N°2187

ASSEMBLÉE NATIONALE CONSTITUTION DU 4 OCTOBRE 1958 DIXIÈME LÉGISLATURE

Enregistré à la Présidence de l'Assemblée nationale le 27 juillet 1995.

RAPPORT D'INFORMATION

DÉPOSÉ

en application de l'article 145 du Règlement

PAR LA COMMISSION DE LA PRODUCTION ET DES ÉCHANGES (1)

sur la loyauté de concurrence

ET PRÉSENTÉ

PAR M. JEAN-PAUL CHARIÉ,

Député.

) La composition dé cette commission figure au verso de la présente page.

Prix et concurrence La commission de la production et des échanges est composée de : MM. François-Michel Gonnot, président ; René Beaumont, Jean-Paul Charié, Jean- Pierre Defontaine, Patrick Ollier, vice-présidents ; Grégoire Carneiro, Pierre Ducout, Ambroise Guellec, Yvon Jacob, secrétaires ; Jean-Pierre Abelin, Jean-Claude Abrioux, Léo Andy, André Angot, François Asensi, Rémy Auchedé, Jean Auclair, Jean-Claude Barran, André Bascou, Christian Bataille, Gilbert Baumet, Jean Bégault, Jean Besson, Gilbert Biessy, Jean-Claude Bireau, Claude Birraux, Michel Blondeau, Gérard Boche, Jean-Claude Bois, Mme Marie-Thérèse Boisseau, MM. Yves Boisseau, Yvon Bonnot, Franck Borotra, Alphonse Bourgasser, Jacques Briat, Christian Cabal, Guy Canard, Pierre Cardo, René Carpentier, Jean Charroppin, Georges Chavanes, Jean-Pierre Cognât, Daniel Colliard, François Cornut-Gentille, Raymond Couderc, Yves Coussain, Jean-Michel Couve, René Couveinhes, Christian Daniel, Gabriel Deblock, Lucien Degauchy, Vincent Delaroux, Jean-Jacques Delmas, Léonce Deprez, Jean Desanlis, Michel Destot, Claude Dhinnin, Eric Doligé, André Droitcourt, Eric Duboc, Philippe Dubourg, , Régis Fauchoit, Jacques-Michel Faure, Gratien Ferrari, Charles Fèvre, Nicolas Forissier, Marc Fraysse, Claude Gaillard, Robert Galley, Germain Gengenwin, Jean-Louis Goasduff, Christian Gourmelen, Jean Gravier, Hubert Grimault, François Grosdidier, Louis Guédon, Lucien Guichon, Jacques Guyard, Gérard Hamel, Patrick Hoguet, Jean-Louis Idiart, Mme Janine Jambu, MM. Aimé Kerguéris, Joseph Klifa, Jean-Pierre Kucheida, Pierre Laguilhon, Pierre Lang, Philippe Legras, Jean-Claude Lemoine, Jacques Le Nay, Jean-Claude Lenoir, Serge Lepeltier, Louis Le Pensec, Arnaud Lepercq, Roger Lestas, Edouard Leveau, Alain Le Vern, Alain Madalle, Martin Malvy, Thierry Mariani, Alain Marleix, Philippe Martin, Jacques Masdeu-Arus, Jean-Louis Masson, Pierre Micaux, Jean-Marie Morisset, Georges Mothron, Alfred Muller, Hervé Novelli, Daniel Pennec, Alain Poyart, Claude Pringalle, Georges Privat, Paul Quilès, Lucien Renaudie, Bruno Retailleau, Charles Revet, Georges Richard, Jean Rigaud, Jean Roatta, François Roussel, Max Roustan, Francis Saint-Ellier, Frédéric de Saint- Sernin, André Santini, Joël Sarlot, François Sauvadet, Daniel Soulage, Frantz Taittinger, Jean-Claude Thomas, Alfred Trassy-Paillogues, Patrick Trémège, André Trigano, Léon Vachet, Jean Valleix, Yves Van Haecke, François Vannson, Jacques Vernier, Claude Vissac, Gérard Voisin, Michel Vuibert, Roland Vuillaume, Emile Zuccarelli. INTRODUCTION DE MONSIEUR PHILIPPE SÉGUIN, PRÉSIDENT DE L'ASSEMBLÉE NATIONALE

La Commission de la production et des échanges poursuit ses réflexions sur la concurrence et nous livre un deuxième rapport de Jean-Paul Charié sur le droit de la concurrence.

C'est un véritable plaidoyer « pour une libre concurrence à dimension humaine » que développe notre collègue en préconisant de « redéfinir les règles de loyauté ».

Plaidoyer passionné mais exempt de tout parti pris, de toute tentation doctrinaire, le rapport se fonde sur l'observation et l'analyse de la réalité économique chez nous et dans les pays d'Extrême-Orient que leurs succès commerciaux nous invitent à mieux connaître sinon à prendre pour modèle.

L'un des grands mérites du rapport de Jean-Paul Charié est de nous rappeler que l'économie ne peut se résumer à des statistiques abstraites, des agrégats macro-économiques, des relations immatérielles. L'économie est d'abord faite du travail et des échanges organisés entre les hommes. Ce n'est pas une donnée de nature ; il y faut des règles et des règles garanties par la collectivité : cela s'appelle la Loi.

Pour que la Loi définisse un cadre propice au développement économique et à l'emploi - souci numéro un aujourd'hui de tous les responsables -, son élaboration doit pouvoir s'appuyer sur une vision concrète de la vie économique. Jean-Paul Charié n'hésite pas à nous entraîner dans le processus de formation des coûts et des prix, à forcer la trop grande discrétion des relations entre fournisseurs et revendeurs, à remettre en cause la notion d'entente et de dépendance économique. Qu'ils partagent ou non les conclusions du rapporteur et adhèrent ou non à ses propositions, ses lecteurs tireront en tout état de cause de ce rapport une meilleure connaissance des mécanismes effectivement à l'oeuvre sur les marchés où la concurrence n'est pas toujours aussi libre qu'on l'imagine.

Philippe SÉGUIN AVANT-PROPOS

Chers collègues députés, avant de vous présenter ce deuxième rapport sur le fonctionnement du droit de la concurrence libre et loyale, permettez-moi d'exprimer ma gratitude.

<0* Gratitude envers vous-mêmes et tous les collègues membres des autres commissions qui depuis dix-huit mois n'ont cessé d'enrichir et d'alimenter nos travaux. Votre présence et votre participation illustrent l'importance apportée à ce sujet par notre nation et vous-mêmes.

^ Gratitude à l'égard de toutes les personnes de , d'Europe et d'Extrême-Orient qui, à un titre ou à un autre, ont très largement contribué à définir et tester les positions de ce rapport.

Devant la complexité du sujet - il implique de multiples interactivités - le concours de fonctionnaires compétents et motivés des ministères de l'industrie, de l'agriculture, des PME, du commerce et de l'artisanat, de l'économie et des finances fut précieux.

