LE CARTULAIRE DE LA SELVE

LA TERRE, LES HOMMES ET LE POUVOIR EN ROUERGUE AU XIIe SIÈCLE DERNIERES PARUTIONS

Choix du conjoint et patrimoine génétique par J. Vu Tien Khang — A. Sevin ISBN 2-222-02195-2 47 F

v Poèmes chantés des Pyrénées Gasconnes par X. Ravier — J. Seguy ISBN 2-222-02405-6 45 F

Le Comté de Comminges au milieu du XVIe siècle par R. Souriac ISBN 2-222-02398-X 57 F

Le Groupe de Véraza et la fin des temps néolithiques par J. Gui laine ISBN 2-222-02716-0 120 F

Forât et Société par C. Fruhauf ISBN 2-222-02693-8 92 F

Résistants Vichyssois et autres par P. Laborie ISBN 2-222-02782-9 103 F

Viticulteurs en crise à Laure-Minervois par M. Pastor-Barrue ISBN 2-222-02875-2 117 F

Le feu pastoral dans les Pyrénées Centrales par J.P. Métaillié ISBN 2-222-02874-4 117 F

Coutume et rapports sociaux par L. Assier-Andrieu ISBN 2-222-02994-5 93 F

Figure de la sorcellerie languedocienne par J.P. Piniôs ISBN 2-222-03333-0 101 F

Les Juifs et la politique par C. Benayoun ISBN 2-222-03553-8 81 F

Une Académie interprète des lumières par M. Taillefer ISBN 2-222-03606-2 95 F

Démographie paysanne en Bas-Quercy 1751-1872 par J.C. Sangoï ISBN 2-222-03679-8 ...... 78 F CENTRE NATIONAL DE LA RECHERCHE SCIENTIFIQUE CENTRE REGIONAL DE PUBLICATIONS DE TOULOUSE MIDI-PYRÉNÉES

LE CARTULAIRE DE LA SELVE

LA TERRE, LES HOMMES ET LE POUVOIR EN ROUERGUE AU XIIe SIÈCLE

par Paul OURLIAC Membre de l'Institut Professeur émérite à l'Université des Sciences Sociales de Toulouse Anne-Marie MAGNOU Ingénieur de Recherche au C N R S

Ouvrage réalisé dans le cadre de l'Unité associée 247 Laboratoire d'Etudes méridionales

Editions du CNRS 15, quai Anatole- 75700 PARIS CNRS CIRCONSCRIPTION MIDI-PYRENEES

Cet ouvrage a été réalisé par le Centre Régional des Publications de l'Administration de la 14e Circonscription Midi - Pyrénées.

@ C N R S 1985 1 S B N 2-222-03735-2 AVANT-PROPOS

La découverte, dans le fonds de la Commanderie de Malte, du petit Cartulaire de la Selve, est à.l'origine de ce livre. Mal inventorié, le fonds avait échappé à la recherche de Clovis Brunei ; il contient cependant, outre les deux-cent-quatre actes du cartulaire, un précieux rouleau de trente-cinq actes et quelques actes originaux antérieurs à 1200.

La langue écrite en Rouergue à l'époque est bien connue. Sur les cinq- cent-quarante actes publiés par Brunei, trois-cent-trente-et-un en proviennent. Une telle prépondérance n'a jamais été parfaitement expliquée : en Provence, en Auvergne, en Gascogne, les rédacteurs des chartes usent bien rarement de la langue commune ; l'Albigeois, le Bas-Quercy, le Toulousain l'emploient plus souvent ; en Rouergue, elle est d'usage courant de sorte que le pays apparaît comme le centre de gravité de la langue d'Oc. Dès le début du XI le siècle, les scribes en usent pour conserver le souvenir d'une vente, d'une donation ou d'un gage, pour dresser des listes de redevances ou établir le texte des coutumes de Saint-Antonin. La netteté, la précision de cette langue lui permettent d'exprimer, mieux que les actes latins, les conceptions juridiques des contractants. L'écrit n'est rédigé que pour garder le souvenir des paroles dites, des formes observées, des témoins ou des garants qui étaient présents. Un acte latin doit traduire ce qui a été dit et souvent reprend un formulaire tandis que les actes rouergats vont à l'essentiel et, répugnant aux formules savantes, usent du vocabulaire courant.

L'importance des actes de la Selve tient au fait qu'ils concernent un terroir presque isolé sur lequel les familles de , de Barcelone ou de Toulouse n'exercent aucune dominantion. La Selve reste, au XIle siècle, à l'écart des idées nouvelles ; tandis que les Cisterciens de Sylvanès rédigent leurs actes en latin, accueillent des magistri ou des causidici venus de Montpellier, les Templiers paraissent répugner à toute nouveauté.

Rien, dans leurs actes, ne rappelle la féodalité dite classique ; les termes d'« alleu », de « fief », de « viguerie » sont couramment employés mais gar- dent, semble-t-il, leur sens premier ; les mots de « justice », de « seigneurie » ne sont guère entrés dans l'usage. Le pouvoir est lié à la propriété et les « ric ome », appartenant à une dizaine de familles anciennes, sont les maîtres du pays. Il n'existe aucune trace d'organisation domaniale : l'unité foncière est le « mas » dont les hameaux actuels peuvent donner la mesure. Vers 1200 cependant, les structures sociales changent. Les Croisades et la guerre albigeoise provoquent la disparition d'anciennes familles. La mort du dernier comte de Rodez permet à Raimond VI et à Simon de Montfort d'assurer leur autorité en imposant les formes féodales de l'hommage et leur exemple est suivi de proche en proche.

Tant de belles études ont été publiées sur la féodalité du Midi qu'il ne pouvait être question de les reprendre (1). Mieux valait borner notre horizon au terroir de la Selve et le considérer comme une sorte de microsociété qui méritait d'être étudiée en elle-même. Une monographie a paru plus utile qu'une étude générale : elle fait apparaître, au XIle siècle, l'existence d'une société fermée, conservant des usages et des pratiques agraires qui doivent remonter fort loin et des traditions juridiques venant sans doute du Bas- Empire.

Nous publions 255 chartes dont 194 du XIle siècle ; leur langue est tout-à-fait semblable à celle des chartes publiées par Clovis Brunei (2) et il était hors de propos de reprendre la magistrale étude qu'il en a faite. Déjà, dans l'introduction de son Recueil, Brunei souhaitait que les historiens du droit s'intéressent au fond des documents qu'il publiait. Nous avons suivi de notre mieux ce conseil : le vocabulaire nous a particulièrement retenus car nous croyons que c'est par son étude précise que l'on peut vraiment connaître le droit effectivement pratiqué. Il nous a fallu, pour cela, faire table rase de la littérature antérieure et c'est de parti pris que nous nous sommes abstenus de toute annotation qui n'intéressait pas l'établissement du texte. Notre seule ambition a été, à un moment où les publications de textes ne sont guère en faveur, de présenter aux historiens des documents qui, par la langue même dont ils usent, sont fort proches de la réalité sociale.

NOTES

(1) Structures féodales et féodalisme dans l'Occident méditerranéen (Xe - Xllle siècles), Rome, 1980 (et compte-rendu Bibi. Ec. Chartes, 1981, p. 291 - 294). El. MAGNOU-NORTIER, La société laïque et l'Eglise dans la province ecclésiastique de Narbonne de la fin du Ville à la fin du Xie siècles, 1974. P. BONNASSIE, La Catalogne du milieu du Xe à la fin du XIe siècle, croissance et mutation d'une société, 1975. Pour une bonne mise au point : J. POLY et E. BOURNAZEL, La mutation féodale, Xe - X///e siècles, 1980. Pour l'histoire du pays : J. BOUSQUET, Le Rouergue aux XIe - X//e siècles. Les pouvoirs, leurs rapports et leurs domaines, 1971 (dact.)

(2) Clovis BRUNEL, Les plus anciennes chartes en langue provençale ; recueil des pièces originales antérieures au X///e siècle, t. 1, 1926 ; t. Il, supplément, 1952. SOURCES

Le fonds de la Selve avait fait l'objet, après 1741, d'un classement et deux inventaires (côtés aujourd'hui n° 87 et 88) avaient été dressés ; les cotes portées sur les actes sont celles de ces inventaires qui donnent, d'autre part, l'analyse d'actes perdus.

