ROMEO JULIETTE

OPERA EN CINQ ACTES Distribution Argument Analyse par Jean-Luc Perrot L'interview imaginaire Autour du compositeur

Affiche de la création de Roméo et Juliette au Théâtre-Lyrique Impérial en 1867. Photo BN. et Juliette.

Opéra en 5 actes DISTRIBUTION : de Direction musicale : Patrick FOURNILLIER Livret de Jules BARBIER Mise en scène et lumières: Antoine SELVA Décors et costumes : Rinaldo OLIVIERI et Isabella LONARDI et Michel CARRÉ d'après la tragédie Juliette Capulet: Nuccia FOCILE de William SHAKESPEARE Roméo Montaigu : Luca LOMBARDO Mercutio : Andrew SCHROEDER Mercredi 26, vendredi 28 à 20 h Frère Laurent : Pierre THAU et dimanche 30 janvier 1994 à 1 5 h Tybalt : Jorge DE LEON Grand Théâtre de la M.C.C. Le comte Capulet : Desmond BYRNE Stephano : Géraldine MÉLAC Production Gertrude : Patricia SCHNELL de l'Opéra Royal de Wallonie, Le duc de Vérone : Leonardo DIANA 3 Centre Lyrique de la Communauté Benvolio : Colli d'OTTAVIANl • Le comte Paris : Robert JEZIERSKI Française de Belgique. Gregorio : Philippe GEORGES Frère Jean : Orféry IVANOV Nobles et habitants de Vérone, soldats et moines, pages Nouvel Orchestre et Choeurs Lyriques de Saint-Etienne Chef des choeurs : Dominique TROTTEIN Chef de chant : Pierre CALMEL Assistant à la direction musicale : Bruno POINDEFERT Régisseur général : Gérard PLAIDEAU Répétiteur : Serge DEBIÈVRE Régisseur de scène : Marielle BOUNIN Assistant de régie chargé des choeurs et de la figuration : Madeleine PLAIDEAU M

Editions Schirmer / Choudens / Kalmus. ft K

L' action se passe à Vérone au XIVe siècle.

Au cours d'un bal, le comte Capulet présente sa fille Juliette à la société véronaise, éblouie par la beauté de la jeune fille. Roméo et son ami Mercutio, masqués, se sont mêlés à la fête mais le jeune héros se déclare troublé. Mercutio le raille aussitôt. A peine Roméo aperçoit-il Juliette qu'il en tombe éperdument amoureux. De son coté, la jeune fille avoue à Gertrude, sa nourrice, son peu d'empressement pour le mariage. Elle chante alors son désir d'un amour idéal dont elle préfère prolonger l'attente. Dans un tendre duo, Roméo laisse paraître ses sentiments pour Juliette qui cache avec peine son émotion. Les jeunes gens apprennent avec effroi leur origine respective (les Capulet et les Montaigu se vouent une haine endémique) et Juliette entrevoit l'issue fatale de cet amour impossible. Tybalt, cousin de Juliette, veut poursuivre et frapper Roméo qu'il a reconnu mais le comte de Capulet, respectueux de ses devoirs d'hôte, ordonne la reprise du bal.

Abandonnant ses compagnons, Roméo s'introduit dans le jardin de Juliette. Dans une cavatine passionnée, il célèbre la beauté incomparable de celle qu'il aime. Juliette paraît au balcon. Les jeunes gens échangent des serments enflammés, bien­ tôt interrompus par Cregorio (un serviteur des Capulet) et ses confrères qui soup­ çonnent la présence de quelque galant. Avec assurance, Gertrude, nourrice de Juliette, éloigne les importuns. Roméo et Juliette, qui ont repris leur doux entretien d'amour promettent de s'unir dès le lendemain. III

Dans sa cellule, Frère Laurent accueille les fiancés et célèbre secrètement leur mariage. Resté près du palais Capulet, Stephano, page de Roméo, cherche son maître. Sa chanson malicieuse provoque Gregorio qui l'assigne en duel. Le combat est à peine engagé que Mercutio indigné vient prêter main forte au jeune Stephano tandis que Tybalt s engage aux côtés de Gregorio. Malgré les invectives de Tybalt, Roméo essaie d'apaiser les deux clans. En vain. Mercutio succombe sous les coups de Tybalt. Roméo laisse alors éclater sa colère et tue l'assassin de son ami. En mou­ rant, Tybalt fait promettre au comte Capulet de hâter le mariage de Juliette avec le comte à qui la jeune fille est promise. Roméo est condamné à l'exil par le duc de Vérone. IV

