquelles le port tient son nom ; mais elles ont été si Entre Calvi et Île-Rousse, à côté de la étroitement reliées à la terre ferme que route qui longe la mer, il y a l’intéressante mon chauffeur affirmait avec insistance petite ville d’Algajola, fière de ses qu’elles formaient une péninsule. carrières. Le flot des taxis parisiens Le marché d’Île-Rousse, avec son toit entrant et quittant la Rue de la Paix entre soutenu par des colonnes de style la Place de la Concorde et l’Opéra est classique, est tout à fait insignifiant divisé par un socle en granit d’Algajola comme le sont les marchés imposés par sur lequel se dresse la Colonne Vendôme. la présence d’une culture maraîchère Île-Rousse est l’échafaud dressé par artisanale. Beaucoup plus animé est le Paoli, sur lequel il espérait pendre Calvi lieu où se trouve un temple plus petit et dont la loyauté à Gênes n’était pas d’un crasseux dédié à la propreté, le lavoir de grand mérite aux yeux des Corses. la ville où des femmes battent du linge Aujourd’hui elle doit beaucoup de son humide tard dans la nuit. importance aux oliviers que les Corses de Le marché aux colonnes est aussi le Balagne furent contraints par les Génois forum de la ville, et les affaires de de planter ; car Île-Rousse, qui s’étend sur l’univers sont réglées ici jour après jour, un petit mamelon de terre à l’intérieur des puisqu’Île-Rousse n’est pas un trou îles rouges, partage avec Calvi la perdu. C’est un des ports corses les plus responsabilité d’être le port commercial proches du continent et on y lit les du jardin le plus riche de Corse. journaux. Je ne pus obtenir de chambre Mon premier voyage à Île-Rousse s’est d’hôtel tant que je n’eus pas rassuré mon fait en automobile depuis Piana. Le lever aimable hôte sur la réception que du soleil me trouva en train de fuir le l’Amérique était en train de faire à cauchemar des calanques, le coucher du Clemenceau. soleil me trouva en train de rêver dans la Entre Île-Rousse et Saint-Florent on terre de Balagne qui apporte l’oubli. traverse un coin de paradis avec une touche infernale. La Balagne dont une NOS GÂTEAUX AU CEDRAT zone fertile descend jusqu’à la mer est la VIENNENT D’ÎLE-ROUSSE corne d’abondance de la Corse qui pour nourrir le monde verse à profusion des L’olive fait la richesse de la large vallée cédrats, des oranges, des figues et des située au nord de Belgodère. Plus d’une olives ; le désert des Agriates ne contient huilerie continentale s’est acquis une pas un seul village et les quelques bergers réputation enviable grâce à cette oliveraie qui traversent ses pentes stériles et ses corse. Mais le cédrat est le produit vallons rocailleux sont des bédouins sans d’exportation le plus caractéristique maison. d’Île-Rousse. Juste avant Noël, le quai Mais dans toute la Corse, même sur était presque entièrement occupé par la plaine orientale, il n’y aucune région d’énormes barriques pleines de cédrats aussi giboyeuse que ce désert. Il est trempant dans de l’eau de mer et toutes, probable que les animaux et les oiseaux étiquetées à destination de New-York. sauvages emmènent avec eux de quoi se 46 LE MAGAZINE DU NATIONAL GÉOGRAPHIC

Photographie de Maynard Owen Williams

Un compagnon de la grand-route entre Grossetto et Bicchisano C’est l’amour de la vengeance et la pratique de la vendetta pour réparer un tort réel ou imaginaire qui nourrissait autrefois le fond romanesque en Corse mais cela appartient largement au passé. LES CÔTES DE CORSE 47 nourrir ; mais ils vivent là pour faire bien qu’ils se classent au second rang d’une terre aride un paradis pour le derrière les Bretons pour leur présence chasseur. dans la navale et la marine marchande Naturellement la grand-route cherche, française. Quand le Liberté a sombré comme le font les grand-routes, les dans le port de Toulon, la moitié du régions les plus fertiles à forte densité de Cap Corse était en deuil. population et à Casta il y a une oasis Le même plissement montagneux qui fertile, mais qui pose question parce que, a envoyé les Libanais en Amérique du à moins de regarder plus au nord, il y a Nord a conduit les Cap corsins du Cap de quoi être déçu par la terrible Corse en Amérique Centrale et en désolation de l’endroit. En hiver, Amérique du Sud et même ceux qui pendant une période aussi pluvieuse que sont restés ont un air entreprenant qui celle dont j’ai fait l’expérience lors de ma n’est pas Corse. première excursion au Col de Lavezzo, Dans le Cap Corse on n’a jamais une très éphémère verdure teinte les connu la vendetta. Quand Prosper pentes sans charme pour qu’elles ne se Mérimée a transféré l’action de son distinguent plus de la campagne plus meilleur roman du pays de Colomba, verte ; mais pendant l’été le désert des derrière Propriano, à l’autre bout de la Agriates retire son voile diaphane et Corse, il l’a située à Pietranera, un montre son visage disgracieux au faubourg tranquille de Bastia, et a sacrifié voyageur souffrant à qui le destin a fait ses convictions de romancier à des prendre ce chemin. considérations humanitaires. Il pouvait On descend en roue libre, le versant décrire une vendetta dans le Cap Corse est désolé vers ce golfe pittoresque si sans en déclencher une. Colomba sortit à apprécié par Napoléon et si ignoré par le Bastia et fut reçu de la même manière commerce, à côté duquel est située la que le Virginian fut reçu à Boston. bourgade de Saint-Florent. Ce petit A l’ouest, les montagnes surplombent village de pêcheurs au bord de la mer la mer. Ici la route en corniche est compte 896 habitants : la minorité infiniment plus impressionnante que masculine y drape les quais déserts et la celle plus connue sur laquelle les stations composante féminine drape chaque d’hiver de la riviera sont perchées. Elle arbuste, à l’entrée de la ville avec du va, en montant, loin au-dessus de la mer linge qu’elle lave dans un mince ruisseau et suit une trajectoire semblable à celle entre de grands peupliers tels que Corot d’une corde tendue qui court contre un aurait aimé les peindre. mur imposant, en snobant les ponts au niveau de l’eau. Elle descend rapidement EN FAISANT LE TOUR DU CAP vers des petites vallées triangulaires qui sont à l’embouchure des cours d’eau de Avant de faire le tour du Cap Corse en montagne. direction de Bastia, il est bon d’avoir Elle tourne et vire, tourmentée par conscience que cet appendice est tout à l’angoisse des falaises en surplomb qui, fait différent de la terre à laquelle il est de temps en temps, laissent choir sur rattaché. La chaîne de montagne a son empierrement des matériaux pour le poussé les Cap corsins vers la mer si réparer. Elle occupe le No Man’s land, 48 LE MAGAZINE DU NATIONAL GÉOGRAPHIC

Photographie de Clifton Adams Une pause dans un champ de blé fraîchement fauché, près d’Île-Rousse, nord de la Corse Jeanne, 19 ans, qui porte un fichu blanc et un tablier à rayures sur une robe de grosse toile noire, moissonne le blé avec les hommes et les garçons dans le champ paternel. Sa fourche a été « fabriquée aux U.S.A. ». LES CÔTES DE CORSE 49 situé entre les forces de la montagne et le la garnison serait épargnée si elle flot marin, spectatrice fidèle de leur évacuait la place, un homme seul, combat sans fin. Jacques Casella, chargé d’armes avança et dit aux assiégeants ébahis « La LA LEGENDE HEROÏQUE DE NONZA garnison c’est moi ». L’ennemi le décora et sur ce rocher abrupt, où l’on De Nonza à Centuri, les bourgades ne pourrait faire tenir aucun autre sont accrochées au versant de la barrière matériau, s’est accrochée cette légende. montagneuse, à côté d’anciennes tours, Des amis m’avaient dit que je devais assises sur un socle rocheux. De tous ces aller voir Canari et, sur les bornes charmants villages, Nonza est le plus kilométriques le long de la route, je pittoresque. L’approche par le sud ne guettais attentivement le nom. Ayant révèle pas son caractère spectaculaire. traversé Sagone sans le savoir, je ne Depuis la mer, les maisons escaladent voulais pas laisser une autre bourgade une pente assez raide et la Tour de m’échapper par manque d’attention. Nonza sur sa pointe rocheuse est plus Les collines étaient semées de villages, solitaire que la plupart. Mais, vue de ce certains au-dessus de la route et d’autres côté, la bourgade est installée sur une au-dessous ; le chocolat et le croissant colline escarpée plutôt qu’au-dessus d’Île-Rousse m’avaient laissé l’esprit d’un à-pic. vide ; je dépassais donc l’un après Ce qui n’est pas le cas au nord. Il y a l’autre des villages pleins de charme, un abrupt de 500 pieds de la tour Canari serait ma compensation. génoise en ruine aux vagues qui C’est devant un petit groupe de déferlent avec fureur en contrebas. Des maisons à côté de la route que mon maisons proches de la route derrière la chauffeur, qui était sans doute aussi pointe la plus élevée ne sont pas posées affamé que moi, arrêta la voiture. sur la colline, mais elles sont amarrées à « Nous voici à Marinca, » dit-il. Je elle. Un sentier escarpé, véritable n’avais jamais entendu parler de escalier sur une bonne partie de sa Marinca. Nous avons continué à rouler longueur, descend jusqu’au bord de contournant une colline après l’autre, et l’eau et on y voit constamment monter nous sommes descendus vers un petit un convoi de femmes et d’ânes portant hôtel, posé à plat contre une vieille tour de l’eau propre jusqu’au sommet. La carrée, où nous avions commandé le gravité est utilisée pour l’usage inverse. déjeuner. Je vis le nom, et je réalisais Du bas peu soigné des façades des que nous étions à Pino, ce havre maisons en surplomb, dégouline de merveilleux de la gastronomie. l’eau sale en direction de la mer. C’est « Mais nous avons raté Canari, » disais- une bourgade inoubliable dans un je à mon chauffeur en protestant. décor impossible. « Marinca, c’est Canari, » fut la réponse. Nonza a été fréquemment assiégée, Pour la seconde fois, au cours de cette et avec Bonifacio elle partage une première exploration rapide du pays, histoire qui est trop belle pour être j’avais traversé sans le savoir une ville que vraie. C’est la première place forte et la j’avais imaginée et que je désirais voir. seule où se rendant à une promesse que En Corse un groupe de villages tient 50 LE MAGAZINE DU NATIONAL GÉOGRAPHIC

Photographie de Clifton Adams

Gendarmes sur une route de montagne Ce sont des policiers de ce genre qui ont fait beaucoup pour décourager la coutume de la vendetta depuis que la Corse est entrée sous les lois de la France. LES CÔTES DE CORSE 51 son nom du hameau le plus important. ne suis pas tombé raide mort de surprise. Dans certains cas, comme à Bastelica, il Me laver les mains ? Qui a déjà entendu n’y a aucun village portant le nom sous un aubergiste corse suggérer une telle lequel l’ensemble du groupe est connu. chose ? Mais tandis que je le faisais, je On prend un autocar pour Bastelica et remarquais à quel point la chambre était l’on découvre que la maison de Sampiero nette et je décidais, avant même d’avoir est à Dominicacci. On grimpe vers déjeuné, que Pino me reverrait. Morosaglia pour entrer dans la chapelle Pendant les semaines qui suivirent, commémorative de Paoli, et l’on d’hôtel en auberge, je pensais avec découvre que les cendres du « père de la nostalgie à mon déjeuner à Pino. Pour en patrie » sont déposées à Stretta. C’est connaître la saveur, représentez-vous une ainsi que j’ai traversé Marinca en grande salle à l’étage, aussi en ordre cherchant Canari. qu’une salle d’hôtel dans une ferme Je n’avais pas la plus petite raison d’en américaine, avec une nappe rouge et vouloir à qui que ce fût, puisque le blanche, impeccable, marquée par les déjeuner à Pino, à l’heure tardive où plis laissés par le fer comme sur un nous y étions arrivés, était suffisant pour article de publicité. Derrière moi, un me faire oublier toute contrariété. Il n’y feu et devant moi une pile d’assiettes, qui a pas dans toute la Corse d’endroits où atteignait presque mon menton. Au l’on peut manger aussi bien qu’à Pino, sommet de la pile se trouvait une où un petit hôtel est la preuve que les serviette de table en lin épais, d’un blanc auberges corses peuvent être pleines de que seul le soleil peut donner, et assez charme, et que les aubergistes corses grande pour servir à une douzaine de peuvent regarder leurs hôtes autrement personnes. que comme des empêcheurs de tourner A peine eus-je le temps de noter tout en rond. cela que le défilé des viandes commença. Un œuf mollet qui, j’en suis sûr, n’avait UNE AUBERGE CORSE QUI jamais eu une chance de refroidir, était CONTREVIENT À TOUTES suivi d’une bouillabaisse comme LES REGLES DE L’ILE Marseille n’en a jamais connue. Vinrent ensuite deux poissons délicieux. Mon La charmante hôtesse sortit pour nous hôtesse rayonnait de fierté quand elle accueillir, avec un tablier propre et un affirma que c’était le poisson du pays. visage rayonnant. « Avez-vous reçu mon On mit ensuite sur la table de la joue télégramme ? » demandais-je. C’étaient de porc croustillante et un délicieux petit les premiers mots écrits en français que steak avec de ces pommes de terre frites j’avais jamais remis à quelqu’un, à à la française, qui font honneur au pays l’exception d’un professeur indifférent, et d’où elles tiennent leur nom ; mais il n’y je découvrais avec surprise ou presque avait pas de menu et je n’avais aucun que cela avait marché. « Aimeriez-vous moyen de savoir à quel stade j’en étais de vous laver les mains ? » demanda ensuite mon voyage dans ce paradis de ma toute nouvelle amie. Par chance, gourmets. mon expérience des auberges corses et de Une bécasse, avec une poitrine aussi ceux qui les tenaient était si mince que je développée que celle d’un gymnaste, 52 LE MAGAZINE DU NATIONAL GÉOGRAPHIC

Photographie de Clifton Adams La convivialité d’une cave à vin Corse Le bouquet de maquis suspendu montre que l’on s’apprête à faire « bonne chère ». Certains petits bars servent des repas à midi et le soir. Entre les heures de repas, les clients cherchent à se divertir avec des cartes et des vins légers du pays. LES CÔTES DE CORSE 53 apparut ensuite, suivie après un intervalle auprès d’un feu qui me chauffait le dos. raisonnable de haricots blancs si Pino est l’exemple même du paradoxe savoureux que pour en manger un des auberges corses où habituellement un habitant de Boston en aurait oublié sa déjeuner d’hiver, bon ou non, est une fierté de Bostonien ; puis du fromage et rude épreuve. des fruits, une assiette où s’empilaient On pénètre dans une pièce étroite et des mandarines anxieuses, à l’évidence, de dépouillée au fond de laquelle se trouve perdre leur enveloppe colorée pour la principale attraction, un feu où se prouver à quel point elles sont bonnes à consument lentement des racines de l’intérieur, avec des figues, des noix et du bruyère, morceaux noueux dont le cœur raisin.Je fus si généreux avec le pourboire en mauvais état est impropre à la que mon repas et celui de mon chauffeur, fabrication des pipes. Autour de ce feu, qui avait pris le même mais avec du vin auquel fait défaut le crépitement et le et du café en plus, me revinrent à 1$ 25. rougeoiement du pin ou du bouleau, se De retour à Pino, des semaines plus trouve le groupe habituel de ceux que tard, je fus suffisamment déloyal envers l’heure du repas ou la nuit a surpris en ma première hôtesse pour me rendre chemin. dans l’hôtel concurrent ; mais j’avais Le marchand ambulant a parqué son mes raisons et je ne le regrettai pas. Le âne dans quelque étable et a entassé son repas y était aussi bon, et mes intentions éventail de produits dans sa petite étaient d’y rencontrer un marin à la chambre. Maintenant il offre ses mains retraite, décoré et récompensé par trois noueuses à la chaleur qui est pour lui un organismes différents pour avoir, au luxe, tandis que le feu se met à flamber risque de la sienne, sauvé la vie de trois en réponse au soufflet qu’actionne une Annamites, lorsqu’il était officier sur un jolie femme qui semble à la fois cliente et bateau en mer de Chine. amie de l’imposante patronne. Pino n’est qu’un de ces charmants De derrière, on voit un halo flou villages de la côte ouest, au nombre d’une autour de la chevelure argentée du demi-douzaine qui possèdent une belle marchand ambulant, venu là s’abriter, église, quelques cimetières bien et une tache brillante là où la lumière du entretenus, plusieurs vieilles tours de feu tombe sur le livre de classe sur lequel, garde et de refuge, et dont l’aspect général comme une espèce de Lincoln corse, le respire la propreté et la gaieté. Mais fils de la patronne étudie. lorsque quelque banquet, qui sort de Sur une table proche du milieu du l’ordinaire, me fait me rappeler les festins mur extérieur, entre la lumière qui se qui m’ont marqué par le plaisir que j’y ai mourait sur la neige à l’extérieur de la pris, je ne peux m’empêcher de penser à porte ouverte, et le rougeoiement de Pino et aux repas que j’y ai faits. l’âtre, un hachoir à viande et une machine à farcir les saucisses étaient SCÈNE D’HIVER actionnés par l’homme de la maison, DANS UNE AUBERGE CORSE manifestement rappelé pour cette tâche du maquis giboyeux sillonné de chemins. Ce fut à Pino que hôtesse et hôte me A l’évidence, il y a là un petit groupe de firent asseoir à leurs tables abondantes familiers, et on souhaite, alors, avoir la 54 LE MAGAZINE DU NATIONAL GÉOGRAPHIC