En 1941, un nouveau classement a réparti le fonds en trois séries : les actes H Malte la Selve (layettes ou liasses n° 1 à n° 46), les registres mélangés à ceux d'autres maisons (H Malte la Selve, n° 1786 à 2662), enfin le Cartu- laire coté H. Malte la Selve 2809.

Le Cartulaire n'est pas mentionné dans l'inventaire n° 87 et paraît avoir été perdu aux XVIIle siècle. Les huit cahiers qui le composent sont brochés dans un parchemin relatant un testament du 19 mars 1311 ; un cahier de papier de dix-huit folios, écrit en 1474, à la demande du commandeur de la Selve, Guillaume Ricart, donne le « gidaffolh del libre de las donatios et almornes fachas per los nobles homes effeminas trespassatz d'aquest mon en l'autre ».

Au 204 actes de Cartulaire qui sont publiés (sous leur numéro précédé de la lettre C) ont été joints 35 actes repris dans un rouleau (H Malte la Selve, 1. 39) et 45 pièces isolées contemporaines des actes précédents et de nature à les compléter. Douze actes originaux sont repris dans le Cartulaire ; leur texte a été publié sous le numéro (suivi de la lettre A) qu'ils avaient dans le Cartu- laire et de préférence au texte de celui-ci dont les leçons sont données en note. De même, pour 16 actes du rouleau figurant dans le Cartulaire, les leçons données par le rouleau ont été préférées ; ils portent le double numéro qu'ils ont dans le Cartulaire et dans le rouleau (C 126-R 1). Dans le cas de textes très différents, les deux actes ont été publiés (C 125 et C 158).

Les 19 actes ne figurant que dans le rouleau gardent le numéro qu'ils ont dans celui-ci, précédé de la lettre R. Les pièces isolées ont été classées chronologiquement et leur numéro est affecté de la lettre P (P 1 à P 33). Le fonds de la commanderie de Sainte Eulalie, fort proche de la Selve, a été dépouillé ; les actes de ce fonds sont cités : H Malte Sainte Eulalie. Carte 1 : Le pays de la Selve

ABREVIATIONS

H. de BARRAU, Documents historiques et généalogiques sur les familles et les hommes remarquables du Rouergue dans les temps anciens et modernes, 4 vol. 1853 - 1860.

A. BONAL, Comté et comtes de Rodez, Rodez, 1885.

A. BONAL, Histoire des évêques de Rodez, éd. J.L. RIGAL, Rodez, 1935. ABB L.C.P. BOSC, Mémoire pour servir à l'histoire du Rouergue, 3e éd., Villefranche-de-Rouergue, 1903.

C. BRUNEL, Les plus anciennes chartes en langue provençale ; recueil des pièces originales antérieures au XIIle siècle, 2 vol., Paris, 1926 - 1952.

C. COUDERC, Bibliographie historique du Rouergue, 4 vol., Rodez, 1931 - 1934.

A. DU BOURG, Histoire du grand prieuré de Toulouse, Toulouse, 1883.

H. de GAUJAL, Etudes historiques sur le Rouergue, 4 vol., Paris, 1858-1859. A. MOLINIER, La sénéchaussée de Rouergue en 1341, dans Bibl. Ec. des Chartes, T. XLIV, 1883. I.N.S.E.E., Nomenclature des hameaux et écarts.

Cartulaire des abbayes d'Aniane et de Gellone, éd. P. ALAUX, abbé CASSAN et E. MEYNIAL, 2 vol., Montpellier, 1898 - 1905. Cartulaire de l'abbaye de Bonnecombe, éd. P.A. VERLAGUET, Rodez, 1918- 1925 (Arch. historique du Rouergue, t. V). Cartulaire de l'abbaye de Bonneval, éd. P.A. VERLAGUET, Rodez, 1938 (Arch. historique du Rouergue, t. XIV). Cartulaire de l'abbaye de Conques en Rouergue, éd. G. DESJARDIN, Paris, 1879.

Cartulaire des Templiers de Douzens, éd. P. GERARD et E. MAGNOU, Paris, 1965.

Cartulaire de l'abbaye de Nonengue, éd. C. COUDERC et J.L. RIGAL, Rodez, 1950.

Cartulaire de l'abbaye de Sylvanès, éd. P.A. VERLAGUET, Rodez, 1910. Cartulaire des Templiers de Vaour, éd. C. PORTAL et E. CABIE, , 1894. Cartulaire général de l'Ordre du Temple, éd. marquis d'ALBON, Paris, 1913. CHAPITRE I

LE PAYS ET SES HABITANTS

Le pays entre Tarn et est toujours demeuré à l'écart des grands axes routiers. Le relief même conduit au particularisme. L'impression première est celle d'une plaine mais qu'interrompent brusquement des vallées ou des gorges dans lesquelles les ruisseaux — Céor, Giffou, Cone, , — ont creusé leurs méandres. Les parois sont tantôt abruptes, tantôt coupées de méplats. Mais le relief, comme on l'a dit souvent, est en creux ; du haut de chaque côte, la vue s'étend au loin, les ondulations dessinant leurs lignes parallèles. A l'est, vers Pont-de-Salars, et Villefranche-de-Panat commence le Levézou, plus élevé, plus homogène. Partout, des mottes isolées dominent de quelque deux-cents mètres le paysage : massifs de Saint-Jean-Delnous et de Lagast, ou simples buttes rocheuses qui paraissent encore commander le pays, tel, par exemple, le pic de Peyrebrune haut de 890 mètres, telles encore les buttes de Courviala, de Castelpers ou, au sud du Tarn, de Gozon (1).

Le paysage est celui du Ségala que tout oppose au Causse ; le Causse est le pays calcaire où pousse le froment, où les chemins sont bons et secs ; le Ségala est le domaine du seigle et de la châtaigne, la moindre pluie y détrempe le sol et rend tout charroi difficile. Le granit fournit les terrains de culture, le schiste, les pâturages. Vers l'est, le haut plateau du Levézou domine le Ségala dont le sépare, à 750 ou 800 mètres d'altitude, un replat entaillé par des rivières comme l'Alrance ou creusé de cuvettes comme celle que traverse le Vioulou.

Au XVIIle siècle encore, les plateaux sont couverts de genêts et de bruyères, tandis que dans les gorges les forêts demeurent presque inacces- sibles (2). Les hommes fuient le fond des vallées trop humide, comme les sommets exposés aux vents ; ils préfèrent s'établir à mi-hauteur sur les replats ; mais cela même contribue à les isoler. L'horizon de chaque terroir est borné et ses limites sont comme inscrites sur le sol : « Chaque lieu habité apparaît comme le centre d'un ilôt perdu dans l'océan des landes et des bois » (3).

Sous la domination romaine, le Ségala oriental appartint à la Civitas Rutenorum (à l'exception, semble-t-il, de la région de Faussergues) (4). La route de Rodez à Lodève le contourne au nord, vers et Canet- de-Salars (5). La toponymie et l'archéologie indiquent, d'autre part, que la colonisation n'y atteignit pas la densité qu'elle eut dans les vallées de l' ou du Tarn. Pendant cinq siècles, « les Rutènes n'ont pas d'histoire » (6).

Leur bonheur fut troublé, au Ve siècle. Après Vouillé, Francs et Visigoths se disputent le pays, mais sa pauvreté même dut tenir le Ségala à l'écart des grands bouleversements ; il ne connut ni les établissements visigoths, ni une véritable pénétration franque (7). En 793, les dévastations des Sarrasins furent, en revanche, assez graves pour qu'Ermold le Noir les mentionne (8). La région de Conques serait devenue un désert. Tous les habitants auraient fui (9) et on peut croire qu'ils avaient cherché un refuge à l'est, dans la partie la moins accessible du Ségala.

Au Xe siècle, la vicaria constitue la division normale du Rouergue et la région de la Selve ressortit à la vicaria Begoniensis dont faisaient partie (10) et vraisemblablement (11) et dont l'actuel Bégonhès conserve le nom. Au nord, vers Arvieu, existait une vicaria Cannedensis (12) qui correspondait au pays de Salars, autour de Canet-de Salars ; elle devait confronter au ministerium Laciacense dont le centre était Laissac (13). A l'est, dans la direction de , Saint-Georges-de-Luzençon était le centre du ministerium Sancti Georgii qui s'étendait jusqu'à Azinières et Castelnau- Pégayrols (14). Au sud, vers Saint-Affrique, il est fait mention d'une vicaria Catuiensis où, d'après une donation de 942, était situé (15). La vallée de l'Alrance, vers et Brousse-le-Château, faisait partie d'un ministerium Canaviliense qui devait être situé sur les bords du Tarn (16). C'est là, entre Alrance et Gaycre, qu'aurait été livré au IXe siècle, un combat décisif contre les Normands qui, après avoir mis Toulouse à sac, pillent le Rouergue (17).