Interactivités, ai-je précisé, car chacun peut mesurer la qualité de travail et la confiance qu'il a fallu déployer avec tous les acteurs de l'économie de marché pour vous présenter aujourd'hui un document fiable et utile.

Devant le nombre de personnes rencontrées, d'organisations professionnelles locales ou nationales avec lesquelles nous avons échangé réflexions, points de vue et expériences, il est impossible de toutes les citer.

Indistinctement je remercierai les artisans, les commerçants de tous les secteurs d'activité, les directeurs des grandes surfaces, les dirigeants des enseignes, les agriculteurs, les industriels, leurs organisations professionnelles, leurs syndicats.

Et, parce que c'est pour nous essentiel, j'attribuerai une mention particulière aux organisations de consommateurs, aux professeurs d'université et aux juristes.

Rares sont les occasions, en introduction d'un rapport parlementaire, de pouvoir saluer une telle qualité et ampleur de participation à nos travaux. Je tenais à le faire.

Permettez-moi enfin d'exprimer une sincère reconnaissance à celles et ceux qui m'ont donné la chance, parfois la force et la persévérance, de m'occuper d'un tel sujet.

Il n'est pas coutume dans un rapport parlementaire de faire part de ses émotions et de l'humilité que députés nous ressentons souvent. Je tiens pourtant à le faire car je suis frappé par le décalage injuste et nuisible entre l'image véhiculée du monde politique et la réalité des parlementaires. Des hommes et des femmes particulièrement motivés, sincères et guidés par le seul désir de servir leur pays, leur Nation et l'être humain. Ce décalage est grave, il dessert la démocratie et la République. Il serait bien moindre si plus souvent nous osions rappeler que nous sommes des êtres humains comme les autres. Nos moyens d'analyse et de synthèse ne sont pas illimités. Nos actes et décisions ne valent qu'en fonction de la participation, en amont et en aval, du peuple et des organisations intermédiaires. Il est de bon ton aujourd'hui de critiquer les députés et de tout exiger d'eux. Ce n'est pas un comportement louable ; ce n'est pas cela une société responsable. Je le dis avec d'autant moins d'hésitation que loin des tumultes médiatiques et de l'activisme ambiant, pour ce rapport, les hommes et les femmes de terrain rencontrés tout au long de ces derniers dix-huit mois, se sont réellement impliqués dans notre travail. C'est à mon avis cela la voie à suivre et il est donc possible que l'Assemblée nationale en soit grandie, certes, mais surtout que la France en trouve une certaine fierté et une réelle source d'espoir. AVERTISSEMENTS

1. L'enjeu n'est pas d'opposer libéralisme et socialisme

Deux doctrines se sont longtemps opposées :

- celle organisant la société au nom des consommateurs, l'intérêt général étant dicté par le degré de satisfaction et de progrès pour le consommateur ;

- celle organisant la société au nom des travailleurs, le taux de partage du produit social guidant la politique.

Aujourd'hui l'enjeu n'est plus d'opposer le libéralisme et le socialisme : le développement mondial des communications et des mouvements financiers a rendu illusoires les frontières et fondamentalement modifié les comportements.

Tout comme l'économie socialiste se développe aux dépens des consommateurs, l'économie libérale peut se développer aux dépens des travailleurs. L'enjeu est celui d'une société qui serve à la fois le consommateur et le travailleur.

Dans l'intérêt général, la libre concurrence est source de progrès de vie pour les peuples, la concurrence loyale est protectrice de valeurs morales, sociales et humaines. Progrès, pouvoir d 'achat, satisfaction consommateur

2. Le droit de la concurrence ne doit pas régir le marché mais doit instaurer des règles de loyauté

L'enjeu est de servir avec grandeur l'homme consommateur et travailleur. Ce qui sert le consommateur c'est la libre concurrence. Ce qui sert le travailleur c'est la loyauté de concurrence. Or, le fondement de la libre concurrence c'est le libre jeu de l'offre et de la demande. Dans une économie d'échange, la loi du marché sera toujours plus forte et légitime que le droit positif. Le droit ne peut orienter le fonctionnement du marché. Toute tentative de gestion administrative du marché en faveur de telle ou telle cible n'a jamais donné satisfaction.

Le droit doit se borner à définir les règles de loyauté.

Les comportements de concurrence déloyale sont sanctionnés par nécessité morale et non par la nécessité du marché.

Ainsi les pouvoirs publics n'ont pas à s'immiscer dans la nature ou le degré des rapports de force. Leur intervention doit uniquement, et c'est suffisant, assurer leur régularité. La concurrence est par nature, et par devoir, caractérisée par un ensemble complexe de rapports de force - le nier ou le déplorer, le combattre ou le gérer tient du domaine de la stratégie de chaque entreprise mais pas de celui du législateur. Il existe une différence essentielle entre opposer dans les textes législatifs les entreprises en fonction de leur taille (grande et petite) ou de leur secteur d'activité (fournisseurs-revendeurs) et garantir par ces textes législatifs que chaque entreprise quelle que soit sa taille ou son secteur puisse concourir et prospérer. La loi ne peut sanctionner un détournement de clientèle, puisque c'est l'essence même de la libre concurrence, par contre la loi doit sanctionner un agissement déloyal.

La loi ne peut entraver l'évolution du marché, ni celle des méthodes de vente, car entraver l'initiative, l'innovation, la recherche et le développement, c'est aller à l'encontre du progrès et de l'augmentation de satisfaction du consommateur. La loi ne peut non plus protéger de l'incompétence. A l'inverse quand la loi se limite à la seule dimension de moralité aucune évolution de marché n'est à craindre puisqu'elle se fera dans la loyauté.

Or, le droit entretient la confusion quand il entrave la liberté d'établissement au nom du marché, quand il sanctionne au nom de l'incidence sur le marché, quand il confond position dominante et comportement déloyal, etc. Que l'on vole un oeuf ou un boeuf, le vol doit être sanctionné.

Le droit doit sanctionner le comportement fautif et pas seulement imposer la réparation d'un dommage subi. En cherchant à concilier les deux, l'article 1382 du code civil finit par légitimer le comportement «je tue et j'en paie le prix». Il faut aller vers des sanctions plus fortes que la réparation du seul dommage. Le droit ne peut être seulement une transaction offerte. Il doit faire cesser le comportement qu'il réprouve.

3. La libre concurrence n 'a jamais signifié liberté totale

L'ordonnance n° 86-1243 du 1er décembre 1986 relative à la liberté de prix et de la concurrence a confié plus de liberté aux entreprises. Les milieux patronaux l'ont saluée comme un retour à la liberté totale. Le titre même de l'ordonnance a favorisé la confusion, or :

1° Il ne s'agit pas d'une liberté individuelle mais plutôt d'une obligation, obligation de se faire concurrence, obligation de ne pas entraver la concurrence, obligation de respecter des règles morales.

