LES GRANDS MAMMIFÈRES CHEFS DE FILE DE L'IMMIGRATION OLIGOCÈNE ET LE PROBLÈME DE LA LIMITE ÉOCÈNE-OLIGOCÈNE EN EUROPE

LES GRANDS MAMMIFÈRES CHEFS DE FILE DE L'IMMIGRATION OLIGOCÈNE ET LE PROBLÈME DE LA LIMITE ÉOCÈNE-OLIGOCÈNE EN EUROPE

PAR

Michel BRUNET Maître Assistant

ÉDITIONS DE LA FONDATION S INGER - POLI GNAC 43, avenue Georges-Mandel 75016 Paris 1979 ISBN 2-900-92702-1 AVANT-PROPOS

Etudiant à la Sorbonne, c'est avec Monsieur le Professeur Chr. Guth que je fis mes premières « chasses aux Vertébrés fossiles » dans le Bassin d'Aquitaine. Plus tard, devenu son assistant à Poitiers, il m'a proposé comme thème de recherches l'étude des Mammifères de l'Oligocène d'Aquitaine, dont une partie fait l'objet de ce travail. Pendant toutes ces années de recherches, Monsieur le Professeur Chr. Guth me fit bénéficier de son aide constante et de ses conseils éclairés. De plus, il m'a confié les documents paléontologiques recueillis au cours de ses fouilles dans le célèbre gisement de La Milloque (Lot-et-Garonne). Pour l'amabilité avec laquelle, sans compter ni sa peine, ni son temps, il m'a toujours dirigé et encouragé, je lui exprime ma profonde et respectueuse reconnaissance. Monsieur le Professeur J. Piveteau, Membre de l'Institut, m'a fait le très grand honneur d'examiner et de juger mon travail. Qu'il veuille bien trouver ici l'expression de la très respectueuse gratitude de l'un de ses anciens élèves. Monsieur le Professeur J.-P. Lehman, Directeur de l'Institut de Paléontologie du Muséum National d'Histoire Naturelle, avec son habituelle gentillesse, m'a permis de consulter les documents paléontologiques des riches collections de son Institut, et a bien voulu accepter de faire partie de mon jury. Je lui exprime ma profonde et respectueuse reconnaissance. Monsieur R. Hoffstetter, Professeur à l'Université de Paris VI, s'est toujours montré très bienveillant à mon égard et a bien voulu me faire bénéficier de sa haute compétence. Je lui en suis très reconnaissant. Mes remerciements vont également à Monsieur J. Dupuis, Professeur à l'Université de Poitiers, dont la sollicitude a permis d'aplanir bien des difficultés et dont les conseils judicieux m'ont été d'un secours précieux. Monsieur L. Ginsburg, Sous-Directeur au Muséum National d'Histoire Naturelle, m'a toujours ac- cueilli avec une amicale bienveillance et m'a apporté une aide efficace et précieuse. Je l'en remercie bien sincèrement. De même, Monsieur E. Heintz, Maître de Recherches, qui m'a si souvent fait bénéficier de son aide lors de mes séjours à Paris. A tous ceux, Collègues, Techniciens, Etudiants en Paléontologie, qui m'ont aidé dans mes recherches sur le terrain, j'adresse mes remerciements les plus sincères, en particulier à mes collègues Y. Jehenne et M. Beden et à G. Mouchelin, Technicien, qui ont participé à la plupart de mes campagnes de fouilles. Je ne saurais oublier les stages de terrain faits en commun avec mon collègue L. de Bonis. Je me dois aussi de remercier J. Gabilly, Maître de Conférences, pour les nombreux conseils qu'il a eu la gentillesse de me prodiguer. Ma vive reconnaissance va à tous ceux qui m'ont accueilli et facilité les recherches dans les collections des Laboratoires ou Musées. - En France : Monsieur le Professeur Lehman, Messieurs Ginsburg et Heintz au Muséum National d'Histoire Naturelle de Paris; Monsieur le Professeur David, Monsieur Guérin à la Faculté des Sciences et au Muséum de Lyon; Madame le Professeur Taxy-Fabre à la Faculté des Sciences de Marseille; Monsieur le Professeur Thaler, Madame Vianey-Liaud et Monsieur Sudre à la Faculté des Sciences de Montpellier; Mademoiselle Sudre et Madame Baudelot au Musée des Sciences Naturelles de Toulouse; Monsieur Gounot au Musée Crozatier du Puy; Monsieur Cavaillé au Musée de Montauban. - En Suisse : Monsieur le Professeur Hürzeler, Monsieur Engesser au Musée de Bâle; Monsieur le Professeur Kuhn-Schnyder et Monsieur Hünermann à l'Institut de Paléontologie de Zurich. - En Allemagne : Messieurs les Professeurs Tobien et Rothausen à la Faculté des Sciences de Mayence et au Musée de Darmstadt. - En Autriche : Messieurs les Professeurs Thenius et Zapfe à la Faculté des Sciences de Vienne et Messieurs les Professeurs Bachmayer et Sieber aux Musées de Vienne. Les crédits nécessaires à mes recherches sur le terrain m'ont été accordés par Monsieur le Directeur du Centre National de la Recherche Scientifique et Monsieur le Doyen Fort, Président de l'Université de Poitiers. Je leur exprime toute ma gratitude. Enfin, je remercie bien sincèrement tous ceux du Laboratoire qui, d'une manière ou d'une autre, ont contribué à la réalisation matérielle de ce travail; en particulier Mademoiselle M. Zopf qui a assumé avec compétence et dévouement la totalité de la frappe et le tirage de mon travail, et Monsieur Chr. Sicard qui a réalisé avec talent les photographies et les dessins. « L'étude des phénomènes évolutifs, au sens large du mot, constitue le domaine de la paléontologie, qui recherche les rythmes et les tendances de l'évolution dans le temps et s'intéresse à l'origine de nouvelles classes et autres catégories systématiques. Evolution signifie changement; le paléontologiste est cependant le seul biologiste qui étudie vraiment la dimension du temps. S'il ne se consacrait pas à la recherche sur les fossiles, la plupart des problèmes évolutifs ne pourraient être résolus ; de fait, beaucoup ne se poseraient même pas ». Ernst MAYR Professeur de Zoologie à l'Université Harvard (in species and Evolution, 1965)

INTRODUCTION

A la fin du Secondaire, s'achève la suprématie des Reptiles, avec le début du Tertiaire, on assiste à l'explosion des Mammifères qui, à leur tour, vont dominer la biosphère. L'importance du rôle de la paléontologie des Mammifères dans la connaissance des phénomènes évolutifs et dans la stratigraphie n'est plus à démontrer. L'illustre paléontologiste bâlois, Stehlin (1909), a montré combien les faunes mammaliennes du Paléogène d'Europe pouvaient contribuer à l'établissement d'une classification stratigraphique. Le premier, il a mis en évidence au sein de ces faunes l'existence d'une crise (« grande coupure de Stehlin ») se traduisant par l'extinction de formes endémiques et l'immigration de formes nouvelles et a proposé, à juste titre, de placer la limite Eocène-Oligocène en ce point critique. Le but de ce travail est double : - faire connaître, grâce à la récolte d'un très important matériel nouveau, l'anatomie, la phylogénie, la paléobiogéographie des grands mammifères chefs de file de l'immigration Oligocène en Europe; - montrer leur contribution dans la connaissance de la stratigraphie des ensembles sédimentaires de cette époque. GÉNÉRALITÉS

Toute étude paléontologique doit tenir compte A l'Eocène moyen, les échanges fauniques entre de trois données fondamentales : la morphologie, la l'Europe et l'Amérique du Nord sont interrompus. chronologie et la géographie. Dès cette époque, on peut considérer que la sépara- Après avoir précisé les cadres paléogéogra- tion Amérique du Nord - Europe est effective, et phique et stratigraphique de l'Eocène supérieur et que l'Atlantique Nord communique déjà avec de l'Oligocène, nous donnerons les raisons de notre l'Océan arctique à l'Ouest des Iles britanniques, choix des groupes systématiques étudiés au sein des périodiquement reliées à l'Europe continentale. faunes mammaliennes de l'Oligocène. Pendant le Paléocène et l'Eocène inférieur, les mammifères (D. Russel, 1968) qui, d'Amérique du Nord, gagnaient l'Europe soit par le Groenland, le Svalbard et la mer de Barents (Route de De Geer; Cadre paléogéographique McKenna, 1972-1975), soit par l'isthme reliant le Groenland au domaine britannique (Route de Thulé; Strauch, 1970 et McKenna, 1975), ne pour- Une rapide esquisse paléogéographique va nous ront plus emprunter désormais que la voie de permettre de montrer les causes qui ont permis, à l'Isthme de Behring. L'ouverture de l'Atlantique la limite Eocène-Oligocène, les échanges fauniques Nord a donc un grand retentissement paléobiogéo- entre l'Asie et l'Europe d'une part et l'Asie et graphique, le sens des migrations change et les l'Amérique du Nord d'autre part. D'une manière immigrants européens arrivent dorénavant de l'Est. générale, les principaux facteurs permettant une migration sont de trois ordres : A la même époque, les marges continentales - établissement de nouvelles communications sont alternativement envahies et abandonnées par terrestres ; la mer au cours d'une succession de transgressions - absence de barrière climatique; et de régressions. La plus importante des mers - dynamisme évolutif des populations immi- épicontinentales, la mer ouralienne, n'isole l'Eu- grantes plus grand que celui des populations indi- rope de l'Asie que pendant l'Eocène. Dès l'Oligo- gènes. cène inférieur, des relations fauniques périodiques A la limite Eocène-Oligocène, ces trois conditions s'établissent entre l'Europe et l'Asie, mais la mer seront réunies. ouralienne ne se fermera définitivement qu'à la fin de l'Oligocène. Les faunes mammaliennes terrestres peuvent être isolées les unes des autres, soit par l'ouverture L'Amérique du Sud est reliée à l'Amérique du d'un nouvel océan, soit par l'établissement d'une Nord au début du Paléocène, puis en sera isolée mer épicontinentale consécutive à une transgres- jusqu'au Pliocène. Enfin, durant tout le Paléogène, sion. l'Afrique est séparée de l'Europe par la Mésogée. Dès l'Eocène moyen, l'Europe, séparée par L'expansion des fonds océaniques et la dérive des continents nous fournissent le décor dans le- l'Atlantique de l'Amérique du Nord et coupée de l'Asie par la mer ouralienne, apparaît donc très quel ont évolué les êtres vivants. Aux époques isolée. Eocène et Oligocène, les aires continentales actuel- les sont individualisées et leur distribution à la A cette époque, tout semble indiquer (paléotem- surface du globe annonce déjà la géographie d'au- pérature, paléoflore, sédimentologie) que le climat jourd'hui. Dans le domaine mésogéen, cette européen était de type tropical chaud et humide. A période est marquée globalement par une phase la fin de l'Eocène, le climat devient plus sec et une compressive (orogénèses pyrénéenne et alpine) qui importante altération climatique conduit à une forte aboutit à un blocage temporaire des plaques baisse de la température moyenne annuelle. Cette continentales (limite Eocène-Oligocène); il en ré- fluctuation climatique a également été observée en sulte un ralentissement de l'expansion de l'Atlan- Amérique du Nord. Mais, dès le début de l'Oligo- tique Nord (Oligocène). Elle sera suivie par une cène, la température s'élève à nouveau, sans toute- nouvelle phase d'expansion des fonds océaniques fois atteindre les maxima de l'Eocène moyen. Pen- qui a débuté il y a environ dix millions d'années dant tout l'Oligocène, règnera un climat tropical (Miocène supérieur) et se poursuit encore actuelle- nettement plus sec qu'à l'Eocène et à saisons hu- ment (Aubouin, 1968 - Coulomb, 1969 - Pomerol, mide et sèche bien contrastées. A la fin de l'Oligo- 1973). cène, nouvelle altération climatique dans le sens d'une forte aridité (Devereux, 1967 - Sittler, 1967 - l'échelle stratigraphique internationale (c'est-à-dire Wolfe, 1971). les formations marines), les horizons-repères de- vront correspondre à des gisements situés dans des A travers ces périodes, comment se sont com- ensembles sédimentaires stratifiés. portées les faunes ? En Europe, l'isolement durant l'Eocène moyen et supérieur et l'abaissement im- Nous verrons qu'en Europe, durant la période portant de la température à la fin de cette période fin Eocène-Oligocène, l'application de ces quelques ont sensiblement diminué le dynamisme évolutif principes permet d'établir des corrélations satisfai- des Mammifères (Hartenberger, 1971). Les santes entre le domaine marin et le domaine conditions pour l'arrivée et l'installation d'immi- continental. grants étaient alors réalisées. Pour cette période, l'échelle stratigraphique in- ternationale a connu bien des vicissitudes (voir Po- merol, 1965-1973 et Cavelier, 1965-1968) et il Cadre stratigraphique semble opportun de préciser la classification em- ployée au cours de ce travail (voir tableau A). En France, très longtemps, la classification la L'échelle stratigraphique internationale est basée plus généralement admise a été celle proposée par sur l'évolution des invertébrés marins. Dans le Ter- Munier-Chalmas et de Lapparent en 1893 (voir tiaire continental, les invertébrés ont une valeur tableau A). A la suite de ces auteurs, la limite stratigraphique très limitée (Ginsburg, 1973 a), tan- Eocène-Oligocène était placée, pour le Bassin de dis que les mammifères s'affirment être, au Paris, entre la Masse supérieure du gypse et les contraire, les meilleurs marqueurs chronologiques. Marnes bleues d'Argenteuil. Récemment, la révi- Les diverses échelles stratigraphiques mamma- sion des faunes sannoisiennes du Bassin de Paris liennes proposées par les auteurs sont de deux (Cavelier, 1965) et l'attribution des Lattorf Schich- types : ten allemands à l'Eocène supérieur (Cavelier, 1972) - l'un dont l'unité de base est la zone ( = durée ont montré que la limite Eocène-Oligocène doit d'existence d'un taxon) (Thaler, 1965-1972); être placée entre les Marnes blanches de Pantin et - l'autre composé d'une suite de jalons ponc- l'Argile verte de Romainville (voir tableau A). tuels, les niveaux-repères (Franzen, 1968 - Harten- Ainsi placée, cette limite correspond à une grande berger, 1969 - Ginsburg, 1972). coupure marquée par un renouvellement faunique très important, non seulement dans les domaines La première méthode n'est pas sans inconvé- marins et laguno-marins (« environ 90 % d'espèces nient. Basée sur l'évolution d'une seule lignée- commençantes» - Cavelier, 1968) mais aussi, guide, elle conduit à un découpage artificiel (durée comme l'avait déjà souligné Stehlin (1909), dans le d'existence d'un taxon) et s'avère, en raison des domaine continental. variations géographiques, peu sûre (notamment quand on fait appel aux micromammifères) pour Nous avons considéré l'Aquitanien, à faune l'établissement de corrélations à distance. mammalienne oligocène, comme premier étage du Miocène. Son appartenance au Miocène (début de La seconde méthode nous semble préférable. En la transgression Miocène en Aquitaine, faunes ma- effet, elle constitue un système historique naturel, rines à affinités miocènes) a été recommandée par ouvert, non figé, dans lequel il est toujours possible le Congrès du Néogène méditerranéen de Vienne d'intercaler de nouveaux horizons-repères en fonc- (1959). tion de nouvelles découvertes. Toutefois, il est né- cessaire de préciser qu'un horizon-repère doit pos- séder quelques caractéristiques indispensables; sa faune doit être riche, variée et composée de petits et Cadre paléontologique de grands mammifères. En effet, seule l'utilisation simultanée de lignées de micromammifères (restes nombreux, évolution rapide, aire de répartition des Les gisements qu'il nous a été donné d'exploiter taxons relativement restreinte) et de macromammi- sont situés dans la portion Nord-Est du Bassin fères (restes habituellement moins nombreux mais d'Aquitaine. Ils concernent essentiellement l'Oligo- relativement moins sensibles aux pressions du mi- cène. Parmi ceux de la région de Villeneuve-sur- lieu et à aire de répartition plus vaste) peut permet- Lot, celui de La Milloque, connu depuis la fin du tre d'établir des corrélations convenables à l'échelle siècle dernier (Landesque, 1888 - Dombrowski, de plusieurs bassins sédimentaires. 1888), s'est avéré très riche, tant en macromammi- fères qu'en micromammifères, ces derniers ont De plus, une telle échelle devra donner une exigé le lavage-tamisage d'environ dix tonnes de bonne image du renouvellement des faunes et pour sédiments. Une vingtaine d'espèces de Rongeurs cela, il devra, dans le choix des niveaux-repères, ont pu ainsi être recensées. Ce matériel mammalien être tenu le plus grand compte des extinctions et appartient au sommet du Stampien. Il nous parais- immigrations successives. Enfin, le but recherché sait logique, pour son interprétation, de rechercher étant d'établir la correspondance entre les jalons de des niveaux fossilifères plus anciens. Ce qui nous a l'échelle mammalienne (c'est-à-dire en fait les for- conduit à exploiter le gisement de Villebramar mations continentales) et les différents niveaux de (canton de Monclar) qui nous a fourni un matériel TABLEAU A