Pendant les deux siècles qui suivirent, le relief rompu et l'ingratitude de son sol préservent le pays de grand bouleversement. Il ne connut ni les dévas- tations que subirent le Bas-Languedoc et la Catalogne, ni la renaissance qui marque le Xle siècle. Comme toujours, l'isolement fut facteur de permanence et celle-ci concerne tout à la fois la condition des terres et des personnes. Le témoignage des actes du XI le siècle est, à cet égard, irrécusable. Le mas qui constituait la structure élémentaire de la propriété subsiste (section 1) sans que l'effort de peuplement et de défrichement, apparent vers 1160, parvienne à l'entamer (section II). Le propriétaire est maître chez lui, maître du sol et maître des hommes qui l'habitent et sur lesquels il exerce son pouvoir (section III). SECTION I — LA PERMANENCE DU MAS

Villa, mas et capmas — Rien dans nos actes ne rappelle les divisions ancien- nes — ministerium ou aïce. La vicaria, souvent mentionnée, n'est qu'un droit sur la terre. Les seules limites qui permet- tent de préciser la situation d'un fonds sont celles des paroisses. S'il est fait mention d'assez nombreuses églises, souvent situées dans des régions presque abandonnées, rien ne rappelle l'existence d'une villa. Le mot peut désigner un village, sauveté ou simple hameau (18), mais on en use, semble-t-il, de préférence pour des villages anciens : ainsi Bégon qui peut avoir été le centre du ministerium Begonense, ainsi encore, Durenque, Rullac, Ventajoux, Ortizet (19).

Seul subsiste le mas qui constitue l'unité foncière. Son individualité est assez forte pour que son nom suffise à le désigner. Tandis que les confins des vignes, des bois, des pâturages sont toujours indiqués, les limites d'un mas ne le sont jamais (20) : ce qui incline à croire que les terres qu'il comporte sont d'un seul tenant. Une seule précision est, parfois, fournie : le mas est transmis erm e vestit, ce que traduit l'expression cultum et incultum des chartes latines et implique que les terres du mas pouvaient être cultivées ou laissées incultes (21). L'erm, plutôt qu'un pâturage, paraît être une jachère (22). Au XIIle siècle, on l'oppose au condreig, ce qui reprend une terminologie courante dans le Midi dès l'époque carolingienne (23).

Des bois ou des pâtures peuvent, sans doute, être compris dans les limites d'un mas (24) ; mais, le plus souvent, ils en paraissent distincts et la possesssion du mas comporte simplement divers droits d'usage : le conderser qui doit être le marronage (25), l'affouage (26), le pacage (27), la paisson ou glandée (28).

Rien, apparemment, ne distingue la structure d'un capmas de celle d'un simple mas (29) : tout au plus doit-on remarquer qu'un même nom est attribué fréquemment à un mas et à un capmas (30) ; le mas du Puit comporte même deux campas (31). Une charte de Gellone suggère l'idée que le capmas peut conserver le souvenir de l'ancien indominicatum (32), ce que confirme- rait le fait que le village de était bâti à l'emplacement d'un ancien capmas (33).

Quant aux expressions mas gleial ougleisastque, elles peuvent se rappor- ter à des terres qui étaient proches d'une église ou qui en avaient constitué anciennement la dotation (34).

La consistance du mas — Il est fréquent que les droits prétendus sur un mas — le fief ou l'alleu, par exemple — ait été partagés ; mais la lecture des actes laisse l'impression que cette divi- sion est plus juridique que réelle et que l'exploitation elle-même n'a été, au moins au XI le siècle, que rarement morcelée. Les mentions de demi-mas n'apparaissent qu'au XIIle siècle et l'expression n'implique pas forcément un partage (35). Le mas rouergat aurait ainsi échappé au fractionnement qui a été si fréquent dans d'autres régions. Plus qu'une exploitation, il constitue un terroir dont les accidents du relief ont préservé l'individualité et dont les hameaux actuels gardent encore le nom et la structure (36).

On voudrait connaître la superficie moyenne d'un mas. Nos actes donnent, à cet égard, quelques indications dont l'interprétation est toujours difficile.

Parfois, les limites fournies permettent une mesure directe : ainsi la donation faite, en 1206, par le seigneur de Salmiech porte sur cinq mas et deux apendaries qui devaient représenter de 600 à 800 hectares (37). Les quatre mas donnés en 1233 par P. de la Garda pouvaient couvrir quelque 500 hectares (38) et les quatre mas de Peyralbes (39) avaient sensiblement la même importance. La superficie du mas de la Crotz paraît être d'au moins cent-cinquante hectares (40). Même si l'on admet que la moitié des surfaces ainsi calculées étaient occupées par des bois ou des terres vagues qui n'en faisaient pas proprement partie, on aboutit à reconnaître à chaque mas une surface d'une soixantaine d'hectares.

Le chiffre est, d'ailleurs confirmé par une autre approche. On peut admettre que la paroisse de Faussergues comportait, outre les dix-huit mas donnés par Duran d'Alban et énumérés par lui, sept autres mas sur lesquels il possédait la demi-dîme (41), ce qui correspond très sensiblement au nombre de hameaux actuels (vingt-deux). De même, la commune de la Selve, pour une superficie actuelle de 4 827 hectares, comporte vingt hameaux dont les noms apparaissent dans nos actes et quinze environ dont le nom peut établir l'ancienneté soit, au total, trente-cinq hameaux. La commune de Rullac, avec 3 773 hectares, compte vingt-trois lieux-dits (et vingt-et-un mentionnés au XIle siècle). Salmiech, avec 2 828 hectares, comporte dix-neuf lieux-dits anciens. Chaque hameau aurait donc, en moyenne, 140 hectares et chaque mas, si l'on admet pour les bois la correction déjà indiquée, aurait de soixante à soixante-dix hectares. Au nord et à l'est de la Selve, les hameaux sont nette- ment plus étendus. Le pays est encore couvert de bois dont l'étendue pouvait, au XI le siècle, être double de celle des cultures. A Arvieu, pour 4 697 hectares, il existe cinquante-huit lieux-dits, mais vingt-huit seulement paraissent anciens ; ce qui donnerait pour chaque mas une étendue de 177 hectares. Le même chiffre, à une unité près, se retrouve à Ayssènes pour 2 323 hectares et treize lieux-dits anciens et à Villefranche-de-Panat pour 3 026 hectares et dix-sept lieux-dits anciens (42).

Dans la région proche du Tarn, le même 'calcul aboutit au chiffre de 90 hectares à Broquiès, de 94 hectares à Réquista, mais les bois et les landes y sont plus rares et ils ne devaient guère occuper plus d'un tiers du pays ; ce qui conduit encore à chiffrer la surface moyenne d'un mas à une soixantaine d'hectares.

Pour une superficie d'environ 6 000 hectares, entre le Glandou, le Céor et la Cone, trente-quatre mas ont pu être identifiés ; il en existait cinq autres dans la paroisse de Rullac et huit dans celle de la Selve dont les noms ont disparu ; si l'on admet toujours qu'une moitié du pays n'était pas amansée, la superficie moyenne du mas s'établirait à soixante hectares.

Le même chiffre est encore fourni par une autre méthode de calcul : on peut admettre que le triangle défini par le centre de trois mas contigu a une superficie qui est du tiers ou du quart de la superficie moyenne des mas. Appliquée aux mas de Roufenac, Bessous et Batut, cette méthode donne une superficie, pour chaque mas, de cinquante hectares. Dans la région des Faux, pour les mas d'Aussalesses, du Maubert, du Marnai, pour les mas de Cayras, des Faux et Lalic, pour les mas de Lalic, Routaboul et du Coutal, on aboutit à soixante-dix hectares environ.

Ces chiffres peuvent paraître élevés ; ils sont pourtant confirmés à la fois par des indications relatives aux habitants des mas et à la quantité de céréales qu'ils produisent.