Roméo retrouve Juliette dans sa chambre pour un dernier adieu. Tour à tour, cha­ cun des deux amants veut prolonger ce moment d'extase mais le chant de l'alouette indique le lever du jour. Roméo s'enfuit. Le comte Capulet introduit Frère Laurent chez Juliette pour la préparer à son prochain mariage avec Pâris. Afin d'éviter cette union impossible, le moine propose à Juliette d'absorber un breuvage qui lui donne­ ra l'apparence d'une morte. Il préviendra Roméo avec lequel la jeune fille s'enfuira dès son réveil. Juliette qu'on s'apprête à unir à Pâris s'effondre sous l'effet du philtre. Tous la croient morte. ACTE V

Frère Laurent apprend que Roméo n'a pu être informé du subterfuge employé pour éviter le mariage de Juliette et de Pâris. Persuadé de la mort de sa bien-aimée, Roméo se rend au tombeau des Capulet et, admirant une dernière fois la beauté sublime de Juliette que la mort n'a pas altérée, absorbe un poison fatal. Mais Juliette s'éveille. Les jeune gens expriment par un dernier duo leur passion réciproque. Apprenant le geste de Roméo, Juliette se poignarde pour rejoindre son époux dans l'éternité. • Patrick Fourmilier et le N.O.S.E. (détail). GOUNOD : L'INTERVIEW IMAGINAIRE