extrêmement riche et d'un intérêt exceptionnel. La gocène (niveau de Coderet) pour voir disparaître les liste faunique de ce site a pu être plus que doublée, derniers représentants du genre Hyaenodon : créo- mais c'est surtout l'abondance des fossiles que l'on donte très caractéristique des carnivores éocènes. doit relever. Il a été ainsi possible de connaître avec Parallèlement, l'immigration mammalienne s'est précision le squelette de bien des espèces pour les- échelonnée dans le temps, certains migrants étant quelles on ne disposait jusqu'alors que de maigres connus plus tardivement que d'autres. restes. Après une dizaine d'années de recherches Compte tenu de ce qui précède, les éléments de sur le terrain, nous étions à la tête d'une telle masse la faune Oligocène, choisis pour notre travail, de- de documents fossiles qu'il devenait nécessaire d'y vaient satisfaire aux exigences suivantes : faire un choix. Le choix s'avérait difficile car il était - être immigrés en Europe dès la base de l'Oli- tentant de ne décrire que les espèces les mieux gocène ; représentées dans nos collections, mais d'autre part, - avoir une vaste répartition géographique per- il nous paraissait possible, vu l'abondance du maté- mettant d'envisager, en fonction des migrations, riel recueilli, d'entrevoir le rôle de cette faune dans des corrélations stratigraphiques ; l'histoire des Mammifères dont, en fin de compte, - être constitués d'animaux de grande taille, le déroulement dépend des événements géolo- sans doute moins sensibles aux pressions du milieu giques. Un tel événement existe bien dans l'histoire que ceux de petite taille; des faunes de Mammifères du Paléogène d'Europe ; - appartenir à des ordres différents afin de res- c'est celui qui correspond à la « grande coupure » pecter une association faunique aussi proche que de Stehlin, période de transition entre une Europe possible de celle présentée par la nature. isolée puis reliée à l'Asie. Notre choix s'est porté sur quatre grands Mam- Pour Stehlin, ce changement avait un caractère mifères, trois Ongulés et un Onguiculé (un Artio- « subit et profond ». En réalité, nous verrons que dactyle, deux Périssodactyles et un Carnivore) im- cette manière de voir doit être nuancée puisque, migrés en Europe dès la base de l'Oligocène : les par exemple, il faudra attendre le sommet de l'Oli- genres Entelodon AYMARD, 1846 (Artiodactyla-En- telodontoïdea); Ronzotherium AYMARD, 1854 et La découverte dans le Stampien inférieur de Vil- Eggysodon ROMAN, 1910 (Perissodactyla-Rhinoce- lebramar de nouveaux restes, dont un fragment de rotoïdea); Eusmi/us GERVAIS, 1875 (Carnivora-Fe- crâne et des os des membres, jusque-là inconnus linoïdea). Sur le plan stratigraphique, ces quatre pour les formes européennes, nous permettra d'in- genres sont typiquement oligocènes ; aucun d'entre téressantes comparaisons avec les formes asiatiques eux ne dépasse le sommet du Stampien, tous s'étei- - les Eggysodontes sont inconnus en Amérique gnent avant le niveau de La Milloque. Tous ont du Nord. une vaste répartition géographique, les trois pre- - le genre Eusmilus. Ce félin machaïrodonte miers sont connus en Europe et en Asie, le qua- est connu simultanément dans l'Oligocène d'Eu- trième en Europe et en Amérique du Nord. Nous rope et d'Amérique du Nord. Les trois espèces verrons que leurs ancêtres sont très probablement à habituellement citées : une européenne (E. bidenta- rechercher dans l'Eocène supérieur d'Asie. Enfin, tus FILHOL, 1873) et deux américaines (E. dakoten- pour chacun d'eux, nous avons récolté un très sis HATCHER, 1895 et E. sicarius SCOTTet JEPSEN, important matériel nouveau, stratigraphiquement 1927), ne sont connues que par un matériel rare et bien repéré, dont l'étude a permis : de compléter fragmentaire. Celui d'Europe provient essentielle- très largement les connaissances anatomiques les ment des Phosphorites du Quercy où sa place stra- concernant; de réviser leurs diverses espèces; de tigraphique est incertaine. Les restes trouvés à Vil- proposer de nouvelles relations phylétiques; d'envi- lebramar, actuellement les plus récents connus en sager les migrations responsables de leur répartition Europe, apportent des renseignements anatomiques géographique; enfin de montrer leur intérêt bio- fort intéressants. chronologique à l'échelle d'un bassin ou de plu- sieurs bassins sédimentaires. Il est logique de penser que l'histoire de ce re- doutable prédateur soit liée à celle des Ongulés, ses Seront examinés successivement : proies, ce qui devrait nous autoriser à envisager, - le genre Entelodon. Pour la première fois, a pour lui, des migrations identiques à celles de ces pu être réalisé la description du crâne et du sque- derniers. lette appendiculaire de ce Suiforme à allure de sanglier mais de la taille d'un hippopotame. Une révision de la famille des Entelodontidae sera faite. Nous verrons que des trente huit espèces (apparte- Remarques nant à dix-huit genres) rapportées à cette famille, bon nombre d'entre elles semblent ne pas devoir Toutes nos mesures sont données en mm. Sauf être maintenues compte tenu de la très grande va- indications contraires, pour les dents, la longueur riabilité individuelle et de l'état très fragmentaire du (L) correspond à la longueur maximale mesurée, au matériel qui leur est attribué. Pour cette famille, dont le berceau semble se situer dans l'Eocène niveau du rebord supérieur du cingulum, sur la face vestibulaire (sur la face linguale pour les M supérieur de la région sino-mongole, nous propose- des Rhinocérotidés) ; la largeur (1) est la largeur rons une « histoire phylétique ». Sur le plan bio- vestibulo-linguale maximum ; pour les molaires ont chronologique, les Entelodontes s'avèreront être de été données les largeurs maximales des lobes mésial bons fossiles stratigraphiques. La connaissance de et distal. leurs migrations nous permettra d'envisager des corrélations à distance. Pour les os longs, la longueur maximum est mesurée parallèlement à la diaphyse. Les diamètres - le genre Ronzotherium. L'important matériel antéro-postérieurs et transversaux, sont les dimen- nouveau récolté à Villebramar nous permettra de sions maxima mesurées perpendiculairement à la préciser de nombreux détails anatomiques; entre longueur. Les os courts ont été mesurés en position autres, pour le squelette appendiculaire qui était anatomique. jusqu'ici inconnu. Après avoir revu et redéfini les diverses espèces du genre, nous en proposerons Les abréviations utilisées pour les Musées sont une phylogénie. Une esquisse de l'histoire de la les suivantes : sous-famille des Caenopinae sera proposée. A.C.M Amherst College Museum A.M.N.H.... American Museum of Natural History - le genre Eggysodon. Généralement rapporté M.N.H.N.... Muséum National d'Histoire Naturelle de à la famille des Rhinocerotidae, les Eggysodontes Paris doivent très probablement être attribuées à la fa- P.M Peabody Museum mille des Hyracodontidae. Leurs caractères un peu P.U Princeton University Museum S.D.S.M. Mus. particuliers nous conduiront à les regrouper, au South Dakota School of Mines and Tech- sein des Hyracodontes, dans la sous-famille des nology Museum of Geology Eggysodontinae. Y.M ...... Yale Museum CHAPITRE I

ORDRE DES ARTIODACTYLA

SUPER-FAMILLE DES ENTELODONTOIDEA

I. - Introduction

Les Entelodontidae LYDEKKER, 1883 sont des plusieurs squelettes absolument complets (fig. 1). Artiodactyles didactyles, à dentition complète, re- Au contraire, en Eurasie, si les gisements avec marquable : par un allongement de la face, une Entelodontes sont nombreux, les restes de ces der- orbite fermée par une barre post-orbitaire, un crâne niers sont toujours rares et très fragmentaires. cérébral petit, des arcades zygomatiques très élar- Parmi les plus belles pièces connues à l'heure ac- gies et un processus sous-orbilaire développé. Ils tuelle, il faut citer : sont connus en Eurasie et en Amérique du Nord de - En Asie, un crâne complet et sa mandibule l'Eocène supérieur au Miocène inférieur. (E. major BIRIOUKOV, Rép. Kazakstan); Les premiers restes appartenant à la famille ont été découverts en Europe dans le Sannoisien supé- - En Europe, d'une part un maxillaire gauche, rieur de Ronzon (Haute-Loire) et décrits par Ay- une mandibule gauche (type de Entelodon magnus), mard en 1846 sous le nom de Entelodon magnus. quelques os des membres provenant du gisement C'est en 1850 que Leidy publie la première descrip- de Ronzon et d'autre part une mandibule presque tion d'un spécimen d'Amérique du Nord, Archaeo- complète (holotype de l'espèce : Entelodon deguil- therium mortoni, provenant de l'Oligocène du hemi REPELIN, 1918) mise au jour à Villebramar South Dakota (White River, Titanotherium beds). dans le bassin d'Aquitaine (Lot-et-Garonne). L'ab- sence en Europe de restes assez complets a conduit Les plus anciens restes connus proviennent de les auteurs à se demander s'il faut garder les deux l'Eocène supérieur de Chine (Eoentelodon : partie genres Archaeotherium et Entelodon ou, si au inférieure de la formation de Lunan, province du contraire, il faut attribuer toutes les espèces de Yun-Nan). Plus récents sont les Entelodontidae si- l'Oligocène d'Amérique du Nord à ce dernier gnalés dans l'Oligocène en Eurasie (Entelodon, Er- genre. A ce problème, les nombreux restes d'Ente- gilobia), et en Amérique du Nord (Archaeotherium, lodontes récoltés au cours de nos campagnes de Megachoerus, Pelonax), et dans le Miocène en Asie fouilles à Villebramar (Stampien inférieur), notam- (Paraentelodon, Neoentelodon) et aux U.S.A. (Dino- ment un crâne presque complet, une mandibule et hyus). Voir tableau 36. de nombreux os des membres, apportent des élé- Jusqu'à ce jour, seule l'Amérique du Nord a ments nouveaux qui nous ont conduits à une révi- livré de très nombreux fossiles dont notamment sion générale du groupe. FIG. 1. - Squelettes d'Entelodontidae d'Amérique du Nord ( x 1/25). - Archaeotherium mortoni provenant de Weld County - Colorado (U.S.A.). Chadron (Oligocène inférieur). - Archaeotherium scotti provenant des White river bad lands - South Dakota (U.S.A.). Chadron supérieur (Oligocène inférieur). - Dinohyus hollandi provenant de Agate Spring Fossil Quarries, Sioux County - Nebraska (U.S.A.). Lower Harrison beds (Miocène inférieur). Remarquer l'accroisssement de taille dans le temps. II. - Super-Famille des Entelodontoidea LYDEKKER, 1883 (nom. transi. COLBERT, 1938)