Un acte qui doit dater de 1200 environ (43) et qui recense les revenus de la commanderie, paraît bien impliquer que sur le mas de Claméoux vivaient trois hommes et trois femmes. A Thouels, il est question d'un labour de trois paires de bœufs (44).

D'autre part, pour trois mas, le rapport de la redevance du quart aurait été de dix-sept setiers de céréales ; pour deux autres mas, d'un muid de blé, ce qui doit équivaloir à seize setiers. Un autre mas aurait été grevé d'une rede- vance de onze setiers — ce qui correspondrait, pour chaque mas, à des récoltes de vingt-trois, trente-deux ou quarante-quatre setiers. En ce qui concerne le demi-mas du Pouget, le chiffre donné — trente-quatre setiers de blé — est si élevé qu'il doit correspondre non à la redevance, mais à la récolte qui aurait été ainsi, pour le mas entier, de soixante-huit setiers. Si l'on admet, pour le setier de la Selve, le chiffre du XVIIle siècle (88,11 litres), il s'agirait de récoltes de vingt, vingt-huit, trente-huit ou soixante hectolitres, chiffres qu'il faudrait sans doute majorer d'un tiers ou d'un quart pour tenir compte des semences. La superficie emblavée pouvait donc être, pour chaque mas, de trois à dix hectares (45).

Il faut, certes, suivre le conseil de M. Boutruche et ne pas être « hanté par le souci d'établir des moyennes » (46). La correction qui a été faite pour tenir compte des bois et des friches est forcément arbitraire, d'autant que les mas comprenaient également, d'après les actes eux-mêmes, des terres hermes. Même si l'on devait admettre que la part laissée aux cultures n'était que d'une trentaine d'hectares (47), l'importance du mas n'en serait pas moins fort remarquable. L'aridité du Ségala peut suffire à l'expliquer ; mais il est aussi possible d'y voir un trait d'archaïsme ; mieux que dans des pays plus ouverts, le mas rouergat a gardé sa consistance ancienne. Il n'est pas un groupement plus ou moins arbitraire de parcelles que l'intérêt ou la fantaisie de son propriétaire peut dissocier ou disperser, mais une exploitation cohérente dont l'unité est imposée tout à la fois par le relief et par les nécessités de la culture. Au XVIIle siècle encore, le terroir conserve la même structure. Un livre terrier de 1746 mentionne, pour le territoire de l'actuelle commune de la Selve, les redevances dues par deux-cent-vingt-quatre maisons, des jardins, des prés, des terres, enfin par vingt-neuf « masages ». La superficie cultivée qui est indiquée était de 1 810 ha, soit un peu plus du tiers de la superficie totale de la commune. Les jardins et les maisons n'occupent pas plus de 200 ha et l'étendue des prés paraît légèrement inférieure à ce chiffre. C'est dire que plus de la moitié de la superficie était encore inculte. Le même document fait bien apparaître, d'autre part, les différences d'étendue qui existent entre les masages. L'étendue moyenne est de 60 ha, mais le plus petit, le Merlet, n'a que 18 ha. Artieux et Loupis ont de 40 à 50 ha, Bégon, le Clapiès, la Fourque, ont de 100 à 110 ha, enfin Montels atteindrait 500 ha.

Un autre renseignement est, enfin, fourni par le même terrier : cent-vingt cultivateurs auraient résidé sur les masages et une soixantaine dans le village ; il y aurait eu, en moyenne, quatre familles par masage et un homme pour dix à quinze hectares (48).

Toponymie et habitat — La toponymie confirme, d'ailleurs, cette stabilité de l'habitat : environ les trois quarts des noms fournis par les actes du XIle siècle se retrouvent dans les lieux-dits actuels et, pour beaucoup, il devait s'agir de désignations fort anciennes. Comme dans l'Albigeois et dans l'Auvergne, les noms dont l'ori- gine gauloise est certaine sont rares (49). Le pourcentage des noms en -ac est notablement plus faible qu'en Auvergne, mais nettement supérieur à celui de l'Albigeois (50) : souvent, d'ailleurs, le même nom est donné au mas et au village dont il dépend : Auriac, Connac, Rullac. De même, le nom de Faussergues doit remonter à des terras ou villas Favanzanicas (51), Lentin à un fundus Lentinius.

Il est normal que ces noms, qui doivent être les plus anciens, existent dans les vallées et à proximité des rivières. Les noms des autres mas prennent des formes occitanes (52). Certains toponymes peuvent garder le souvenir des quelques défrichements effectués au Xe ou XIe siècle : ainsi le nom de la Selve, ainsi encore les mas de l'Erm (53), de la Lande (54), de Laubigue (55).

Souvent, la désignation tient à quelque particularité du fonds : les noms de la Calm ou la Calmette rappellent l'existence de landes ou de bois et, plus spécialement, d'un plateau rocheux. Les mas dits de la Combe comportaient une vallée ou tout au moins une dépression, le mas du Clot, un terroir en cuvette, le mas de la Coste, une petite colline, le mas de la Roque, une falaise sur le Tarn, le mas du Clapiès, des rocailles, le mas du Batut, un chemin battu, le mas de Pendedis, un relief en pente, les mas de la Grèze et de Grazelles, un terrain graveleux, couramment appelé greza dans le pays. désigne une ligne de crête ou une simple croupe qui se termine le plus souvent par un puech aux pentes plus ou moins abruptes. Beaucoup de noms se rapportent aux arbres ou aux plantes et donnent une idée de la végétation : des hêtres devaient exister dans la région d'Arvieu où l'on trouve les mas des Faux et du Fau. Les frênes, attestés par les noms de Fraisse ou Fraissenet, existent dans tout le pays, à Thouels et Ayssènes comme à et à Saint-Jean-Delnous. Il en est de même des bouleaux dont les nombreuses Bessière conservent le souvenir. D'autres arbres parais- sent plus rares : des saules à Sauguières, des noisetiers ou des coudriers dans la vallée du Céor, à la Vaissière, des aulnes vers Ayssènes, au Vernet. Aux confins de l'Albigeois, des tilleuls apparaissaient au Teil et des ormes vers Réquista. Les mas de Prunet et des Sérieysses situent des pruniers et des cerisiers vers Durenque ; le mas du Périé des poiriers au-dessous de cinq-cents mètres, vers Ledas. Des pervenches donnèrent son nom au mas de Preven- queira, en Albigeois, des aubépines, aux mas de l'Albespi vers Réquista et d'Espinous vers Salmiech, des buissons à la Boiseira, des bois branchus au mas de la Ramière, vers Rullac, des bois taillis aux mas du Bosquet, des genêts aux mas de la G ineste.

SECTION II — LES DEFRICHEMENTS

L'apendaria — Les modifications qu'ont pu connaître, avant le XI le siècle, les structures rurales demeurent à peu près inconnues. Il est possible qu'une ancienne organisation domaniale, surim- posée aux mas, ait disparu et que les capmas procèdent d'une ancienne réserve; rien, cependant, ne l'indique. Au IXe siècle, la région de la Selve a pu être le refuge de quelques fuyards venus de l'Albigeois ; mais elle était trop pauvre et aussi trop peuplée pour attirer, par la suite, de nouveaux venus. Elle dut, néanmoins, connaître, comme le reste du Rouergue, l'essor démogra- phique qui imposait la recherche de nouvelles terres. Les défricheurs por- tèrent leur effort sur les étendues qui n'avaient pas été amansées et que nos actes désignent de noms divers, apendaria, parra, pâturages ou même vignes, prés ou jardins. Il s'agit toujours, croyons-nous, d'une exploitation nouvelle qui peut s'appuyer sur un ancien mas, mais qui demeure distincte de lui.

Constituée à l'image du mas, l'apendaria est souvent mentionnée dans les actes rouergats (56). Les formules qu'ils emploient confirment l'idée bien souvent exprimée (57) que Y apendaria est constituée de terres reprises sur un mas. Il existe, par exemple, un mas et une apendaria de la Coste, une apen- daria du mas du Puig, des apendaries pour chacun des trois mas de Régagnac, Rocillac et Secacrosta (58).

Si Y apendaria était, à l'origine, la dépendance d'un mas, elle paraît le plus souvent avoir acquis, au XIle siècle, sa pleine autonomie culturale (59) et possède la même structure que le mas. Le fait qu'elle supporte une rede- vance plus faible (60) inclinerait à croire qu'elle constitue une exploitation de moindre importance. Des actes imposent, cependant, d'atténuer quelque peu ces conclusions. L'étendue de quelques apendaries paraît assez considérable ; leur prix de vente est élevé (61) et plusieurs ménages paysans peuvent y vivre (62). Sur les terres qui en dépendent, les lotissements peuvent être faits et des maisons construites (63), ce qui aboutit à une majoration des redevances (64).