on ami John R.Jackson et moi-même avions sollicité une entrevue auprès de Gounod mais ce n'est que plusieurs semaines après notre Mdemande que le maître daigna nous recevoir. Nous fûmes admis dans son hôtel particulier de Saint- Cloud par un domestique fort stylé, qui nous pria d'attendre dans l'antichambre. La porte de la salle d'orgue était entrouverte et, de ma place, je pouvais apercevoir le reflet luisant des tuyaux d'étain ; cependant, notre contemplation des meubles cossus, des tapis soyeux, de la multitude de tableaux qui ornaient les murs, fut de courte durée car, déjà, on nous introduisait dans le bureau du maître. Celui-ci, se levant à notre arrivée, lança un "Bonjour messieurs" d'une voix douce et affable, pourtant sonore, et nous pria de faire honneur aux confortables fauteuils qui nous tendaient les bras. Tout respirait un confort ouaté, un luxe discret, un goût des arts éclairé, que les difficultés matérielles n'avaient point entravés. Il est vrai que le père du com­ positeur fut second prix de Rome (section Beaux-Arts) et que, très tôt, Gounod eut l'habitude de fréquenter les chefs-d'œuvre des plus grands peintres, comme ceux des plus grands compositeurs. Ne fut-il pas l'ami de Ingres ? De Mendelssohn ? Ne fréquenta-t-il pas Liszt qui lui fit entendre sa Sainte Elisabeth et son Christus ? Voyant nos regards flâner vers les volumes rangés avec un soin minu­ tieux sur les rayons qui faisaient le tour de la pièce, Gou­ nod chercha à nous rassurer : - Je dois beaucoup à mon beau-père, Zimmermann, qui était, comme ligne de pureté, j'allais dire : loin des grappes vous le savez, professeur de piano au conser­ d'accords que certains semblent accumuler vatoire. A sa mort, j'ai hérité de cette pour le plaisir de l'effet ou de la surprise, je demeure où vous vous trouvez, et de sa riche me suis toujours tenu à un contrepoint à bibliothèque. Ce fut pour moi un don pré­ quatre ou cinq parties, un contrepoint rigou­ cieux, car Zimmermann était forgé à l'école reux certes, mais que j'ai toujours souhaité allemande. J'ai trouvé là des volumes de expressif. Haydn, Mozart, Beethoven, à une époque où Mon compagnon John R.Jackson me regarda leurs oeuvres étaient encore mal connues en et je risquai une première question. France. Oui vraiment, j'ai trouvé ici ce que - Mozart n'est-il pas le plus grand ? ma nature musicale recherchait le plus : la - Si, pour sûr, renchérit le maître, visible­ correction de l'écriture alliée à l'élévation de ment ravi d'aborder ce compositeur. Savez- la pensée. Vous remarquerez que je n'ai vous que ma mère me fit un présent précieux, jamais failli à cette ligne de conduite, à cette dont je découvre chaque jour un peu plus les bienfaits, en m'amenant, alors que je n'avais que treize ans, à une représentation de Don Juan ? Je me souviens comme s'il s'agissait d'hier de l'émotion que me procura cette musique divine. A peine étions-nous dans la salle, que je me sentis enveloppé d'une sorte de terreur sacrée, comme à l'approche de quelque mystère imposant et redoutable ; j'éprouvais tout ensemble, dans une émotion confuse et jusqu'alors inconnue, le désir et la crainte de ce qui allait se passer devant moi. Nous étions dans une loge de quatrième étage ; mais, comme nous étions arrivés de bonne heure, nous fûmes placés sur le devant de la loge, à titre de premiers occupants. Cette salle de théâtre, ce lustre, tout cet appareil grandiose était déjà pour moi un éblouissement. Je renonce à décrire ce que je ressentis dès les premiers accents de ce subli­ me et terrible prologue. Tout ce que je me rappelle, c'est qu'il me sembla qu'un dieu me parlait ; je tombai dans une sorte de prostra­ tion douloureusement délicieuse. Charles Gounod dans l'atelier de Pils. Dessin de G. Clairin. Photo BN. Nous étions sous le charme. œuvres de Josquin Després, Gombert, C'était d'ailleurs là une des meilleures armes Schùtz, Roland de Lassus. Quelles pages de Gounod : le charme. 