2° Les prix ne sont plus déterminés par les pouvoirs publics mais ils ne sont pas devenus totalement libres. Ainsi, ils ne peuvent être fixés en dessous du seuil de revente à perte.

3° Le comportement des entreprises pour affronter la concurrence n'est pas totalement libre. Il est entravé par une multitude d'interdictions (émises d'ailleurs au nom de la nécessité de marché dénoncée précédemment) : un fournisseur ne peut dans sa stratégie commerciale choisir librement ses clients. Il ne peut refuser de vendre que dans de très rares cas qui sont difficiles à prouver. Un distributeur ne peut ouvrir ou agrandir librement ses points de vente. Un fournisseur, un producteur qui ne vend pas en direct au consommateur ne peut maîtriser sa politique de prix de vente au public (sauf, curieusement, les établissements et entreprises publiques et quelques rares secteurs comme ceux de la presse et du livre).

Tout est conçu comme s'il devait y avoir un mur infranchissable entre le producteur et le consommateur. Le mur étant (au nom de l'indice des prix) le distributeur. Cela aboutit à mettre les fournisseurs à la merci de la pression des distributeurs. Pression qui ne peut que croître et entraver la concurrence entre producteurs.

Tout est conçu pour que la concurrence s'exerce entre points de vente sur les mêmes produits et marques (guerre des prix entre distributeurs), la concurrence entre fournisseurs étant reléguée à des niveaux secondaires. Les marques et les produits deviennent des otages, or ils représentent la principale source des emplois, de la richesse nationale et de la richesse même des revendeurs. 4. La réglementation sur les positions dominantes entrave la performance

Dans une société d'économie de marché, soumise à la libre concurrence, l'entreprise obéit aux exigences de dynamisme et de performance. Pour affronter la compétition internationale, elle doit prospérer et devenir de plus en plus forte. Or, plus elle le devient, plus elle est menacée de position dominante. Atteindre une position de leader sur le marché, c'est aller au devant de la présomption de culpabilité. On confond position de leader et pratique déloyale, position dominante et entrave à la concurrence. D'où des décisions politiques et juridiques inadaptées et graves de conséquence.

5. La législation sur les ententes entrave l'obligation de concurrence

La législation sur les ententes est une des illustrations significatives de l'incohérence dominante. Comme il n'a pas été établi de différence entre les ententes souhaitables et celles nuisibles, la législation empêche des entreprises de s'entendre pour mieux affronter la concurrence. Sensée défendre la libre concurrence, elle l'affaiblit.

D'un côté on cherche à éviter les positions dominantes, mais de l'autre on provoque les fusions, les intégrations ou la disparition des plus faibles.

Est ainsi paradoxale, y compris au nom de l'égalité de concurrence, la position du droit sur les points de vente indépendants exerçant sous une même enseigne. Sous prétexte qu'ils sont indépendants, ils ne disposent pas des mêmes droits que les points de vente d'une même entreprise. 6. Les règles du jeu sont à la fois trop contraignantes et imprécises

Tous les coups ne sont pas permis sous l'empire de la libre concurrence. Des règles sont indispensables, au nom de la morale, pour assurer le bon fonctionnement de la libre concurrence. Ce sont les digues du fleuve qui font sa force. Mais les digues et seulement elles. Dès qu'on y ajoute d'autres entraves (barrages, contraintes de débit, de pureté, de volume...), le fleuve finit par déborder. Il en est de même pour la libre concurrence. Le droit français comporte beaucoup trop d'interdictions et d'entraves. Il est indispensable de déréglementer et de libérer l'initiative et le potentiel de compétence des entreprises et de leurs travailleurs.

Par contre, les rives du fleuve doivent être claires et précises pour éviter d'une part l'insécurité juridique, pour permettre d'autre part une bonne effectivité de la loi.

Vouloir légiférer, ce n'est pas dans notre esprit surréglementer, c'est au contraire permettre sans fausses illusions une pratique libérale mais loyale de la concurrence.

Une nation est caractérisée par la solidarité entre ses membres et le respect d'une morale de vie en société. Contester au nom de la liberté quelques règles claires et les sanctions significatives qui forment le code de bonne conduite, prôner le dogme de la liberté coûte que coûte et entretenir l'opposition entre liberté et règles de conduite, c'est desservir l'intérêt général.

Etre entrepreneur c'est aussi assumer une responsabilité civique et sociale, humaine et morale.

7. Autre malentendu: ce n'est pas à l'administration de définir la doctrine

Quelques responsables de l'administration française, en particulier de la DGCCRF, participent à des colloques, éditent des publications créées spécialement non pas pour répondre aux questions des entreprises sur leurs droits, mais pour faire évoluer la doctrine. Or ce n'est pas leur rôle. C'est aux politiques de faire évoluer la loi, pas aux fonctionnaires. Ce n'est pas à l'administration de commenter la loi et encore moins de s'opposer à telle ou telle orientation politique ou législative.

Le politique décide, l'électorat sanctionne ; la justice applique, la presse, les universitaires, les organisations professionnelles commentent, les conseillers conseillent, mais l'administration doit garder sa place. Le mélange des genres qui s'est développé avec la complaisance du monde politique et patronal a largement contribué à entretenir la confusion, les illusions et le mauvais fonctionnement de la loi.

DE L'EXTRÊME-ORIENT AU PLUS PETIT VILLAGE DE FRANCE UN IMPÉRATIF : LA LOYAUTÉ DE CONCURRENCE

Quotidiennement des emplois disparaissent, des entreprises déposent leur bilan, des commerces de proximité baissent définitivement leurs rideaux, des productions sont délocalisées, des agriculteurs sont spoliés à cause d'un mauvais fonctionnement de l'économie libérale.

Un enjeu de société : vers une concurrence libre et loyale

Le 9 décembre 1993, l'Assemblée nationale a publié un premier rapport intitulé « Un enjeu de société : vers une concurrence libre et loyale ».

1) Nous y rappelions les enjeux de la libre concurrence :

Elle anime une société de progrès pour l'homme. Elle augmente le niveau de vie, le pouvoir d'achat, elle contribue à valoriser le service à la personne, elle est un facteur d'aménagement du territoire, elle donne autant de chances de prospérité aux petites entreprises qu'aux multinationales.

2) Nous y analysions les sources de dysfonctionnement de la concurrence, en ayant précisé qu'aucun anathème ne devait être jeté contre une catégorie d'acteurs. La rationalité économique pousse les entreprises à s'affranchir de la loi quand les concurrents développent des comportements illicites, mais sans être sanctionnés, quand il revient moins cher de payer une amende que de perdre un marché, ou quand tout simplement la loi mal rédigée ou mal adaptée est inapplicable. 3) Nous y définissions les clés de voûte de la libre concurrence et retraçions les principes et fondements d'une concurrence loyale. Qu'il s'agisse des valeurs morales et civiques, et en particulier du respect de la signature commerciale, des négociations interentreprises, des délais de paiement, des effets nocifs des prix anormalement bas, des principes de la liberté d'entreprendre, du refus de vente et du refus d'acheter, de l'abus de position dominante ou de la dépendance économique, des ententes anticoncurrentielles et enfin de nos réflexions sur l'effectivité et les conditions d'application de la loi, les résultats ainsi publiés de nos travaux n'ont jamais été contestés.