Cela même paraît donner à l'apendaria sa véritable portée ; elle est un terroir en devenir ; tandis que les terres anciennement cultivées gardaient la forme traditionnelle des mas et que ceux-ci conservaient leurs limites, les apendaries évoluent au gré des circonstances.

Jusque vers 1150, le défrichement a normalement porté sur les terres incultes qui dépendaient d'un mas et celui-ci a été pris pour modèle. Il est normal, comme le constatait M. G. Fournier pour l'Auvergne (65), que les apendaries existent à la limite de terroirs boisés et qu'elles soient le résultat d'un défrichement : au moins trois des apendaries mentionnées peuvent être situées près de Salmiech (68), quatre vers Broquiès (67), trois à Rullac et Bégon (68). On peut admettre également que l'apendaria de Bellesagnes avait été conquise sur des marais (68), l'apendaria du Pradil sur une friche (70).

En revanche, vers 1150 et, peut-être, sous l'action des Templiers, la mise en culture a porté sur des terroirs plus importants et elle a été appa- remment une œuvre collective : au terroir de Régagnac, de Rocillac et de Secacrosta des croix de peuplement étaient proches des apendaries (71). On construisait vraisemblablement des maisons neuves sur l'apendaria du Pradil comme sur celle de Val Aldra (72).

La solidarité d'intérêts qui, forcément, existait à l'origine entre les premiers colons persista chez leurs descendants et elle ne put qu'être fortifiée par l'existence ou la création de liens de parenté ou d'alliance : que de telles communautés rurales aient existé sur d'anciennes apendaries, les actes en fournissent tout au moins quelques indices. Ainsi à Clauzelles, il est probable que le terroir avait été anciennement occupé et qu'il avait constitué un hameau de quelques habitants avec une église; quelques terres étaient ratta- chées au mas du Clot et cultivées par un nommé Bernart Palers (73) ; le reste, qui était le domaine des bois et des friches, dut constituer l'apendaria (74) que les Peyrebrune concèdent, dans le cours du XIle siècle, « aux Bocarts ». Il s'agit manifestement de défricheurs auxquels est consenti une sorte de complant; ils doivent payer le quart et les dîmes et ils devront subir, s'ils dissimulent une partie des récoltes, le partage du fonds. L'indivision persistera au moins jusqu'au XVe siècle (75). Les Bocarts payaient, à l'époque, une redevance de onze setiers ; ils avaient construit des maisons sur l'apendaria à laquelle leur nom est couramment donné (76). Cinq actes de la comman- derie de Sainte Eulalie offrent un exemple analogue : une apendaria dite du moulin appartient à une douzaine de personnes appelées les Moliners (77).

Les apendaries, n'ont pas, en général, dans la région, l'importance du manse. Elles n'ont pas eu la même stabilité que celui-ci et sont demeurées sans doute assez rares puisqu'elles ne sont mentionnées que par dix-huit de nos actes. Ceux-ci émanent, pour la plupart, des grands personnages de la région, Cadars, Peyrebrune, Castelpers, Cardaillac qui prirent norma- lement l'initiative de campagnes de défrichement. Enfin, au moins dans la région de la Selve, la fondation des apendaries paraît être antérieure à l'installation des Templiers et appartenir à une époque où le modèle du mas est encore gardé (78).

Les parras — Après 1150, les défrichements portent plutôt sur des terres isolées, parcelles, champs ou vignes cultivés par des brassiers qui habitent sans doute le hameau voisin. Les friches sont parfois appelées ausedatz (79), mais la parcelle mise en culture est désignée par nos actes du terme de parra : le mot est usuel en Rouergue et il désigne souvent un jardin ou un enclos (80) ; mais il doit plutôt s'entendre d'une pièce de terre qui a pu être détachée d'un mas dont elle garde le nom (81) et qui est souvent à proximité d'un bois ou d'une lande. Les redevances stipulées consistent en seigle et en avoine (82) et, quelquefois, en agneaux (83) ; dans quelques actes, la parcelle paraît constituer un lotissement : un acte men- tionne, par exemple, une parra de six setérées et un jardin d'une setérée, en indiquant que des maisons devront y être construites (84).

Les actes font fréquemment allusion à un autre trait qui caractérise la condition des parras. Tandis que les mas et les apendaries supportent une redevance du quart et sont constitués, de ce fait, de terres dites quartières, camps quartius, les parras ne sont soumises qu'au payement d'un cens, d'ailleurs assez considérable (85) : quatre setiers pour six setérées (86). Parfois, le cens est dû en deniers, qu'un acte quercynois qualifie de parranensc pour les opposer à la redevance du quart (87). A côté des parras, les chartes mentionnent des jardins, des vignes, des prés qui constituent une importante partie du patrimoine de la Selve.

Les jardins et les vignes — Les jardins, toujours appelés orts, sont le plus souvent cités avec la maison dont ils sont tout proches (88); ils sont généralement désignés du nom de leur possesseurs ; les redevances qu'ils portent indiquent qu'ils sont assez conséquents (89). Le casai, rarement mentionné (90), doit désigner une petite maison avec un jardin ou un verger (91).

On distingue la vinna et le vinnal (92), celui-ci apparemment plus étendu ; les vignes sont énumérées avec les jardins. Le terroir où elles sont complantées, parfois avec des noyers (93), est, comme en Auvergne, fréquem- ment appelé clos (94). Elles existent surtout, comme il est normal, dans la vallée du Tarn et leur production doit être assez faible puisque le cens perçu sur un enclos n'est que d'une comporte de raisins (95). Quelques vignes supportent non un cens mais une redevance du quart (96).

Tous les mas dont la situation le permettait devaient avoir leur vigne propre ; une fois au moins, il paraft indiqué que les vignes ont été prises sur l'étendue d'un mas (97), mais le fait même qu'elles sont le plus souvent mentionnées avec les jardins et les casais, les situe parmi les terres écalées et indique qu'elles sont le lot des paysans les plus pauvres. Les prés — Les indications concernant les prés sont très rares dans les actes du XI le siècle ; elles sont relativement bien plus fréquentes au XIIle siècle (98). Le cens payé est de quelques deniers, ce qui marque bien leur exiguité : il s'agit nettement de parcelles closes situées au voisinage de la maison et du jardin et, souvent aussi, d'un ruisseau. Le pradal, mentionné dans les énumérations en même temps que le pré, est un pré non fauché fort semblable à une pâture. L'expression pradal de laor doit indiquer que cette pâture a été labourée (99).

Le terme de pastural désigne les pâturages, landes ou friches qui parfois peuvent être compris dans les limites d'un mas (100), mais qui, le plus souvent, en sont distincts. Le propriétaire possède, comme sur les eaux, le deves qui est le droit de les mettres en défens et qui est souvent rattaché à la viguerie (101). Le mot de pasquier est plus rarement employé (102) et il se rapporte à une étendue boisée. Un acte concernant la commanderie des Canabières mentionne le pasqueir del bosc (103) et celui-ci devait concerner le panage des porcs.

Les rédacteurs des chartes usent, enfin, de divers mots dont le sens est assez vague. C'est le cas de l'honor qui peut s'appliquer à toute terre dési- gnant, par exemple, après une énumération, l'ensemble des bien donnés (104) ; c'est encore le cas de terra (105) ou de aver qui peut indifféremment s'appli- quer à de l'argent ou à une tenure ( 106).

Camp ou cambo a le sens de terre cultivée mais aussi celui de propriété (107). Terrador paraît réservé au terroir dépendant d'un village ou même d'un mas et il est parfois délimité par des bornes (108). Le mot de fadenda peut être pris dans le même sens (109), mais il est plutôt employé par nos actes pour désigner les possessions d'un fevater (110). Pessa est fort peu employé (111) et s'applique à la parcelle distraite d'un champ (112). Castanier et noguer paraissent s'appliquer aux arbres eux-mêmes plutôt qu'à une châtai- gneraie ou à une noiseraie (113).