11 plana un moment admirables ! de silence que je n'osais rompre. - Partagez-vous cette même admiration des - Et Bach ? me hasardai-je. maîtres du passé dans d'autres domaines que - Ah Bach ! Ah Bach ! répéta Gounod, pen­ l'Art musical ? sif. J'ai fait jadis un pèlerinage lorsque je me - Oui, je fréquente volontiers Ovide, et je lis suis rendu à Leipzig, à la Thomaskirche, là Molière, Corneille, Shakespeare. Je ne me même où Bach fut cantor. Quel homme lasse pas de contempler les toiles de Raphaël. admirable que ce Bach, quelle science inéga­ Il y a dans la pureté des traits, la précision lée ! J'aime particulièrement les chorals, si des sujets quelque chose qui me ravit. doux et si mystiques, dont nous avons donné J'osai alors une question délicate, que je une édition corrigée : c'est bien le moins que posai d'un air détaché. nous puissions faire pour répandre l'art de cet - Faut-il comprendre, maître, que vous vouez illustre musicien. à nos contemporains une admiration Je ne voulus pas faire remarquer à Gounod moindre ? que le culte de Bach se serait peut-être bien Gounod ne parut pas gêné outre-mesure. passé de la correction des prétendues fautes - Il y a bien des talents de nos jours, à com­ d'harmonie qu'il avait cru déceler dans ses mencer par Berlioz qui a si gentiment défen­ chorals, ni mettre de l'huile sur le feu en rap­ du ma candidature à l 'Académie des Beaux- pelant l'histoire de l'Ave M aria, sorte de Arts. Et puis, regardez tous ces grands noms récupération romantique du premier Prélude de la musique française : , du Clavier bien tempéré. Aussi enchaînai-je Auber, Félicien David, Victor Massé. J'ai rapidement. assisté à la première de Tannhauser et, - Bref, vous vouez une grande admiration aux croyez-moi, je n'étais pas de ceux qui ont classiques ? brandi leurs sifflets. Je professe, quoique - Tout à fait, et j'ai approfondi à Rome Wagner ait pu dire de mon Faust, une très l'étude de Palestrina. Je me suis même essayé grande admiration pour ce vaste cerveau et à son style, cette polyphonie a cappella si cette puissante organisation d'artiste. dépouillée, dans les Sept paroles de Notre Sei' Je n'osai demander si l'audition de Parsifal gneur Jésus-Christ. Mais, voyez-vous, ces s'accompagnait de commentaires aussi bien­ maîtres anciens sont aujourd'hui plus joués veillants, pas plus que je ne souhaitais pro­ qu'ils ne l'étaient par le passé. Ils sortent de noncer le nom de César Franck. Ce fut mon l'ombre et il faut voir là un bienfait de notre ami Jackson qui, jusqu'alors plongé dans la civilisation moderne. Pensez aux concerts contemplation du piano-bureau trônant au historiques qu'avait organisés Monsieur Fétis. milieu du salon (un curieux modèle en vérité On avait donné, dans la salle Herz, des que ce meuble à double destination fourni par Pleyel) demanda le plus innocemment du Gounod qui me tendit une coupure de pres­ monde : se. - Comment trouvez-vous la musique de Bizet, Je lus : "Ce n'est plus la sanglante idylle de cher maître ? Vérone, l'absolu douloureux d'un amour - Mais, cher monsieur, je la trouve... com­ tyrannique et puissant comme toutes les ment vous exprimer cela ?... je la trouve... forces physiques de la vie qui excèdent le 11 semblait chercher ses mots, avec le mouve­ frein de la raison humaine et de la règle ment de ses lèvres, le geste de ses mains, avec sociale. C'est de l'émotion qui, surtout, veut ses yeux malicieux où se lisait, trop claire­ plaire. Mais Gounod lui donna, par l'abon­ ment, le désir d'étonner. dance de sa mélodie, sa passion sincère, sa - Mon Dieu ! fit-il enfin, je la trouve,... eh fréquente noblesse de style, une valeur de bien ! voilà... je la trouve... octogone ! grande tendresse humaine. Le succès fut Gounod se renversa en arrière, content de grand. Il s'est répété successivement et avec son bon mot et je sentis qu'il était inutile un bonheur égal à l'Opéra-Comique, puis à d'orienter notre hôte dans des chemins qu'il l'Opéra, où Jean de Reszké fut un Roméo ne souhaitait pas emprunter. Aussi revenais- idéal". je au sujet qui intéressait le plus le composi­ John R.Jackson qui, de par ses affinités anglo- teur, c'est-à-dire lui-même. saxonnes s'intéressait particulièrement à - Pouvez-vous nous parler de la genèse de Shakespeare, lança soudain une petite pointe Roméo et Juliette ? perfide. - J'avais loué une petite propriété à Saint- - Maître, à l'occasion de la pièce Roméo et Raphaël, L'Oustalet dou Capelan, une char­ Juliette donnée à la Comédie de Saint-Etien- mante petite maison au bord de la mer. Je me ne en 1993, est paru un petit ouvrage levais le matin avec le soleil puis je passais (Confrontations sur Roméo et Juliette) sous deux à trois heures sur le bord de la mer, mon l'égide d'universitaires stéphanois, dans album sous le bras. Je m'étais installé sous lequel je lis (je cite) : "Pour le metteur en une petite