A. - FAMILLE DES ACHAENODONTIDAE, B. - FAMILLE DES ENTELODONTIDAE ZITTEL, 1893 LYDEKKER, 1883 (nom. transl. MATTHEW, 1899) = Elotheriidae ALSTON, 1878 = Achaenodontinae ZITTEL, 1893. = Elotheriinae ALSTON, 1878 (nom. transl. COPE, genre-type : Achaenodon COPE, 1873 1888) = Entelodontinae LYDEKKER, 1883 (nom. transl. OSBORN, 1909) genre-type : Entelodon AYMARD, 1846 D'après Viret (1961), il s'agit d'animaux « à face courte, au crâne quelque peu ursoïde, mais avec une orbite petite et basse, une constriction post- orbitaire peu marquée. Grégory (1910) a souligné Suiformes au crâne remarquable par : la pré- les traits de ressemblance de ce crâne avec celui des sence d'apophyses sous-orbitaires très développées, Créodontes; la haute crête sagittale, les arcades l'allongement de la face, une orbite fermée par une zygomatiques massives, la position basse et écartée barre post-orbitaire, un arrière-crâne petit et des des cavités glénoïdes, l'apophyse post-orbitaire du arcades zygomatiques très écartées, le tout donnant frontal, le grand lacrymal et, dans la denture anté- au crâne une allure reptilienne. Le bord inférieur rieure, les robustes incisives à disposition trans- de la mandibule présente deux apophyses, l'une au verse, les puissantes canines de type archaïque. Ces niveau de la symphyse, l'autre située entre P3-M1. animaux plaident en faveur de l'hypothèse de Mat- L'apophyse coronoïde est très peu élevée, la région thew (1909) d'après laquelle les Artiodactyles sont angulaire très étendue vers le bas. Dentition com- dérivés de Créodontes inconnus, à rechercher dans plète rappelant plus celle d'un Créodonte omnivore le voisinage des Mesonychidae. Bien que leur que celle d'un Artiodactyle. I, C et Pm séparées par structure dentaire les apparente aux Entelodon, ils des diastèmes variables en nombre et en position; ne sauraient être leurs ancêtres. Pattes probable- incisives augmentant de taille de la I1 à la I3; ment tétradactyles ». canine très développée en forme de croc ; prémolai- Signalons en plus l'absence : de barre post-orbi- res fortes, unicuspides (P3 est généralement la plus taire, d'apophyse sous-orbitaire du jugal, de PI forte) sauf P qui est bicuspide ; molaires bunodon- supérieure et inférieure, de diastèmes, de protubé- tes, les supérieures à cinq ou six tubercules (le rances au bord inférieur de la mandibule. Les mo- métaconule peut manquer) les inférieures avec au laires supérieures ont quatre cuspides principales maximum six tubercules (paraconide et hypoconu- (M possède un cinquième tubercule), les molaires lide peuvent manquer); M3 sans troisième lobe. Les inférieures sont aussi à quatre cuspides, sauf M3 membres sont didactyles, les métapodes II et V qui possède un troisième lobe (avec racine) bien sont vestigiaux; radius et cubitus sont soudés. Pé- marqué. roné soudé ou non au tibia. Le squelette axial est caractérisé par des vertèbres thoraciques à apophy- ses épineuses très longues, une cage thoracique REMARQUE : étroite, le cou et la queue sont relativement courts. Les plus anciens Entelodontes connus sont de pe- Avec Gabunija (1961) nous pensons que ces tite taille et les plus récents sont de grande taille. traits anatomiques (museau court, absence de barre post-orbitaire, présence de trois prémolaires et extrémités à quatre doigts) excluent la possibilité d'un rapprochement étroit avec les Entelodontes dont ils ne peuvent pas être les ancêtres. Ils repré- 1. - LISTE DES ESPÈCES D'ENTELODONTES CITÉES À CE JOUR sentent plutôt une branche latérale des Entelodon- toïdea relativement courte et sans doute d'origine DANS LA LITTÉRATURE asiatique (1). Il nous semble donc justifié d'élever les Achaenodontes au rang de famille. - Formes européennes

Entelodon magnus AYMARD, 1846. Ronzon; (1) Pour Gabunija (1961) il y a de bonnes raisons de croire France. que les Achaenodon sont d'origine asiatique comme le montre l'existence en Mongolie de représentants de ce groupe (Mat- Entelodon deguilhemi REPELIN, 1918. Villebramar; thew et Granger, 1925, p. 6-7). France. Entelodon depereti REPELIN, 1918. Quercy; France. Choerodon calkinsi SINCLAIR, 1905. Bridge Creek; Entelodon magnus mut. antiquus REPELIN, 1919. Oregon; U.S.A. Soumailles; France. Scaptohyus altidens SINCLAIR, 1921. Corral Draw; Entelodon deguilhemi mut. zachariensis REPELIN, South-Dakota; U.S.A. St Zacharie; France. Pelonax ramosus COPE, 1874. Eastern Colorado; Entelodon depereti mut. briatextensis REPELIN, U.S.A. 1919. St Martin de Casselvi; France. Pelonax potens MARSH, 1893. Eastern Colorado; Oltinotherium verdeaui DELFORTRIE, 1874. U.S.A. Quercy; France. Pelonax lemleyi MAC DONALD, 1951. Cedar Pass; Elodon transsilvanicus KRETZOÏ, 1941. Merizor- South-Dakota; U.S.A. Krivadia; Roumanie. shoshonensis COPE, 1878. Bridge Creek; Elotherium hungaricum KRETZOÏ, 1941. Banffyhu- Oregon; U.S.A. nyad; Roumanie. Daeodon minor LOOMIS, 1932. Agate; Nebraska; U.S.A. Boochoerus humerosus COPE, 1879. John Day Ri- ver; Oregon; U.S.A. - Formes asiatiques Boochoerus angustus LOOMIS, 1932. Porcupine Creek; South-Dakota; U.S.A. Bugtitherium grandincisivum PILGRIM, 1908. Bug- Ammodon leidyanus MARSH, 1893. Farmingdale; tihills; Inde. New Jersey; U.S.A. Entelodon dirus MATTHEW et GRANGER, 1923. Dinohyus hollandi PETERSON, 1905. Agate Spring; Houldjingravels ; Mongolie. Nebraska; U.S.A. Entelodon diconodon TROFIMOV, 1952. Kour-Saï; Dinohyus mento ALLEN, 1926. Près de Charleston; Kazakstan. South-Carolina; U.S.A. Ergilobia gobiensis TROFIMOV, 1952. Ergil-Obo; Mongolie. Archaeotherium ordosus YOUNG et CHOW, 1956; Ling-wu; Chine. Eoentelodon yunnanensis CHOW, 1958. Lunan; 2. - GENRE ENTELODON AYMARD, 1846 Chine. 1847 - Elotherium POMEL Neoentelodon dzhungaricus AUBEKEROVA, 1969. 1874 - Oltinotherium DELFORTRIE Sari-Ozek; Kazakstan. 1941 - Elodon KRETZOÏ Entelodon major BIRIOUKOV, 1961. Turgai; Kazaks- 1958 - Ergilobia TROFIMOV tan. Paraentelodon intermedius GABUNIJA, 1964. Bé- nara; Géorgie. ESPÈCE-TYPE : Entelodon magnus AYMARD, 1846 Entelodon orientalis DASHZEVEG, 1965. Khoer- Dzan; Mongolie. DIAGNOSE ORIGINALE : in AYMARD 1846, Ann. Soc. Agric. Sc. Arts et Commerce du Puy, t. XII, 240- 242, 1 pl. - Formes américaines PRINCIPAUX CARACTÈRES GÉNÉRIQUES :

Entelodon coarctatus COPE, 1889, Cypress Hills ; - foramen infra-orbitaire s'ouvrant à l'aplomb Saskatchewan ; Canada. de P; Archaeotherium mortoni LEIDY, 1850. White Ri- - processus nasaux des frontaux relativement ver; South-Dakota ; U.S.A. courts (ne dépassant pas le bord antérieur des lacry- Archaeotherium crassum MARSH, 1873. Cedar maux); Creek; South-Dakota; U.S.A. - la région anté-canine des mâchoires est Archaeotherium marshi TROXELL, 1920. Près de courte; French Creek; South-Dakota; U.S.A. - série incisive sans diastème; Archaeotherium scotti SINCLAIR, 1921. Big bad - diastème I3-C et C-P1 faible ou absent; Lands; South-Dakota; U.S.A. - prémolaires séparées entre elles par des dias- Archaeotherium wanlessi SINCLAIR, 1921. Head of tèmes variables en importance; Indian Creek; South-Dakota; U.S.A. - molaires supérieures généralement à six cus- Megachoerus zygomaticus TROXELL, 1920. Bad pides (le métaconule peut manquer); Lands; South-Dakota; U.S.A. - molaires inférieures très primitives par la Megachoerus latidens TROXELL, 1920. Cheyenne présence d'un paraconide accolé au métaconide, River; South-Dakota; U.S.A. d'un hypoconulide plus ou moins développé, d'une Megachoerus praecursor SCOTT, 1941. Big bad crête d'émail reliant le métaconide (trigonide) à Lands; South-Dakota; U.S.A. l'hypoconide (talonide), d'un trigonide toujours Choerodon caninus TROXELL, 1920. Turtle Cove; plus haut que le talonide; Oregon; U.S.A. - radius et cubitus incomplètement soudés; - au carpe l'unciforme présente une facette ar- 1966 - Elodon transsilvanicus KRETZOÏ; ticulaire supéro-interne pour l'os magnum; Tobien, p. 12. - trapèze réduit mais toujours présent; - péroné complet non soudé au tibia.

a1. Généralités

a. AYMARD, 1846 LECTOTYPE : Parmi les syntypes décrits par Ay- mard, nous désignons comme lectotype, le maxil- laire gauche portant P (Muséum National V * 1846 - Entelodon magnum nov. sp.; Ay- d'Histoire Naturelle de Paris, Coll. Aymard, n° mard, p. 227-242, fig. 1 à 4. 1890-5, 301) figuré par Aymard en 1846 (fig. 4), 1846 - Entelodon ronzonii nov. sp.; Ay- par Kowalewsky en 1874 (fig. 7) et dans notre mard, p. 242. travail (pl. la). ? 1847 - Elotherium sp. ; Pomel, p. 307-308. non 1847 - Elotherium magnum; Pomel, PARALECTOTYPES : Tous les autres syntypes dé- p. 1083-1085. signés par Aymard. A savoir : une mandibule gau- 1853 - Elotherium aymardi Nob. ; Pomel, che portant C-M3 (fig. 2 in Aymard, 1846; fig. 8 et p. 89. 9 in Kowalewsky, 1874 et pl. Ib dans notre travail), 1853 - Elotherium ronzonii (AYMARD); une mandibule d'un jeune individu (Aymard, Pomel, p. 89. 1846, fig. 1), une incisive (Aymard, 1846, fig. 3) et V 1859 - Entelodon magnum AYMARD ; Ger- un fémur. Toutes ces pièces sont conservées au vais, p. 194-195, pl. XXXII, Muséum National d'Histoire Naturelle de Paris, fig. 12. Coll. Aymard n° 1890-5. V non 1869 - Elotherium magnum (POMEL); Tournouër, p. 985. AUTRE MATÉRIEL : Un maxillaire gauche avec P V 1874 - Entelodon magnum AYMARD; Ko- P (n° 1907-19), quelques dents isolées, divers os walewsky, pl. XVII-4, XXV- des membres : tibia, quelques tarsiens et carpiens, XXVII. deux métacarpiens (os des membres figurés in Ko- V non 1874 - Entelodon magnum AYMARD; Ko- walewsky, 1876 et Filhol, 1882). Ce matériel pro- walewsky, pl. XVI et XVII-5. venant de Ronzon est conservé dans les collections V 1882 - Elotherium magnum (AYMARD); du Muséum National d'Histoire Naturelle de Paris. Filhol, p. 190-240, pl. 22 et 23. Un fragment de Md droite avec D3-D4, un Mx non 1884 - Entelodon aff. magnum AYMARD; gauche présentant D et quelques dents iso-