On trouve quelquefois les termes de boaria, boria ou bordaria. Boaria, employé dans les actes les plus anciens, paraît désigner la partie du mas exploitée par des bœufs (114) ou, peut-être, les étables (115). La boria, plus rare, désigne un terroir assez vaste pour avoir besoin d'être délimité (116) ; il peut s'agir, comme le suggère un acte publié par M. Brunei (117), de terres assez récemment labourées. Quant à la bordaria, elle doit être une exploi- tation fort analogue à un mas, mais, sans doute, plus petite que lui (118).

SECTION III — MAITRES ET SUJETS

Le milieu social - Loin des grands axes routiers, pauvre et largement boisé, le pays de la Selve n'en est pas moins relativement peuplé. Chaque mas pouvait héberger une dizaine de personnes et il existe, vers la fin du XI le siècle, d'assez nombreux villages. Au moins dans la haute classe, les familles sont nombreuses : en définitive, le pays paraît presque aussi peuplé qu'il l'est actuellement. L'homogénéité du milieu social, commune à toute société agricole, est ici fort nette. Nos chartes ne mentionnent pas de marchands et fort peu d'artisans (119). Dans les villages habitent quelques familles puissantes : ainsi Guillem Seinorel a une maison à Salmiech, Bernart de Verdun en a une à Verdun (120).

Qu'il y ait dans cette société des maîtres et des sujets, la chose est bien certaine, mais les titres de domination ou de dépendance apparaissent mal. Une charte du Xe siècle fournit, cependant, un témoignage curieux en indi- quant que, suivant les anciennes lois, l'individu ex nobili genere ortus a seul le privilège de pouvoir aliéner ses biens (121). Le lien ainsi établi entre la noblessse et la libre disposition des terres traduit une équivalence de droit ou de fait entre liberté et propriété.

Tel paraît bien le sentiment implicite de tous les rédacteurs des actes. La propriété du sol est à la fois signe de liberté et instrument de domination. Le maître est essentiellement le propriétaire. Tous ceux, en revanche, qui ne possèdent pas une propriété pleine et entière — qui sera définie comme un alleu — sont placés sous la dépendance d'un maître. Dépendance qui peut avoir, d'ailleurs, bien des formes et des degrés divers que rappellent les longues énumérations données par les actes (122).

Les « hommes naturels » sont apparemment des « natifs » qui dépendent du mas sur lequel ils sont nés. La situation des fevaters est plus complexe. Leur dépendance tient encore à la terre, mais elle peut se colorer de liens personnels qui apparaissent mal ; entre eux existent, d'ailleurs, des différences sociales mal rendues par le vocabulaire des actes mais néanmoins certaines. Il existe, enfin, une catégorie assez énigmatique : des hommes sont vendus avec leurs descendance bien qu'ils appartiennent à des lignages puis- sants ; ce qui fait forcément penser à des chevaliers-serfs.

Les « rie ome » — Le pays est dominé par quelques familles qui, d'ancien- neté, détiennent le pouvoir : leurs membres sont, suivant les termes d'une charte, les rie ome d'esta terra (123) et l'expression marque bien que leur influence vient des terres qu'ils possèdent. Ces personnages, les chartes les désignent souvent par leurs prénoms, voire des surnoms, ce qui rend leur identification difficile. Dès le Xle siècle pourtant, l'usage courant est de donner à chacun le nom du principal château de sa famille, mais la règle ne va pas sans de nombreuses exceptions. Le même individu peut avoir plusieurs noms (124), le fils ne pas reprendre le nom de son père, des frères porter des noms différents (125). Dans une famille les mêmes prénoms sont souvent repris à chaque génération, les femmes sont le plus souvent désignées par leur seul prénom et celui-ci, plus caractéristique, est souvent accolé, pour les distinguer, aux noms de leurs fils. Nul ne se qualifie de noble : la supériorité est trop certaine pour qu'il soit besoin de l'exprimer. Entre les divers membres de cette aristocratie exis- tent forcément de nombreuses alliances, mais aussi un sentiment de solidarité qui se manifeste dans les longues listes de témoins ou de garants cités dans les actes. Ces listes font apparaître, d'ailleurs, que les mêmes personnages sont toujours cités ensemble et que les liens plus étroits existent entre certains lignages. Cette solidarité n'emprunte jamais rien au langage féodal. Nul ne se déclare le vassal ou l'homme de quiconque ; aucune mention n'est faite, dans nos actes, d'hommages prêtés ou reçu alors que de tels hommages sont couramment pratiqués, par exemple par les Templiers de Vaour (126).

Le terme de « seigneur » n'est que rarement employé ; il paraît n'être qu'une qualification honorable qui désigne assez fréquemment les Chevaliers du Temple (127), deux fois des Castelpers (128) et normalement Ricart de Salmiech à raison, apparemment, de sa qualité de frère du comte de Rodez (129). Le terme de « comte » désigne toujours soit le même Ricart (130), soit le comte de Rodez (131). Le terme de « don » qui désigne Peire de Castelnau, mais qui n'est suivi d'aucun nom de terre, ne peut signifier que « l'ancien » (132).

Les châteaux — La domination des ric ome s'appuie sur des châteaux cons- truits sur l'une des buttes qui dominent le pays et déjà assez nombreux à la fin du Xe siècle pour que le concile du Puy vers 990 — auquel assistait l'évêque de Rodez — ait fixé les conditions de leur construction (133). Le Liber miraculorum sancte Fidis fournit une description fort précise de ce qu'était, dès 1010, le château de Castelpers qui dressé au confluent du Séor et du Giffou, domine le Viaur (134). Les murs de l'oppidum était bâtis sur la roche la plus compacte. Du côté le plus accessible étaient les locaux d'habitation destinés aux serviteurs. Le donjon, au contraire, dominait la vallée et le seigneur y résidait avec ses « familiers ».

Au nord-ouest de Rodez s'élevaient, au Xle siècle, les châteaux de Panat et de Cassagnes dont les seigneurs, à demi brigands, faisaient régner la terreur (135). Leur possesseurs étaient liés avec les vicomtes de Narbonne puisqu'ils sont témoins, en 1077, d'une donation faite par la vicomtesse Foy (136).

Les seigneurs de Curvalle dont le premier château devait être sur la butte qui commande le confluent du Rancé et du Tarn, avaient noué au XI le siècle de nombreux rapports avec les Trencavel. Guillem At de Curvalle est témoin, en 1142, de l'alliance conclue entre le comte de Toulouse et Roger de Carcassonne et il est désigné, en 1154, comme administrateur des domaines toulousains et commingeois de celui-ci (137). Escafre de Curvalle apparaît vers 1160, comme fevater de Frotart, vicomte de Broquiès pour l'église Saint Laurent située vers la Bastide-Solages (138).

C'est également vers Béziers et Carcassonne qu'est tournée la famille des Avalats (139) dont le château est situé sur le Tarn tout proche d'Albi. Quant aux Camboulas, originaires de la haute vallée du Viaur, près de Pont- de-Salars, ils sont témoins des donations faites, au Xle siècle, par le vicomte de Millau comme des hommages prêtés, en 1135, par Frotart de Broquiès à Uc de Rodez (140). La famille de Levézou, possessionnée dans le haut pays, vers le Vioulou, avait donné, au début du XIle siècle, un archevêque de Narbonne et un évêque de Béziers (141). A la même époque Peire d'Andouque dont le château familial était proche d'Albi, entre le Cérou et le Lézert, était évêque de Pampelune (142).

De l'Albigeois tout proche viennent également quelques personnages souvent cités comme donateurs ou comme témoins : au premier rang les Janas et les Alban ; ensuite, apparemment plus modestes, les Paulin, les Campredon, les Gaycre, les Oulas, les Padiès dont les châteaux, avec celui de Curvalle, dominaient les vallées du Tarn et du Rancé autour d'Alban.

En revanche, l'origine rouergate de tous les autres personnages cités paraît certaine. Quelques familles sont originaires du haut pays. Les Castelnau de Castelnau-Pégayrole, les Cabanas des environs de Ségur, les Reilhac et les Montferrier de Bertolène près de Laissac, les Ram des environs de Vezins (143), les San Eredi de Saint-Izaire.

Dominant d'assez loin le terroir de la Selve, les cinq châteaux de Castelpers, de Salmiech, de Peyrebrune, de Gozon et de Thouels étaient possédés par des familles anciennes (144). De moindre volée devaient être les autres familles de la région : , Bonnevialle, Laubigue, Bonneguide, la Casota qui ne paraissent pas avoir possédé de châteaux.