Photographie de Maynard Owen Williams

Filets de pêche et nasses à langouste au bord du quai de Centuri Centuri sur la côte ouest du Cap Corse, la péninsule la plus au nord de l’île, était le port où accosta Boswell quand il visita la Corse. « La vue des montagnes couvertes de vignes et d’oliviers », écrivait-il, « était extrêmement agréable et l’odeur de la myrte et d’autres arbustes et fleurs aromatiques qui poussaient tout autour de moi était très rafraîchissante. » LES CÔTES DE CORSE 55 langue moins embarrassée et l’oreille plus peine d’être agrandi, et d’être suspendu fine. Mais situation et nationalité sont un dans la plus belle pièce, de façon à ce handicap plus lourd que la maigre que le visiteur, malgré ses frissons, connaissance que l’on a de la langue. trouve un intérêt à la galerie de portraits La patronne essuie la graisse de saucisse de style seigneurial qui fait de l’hôtesse sur ses mains, prend sur le manteau de la plutôt attirante une jeune chose, à l’air cheminée une lampe en verre de couleur guindé et inexpressif, et de celui qui verte et le cœur de l’honorable voyageur actionne la machine à farcir les saucisses, chavire. Il se sait condamné à frissonner une espèce de soldat prussien, à la dans la solitude de la pièce du haut dont moustache hérissée et aux nombreuses la taille et le sinistre sont tout médailles. élisabéthains. Pendant la montée, il marque le pas LE CADEAU DE BOSWELL À LA CORSE derrière madame et attend, les mains dans les poches, complètement frigorifié, De Pino à Centuri ce qui compte c’est que se soit achevée chacune des lourdes le campanile. Il y a bien sûr des tours de enjambées qui le précèdent en gravissant refuge et de défense, rondes et carrées, les escaliers sombres. certaines tombant en ruine, d’autres A plusieurs reprises, je laissais entendre brillantes d’un crépi tout récent ; mais qu’il me serait plus agréable d’être toujours au-dessus des maisons qui autorisé à goûter le bonheur d’être en passent inaperçues et au-dessus des tours compagnie plutôt que de supporter la génoises elles-mêmes, se dressent les grandeur de la solitude derrière un clochers d’églises ou leurs campaniles. monument de faïence sans chaleur qui En Corse, comme en Russie, l’église indiquait que le véritable confort était est la particularité la plus remarquable enterré là ; mais votre hôtesse corse, au quand on regarde la partie habitée d’un grand cœur, n’autorisera pas plus ce paysage de campagne ; mais on ne voit crime de lèse-majesté qu’une jolie jeune pas, en Corse, ces dômes opulents qui fille corse n’autorisera qu’on la prenne en ressemblent à des betteraves retournées photo un jour de semaine. Les petites ou à des olives couleur vert-de-gris. joies sont indignes de l’honorable étranger L’église n’est qu’une dépendance de son à qui ne saurait convenir que la plus belle clocher, et là où les deux sont séparés, chambre et les plus beaux habits. Aussi c’est la cloche de la tour plutôt que le souffre-t-il en silence et garde-t-il à lieu de prière qui domine la scène. l’esprit des images beaucoup plus Morsiglia a son escalier de vieille tour attrayantes, que ne peut en prendre un et ses petits vignobles en terrasse, chacun appareil photo du dimanche, puisque la abrité derrière une haie de fagots de femme corse rarement jolie, mais souvent bruyère qui la protège des vents forts et attirante, n’est pas photogénique. renvoie la chaleur. Un important Mais ce n’est pas de cette façon qu’ils groupement de hameaux et de maisons sentent les choses. Dans la mesure où un isolées constitue Centuri. Je passais peu portrait montre une broche miniature, de temps dans la partie haute mais je de la dentelle bon marché et le ruban descendis jusqu’au petit port où Boswell attaché d’une manière stricte, il vaut la accosta au cours du pèlerinage qu’il 56 LE MAGAZINE DU NATIONAL GÉOGRAPHIC

Photographie de Clifton Adams

Au pied du Monte Stello sur la côte ouest du Cap Corse Nonza, une ancienne ville féodale avec sa vieille tour et son château génois, domine le golfe de Saint-Florent depuis son promontoire rocheux. LES CÔTES DE CORSE 57 faisait vers le quartier général de Paoli, pour franchir la dernière ligne droite qui pour rendre un culte à son héros. mène de Macinaggio à Bastia, la route Quel extraordinaire propagandiste fut est parallèle à la mer, grimpant par cet homme et combien la Corse lui est moments pour économiser les virages redevable ! Boswell, Rousseau, lord ou bien se tenant en retrait des vagues Byron et Mérimée ont fait pour la Corse sur une plage de coquillages. Elle ne ce qu’elle n’a jamais été capable de faire cherche pas à gagner les villages sur les pour elle-même. Ces passionnés ont hauteurs. Elle a le sentiment du devoir amené du romanesque dans une terre où accompli, si elle dessert les marines et les tirer dans le dos d’un homme, et cela ports relativement insignifiants par sans crier gare, était une façon de faire rapport aux villages réels. qui ne choquait personne. Autrefois, avant l’achèvement de la Comme Napoléon, les Corses les plus route côtière, un Cap corsin ne faisait connus ont gagné leur renom en tant pas l’acrobate autour des précipices pour que Français. La Corse est la pépinière aller rendre visite à un ami dans une des administrateurs français, et partout commune voisine. Il faisait de la mer sa où la tâche, dans les colonies, est trop grand-route et, quoique la difficile ou trop astreignante pour un communication terrestre le long de la Français du continent, c’est un Corse côte est ou de vallée en vallée fut bien plus qu’on en charge et qui prend la situation simple que sur la côte ouest, plus sauvage, en main, avec bonheur. l’utilisation d’un bateau était plus facile Mais cette Corse moderne, où le que celle d’un véhicule à roues. romanesque n’a plus rien de bravache, de Même aujourd’hui il n’y a pas de cruel ou de mélodramatique, mais repose grand-route sur la côte est. Pour se rendre sur une loyauté irréprochable et un d’un village de montagne à un autre, on talent, est perdue de vue à cause d’un doit descendre vers la mer. En ce qui écrivain britannique, dont le contact concerne la desserte des villages hauts- avec la renommée était un cocktail perchés de la côte est, l’autobus, qui fait délirant qui a mis Paoli et la Corse à la le tour du Cap, pourrait aussi bien être mode, à l’époque où l’on cherchait leurs un bateau à moteur. La route qui ne amis et où leurs sympathisants étaient traverse aucun village sauf Erbalunga peu nombreux. donne accès à des routes transversales, de Ce journaliste enthousiaste, dont le deux à cinq kilomètres de long, qui journal sur la Corse est peu connu grimpent vers les bourgades. Une de ces aujourd’hui, a fait pour la Corse ce que routes transversales tire presque tout Lord Byron fit pour la Grèce - en la droit en remontant la vallée de Santa mettant à la mode à une époque où le Severa à Luri, puis, avec des contorsions mot liberté était sur toutes les lèvres mais angoissantes, franchit le col situé au- où ces conquêtes sans grande importance dessus de la tour légendaire de Sénèque étaient comme un volant renvoyé à tour pour revenir à Pino. de rôle par des raquettes françaises et Les villages de la côte est ne m’ont pas génoises avec toutes chances de tomber laissé beaucoup d’impressions, peut-être entre les deux dans un océan d’oubli. parce que je ne m’y suis jamais rendu. En tournant au bout du Cap Corse Aucun chauffeur ne voudrait se risquer 58 LE MAGAZINE DU NATIONAL GÉOGRAPHIC

Photographie de Maynard Owen Williams

Rue du plus vieux quartier de Bastia Bastia est plus vivante au présent et au futur que n’importe quelle autre ville de l’’Île. L’huile d’olive, le vin du Cap Corse et certains des plus beaux citrons du monde partent de ses quais en direction de la France et de l’Italie. Ajaccio, fréquentée par les étrangers, a été appelée le Nice et Bastia le Marseille de Corse. La ville a hérité de Gênes la taille de ses immeubles. LES CÔTES DE CORSE 59 sur les mauvaises routes qui les relient à la visite après une excursion de quinze grand-route du bord de mer. D’anciens jours. Je le demandais à Bastia dans la écrivains avaient parlé de palais érigés première librairie que je remarquai. Il par les « Américains », ces Cap corsins tomba du coin où il se cachait comme qui avaient fait fortune en Amérique un bienfait et une douce pluie. Centrale et en Amérique du Sud, et « Le voici », dit la charmante étaient revenus au pays, pour se jucher employée avec une brusquerie qui me sur de charmants petits perchoirs, que donna la nostalgie de l’Amérique. leurs fonds étrangers leur avaient permis « Avez-vous lu La Garçonne ? » Sans d’accrocher à leurs collines bien-aimées. doute pensait-elle que le livre qu’elle me J’ai rencontré plusieurs d’entre eux, vendait était de Léon Daudet et non rentrés de leurs vagabondages, mais ils d’Alphonse, mais elle l’avait et n’étaient jamais chez eux. Ils étaient sur immédiatement. Le commerce à Bastia le chemin du steamer qui relie leur terre n’est pas hésitant. natale à leur pays d’adoption soit parce Comme Hong Kong, Bastia était qu’ils y embarquaient, soit parce qu’ils en autrefois un petit village de pêcheurs débarquaient. mais, en 1380, un gouverneur génois y fit construire un fort à partir duquel il BASTIA, LA MÉTROPOLE DE CORSE pouvait mener la guerre contre les Corses de l’intérieur. Des bastions de cette Bastia est la métropole trépidante de la forteresse, la cité tient son nom. Le siège Corse. Son syndicat d’initiative l’a du gouvernement fut transféré des décrite ainsi, et le vrai Bastiais, en environs de l’étang de Biguglia dans quittant son café pour aller dans son l’endroit qui, jusqu’à ce que Madame club, tire ses manchettes, ajuste son Laetizia Bonaparte l’eût déplacé à chapeau et affiche un air très affairé. Ajaccio, fut la capitale de la Corse. Elle Bastia a la conscience du progrès dans la est maintenant la résidence du peau si bien qu’on n’y flâne pas avec gouverneur militaire. l’abandon ajaccien mais avec un petit sentiment de honte. LES BEAUTÉS DE BASTIA Bastia est presque devenue provinciale. Il y a longtemps qu’elle se Gênes, qui a légué à la Balagne ses distingue du reste de la Corse. Ses meilleures variétés d’olives, a donné à femmes sont différentes de celles Bastia ses taudis qui grimpent jusqu’au d’ailleurs : elles ont les moyens de porter ciel. Le Génois, d’instinct, appuie sa des bas et elles s’habillent mieux. On se maison à une colline et y pénètre ensuite bouscule dans son opéra et ses magasins à sa convenance par le toit ou la cave. ont quelque chose à vendre et ils le Les quartiers les plus anciens de Bastia vendent. sont faits de maisons bâties en hauteur Je visitai une douzaine de petites avec tant d’étages que personne n’oserait librairies à Ajaccio pour acheter les les compter ; et les rues qui traversent Lettres de Mon Moulin de Daudet, mais cette masse de constructions comme des il se trouvait que c’était toujours dix galeries de taupe ou des crevasses dans le jours trop tôt même lors de la seconde sol sont si étroites que par endroits on 60 LE MAGAZINE DU NATIONAL GÉOGRAPHIC

Photographie de Clifton Adams

Dans la Haute ville, sous la Citadelle de Corte Les petites maisons vieilles de plusieurs siècles construites en pierres ou même en galets semblent suffisamment massives et robustes pour durer encore des siècles. LES CÔTES DE CORSE 61 peut toucher les deux côtés. Il y a des Corse, et elle regarde avec un peu de escaliers raides qui descendent vers le jalousie la modeste réussite des autres port et la Ruelle du Guadello est aussi ports. Besogneux malgré le encaissée que longue. provincialisme étroit par lequel certains Ces immeubles imposants et ces rues se distinguent des cantons de l’intérieur étroites donnent aux plus anciens de l’île, les ports de Corse gardent une quartiers de Bastia ce qui apparaît certaine amertume de leur caractère comme un charme rare. Si le voyageur besogneux. Quand la rumeur a circulé trouvait chez lui les mêmes conditions de que serait mis en service un nouveau vie, il interpellerait le conseil municipal vapeur, plus important, sur la ligne sur un environnement aussi insalubre. Bastia-Nice, Ajaccio s’est aussitôt Le crépuscule baigne ces édifices mobilisée contre cet exemple de malodorants dans un rougeoiement du favoritisme, au point que les directeurs plus mystique effet. Les rouges et les jaunes de la compagnie ont écrit une lettre passés avec les taches vertes et bleu sombre ouverte, pour assurer à la population de que font les toits se reflètent légèrement la capitale endormie que leur cité serait voilés dans les eaux scintillantes du port. dotée d’un service équivalent. Mon ami m’emmena là-haut dans le Ce qui semble une broutille à un parc, d’où nous pouvions regarder entre étranger est d’une haute importance les pins parasols, toute cette splendeur pour la Corse. Lors de ma première désordonnée. Il m’emmena flâner sur les visite à Bastia, il s’était su que le places des marchés où la puanteur ruina Mauretania devait s’arrêter une journée le spectacle sonore, jusqu’au moment où à Ajaccio, au cours de sa croisière en dans l’encadrement de la voûte d’un vieil Méditerranée, avec à bord des immeuble j’ai pu voir le bleu de cette centaines de millionnaires américains. mer qui baigne les pentes de l’île d’Elbe. Un bateau de touristes n’a jamais fait Mon ami devait des yeux abîmés à un de croisières en Méditerranée sans gaz nocif. Parfois je ne parvenais pas à millionnaires. N’importe qui vous le voir précisément la beauté qu’il avait dira. « Pourquoi un tel vapeur devrait- entrevue. Sa vue affaiblie avait pour lui il faire escale à Ajaccio plutôt qu’à des égards dans la cité qu’il aimait, et de Bastia ? » demanda quelqu’un qui temps en temps, il agrippait mon bras semblait me reprocher cet affront à jusqu’à me faire mal, cherchant à me l’égard de sa belle cité. « Ajaccio n’est faire percevoir le charme qui le retenait là. qu’une ville paresseuse. Bastia est Il me révéla une vingtaine d’échappées de moitié plus grande et trois fois plus vue ensorcelantes, mais la plus belle fut active ». La belle opinion que ces sans doute celle que j’entrevis dans le Américains pressés (les touristes cœur d’un vrai Corse qui aime son pays américains millionnaires sont toujours natal. pressés) auront de la Corse en n’en voyant qu’Ajaccio ! Mais ce fut la JALOUSIE ENTRE PORTS RIVAUX même chose l’an dernier. « Le George Washington a fait escale à Ajaccio et Bastia est, sans aucun doute, peu nous a laissé tomber. Il faudrait faire consciente de son importance pour la quelque chose. » 62 LE MAGAZINE DU NATIONAL GÉOGRAPHIC

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Chargement de chaufferettes d’un train à Ghisonaccia dans la plaine de la Côte orientale LES CÔTES DE CORSE 63

LE CHEMIN DE FER AJACCIO - BASTIA deux parties séparées, les compartiments PEUT TRANSPORTER SIX PASSAGERS spéciaux des chemins de fer corses ne DE PREMIERE CLASSE A LA FOIS servent à rien, bien qu’ils soient hissés sur les montagnes et ramenés tous les Il est déplorable que les groupes de jours - que de poids mort. touristes soient contraints de s’arrêter Lorsqu’on descend la côte orientale, le uniquement dans un des ports de la Corse voyage, en comparaison des autres, est puisque le voyage en train entre la monotone et dépourvu de cette grande 1 2 capitale et la métropole est d’une rare variété de paysages à laquelle on s’attend beauté et d’une extrême variété, offrant en Corse. Après qu’un chauffeur a franchi un éventail de tout ce qui caractérise la vie les montagnes le long de la côte et les paysages corses. Peu nombreux sont occidentale ou en traversant l’île, il peut les bons vapeurs qui ne pourraient pas considérer sa profession comme une faire le tour de l’île et gagner Bastia depuis occupation accessoire, quand il tombe sur Ajaccio pendant que le petit train suit sa les routes de la plaine orientale droites route en haletant à travers l’épine dorsale comme une trajectoire de flèche. Pourtant, du pays et descend de l’autre côté. en hiver, le voyage n’est pas sans surprises Même si tous les wagons, de première agréables, puisque l’on a de là une vue classe en Corse, étaient mobilisés pour d’ensemble superbe sur la chaîne de l’occasion, les membres d’un groupe de montagnes enfouies sous la neige. touristes important ne pourraient pas traverser l’île tous en même temps. LA CORSE DES PLAINES À BATTU EN Récemment, le chemin de fer a fait RETRAITE DEVANT LES MOUSTIQUES l’acquisition de deux excellentes voitures qui font la fierté de l’administration. Dans A Casamozza, chemin de fer et routes chacune, il y a un salon spacieux qui plongent à l’intérieur des montagnes devrait avoir une fleur en cire sous une pour longer le Golo vers l’amont cloche en verre, et un « vide poche » sur jusqu’au nœud vital de communication chacun des sièges luxueux, mais je n’ai qu’est Ponte-Leccia. Ici comme à jamais vu ce compartiment spécial ouvert. Barchetta et à Folelli, il y a des fabriques Une partie d’entre nous voyagea en d’acide gallique destiné à la production seconde classe plutôt qu’en première de solutions de tannin provenant du bois classe, parce que six passagers de du châtaignier. A Barchetta, il y a une première classe seulement peuvent être nouvelle fabrique où pour la première installés dans ce wagon de luxe. Mais, fois on produit du papier à partir du bois pendant tout ce temps, le spacieux de châtaignier réduit en pulpe. Au sud compartiment spécial resta verrouillé et de Casamozza vers Prunete et Cervione, ses rideaux tirés. Une aussi « belle salle » notre route passe à l’est du pays de la est un endroit où l’on devise châtaigne, la Castagniccia. agréablement et dont l’usage aussi serait Nous n’obliquons pas vers le cœur du fort agréable. Mais, comme les salles de pays, mais nous longeons, parallèlement, l’Empereur, qui font de la gare de Tokyo la côte basse jusqu’au phare d’Alistro. 1. : Ajaccio Passé le site de l’antique cité d’Aléria, 2. : Bastia près de l’embouchure du Tavignano, 64 LE MAGAZINE DU NATIONAL GÉOGRAPHIC