Andrea, pl. XI, fig. 19. lées (5 I, 5 C, une P une P4, une M1, une M2) 1902 - Entelodon magnum AYMARD; provenant du même gisement sont conservés dans Schlosser, p. 55, Taf. III (VIII), les collections du Musée Crozatier (Le Puy, Haute- fig. 39. Loire). 1909 - Entelodon magnum AYMARD; Pe- terson, p. 43-46, fig. 1, non fig. 2- LOCALITÉ-TYPE : Ronzon, près du Puy, en Haute- 3. Loire (France). 1909 - Entelodon ronzonii AYMARD ; Pe- terson, p. 46. NIVEAU STRATIGRAPHIQUE : Calcaires marneux de non 1917 - Entelodon magnum AYMARD; Blayac, p. 160. la colline de Ronzon, Sannoisien supérieur. 1929 - Entelodon magnum AYMARD; Soyer, p. 424. AUTRES GISEMENTS : en France, à Montans (Tarn), 1941 - Elodon transsilvanicus nov. gen. dans les Phosphorites du Quercy, à Bournoncle- nov. sp. ; Kretzoï, p. 347-8, fig. 2. Saint-Pierre (Auvergne) et dans le calcaire de Brie V non 1948 - Entelodon magnum AYMARD; Ri- (Bassin de Paris); en Angleterre dans les lower chard, p. 147. Hamstead beds de l'île de Wight; en Espagne : à V 1951 - Entelodon magnum AYMARD; La- Espinosa de Henares, haute vallée du Tage (Crusa- vocat, p. 124-126, pl. XXIII, fig. 6. font, Ginsburg et Truyols, 1962); en Allemagne à Vm 1962 - Entelodon aff. magnum AYMARD; Veringendorf Veringenstadt (district de Sigmarin- Crusafont-Pairo, Ginsburg et gen), peut-être à Melchingen (Schlosser, 1902) et en Truyols, p. 2156. Roumanie à Merizor-Krivadia (Kretzoï, 1941). 1964 - Elodon transsilvanicus KRETZOÏ; Gabunija, p. 125. DIAGNOSE ORIGINALE : voir Aymard, 1846. a2. Principaux caractères de Ainsi, à Ronzon : la P du Mx-type, bien que relati- de Ronzon (pl. Ia-b, tabl. 3 et 4, diagram- vement quadrangulaire, présente néanmoins une mes 15 et 16) encoche sur son bord antérieur (pl. Ia), cette enco- che beaucoup plus marquée sur la P du Mx 1907- 19 (M.N.H.N Paris) est très forte sur la P (n° A2, - Forme de taille moyenne. pl. IId1) du Musée du Puy. D'autre part, on ren- contre dans les phosphorites du Quercy des P de - Au maxillaire, présence d'un diastème entre P même taille que celles de Ronzon, dont certaines, P (Long. = 20 mm). Les restes fossiles actuellement de forme plus triangulaire, présentent aussi une connus ne permettent pas de préciser la présence encoche marquée (pl. IIg). De plus à Villebramar, ou l'absence de diastème entre I et C-P sur les cinq P que nous possédons, quatre portent - Présence de deux diastèmes à la mandibule, le une forte encoche antérieure tandis que la cin- premier entre P1-P2, l'autre bien plus réduit entre quième a son bord mésial presque rectiligne. Des P2 -P3. variations de même ordre peuvent être observées en Amérique du Nord. Ainsi Scott, 1941, attribue à - Les prémolaires et les molaires présentent un ? Entelodon cf. magnus (p. 429-430, pl. XLI, fig. 3) cingulum très développé sur leurs bords antérieur un crâne (A.M.N.H., n° 571, Lower Brulé; Big bad et postérieur, exception faite des molaires inférieu- Lands, South Dakota) contemporain des Archaeo- res dont le cingulum antérieur est faible. Le cingu- therium dont il ne diffère que par l'absence de lum vestibulaire, quand il est présent, est toujours diastème entre P et d'encoche sur le bord anté- faible ; il existe sur les molaires supérieures entre le rieur de P De même chez Megachoerus zygomati- paracône et le métacône et sur toutes les dents cus TROXELL, on connaît des P sans encoche et jugales inférieures. Toutes les prémolaires possè- d'autres avec encoche faiblement indiquée. Tout ceci semble montrer que ce trait anatomique ne dent un cingulum lingual. Les molaires supérieures peut être utilisé qu'avec une extrême prudence en en sont complètement dépourvues, les inférieures systématique. Peut-être, ce caractère est-il statisti- n'en portent que des traces. quement significatif ? Si l'on admet cette éventua- - P est forte, très élargie postérieurement lité, il apparaîtrait alors que, dans les populations (67 %) (2) sur le maxillaire-type (M.N.H.N. Paris, anciennes, les P subtriangulaires à encoche (c'est- 1890-5); elle est beaucoup plus étroite (55 %) sur à-dire peu molarisées) sont plus nombreuses que les l'autre maxillaire connu (M.N.H.N. Paris, n° 1907- P quadrangulaires sans encoche (c'est-à-dire plus 19). Chez E. deguilhemi de Villebramar, les propor- molarisées) tandis que, dans des populations plus récentes, ces proportions seraient inversées. Le peu tions de la P sont tout à fait comparables (64 % de matériel actuellement connu en Eurasie ne per- pour celles du crâne, 57 % sur deux Mx isolés et met pas de confirmer ou d'infirmer cette hypo- 52 % pour un bourgeon dentaire). Chez Archaeo- thèse. Par contre, les formes américaines, mieux therium, la P aurait été moins élargie postérieure- représentées dans les collections, semblent confir- ment. En réalité, on remarque que s'il en est bien mer cette manière de voir; en effet si à l'Oligocène ainsi chez certaines espèces (chez trois individus inférieur leurs P sont généralement triangulaires, à rapportés à A. mortoni, ce rapport est respective- l'Oligocène supérieur et au Miocène inférieur, elles ment de 40, 52 et 54 %) (3), chez d'autres sont généralement quadrangulaires. (A. marshi : 58 %) la P est élargie postérieure- - Molaires supérieures penta- ou hexatubercu- ment (4) et ne présente pas de différences très mar- lées. quées avec la forme de Ronzon. - P, a deux racines soudées. P2 est biradiculée.

- Tous les auteurs signalent une P de forme - L'hypoconulide est présent sur M, et M2, il quadrangulaire à bord antérieur rectiligne et attri- manque sur M 3. buent une grande importance systématique à ce caractère. Pour eux, le genre Entelodon aurait été - Pour le squelette appendiculaire, voir notre paragraphe concernant l'anatomie des membres caractérisé notamment par une P quadrangulaire tandis que chez Archaeotherium, cette dent aurait chez E. deguilhemi. Leurs principaux traits anato- miques sont : présence sur MC III d'une facette été triangulaire avec une encoche bien marquée sur articulaire pour le trapézoïde (cette dernière man- son bord antérieur. En fait, il semble bien que ce que chez les formes américaines), péroné non caractère tant chez les formes eurasiatiques qu'amé- soudé au tibia. ricaines soit sujet à de nombreuses variations.

(2) Largeur max. x 100 / Longueur max. = N %. (3) Ces % ont été établis avec les mesures données par a3. Description du matériel de Lagny-Thorigny Troxell, 1920, p. 374, compte tenu du fait que A. c/avus (Calcaire de Brie basal, Bassin de Paris), pl. IIa tombe en synonymie avec A. mortoni (Scott, 1941). (4) Si les auteurs américains signalent bien ce caractère chez A. marshi, ils ne donnent aucune mesure de P Nous Les restes fossiles ont été mis au jour dans un avons calculé le % sur la P gauche du crâne holotype de niveau de marnes ligniteuses violacées, situé à la l'espèce figurée par Troxell, 1920 (fig. 2, p. 382). base de la formation de Brie. En ce qui concerne les entelodontes, le matériel inférieures. La I de Thorigny présente un faible comprend dix-neuf dents isolées, trois de la denti- cingulum sur le tiers mésial de sa face vestibulaire. tion de lait et seize de la dentition définitive. Tous L'autre incisive supérieure du calcaire de Brie est ces restes sont conservés dans les collections du usé dans cette région de telle sorte qu'il est impossi- Muséum d'Histoire Naturelle de Paris sous le ble de préciser si ce cingulum vestibulaire existait. n° 26-3-29. A ce sujet, remarquons qu'il est présent sur les incisives supérieures de Villebramar et que là, DENTS DE LAIT comme à Thorigny, il manque sur les inférieures.

Les documents concernant la denture de lait des Entelodontes sont trop incomplets pour permettre TABLEAU 1 une détermination précise des dents lactéales. Néanmoins, nous pensons pouvoir rapporter trois dents de Thorigny à une incisive, une canine et une prémolaire inférieures. Leurs couronnes se distin- guent aisément de celles des définitives par la pré- sence de crêtes en dents de scie et surtout par le fait qu'elles sont recouvertes d'une très fine couche d'émail.

L'incisive a une couronne conique, comprimée vertibulo-lingualement. Ses deux bords latéraux présentent une très forte crête d'émail qui s'épaissit Canines vers le collet. La plus longue de ces deux crêtes est rectiligne tandis que l'autre a sa base qui se pro- Le gisement de Thorigny a livré trois canines. longe quelque peu lingualement au niveau du col- Deux d'entre elles ne sont représentées que par des let. A signaler la présence d'un renflement d'émail fragments de couronne. La troisième par une cou- situé à la base et au milieu de la face linguale. La ronne à peu près complète et un morceau de ra- racine est unique et ne présente aucune trace de cine; elle est à rapporter à une canine supérieure sillon (pl. IIa1). droite. Sa couronne, conique, peu recourbée, pré- La pointe et une bonne partie de la racine de la sente deux crêtes d'émail, une postéro-externe et canine de lait sont brisées. Nous pensons qu'il s'agit une antéro-interne. Cette dernière est pratiquement d'une canine inférieure droite. Sa couronne est effacée par l'usure due à la canine inférieure. Par sa conique et comprimée vertibulo-lingualement (dia- morphologie et ses dimensions (diamètres au col- mètre mésio-distal = 31 mm et vestibulo-lingual let : vestibulo-lingual = 28 mm et mésio-distal = = 18 mm). La crête postérieure, rectiligne et usée, 30 mm), cette canine est très proche de celles de se termine par un renflement d'émail au niveau du l'Entelodon de Ronzon (une canine supérieure gau- che de Ronzon : M.N.H.N. Paris n° 1890-5 a un collet. La crête antérieure, peu usée, est en dents de scie. Son extrémité inférieure se courbe linguale- diamètre vestibulo-lingual de 31 mm et mésio-distal ment en formant un épais bourrelet d'émail. La de 34 mm). Disons dès maintenant qu'à Villebra- racine, très forte et presque cylindrique, présente mar, les canines que nous possédons sont de plus un faible sillon vertical sur sa face vertibulaire forte taille. (pl. IIa2). Prémolaires La D2 de Thorigny est tout à fait identique à celle de Ronzon figurée par Kowalewsky (1876, P gauche (pl. IIa5) pl. XVII, fig. 4). Cette dent presque neuve a une Long. = 24 mm couronne conique très pointue avec deux crêtes larg. max. = 15,5 mm. d'émail en dents de scie. Les racines manquent. Ses La couronne, conique, très recourbée linguale- dimensions sont : Longueur = 30,5 mm, largeur ment, présente deux crêtes d'émail : une antéro- max. = 18, 5 mm (pl. IIa3). interne et une postéro-externe. Le cingulum lingual est bien marqué, le vestibulaire manque. La dent DENTS DÉFINITIVES est biradiculée, mais juste en dessous de la cou- Incisives ronne, les deux racines sont coalescentes. Par sa taille et sa morphologie, cette dent est tout à fait Elles sont au nombre de six. Seules leurs cou- comparable à la P du maxillaire-type de Ronzon. ronnes sont conservées. Leur détermination précise Là encore, la P du crâne de Villebramar est beau- est délicate. Elles sont morphologiquement iden- coup plus forte (diagramme 1). tiques à celles de Villebramar, et si on les classe selon les mêmes critères anatomiques, deux doivent P gauche être des supérieures et les quatre autres, des infé- rieures. Comme sur celles de Villebramar le cingu- Long. = ? (la partie antérieure de la dent est lum lingual est absent ou très faiblement marqué brisée) sur les supérieures tandis qu'il est très fort sur les larg. max. = 24 mm. Comme à Ronzon et à Villebramar, la couronne Le cingulum mésial est bien marqué. Les cuspi- comporte : des antérieures sont plus hautes que les postérieu- - deux crêtes d'émail : une antéro-interne et res et les externes plus usées que les internes. Le une postéro-externe; métaconide est fort. Protoconide et hypoconide de - un cingulum lingual et distal bien marqués : taille subégale, sont un peu plus faibles. L'entoco- le vestibulaire manque; nide est encore moins développé. L'hypoconulide - une partie postérieure relativement élargie. issu du cingulum postérieur est bien individualisé Par ses dimensions, cette dent est aussi à rappro- mais nettement plus petit. Seule la partie posté- cher de la forme de Ronzon. rieure de la crête reliant le métaconide à l'hypoco- nide est conservée. La crête antérieure reliant le P gauche (pl. IIa4) métaconide au protoconide est presque complète- ment effacé par l'usure. Il en est de même pour son Long. = 27,5 mm homologue de la mandibule-paralectotype de Ron- larg. max. = 18 mm. zon, homologue dont la dent en question diffère de La couronne présente deux crêtes d'émail, une la même manière que la M examinée plus haut antérieure courbée lingualement à sa base et une c'est-à-dire qu'elle en a la largeur mais que sa postérieure rectiligne. Le cingulum lingual est très longueur est plus grande (diagramme 13). faiblement indiqué, le vestibulaire manque. Sur la racine, un profond sillon vestibulaire indique M droite (pl. IIa9) qu'elle résulte de la coalescence de deux racines Long. = 33 mm originellement distinctes. Ses dimensions, plus for- tes qu'à Ronzon, sont très proches de celles des deux P1 connues à Villebramar (diagramme 8). Cette dent est identique à la précédente, mis à Molaires part sa plus petite taille, la plus faible largeur de son lobe postérieur et l'absence d'hypoconulide. M droite (pl. IIa6) Par ces caractères anatomiques et ses dimen- Long. = 34,5 mm sions, cette dent s'assimile à celle de l'espèce de Ronzon (diagramme 14).