La situation des familles de Cadars et de Cassagnes est plus équivoque. Elles avaient, dans la région de la Selve, des possessions considérables sans en être apparemment originaires. L'une et l'autre étaient venues de l'ouest comme, d'ailleurs, les Panat et les . La migration des Panat, qui n'apparaissent pas dans nos actes, fut assez tardive et elle dut être la consé- quence de l'acquisition qu'ils firent des places de Peyrebrune et de Thouels (145). Quant aux Cassagnes, si l'on peut faire foi à un acte publié par Bonal, ils auraient été, dès 1030, établis dans la région (146). Les Cadars possédaient, vers Réquista, un château dont rien ne permet d'indiquer exactement la situation. Ils sont cités avec les Castelpers et les Janas parmi les ric ome de la Selve (148).

De telles migrations qui peuvent tenir à des mariage ou à des échanges plus qu'à des événements militaires, paraissent assez fréquentes dans toute la région. Le Cartulaire de Saint-Flour en fournit un exemple très net puisque Amblart de Brézons transporte, au début du Xle siècle, son château à une trentaine de kilomètres de son lieu d'origine (149).

On aimerait connaître l'origine de ces familles et les rattacher à des lignages carolingiens. L'ancienneté des Panat et des Cassagnes rend cette filiation possible. Quant aux autres familles, il paraît bien que leur château ait été, dès la fin du Xe siècle, leur meilleur titre à dominer le pays. Le partage du sol — Jamais, pourtant, la domination de ces familles ne s'étend sur des domaines compacts, regroupant des cen- taines de mas. La comparaison entre les indications fournies par nos actes et celles que donnent, par exemple, les cartulaires de Conques ou de Gellone, est à cet égard très instructive : les donations les plus impor- tantes ne concernent que quelques mas. Les deux-cent-quatre chartes qui composent le cartulaire intéressent cent-vingt-cinq màs et quatre demi-mas (150) et à peu près autant de donateurs. Il n'empêche que la plupart de ceux- ci appartiennent aux quelques familles qui viennent d'être mentionnées (151) et qui paraissent bien, à l'origine, s'être partagé la propriété du terroir de la Selve.

Les partages familiaux — A chaque génération, l'intégrité du patrimoine est mise en question par les partages successoraux qui, par leur répétion, en viennent vite à compromettre la richesse et le prestige des anciennes familles. Ils ont une telle importance sociale qu'il est nécessaire de rassembler les quelques indications de nos actes qui peuvent les concerner.

Le partage égal entre frères est très certainement la règle générale : Bertran de Cardaillac donne ce qui lui vient de son père en se référant au partage fait avec ses frères. De même Pons At, en donnant le mas de Meserac, précise bien qu'il lui est échu en partage (152). Arnal du Pont fait, en 1153, des legs distincts à chacun de ses cinq fils et demande que, pour le reste de ses biens, se faciant fratres equaliter (153). Les filles ont, en principe, les mêmes droits que leurs frères : la chose apparaît très nettement dans un acte concernant la famille de Montpaon ; deux des sœurs du donateur acceptent de garantir l'acte ; une troisième se refuse à toute renonciation jurée, ce qui impose de donner un autre mas en garantie (in returnum) (154). La renon- ciation des filles dotées devait être, cependant, pratiquée comme dans tout le Midi et seules les filles non mariées pouvaient revendiquer une part dans la succession de leurs parents (155). En revanche, la femme veuve conserve, sa vie durant, des droits sur les biens venant de son mari. Elle intervient avec ses fils et peut librement faire un legs ou un testament (156).

Il devait être, cependant, normal que les enfants ne demandent pas le partage et demeurent, leur vie durant, dans l'indivision ; d'oû la fréquence des donations consenties par des frères sans qu'aucune prééminence — sauf vraisemblablement le fait qu'il soit nommé le premier - appartienne à l'aîné. Il n'empêche que le sentiment d'une propriété éminente de la famille demeure certaine. Le terme de « lignage » est assez rarement employé (157), mais les lignagers contestent fréquemment les aliénations qui ont été faites ; nos actes rapportent de nombreuses contestations ou confirmations qui, autant qu'à des partages incomplets, doivent tenir à ce droit général de la famille (158).

Tous les actes du XIe siècle témoignent, d'ailleurs, du conflit latent entre les droits de la famille et ceux de l'individu. Des coutumes familiales que l'on peut faire remonter à des « convenances » solennel les, existaient déjà et elles avaient toujours pour but de prémunir la famille contre les libéralités qui pouvaient compromettre son avenir. Dans un acte, daté par l'éditeur, de 1030, un Daude de Cassagnes vient ainsi revendiquer les biens donnés par un de ses cousins à Saint Martin de Limoges, en prétendant que son grand-père les avait frappés, au profit de sa famille, d'une inaliénabilité perpétuelle (159).

Les hommes « naturels » — Avec l'alleu sont donnés fréquemment les hom- mes et les femmes qui y habitent. Leur condition est diffi- cile à déceler, car le langage des actes peut s'entendre tout aussi bien d'une dépendance réelle ou personnelle (160) que d'une simple cession de redevances ou de services (161). Parfois, cependant, une distinction est nettement faite entre deux catégories : les feusals et les hommes ou femmes « naturels » (162).

Le mot natura a le sens de « descendance » (163) mais aussi, comme l'indiquent deux actes publiés par M. Brunei, celui de « famille » ou même d'« ascendance » : un donateur abandonne, par exemple, à l'ordre du Temple tout ce qu'il possédait per paire ni per maire ni per natura (164). La natura paraît donc équivaloir à l'origo du Bas-Empire et la condition des hommes naturels provient de leur naissance sur le mas qu'ils cultivent.

Partant de là, il est tentant d'assimiler leur condition à celle des colons et, de même que l'on a pu croire à la permanence du manse romain, d'admettre une persistance du colonat : les hommes naturels seraient attachés au domaine et leur condition serait héréditairement transmissible. On peut faire valoir en ce sens le langage des actes qui comprennent dans la cession d'un mas les hommes qui y habitent (165) et les mentionnent quand ils recensent les possessions de la commanderie (166). Les clauses des donations que Guillem Alaman et Guillem de Thouels font à la Selve confirment encore l'attache au sol des hommes naturels : ils permettent, en effet, à tous ceux de leurs terres de s'établir sur les terres de la commanderie et promettent de ne pas les inquiéter tant qu'ils y demeureront (167). Bien que le laconisme de ces chartes ne permette pas une interprétation certaine, il apparaît bien que la natura créait une dépendance qui, pour être suspendue tant que les migrants demeuraient sur les terres de la Selve, n'était pas néanmoins supprimée. Cette dépendance, à là différence de ce qui était courant pour les serfs forains, ne comportait pourtant aucune réserve de redevances ni, sans doute, d'un droit de justice (168).

L'idée de servage paraît étrangère à nos actes (169). Nés sur un mas, les hommes « naturels » subissent le pouvoir immédiat du maître et ils sont, par leur origine même, liés à la glèbe. Leur condition n'aura besoin d'être précisée qu'avec la désorganisation de l'ancienne structure du manse qu'a dû précipiter l'arrivée des Templiers. Suivant en cela une pratique de leur ordre (170), ceux-ci ont aussitôt tenté d'attirer de nouveaux habitants. Des croix de sauvetés avaient déjà été plantées à Durenque et à Secacrosta (171) ; de nouvelles terres furent défrichées et reçurent tous ceux qui étaient « nés ailleurs » (172) : ce qui dut bien vite provoquer des conflits et imposer de mieux définir la condition des divers paysans de domaine.

Feusal et fevater — L'imprécision du vocabulaire est ici très grande et elle doit traduire la confusion des idées. Bien qu'il soit d'usage courant dans la région, le terme de pages n'apparaît jamais dans nos actes (173), pas plus, d'ailleurs, que le terme de pagessa souvent mentionné avec la viguerie (174). Le mot de tenedor est rarement employé dans le sens de « tenancier » (175) et il paraît désigner plus fréquemment le titulaire d'une charge ecclésiastique (176). Le terme de vila pour désigner le paysan qui tient un « bénéfice », est fort rare (177). Les termes usuels sont ceux de feusal et de fevater. L'étymologie des deux mots est identique et ils paraissent, l'un et l'autre, traduits dans les chartes latines par feudales ou fevales (178) ; pourtant, les rédacteurs des actes s'efforcent d'opposer les deux conditions (179), apparemment pour traduire une différence sociale qui leur paraît évidente et qui était moins nettement perçue jusque vers 1160 (180). Si le feusal est un paysan, le fevater doit être un tenant-fief de condi- tion plus relevée qu'on désigne, le plus souvent, par une périphrase (181). Sans pouvoir en fournir la preuve précise, il paraît bien qu'il s'agisse d'une distinction encore mal formulée mais déjà ressentie entre le fief noble et le fief roturier. Dans les deux cas, un fief a été concédé et la structure juridique de l'opération paraît identique mais la qualité du concessionnaire paraît imposer une distinction.