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Un berger et son fils dans le défilé de l’Inzecca LES CÔTES DE CORSE 65 nous sommes restés, pour la nuit, au Il y a quelque part, chez le Corse, un domaine de Casabianda, l’une des manque de cet esprit d’entreprise, de ce quelques étendues de la côte orientale sens de la coopération et du projet qui n’a pas capitulé devant le commun qui permettent de proscrire les moustique. fièvres et d’assainir les marais. Les Devant le moustique de la côte difficultés, que l’Assyrie et Babylone ont orientale, le Corse a battu en retraite résolu pour construire, étaient du même vers les montagnes, laissant les étendues ordre que celles devant lesquelles la les plus fertiles de l’île pratiquement Corse a cédé ou montré une carence incultes. A l’époque des Sarrasins et des lamentable. corsaires barbaresques, on se réfugiait Le Corse a reproché à la France de ne dans de gros bourgs, construits dans les pas avoir fait aboutir à Bonifacio la ligne montagnes, et, aujourd’hui, la fièvre et de chemin de fer de la Côte Orientale, la chaleur dépeuplent, en été, les plaines mais il ignore le fait qu’un chemin de fer étroites. doit son existence tout autant aux terres qu’il traverse qu’aux ports qu’il dessert, et IL Y A DEUX CORSES que, si les fièvres règnent sur les champs incultes, l’extension des deux petits rails, Comme au Liban, les terrasses sur les séparés par un mètre, qui les longent, ne flancs des montagnes sont la preuve de la sauvera pas une plaine de la maladie et dureté du travail, pour un rendement de la pauvreté. parfois sans adéquation avec elle ; et, à Un ballot de moustiquaires aurait portée de main, il y a des plaines fertiles sauvé la vie de beaucoup de Corses. Le presque désertées par la vie parce que le drainage des marais miasmatiques cancer du fatalisme ronge depuis des permettrait à des milliers d’acres de siècles le cœur valeureux du Corse. Fièvres redevenir ce qu’ils étaient à l’époque des et chaleur ont, par leur persévérance, Antonins qui les sauvèrent des conquis des endroits où jamais aucun conditions qui prévalent maintenant, envahisseur étranger n’avait planté son quand Aléria voyait embarquer de étendard. grandes cargaisons de grains pour nourrir Il y a vraiment deux Corses : la plaine la Rome Impériale. côtière est source de profits pour l’esprit La côte orientale était et demeure la d’entreprise génois, pisan ou romain et Camargue de la Corse*. Mais le Corse nécessité pour les contacts de l’île avec le fait moins bon usage de cette riche monde extérieur ; la Corse des région que ne fait le gardian camarguais, montagnes, plus ou moins indépendante, de ses plaines moins fertiles. qui, au lieu d’étendre son empire sur la plaine cultivable, s’est cantonnée dans les replis des collines et les montagnes déchiquetées, bâtissant de nouvelles demeures sur les hauteurs et laissant les résidences de la plaine, un temps *Voir « the Camargue, Cow-boy Country of habitables, exposer leurs intérieurs privés Southern France, » par Dr. André Vialles, de toits au ciel brûlant. dans THE GEOGRAPHIC de juillet, 1922. 66 LE MAGAZINE DU NATIONAL GÉOGRAPHIC

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Matin après la neige à Bicchisano La combinaison des deux villes de Petreto-Bicchisano inséparablement liées comme le sont la plu- part des villages corses s’étend le long de la route qui du sud d’Ajaccio va à Sartène au milieu de certaines des plus belles collines de Corse. Les villes jumelles sont nichées au cœur d’une couronne d’arbres ombreux avec le Mont San Pietro semblable au Ben Nevis qui les surplombe. LES CÔTES DE CORSE 67

DES PREUVES QUE LA CORSE EST elles sont nécessaires les ressources PEUT-ÊTRE EN TRAIN DE SE pétrolières de la terre. RÉVEILLER Mais en attendant, dans les régions trop pauvres pour que s’y développent La plantation d’eucalyptus qui a des activités importantes, la déforestation embelli le paysage monotone a créé des dépouille la roche de sa couche de terre, nids à moustiques ; mais les marais l’érosion emporte les éléments fertiles envasés n’ont pas été asséchés par ces du sol, les rivières s’envasent et arbres qui demandent beaucoup d’eau ; deviennent des marais où les fièvres et le véritable littoral de la Corse s’étend prospèrent et la famine menace. Voilà ce le long d’une ligne imaginaire cent qu’est la côte orientale de la Corse. pieds au-dessus du niveau de la mer. A côté de la grand-route au sud de C’est là que, juste sous les yeux de Bastia, on a ouvert une tranchée dans pauvres gens, se trouvent les terres laquelle des canalisations d’eau sont en fertiles mais incultes et des milliers train d’être posées pour que les villes les d’entre eux mourraient de faim si la plus importantes de l’île puissent recevoir maladie de l’encre devait attaquer les l’eau plus pure des montagnes. D’autres châtaigneraies. projets sont également en cours de La plaine serait-elle peuplée d’ennemis réalisation pour rendre l’est fertile aussi que la vaillance du Corse ne ferait pas florissant que l’ouest rocheux et il se plus défaut aujourd’hui qu’elle ne faisait peut que nous soyons à nouveau à l’aube défaut dans le passé, quand des vingtaines d’une nouvelle prospérité. d’histoires relatives à cette vaillance, que Le domaine de Casabianda, une se sont appropriées maintenant d’autres grande propriété d’environ 5000 acres, personnes, avaient leur origine véritable est maintenant mis en valeur par les dans le caractère corse. Ponts et Chaussées. Le sauvetage de la Mais la plaine orientale de la Corse, la côte orientale qui avait été entrepris vallée paradisiaque de Sagone, le Campo comme la réalisation d’un grand rêve a dell’Oro, la vaste étendue de terrain été abandonné il y a quelques années, ses derrière Saint-Florent, sont aussi bâtiments de luxe, ses silos gigantesques, révélateurs du succès obtenu dans la lutte ses grandes écuries, ses bergeries et ses contre la malaria, que les excavatrices porcheries en disent long sur cet échec françaises rouillées de la jungle de Panama. tragique. Mais, récemment, ces Il n’y a pas de climat assez pénible, ni bâtiments autrefois abandonnés ont été de problèmes sanitaires et mécaniques remis en service et le menu et le gros suffisamment embarrassants pour bétail de Casabianda était le plus beau donner un coup d’arrêt au progrès du que j’ai vu en Corse. L’homme qui me monde organisé. Les chemins de fer servait de guide m’affirme qu’il habite là traverseront des déserts arides pour tout au long de l’année et ses accès de atteindre de riches mines ; la forêt fièvre ne l’empêchent pas de travailler. vierge tropicale disparaîtra avant le De retour dans les montagnes, il y a besoin de bananes, de caoutchouc ou de des affiches dans chaque restaurant, café ; ni la chaleur, ni le froid, ni la demandant aux gens, comme un devoir famine ne peuvent sauver de ceux à qui patriotique, de se nourrir de châtaignes 68 LE MAGAZINE DU NATIONAL GÉOGRAPHIC

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Empilement d’écorses de chêne-liège soigneusement coupées, prèts à être emballés : Bonifacio LES CÔTES DE CORSE 69 et d’autres produits locaux pour que l’on La route file droit jusqu’à la Solenzara n’ait pas besoin d’envoyer l’or français à avec un panorama merveilleux de l’étranger pour acheter du grain. Il montagnes enneigées à l’ouest ; mais semblerait que Casabianda soit bien dans ce petit village proche de équipé pour une réussite agricole, si l’on l’embouchure de la Solenzara, elle arrive à bannir les fièvres de la plaine, qui commence à tourner et à sinuer, s’étend derrière les marais salants de comme si elle était une section de la l’étang de Diana et de l’étang del Sale. route de la côte ouest, perdue au milieu de paysages étrangers. Là s’arrête la UNE ÎLE DE COQUILLAGES, plaine. Ici, les montagnes corses vont MONUMENT AUX FESTINS D’HUÎTRES jusqu’à la mer, et on contourne une DE LA ROME ANTIQUE tour génoise qui pourrait occuper une position identique à la position de Ces étendues d’eau peu profondes n’importe laquelle de celles que l’on ou étangs ne sont pas des marécages trouve dans une vingtaine d’endroits boueux en sous-bois mais des marécages du côté opposé de l’île. d’eaux libres dont l’aspect n’a rien d’inquiétant. Le mari de la patronne de l’hôtel m’accompagna jusqu’à l’étang DANS LE PAYS DU LIÈGE de Diana, en prenant un réel plaisir à De là, on se dirige vers l’intérieur des dépasser dans une automobile les terres et on pénètre dans le pays du bergers travaillant pour le domaine et chêne-liège qui fournit à Porto-Vecchio et qui doivent pousser sur le bord leur à Bonifacio l’essentiel de leurs activités. sotte engeance laineuse pour nous Porto-Vecchio est assez pittoresque, laisser passer. surtout vue de la mer, parce qu’elle Je voulais voir l’île de coquilles occupe une petite éminence à laquelle ses d’huîtres qui, dit-on, date de l’époque remparts ajoutent exactement la touche où la Corse fournissait les huîtres qu’il faut ; mais la vie y est monotone. d’Aléria comme le met délicat, par Pour les messieurs âgés, il y a le soleil et excellence, des fêtes romaines. Des l’espace devant l’église, mais pour les huîtres sont encore exportées de là, mais jeunes il semble ne rien n’y avoir. Les il y a un produit plus important, garçons ne donnent même pas de coups surtout avant les vacances de Noël, c’est dans un ballon. Les filles ne font pas l’anguille qu’on expédie, vivante, à Nice rebondir de balles en caoutchouc comme et à Naples, et qui est aux périodes de elles le font ailleurs en Corse. fêtes ce que la sauce de canneberges est Après un voyage nocturne épique en à notre Thanksgiving et le pudding à la voiture, j’atteignis Bonifacio, où je fus prune aux noëls anglais. chaleureusement accueilli parce que Au sud de Casabianda, le chemin de Clifton Adams avait ouvert la voie un an fer de la côte orientale sort du maquis et demi plus tôt. pour aller s’arrêter à Ghisonaccia où Bonifacio occupe une position qui l’autocar prend la relève du train pour certainement mérite la qualification transporter le courrier et les passagers « d’unique », cet adjectif galvaudé. Si les jusqu’à Bonifacio. voyageurs, qui se faufilent dans l’étroit 70 LE MAGAZINE DU NATIONAL GÉOGRAPHIC

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Un tas de sel à Porto-Vecchio Porto-Vecchio était l’ancien « Portus Syracusanus » des Génois. Les plus belles forêts de chênes-lièges de Corse, qui sont près de la ville, fournissent au port l’essentiel de ses marchandises. LES CÔTES DE CORSE 71 goulet sur des vapeurs en route pour l’habitude de se déplacer à cheval. De l’Orient magique, pouvaient être l’autre côté un étroit escalier de pierre conscients de ce qu’ils ont sous les yeux descend jusqu’à la mer, plaqué contre la lorsqu’ils passent devant les falaises muraille rocheuse comme s’il avait peur stratifiées, quelques-uns d’entre eux au de suivre l’exemple de la partie de la ville moins, sauteraient par-dessus bord, et en surplomb. En montant vers la porte nageraient vers la rive, parce que est de l’ancienne forteresse, zigzague un Bonifacio est aussi originale que chemin raide comme celui qui descend n’importe quel autre endroit original que vers le port, mais beaucoup plus utilisé l’on peut rencontrer en faisant un tour puisqu’il accède directement aux quartiers du monde. les plus peuplés de la haute ville. L’étroite péninsule et le port encore L’église de Sainte-Marie-Majeure à plus étroit sont aussi solidaires que deux Bonifacio possède un morceau de la mains étroitement serrées, ce que les vraie croix, enfermé dans une niche jeunes garçons jouant à crack-the- murale. Le maire et le curé en ont les wip appelaient autrefois « à la matelot ». clefs, au nombre de deux, qui doivent Les eaux agitées érodent perpétuellement être utilisées en même temps pour le sol et les falaises surplombantes sont accéder à la relique sacrée, portée en suspendues comme une épée de procession trois fois par an. Damoclès au-dessus de l’eau, comme si Quand le vent et la mer se déchaînent chacune essayait d’effectuer l’étrange en tempête contre les étroits fondements mortaisage de la terre ou de la mer. La de la cité au point que leur furie effraie mer a creusé son port, en forme de même les hommes courageux, ce morceau crochet, doublement barbelé, de bois est porté devant une foule profondément à l’intérieur des terres. anxieuse, pour tenter de calmer les eaux. En venant d’Ajaccio ou de Bastia, on La nature stratifiée du rocher, sur descend vers le port de Bonifacio à lequel repose Bonifacio, fait d’elle une travers une entaille sinueuse dans le cité bâtie à la fois sur du rocher et du plateau calcaire d’où il est impossible de sable. Petit à petit les parties plus tendres voir la ville jusqu’au moment où elle de la falaise située entre des strates plus nous saute aux yeux, au-dessus des toits, dures se délitent et progressivement les sans originalité, des quais du port. fondements de cette ville, qui n’ont Un énorme bastion s’avance comme jamais cédé devant la force, sont en train pour repousser, maintenant encore, une d’être emportés par les eaux jalouses et le attaque. On ne peut pénétrer dans la vent infatigable. haute ville que par des portes avec des Dans la loggia couverte, devant la ponts-levis à contrepoids qui nous font cathédrale, des messieurs âgés parlent entrer dans un décor médiéval, et nous politique, des garçons et des filles jouent, font craindre l’interdiction d’introduire en criant et en riant, avec des balles en un appareil photo dans ce qui est caoutchouc, tandis que l’abbé leur sourit. manifestement une forteresse. Ce brave homme a une nièce de deux Pour monter depuis le port il y a un ans, aux joues roses, qui porte un chemin raide, qui aurait été un escalier, si manteau rouge et, comme il dit, fait les constructeurs n’avaient pas eu « très anglaise » ; il a dans le regard une 72 LE MAGAZINE DU NATIONAL GÉOGRAPHIC

Photographie de Clifton Adams

Constance habite dans une des maisons du XVe siècle qui surplombe la mer à Bonifacio La chaleur du soleil d’été que renvoie le sol calcaire est responsable de ses taches de rousseur. LES CÔTES DE CORSE 73 humanité qui impose le respect mais pas contourne, en ramant, le phare de la le silence. Il m’amena visiter l’église de Madonetta pour pénétrer dans la grotte Saint-Dominique, un édifice du de la Sdragonata, un endroit XIIIe siècle, dont il est le curé. merveilleux, pavé sous les eaux bleues de Autrefois, le bâtiment à côté de l’église pierres couleur de pourpre tyrienne et de était un monastère et les moines y lapis-lazuli. Au milieu de l’hiver, le soleil pénétraient par un passage couvert à se couche juste à l’extérieur de l’entrée arcades. Plus tard, ce bâtiment est déchiquetée contre laquelle les vagues devenu une caserne ; maintenant c’est déchaînées feraient chavirer un bateau et une école. le broieraient comme dans les mâchoires de quelque terrifiant monstre marin et UNE CORDE EN POIL DE CHAMEAU cela quelque soit le temps, sauf s’il est UTILISÉE POUR calme. L’APPROVISIONNEMENT EN EAU Mais plus intéressant que la grotte elle- même, est cette ouverture particulière De l’autre côté, à l’angle de la citadelle, dans son toit à travers laquelle la lumière se trouve le puits de saint Barthélemy se déverse en en faisant moins une dont on gagne les sombres profondeurs caverne qu’un musée des couleurs sous- par un escalier en colimaçon de 300 marines. Cette fenêtre vers le ciel a marches taillées dans le calcaire, pour presque exactement la forme de la Corse. atteindre une porte étroite qui donne Pour descendre par l’amas de rochers sur la mer. La corde, en poil de chameau que la chute du toit a laissé à l’extrémité qui autrefois fournissait la garnison en gauche, on se propose de construire un eau potable, a depuis longtemps pourri, chemin pour que l’on puisse pénétrer mais les poulies sur lesquelles elle passait, dans la caverne à pied. Il y a bien des pour puiser l’eau deux cents pieds plus ascenseurs qui descendent à l’intérieur de bas dans le bassin au dessous, peuvent la grotte bleue de Capri ! encore être vues. Je demeurais dans la caverne jusqu’à ce Cet escalier sombre, complètement que la fin de l’après-midi lui eût ajouté privé de la lumière du jour, mais qui à un plafond rose. Puis avec le soleil se l’extérieur prend une inclinaison couchant derrière la Madonetta, dont audacieuse en descendant la falaise, est l’escalier du Roi d’Aragon, qui dit-on l’œil unique étincelant s’était réveillé fut construit en une seule nuit. Nulle pour sa surveillance nocturne au pied part, excepté sur le dôme de Sigiri, la de dangereux escaliers, je passais entre célèbre forteresse de Ceylan, on ne peut ces falaises imposantes en direction du trouver un escalier en pierre plus port avec les lumières d’un jaune sale que audacieux et s’il n’avait pas été construit l’on voyait déjà dans les gargotes le long dans l’obscurité d’une seule nuit, du quai ; puis je suivais le ruban blanc certaines de ses parties révéleraient le de la route jusqu’à l’hôtel isolé d’où on type d’architecture qui pourrait résulter n’a plus de vue sur la plus pittoresque des d’une façon de procéder fiévreuse. villes corses. Depuis le quai, si le vent n’est pas trop Au clair de lune, je revins le long de fort, on prend un bateau et on cette route blanche et passai les portes 74 LE MAGAZINE DU NATIONAL GEOGRAPHIC sombres qui, comme par oubli ou par de velours côtelé comme pendant la traîtrise, étaient toujours ouvertes. Il y journée. Il n’y avait pas de bruit jusqu’à avait juste un ballon dans les rues pavées, ce que je traverse une fois de plus juste une lumière sur les l’ancien pont-levis. Je me dirigeais vers le impressionnantes murailles ; puis, grondement de la mer au pied de la quelques notes d’un orgue de barbarie falaise surplombante sur laquelle caché et plus tard le léger pincement Bonifacio est en équilibre comme un d’une guitare. Blondin* au-dessus des flots houleux du Le ciel ressemblait à un de ceux que le Niagara. clair de lune donne à Venise. Aucun canal sombre que la proue effilée d’une gondole strie de lignes argentées n’était *NdT : Blondin funambule du début du XXe plus étroit que ces rues obscures. Aucun siècle qui sur son fil traversait les chutes du bruit de sabots d’ânes, aucun froissement Niagara. LES CÔTES DE CORSE 75 A propos de quelques " Voyageurs " en Corse