Le rapport de 1993 est devenu une référence, mais ...

Ce rapport est devenu une référence. Il est le plus demandé au Kiosque de l'Assemblée nationale sur l'année 1995. Bénéficiant d'une introduction du Président de l'Assemblée nationale, Philippe Séguin, la qualité de son contenu, analyses et propositions a redonné espoir à des milliers d'entrepreneurs. En ce sens, ce rapport a contribué à revaloriser l'image du monde politique.

Mais nous devons à la vérité de dire que ce travail n'a pas été suivi de décisions concrètes. Nous le déplorons. Nous le dénonçons car :

1) Depuis, les pratiques déloyales se sont amplifiées. C'est logique. Tant que la loi et les pouvoirs publics n'agiront pas, la rationalité économique, pour gagner ou préserver des parts de marché, conduira le monde économique à s'aligner sur les pratiques les plus inadmissibles mais non sanctionnées.

2) Les raisons avancées par les quelques rares personnes qui ont un pouvoir d'influence suffisant pour geler les décisions législatives sont médiocres : « il n'y a pas d'opportunité politique », « l 'ordonnance de 1986 est encore récente, il faut lui laisser du temps pour devenir efficace », « vos propositions posent quelques problèmes techniques » (ce que nous n'avons jamais nié mais qui ne justifie pas le laisser-aller). Un nouveau rapport pour maintenant agir

Convaincus de l'importance des enjeux de ce sujet, nous avons donc continué de travailler. Nous avons multiplié les réunions de concertation, nous avons sillonné la France, rencontré les acteurs et responsables de très nombreux secteurs d'activité. De très nombreux parlementaires ont transmis des témoignages, commentaires et réflexions puisés au coeur des entreprises et du monde de l'agriculture, du commerce, de l'artisanat, de l'industrie, des services.

J'ai aussi effectué en Extrême-Orient un voyage d'étude uniquement centré sur le droit de la concurrence et l'ouverture de ce continent à l'économie de marché.

De ces 18 mois de travail et d'écoute complémentaires est issu un nouveau rapport que nous publions.

Il ne revient pas sur les constats traités et décrits dans celui de décembre 1993.

Ce rapport se caractérise par trois dimensions majeures :

— celle de la micro-économie et de l'analyse secteur par secteur d'activité, car un droit de la concurrence libre et loyale est d'abord érigé pour chaque consommateur, pour chaque travailleur, pour chaque entreprise ;

— celle de la macro-économie et de l'international qui est dorénavant, qu'on le déplore ou non, la dimension de l'économie de marché ;

— celle de la détermination et de l'espoir.

Détermination, car même si nous sommes les premiers à considérer que l'on peut toujours améliorer telle ou telle disposition proposée, nous tirons de nos travaux la conviction qu'il est urgent d'agir et que nos propositions apportent des solutions efficaces, testées, attendues. Espoir, car le Président de la République, , le Premier ministre, Alain Juppé, et son gouvernement se sont engagés à modifier l'ordonnance du 1er décembre 1986 relative à la liberté des prix et de la concurrence et à améliorer le fonctionnement de la libre concurrence.

Espoir aussi car les parlementaires sont sensibilisés plus que jamais à ce problème. Les entrepreneurs, à qui nous avons longuement expliqué les raisons de nos conclusions, nous soutiennent. Nous sentons la France déterminée, comme nous, à agir.

La France, nous en sommes convaincus, désire dépasser les idéologies dominantes, les fausses querelles, les principes établis, et remettre en cause les comportements, les blocages et modifier la loi pour, comme elle en est capable, servir le grand enjeu de notre société : la lutte pour l'emploi et contre l'exclusion.

Espoir enfin car partout dans le monde, de l'Extrême-Orient au plus petit village ou quartier de France où règnent le courage et la générosité, où s'illustrent les grandes valeurs humaines des consommateurs et des travailleurs, un dénominateur commun apparaît : l'exigence d'un retour rapide à plus de morale et de loyauté. PREMIÈRE PARTIE

LA MISSION D'INFORMATION EN EXTRÊME-ORIENT

L'EXTRÊME-ORIENT N'EST PLUS DE L'AUTRE CÔTÉ DU MONDE

Dans le cadre de nos travaux sur le droit de la concurrence et l'économie de marché, réalisés au sein de la commission de la production et des échanges de l'Assemblée nationale, notre mission d'information en Extrême-Orient répondait à plusieurs objectifs :

1) Intégrer la dimension internationale

Dorénavant plus aucun droit économique national ne peut être établi indépendamment du reste du monde. Si nous voulons assumer avec grandeur, notre devoir de législateur contribuant à améliorer la gestion de la société, non seulement nous ne devons pas nier la dimension internationale, mais nous devons l'intégrer dans toutes nos réflexions et décisions.

2) Prendre du recul sur le quotidien

Une des caractéristiques de notre fin de siècle est un contraste entre cette dimension internationale qui conditionne nos actes, et notre immersion quasi totale, « la tête dans le guidon », dans la gestion de la vie quotidienne. L'ampleur et la complexité des problèmes soulevés obligent pourtant le chef d'entreprise comme le législateur à prendre régulièrement du recul. Il est sain de connaître des points de vue et des expériences étrangères. Or si de nombreuses études comparatives du droit de la concurrence ont été menées au niveau européen et avec les États-Unis, aucune encore ne l'avait été avec l'Asie.

3) L'Extrême-Orient, c'est la concurrence

« L'Asie devient pourtant le continent du XXIème siècle. Il y a eu le siècle de l'Europe, il y a eu celui des États-Unis, il y aura celui de l'Asie ». En fait, l'image ne sera pas si nette compte tenu de la rapidité des évolutions et de la disparition des frontières. Qui peut affirmer que ce sera le siècle de l'Asie et pas celui d'un autre continent ? Personne, car tous les continents tiennent dorénavant une part entière et quasi quotidienne dans les échanges commerciaux. Mais l'Asie pour nous Français, c'est à la fois très loin - de l'autre côté du monde - et déjà un ensemble de nations qui nous font une étonnante et parfois désagréable concurrence. Les débats sur la délocalisation de nos productions nationales en sont une illustration. Il était donc opportun d'y aller.

Notre mission fut la première du genre

Notre mission en Extrême-Orient, uniquement consacrée à l'étude du droit de la concurrence et du fonctionnement de l'économie de marché, fut une première du genre.