cabane, à vingt pas des vagues qui scène [Daniel Benoin], et dans la perspective venaient écumer devant moi, et là, je tra­ d'une lecture actuelle des réalités de nos vaillais avec amour, jusqu'à dix ou onze sociétés, de nos villes, et de l'impossible heures, sans me douter du temps qui passe. union des deux amants, Roméo et Benvolio Après le déjeuner, je repartais dehors où le devaient être maghrébins" . Qu'en pensez- vent me poussait, et retravaillais à peu près vous ? de une heure et demie ou deux heures jusqu'à Je vis le sourcil de Gounod prendre un aspect six heures. circonflexe, marquant à la fois l'étonnement - La critique, crois-je, s'est montrée assez et l'incompréhension. Un instant, je craignis favorable ? que le maître ne se courrouçât. Mais bien - Très favorable voulez-vous dire, s'anima vite, le visage se radoucit, et un frémissement malicieux parcourut l'onctueuse barbe se fâcher), si je mets sur la partition "Roméo blanche. Gounod se pencha vers moi, et, me entre par le fond de la scène", je n'écris pas prenant le bras : "par le devant". Je crois que si j'avais voulu - C'est Monsieur Saint-Saëns qui a écrit Sou­ laisser une certaine latitude, j'eusse été venir d'Ismalia, pas William Shakespeare. capable de ne rien indiquer. Alors, on me Puis plus grave : dira : c'est pour faire revivre l'esprit d'une - Nous sommes à la merci des interprètes. œuvre. Mais comment voulez-vous faire Et l'auteur de Faust d'enchaîner avec une revivre l'esprit si, à la moindre occasion, vous anecdote : ne respectez pas la lettre ? - Une dame passionnée de musique entre un Tant de sincérité et de conviction nous tou­ jour chez un célèbre éditeur et demande, si chèrent. Pour ne pas revenir sur le cas de ma mémoire est exacte, un nocturne de Cho­ Bach, nous ne lui fîmes pas remarquer qu'il pin. Le garçon de magasin lui présente alors ne s'était pas, lui-même, tellement gêné avec une partition en annonçant : "ce morceau est ses prédécesseurs. Gounod se leva et conti­ délicieux, il vous plaira ; mais il est difficile : nua, en nous raccompagnant. il comporte quatre bémols à la clef' . - "Oh ! - Les goûts changent, évoluent. Interpréter Cela ne fait rien, répond la jeune dame, une œuvre d'un autre, c'est d'abord recon­ quand il y en a plus de deux, je les gratte" . naître les forces et les faiblesses de cette Gounod, satisfait, prit un air sérieux. œuvre. Et ne pas vouloir à tout prix polariser - Nous sommes à la merci d'une relecture, l'attention sur un élément du drame. Pour d'un arrangement, par des personnes qui ma part, j'ai toujours cherché la pureté, la n'ont parfois jamais écrit une note de douceur. musique, une seule ligne d'une pièce de Pour peu qu'on étudie les œuvres qui ont théâtre. Ce sont des profiteurs d'œuvres qui conquis une admiration durable, une réputa­ se substituent au créateur en prétendant tion universelle, on voit que leur caractère éclairer le message d'un jour nouveau. On essentiel est la simplicité, la tranquillité. ajoute ceci, on ampute cela, on travestit le Dans l'ordre intellectuel aussi bien que dans reste. Les nuances, les tempos, les dièses ou l'ordre moral, la violence, loin d'être un signe les bémols, l'instrumentation, les indications de force, est un indice de faiblesse, aussi est- scéniques, vous verrez, tout sera modifié sous elle le caractère des œuvres de décadence, d'excellents (mais à mon sens fallacieux) pré­ soit en littérature, soit en musique, soit en textes, et qui paraîtront d'autant plus excel­ peinture. lents qu'ils seront étayés par une réflexion Sur le perron, je repassai en mémoire les intellectuelle, un colloque, une actualisation quelques instants que j'avais vécus en compa­ aux pratiques du temps, que sais-je encore ? gnie de Gounod. Il n'était pas différent de ce Car enfin (et Gounod avait presque l'air de que j'avais imaginé. Voilà quelques jours, Photo Opéra Royal de Wallonie. j'avais reçu une lettre d'un de mes amis : "Gounod est charmant, il s'en donne et il se donne. Il sait cent histoires drôles, il est plein d'idées grandes qu'il produit souvent avec un grand bonheur d'expression. Ne t'étonne pas si tu étais embrassé. Il embrasse comme l'Evêque de Tulle, et tout y passe. A l'embar­ cadère, tout à l'heure, il a embrassé le père, la mère, les enfants, l'institutrice, l'amie. Il allait passer au chef de gare, lorsque le train est arrivé." Ça n'a pas manqué. Gounod m'a embrassé H