Il existe, depuis le XVIIIe siècle, une tradition de "voyageurs anglo-saxons", britanniques essentiellement, qui, après avoir visité la Corse, consignent leurs impressions dans des ouvrages très connus. L’éminent angliciste Francis BERETTI nous a permis de faire connaissance avec certains d’entre eux dans sa thèse : Pascal Paoli et l’image de la Corse au dix-huitième siècle. Le témoignage des voyageurs britanniques3. Citons, en 1766, Frederick Augustus HERVEY, Andrew BURNABY, puis en 1767, John SYMONDS, en 1768, le jeune peintre américain Henry BENBRIDGE qui réalisa des portraits de Pascal Paoli ou encore le COMTE DE PEMBROKE en 1769. Mais le plus célèbre est sans aucun doute James BOSWELL, qui au cours de son bref séjour en Corse, rencontra Pascal Paoli, puis défendit ensuite à Londres la cause de la Corse et publia en 1768 An Account of Corsica5. Véritable best-seller, édité à plusieurs milliers d’exemplaires, ce livre fut traduit en français, hollandais et italien. Il eut aussi un grand retentissement dans les colonies américaines. Pendant le premier XIXe siècle, c’est au tour de Robert BENSON de visiter l’île. Il publiera, à Londres, en 1825, Sketches of – Journal written during a visit to that island in 18232, un livre délicat agrémenté de très jolies illustrations. Lord George Gordon BYRON nous livrera, en 1821, un récit intitulé : Voyage de Lord Byron en Corse et en Sardaigne pendant l’été et l’automne de l’année 1821, à bord du yacht Le Mazeppa, commandé par le Capitaine Benson, de la marine royale8. Cependant, ce récit semblerait davantage être le fruit de l’imagination débordante du brillant homme de lettres que le compte rendu d’une réelle visite dans l’île. François De MORATI-GENTILE, en 1901, procède à une analyse critique du texte12 et conclut en citant Thomas MOORE, le biographe du poète : "Ce qui a beaucoup contribué à donner de BYRON une idée exagérée ou fausse, ce sont les nombreux récits de voyages imaginaires et d’aventures romanesques, en des endroits où il n’alla jamais et en compagnie de personnes n’ayant jamais existé". MOORE ajoute en note que dans cette catégorie il faut ranger : "les relations bourrées de toutes sortes de péripéties merveilleuses de son séjour dans l’île de Mytilène, de son voyage en Sicile, à Ithaque avec la comtesse Guiccioli, etc." Francis BERETTI partage cet avis4, n’hésitant pas à parler, non sans humour, de "mystification à la BYRON". Mais il reste tout de même le fait que le grand poète porta, lui aussi, un intérêt à la Corse. Un quart de siècle plus tard, William COWEN publiera, en 1848, Six weeks in Corsica11, ouvrage malheureusement non traduit et aujourd’hui quasiment introuvable. Au cours du second XIXe siècle, en 1868, le peintre Edward LEAR séjournera deux mois dans l’île et portera "le regard d’un intellectuel et d’un artiste du XIXe siècle sur l’île à la fois proche et éloignée de l’agitation des sociétés continentales". Il publiera à son retour en Grande-Bretagne, le Journal d’un paysagiste anglais en Corse13, un document de référence richement illustré de sa main. Sa compatriote et contemporaine Thomasina CAMPBELL, demoiselle écossaise, connue à Ajaccio sous le nom de Miss CAMPBELL - une rue de la ville porte d’ailleurs son nom - l’avait précédé de quelques mois. Dès son arrivée, elle s’éprit de l’île où 76 LE MAGAZINE DU NATIONAL GEOGRAPHIC

elle devait décéder en 1881. On dit qu’elle aurait été sensible aux arguments du Docteur James-Henry BENNET qui, entre 1864 et 1875, avec plusieurs autres médecins, se fit le héraut d’une île dont il vanta "le climat d’hiver"1. Elle fit construire à Ajaccio sa belle maison La Tour d’Albion, près du Casone et fit aussi édifier à quelques pas, un édifice religieux que les vieux ajacciens appellent encore aujourd’hui "Le temple protestant". Elle publia, en 1868, un livre, traduit et imprimé à Ajaccio en 1872, intitulé Notes sur l’île de Corse en 1868, dédiées à ceux qui sont à la recherche de la santé et du plaisir9. Au tout début du XXe siècle, en 1909, ErnestYOUNG et George RENWICK ramèneront de leurs voyages matière à édition de deux ouvrages : Peeps at many lands : "Corsica"16 pour le premier et Romantic Corsica wanderings in Napoleon’s isle14 pour le second. En 1948, Dorothy CARRINGTON, Lady ROSE, va découvrir l’île, accompagnée de son mari, Sir Francis ROSE, à l’invitation de leur ami Jean CESARI. Une découverte qui bouleversera sa vie. LADY ROSE, après un séjour de quelques mois retournera un court temps en Angleterre, puis reviendra s’établir définitivement à Ajaccio. Férue d’ethnologie et d’histoire, elle publiera plusieurs ouvrages dont Granite Island, a Portrait of Corsica10, qui nous livre un précieux témoignage sur la Corse de l’immédiat après- Seconde guerre mondiale. De la même façon, après la fin de la première guerre mondiale, le célèbre magazine The National Géographic envoie dans l’île, en automne 1922, l’un de ses meilleurs reporters, Maynard Owen WILLIAMS. Bien que photographe lui-même, celui-ci avait été précédé, un an et demi plus tôt, par son compatriote photographe Cliffton ADAMS. Leur regard est d’abord celui d’hommes d’images puisque 89 clichés seront sélectionnés et publiés dans le numéro de septembre 1923 du National Geographic, complétés par le texte de Maynard Owen WILLIAMS. Ces photographies nous présentent l’île au lendemain du premier conflit mondial, pour lequel la Corse a payé un lourd tribut, subissant une véritable hémorragie (morts et blessés) de sa population masculine active. L’auteur de l’article fait référence avec beaucoup de tact à cette terrible épreuve, évoquant avec pudeur son ami bastiais qui "devait des yeux abîmés au gaz nocif". La grippe espagnole complétera malheureusement le désastre. Aussi n’est-il pas étonnant de voir une majorité de photographies fixant des visages de personnes âgées ou des jeunes femmes travaillant dans les champs. Trente de ces clichés ont été retenus par le CRDP pour une exposition et l’article The coasts of Corsica a été traduit pour constituer le catalogue de cette exposition. Il serait intéressant de comparer les approches, les regards et les impressions de tous ces visiteurs au cours des trois siècles passés. Nous invitons les élèves des collèges et lycées de l’académie à ce travail de recherche et de réflexion.

Jean ALESANDRI LES CÔTES DE CORSE 77

Bibliographie

Cette bibliographie ne se veut pas exhaustive, car les publications d’auteurs anglais sur la Corse sont nombreuses. Cependant il semble que dans plusieurs cas, il s’agisse de compilations ou de fictions. Nous nous sommes donc tenus aux récits de voyageurs avérés, à l’exception du brillant poète Lord Byron.

1 : BENNET James-Henry (Docteur), L’hiver et le printemps sur les rives de la Méditerranée : la Corse, la Sicile, la Sardaigne… comme climats d’hiver. Traduction française. - London : Churchill. 1875.

2 : BENSON Robert, Sketches of Corsica or A journal written during a visit to that island, in 1823. London : Longman et al. 1825 (consultable aux Archives départementales de la Corse-du-Sud).

3 : BERETTI Francis, Pascal Paoli et l’image de la Corse au XVIIIe siècle : Le témoignage des voyageurs britanniques, Ed. The Voltaire foundation. Oxford 1988, Diffusion J. Touzot, Paris (consultable à la bibliothèque de l’Université de Corse).

4 : BERETTI Francis, Lord Byron en Corse, une mystification, Etudes corses, Etudes littéraires. Editions du Cref. Paris 1989 Pages 58-65.

5 :BOSSWELL James, An Account of Corsica, a journal of a tour to that island and memoires of Pascal Paoli. London. 1768.

6 :BOSWELL James, L’île de Corse, journal d’un voyage, Hermann, éditeurs de sciences et des art, Paris. 1991 (consultable au CRDP de Corse).

7 : BOSWELL JAMES, En défense des valeureux Corses, Traduit de l’anglais par Béatrice Vierne, Collection Anatolia, Editions du Rocher (consultable au CRDP de Corse).

8 : BYRON George Gordon (Lord) et BENSON Robert, Voyage de Lord Byron en Corse et en Sardaigne pendant l’été et l’automne de l’année 1821, à bord du yacht le Mazeppa, commandé par le capitaine Benson de la Marine Royale, Librairie nationale et étrangère, Paris. 1825.

9 : CAMPBELL Thomasina M.A.E., Notes sur l’île de Corse en 1868, dédiées à ceux qui sont à la recherche de la santé et du plaisir,Traduction française. Imprimerie J. Pompéani et Lluis, Ajaccio. 1872. Réédition chez C. Lacour, éditeur. - Nimes…( Réédition consultable au CRDP de Corse).

10 : CARRINGTON Dorothy, Granite Island, a Portrait of Corsica, Longman - Londres. 1971. Traduction par Madeleine Cheyrouze sous le titre : La Corse, île de Granit, Editions Arthaud, Paris. 1980 (consultable au CRDP de Corse). 78 LE MAGAZINE DU NATIONAL GEOGRAPHIC

11 : COWEN William, Six weeks in Corsica : illustrated with fourteen highly finished etchings… London : Thomas Cautley Newby. 1848 (malheureusement non traduit et quasiment introuvable à ce jour).

12 : De MORATI-GENTILE François, Une prétendue croisière de Lord Byron en Corse, Bulletin de la Société des sciences historiques et naturelles de la Corse, n° 425/428, Bastia,1901.

13 :LEAR Edward, Journal of a landscape painter in Corsica, 1868. Journal d’un paysagiste anglais en Corse, 1868, traduit par Véronique Emmanuelli. La pensée universelle. Paris. 1992 (consultable au CRDP de Corse).

14 : RENWICK George et OUSTON T.G., Romantic Corsica wamderings in Napoleon’s isle, London, Liepzig T. Fisher Unwin. 1909.

15 : WHITE Kenneth, Corsica, l’itinéraire des rives et des monts, Edition San Benedetto. Alata (consultable au CRDP de Corse).

16 : Young Ernest et Norbury E.A., Peeps at many lands : Corsica, Adam and Cherles Black, London. 1909.

17 : Collectif, Ici la Corse/Corsica Calling, Mediterraneans/Méditerranéennes, revue semestrielle, n° 12, été 2001, (consultable au CRDP de Corse). Vol. XLIV, NO. 3 WASHINGTON SEPTEMBER, 1923

THE NATIONAL GEOGRAPHIC MAGAZINE

THE COASTS OF CORSICA

Impressions of a Winter’s Stay in the Island Birthplace of Napoleon

BY MAYNARD OWEN WILLIAMS Staff Correspondent of the National Geographic Magazine

Author of “At the Tomb of Tutankhamen,” “Through the Heart of Hindustan,” “Russia’s Orphan Races,” “The Descendants of Confucius,” etc., in the National Geographic Magazine.

escapes observation and later intrudes IF CORSICA were a woman everywhere. Probably nowhere is a instead of an island, she would generalization more likely to be true suffer many temptations, for she is and false at the same time. very beautiful and very poor. Her One goes to Corsica, as did perfumed mantle of maquis is rent here Boswell’s friend, expecting to find every and there, revealing the beauty of her bandit a menace. He remains to find rounded form. The delightful odor that the man with the gun the most Napoleon remembered in his dreams is unromantic of mortals. Melodrama as subtle as it is insistent. heroes have accomplished more with Submerged by wave after wave of the glitter of a silver spoon held history and conquest, home of a race revolverwise than the most full of passion but free from low crime, Tartarinesque of Corsicans attempt the scented isle south of the Côte when loaded to the belt. Yet personal d’Azur offers a distinctive reward to encounter between natives is still a those who leave the rush and display of commonplace. the Continent to visit vendettaland. Corsica, where women go safely Corsica, like every other country, alone by night and gendarmes travel in is a land of contrasts. But, more than pairs by day, where there are hundreds most, it is the land of paradox. Behind of bridges and no rivers, where every the striking beauty of the island, one expects the visitor to pay verbal concealed beneath the commonplace tribute to “Kalliste” (Most Beautiful) exteriors of the people, there is a and few can name the mountains in mystery, a contrary quality which first whose shadow they were born! 80 THE NATIONAL GEOGRAPHIC MAGAZINE