L'accueil qui nous fut réservé, par tous nos interlocuteurs qu'ils soient ministres, chefs d'entreprise multinationale ou commerçants de quartier fut exceptionnel, car tous ont apprécié la définition précise de notre sujet d'étude. Reconnaissons aussi qu'il y eut parfois dans certains États, de leur part, l'expression d'une certaine curiosité et d'un réel étonnement.

Pour Singapour et Hong-Kong et plus encore pour la Chine, État qui s'ouvre à l'économie de marché, nos questions sur la loyauté des rapports entre fournisseurs et distributeurs, sur la gestion des prix anormalement bas, sur l'urbanisme commercial, ont donné l'impression d'être en dehors des préoccupations locales mais révélaient toutefois un ensemble de problèmes latents.

Je retire de cette mission les enseignements suivants :

1) Entre la France et l'Extrême-Orient, entre l'Europe et l'Extrême-orient, deux continents aux valeurs fortes et sûres, forgées par des siècles d'histoire et souvent de douleurs, l'avenir - c'est une évidence - est lié. L'Extrême-Orient, ce n'est plus de l'autre côté du monde.

Certes, hormis le cas du Japon, à cause de l'actuelle transition vers l'économie de marché, investir en Extrême-Orient, investir avec l'Extrême-Orient, comporte des risques. Mais le plus grand risque serait de ne pas le faire. C'est particulièrement vrai avec la Chine. Il nous apparaît inconcevable pour une entreprise dont la stratégie est d'acquérir une place internationale, de réaliser son développement en excluant une présence en Extrême-Orient. Ce n'est pas par hasard si nous y avons rencontré des industriels français représentant des entreprises de renommée internationale et les plus grandes enseignes françaises du commerce intégré.

2) La situation du commerce ou l'ouverture à l'économie de marché, l'absence parfois totale de droit de la concurrence ou au contraire, comme dans le cas du Japon, l'existence de règles déjà bien établies, renforce nos convictions : l'économie de marché est bien le meilleur système d'organisation pour satisfaire les consommateurs, les travailleurs et les peuples, mais la libre concurrence ne peut s'affranchir de règles de loyauté de comportement.

3) En Extrême-Orient, comme partout dans le monde, la France est appréciée. On attend d'elle beaucoup. Certes, notre nation est connue pour ses parfums, ses cognacs, ses produits alimentaires, ses grands couturiers et son savoir-vivre, mais elle commence à l'être aussi pour ses performances dans le domaine des transports (aviation, TGV, métro), de l'énergie, de l'environnement et de la haute technologie. Elle est avant tout une référence. C'est une attente qu'il ne faut pas décevoir et une responsabilité qui implique de notre part certaines modifications de nos comportements.

Il existe une véritable attente de développement des liens. Les députés français devraient aller plus régulièrement en Extrême-Orient et ne pas se contenter de quelques visites. Certaines entreprises françaises devraient aussi comprendre qu'on ne s'impose pas en Extrême-Orient sans y développer un effort permanent. L'amateurisme fait beaucoup de tort à notre nation. D'autres pays, y compris d'Europe - nous pensons en particulier à l'Allemagne, l'Italie et le Royaume-Uni -, semblent avoir mieux compris pourquoi et comment développer le partenariat avec la Chine et le Japon, Singapour et les autres États d'Extrême-Orient.

Ceci étant dit, je termine cette introduction par un éloge appuyé aux ambassadeurs et consuls, aux fonctionnaires des ambassades et postes d'expansion économique et commercial en Extrême-Orient. J'ai rencontré des professionnels compétents et motivés, disponibles, efficaces et fiers de leur travail comme de leur nation.

Je ne peux que conseiller à tous les entrepreneurs de France de les contacter. L'Asie est un grand marché. Certes les règles y sont parfois déconcertantes, mais l'enjeu en vaut l'effort. Bien des petites et moyennes entreprises, comme de plus grandes, peuvent y développer leur savoir et leur compétence. Elles y seront aidées par les conseillers français et les entreprises françaises qui s'y trouvent déjà.

L'Extrême-Orient, ce n'est plus de l'autre côté du monde.

L'Extrême-Orient, c'est déjà et aussi notre monde.

PROGRAMME DE LA MISSION D'INFORMATION EN EXTRÊME-ORIENT

Mardi 14 février 1995

20 h 20 : Départ de

SINGAPOUR

Mercredi 15 février

15 h 45 : Arrivée à Singapour

17 h 45 : Réunion de travail au poste d'expansion économique

20 h 00 : Dîner offert par S.E. M. Gérard Coste, Ambassadeur de France, à la résidence de France, avec des sociétés françaises du secteur du luxe, sur le thème de la distribution des produits de luxe en Asie :

M. Pierre Lévy Premier conseiller à l'ambassade de France M. Jean-Baptiste Pinton Conseiller commercial adjoint de l'ambassade de France M. Willy Pfister Cartier M. Philippe Robbe Parfums Christian Dior M. Peter Seah Skymark Fashion M. Raymond Lim Florray Mme Elisabeth Wong Renouvelle Mme Bertha Tan Lanvin Mme Li Lian Tan Silkino (Jacadi) M. Luc Pringalle Franco-Singapore Textiles Jeudi 16 février

9 h 15 : Visite du Straits Times et entretien avec M. Félix Soh, chef du service des questions internationales

10 h 45: Entretien avec Mme Pénélope Phoon, executive director de la Singapore Retailer Association

12 h 00 : Entretien avec M. Christophe Cann, directeur général des Galeries Lafayette de Singapour

13 h l5: Déjeuner avec des responsables de sociétés françaises, slir le thème des problèmes de la distribution à Singapour : M. Jean-Baptiste Pinton Conseiller commercial adjoint Mme Brigitte Bouvet Attachée commerciale (biens de consommation) Mme Marie-Pierre Mol Directeur de la French Business Association M. Christophe Cann Galeries Lafayette M. Stéphane Maes-Place Majorette M. Luc Pringalle Franco-Singapore Textiles

15 h 00 : Visite du Centre d'affaires français avec Mme Marie-Pierre Mol, Directeur de la French Business Association, et entretien avec M. Michel Pinaud, Président de la French Business Association, Directeur général de Pan Pacific Builders Pte Ltd

16 h 00: Entretien avec M. Khoo Teng Chye, chief executive officer de l'Urban Development Authority

17 h 45 : Réunion de synthèse avec S.E. M. Gérard Coste, Ambassadeur de France

Vendredi 17 février

17 h 00 : Départ de Singapour 20 h 30 : Arrivée à Hong-Kong

, HONG-KONG

Samedi 18 février

Il h 30 : Entretien avec Mme Pamela Chan, directrice générale du conseil de la consommation

13 h 00 : Déjeuner offert par M. Laurent Aublin, Consul général de France, à sa résidence, avec M. Maurice Vallat, Vice-Président d'Alcatel Asia Pacific Ltd Après-midi : Visite des quartiers commerciaux de Causeway Bay et Tsim Sha Tsui

18 h 30 : Entretien avec M. Gérard Clerc, Directeur général Asie de Carrefour

20 h 30 : Dîner avec M. Gérard Priet, Directeur du développement Asie d'Air Liquide, et M. Jean-Marc de Royère, ingénieur commercial d'Air Liquide

Lundi 20 février

8 h 15 : Départ de Hong-Kong 10 h 20 : Arrivée à Shanghaï

�'Il��l � CHINEIl

. SHANGHAÏ

14 H 00 : Entretien avec le responsable du programme de rénovation commerciale de la vieille ville chinoise, quartier de Nanshi, M. Zhou Heqing, Directeur de la mairie d'arrondissement de Nanshi, et visite.