Bibliographie - GOUNOD (Charles), Mémoires d'un artiste, Paris, Calmarm-Lévy, 1896. - BELLAIGUE (Camille), Gounod, Paris, Alkan, 1910. - LAN DORM Y (Paul), Faust de Gounod, Paris, Mellottée. - MIRBEAU (Octave), Des artistes, Paris, Flammarion, 1924. - Revue musicale Sainte-Cécile, n°7, 15 avril 1903, Arras. - Revue KAusica, n°27, décembre 1904, Paris (article de Charles JOLY). - Confrontations sur Roméo et Juliette de William Shakespeare, mis en scène par Daniel BENOIN, Université Jean Monnet, Comédie de Saint-Etienne, Centre Dramatique National, Saint-Etienne, 1993.

Photo Opéra Royal de Wallonie. GOUNOD : QUELQUES DATES..

LA VIE L'ŒUVRE LA VIE (suite) L'ŒUVRE (suite)

1818 Naissance à Paris le 17 juin. Méditation sur le premier 1823 Mort du père de Gounod. prélude de Bach (Ave Maria). Sa mère lui enseigne le piano. Opéra : La Nonne Sanglante. 1824 Gounod est présenté à 1èr' symphonie en Ré. Louis-Emmanuel Jadin, 1854 Messe de Sainte Cécile. professeur de piano au 1856 2symphonie en Mi bémol. Conservatoire. 1857 Crise mentale qui oblige 1836 Baccalauréat de philosophie. Gounod au repos. Il travaille avec Reicha, 1859 Opéra : Faust. Halévy (contre-point), Paër, 1860 Opéra : Philémon et Baucis. Lesueur (composition). Opéra : La Reine de Saba. 1837 Obtient le 2nd prix de Rome. 1864 Opéra : Mireille. 1839 Obtient le 1er Grand Prix de Messe à Grand Orchestre. 1866 Gounod est élu membre de Rome. Part pour Rome. Romances : Le Soir, le Vallon. l'Académie des Beaux-Arts. Messe à 3 voix. 1867 Opéra : Roméo et Juliette. Te Deum. 1868 Voyage en Italie. 1842 Voyages à Vienne, Prague, 1869 Gounod commence à Dresde, Berlin, Leipzig. composer : Rédemption. 1843 Retour à Paris. Il est nommé Messe brève. 1870 Pendant la guerre, Gounod se Oratorio : Gallia. maître de chapelle et Offices de la Semaine Sainte réfugie en Angleterre. Il y Musique de scène : organiste de l'église des Salve Regina. restera trois ans, et aura une Jeanne d'Arc. Missions. La religion l'attire. Cantiques, motets. liaison avec une cantatrice, Pendant cinq ans, il se Mme Weldon. recueille. 1874 Retour en France. 1850 Rencontre avec la cantatrice 1875 Rédaction de son . Autobiographie. Nestor Roqueplan, directeur 1877 Opéra : Cinq-Mars. de l'opéra, commande un 1878 Opéra : Polyeucte. ouvrage à Gounod. 1881 Opéra : Le Tribut de Zamora. 1851 Opéra : . Gounod écrit un ouvrage sur 1852 Mariage avec Anna Œuvres chorales : l'Art et la Philosophie. Zimmermann. Le vin des Gaulois, 1885 Oratorio : Mors et Vita. Gounod est nommé directeur La Cigale et la Fourmi, 1890 Analyse du Don Juan de l'Orphéon de la ville de Le Corbeau et le Renard, de Mozart. Paris, fonction qu'il occupera l'Hymne à la France. 1893 Gounod meurt le 18 octobre pendant huit ans. Air national du second d'une congestion en relisant Empire : Vive l'Empereur. une page de son Requiem. Messe des Orphéonistes. 1895 Mémoires d'un artiste 1853 Opéra : Ulysse. (édition posthume). H j