Banditry is still a byword and it is real. In Nice, life is acted; in thievery is abhorred. The innkeepers Corsica it is lived-and lost. boast of what grand things they would do if there were more tourists, and SETTING SAIL, FROM neglect the few they have. The sun MARSEILLE AT TWILIGHT gives the land its charm; and the snow, its beauty and health. The roads are We sail at twilight from Marseille, blocked by horses, mules, and donkeys, with the shadow of the great cathedral few of them laden, and the automobile, on the busy port and the bibulous sun even for the single traveler, offers the departing in a ruddy glow and turning cheapest means of transportation. The over the responsibilities of the harbor perfume of the maquis and the smells to the blinking lighthouses. of the streets are alike indescribable. The propeller takes hold, and we Animals, made roommates, are edge our way out of the Bassin de la treated cruelly, and children, seldom at Joliette, Corsica-bound. home, are generally allowed to do as The domes of the Byzantine they please. cathedral melt into the dark dome of Life is somber and death is still the the sky. The Transporter Bridge, weblike in the haze, saws its way across supreme event to those whose the seemingly tiny form of Notre Dame monotonous days are as tenaciously de la Garde, high on her barren hill. clung to as in happier and less lovely Beyond the battlements of Fort St. Jean lands. the entrance of the Old Port yawns and The mountain sides are terraced then closes behind the School of with infinite labor and the most fertile Medicine. plains are left untilled. The sea is all On our right, black islands loom around and mariners are few. Bad larger and larger. Against the henna sailors that they are, the Corsicans sky, the light near the Château d’If claim kinship with Columbus, and, flashes its signals. Marseille is now a indomitable fighters, they ignore formless mass, touched here and there Napoleon. Sacred personages, pictured with spirit flames until there comes a on many walls, are profaned on most dull glow like a distant forest fire. A male lips. three-master slides across the moon. The donkeys and pigs feed on We begin to dip to the waves, chestnuts of such quality that few in whose sound rises and dies away richer lands could afford, and every beneath our prow. To our left is the third child seems underfed. glittering necklace of lights that But as one looks back on Corsica stretches along the Corniche Road to from the confetti-strewn Corso in Nice, the place where Mont Rose closes the he longs for the simple, unspoiled, long beach as Diamond Head puts a paradoxical paradise to the south, so period to the sirnilan curve at Waikiki. comfortless, yet so compelling in its The steamer is built for freight, charm. With however little earnestness with passengers mere impedimenta to life in Corsica seems to be conducted, be tolerated. Our cabin, a bare, THE COASTS OF CORSICA 81 cheerless dungeon shared by three, is “la belle patrie”; but no treaty resulting below the water line. The food is fair, from the war affected the inner life of the bedding clean. What more can one the Corsican people. An excess-profits ask of a vessel which will bring one at tax is unknown to the thousands who, sunrise to the Gulf of Ajaccio, with the always living with a minimum of effort, îles Sanguinaires - with British readers have never known what capital and one dare not call them the Bloody surplus are. The movement toward the Islands - standing guard on the left and cities, so striking elsewhere, has affected a great line of mountains, from the side Corsica little. The largest of its of which the old monastery of Chiavari industries hires but a handful of men. enjoys a matchless view, bathing their Beyond the coasts there are only three feet in the blue to the south and east? towns that have a population of more than 3,000, and the thousand or so FORTY THOUSAND CORSICANS inhabitants credited by the census to a DIED FOR FRANCE IN THE single village are really divided among WORLD WAR several hamlets, included under one name but scattered about the hillside in The Gulf of Ajaccio lays its spell a fashion which reveals separatist upon the traveler. One almost looks tendencies even in town affairs. for the smoking cone of Vesuvius, for By following the coast we shall see he knows that these same waters have most of the larger villages of the island played hide and seek in the Blue Grotto and by so much lose sight of the true of Capri. Corsican, who looks down in a real as The comfortable hotel stands in a well as a figurative sense on those who huge garden, nicely tamed in front, but live in what to him are crowded cities. savage with cactus, aloes, and maquis behind. The directress throws wide the CORSICA LACKS THE COLOR windows to the balmy air and asks : OF SARDINIA “Is it not a lovely climate that we have in Ajaccio ?" Nowhere has Nature so queened it Oranges hung heavy on the trees over her subjects. The people add beneath my window. The roses had nothing to the scene. Certainly they do begun to drop their petals before the not give it its interest. From the rigors of December. attractive widow’s weeds of the Cours In postwar Europe the interest in Napoléon or the Place St. Nicolas to Corsica is almost unique. Life has the somber costume with green-black undergone comparatively slight headshawl which frames the sallow, changes. No new boundary touches wrinkled faces of the old women of the the people, nor any change of interior. costume never flares forth governmental control or nationality. with lambent color as it does in Corsican mountain lads fought Sardinia. splendidly on the fields of France and In India, or on the Dalmatian 40,000 of them, out of a population of coast. The men wear brown corduroy ; less than 300,000, gave their lives for sometimes their sashes are broad 82 THE NATIONAL GEOGRAPHIC MAGAZINE enough and bright enough to add Corsica is interesting because it is pigment to the picture. Corsica. With all its discomforts, the But the Corsicans are humble folk. laggard land is worth a visit because it They gladly subordinate themselves to is laggard. Such unspoiled spots are so the scenery , saying that the land is so few in the modern world that one can beautiful that it needs no polychrome tolerate petty inconveniences for the costumes to make it attractive. And sake of knowing a people who have when one sees with what indifferent been little affected by modernism. success the town folk do wear colors, he The dainty vestibule through quickly reconciles himself to the which I entered this interesting land somber garb which stands out so was Ajaccio, a chameleon city whose modestly against the beauty of the land soft tints change with every sweep of itself. cloud and angle of sun, a city now old The Corsican is to France what the ivory set in blue, now mauve and gray Georgian was to Russia. He is not against the purpling peaks. constitutionally lazy; but the idea of subordination to man, time clock, or AJACCIO, NAPOLEON’S HOME season is abhorrent to him. He would TOWN rather be a shabby gentleman than a rich servant. Ajaccio was founded by the Countless tiny terraces, where Genoese in the same year that a crops grow at such cost of labor as one fellow-citizen of theirs, after chasing a finds among the Ifugaos of the dream across stormy seas, discovered Philippines or among the Chinese, America. Genoa did not comprehend testify to the fact that the Corsican is at that time which was the main event not truly slovenly. A certain thrift and and which was the sideshow. foresight are habitual with him. In 1811, Napoleon, having been born there 42 years earlier, made it the THE GREEKS GAVE CORSICA capital of Corsica because his mother, THE NAME “MOST Letizia Ramolino Bonaparte, desired it. BEAUTIFULL” Perhaps it is for this reason, as much as for the fact that he honored the town When the Greeks, no amateurs in by being born there, that Ajaccio, alone beauty, called Corsica “Kalliste” - Most among the cities of Corsica, still votes Beautiful - they referred to rugged Bonapartist. coasts where blood-red rocks plunge Ajaccio is Napoleon’s home town. deep into the sea, where a soft haze One is never allowed to forget that. carries the succession of loveliness But he did Corsica the great dishonor across wide plains, between tall of quitting her shores, and few mountains, to some distant snow-clad Corsicans seem to care much about peak, all opalescent under the soft glow him. To-day Napoleon is to Ajaccio of departing day, where cascades pour what Fujiyama is to Japan and the their shower of pearls against rock cliffs Capitol to Washington - a sort of as black as ebony. trade-mark of the place, with souvenirs THE COASTS OF CORSICA 83 of all sorts bearing his likeness and post Napoleon was born, the chair in which cards picturing his home in the Rue his beautiful mother was brought from St. Charles and his battles across half the cathedral with genius struggling for the world. birth. But the strongest impression one Officially, Ajaccio has done well by has on seeing the Casa Napoléon is the her renowned son. The boulevard of beauty and completeness of Mount the city is the Cours Napoléon. The Vernon. visitor who arrives by sea lands on the Ajaccio has two statues of its hero, Quai Napoléon. There is the Rue du neither very good, but both escaping Roi de Rome and the Rue Napoléon. the not-entirely-Prussian idea of There is the Place du Premier Consul, the picturing the great military genius in Casa Napoléon, Napoleon’s Grotto, the uniform. In the Place des Palmiers the Café Napoléon, and the Cinéma statue shows the consul as a rather Napoléon. The people make the emaciated river god standing among concession of smoking Petit Caporal four very wooden lions. cigarettes. The statue on the Place du Napoleon’s house is a barrack-like Diamant is much better. Yet the structure, which it would be impossible facetious among the people long since to see in its proper perspective if the gave it the name of “The Inkstand.” The destruction of two houses opposite had story goes that the sculptor committed not made possible the little Place suicide because he failed to put a Letizia, from which one can view the horseshoe on the free foot of the steed whole height of four stories, the upper upon which Napoleon sits in the garb of three marked by eighteen regular a Roman emperor, holding a terrestrial windows, as well as the family arms and globe on which Victory is poised. the tablet reading “Napoléon est né On the four corners of the pedestal dans cette maison le XV août 1769." are Napoleon’s brothers, garbed as The people call it a three-story house, lictors. The figures are the work of four since in Corsica the lower story, which different sculptors and the pedestal of may be given to shops or stables, does red granite is from the precipice of not count. Appietto, which rises from the plain behind Ajaccio. As if this table IN THE ROOM WHERE ornament needed a couple of calendar NAPOLEON WAS BORN pads flanking it, there are two tables of Victory, at the bottom of which there The interior, like some interiors in are circular benches where old men sit Palestine, is a hindrance to imagination and children play horse. rather than a help. The furniture looks Bastia has the only other statue of lonesome in the bare rooms, as if, after Napoleon that I have seen in Corsica, the intimate life it knew, it has been and there, too, he is pictured in flowing forgotten, even by the caretaker, who robes. These statues may lack something lives opposite and only enters the cold of the Michelangelo touch, but the last rooms when foreign curiosity promises two reveal a robustness and erect bearing a fee. There is the bed in which that one little suspected of Napoleon. 84 THE NATIONAL GEOGRAPHIC MAGAZINE

The robed statues in Corsica come on their arms. Amid much wasting of as a welcome relief to those who time, Ajaccio has many crowded instinctively picture the author of the schools and eager pupils. best sentence about the Pyramids as an The gravel square of the Place du undersized soldier ever trying, by Diamant is always dotted with people pressing a spring concealed beneath his whose talk, be it in French, Italian, or third coat button, to make his Corsican, is sure to be accompanied by caricature head, with its transverse hat, much wrist movenent. One of the first disappear between his round shoulders. things a Corsican chauffeur has to learn is to curse effectively without hurling STREET LIFE IN AJACCIO his car at the awkward carts which wait till the last moment and then swing But, quite aside from Napoleon, their long loads across the narrow road. Ajaccio is well worth knowing. It is a Down to the left, near the sea wall, place in which to dream, to soak, in the there is the sunning place of the old warmth of the sun, and to pass idle men. The grandmothers always seem hours in the contemplation of to have toddling descendants whose mountain and plain and sea. Its first steps in life require supervision. climate is such as one associates with But to the old men children are only a oranges and roses at Christmas. temporary distraction. People from the outside world will During the brief recess of the tell you that the Ajaccien is lazy. He parochial school, long queues of noisy is. Ajaccio never heard of a time clock, children fill the street which runs down and would not punch one if it were to ancient bastions whose only enemy introduced. As long as there is sun, is the sea. But back against the wall, there are crowds to enjoy it. which reflects the heat onto backs long Boys play marbles, pitch pennies, bent with age, there is always a pathetic or kick anything which by the stretch group of fine-faced old men, soaking of the youthful imagination can be up the warmth and talking politics. considered a football. Little girls, with Just around the corner a dozen arms full of rubber balls of various women and girls, with cold-numbed sizes, keep three of them bounding at feet, wet in spite of heavy wool socks once against wall and sidewalk and and wooden shoes, are washing their throw in a few slaps of the hands linen at set tubs, for which they pay behind their backs to show that four sous a day. dullness is not necessarily allied to leisure. Young Corsica vibrates with NO EVIDENCES OF THE energy; animal spirits abound. It is STRENUOUS LIFE HERE evident that it takes training and age to steady down to slow-speed pastimes. The Ajaccien is lazy. But who Young men and women promenade among us has the right to cast the first back and forth—an attractive, stone of criticism? The visiting Britisher well-mannered lot—with school books uses gun and dog as thin veils for THE COASTS OF CORSICA 85 vagabondage. The modern Miss Nevils here, for the thud of the football, so who swarm Ajaccio in winter dab away irresistible to Corsican youth, is heard at sketches which may or may not ever at all hours on the Place and the grotto decorate a wall, but which serve as an is being inclosed in a formal garden. excuse for sitting in the sun and On May 5, 1921, Marshal Franchet drinking in the beauty of the place. d’Esperey here laid the first stone for True, the Britisher is on a holiday, Ajaccio’s third monument to her most But by that very sign he is doing what distinguished son. he likes. And that is what the Ajaccien is doing —passing pleasant hours amid AJACCIO’S BROADWAY AND pleasant scenes. He knows that time is FIFTH AVENUE money, and has no desire to hoard it or multiply it. The fact that he has little Below the Cours Napoléon, which appreciation of art or scenic beauty is is Ajaccio’s Broadway, there are the two just like the flowers that bloom in the sections of the port, whose broad quays spring, tra-la, and has nothing to do are always the center of interesting, if with the case. The sunshine warms the not feverish, activity. Here the cockles of his heart and he gladly fishermen spread out their nets to welcomes it. mend. Here they boil their tanning Ajaccio sits astride Monte Salario, solutions in open caldrons into which from which the stone for many of its the nets are periodically dipped to well-built homes was obtained, and preserve them. Here, on slabs of looks off to a crown of mountains marble, they drop molten lead, which, stretching from the east to the south. when cool, is bent between thumb and The bright jewel of this circlet is Monte fingers to form sinkers for the nets. d’Oro, 7,845 feet high and snow-clad Small octopuses are cut up to bait the for a good part of the year. The green trolling lines, neatly coiled in low hill which is background for pink and baskets, around the edges of which are cream Ajaccio splits the city into the stuck shining circles of sharp-pointed form of a Y with long, widespread arms hooks. and a short, thick base where the old At midnight the fishermen go out citadel stands. into the Gulf of Ajaccio, often beyond The right arm of the Y is the the Îles Sanguinaires. At 2 or 3 o’clock Cours Napoléon, which runs almost the next afternoon they return due north and changes from a city empty-handed or well loaded, street into a Route Nationale near the according to their luck. railway station. The other arm, the Boulevard Grandval, runs southwest NO FEAR OF THIEVERY IN and terminates at the Place du Casone, CORSICA a bare drill ground, beyond which two tip-tilted rocks form the Napoleon Here the island steamers dock, Grotto, in which the youthful genius is scattering their cargoes about the open said to have studied. quay, for rain is infrequent and a few History is not likely to repeat itself tarpaulins amply protect the valuables, 86 THE NATIONAL GEOGRAPHIC MAGAZINE which are left outdoors in this land of All the loveliness that verdure-clad the vendetta, where the shipper has hills and the sight of distant mountains more to fear from the deliberations of can give a place, all the lure of the the customs officials than from dancing sea, is Ajaccio’s. But the poorer thievery. children know not the meaning of the The fish and vegetable markets word handkerchief; there are odorous are there, with women doing the little courtyards that remind one of the buying and selling for the most part, khans of Syria and Turkestan ; by no and on two sides of the little park, stretch of generosity could the cafés, small stands are erected every where men play with greasy cards and morning. These are the butcher shops, discuss politics, be described as bright with leg of lamb and young goat the or cheery ; the tiny donkeys coming in main commodities. at nightfall dragging carts piled Between the Cours Napoléon and mountain-high with rough shrubs for the quays there are dirty back alleys, fires and ovens emphasize the where washing hangs in the inadequate scale on which comforts are cosmopolitan back-alley way, where provided: the whack of the laundry stables are concealed from the eye, but near the cathedral reminds one that in not from the nose, and where Ajaccio cleanliness is not only next to mouse-colored donkeys munch their godliness, but next to impossible; and chestnuts in a way that makes corn on leisure has left a stoop of defeat and the cob seem a silent feast and that impotence on once manly shoulders. must surely increase the price of From a distance, Ajaccio is a marrons glacés from Paris to Gopher fairyland. The kindly sun, which Prairie. harmonizes the light blue and green Even the street on which the and pink and ivory beneath maroon Maison de Napoléon stands is a foul stenciling or fretwork and red tile roofs, alley. When the great general at St. bathes the scene in the magic light of a Helena said that with his eyes closed he stage spectacle. The sky, the sea, and would know his native land because of the balmy air are the kindliest elements its perfume, he was not referring to his in the life of the people. native street. That smells like Jerusalem and Damascus. AT THE FÊTE OF ST. ANTOINE The Boulevard Grandval is the Fifth Avenue of this town of 22,000, Of all the saints beloved by the and below it is the Boulevard Lantivy, Ajacciens, St. Antoine is the favorite. the sea drive and promenade of society. Take any group of Ajaccio boys and An extension leads to the Genoese you will find a football team of tower behind the Îles Sanguinaires, a Antoines for every Napoleon. I am not charming road of seven miles, with olive sure but each Napoleon could have a orchards, orange groves, and maquis on company or a regiment of Antoines for the north and the ever- fascinating gulf his own. On the 17th of January dashing its waves almost to the roadway hundreds of people leave Ajaccio to on the other side. THE COASTS OF CORSICA 87 climb to the tiny chapel between green Then came the motor cars, which Salario and the rocky Pointe de Lisa, enabled lazy folk to dash up to pay where the principal fête is held. their respects to the Saint and return to The flocks and swine had been town in time for an indoor meal. blessed before I arrived. Not sheep, but Indoor meals seemed to be the last goats, had received this benediction, desire of most of the visitors, and at 50 and these alert animals climbed to their places among the maquis and in the hillside pastures soon after, leaving their shelter of the great rocks small open hard-trodden fold as a prime place in fires were being built, each of which which to pitch pennies. was a shrine of gustatory fellowship. The desire to be present at this blessing of the flocks had brought me HURDY-GURDY AND to the tiny chapel before the clouds had ACCORDION THE DANCERS’ dispersed and when the air was still ORCHESTRA biting cold. At that hour the bad road was full of donkey carts carrying The feast of St. Anthony is the oranges, bottled goods, crockery, tables, occasion when the town-dweller and a hurdy-gurdy to the scene of the escapes for a day to live in the maquis, day’s festivities. But there was plenty and there was more laughter and good to watch and it was then possible to fun out there under the sky than in all enter the little shrine standing stark on the few amusement places that Ajaccio the watershed from which one looks boasts. down to sea and gulf on either side. As Out along the hills twoscore of the sun came out, the base of the armed men were combing the hills for chapel reflected a warmer color from sanglier, that wild boar whose flesh great piles of oranges, tied into makes such delicious eating. bunches, each with a sprig of feathery The hurdy-gurdy and an accordion mimosa, spring’s first new growth. rivalled each other in providing music On a half-dozen open fires pots of for those who cared to dance. Young coffee were already a-bubble, and one Corsica takes its dancing seriously. table was doubly popular because Walking around the floor to music with liqueur glasses of absinthe were being an arm around a lady has no appeal to surreptitiously poured out to turn a the young Ajaccien. Every book store, glass of water chalky before it was along with its several varieties of books gulped down. on etiquette, has its guides to the “I thought that absinthe was Boston, the schottische, the tango, and forbidden,” I said to one drinker. the mazurka, and somewhere or other “Yes, it’s forbidden,” he replied, the few who do dance pick up a variety between gulps. of steps which is amazing to the tyro All this time citizens on foot and and would probably come as a in carriages were coming up the hill, revelation to many a professional with now and then a heavy cart piled dancer. with merrymakers and their food. So it took the brightest airs that 88 THE NATIONAL GEOGRAPHIC MAGAZINE hurdy-gurdy and accordion could French railway systems is arranging for furnish before the young folks were motor services in connection with the ready to reveal their art on that rough steamers from Nice and Marseille, and field. But, once started, they never last winter a half dozen simple but seemed ready to stop. More than half clean hotels, under Swiss direction, the dancers were not couples, strictly were being planned, so that even those speaking, but town youths in blue who insist on standardized travel denim and Apache caps, with highly arrangements might visit most parts of decorated shoes laced so close to the toe the island. as to give the rudest foot an effeminate But to appreciate the Corsican appearance. one must know him, and a throbbing The accordion had won most of motor car which relentlessly puts bills the crowd away from the hurdy-gurdy, behind and rolls past splendid points of the absinthe had all been drunk, and view at 30 miles an hour does not give the family parties among the rocks and a chance to know those who do not underbrush had broiled their meat and wear their hearts upon their brown eaten it before I left. But four-foot corduroy sleeves, for all their traditional candles, tied to boards like splints, were hospitality. One can’t show very sincere still being brought up from the town hospitality to a cloud of dust and and the less rustic urbanites were still carbon monoxide gas. plodding up the rough road in their The contemplated linking of painful patent-leather shoes. original Corsica with the sophisticated In the afternoon I rode out to Côte d’Azur is merely a marriage of Mezzavia, where, in the shadow of an convenience. Corsica and the aqueduc, there is another small chapel Continent have different tastes and of St. Antoine.In spite of the ring toss characters. It is to be hoped that for bottles of wine, the many games of mercenary considerations will not chance, and the general succeed in bringing about this union, money-changers-in-the-temple aspect in which Corsican characteristics must of the place, this gathering had a more sooner or later be subordinated to that religious tone than the merrymakers in cosmopolitan mixture of cultures that the valley of Ajaccio ; but there were makes a concierge on the Côte d’Azur also more fine gowns and low slippers, the most perfect machine and the least for the road to Mezzavia, even if one interesting human being in all the walks the entire distance, is not hard. world.