Le cingulum antérieur et le postérieur sont forts, CONCLUSIONS le vestibulaire et le lingual manquent. La couronne subcarrée est hexatuberculée : paracône, métacône, Aucun critère anatomique ne permet de distin- hypocône et les deux conules sont sensiblement de guer les dents de Lagny-Thorigny de celles de Ron- même taille; seul, le protocône est plus fort. zon. Seule différence, l'absence de métaconule sur M A ce sujet, signalons dès maintenant que nous Par ses proportions, cette dent diffère quelque possédons des M de Villebramar avec ou sans ce peu de ses homologues de Ronzon et de Villebra- conule. Ceci semble indiquer que celui-ci est en mar. En effet, par sa longueur, elle est proche de voie de disparition. Nous verrons que cette ten- celles de Villebramar, tandis que, par sa largeur, dance est générale dans la famille. On peut penser elle est proche de celles de Ronzon (diagramme 5). qu'avec un matériel plus abondant, il serait peut- M droite (pl. IIa7) être possible de montrer que la fréquence « pré- sence d'un métaconule sur M » diminue des popu- Long. = 34 mm lations les plus anciennes aux plus récentes. Quant à ses dimensions, l'Entelodon du Bassin de Paris semble légèrement plus grand que celui d'Auver- Le cingulum antérieur et le postérieur sont forts, gne. En effet, mis à part les deux PI (P plus petite le lingual est légèrement plus faible et le vestibu- que celles de Ronzon, P, sensiblement de la même laire tout juste indiqué. La couronne est pentatu- taille que celles de Villebramar) toutes les autres berculée : le protocône est la cuspide la plus forte, dents jugales de Lagny-Thorigny sont soit légère- para- et métacône d'égale importance sont moins ment plus grandes (M M3) que leurs homologues développés, le paraconule est nettement plus faible, de Ronzon, soit de taille intermédiaire (M M2) l'hypocône issu du cingulum est encore plus réduit. entre celles de Ronzon et de Villebramar. Mais, Le métaconule manque. Par ses dimensions, cette compte tenu du maigre matériel provenant de La- dent est très proche de son homologue de Ronzon gny-Thorigny et de la grande variabilité intraspéci- (diagramme 7). Elle en diffère par l'absence de mé- fique avérée des Entelodontes, ces faibles différen- taconule. ces de taille et de proportions de certaines dents sont difficiles à interpréter. C'est pourquoi nous rapportons l'Entelodon de Lagny-Thorigny à E. M droite (pl. IIa8) magnus. Ceci est d'ailleurs en accord avec la posi- Long. = 38 mm tion stratigraphique des deux gisements : Lagny- Thorigny et Ronzon, qui sont classiquement rap- portés au Sannoisien supérieur. a4. Description de la mandibule de Bournoncle- a5. Description de la dent de Montans (près Gail- Saint- Pierre (Auvergne) lac dans le Tarn)

Il s'agit d'un fragment de mandibule avec l'al- Il s'agit d'une M3 gauche (Musée de Bâle. O.T.5.) véole de la racine postérieure de P3 et la série relativement usée. dentaire P4-M3 (Muséum National d'Histoire Natu- Long. = 35,5 mm relle de Paris) pl. IVc. Mesures en mm : Le cingulum mésial et le distal sont bien mar- M1-M3 98,5 qués. Les cuspides antérieures sont plus hautes que P4 (Long. x larg. max.) 36 x 21 les postérieures et les externes plus usées que les M1 . . . . 29 x 24,5 internes. Les cuspides sont subégales, seul l'entoco- M2 . . . 35 x 29 nide est beaucoup plus petit. L'usure de la dent est M3 ...... 33,5 x 26 telle qu'il est impossible de dire si l'hypoconulide Dans l'ensemble, les dents présentent un émail existe ou non. moins chagriné et des cingulums plus faiblement Par ses proportions et ses caractères anato- marqués (5) que sur la forme de Ronzon. Par sa miques, cette dent se rapproche de son homologue taille et sa morphologie (couronne conique, partie sur la mandibule-paralectotype de Ronzon (dia- postérieure de la dent allongée en talonide), P4 est gramme 14). analogue à celle de Ronzon. La série des molaires est sensiblement plus longue (98,5 mm contre REMARQUE 92 mm) à Bournoncle, et c'est au niveau de M2 que la différence de taille est la plus marquée (diagram- Outre cette dent d'Entelodon jusqu'à ce jour non mes 11 à 14). Les molaires ont quatre cuspides encore signalée dans la littérature, le gisement de principales, l'hypoconulide manque sur M3, et Montans a livré Ronzotherium filholi (une mandi- compte tenu de l'usure des deux autres molaires, il bule) et Plagiolophus minor (plusieurs fragments de est difficile (pour M2), voire même impossible (dans mandibules). La coexistence de R. filholi et de P. le cas de M1) de préciser s'il existe ou non (peut- minor, et l'altitude absolue du point fossilifère (en- être en retrouve-t-on une trace sur M2 ?). viron 135 m) ont amené M. Richard (1948) à rap- En conclusion, il apparaît que les formes de porter ce gisement au Stampien moyen. Cette attri- Ronzon et de Bournoncle ne diffèrent entre elles bution mérite les remarques suivantes : les Ronzo- que par la taille, différence qui, compte tenu de sa thères sont connus depuis la base de l'Oligocène très faible amplitude (inférieure à 10 %), ne peut (dans le calcaire de Brie à Thorigny et en Auver- être interprétée que comme une variation indivi- gne, à Ronzon); en 1905, Stehlin (Mémoires soc. duelle intraspécifique. pal. suisse, t. XXXII, p. 319) écrit : « Dans la col- lection de l'Ecole des Mines se trouvent deux man- En plus des restes de E. magnus, le gisement de Bournoncle a.livré une mandibule de Cadurcothe- dibules de Plagiolophes provenant d'un conglomé- rat situé sur les bords du Tarn près de Montans. rium minus FILHOL, une mandibule de Ronzothe- Ces mandibules correspondent à des animaux de la rium filholi (OSBORN) et un métatarsien de Palaeo- taille de la forme de Ronzon et ont été trouvées à theriidae qui, d'après Lavocat (1951) est tout à fait Gaillac avec des restes de R. filholi que je considère comparable à ceux des Plagiolophus minor de comme un fossile guide du Stampien ». A Villebra- grande taille de Ronzon. Pour Lavocat (1951) mar, les Plagiolophes représentent l'élément domi- Bournoncle appartiendrait plutôt au Stampien infé- nant de la faune (une quinzaine de crânes, une rieur (niveau de Villebramar) qu'au Sannoisien su- centaine de mandibules, etc...), mais jusqu'à ce périeur (niveau de Ronzon). A notre avis, l'associa- jour, nous l'avons déjà dit, l'espèce P. minor est tion de E. magnus avec R. filholi tend à vieillir le inconnue dans le gisement. Tout ceci nous amène à gisement et nous amène à le considérer comme penser (en particulier la présence d'un Plagiolophe plus ancien que Villebramar et plus récent que et d'un Entelodonte de la taille de ceux de Ronzon) Ronzon. La présence d'un Plagiolophus minor de que, comme le gisement de Bournoncle Saint- grande taille parle dans le même sens. En effet, Pierre, le gisement de Montans s'intercale entre les bien qu'à Villebramar les restes de Plagiolophes niveaux de Ronzon et de Villebramar. soient très abondants, aucun d'entre eux n'est à rapporter à cette espèce qui semble s'éteindre entre les niveaux de Ronzon et de Villebramar. a6. Description des dents des hamstead beds de l'Ile de Wight

(5) Sur les molaires, seul le cingulum posteneur est bien Les collections du Musée d'Histoire Naturelle de marqué, l'antérieur est présent mais plus faible, le vestibulaire et le lingual sont tout juste indiqués. Bâle conservent les moulages de deux dents de l'Entelodon de l'île de Wight : échantillons, légèrement plus petites ou de même taille que celles de Ronzon (voir tableaux 3 et 4). P gauche (Musée de Bâle, Hst 252, Moulage, Par ailleurs, nous avons déjà montré (Brunet, 1973) Original dans la Coll. Wood) pl. IIb1. qu'en Europe de l'Ouest l'histoire du genre Entelo- don se traduit par une évolution sur place caractéri- Long. vestibulaire = 26,5 mm larg. max. = 29 mm sée essentiellement par un accroissement de taille. Compte tenu de ce qui précède et autant que le La couronne est bicuspide. La cuspide vestibu- maigre matériel à notre disposition permette d'en laire a sa pointe légèrement dirigée vers l'arrière. juger, l'Entelodon des Lower Hamstead beds serait Dans la famille, ce caractère est général pour toutes plus récent que celui (E. antiquus REPELIN, 1919) les P peu usées. Bien entendu, on l'observe aussi de Soumailles et un peu plus ancien ou contempo- bien chez les formes européennes que chez les rain de celui (E. magnus) de Ronzon. Signalons formes américaines. Le bord mésial de la couronne enfin que, comme à Ronzon, le genre Bothriodon sans aucune trace d'encoche est rectiligne. Le cin- est connu dans les Lower Hamstead beds de l'île de gulum est très marqué sur les bords mésial, lingual Wight (Moorman, 1939). et distal. Le cingulum vestibulaire est effacé. Par sa morphologie et ses dimensions, cette dent est tout à fait comparable à celles de Ronzon (P du Mx-type a7. Description du matériel des phosphorites du : Long. = 28 mm, larg. = 33 mm et Mx Quercy M.N.H.N. Paris, n° 1907-19 : Long. = 26 mm, larg. = 30 mm). Voir diagramme 4. Les restes d'Entelodon du Quercy appartiennent M gauche (Musée de Bâle, Hst 251, Moulage, à d'anciennes collections constituées à la fin du Original dans la Coll. Wood) pl. siècle dernier (entre 1870 et 1900) au cours de IIb2. l'exploitation industrielle des Phosphorites. L'étude Long. = 27 mm de ces collections a montré qu'elles comprennent larg. max. = 27,5 mm des faunes dont l'âge s'étend du Bartonien (niveau de Robiac) au Stampien moyen (Microbunodon mi- La couronne est recouverte d'un émail très cha- nimus fossile caractéristique du Stampien supérieur griné et présente de nombreuses petites cuspides y est inconnu). Récemment des fouilles métho- accessoires. Protocône, paracône et métacône sont diques ont été entreprises et l'étude du nouveau subégaux. L'hypocône issu du cingulum est bien matériel récolté (Vianey-Liaud, 1969) a montré que marqué mais un peu plus faible. Le paraconule est la faune de chacune des poches est homogène et développé, le métaconule manque. Le cingulum qu'il est impossible d'y distinguer des faunes d'âge antérieur est très fort. Ces caractères morpholo- différent. Ainsi, pour les Entelodontes, B. Lange giques : émail très ridulé, hypocône peu développé, (1970) signale E. magnus, à Aubrelong 2 (Causse lobe postérieur de faible largeur, absence de méta- de Limogne, au sud de Vaylats) qui se trouve bien conule, sont connus chez E. magnus. Ses dimen- en compagnie d'une faune de type Ronzon. Il est sions sont un peu plus faibles que celles de la M donc certain que le matériel des anciennes collec- du Mx-type de Ronzon (Long. = 32 mm, larg. = tions des diverses poches des Phosphorites du 33 mm); elles sont par contre plus proches de celles Quercy a été mélangé. d'une M de Soumailles dans le Bassin d'Aquitaine (Long. = 26 mm, larg. = 26 mm). Voir dia- En Europe occidentale, les Entelodontes sont gramme 7. connus dès l'Oligocène inférieur (niveau de Sou- mailles) dans une faune à cachet un peu plus ar- chaïque que celle de Ronzon jusqu'au Stampien CONCLUSIONS moyen (niveau de la Ferté-Alais dans le Bassin de Paris). Il apparaît donc que les anciennes collec- Le rare matériel de l'île de Wight ne permet pas tions du Quercy peuvent contenir des restes d'Ente- de préciser définitivement les rapports exacts de cet lodon depuis les premiers immigrants (E. antiquus) Entelodon avec ceux d'Auvergne et du Bassin jusqu'aux derniers représentants européens (E. de- d'Aquitaine. Les dents étudiées ci-dessus sont mor- guilhemi). phologiquement identiques à celles de l'Entelodon Dans les Phosphorites, les Entelodontes sont de Ronzon dont elles ne diffèrent que par leur taille connus presque essentiellement par des dents iso- plus faible. Par ailleurs, Crusafont-Pairo, Ginsburg lées dont certaines non encore usées vont nous et Truyols (1962) signalent une P4 (Long. = permettre de mettre en évidence des détails anato- 37,5 mm, larg. max. = 22 mm) (6), des Lower miques ignorés jusqu'à présent chez les formes eu- Hamstead beds, dont la taille est comparable à celle ropéennes. De plus, rappelons dès maintenant que, des P4 de Ronzon (voir tableau 4 et diagramme 11). dans un travail concernant les Entelodontes des En définitive, les dents de l'île de Wight sont donc Phosphorites, nous avons montré que ces dents, plus grandes que celles de Soumailles, et selon les quant à leur taille, se répartissent en trois groupes : le premier de la taille de E. magnus, le deuxième de (6) Cette dent est conservée au Sedgwich Museum de la taille de E. deguilhemi et enfin, le troisième de Cambridge, sous le n° C 20914. taille intermédiaire. Nous décrivons ici les restes du premier groupe; 1893-1 1) groupe que nous rapportons à E. magnus. Ceux des deux autres groupes seront décrits dans le cha- Long. = 27 mm (cette mesure est sans doute pitre concernant E. deguilhemi (groupe 2) et E. aff. légèrement inférieure à la dimension réelle, le bord deguilhemi (groupe 3). distal de la dent étant très usé).