15 h 30 : Entretien et visite du magasin n°l, avec M. Wu Zheng Lin, Directeur du Magasin n°l.

18 h 30 : Entretien avec M. Loïc Dubois, Directeur général de Carhua Supermarket Co. Shanghaï (joint venture de Carrefour à Shanghaï)

Mardi 21 février

9 h 30 : Visite de la nouvelle zone de Pudong Rencontre avec M. Zhu Lu Kun, Directeur de la compagnie de développement du centre d'affaires et de finances de Lujiazui dans la nouvelle zone de Pudong

10 h 30 : Visite des programmes commerciaux dans la zone de Lujiazui

13 h 30 : Entretien avec M. Zhang Guang Sheng, Directeur du Bureau de commerce et des finances de la municipalité de Shanghaï

15 h 30 : Entretien avec M. Zhu You Zi, Vice-Directeur du Bureau de la mairie d'arrondissement de Luwan, et visite du programme de rénovation commerciale de la rue Huaihai (ancienne avenue Joffre) Mercredi 22 février

9 h 00 : Visite de Shanghaï

12 h 00 : Déjeuner offert par M. Jean-Pierre Bourrel, Consul général de France, à sa résidence, avec des représentants des entreprises françaises installées à Shanghaï

14 h 30 : Entretien avec M. Zhao Yun Jun, Président de l'association du peuple de Shanghaï pour l'amitié avec les pays étrangers

17 h 20 : Départ pour Pékin 19 h 00 : Arrivée à Pékin

. PÉKIN

Dîner avec S.E. M. François Plaisant, Ambassadeur de France, et son épouse

Jeudi 23 février

9 h 00 : Entretien avec M. He Jihai, Vice-ministre du commerce intérieur

10 h 30: Entretien avec M. Wang Zhongfu, Directeur général au Bureau d'administration de l'industrie et du commerce

12 h 00 : Entretien avec M. Liu Suinian, Président de la commission des affaires économiques et financières de l'Assemblée nationale populaire et des députés chinois, suivi d'un banquet au Palais du Peuple en présence de M. l'ambassadeur, de MM. Barroux, Ministre-conseiller, Lavezzari, Conseiller à l'ambassade, et Lévêque, Conseiller commercial

15 h 00 : Séance de travail au poste d'expansion économique

16 h 30 : Entretien au cabinet juridique Gide Loyrette Nouel avec MM. Olivier Dauchez et Hubert Bazin, avocats à la Cour

19 h 30: Dîner offert par S.E. M. François Plaisant, Ambassadeur de France, à sa résidence, en présence de M. Liu Suinian et de personnalités chinoises et françaises

Vendredi 24 février

Visite de la Cité interdite puis de la Grande muraille de Chine à Mutinanyu 18 h 30 : Point de presse avec les correspondants français à Pékin, à la résidence de l'Ambassadeur

19 h 45 : Dîner offert par M. Pierre Barroux, Ministre-conseiller, à sa résidence, avec des hommes d'affaires français et chinois

Samedi 25 février

9 h 20 : Départ pour Tokyo 14 h 15 : Arrivée à Tokyo

JAPON

. TOKYO

Soirée : Dîner avec M. Kazuakira Nakajima, Directeur du Cabinet d'affaires international D.M.L.

Dimanche 26 février

10 h 30 : Visite du musée Takagi du bonzaï

14 h 00 : Entretien avec Mme Chieko Ishii, Président-Directeur général du Printemps Ginza, et visite du magasin

Lundi 27 février

8 h 30 : Petit déjeuner de travail avec S.E. M. Jean-Bernard Ouvrieu, Ambassadeur de France, et M. Louis-Michel Morris, Ministre-conseiller

Il h 00 : Entretien avec M. Isao Nakauchi, Président de Daiei

12 h 30 : Déjeuner avec des hommes d'affaires établis à Tokyo : M. Norbert Leuret, Directeur Marketing, Camping gaz M. Jean-Marc Lisner, Président directeur général, Style France M. Jean-Pierre Dubois, Conseiller commercial de l'ambassade M. Christian Paoli, Attaché juridique à l'ambassade

14 h 30 : Entretien à la Fair Trade Commission, avec : M. Hidekatsu Hirabayashi, Conseiller M. Takayuki Suzuki, Directeur du Bureau des transactions commerciales

16 h 30: Entretien au MITI, avec le directeur et le directeur-adjoint de la division « Distribution »

18 h 30 : Réception de lancement de « Elle Japon » 19 h 30 : Dîner offet par M. Louis-Michel Morris, Ministre-conseiller pour les affaires économiques et commerciales, avec des hommes d'affaires français de la région de Tokyo : Mme Pascale Buch, Directeur général de la Chambre de commerce et d'industrie française au Japon (CCIFJ) M. Fabien Debaecker, Directeur Marketing de Rémy Japon M. Jean Deniau, Vice-Président CCIFJ, Représentant Japon de Les Cristalleries d'Arqués M. Guy Marcillat, Président de Nippon Sanofi Co M. Nicolas Métro, responsable Marketing de Jardine Wine and Spirit M. Jérôme Partos, Président du Comité distribution de la CCIFJ, Président de Nichifutsu Boeki (Groupe Denis Frères) M. Emmanuel Prat, Ancien Président de la CCIFJ, Président de L.V.M.H., Moët-Hennessy-Louis Vuitton-Japon M. Soichi Yasumoto, Directeur de L'Oréal M. Jean-Pierre Dubois, Conseiller commercial à l'ambassade

Mardi 28 février

7 h 56 : Départ de Tokyo 10 h 12 : Arrivée à Kyoto

. KYOTO

10 H 45 : Visite du temple Kinkakuji (Pavillon d'Or)

11 h 30 : Visite du temple Ryoanji (Jardin de méditation)

Déjeuner dans le quartier Gion

14 h 15 : Visite du château de Nijo (Palais du Shogun Tokugawa)