A TOURIST INVASION OF THE THE ISLAND IS SHAPED LIKE A ISLAND IMPENDS TORTOISE

Neglected heretofore, Corsica is Before circling the Corsican coast, coming into vogue. One of the great it is well to have in advance some idea THE COASTS OF CORSICA 89 of what the trip offers. Corsica has land whose resistance to change and usually been likened to a bottle of passion for independence make more perfume whose subtle odor is distilled remarkable the true hospitality of its by a genial sun from the sweet- scented people. shrubs of the maquis. We could have wished for nothing To one who looks at Corsica from lovelier than our ride across the plain the west instead of from the north, it is behind Ajaccio. Near at hand, the dark a huge tortoise. The long head of this green of olive groves; beyond, the island beast is Cap Corse, with Bastia, rosered shoulder of the Rocher Gozzi, the island’s largest city, at the nape of of hardest granite, but resembling some its neck and the insignificant port of St. sandstone hill of Petra, its color Florent tucked closely under its chin. subdued by a darkened sky. Then a On the west coast four large gulfs, dull blue approach to the skirts of each made up of several smaller ones, Monte d’Oro, whose snowy head was separate the feet of this legless sea lost in clouds. monster. Northernmost and loveliest We passed under the aqueduc of all is the Gulf of Porto, whose sharp which supplies Ajaccio with water wedge seems to have split asunder the when the gendarmes do their duty. hills behind it. Next to the south is the These armed guards are sometimes wide Gulf of Sagone, fed by sluggish, stationed along its course to keep the though once agile, streams. farmers from diverting the water to Then the Gulf of Ajaccio, whose their fields. Then we climbed to our quieter beauty, like that of the Bay of first col, or pass. Naples, matches the savage charm of Travel in Corsica is just one seesaw the Gulf of Porto with its rouged lips. of ups and downs, ins and outs. But The Gulf of Valinco, though less widely the mountain passes justify their known, has its champions. existence, whether they run through Where the back breaks into a sort heavy forests to a thickly timbered of tail is Porto Vecchio, at the only saddle or reach out to a point of land considerable interruption in the low- that looks down on stormy gulfs, each lying coast between Cap Corse and more beautiful than the previous one. Bonifacio. That first tiny pass, less than 1,000 feet As to the interior structure of this above the sea, was a foretaste of many animal, the main line of mountains is that were to come. slightly bowed from northwest to To the south was the rich plain at southwest, and the back of the beast the head of the Gulf of Ajaccio, the lacks the hard shell that one would plain from which Letizia and her expect, while the entire underpart of children fled, with a distant glimpse of the body is armored with granite and the Tour de Capitello, whence Napoleon porphyry and fitted with fierce claws of himself fled from danger to fame. rock which clutch steeply into the sea. Across the blueblack bay were the Its coasts do not constitute the mountains which face Ajaccio. true Corsica. They form the twilight zone between the outer world and this 90 THE NATIONAL GEOGRAPHIC MAGAZINE

SAGONE’S GLORY HAS That is the story. The fact VANISHED probably is that the powerful Anopheles had more to do with it. In Corsica, as Ahead, our yellow road wound in Panama, the mosquito has done deeper into the hills; but on our left, more than its share to rob France of high on the side of the hill of the Pozzo glory and wealth. The practically di Borgo, was the Château de la Punta, unimproved port is served by infrequent a misplaced structure built of materials sailing vessels, which touch here to carry brought from the Tuileries in Paris, but off the accumulation of charcoal from one from which there is an the hills. incomparable panorama of the entire backbone of Corsica from Capo IN CARGÈSE, HOME OF GREEK Tafonato to the Incudine. REFUGEES Farther north lay the Gulf of Lava, near which the most prominent of the The Sagone, which is a river on present-day bandits is said to have his the map and less than a creek in reality, retreat. here empties into the sea through Every climb, which opened up narrow backwaters lined with high scenes ever more majestic, brought one rushes. After crossing it on a new to a curving descent leading to cement bridge, one strikes west once intimate relations with a softer beauty. more, rounds one hill after another, Down we swept to the gulf, rounding and beyond well-kept olive groves sees, the tower of Capigliolo on its seated on a low saddle between two promontory, and out of Sagone before hills, each with its ruined tower dating we knew we had reached it. From the from several centuries ago, the little turnings above the hamlet we had town of Cargèse, whose most glimpsed the port at the far end of the interesting superficial feature is that a yellow beach and had expected that the Greek and a Roman Catholic church town would be there. But what there face each other across a narrow valley is of Sagone is close to the hill over full of gardens. which we had come, and we were I had been led to expect that here several hundred yards along the I would find visible traces of the Greeks splendid eucalyptus avenue, which is who settled in Cargèse just after the supposed to offset the miasma of this Boston Tea Party. Theirs was a strange tiny corner of plain, before we knew story. A century before, these that: the meter had clicked off another Peloponnesian Greeks, tired of the big name on the map. tyranny of the Turk, asked Genoa for a Sagone was once the seat of an place where they could live in safety. epicurean bishop whose feasts became a The Genoese welcomed them and scandal and called forth the censure of assured them freedom of religion and Gregory the Great. The Barbary pirates municipal government. The first came, wrecked the cathedral, and left settlement, made up of about 700 Sagone a ruin; so that to-day its tiny people, was on the hills between the campanile even lacks a church. present site of Cargèse and Sagone. THE COASTS OF CORSICA 91

They remained faithful to Genoa mill. He swung the lever that depressed throughout the Corsican struggles for the screw and sent the oil trickling out freedom. In 1731 their villages were of its straw or wicker mats into a burned, and they fled to Ajaccio, 25 none-too-clean tub. miles away. When Corsica was ceded The Greek customs, costumes, and to France, M. de Marbeuf had the features are gone. Cargèse has had a present church and village of Cargèse romantic life, but the camera shows no built for them, and to-day one of the trace of the ethnological difference main streets and an ill-kept café are between it and its neighboring towns. named after this benefactor of the Only outside do well-cultivated fields Greeks, who was governor in Corsica in and well-kept flocks proclaim that Napoleon’s day. some remnant of the original Greek At that time the 110 families still industry still remains. spoke Greek, wore Greek costumes, and worshiped according to Greek LABOR IS CHIEFLY VOCAL IN form. At first they did not have much CARGÈSE to do with the Corsicans, who surrounded and persecuted them, but A former writer saw there some when their industry aroused jealousy women so lovely that it took him a they settled the matter through page of adjectives to describe them. intermarriage rather than through Possibly scouts from Hollywood have recourse to the vendetta or open war. taken them away and he thereby missed Although I was assured that there an opportunity to record are still some Greeks in Cargèse, I photographically a fact that no longer could not find any, and the Greek obtains. Not a Mona Lisa nor Greek priest looked as if he would be more at goddess did I see. home in the Sorbonne than in Athens. Some enemy of the town recently left there a consignment of the most GREEK CUSTOMS, COSTUMES, offensive green paint that ever assailed AND FEATURES ARE GONE from afar the human eye—a color which must have been conceived in a Cargèse, for all its interesting delirium. It has become the custom to history, is to-day an uninteresting paint the shutters of the pink and light town. If the people are unusually yellow houses with this awful stuff. industrious—and any reasonably One of the most pretentious houses in industrious man in Corsica is unusually Cargèse stands between the two industrious—it was not evident to the churches, and this disfiguring paint has naked eye. rendered it the most atrocious edifice I The women were busy washing have seen in an island where clothes, carrying water, gathering barrack-like buildings have the good olives, cleaning the streets before their taste to be inconspicuous, if not houses, and tending babies and hens; entirely pleasing to the eye. but the only man in Cargèse that I saw One cannot tell how sleepy the really working was in a small olive-oil town of Cargèse is ; he can only say 92 THE NATIONAL GEOGRAPHIC MAGAZINE that the Ajacciens find it slow. The rough stone steps, the fine old women, labor is largely vocal. The shepherd lies or the humble donkeys, which do so in the sun and shouts or whistles to his much to give a country village its tone. flock. The hired man in the olive-oil Piana, however, is known not for mill, by shouting at him, scares speed its classic ancestry but for the grotesque into the worn Samson of a horse that forms of red granite just beyond and turns the rollers. The postman stands for its view across the bluest of gulfs to outside and pages the people for whom the reddest of peninsulas. Hence it has he has mail. One could achieve fame in no unusual reputation for cleanliness or Cargèse by getting his name on a good industry to uphold. It is a Corsican mailing list, for the postman is an town, much like many another, except energetic Stentor, even if lead has that its clock keeps tolerable time. replaced the wings of Mercury upon his The best hotel is a tall, narrow reluctant feet. structure at the extreme edge of the The women wear a peculiar straw town. The furniture is excellent and hat like a child’s beach hat, which is, of not overheavy. Cleanliness seems course, black. They are as industrious in a1most tangible, the food is fine, the Cargèse as elsewhere. In Corsica it is not outlook unsurpassed. The silver tea necessary to note wether an approaching service would do credit to a tourist hotel form wears skirt or trousers. If it carries in Nice and the ivory-handled knives a burden, it is probably a woman. are of unstainable steel. It is another of those paradoxical surprises with which PIANA HAS NO REPUTATION Corsica loves to confuse one. TO UPHOLD One can eat a lamb’s head there, split in half, with the tongue, cheeks, Piana, an attractive little town and brains done to a turn, with a relish backed by the Calanche and that the same rather gruesome but very overlooking the incomparable Gulf of tasty dish would not inspire amid less Porto, comes as a distinct relief. attractive surroundings. Altogether, There are probably as many men Piana, like Ajaccio, is a place in which stinning themselves in front of the to tramp and climb and enjoy the view church in Piana as there are in front of and the tonic air. It is one of the places the two churches of Cargèse. The little in Corsica that rewards a long stay, for girls who bound their rubber balls, and the light on the red rocks is never twice then whirl quickly to bound them the same and the fantastic forms in the again, betray as great a need of Calanche continually intrigue one’s underwear as in Cargèse. The boys are interest. as apt to start a hue and cry that will fill the picturesque old streets with AN AMAZING GALLERY OF undesired crowds of children, each FANTASTIC FORMS IN THE standing at attention, with his or her CALANCHE tummy pushed out in pseudo-military style, and each desiring that his or her The Calanche forms one of the picture be more prominent than the most unusual sights in the world. THE COASTS OF CORSICA 93

Sharp tongues of red granite serrated and way down on the first edge of the into a thousand fantasies descend from group I found a fierce face which surely the peaks of La Pianetta and the Capo must be the malign spirit of this d’Orto to the blue waters of the Gulf nightmare in stone. of Porto. About half way down to the There are forms from which one water they are cut by a serpentine road almost expects to hear the deep which now overlooks seemingly thunder of a mighty organ, whose bottomless ravines and now is irregular pipes assume an almost overhung by great masses of granite artificial symmetry, as though they had that, when one looks up and sees the once been actually tuned to the breezes clouds pass over them, seem about to which sweep in from the sea. A great topple upon his head. gopura, as overdecorated by Nature as Everywhere that plants can find are those of Madura by the hand of foot-hold there are maquis or pine trees man, is so perfect a replica that one can whose green adds verdancy to the imagine brown bodies bowing before already colorful scene. Here is no such equally brown and greasy idols, while open beauty, such tremendous expanse temple gongs jangle discordantly beside of Nature’s canvas as awes by its very some stagnant pool. size and makes the Grand Canyon The Calanche forms a true test of indescribable. Nor has the rock those such imagination as sees in cloud exquisite grainings that make the forms interesting pictures and sandstone of Petra resemble choice bits half-conceived dreams. But the hard of ornamental wood. But the grotesque granite of Piana has none of that forms into which titanic forces have fleeting loveliness that one find in a carved the stone make them more sunset cloud scudding before the wind. intriguing than the great rock masses of Its grotesque shapes have hardened Arizona or the Nabatean temple tombs there, so that even the unimaginative of the "rose-red city half as old as can be rushed by in motor cars and Time." have pointed out to them the stock Gargoyles glare from a hundred sights of the place. The day may come jutting rocks. The heads of puppy dogs when they will be numbered in white look from granite kennels high against paint to correspond to similar figures the north entrance to the chaos in red in the guidebook ! granite, and two lovers, a little stiff in As one passes through this gigantic their attitude but admirable in their joke played by some long since constancy, stand near the upper exit. extinguished fire, he finds the north There is a giant lion high on the slopes of these red rock masses slope, a truly regal figure. A huge shrouded in maquis. A turn of the road tortoise stands on a point of rock which carries him out of this phantasmagoria the roadmakers have detached from its of porphyry as suddenly as the pass parent mass. A witch with a hatchet above Piana introduced it. chin and a criminal brow starts out The Gulf of Porto, which till then from the stone in a spirited way that had been a distant sea of concentrated suggests night rides on a broomstick, 94 THE NATIONAL GEOGRAPHIC MAGAZINE bluing separating the brown-red rocks whose shady courtyard stand the of the Calanche from the purple peaks diminutive donkeys which have of Cap Senino and Point Scandola, brought hither chestnuts for the now lies below in all its fascination, making of flour. with a Genoese tower, long since The nuts grow wild, but each cracked and ruined, sheltering the tiny family has its own favorite nutting harbor at its eastern end. grounds and many of the trees are At the tiny port a pile of owned by private individuals. They are half-squared logs awaits shipment. A hog dried for a while and then inclosed in whose chestnut diet has so fattened him a leather sack and slapped on a wooden that the most ignorant of visitors could chopping block with a noise like that not mistake him for a sanglier roots made by the laundress who uses the contentedly in the brown earth. A Mark Twain method of trying to break homely girl in a gay dress, washing rock with a wet shirt tail. Then they behind a hut from whose rough chimney are sifted in an ordinary round sieve curls a bit of smoke, adds a "Home, sliding back and forth on two highly sweet home," touch to the scene. polished sticks. To the right, as one looks out to The shells are thrown out and the sea, is the almost barren slope above the nuts again dried all night in an oven from which the fire and bread have Calvi road, with the pyramid of Senino been removed. They are then ready for beyond; to the left, the maquis toward grinding to a fine sweet flour whose Piana. Breaking the inverted triangle of taste is quite pleasing. Yet never in sky and water, is the Genoese Corsica did I eat bread made from watchtower on its rock pedestal—a chestnut flour, and it does not bear a picture which no artist could confine to good name among the people, as the canvas. Beauty runs riot with wanton sweetness of the nut turns sour in the waste. process of making. As I looked at the fine eucalyptus grove beyond the glistening curve of “ THE HOUSE WHERE river, my foot hit an old medicine COLUMBUS WAS BORN” bottle with its label still legible. It had held a fever remedy. In summer this There were heavy clouds during lovely valley mouth is a miasmic morass our ride to Calvi along the rough and with a breath as deadly as the drugged rugged coast, and what should have roses of the story-book adventuress. been a trip of rare beauty lacked the distant views which usually feature it. MAKING FLOUR FROM We passed along the lofty road, which CHESTNUTS is ever making up its mind to take a spectacular dive, but never has the Beside the three-arched bridge, courage, and so scurries back toward which is the most important structure the heart of the land. When, almost of Porto and almost its only excuse for upon it, we turned to face Calvi. The being, there is a little water mill, in old citadel, "Semper Fidelis" to the THE COASTS OF CORSICA 95