P droite (Faculté des Sciences de Lyon. Coll. Géologie, n° 7370) Sur la couronne, deux facettes d'usure sur la Long. = 44 mm face occlusale de la cuspide antéro-interne indi- larg. max. = 26,5 mm quent l'existence d'un paraconide accolé au méta- conide. La crête reliant le métaconide à l'hypoco- Tout à fait comparable par ses caractères anato- nide est bien visible. L'usure du bord postérieur de miques et ses dimensions à la P du Mx-type de la dent est telle qu'il est impossible de savoir s'il Ronzon (Long. = 43 mm, larg. max. = 29 mm). existait un hypoconulide. Elle est un peu moins élargie postérieurement (larg. x 100/Long. = 60 % contre 67 %). Mais compte M gauche (Coll. Musée des Sciences Naturelles tenu des variations individuelles dont nous avons de Montauban) déjà parlé, cette différence n'est pas significative (Diagramme 3). Long. = 30 mm larg. mésiale = 21,5 mm P Cingulum mésial et distal bien marqués, le vesti- P droite (Coll. Musée des Sciences Naturelles de bulaire et le lingual manquent. Protoconide, hypo- Montauban) conide et métaconide subégaux, l'entoconide est légèrement plus petit. L'hypoconulide est bien indi- Un moulage de cette dent est conservé à Lyon : vidualisé. Comme pour la dent précédente, la crête Faculté des Sciences, Coll. Géologie, n° 7366. reliant le métaconide à l'hypoconide est présente. Long. = 34 mm larg. max. = 18 mm M droite (M.N.H.N. Paris, Coll. Rossignol, n° La couronne a la même morphologie que celle 1893-1 1) pl. IIf) de la P4 de la pièce-type de Ronzon; la cuspide Long. = 33,5 mm principale a sa pointe dirigée vers l'arrière, elle présente deux crêtes d'émail : une mésiale et une distale, la partie postérieure de la dent est allongée et forme un talonide en cupule où la crête posté- Il s'agit d'un bourgeon dentaire. L'émail est très rieure d'émail se termine par un renflement. chagriné, principalement à l'avant et à l'arrière en- tre les cuspides principales où l'on remarque la P droite (M.N.H.N. Paris, Coll. Rossignol, n° présence de nombreux petits tubercules accessoires. 1893-1 1) pl. IIe Les cingulum antérieur et postérieur sont forts. Une crête d'émail ridulé relie l'hypoconide au mé- Long. = 37 mm taconide. Sur le bord antérieur de la dent, une autre larg. max. = 21,5 mm crête d'émail relie le protoconide au paraconide. La Elle est construite sur le même plan que la P4 couronne est hexatuberculée ; à l'arrière un hypo- précédente : le cingulum entourant la dent s'efface conulide bien marqué et à l'avant un paraconide, au niveau du milieu de la face vestibulaire ; cou- bien individualisé, accolé au métaconide; l'hypoco- ronne présentant deux crêtes d'émail : une anté- nide est bien développé; l'entoconide est beaucoup rieure et une postérieure, cette dernière se termi- plus petit. nant à sa base par un petit tubercule situé au-dessus et en avant du cingulum postérieur. Mais ici existe gauche (Musée des Sciences Naturelles de une cuspide supplémentaire sur le versant postéro- Montauban) interne de la cuspide principale. Cette particularité Long. = 31,5 mm anatomique doit être interprétée comme l'expres- larg. mésiale = 23 mm sion de la tendance avérée à la présence de cuspides supplémentaires sur les dents jugales des Entelo- Le trigonide est nettement plus haut que le talo- dontes. Nous reparlerons de ce petit tubercule ac- nide. La couronne est trituberculée ; son lobe anté- cessoire qui a été utilisé par Trofimov (1952) rieur présente deux cuspides : protoconide et méta- comme critère spécifique chez Entelodon dicono- conide; son lobe postérieur, une seule : l'hypoco- don. nide. L'entoconide manque, à moins de reconnaître sa présence dans une très faible ridulation de Il va de soi, d'après leur morphologie et leur l'émail du bord postéro-interne du cingulum qui taille (diagramme 11 ), que les 2P4 en question sont entoure le lobe postérieur de la dent. Cette morpho- à rapporter à E. magnus. logie inhabituelle n'est pas unique dans la famille. Molaires Sinclair (1921, p. 478, fig. 9) signale la même dis- position sur la M3 d'une mandibule qu'il rapporte à M gauche (M.N.H.N. Paris, Coll. Rossignol, n° Archaeotherium wanlessi. M gauche (Musée des Sciences Naturelles de Montauban) a8. Description de la dent de Espinosa de Héna- Long. = 35 mm rès (Haute vallée du Tage, Espagne) pl. IIc larg. mésiale = 25 mm Cette dent possède les mêmes caractères anato- Il s'agit d'une P4 gauche rapportée par M. Crusa- miques que la M3 précédente; mais moins usée, font-Pairo, L. Ginsburg et J. Truyols (1962) à E. elle présente encore les crêtes d'émail reliant d'une aff. magnus. Cette dent est le seul reste d'Entolo- part le métaconide à l'hypoconide et d'autre part le donte connu dans la Péninsule Ibérique. protoconide au métaconide. Seule différence, le Comme l'ont déjà fait remarquer ces auteurs : bord postéro-interne du cingulum présente un ren- flement mieux marqué que l'on peut interpréter « Par sa taille et sa morphologie, la pièce d'Espi- comme un faible entoconide. Quelle valeur faut-il nosa est très semblable à la dent correspondante de attribuer à ces variations de l'entoconide ? Relè- l'exemplaire type de Entelodon magnus, provenant vent-elles du domaine individuel ou sont-elles liées de Ronzon en Auvergne ». Il en est bien ainsi car au stade évolutif de l'animal ? En faveur de la la couronne présente aussi : un fort cingulum anté- première hypothèse, il faut remarquer que l'entoco- rieur, un cingulum vestibulaire et un lingual faibles nide est l'objet de variations analogues à celles que mais présents, une cuspide unique dont le sommet nous avons observées pour l'hypocône chez E. ma- est recourbé vers l'arrière, deux crêtes d'émail si- gnus et E. deguilhemi. Mais jusqu'à ce jour les tuées l'une sur le bord antérieur, l'autre sur le bord deux seules dents européennes à entoconide très postérieur de la cuspide principale, une partie pos- faible ou absent sont de la taille de E. magnus. térieure allongée en un talonide. Ses dimensions (Long. = 37 mm, larg. max. = 19 mm) sont éga- Chez E. deguilhemi, toutes les molaires inférieures connues présentent un entoconide bien marqué. lement conformes à celles de la P4 de la mandibule de Ronzon (Long. = 35 mm, larg. max. = Alors, on pourrait penser que l'absence ou le très 19 mm). Voir diagramme 11. faible développement de l'entoconide correspond à un caractère archaïque que l'on retrouve plus ou moins bien marqué chez les formes anciennes. Ceci serait en accord avec le fait qu'en Amérique du a9 Description de la dent de Merisor-Krivadia Nord ce trait anatomique ait été rencontré unique- (Roumanie) ment chez Archaeotherium. Mais il est alors surpre- nant que le plus vieil Entelodonte connu (Eocène En 1941, Kretzoï rapportait à Elodon transsilva- supérieur de Chine) ait une M3 à entoconide bien nicus n.g. et n.sp. une molaire gauche (M, ou M2 individualisé. De même E. antiquus, le plus ancien selon l'auteur) (Long. = 29 mm; larg. més. = des Entelodontes européens, possède une M3 à 22 mm et dist. = 21,6 mm) provenant de Merisor- entoconide petit, mais très nettement exprimé. En Krivadia en Transylvanie et d'après lui, d'âge pro- l'absence de nouveau matériel, il est bien difficile de conclure. bablement Oligocène supérieur. Voici sa diagnose : « de plus petite taille que E. magnus AYMARD avec Par leurs caractères anatomiques et par leur des molaires nettement hypsodontes et plus lopho- taille (diagrammes 12, 13, 14), ces molaires sont dontes » (8). également à rapporter à E. magnus. Tout d'abord on peut préciser que cette molaire La description de ce matériel nous permet de à lobes antérieur et postérieur d'égale largeur est compléter la diagnose du genre Entelodon par des une M1. La hauteur de sa couronne est tout à fait traits anatomiques que l'on ne connaissait jusqu'à comparable à ce que nous avons pu observer chez présent que chez son contemporain nord-améri- les autres Entelodontes européens. Quant à la lo- cain. A savoir : phodontie signalée par Kretzoï, elle ne correspond - la présence éventuelle d'une encoche sur le qu'à l'image du stade d'usure de la dent. Kretzoï bord antérieur de P ; signale encore la différence de hauteur entre les - aux molaires inférieures, la présence d'un cuspides antérieures et les postérieures, mais il trigonide plus haut que le talonide et d'un paraco- s'agit d'un caractère primitif commun à tous les nide bien distinct et accolé au métaconide. Jusqu'à Entelodontes de l'Oligocène d'Europe, d'Asie et ce jour, ces deux caractères n'étaient signalés que d'Amérique du Nord. En tout état de cause, il chez Archaeotherium et à ce titre les molaires du apparaît d'une part qu'aucun critère anatomique ne genre nord-américain étaient considérées comme sépare cette forme du genre Entelodon et d'autre plus primitives que celles de l 'Entelodon européen part que, par ses dimensions, elle semble très pro- (Chow, 1958); che sinon identique à l'espèce E. magnus (Voir - entoconide de M3 plus ou moins bien indivi- diagramme 12). dualisé (7). (8) On peut se demander, compte tenu des variations indi- viduelles que l'on observe chez les Entelodontes, s'il n'est pas (7) Chez tous les Entelodontidae, l'entoconide, quand il hasardeux, voire même impossible, de baser sur quelques existe, est la plus petite des cuspides principales des molaires maigres fragments (ici une seule dent) une nouvelle espèce et inférieures. à fortiori un nouveau genre. - Fac. Sc. Marseille: une P (n° 138), deux incisives et trois canines supérieures; b. - REPELIN, 1919 - Musée de Bâle : une P (Sml. 1) et une M (Sml. 91). 1918 b - Entelodon cf. magnum AYMARD; Répelin, p. 66. LOCALITÉ-TYPE : Soumailles (arrondissement de V * - Entelodon magnum mut. antiquum Marmande), Lot-et-Garonne (France). nov. mut.; Répelin, p. 11-12. 1929 - Entelodon antiquum RÉPELIN; NIVEAU STRATIGRAPHIQUE : Sannoisien inférieur - Soyer, p. 424. Base de l'Oligocène. 1948 - Entelodon magnum mut. antiquum RÉPELIN; Richard, p. 104. DIAGNOSE : Espèce plus petite et plus primitive que Vm 1966 - Entelodon sp. ; Tobien, p. 11, fig. 2. E. magnus, caractérisée par une P subtriangulaire avec encoche linguale, des molaires supérieures hexa- ou pentatuberculées et des molaires inférieu- b1. Généralités res avec un paraconide, et un trigonide plus haut que le talonide.

HISTORIQUE : En 1919, Répelin, dans sa note « Sur les espèces ou mutations nouvelles du genre Ente- b2. Description du matériel de Soumailles (Lot-et- lodon AYMARD », attribue huit dents isolées (cinq Garonne) inférieures : C, P1, M1, M2, M3 et trois supérieures : P M M provenant du gisement de Soumailles (Lot-et-Garonne), à une nouvelle forme d'Entelo- Toutes les dents de Soumailles ont des dimen- donte qu'il désigne sous le nom de Entelodon ma- sions plus faibles que celles de leurs homologues gnum mut. antiquum. Répelin précise qu'il s'agit : chez E. magnus (voir tableau 2). « ... d'une mutation plus petite que E. magnus. Les caractères des dents sont sensiblement les mêmes, P droite (Musée de Bâle, Sml. 1), pl. Ic avec une grande simplicité. Ils semblent donc indi- Comme à Ronzon, la couronne est unicuspide et quer une forme plus ancienne... ». très élargie postérieurement (larg. max. x 100 / Mis à part la canine inférieure et la P, qui Long. = 61 %). Le cingulum s'efface sur la face semblent perdues, nous avons retrouvé le matériel vestibulaire au niveau du milieu de la cuspide prin- type dans les collections de géologie de la Faculté cipale. Celle-ci présente deux crêtes d'émail, l'une des Sciences de Marseille. Aucun des syntypes n'a sur sa face antérieure, l'autre sur sa face posté- jamais été figuré, ni décrit en détail. rieure. Les deux racines sont divergentes; l'anté- rieure est oblique vers l'avant, la postérieure Personnellement, la mutation de Répelin nous oblique vers l'arrière. La partie postérieure de la paraît devoir être considérée, par l'ensemble de ses dent est si usée que la longueur mesurée (tableau 2) caractères archaïques, comme un taxon de rang pour la couronne est sans doute légèrement infé- espèce. rieure à la réalité. Même si l'on tient compte de cela, la différence de taille entre cette dent et son LECTOTYPE : Nous désignons la M3 gauche presque homologue sur le Mx-type de Ronzon reste impor- neuve (Coll. géol. Fac. Sc. marseille, n° 143) tante (la longueur mesurée est de 43 % plus faible) comme lectotype (pl. Ik). Notre choix se justifie - Voir diagramme 3. entièrement par le fait que parmi les syntypes, c'est cette dent qui donne la meilleure image des caractè- P gauche (Paralectotype - Coll. Fac. Sc. Mar- res archaïques et primitifs de l'espèce. seille, n° 141), pl. Id

PARALECTOTYPES : Tous les autres syntypes. Mis à La couronne subtriangulaire présente une enco- part la canine inférieure et la P, non retrouvées en che mésiale bien marquée. Le cingulum est fort et collection, les syntypes sont conservés à la Faculté s'efface au milieu des faces linguale et vestibulaire. des Sciences de Marseille, sous les numéros : La cuspide vestibulaire oblique vers l'arrière est - n° 141 : P gauche neuve, pL. Id ; plus forte que la cuspide linguale. Voir dia- - n° 139 : M droite moyennement usée, gramme 4. pl. If; P gauche (Coll. Fac. Sc. Marseille, n° 138), - n° 144 : M gauche neuve, pl. Ih; pl. Ie - n° 143 : M, gauche moyennement usée, pl. Ii; Cette dent est morphologiquement identique à la - n° 140 : M2 droite peu usée, pl. Ij. précédente dont elle ne diffère que par la présence d'un petit tubercule accessoire situé médio-distale- AUTRE MATÉRIEL : Huit autres dents proviennent ment sur le cingulum. L'existence de cuspides sup- du même gisement et sont conservées dans les plémentaires est très fréquente dans la famille. La collections de : présence ou l'absence d'un tel tubercule se retrouve chez les autres espèces du genre et ne peut par diane; le lingual manque et le postérieur est ridulé. conséquent être utilisée en systématique. Malgré l'usure, le paraconide est encore distinct du métaconide. L'hypoconulide est fort. Comme sur M gauche (Musée de Bâle, Sml. 91), pl. Ig, dia- les deux molaires suivantes, l'entoconide est la plus gramme 5 petite des cinq cuspides principales.