L'ABBE GOUNOD

• 1 Lorsqu'il rentre à Paris au printemps de 1843, Gounod a 25 ans. Durant huit années le monde n'entend plus parler de lui. Le 17 avril de l'année précédente, sa mère, en lui i wLfim v écrivant, cernait déjà le problème : "Je ne sais *"-* de quel côté tu désireras te loger lorsque tu reviendras ; sera-ce près des missions ou près de l'Opéra ?". Tout d'abord Maître de Chapelle de la paroisse des Missions Etrangères, rue du Bac, Gounod vit chez sa mère ou en compagnie d'ecclésias­ tiques ; il se trouve bientôt en difficul­ té avec les congrégations, plus habi­ tuées au style religieux de Rossini qu'à ce dépouillement palestrinien. L'influence romaine de Lacordaire remonte à la surface. En février 1846, La Revue et Gazette Musicale annonce que "Mon­ sieur Gounod, compositeur, ancien Grand Prix de Rome, vient d'entrer dans les ordres" (ce qui est faux). Mais d'octobre 1847 à février 1848 'Abbé Gounod" porte l'habit des Dominicains ; muni d'une lettre de l'Archevêque de Paris l'autorisant à demeurer chez les Carmes, il suit les cours de Saint-Sulpice. Jusqu'à la fin de ses jours, il portera au doigt l'anagram­ me du Christ. Dans son autobiographie, il écrit en retraçant cette période : "Je me sentis une vélléité d'adopter la vie ecclésiastique..." Tout Gounod est dans ce mot : son tempérament fragile, fait pour séduire et être séduit, cédant à des sollicitations opposées. Le parallèle avec Franz Liszt s'impose ; tour à tour sensuel et croyant, Gounod confond parfois le profane et le sacré : ainsi appelé un jour monter Roméo et Juliette quand la guerre éclate à servir une messe, la beauté de l'Evangile l'émeut (19 juillet 1870), surprenant Gounod en villégia­ tant qu'en extase il murmure à l'officiant : "Enco­ ture au bord de la mer. Il improvise en'quelques re, encore...", comme un bis au théâtre. Au jours une cantate patriotique, A la Frontière, demeurant, Art et Religion ne font qu'un pour chantée à l'Opéra le 8 août. Mais après Sedan, lui : "Il y a le Bien et le Vrai, dit-il, enfin le Beau n'ayant pas le "courage de vivre sous le drapeau qui procède des deux autres comme le Saint- ennemi", il part pour Londres où sa célébrité est Esprit procède du Père et du Fils". Jusqu'à la fin il déjà grande. Il ne revient que rarement en France, aura des sursauts religieux ponctuels : ainsi en et reste en fait en Angleterre jusqu'en 1874. A la 1869, quand l'Opéra lui demande, durant une mort d'Auber, il refuse la direction du Conserva­ "crise", d'écrire l'indispensable ballet pour Faust, toire de Paris, geste peut-être dicté par ses senti­ il est pris de scrupules et tente de charger Saint- ments chrétiens ou bonapartistes ? Accusé à tort Saëns (qui se dérobe à grand peine), de ce travail dans la presse française de renoncer à sa nationa­ "profane". lité, il doit se défendre publiquement d'ingratitu­ de envers son pays H L'Avant-Scène Opéra n°41 he Diable et le Bon Dieu TRISTESSE ou l'étrange vie de l'Abbé Gounod Jean-Alexandre MÉNÉTRIER (extraits) Au début de l'année 1870 Gounod traverse une crise renouvelée de mysticisme et de fatigue intel­ lectuelle, semblable à celle de 1857 : le 25 mars il écrit à Madame de Ségur : "... Je me débats contre le vide, je crois faire quelque chose de pas­ sable, et quand je relis, je trouve cela détestable : ma tête se perd et se désole, je ne sais où j'en suis, et si je savais porter un état aussi douloureux, cela me serait bien plus utile... je ne vois plus clair : je ne sais plus où je vais... Vingt fois la tristesse me prend, je pleure, je me desespère, et j'ai envie de m'en aller... J'ouvre et ferme et rouvre mon cahier. Rien ! La tête vide ! Oh ! mon Dieu, que faire de mieux que d'accepter cette désolation du néant..." Il est certain que Gounod présente une personnalité fissurée, oscillante ; ces crises de dépression et d'exaltation alternées caractérisent un tempérament cyclothymique. Certaines phases plus graves, où la souffrance est plus intense, pré­ sentent même tous les symptômes d'une réelle psychose maniaco-dépressive. Ainsi l'Opéra doit CENTRE DE CREATION LYRIQUE, MUSICALE ET CHORÉGRAPHIQUE. Direction artistique : Jean-Louis PICHON. B.P. 237 - 42013 SAINT-ETIENNE CEDEX 2 Tél. 77.25.35.18

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