Genoese, rose like a casket of old ivory So Calvi, as jealous of its honor in into the cloudy sky. Certainly there are giving birth to Columbus as Ajaccio is few cities so charmingly situated. The heedless of the honor of Napoleon’s high town looks down from its nativity, is unable to prove that the battlements upon the newer city particular bright star of the numerous behind the quay, and the new town Colombo family, which was Genoese turns up its nose at its older neighbor. and whose descendants live till this day Near the entrance to the town is a in Calvi, was born not in Genoa itself, fine monument which the citizens have but in the city which Giovanninello de erected to their recent dead. Loreto had founded two centuries On the north slope of a hill within before. Calvi’s fortress bastions there are some Careless Ajaccio will soon have a ruined walls which cannot much longer third statue to the soldier who has its resist the forces of time. The memorial loyalty but not its love. Jealous Calvi stone has recently fallen from its place bas allowed the alleged bouse of the above the door and has been removed great discoverer to fall into utter ruin to a small chapel in the citadel. Only a while it has pushed its verbal claims. few figures of rough masonry now If Calvi ever proves its case, it will clutch desperately at the fame that is so have an elaborate bit of reconstruction rapidly falling away from a structure at work to do which may be as difficult as whose ambitious pretensions so many patching up its documentary claims, have dared to scoff. for the boys of Calvi use the stones There is nothing equivocal about from the house of Christopher the inscription: "Here in 1441 was Columbus in their various games. No born Christopher Columbus, who savant has made more sport of Calvi’s through the discovery of the New claims than the boys of Calvi are World gained immortality while Calvi making of Columbus’ house. was under Genoese control. He died Calvi is linked to America by in Valladolid the 20th of May, 1500." Columbus and the Boulevard President No one knows where Columbus Wilson, which is the city’s main street, was born. One of his closest friends, and to Eng]and because there Nelson who wrote some memoirs of the conveniently lost an eye during the navigator, was approached by a man siege of 1794 —an event which led to who offered him much gold if he great results at Copenhagen when the would record the statement that sightless socket saw victory where the Columbus was born in Genoa. good eye refused to read retreat. Publicity men are evidently not entirely modern inventions. But the historian THE PORTS FOR CORSICA’S remained true to his calling: RICHEST GARDEN "How can I say so?" naively asked this man, "when Columbus never told Between Calvi and Île Rousse, by me where he was born and I don’t the sea road, there is the interesting know ?" little town of Algajola, proud of its 96 THE NATIONAL GEOGRAPHIC MAGAZINE quarries. The streams of Paris taxicabs supported by classic columns, is a entering and leaving the Rue de la Paix trifling affair, as markets are bound to between the Place de la Concorde and be where every man is his own the Opéra are separated by a pedestal gardener. A much busier place is a of Algajola granite upon which the smaller and dirty temple to cleanliness, Vendôme Column stands. the town laundry, where women buffet Île Rousse is the scaffold erected by wet fabrics far into the night. Paoli, on which he hoped to hang Calvi, The colonnaded market is also the whose loyalty to Genoa was no great town forum, and the affairs of the merit in Corsican eyes. To-day it owes universe are settled there from day to much of its importance to the olive trees day, for Île Rousse is no backwoods that the Genoese forced the Corsicans of place. It is one of the Corsican ports the Balagne to plant; for Île Rousse, nearest to the mainland of France and spread out on a little hump of land it reads newspapers. I could not secure inside the red islands, shares with Calvi a hotel room until I had satisfied my the responsibility of being the market genial host as to the reception which port of Corsica’s richest garden. Clemenceau was having in America. My first trip to Île Rousse was by Between Île Rousse and St. motor from Piana. Sunrise found me Florent, one passes through a corner of fleeing the nightmare of the Calanche. paradise and a touch of hell. The Sunset found me dreaming in the lotus Balagne, which pushes a fertile corner land of La Balagne. down to the sea, is the cornucopia of Corsica, with citrons and oranges and OUR FRUIT-CAKE CITRONS figs and olives pouring forth to feed the COME FROM ÎLE ROUSSE world : the desert of Agriates does not contain a single village, and the few The olive gives richness to the shepherds who traverse its barren slopes widespread valley north of Belgodère. and rocky hollows are Bedouins Many a continental olive-oil firm has without a home. made an enviable reputation with the But in all of Corsica, even on the aid of this Corsican grove. But the eastern plain, there is no region so rich citron is the most distinctive export of in game as is this desert. It is probable Île Rousse. The pier just before that the wild animals and birds import Christmas was almost entirely occupied their own rations; but there they live to by huge casks full of citrons in sea turn an arid waste into a sportsman’s water, all labeled for New York. paradise. Out to sea there are the small Naturally, the highway seeks out, islands of a reddish stone which give as highways do, the most fertile and the port its name; but they have been thickly settled regions, and at Casta so bound to the mainland by a there is a fertile oasis so intriguing that causeway that my chauffeur insisted unless one looks more to the north he that they formed a peninsula. will be deceived as to the deadly Île Rousse’s market, with its roof barrenness of the place. In winter, THE COASTS OF CORSICA 97 during such a rainy time as I Mérimée lifted his best novel out of the experienced on my first ride over the Colomba country, behind Propriano, at Col de Lavezzo, enough transient the other end of Corsica, and located it verdure tints the ugly slopes to link in Pietranera, a peaceful suburb of them to the greener countryside; but in Bastia, he sacrificed the fidelity of his summer the desert of Agriates doffs its art to a consideration for humanity. diaphanous veil and shows its ugly face He could describe a vendetta in Cap to the suffering traveler whose fate it is Corse without giving birth to one. to pass that way. "Colomba" was played in Bastia, and One coasts down the barren received in the same manner there that eastern slope to that picturesque gulf so "The Virginian" was received in Boston. favored by Napoleon and so ignored by On the west the mountains commerce, beside which stands the overhang the sea. The Corniche Road town of St. Florent. This seaside fishing here is far more impressive than the village has 896 inhabitants, of whom more famous one on which the winter the masculine minority drape the idle resorts of the Riviera are strung. It quay and the feminine portion drape climbs far above the sea and walks a every shrub at the entrance to the town tight rope which is stretched against a with laundry, which they wash in a towering wall and snubbed around narrow creek between tall poplars such water-level bridges. It rushes down to as Corot would have loved to paint. tiny triangular valleys at the mouths of mountain streams. It winds and turns SKIRTING CAP CORSE in torment and in fear of overhanging cliffs which from time to time drop Before circling Cap Corse to repair materials to the roadbed. It holds Bastia, it is well to understand that this the No Man’s Land between the forces appendage is quite different from the of mountain and wave and is a constant land to which it is attached. The spectator to their endless battle. mountain range has driven the Cap Corsans to sea, so that they rank THE HEROIC LEGEND OF second only to the Bretons in the navy NONZA and marine of France. When the Liberté went down in Toulon harbor, From Nonza to Centuri the towns half of Cap Corse was in mourning. are anchored to the sloping mountain The same thrust of mountains that wall by ancient towers whose bases rest has sent the people of Lebanon to on rock. Of all these pleasant villages, North America has driven the people Nonza is the most picturesque. The from Cap Corse to Central and South approach from the south does not America, and even those who have reveal its spectacular character. The remained have an air of industry which houses mount steeply enough from the is un-Corsican. sea and the tower of Nonza is more In Cap Corse the vendetta has isolated on its point of rock than most; never been known. When Prosper but from this side the base of the town is a steep hill rather than a precipice. 98 THE NATIONAL GEOGRAPHIC MAGAZINE

Not so on the north. There is a At a small group of houses beside sheer drop of 500 feet from the ruined the road my chauffeur, to whom Genoese tower to the waves which hunger had doubtless become as churn so angrily below. The houses insistent as with me, stopped the car. beside the road behind the topmost "This is Marinca," he said. peak are not set on a hill; they are I had never heard of Marinca. We fastened to it. A steep path, which is a rolled on, rounded one hill after stairway for much of its length, another, and rolled down to the little descends to the water’s edge, and up it hotel, flat against a square old tower, there is always moving a conveyor belt where he had ordered lunch. I saw the of women and donkeys carrying clean name and realized that we were in that water to the top. Gravity is used in the fair haven of epicures, Pino. reverse direction. From the unkempt "But we missed Canari," I chins of the overhanging houses dirty protested to my chauffeur. water drools downward to the sea. It "Marinca, c’est Canari," was the is an unbelievable town in an reply. For the second time on this impossible setting. rapid first survey of the land I had Nonza has frequently suffered passed through a town which I had siege and with Bonifacio it shares a imagined I wanted to see, but without story which is too good to be true. knowing it. This is the original and only place In Corsica a group of villages takes where, in response to a promise to spare its name from its principal hamlet. In the garrison if it would evacuate, a some cases, as at Bastelica, there is no solitary man, Jacques Casella, laden village bearing the name by which the down with guns, stumbled forth and group is known. One takes an autobus said to the astounded besiegers, "I’m to Bastelica and finds that Sampiero’s it." The enemy decorated him, and on house is in Dominicacci. One climbs that precipitous rock, to which not to Morosaglia to enter the memorial another material substance could be chapel of Paoli and finds that the ashes attached, this legend was hung. of the "father of his country" lie in Friends told me that I should see Stretta. So it was that I passed through Canari, and on the kilometer stones Marinca looking for Canari. along the road I watched carefully for There was little cause for the name. Having passed through resentment on my part, for the lunch Sagone without knowing it, I did not at Pino, late as it was when we arrived, want’to let another town creep by was enough to make one forget every unnoticed. The hillsides were strewn calamity. In all Corsica, there is no with villages, some above and some place where one can eat as well as in below the road. The chocolate and Pino, where a little hotel proves that crescent of Île Rousse had left vacancy Corsican inns can be attractive, and in my thoughts; so I passed one that Corsican innkeepers can regard charming village after another with the their guests as something more than intention of letting Canari do for the disturbing elements. lot. THE COASTS OF CORSICA 99

A CORSICAN INN THAT Marseille never knew. Then came two VIOLATES ALL THE ISLAND’S delicious fish. My hostess beamed with RULES pride when she assured me that this was the fish of the country. The good hostess came out to A crisp pork chop and a nice little meet us, clean of apron and beaming of steak, with such French-fried potatoes face. as honored the country from which "Did you get my telegram?" 1 they took their name, were next on the asked. It was the first written French I table; but there was no bill of fare and had ever entrusted to anyone except an I had no way of knowing how far I was unappreciative professor and I was on the road to epicurean paradise. almost surprised to discover that it had A woodcock with a chest worked. development like a gymnast next "Would you like to wash your appeared, followed at a decent interval hands?" then asked my new-found by some white beans, so tasty that even friend. Luckily, my experience with a Bostonian would have forgotten his Corsican inns and their keepers was so proper civic pride on eating them; then meager then that I did not drop dead some cheese and fruit, a plate piled of surprise. Wash my hands? Who ever high with mandarins, which seemed heard of a Corsican innkeeper anxious to shed their colorful coats to suggesting such a thing? But while I did prove how good they were at heart, so, I noted how neat was the chamber, with figs and walnuts and raisins. and determined, even before I had had I was so generous with my tip that luncheon, that Pino should see me my lunch, together with that of my again. chauffeur, who had the same meal, but For weeks afterward, from hotel with wine and coffee in addition, cost and inn, I looked back on that lunch $1,25. in Pino with longing. To savor it, On my return to Pino, weeks later, picture a large upper room, as tidy as a I was so disloyal to my first hostess as guest-room in an American farmhouse, to go to the hotel of her rival; but I was with a red-and-white tablecloth, not without my reasons, nor was I spotlessly clean and, with the creases in sorry. The lunch was equally good and it left by the iron looking like a my wants were looked after by a retired clothing advertisement. There was a sailor, who was decorated and rewarded fire at my back and in front of me a by three separate agencies because while pile of plates reaching almost to my an officer on a ship in the China seas chin. On top of them was a heavy he saved the lives of three Annamites at linen napkin, white as sun could make great risk of his own. it and large enough for a dozen. Pino is only one of a half dozen I had scarcely time to notice this charming west coast villages, with a much when the parade of viands began. fine church, some well-kept graveyards, A soft-boiled egg, which I am sure had several old towers for watch and refuge, never had a chance to cool, was and a general air of cleanliness and followed by such a bouillabaisse as cheer. But when some unusual 100 THE NATIONAL GEOGRAPHIC MAGAZINE banquet causes me to run back over the the snow outside the open door and the feasts that I have enjoyed, I shall think glow of the fireplace, a meat grinder of Pino and the lunches I have caten and sausage stuffer is being turned by there. the man of the place, who has evidently been called back to this task from the A WINTER SCENE IN A many-pathed maquis, with its game. CORSICAN INN Altogether a homy little group, and one wishes that his tongue were It was in Pino that hostess and more facile, his ear more cunning. But host seated me at their abounding his station and nationality are more tables with my back to a warming against him than his meager knowledge blaze. Pino points the paradox of of the language. Corsican inns, for usually a winter The hostess, wiping the sausage lunch in a Corsican inn, however good grease from her hands, takes down a it be, is a severe ordeal. green glass lamp from the mantle, and One enters a narrow, plain room, the heart of the honored traveler sinks. near the back of which is its main He knows that he is condemned to attraction, a smoldering fire of bruyère solitary shiverings in the upper room, roots, gnarly pieces with unsound whose size and cheerlessness are alike hearts, and hence worthless for pipe Elizabethan. manufacture. Around this fire, which Up he tramps behind madame and lacks the crackle and glow of pine or waits with hands in pockets for each birch, are the common folk whom course, which comes clumping flat- lunch time or night has overtaken on footed up the dark stairs to arrive the road. before him sadly chilled. The cart peddler has parked his Time and again I hinted that I donkey in some kennel and stacked would like to be allowed to be happy away his display of piece goods in his with the herd rather than suffer solitary small chamber. Now he gives his knotty grandeur behind a monument of cold hands to the luxury of the warmth, crockery which marked the burial place while the fire breaks into flame in of true confort ; but your good-hearted response to spirited bellowsings by a Corsican hostess will no more allow pretty woman who seems to be half such lèse-majesté than a pretty Corsican guest and half friend of the girl will allow one to take her picture ample-bodied hostess. on a week day. The honorable foreigner From behind, there is a soft halo is superior to modest cheer and only on the silvery hair of the peddler thus the best room and the best dress are fit come to shelter, and there is a bright for him ! spot where the firelight falls on the So he suffers in silence and carries school-book which the son of the in his mind pictures far more attractive hostess studies, like some Corsican than any Sabbath camera can catch, Lincoln. since the Corsican women, seldom On a table near the center of the pretty but often attractive, do not outer wall, between the dying light on photograph well. THE COASTS OF CORSICA 101

Not that they feel that way about tiny port where Boswell landed on his it. As long as a portrait shows the pilgrimage of hero worship to the photominiature brooch, the cheap lace, headquarters of Paoli. and the stiffly tied ribbon, it is worthy What an impressionistic of enlargement and a hanging in the propagandist he was and how much best room, so that the visitor, in spite Corsica owes to him ! Boswell, of his ague, takes interest in the portrait Rousseau, Lord Byron, and Mérimée gallery, baronial in style, which shows have done for Corsica what it has never the rather attractive hostess as a stilted been able to do for itself. These young thing with a wooden face, and enthusiasts planted romance in a land the turner of the sausage grinder as a where to shoot a man in the back and kaiserlike warrior with bristling without warning was the accepted style. moustache and many medals. Like Napoleon, the best-known Corsicans have won renown as BOSWELL’S GIFT TO CORSICA Frenchmen. Corsica is the nursery for French administrators, and wherever From Pino to Centuri the there is a colonial task too difficult or campanile is the thing. There are, to be too exacting for the continental French, sure, towers of refuge and defense, a Corsican is put in charge and handles round and square, some falling to the situation well. decay, some glistening with new Yet this modern Corsican, whose plaster ; but always, above the romance has nothing of bravado, of inconspicuous houses and above the cruelty, or of melodrama in it, but Genoese towers themselves, rise the much of painstaking loyalty and skill, steeples of churches or their is lost sight of because a British writer, campaniles. to whom every contact with the famous In Corsica as in Russia, the church was a mental cocktail, made Paoli and is the most conspicuous feature in the Corsica the vogue when friends were urban view of country landscape; but it needed and sympathizers were few. is not the opulent domes, like upturned This enthusiastic journalist, whose beets or olive-colored with verdigris, Corsican journal is little known to-day, that one sees in Corsica. The church did for Corsica what Lord Byron did is a mere appendage to its spire, and for Greece- —gave it a vogue at a time where the campanile is detached, it is when liberty was on every tongue, but the bell tower rather than the house of when this shuttlecock of petty worship which dominates the scene. conquests was rattling back and forth Morsiglia has its staircase of old from French and Genoese battledores, towers and its tiny terraced vineyards, with every possibility that it would fall each sheltered by the hedge erected of between the two into a sea of oblivion. heather withes to keep off the fierce Turning the end of Cap Corse to winds and to reflect the heat. Centuri come down the home stretch from is an opulent group of hamlets and Macinaggio to Bastia, the road parallels isolated homes. I spent little time in the sea, climbing now and then to cut the upper parts, but descended to the corners or retreating from the waves on 102 THE NATIONAL GEOGRAPHIC MAGAZINE a shelving beach. It makes no attempt 1 met several of these returned to reach the villages on the heights. It wanderers, but they were never in their feels that its duty is done if it serves the homes. They were either on their way comparatively insignificant "marines" to or from a steamer connecting their or ports of the real villages. native land with their adopted homes. In the old days, before the coast-circling road was finished, a Cap BASTIA, THE METROPOLIS OF Corsan did not shinny around CORSICA precipices to call on a friend in a neighboring commune. He made the Bastia is the hustling metropolis of sea his highway, and although land Corsica. Its Syndicat d’Initiative has so communication along the east coast or described it, and the true Bastiaise in from hollow to hollow was far simpler leaving his café to go to his club shoots than on the more savage west, a boat his cuffs, tweaks his hat, and puts on a was easier to use than a wheeled vehicle. very busy air. The conscience of Even to-day there is no highway on progress has got under the skin of the east coast. To go from one highland Bastia, so that it does its loafing, not village to another, one must descend to with Ajaccian abandon, but with a the sea. The autobus which circles the touch of shame. cape might as well be a motorboat, as Bastia has almost become far as serving the upper villages of the provincial. Long since it surged ahead east coast is concerned. The road, of the rest of Corsica. lts women differ which passes through no village but from those elsewhere in that they have Erbalunga, has side spurs of from two some means of supporting their to five miles which climb to the towns. stockings and they dress better. Its One of these spurs shoots almost opera is crowded; its stores have straight up the valley from Santa Severa something to sell and they sell it. to Luri, and then, with anguished I visited a dozen little bookstores writhings, hurdles the pass below the in Ajaccio to buy Daudet’s "Lettres de legendary Tower of Seneca to Mon Moulin," and always found that I switchback down to Pino. was ten days ahead of time, even on the I was little impressed by the second visit after a fortnight’s villages of the east coast, perhaps excursion. I asked for it at the first because I never reached them. Neither bookstore I noticed in Bastia. It chauffeur would attempt the bad routes dropped, like mercy and the gentle which join them to the seaside rain, from some hiding place. highway. Former writers had spoken of "There it is," said the pretty clerk the palaces erected by the with a shortness that made me "Américains," the Cap Corsans who homesick for America. "Have you read had made their pile in Central and ‘La Garçonne’ ? " Possibly she thought South America and had come home to that the book she sold me was by Léon roost on pretty perches which their Daudet instead of Alphonse, but she foreign funds enabled them to fasten to had it and at once. Commerce does not beloved hills. stutter in Bastia. THE COASTS OF CORSICA 103