Le cingulum antérieur est très fort, le vestibu- M droite (Paralectotype - Coll. Fac. Sc. Mar- laire bien marqué, le lingual et le distal manquent. seille, n° 140), pl. Ij La couronne est hexatuberculée. Les quatre cuspi- des principales sont subégales. Les deux conules, Seuls les cingulums antérieur et postérieur exis- beaucoup plus faibles, sont néanmoins bien indivi- tent. Ce dernier est renflé médio-distalement en un dualisés. Remarquons que le métaconule est accolé petit mamelon qui pourrait être considéré comme au flanc postéro-externe de l'hypocône et, par suite, un faible hypoconulide. A l'avant de la dent, une les trois cuspides postérieures forment un arc de crête d'émail relie le protoconide au paraconide. cercle. A Ronzon, la M du maxillaire-type est plus grande; elle présente un fort cingulum distal et ses M gauche (Lectotype - Coll. Fac. Sc. Marseille, trois tubercules postérieurs sont alignés. n° 143), pl. Ik La plus neuve des trois molaires inférieures M droite (Paralectotype - Coll. Fac. Sc. Mar- seille, n° 139), pl. If connues à Soumailles. Le cingulum n'est absent que sur la face linguale ; le postérieur est très ridulé Sa couronne, elle aussi hexatuberculée, diffère mais sans hypoconulide net. Les crêtes reliant essentiellement de celle de la dent précédente par d'une part, le paraconide au protoconide et d'autre son contour plus carré. Par ailleurs, le cingulum part, le métaconide à l'hypoconide sont très expri- vestibulaire s'efface au niveau du métacône, et seul, mées. Le paraconide et le métaconide sont accolés le cingulum lingual manque. Voir diagramme 5. par leur base, leurs sommets sont séparés par un Ces différences ne représentent qu'une preuve sillon plus profond que sur les autres espèces du supplémentaire de la variabilité intraspécifique des genre. L'entoconide est, là aussi, la plus petite des Entelodontes. cinq cuspides principales.

M gauche (Paralectotype - Coll. Fac. Sc. Mar- Mesures : Voir tableau 2 et diagrammes 3, 4, 5, seille, N° 144), pl. Ih 7, 12, 13, 14. La couronne est pentatuberculée avec un lobe CONCLUSIONS postérieur très rétréci. Le métaconule manque. Le paraconule est bien marqué. L'hypocône, bien indi- Le matériel actuellement connu est si fragmen- vidualisé, est la plus petite des quatre cuspides taire qu'il ne nous permet pas de donner une image principales. Le cingulum n'est présent que mésiale- très complète de la morphologie de l'Entelodonte ment, et très développé. de Soumailles. Morphologiquement, il est proche L'absence de métaconule s'intègre elle aussi dans de l'espèce de Ronzon mais s'en distingue par un le domaine des variations individuelles. Ainsi, nous certain nombre de caractères plus primitifs dont la décrirons à Villebramar et aussi dans les Phospho- plus petite taille et la présence d'un paraconide bien rites du Quercy, des M de E. deguilhemi avec ou individualisé sont les plus facilement identifiables sans métaconule. sur le matériel actuellement en notre possession. Il est intéressant de souligner que ce dernier Molaires inférieures caractère montre une polarité évolutive dans le Elles sont toutes caractérisées par : temps, polarité qui conduit à la fusion du para- et - un trigonide nettement plus haut que le talo- du métaconide en une cuspide unique, le para- nide; - la présence d'un paraconide accolé au méta- TABLEAU 2 conide ; - la présence d'une crête reliant la métaconide à l'hypoconide. Ces trois caractères sont très archaïques et confèrent un cachet évolutif très primitif aux mo- laires inférieures de l'Entelodon de Soumailles. Pour les mesures, voir tableau 2 et diagram- mes 12, 13, 14.

M gauche (Paralectotype - Coll. Fac. Sc. Mar- seille, n° 143), pl. Ii Le cingulum antérieur est marqué; le vestibu- laire n'est indiqué qu'au niveau de la vallée mé- métaconide. Cette modalité évolutive est bien maté- paux. Paraconule et métaconule plus faibles sont rialisée par les trois espèces européennes du genre néanmoins bien indiqués (pl. II). Tous ces caractè- Entelodon : res anatomiques se retrouvent sur la M du maxil- - E. antiquus (Sannoisien inférieur de Sou- laire-type de E. magnus. Ces deux dents ne diffè- mailles) : les sommets du paraconide et du métaco- rent entre elles que par la taille; la M de Cassel nide sont séparés par un sillon profond. De telle (Long. = 32 mm, larg. = 31 mm) est nettement sorte que, même après une usure moyenne, le plus petite (diagramme 6) que celle du Mx-type de paraconide reste distinct du métaconide (pl. Ii-j-k). Ronzon (Long. = 35 mm, larg. = 38 mm). Ses Un « para-métaconide » n'apparaît qu'à un stade dimensions sont beaucoup plus proches de celles de d'usure avancé. l'Entelodonte de Soumailles. C'est pourquoi nous rapportons la M de Glimmerode à E. antiquus. - E. magnus (Sannoisien supérieur de Ron- zon) : le sillon séparant le paraconide du métaco- nide est beaucoup plus bas. Une faible usure sup- prime l'individualité du paraconide (pl. Ib2 et le). c. - REPELIN, 1918 - E. deguilhemi (Stampien inférieur de Ville- bramar) : le sillon séparant paraconide et métaco- nide peut faire défaut (pl. VIo). Quand il existe, il 1847 - Elotherium magnum; Pomel, n'est plus visible que sur des dents neuves (pl. IIm- p. 1083-1085. n). V 1869 - Elotherium magnum POMEL; Tournouër, p. 985. Vm 1874 - Oltinotherium verdeaui nov. gen. b3. Description de la dent de Glimmerode (près de nov. sp. ; Delfortrie, p. 261-263, Cassel, Allemagne) fig. 6-9. 1909 - Entelodon magnum AYMARD; Ste- hlin, p. 509 (Lobsann, Alsace). En 1966, H. Tobien décrit et figure une molaire ? 1909 - Entelodon sp.; Stehlin, p. 511. supérieure (M ou M selon l'auteur) remaniée pro- 1917 - Entelodon magnum AYMARD; venant des sables marins de Cassel dans la dépres- Blayac et Deguilhem, p. 160. sion tertiaire (Oligocène supérieur) de Glimmerode 1918 - Entelodon nov. sp. ; Deguilhem, (Hesse septentrionale). Tobien rapporte cette dent à p. 67. Entelodon sp. V *1918 - Entelodon deguilhemi nov. sp. ; Ré- Le contour trapézoïdal de la couronne nous in- pelin, p. 398-399. cline à penser qu'il s'agit d'une M car d'une ma- 1929 - Entelodon sp. ; Soyer, p. 425. nière générale, les M sont quadrangulaires. Le ? 1948 - Entelodon sp.; Richard, p. 142. cingulum antérieur est très développé. La couronne 1948 - Entelodon deguilhemi RÉPELIN; est hexatuberculée. Le protocône est volumineux. Richard, p. 146. L'hypocône est le plus petit des quatre cônes princi- ? 1948 - Entelodon sp. ; Richard, p. 147.

TABLEAU 3 TABLEAU 4

Mesures dues à : (1) L. Ginsburg 1962 (2) M. Kretzoï 1941

V 1948 - Entelodon magnum AYMARD; Ri- - Collections Laboratoire de Paléontologie des chard, p. 147. Vertébrés de l'Université de Poitiers : un crâne, 1961 - Entelodon deguilhemi RÉPELIN ; in deux maxillaires, une mandibule, de nombreuses Traité Paléont. VI, (1), p. 910, dents isolées et de nombreux os des membres (voir fig. 24. la liste de ce matériel p. 99). ? 1969 - Entelodon deguilhemi RÉPELIN; Ginsburg, p. 1267. LOCALITÉ-TYPE : Villebramar, commune de l'arron- V 1970 - Entelodon deguilhemi RÉPELIN; dissement de Villeneuve-sur-Lot, Canton de Mon- Brunet, p. 2536. clar (bassin d'Aquitaine). V 1972 - Entelodon deguilhemi RÉPELIN; Brunet, p. 2849-2852, pl. 1. NIVEAU STRATIGRAPHIQUE : Stampien inférieur, base des molasses de l'Agenais. cl. Généralités AUTRES GISEMENTS : Phosphorites du Quercy, la Ferté-Alais (Bassin de Paris), le Mas-d'Agenais HOLOTYPE : Une mandibule presque complète (Bassin d'Aquitaine), Lobsann (Alsace). (conservée dans les collections du Laboratoire de Géologie de la Faculté des Sciences de Marseille) - DIAGNOSE ORIGINALE: in Répelin, 1918, p. 398- pl. IIIb. 399.

AUTRE MATÉRIEL DIAGNOSE ÉMENDÉE : Forme de très forte taille connue à la base et dans la partie moyenne du - Muséum de Paris : moulage de la M figurée Stampien. par Viret in Traité de Paléontologie, t. VI, fasc. 1, p. 910, fig. 24. Un moulage d'une P4. - Musée de Bâle : quelques dents isolées; Le crâne est caractérisé par : - Muséum de Bordeaux : quelques dents iso- - sa partie faciale très développée et sa partie lées, nous n'avons pas retrouvé la mandibule com- cérébrale très réduite; plète signalée dans les collections de ce musée par - des orbites qui regardent plus latéralement M. Richard (1948, p. 146). que frontalement; - un lacrymal très étendu sur la face et sans cubitus allongé, le semi-lunaire s'articule avec le contact avec la nasal; radius et le cubitus; - des nasaux très étendus vers l'arrière; - au membre postérieur : le fémur est gracile - une partie alvéolaire des Pmx courte; et nettement plus long que le tibia, le péroné est - un processus nasal du Pmx très long, il complet et libre, le MT III ne présente pas de sur- s'étend vers l'arrière jusqu'au niveau du bord distal face articulaire pour le cuboïde; de P ; - autopode : le segment métapodial ne pré- - un processus nasal du frontal relativement sente plus que deux doigts fonctionnels (III et IV). court, il ne dépasse pas vers l'avant le niveau du bord antérieur du lacrymal; - une suture maxillaire-nasal très courte; - des cavités glénoïdes très concaves et en po- c2. Description du matériel de Villebramar sition très latérale; - un conduit auditif externe long; - des condyles occipitaux nettement plus lar- ANATOMIE DU CRÂNE ges que hauts; (Vil. 1970-53), pl. III, fig. 2-4 - des choanes qui s'ouvrent quelque peu en avant du bord postérieur des M ; Mesures : voir tableaux 5 et 27. - des foramens palatins postérieurs situés loin Comme chez les formes américaines, le museau en arrière, au niveau du milieu des M ; très allongé, les fosses temporales très élargies et les - un foramen infra-orbitaire qui s'ouvre en prémolaires à couronne conique donnent à l'en- arrière du bord mésial de P semble une allure reptilienne (9).