15 h 04 : Départ de Kyoto 15 h 49 : Arrivée à Osaka

. OSAKA

16 H 00: Entretien avec M. Kenji Tanaka, Directeur du département du commerce à la Préfecture d'Osaka

18 h 00 : Entretien avec M. Kunio Iztsu, Président de l'Asia and Pacific Trade Center Corporation, et M. Yoshihiro Kusanagi, Directeur général, et visite des installations du centre d'affaires 19 h 30 : Dîner offert par M. Michel Trinquier, Consul général de France à Osaka et Kobé, avec des représentants de la communauté d'affaires française du Kansai : Mme Marie-France Flageul, Directeur d'Artech group et déléguée commerciale de BP Ingéniérie M. Jean-Bernard Seitz, Directeur de Danone-Evian M. Jean-Michel Volat, Vice-Président de la Chambre de commerce et d'industrie française au Japon, Président du chapitre Kansai M. Jacques Torregrossa, Conseiller commercial

Mercredi 1er mars

8 h 00 : Départ d'Osaka 1 h 45 : Arrivée à Taipei

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TAIPEI

5 h 00 : Entretien avec M. Jean-Luc Chéreau, Directeur général de Carrefour à Taïwan

6 h 00 : Visite du magasin Carrefour de San-Chung avec M. Jean-Luc Chéreau et M. Marc-David Bismuth, Directeur

8 h 00 : Entretien avec M. Jean-Paul Réau, Directeur de l'Institut français

9 h 30 : Dîner offert par M. Jean-Paul Réau avec des représentants d'entreprises françaises de distribution installées à Taïwan eudi 2 mars

3h 20 : Départ pour Tainan 0 h 10 : Arrivée à Tainan

TAINAN

Visite du magasin Continent avec MM. Olivier Archambaud et Daniel Hsu, Directeurs, suivie d'un déjeuner offert par M. André Delemarre, Directeur général de Far Eastern Continent Co (Groupe Promodès-Taïwan)

3 h 25 : Départ pour Taipei 4 h 00 : Arrivée à Taipei . TAIPEI

15 h 00 : Entretien avec M. Ming-Bang Chen, Directeur du département du commerce au ministère des affaires économiques, et MM. Robert S.Q. Lai, Directeur-adjoint, et Walley Su, chef de section

17 h 00 : Visite du magasin Printemps et entretien avec son Président, M. Wang Ming Der

19 h 00 : Dîner offert par M. Sieou-Je Hoang, Vice-ministre des affaires étrangères, à l'hôtel Lai-Lai Sheraton

Vendredi 3 mars

11 h 00 : Entretien avec M. Kung Wang et Mme Ing-Wen Tsai, Commissaires à la Commission de la concurrence du Yuan Exécutif

12 h 30 : Déjeuner offert par Mme Hsia-Lan Wang, Directrice du groupe «United Daily » au Bankers' Club

15 h 00 : Visite du musée national du Palais

20 h 30 : Départ pour Paris TABLEAU DES ÉCONOMIES DES PAYS VISITÉS

Source : Ministère des Affaires étrangères français (1) chiffres économiques de 1993 (2) y compris les îles de Kinmen, Matsu et Penghu (3) PNB, PNB/habitant et croissance du PNB n.d.: donnée non disponible lors de la mission

SINGAPOUR

POUR QUE SINGAPOUR, CITÉ D'EXCEPTION, RESTE CITÉ D'EXCELLENCE

Sur une mer verte, couleur due à la pollution, des centaines de bateaux mouillent au large ; c'est là et non en ville que se trouvent les « embouteillages », des immeubles propres, neufs et des espaces verts, tout un ensemble attrayant au-dessus duquel s'entraînent trois avions de chasse, telle est du hublot de l'avion la première vue sur Singapour. Elle illustre bien les caractéristiques de cette ville-Etat au développement spectaculaire et à ce point unique du monde.

Ici, les gens sont passés de la rizière où ils travaillaient les pieds nus, à la Jaguar. Cela s'est fait grâce à deux politiques :

• la mise en place d'un pouvoir très autoritaire pour gérer la cité aussi bien du point de vue des transports, de l'urbanisme, du logement, de la formation, de la sécurité et de la moralité (il nous sera précisé qu'il y a en moyenne plus d'une exécution capitale par jour et les bastonnades publiques sont encore en vigueur). Tout semble pensé et mis en oeuvre comme s'il s'agissait de gérer à la perfection une entreprise. Par exemple : pour éviter le trop grand nombre de voitures, la pollution et les embouteillages, les achats de véhicules sont surtaxés (une Safrane coûte 700.000 F), les garages, péages et droits de circulation coûtent très cher, la circulation en centre-ville est réservée aux véhicules munis d'une autorisation.

• le « libéralisme économique à tout crin » comme nous dira un de nos interlocuteurs.

Cette île, une ville, est le premier Etat de l'Asie du sud-est à s'être totalement ouverte à l'économie de marché. Elle est très vite devenue une vitrine pour toute la région, un tremplin pour conquérir les marchés malaisien, thaïlandais, indonésien. Pour certains, elle l'est encore. Ici, du moment que l'on peut payer, que l'on peut offrir plus pour acheter les terrains et droits à construire qui sont mis aux enchères (c'est quasiment la seule règle économique et de concurrence à respecter...), tout le reste est plus facile et plus sûr qu'ailleurs.

Oui, c'est cher: 1,5 million de francs pour la moindre implantation. 4 milliards de dollars Singapour (14,8 milliards de francs) ont été investis pour construire deux tours commerciales. Mais il n'y a pas de coûts cachés ; il n'y a pas d'embouteillage, « vous pouvez prendre plus de deux rendez-vous par jour » (par allusion à Taïwan ou à Pékin), il n'y a pas de corruption (un fonctionnaire hésitera à accepter que vous lui offriez un déjeuner...). Et c'est sûr : on parle parfaitement anglais, la culture juridique anglaise est une réalité, un étranger peut posséder 100 % du capital de l'entreprise qu'il crée à Singapour...

Ainsi, cette ville de la « méritocratie » (vous ne réussissez que si vous le méritez, en dehors de toute corruption ou de tout piston) a su investir autant dans l'urbanisme en faisant appel aux meilleurs spécialistes mondiaux que dans la formation de haut niveau en créant deux universités et en envoyant chaque année 30.000 étudiants à l'étranger dont 10.000 aux Etats-Unis. « Elle a pris trente ans d'avance » sur les autres Etats de la région.

Singapour avait 30 ans d'avance, combien lui en reste-t-il aujourd'hui ?

Le pouvoir gouvernemental fort a engrangé d'incontestables et spectaculaires résultats. La qualité de gestion de la cité n'échappera à personne. Aujourd'hui, 55 plans sont encore en cours d'adoption pour étendre l'aménagement de la ville d'ici l'an 2040. L'ambition est d'en faire « la cité d'excellence du XXIe siècle». 1.200 fonctionnaires y travaillent au-dessus d'immenses maquettes de la ville. Tout est prévu : la zone recherche, le corridor haute technologie, les transports publics, l'architecture urbaine, la sauvegarde du patrimoine ancien, les parcs de loisirs, la qualité de vie,...