Like Hongkong, Bastia was reds and yellows, with spots of green once a tiny fishing village, but in and blueblack roofs, all are reflected as 1380 a Genoese governor behind a gossamer veil in the sparkling constructed a fort there from waters of the harbor. which he could wage war on the My friend took me up into the Corsicans of the interior. From the park, where we could look down bastions of his fort the city took its between the umbrella pines on all this name. The seat of government was disordered splendor. He took me moved up from beside the pool of through the market squares, where the Biguglia to the site which was, smell killed sight and sound until, until Madame Letizia Bonaparte frained in the arch of some ancient had it moved to Ajaccio, the building, I could look out upon the capital of Corsica. Now it is the blue of that sea that bathes the slopes residence of the military governor. of Elba. His eyes were injured by THE BEAUTIES OF BASTIA poison gas. Sometimes I could not see just the beauty that he Genoa, which bequeathed to the glimpsed. His impaired vision was Balagne its best variety of olives, gave being kind to him in the city Bastia its skyscraping slums. The which he loved, and from time to Genoese by instinct leans his bouse time, he gripped my arm till it against a hill, and then enters through hurt, seeking to express the spell roof or cellar, according to his which held him there. A score of convenience. charming vistas he revealed to me, The older parts of Bastia are made but perhaps the finest of them all up of houses so many stories in height was a glimpse into the heart of a that one dare not mention the number; true Corsican, who loves his native and the streets that cut through this land. mass of masonry, like mole trails or cracks in the earth, are so narrow that in JEALOUSY BETWEEN RIVAL places one can touch both sides of them. PORTS There are steep stairway streets that lead down to the harbor, and the Ruelle du Bastia is no doubt a little conscious Guadello is as deep as it is long. of its importance to Corsica, and it These towering buildings and views with a certain touch of jealousy narrow streets give to the older parts of the trifling successes of the other ports. Bastia what seems rare charm. If the Lacking though they be in the narrow traveler found the same conditions at provincialism that distinguishes some bome, he would appeal to the of the inland districts, the ports of municipal council against such Corsica have their own little insanitary surroundings. heartburnings. When the report went The changing lights of day and around that there would be a new and night bathe those smelly structures in a larger steamer put on the run between glow that is mystic in its effect. Old Bastia and Nice, Ajaccio promptly rose 104 THE NATIONAL GEOGRAPHIC MAGAZINE in arms against this show of favoritism, its way through the backbone of the with such effect that the managers country and down on the other side. wrote an open letter assuring the But even if all the first-class rolling people of the sleepy capital that their stock in Corsica were mobilized for the city would be given equal service. occasion, not a very large party could What seems a petty thing to the cross the island at once. Recently the outsider is highly important to Corsica. railway has acquired two excellent When I was in Bastia on my first visit, coaches, which are the pride of the it had become known that the administration. In each one there is a Mauretania was to stop for a day at spacious parlor, which should have a Ajaccio on its Mediterranean cruise, sprig of wax flowers under a bell jar and with hundreds of American millionaires a "tidy" on each of the luxurious seats, on board. A tourist ship never cruises for I have never seen this special the Mediterranean without compartment open. millionaires. Any one will tell you that. A party of us rode second class "Why should such a steamer stop instead of first, because only six at Ajaccio instead of Bastia?" asked one first-class passengers can be who seemed to blame me for this slight accommodated in this wagon de luxe. to his fair city. "Ajaccio is only a lazy But all that time the spacious special town. Bastia is half again as large and compartment was locked and its three times as busy. A fine idea these curtain drawn. Such a "best room" is hustling Americans (millionaire a fine talking point, and would also be American tourists are always a very good thing to use. But, like the "hustling") will have of Corsica if they Emperor’s rooms, which turn the see only Ajaccio. But it was the same Tokyo station into two last year. The George Washington noncommunicating parts, the special stopped at Ajaccio and gave us the compartments of the Corsican railways go-by. Something ought to be done serve no good purpose, in spite of the about it." fact that they are hoisted over the mountains and back every day—so AJACCIO-BASTIA RAILWAY CAN much dead weight. CARRY SIX FIRST-CLASS The ride down the east coast is PASSENGERS AT A TIME monotonous compared with the abounding variety which one expects in It is deplorable that tourist parties Corsica. After a chauffeur has hurdled should stop only at one of Corsica’s the hills along the west coast or across ports, for the railway trip between the the island, he can well regard his capital and the metropolis is one of rare profession as a nonessential occupation beauty and extreme variety, offering a when he strikes the arrow-flight roads taste of almost every feature of on the eastern plain. Yet in winter the Corsican life and scenery. There are few ride is not without its pleasant good steamers which could not round surprises, since from here one gets a the island and reach Bastia from good view of an entire range of Ajaccio while the little train is puffing snow-clad hills. THE COASTS OF CORSICA 105

THE CORSICAN OF THE PLAINS destitute of life, because the cancer of HAS RETREATED BEFORE THE fatalism has eaten for centuries at the MOSQUITO heart of Corsican valor. Fever and heat have by their insistence conquered At Casamozza, railway and road spots upon which no foreign invader dip into the hills to follow the Golo up has ever planted his standard. to the heart of the communication There are really two Corsicas — system at Ponte Leccia. Here and at the coastal plain, which is the product Barchetta and Folelli are gallic acid of Genoese, Pisan, or Roman enterprise factories for the production of tanning and the island’s necessity for contacts solutions from chestnut wood. At with the outside world, and the more Barchetta there is a new factory, where or less self-contained Corsica of the for the first time paper is to be made highlands, which, instead of extending from the wood pulp of the chestnut its dominion of arable plain, has tree. From Casamozza south to Prunete shrunk back to the rolling hills and and Cervione our road passes to the rugged mountains, building new homes east of the chestnut country, the on the heights and allowing once Castagniccia. habitable dwellings on the plain to We do not turn into the heart of show roofless interiors to the hot sky. the land but parallel the low-lying coast Somewhere in the Corsican until we pass the lighthouse of Alistro. character there is that lack of enterprise, Passing the ancient site of Aleria, near of cooperation, and of common the mouth of the Tavignano, we spent planning that banishes fever and the night at the estate of Casabianda, reclaims swamps. Assyria and one of the few expanses of the east Babylonia rose above engineering coast which is not surrendered to the difficulties such as those to which mosquito. Corsica has succumbed or in the face Before the mosquito of the eastern of which she is showing a lamentable plain the Corsican has retreated to the lack of resourcefulness. hills, leaving the most fertile expanse in The Corsican has denounced the island practically untilled. Just as in France for not finishing the east coast the days of the Saracens and the railway to Bonifacio, but ignores the Barbary corsairs, there were large cities fact that a railway must live off the land of refuge built in the hills, so to-day the it traverses as well as the ports it serves; narrow plains are depopulated in and that if fever rules over unplowed summer on account of the fever and fields, the stretching of two tiny rails a the heat. meter apart along its length will not rescue a plain from disease or poverty. THERE ARE TWO CORSICAS A bale of mosquito netting would have saved many a Corsican life. The As in the Lebanon, the terraced draining of the miasmic swamps would hillsides are eloquent of hard toil for a enable thousands of acres to become sometimes inadequate return; but close what they were in the days of the at hand are fertile plains almost Antonines, who rescued them from just 106 THE NATIONAL GEOGRAPHIC MAGAZINE such conditions as now prevail, when There is no climate too arduous, from Aleria were shipped great cargoes no sanitary or engineering problem too of grain to feed Imperial Rome. difficult, to stop the progress of the The east coast was and is Corsica’s organized world. Railways will cross Camargue.* But the Corsican makes arid deserts to reach rich mines; the less use of this rich region than the primitive jungle of the tropics will fall herder of the Camargue makes of his before the need for bananas, rubber, or less fertile plains. coffee ; nor heat, nor cold, nor famine can save the oil resources of the earth EVIDENCES THAT CORSICA from those who need them. MAY BE AWAKENING But meanwhile, in regions too poor to attract big operations, The planting of eucalyptus trees deforestation is stripping the rocks of has beautified the monotonous their blanket of earth, erosion is landscape and provided incubators for carrying off the fertile elements of the the mosquitoes; but the silted-up soil, rivers are silting up and making swamps have not been dried up by swamps where fever breeds and famine these thirsty trees, and the shoreline of threatens. Such a region is the east the real Corsica stretches along an coast of Corsica. imaginary level seven hundred feet Beside the highroad south of above the sea. Bastia there is an open trench in which There lie the fertile but unplowed water pipes are being laid, so that the lands before the very eyes of the largest city in the island can have more impoverished people, thousands of pure mountain water. There are other whom would die of famine if a blight schemes, too, in progress for making were to attack the chestnut groves. the fertile east as rich as the rocky west, Were the plain crowded with and the tide may have set in again enemies, Corsican valor would no more toward a new prosperity. be lacking to-day than it was in the The domain of Casabianda, a great past, when scores of stories of bravery estate of about 5,000 acres, is now now appropriated by other peoples had operated by the Department of Roads their actual birth in Corsican character. and Bridges. Started as a great dream But the east plain of Corsica, the of salvaging the east coast, it fell into paradise valley of the Sagone, the disuse some years ago, its de luxe Campo dell’ Oro, and the level expanse buildings, its towering silos, its ample behind St. Florent speak as loudly as stables, sheepfolds, and pigsties does the rusted French excavation eloquent of the tragedy of failure. But machinery in the jungle of Panama of recently these once-abandoned the triumph of malaria. buildings were again opened up, and the flocks and herds of Casabianda * See "The Camargue, Cowboy Country of Southern France," by Dr. were the best I saw in Corsica. The André Vialles, in The Geographic for july, man who acted as my guide says that 1922. he lives there all the year round, and THE COASTS OF CORSICA 107 although he has some fever, he is able the motor bus takes up the work which to keep on with his work. the train drops and carries the mail and Back in the hills there are posters passengers to Bonifacio. in every restaurant asking the people, as The road drives straight at La a patriotic duty, to eat chestnuts and Solenzara, with a wonderful panorama other native food products, so that the of snow mountains on the west; but at gold of France need not be sent abroad this little village, near the mouth of the to buy grain. It would seem that Solenzara River, it begins to curve and Casabianda is well fitted for agricultural wind as though it were a section of the success, in case fever can be banished westcoast road lost amid unfamiliar from the plain behind the salt marshes scenes. The plain has come to an end. of Lake Diana and Lake Sale. The mountains of Corsica here push their way to the sea, and one rounds a AN ISLAND OF SHELLS, Genoese tower that could occupy a MONUMENT TO ANCIENT similar position at any one of a score of ROME’S OYSTER FEASTS places on the opposite side of the island. These shallow lakes, or étangs, are not mucky swamps overhung with IN THE CORK COUNTRY underbrush, but wide-open expanses of water, in whose appearance there is From there one turns inland and invades the cork-oak country, which nothing ominous. The husband of the furnishes most of the trade for Porto keeper of the guest house accompanied Vecchio and Bonifacio. me to the Pool of Diana, taking real Porto Vecchio is picturesque pleasure in riding in an automobile past enough, especially from the sea, for it the shepherds connected with the occupies a slight eminence to which its domain, who had to turn aside their own battlemented walls add just the "fleecy fools" to let us pass. proper touch; but life there is a dreary I wanted to see the island of oyster thing. For the old men, there is the shells which is said to date from the sun and the front of the church, but for time when Corsica furnished Aleria the young there seems to be nothing. oysters as the prime delicacies of the The boys do not even kick a football. Roman feast. Oysters are still exported The girls don’t bound rubber balls as from here, but a more important they do elsewhere in Corsica. product, especially just before the After a wild night ride I reached Christmas holidays, is the eels, which Bonifacio, where I found a warm are sent alive to Nice and Naples, and greeting because Clifton Adams had are to the holiday feast what cranberry paved the way a year and a half before. sauce is to our Thanksgiving and plum Bonifacio occupies a position pudding to an English yuletide. which surely deserves the overworked South of Casabianda the east coast adjective "unique." If the travelers who railway emerges from the maquis to thread the narrow straits on steamers come to a stop at Ghisonaccia, where bound for the mystic East could know 108 THE NATIONAL GEOGRAPHIC MAGAZINE at what they were looking as they file descending to the harbor, but much past the stratified cliffs, at least some of more used, since it leads directly to the them would drop overboard and swim most populous parts of the high town. ashore, for Bonifacio is as unusual as The church of Sainte Marie any place one is likely to meet on a Majeure, in Bonifacio, has a piece of world tour. the true cross confined in a niche in the The narrow peninsula and the wall. The mayor and the curé have even narrower harbor fit together like keys, both of which must be used at the two hands tightly gripped in what same time in order to reach the sacred young boys playing crack-the-whip relic, which is carried in procession used to call "sailor fashion." The three times a year. When the tempests restless waters are ever eating away at of wind and wave batter at the narrow the land and the overhanging cliffs are foundations of the city so fiercely that suspended like a Damoclean sword even strong men take fright, this bit of above the water, as though each were wood is carried forth before anxious trying to make this strange mortise throngs in an effort to calm the waters. joint either land or sea. The sea has The stratified nature of the rock sunk its double-barbed hook of harbor on which Bonifacio rests makes it at the deep into the land. same time a city built upon a rock and One rolls down from Ajaccio or upon the sand. Little by little the softer Bastia to the harbor of Bonifacio portions of the cliff are carried away through a winding fissure in the from between the more durable strata, limestone plateau, from which it is and little by little the foundations of impossible to see the city until it bursts this city, which never yielded to force, upon the view above the prosaic roofs are being stolen by the jealous waters of the naval quay. and the restless wind. A huge bastion is thrust forward, In the covered loggia before the as though even yet to repel an attack. cathedral old men talk politics and boys One cannot enter the high town except and girls play with rubber balls and through gates with counterpoised shout and laugh, while the abbé beams drawbridges, which usher one in to upon them. Good man, he has a medieval scenes and make him fear that rosy-cheeked niece of two who wears a it is not allowed to introduce a camera red coat and, as he says, is "quite into what is so patently a fortress. English" ; so his eyes have a human Up from the harbor there climbs a quality in them which commands steep road which would have been a respect, but not silence. stairway if riding had not been the He took me to visit the church of custom of the builders. Down on the St. Dominique, a 13th century edifice, other side a narrow ladder of stone of which he is the curé. Once the descends to the sea, hugging the wall of building beside the church was a rock as if afraid to emulate the example monastery and the monks entered it of the overhanging corner of the city. through a covered passageway which Up to the east gate of the ancient arches the road. Later this structure fortress zigzags a steep road like that became a barracks ; now it is a school. THE COASTS OF CORSICA 109

CAMEL’S HAIR ROPE USED AS A This window toward the sky is shaped WATER PIPE almost exactly like the island of Corsica. Over in a corner of the citadel is Down the tumble of rocks which the well of St. Bartholomew, down the collapse of the roof has left at the whose somber depths we descended by western end it is proposed to build a a circular staircase Of 300 steps, cut in pathway, so that one can enter the the limestone, to a narrow door which cavern on foot. As well run elevators gives on the sea. The rope of camel’s down into Capri’s blue grotto ! hair, which once supplied the garrison I stayed in the cavern until late with drinking water, has long since afternoon had added a rosy ceiling. rotted away, but the rollers through Then, with the sun setting behind La which it passed to squeeze out the Madonetta, whose single sparkling eye water, brought tip more than 200 feet had waked to its nocturnal watch at the from the pool below, can still be seen. mouth of the dangerous stairs, I passed This shadowy stairway is entirely in between those towering cliffs to the shut out from the light of day, but harbor, with greasy lights already outside, slanting at a daring angle down showing in the low groggeries of the the cliff, is the stairway of the King of longshore; then along the white ribbon Aragon, which, "on dit," was built in a of road to the isolated hotel, from single night. Nowhere except on the which all sight of Corsica’s most mushroom of Sigiri, the lion fortress of picturesque city was shut out. Ceylon, can one find a more By moonlight I went back along venturesome stone ladder, and if it that white road and through the wasn’t built in the darkness of a single darksome portals, which, as though by night, there are sections of it that reveal some oversight or treachery, were still a type of architecture that would result open. There was hardly a footfall in the from such feverish tactics. stone streets, hardly a light in the From the quay, if the wind is not overbearing walls ; then a burst of noise too high, one takes a boat and rows out from a hidden hurdy-gurdy, and later around the lighthouse of La Madonetta the light plucking of a guitar. and into the grotto of Sdragonata, a The sky was such a sky as wonderful place, paved beneath blue moonlight brings to Venice. No waters with stones of Tyrian purple and shadowy canal rippling to a line of lapis lazuli. In midwinter the sun sets silver at the sharp prow of a gondola just outside the jagged portal against was narrower than those dark streets. which the fierce waves would toss a No patter of donkey hoofs, no swish of boat and crush it as in the jaws of some corduroy as by day. There was scant fearsome marine monster in any but sound until I passed once more the calm weather. ancient drawbridge. I walked head on But more interesting than the into the roar of the sea at the foot of grotto itself is the peculiar opening in the beetling cliff on which Bonifacio the roof through which the light pours, balances itself like a Blondin above the making this less of a cavern and more surge of Niagara. of a museum of submarine colorings.

Chef de projet : Jean Alesandri Réalisation maquette : Evelyne Leca

Imprimé en France © CNDP - CRDP de Corse - 2005 Dépôt légal : juin 2005 Éditeur nº 86 620 Directeur de la publication : Hervé ETTORI Nº ISBN : 2-86620-181 7 Achevé d’imprimer sur les presses de l’imprimerie Siciliano Z.I. du Vazzio - Ajaccio -:HSMIQG=WUV]VY: Prix : 10 euros Réf. : 200 B 9931 www.crdp-corse.fr