VUE LATÉRALE (pl. IIIa et fig. 2) La mandibule est caractérisée par : - une branche verticale longue et basse avec En vue latérale, on est frappé par la très grande une apophyse coronoïde très peu élevée; longueur de la face par rapport à celle de la partie - un condyle large et convexe; cérébrale proportionnellement beaucoup plus fai- - une branche horizontale très longue et relati- ble. L'orbite est en position reculée, son bord anté- vement haute dont le bord inférieur présente deux rieur est situé à l'aplomb de la face mésiale de M fortes apophyses; et postérieurement, elle est complètement fermée - une région angulaire très étirée vers le bas et par une barre post-orbitaire. L'orbite est oblique extro versée. par rapport au plan sagittal du crâne de sorte que, comme chez les formes oligocènes d'Amérique du La denture supérieure est caractérisée par : Nord, elle regarde plus latéralement que vers l'avant (10). Malheureusement le processus sous- - l'absence de diastème entre I d'une part et orbitaire du jugal si caractéristique de la famille, C-P d'autre part; n'est pas conservé. A ce sujet, remarquons que ce - une P de très grande taille ; processus n'a jamais été retrouvé sur les fossiles - une P bicuspide avec ou sans encoche sur européens ce qui, compte tenu de l'importance qui son bord antérieur; lui a été donnée en systématique chez les formes - des molaires bunodontes hexatuberculées ou américaines, constitue un handicap certain pour la pentatuberculées (lorsque le métaconule manque, comparaison entre les formes de l'Ancien et du ce qui est fréquent sur M Nouveau Monde. La partie supérieure du crâne comporte deux régions faisant entre elles un angle La denture inférieure est caractérisée par : d'environ 160° au niveau de la constriction post- - des incisives non séparées entre elles, ni de la orbitaire. Le profil de la région antérieure monte en canine, par des diastèmes; pente douce de l'avant des nasaux au niveau du - un diastème C-P1 très court ou absent; bord antérieur de l'orbite puis redescend très légè- - une P, dont les deux racines sont coalescen- rement jusqu'au niveau de la constriction post- tes ; orbitaire. Celui de la région postérieure constitué - des molaires dont les cuspides antérieures par la crête sagittale, très convexe, s'élève jusqu'à sont plus hautes que les postérieures; un point situé à l'aplomb de l'apophyse post-glé- - des molaires à 4, 5 ou 6 tubercules (paraco- nide et hypoconulide peuvent manquer et cette dernière cuspide semble généralement absente sur (9) Au cours de la fossilisation, le crâne de Villebramar a été brisé en trois parties (avant-crâne, arrière-crâne et racine M3). zygomatique droite du temporal) récoltées les unes près des autres dans la couche fossilifère. Nous n'avons pu retrouver Squelette appendiculaire des contacts qu'entre l'avant-crâne et l'arrière-crâne au niveau - le train antérieur est beaucoup plus puissant des parois latérales des pariétaux. Cependant les trois frag- ments appartiennent vraisemblablement au même individu. que le postérieur (hétéropodie fonctionnelle); (10) Chez Dinohyus hollandi PETERSON, 1905 du Miocène - au membre antérieur : l'omoplate a un indice inférieur du Nebraska (U.S.A.), l'orbite est beaucoup plus scapulaire élevé, l'humérus est robuste, le radio- frontale. FIG 2. - Entelodon deguilhemi RÉPELIN. Reconstitution de la tête osseuse (Vil. 1970-53) provenant de Villebramar - Vue latérale.

Remarque : Toutes les pièces du gisement de Villebramar inventoriées, Vil. - Année de découverte - numéro d'ordre, sont conservées au Laboratoire de Paléontologie des Vertébrés et Paléontologie humaine de la Faculté des Sciences de Poitiers.

noïde puis redescend en pente douce vers l'occiput. Amérique du Nord ne possède des nasaux si éten- Parmi tous les crânes figurés jusqu'à ce jour, c'est dus vers l'arrière et ayant cette forme. Birioukov le profil de celui rapporté par Sinclair à Megachoe- (1961), dans son étude de l'unique crâne connu rus zygomaticus TROXELL, 1920 (Scott, 1941, actuellement en Asie, n'a fait presque exclusive- pl. XLI, fig. 1) qui en est le plus proche. ment que la description de l'appareil dentaire et ses figures ne permettent pas de préciser la forme et les VUE SUPÉRIEURE rapports exacts des différentes unités osseuses. Prémaxillaire En vue supérieure, les traits anatomiques les plus surprenants sont la présence d'une part d'un La partie alvéolaire et les processus palatins des crâne cérébral très petit par rapport à une face prémaxillaires sont très endommagés. énorme, d'autre part la présence d'arcades zygoma- Des processus nasaux, seul le gauche est bien tiques (seule la racine postérieure de la gauche est conservé. Sa partie antérieure, élargie, est légère- conservée sur notre fossile) très étendues latérale- ment déprimée juste en avant de l'alvéole de la ment et délimitant ainsi de larges fosses temporales. canine supérieure (c'est dans cette dépression que la Nasal pointe de la canine inférieure venait se loger). Sa partie postérieure étroite se prolonge loin en ar- Les nasaux sont très allongés, étroits et peu rière, entre le nasal et le maxillaire jusqu'au niveau convexes dans leur partie antérieure. Ils s'élargis- du bord distal de P Autant que l'on puisse en sent considérablement et deviennent très convexes juger sur les dessins, il semble que, chez les formes entre les deux processus nasaux des frontaux. De américaines, les processus nasaux des prémaxillai- là, ils se rétrécissent énormément pour se terminer res s'étendent moins loin en arrière (sauf peut-être en pointe à l'aplomb du bord postérieur de l'orbite. chez Megachoerus zygomaticus; Scott, 1941, A notre connaissance, aucun des crânes connus en pl. XLI, fig. 1). Maxillaire (partie faciale) taille (Archaeotherium) alors que chez les formes de En relation avec la grande longueur du museau grande taille (Megachoerus et Dinohyus) il semble dont il forme presque entièrement la paroi latérale, avoir un développement tout à fait comparable à celui observé sur notre fossile. il est très allongé antéro-postérieurement. Sa suture avec le prémaxillaire est très longue et convexe vers l'avant dans son ensemble ; celle avec le nasal Frontal est relativement courte. Le bord postérieur du Les frontaux sont beaucoup plus grands que les maxillaire, en raison de la grande extension du pariétaux. Leur partie horizontale est de forme lo- lacrymal sur la face, ne présente qu'une suture très sangique. Très rétrécis au niveau de la constriction courte avec le frontal. Assez bas sur la face et à post-orbitaire, ils s'élargissent considérablement au l'aplomb de M prend naissance une très impor- niveau des orbites où ils atteignent leur plus grande tante crête faciale qui se prolonge en arrière sur le dimension. A l'avant, leurs processus nasaux sépa- jugal. De là, le museau diminue de largeur jusqu'au rent les nasaux des lacrymaux. A l'arrière, leur niveau de P puis s'élargit à nouveau vers l'avant suture avec le pariétal est située juste en avant de la où il atteint sa plus grande largeur au niveau de crête sagittale. A ce niveau, les frontaux présentent l'alvéole de la canine supérieure. Le foramen infra- une profonde dépression qui se continue vers orbitaire est grand et situé quelque peu en arrière l'avant par deux gouttières larges, peu profondes et du bord mésial de P Comme chez Archaeothe- présentant chacune deux petits foramens avant de rium, il est précédé par une faible dépression en s'estomper sur les nasaux. Ces gouttières sont sépa- forme de gouttière très ouverte. Chez les Entelo- rées sur la ligne médiane par un épais bourrelet des dontes d'Amérique du Nord, ce foramen est placé frontaux auquel fait suite, vers l'avant, la convexité plus en avant : compris entre le bord mésial de P des nasaux. Latéralement et au niveau du toit orbi- et le milieu de P chez les formes oligocènes (Ar- taire, les frontaux sont légèrement déprimés. Au chaeotherium) et à la limite P chez Dinohyus sommet de leur processus post-orbitaire prennent hollandi du Miocène inférieur. Il est situé au même naissance deux importantes crêtes frontales qui re- niveau que sur le crâne de Villebramar chez Ergi- joignent la crête sagittale sur la ligne médiane juste lobia gobiensis TROFIMOV, 1952 (Oligocène infé- en arrière de la suture frontal-pariétal. rieur ou moyen du Désert de Gobi, Mongolie), Dans l'ensemble, les frontaux présentent beau- Entelodon major BIRIOUKOV, 1961 (Oligocène coup de ressemblances avec ceux des formes amé- moyen de la région des Monts Djilantchik, Répu- ricaines. Les seules différences notables sont : d'une blique du Kazakstan) et E. magnus (Sannoisien su- part, leur forme dans la région médiane, très périeur, Ronzon, France). convexe sur notre fossile, plate ou déprimée chez les formes américaines ; d'autre part, leur processus Jugal nasal ne dépasse pas vers l'avant le point le plus Comme nous l'avons déjà signalé, il est très antérieur du lacrymal sur notre crâne, sur les des- incomplet, ses processus zygomatiques et sous-orbi- sins des auteurs américains, il le dépasse toujours. taires manquent. Néanmoins en ce qui concerne ce dernier, la longueur de la cassure observée à ce Pariétal niveau indique non seulement son existence mais Les sutures des pariétaux avec le supraoccipital, aussi sa grande taille. Le jugal s'étendant peu sur la les squamosaux et la partie verticale des frontaux face, son processus maxillaire est peu développé. sont effacées. Ils forment la presque totalité du toit Le processus post-orbitaire est fort et très élargi de la boîte crânienne. Ils se réunissent sur la ligne antéro-postérieurement. Une telle disposition se re- médiane pour former la puissante crête sagittale. Le trouve par exemple chez Megachoerus zygomati- grand développement des crêtes frontales et de la cus, forme où le processus sous-orbitaire est parti- crête sagittale nous incline à penser que le crâne de culièrement développé. La suture avec le processus Villebramar a pu appartenir à un individu mâle. post-orbitaire du frontal est effacée. La cassure de notre crâne au niveau des parié- Lacrymal (partie faciale) taux permet de constater la présence d'énormes sinus frontaux-pariétaux. La moitié dorsale de la Sa partie faciale est très développée. Elle est en boîte cérébrale est entièrement pneumatisée. contact avec le processus nasal du frontal, le maxil- Compte tenu du très faible volume du crâne céré- laire et le jugal. Comme chez les formes américai- bral, l'animal de Villebramar a une capacité céré- nes, le lacrymal ne présente aucun contact avec le brale extraordinairement faible. Les auteurs améri- nasal (11). Le foramen lacrymal s'ouvre sur le bord cains signalent également d'importants sinus chez antéro-interne de l'orbite. Le processus lacrima/is les Entelodontes d'Amérique du Nord. aboralis très développé borde antérieurement une encoche assez profonde. En Amérique, ce proces- Squamosal sus est très peu développé chez les formes de petite Seul le gauche est bien conservé. Sa suture avec (11) Chez le genre Hippopotamus, le lacrymal touche l' os le pariétal est complètement effacée mais il semble nasal alors que chez le genre Choeropsis comme chez les assez logique d'admettre que, comme chez les for- Entelodontes, il en est séparé par le processus nasal du frontal. mes américaines, il ne devait participer que pour FIG. 3. - Entelodon deguilhemi RÉPELIN. Reconstitution du crâne (Vil. 1970-53) provenant de Villebramar - Face occipitale.

une faible partie à la constitution de la paroi laté- importance de la boîte crânienne permet de voir à rale du crâne cérébral. Le bord postéro-supérieur travers les orbites en vue occipitale. du squamosal forme une forte crête lambdoïde, Il n'y a pas d'apophyse mastoïde distincte crête qui se prolonge vers le haut sur le supraocci- (Amastoïdien Pearson, 1927). pital. Le grand développement de la racine zygo- matique du temporal est un des traits anatomiques les plus caractéristiques. En effet, comme chez tous Exoccipital les Entelodontes, cette région est très étendue trans- Seul le droit est bien conservé. Là aussi, les versalement en une lame massive et verticale dont sutures avec le supraoccipital et le squamosal sont le bord supérieur présente un fort processus (ce effacées. Très étalé latéralement, il forme une lame processus est brisé à gauche, mais parfaitement verticale à peu près parallèle à celle formée par le conservé sur la racine zygomatique droite), analo- processus zygomatique du squamosal mais bien gue à celui que l'on observe chez un certain nom- moins large. Ces deux lames sont réunies ventrale- bre d'ongulés (Sus, Tayassu, etc.). La partie du ment par une étroite bande osseuse : l'ectotympa- processus zygomatique qui rejoignait son homolo- nique. Comme chez tous les Entelodontes, l'apo- gue du jugal manque. L'arcade zygomatique très physe para-occipitale est courte et les condyles oc- élargie dans son ensemble délimitait une vaste fosse cipitaux légèrement plus larges que hauts sont bien temporale. séparés. Ces derniers, très détachés de la face occi- pitale, sont quelque peu proéminents. Le foramen VUE POSTÉRIEURE (pl. IVa et fig. 3) magnum plutôt petit est plus large que haut. Au- dessus du trou occipital les deux exoccipitaux sont L'allure si particulière du crâne de Villebramar légèrement proéminents tandis qu'ils présentent en vue postérieure est tout à fait comparable à celle une faible dépression circulaire au-dessus de cha- des Entelodontes d'Amérique du Nord et s'éloigne cun des condyles occipitaux. naturellement très nettement de l'arrière-crâne eu- ropéen attribué à tort par Kowalewsky (1876) à Supraoccipital Entelodon magnus. Récemment, nous avons mon- Pour lui aussi, les sutures avec le pariétal, le tré (Brunet, 1974) que l'arrière-crâne décrit par squamosal et l'exoccipital sont effacées. Sa partie Kowalewsky appartient en réalité au Palaeotherii- dorsale manque dans la région où il participait à la dae : Palaeotherium magnum CUVIER. formation de la crête sagittale et des crêtes lambdoï- La face occipitale est très élargie ventralement. des. Il s'élargit notablement de son bord inférieur Les processus zygomatiques des temporaux et les vers son bord supérieur où il se termine par deux exoccipitaux en forment une très grande partie. processus alaires (seul le droit est conservé), très Comme chez les formes américaines, la très faible proéminents, qui surplombent largement la base du