Mais derrière cette flambée existent de vrais problèmes. - Partie seule, avec trente ans d'avance, Singapour doit maintenant compter avec la Chine et ses voisins malais et thaï qui se sont aussi ouverts à l'économie de marché. Ces grandes nations savent observer et copier. Elles rattrapent vite leur retard.

- A Singapour, toute une nouvelle génération n'a pas connu la pauvreté des rizières. Née au milieu du confort, du luxe et de la sécurité totale (à Singapour, il n'y a pas de vol ; votre maison ouverte ne sera jamais visitée ; aucun papier n'est jeté par terre ; etc.), elle a du mal à accepter de ne pas avoir plus encore : droit de choisir, droit de contester, droit de décider seule. De plus, ses seules autres références familiales sont celles des ethnies. Ce n'est pas pour arranger les choses. Elles sont au nombre de trois, les Chinois (77,5 % de la population), les Malais (14 %) et les Indiens (7,1 %) et elles ne se sont jamais entendues...(ceci conduit d'ailleurs à un certain conservatisme de la part du gouvernement).

-Mais le pire des problèmes est celui des effets pervers du libéralisme pousssé à l'extrême.

Le règne de l'économie administrée par les puissances financières

Avoir les moyens financiers pour acheter les emplacements commerciaux libérés par l'Etat (qui possède la plupart des terrains en zone urbaine), pouvoir offrir plus que votre concurrence, sont quasiment les seules conditions pour implanter votre commerce. Il n'y a aucune autre règle, notamment en matière d'urbanisme commercial, et il n'en est pas prévu.

« Et s'il n'y a que des banques qui achètent, et si aucun coiffeur ou petit commerçant ne peut acheter dans le quartier ? ». « Il faut faire confiance à l'économie de marché » répond mon interlocuteur représentant l'autorité chargée de planifier le développement urbain, quelque peu interloqué par ma question. Pages CHINE — LA CHINE : PLUS DE 20 FOIS LA FRANCE 75 A — L'ÉVOLUTION DES STRUCTURES DE DISTRIBUTION DES PRODUITS DE GRANDE CONSOMMATION 77 1Les magasins d'État 78 2.— Les commerces municipaux 80 3.— Les commerces libres : les échoppes 80 4.— Les supermarchés et les premiers hypermarchés 81 5.— L'installation des entreprises de distribution étrangères 86 6.— L'équipement commercial et la croissance du commerce 87 B — LE DROIT DE LA CONCURRENCE ET LES RELATIONS ENTRE FOURNISSEURS ET REVENDEURS 90 1.— Les relations contractuelles reposent sur un état d'esprit particulier 90 2.— Les règles de concurrence sont très limitées 91

• JAPON LE JAPON : À L'HORIZON S'IMPOSE UNE SPHÈRE ROUGE 97 A.- L'ÉQUIPEMENT COMMERCIAL DU JAPON 99 1Des commerces de détail proches des habitants 101

a) Le petit commerce traditionnel 101 b) Les commerces de proximité (« convenience stores ») 104 2.— Les grands magasins : le commerce de luxe traditionnel 106 3.— Les supermarchés sont en pleine expansion 112 4.- Le maxidiscompte 113 B.- L'ÉVOLUTION DU COMPORTEMENT DES CONSOMMATEURS 116

1.— Un attrait pour les nouvelles formes de vente 116 2.—La recherche des prix bas 119 C C.- LE CIRCUIT DE DISTRIBUTION 121 1.— Une multiplication des intermédiaires dans le circuit traditionnel 121 2.— Le rapport de force est favorable aux producteurs et aux grossistes dans le circuit de distribution traditionnel 124 3.- La mutation du circuit traditionnel sous la pression du maxidiscompte et des consommateurs 127 D — UNE LÉGISLATION PROTECTRICE MAIS SOUPLE EN MATIÈRE D'URBANISME COMMERCIAL 135

1.— Le champ d'application de la loi et les autorités chargées d'appliquer la loi 137 2.— La procédure dite de coordination 138 3.— Le contenu de la décision ministérielle ou préfectorale 140 4 — Les sanctions prévues par la loi ...... 141 5.— L'application de la loi ...... , ...... 142 Pages

E.- UN DROIT DE LA CONCURRENCE TRÈS ÉLABORÉ MAIS QUI LAISSE UNE LARGE PLACE AUX RÈGLES COUTUMIÈRES 145

1 — Toutes les ententes ne sont pas interdites, certaines sont même favorisées 145 2.— La notion de prix injustement bas et les prix d'appel sont au coeur du débat sur la loyauté de la concurrence 147 3.— Les relations contractuelles entre les foumisseurs et les revendeurs 153

a) La coopération commerciale 154 b) Refus de vente, prix imposés et distribution sélective : tradition et mutation du système japonais 154 c) Les délais de paiement 158 d) Le principe de non-discrimination 159 e) L'abus de position dominante 159

• TAÏWAN TAÏWAN : LE PRINTEMPS ET LE CARREFOUR D'UN CONTINENT 165

A.- L'ËQUIPEMENT COMMERCIAL 166 B.- LES RÈGLES D'URBANISME COMMERCIAL 172 C.— LE DROIT DE LA CONCURRENCE TAÏWANAIS ET LES RELATIONS COMMERCIALES ENTRE FOURNISSEURS ET REVENDEURS 175

1.— L'encadrement des monopoles et des ententes 175 2.— Les pratiques tarifaires 178 3.— Les relations contractuelles entre les foumisseurs et les distributeurs 179

)EUXlÈME PARTIE : UN IMPÉRATIF : LA LOYAUTÉ DE CONCURRENCE

TITRE PREMIER : FOURNISSEURS - REVENDEURS

I.— DES RAPPORTS DÉSASTREUX, SOURCE D'UNE SOCIÉTÉ À LA DÉRIVE 185

A.- LE CONSTAT EST ACCABLANT 185 B — IL FAUT DISCERNER LES VRAIES RAISONS DE CES PRATIQUES 187 C —IL NE FAUT PAS TOUT CONDAMNER 188 D — LE CONSENSUS EXISTE POUR RÉAGIR 191

II — LA LOYAUTE PASSE PAR LA TRANSPARENCE DES CONDITIONS DE VENTE ...... 192

A.- LES CONDITIONS GÉNÉRALES DE VENTE SONT TRANSPARENTES 192 B —LE PARTENARIAT COMMERCIAL DOIT ÊTRE JUSTIFIÉ 193 C.- LES MODIFICATIONS LÉGISLATIVES SONT RÉDUITES MAIS ESSENTIELLES 194 D.— DANS LES FAITS. LES CONSÉQUENCES SERONT SIGNIFICATIVES 195 E.- RÉPONSES AUX NOMBREUSES QUESTIONS SOULEVÉES 197

III.- LIBERTÉ DE VENDRE ET LIBERTÉ D'ACHETER : CONDITIONS D'EXERCICE DE LA LIBRE CONCURRENCE ...... 204