La condition des feusals — La distinction toujours faite entre l'homme naturel et le feusal implique que celui-ci est moins stricte- ment lié à la terre. Rien n'indique, d'autre part, que sa dépendance soit héréditaire. Il a reçu un fief du propriétaire et, de ce fait, sa condition n'est plus fixée par un statut domanial ; elle dépend des clauses même de la concession et autant que les usages le permettent, elle doit varier avec la nature ou l'importance des biens concédés. Un mas entier peut être donné à fief, mais il peut s'agir aussi de simples parcelles de vignes ou de jardins. Souvent, la concession porte sur une terre à essarter ou à défricher et le tenant-fief doit acquérir alors une liberté d'allure qui tient au travail fourni.

Les feusals font l'objet, dans nos actes, de deux séries de stipulations : tantôt ils sont donnés avec un fonds (182) ; tantôt il est indiqué, après une cession de l'alleu, que la maison pourra librement acquérir des droits des feusals du donateur (183). Une charte de la commanderie de Sainte Eulalie contient, d'ailleurs, une clause contraire, le donateur stipulant qu'il ne sera pas obligé d'abandonner les droits qu'il possédait sur ses feusals (184). Cela même indique qu'il s'agit de tenants-fiefs (185) qui peuvent être donnés avec leur tenure mais qui, néanmoins, gardent une certaine faculté de s'engager.

A la fois objets et auteurs des donations, les feusals jouissent par consé- quant, d'une liberté certaine et les cessions qui les concernent doivent sans doute être interprétées comme des transferts des services ou redevances qu'ils payaient. Ces payements apparaissent même si caractéristiques que le mot en vient parfois à désigner non le débiteur mais la redevance elle-même (186). Cette façon de parler se comprend, d'ailleurs, fort bien puisque la donation d'un feusal équivaut à la donation du fief que tenait celui-ci et s'analyse, en définitive, comme une délégation du débiteur : les payements accoutumés devant être faits désormais à la commanderie ( 187).

Cette analyse permet sans doute de rendre compte des stipulations apparemment contradictoires des actes. Le donateur peut se réserver une partie, généralement la moitié, des redevances des feusals (188) ; il peut auto- riser ceux-ci à céder aux Templiers les droits qui leur appartenaient ou même à leur payer un croît de cens (189). Il s'agit toujours en cela de redevances foncières (190), mais, il n'est: jamais fait la moindre allusion ni à des liens de dépendance ou de sujétion, ni à une quelconque redevance personnelle (191); il est difficile, cependant, d'en conclure que les feusals n'étaient frappés d'aucune taille personnelle (192) et jouissaient d'une complète liberté.

Apparemment prétendus par les propriétaires d'alleux, les droits sur les hommes seront regroupés dans la notion de seigneurie qui n'apparaît avec netteté que vers la fin du XI le siècle (193). La domination implique d'ailleurs, la protection et quelques actes indiquent bien la vigilance que mettaient les Templiers à défendre leurs hommes : ils promettent, en contrepartie des trois setiers de blé donnés par des tenanciers « sur eux-mêmes et sur leurs biens », de les protéger (razonar) comme ils le font pour leurs autres hommes (194). Ils se plaignent, vers 1195, des dommages causés à leurs terres à raison desquels leurs hommes ne veulent plus labourer (195).

Les fevaters — Le tenant-fief — plutôt qualifié alors de fevater — peut appar- tenir à un lignage illustre : ainsi B. de Combret ou Escafre de Curvalle (196). Le fief concédé comporte normalement la jouissance d'un mas ou d'une église ; mais la structure juridique de l'opé- ration demeure identique. Rien, dans les clauses des actes, ne se rapporte à une prestation d'hommage ou à l'existence de liens personnels entre concé- dant et concessionnaire ; rien n'indique non plus que les services dus sont différents de ceux qu'on peut exiger de simples paysans ; sauf dans le cas de fief franc (197), ils consistent en redevances diverses attachées au fonds et dues par lui et non personnellement par le tenancier ; ce qui explique que la donation du fief apparaisse comme une donation du fevater lui-même (198) sans même, semble-t-il, que celui-ci ait à intervenir pour accepter la novation accomplie (199).

Parfois, l'aliénation ne concerne qu'un homme, sa famille et sa descen- dance : ainsi trois frères, Peire, Arnal et Bernart du Colombier sont vendus et le Temple paye pour les acquérir d'une part, trente sous à un nommé Bernart Aimeric, d'autre part, quarante-cinq sous à Raimon d'Auriac et à Esteve de Cassagnes (200). Vente de serfs, peut-on penser, que viennent, d'ailleurs, confirmer Sicart de Bonneguide et sa famille en abandonnant les droits qu'ils avaient sur la femme d'Arnal et sur son fils et le fils de Bertran de Castelpers en renonçant à tout droit sur leur descendance (201). Pourtant, tous les personnages ainsi vendus sont d'une condition fort relevée comme le prouvent l'importance du prix payé, la qualité des témoins, l'insistance à confirmer cette donation, le fait surtout que Bernart du Colombier est cité comme témoin avant un Cassagnes dans l'acte concernant sa belle-sœur (202) et que Peire est témoin de la donation de son propre frère.

Le cas de la famille du Colombier est loin d'êtrejsolé. Un B. Seinorel est donné avec ses enfants tout à la fois par Peire Berenger, par Bermon de Cadoule et par Raimon de Servières (203). Surtout, plusieurs membres de la famille de Combret font l'objet de donations identiques mais qui paraissent concerner également les biens qu'ils possédaient (204).

La dépendance des Combret peut tenir aux fiefs qu'ils avaient reçus des Cadars ; mais pour les Colombier, ils paraissent bien subir une dépendance purement personnelle. Peut-être descendaient-ils de ces chevaliers domes- tiques qui vivaient vers 1060 dans les châteaux des seigneurs de Panat et de Cassagnes et qui concouraient à leurs libéralités (205). Ils n'étaient pas parvenus à dépouiller la macule servile qui atteignait leurs femmes et leurs enfants ; mais hommes à tout faire, peut-être percepteurs de droits ou de dîmes, possédant parfois des mas qu'ils avaient reçus à titre de fiefs, appa- remment enrichis puisque l'un d'eux peut disposer de la somme assez consi- dérable de cent sous (206), ils appartenaient à cette classe toujours énigma- tique des chevaliers-serfs. Le fait qu'ils dépendaient des plus anciens lignages du pays — les Cassagnes, les Castelpers et les Auriac — vient confirmer cette interprétation (207). Il n'est même pas impossible que Bernart du Colombier ait eu l'initiative de la donation qui le concerne et qu'il ait profité de l'endet- tement des Miramon pour acheter sa liberté et passer sous la dépendance du Temple, plus avantageuse pour lui (208).

Fidélité et vasselage — Les indications données par nos actes, quelques autres fournies par des chartes contemporaines, aboutissent ainsi à une vue partielle peut-être, mais fort nette : une structure rurale très simple dont le mas — exploitation ou hameau — demeure l'unité élémentaire ; quelques lignages puissants et, pour la plupart, anciens qui dominent le pays dont ils sont à la fois propriétaires et seigneurs ; leur château est leur titre, mais aussi la mentalité collective qui les désigne pour maîtres et leur reconnaît la pleine liberté.

Autour de ces lignages privilégiés il n'y a que dépendance : tenants-fiefs, viguiers ou paysans peuvent être également vendus avec la terre qu'ils possè- dent ou qu'ils exploitent ; la vente n'est pour eux qu'un changement de maître dont ils doivent s'accommoder. Marc Bloch indiquait déjà que la pratique du chasement pouvait aboutir « à charger la terre de services plutôt que l'homme de fidélité » (209). C'est bien la singularité que révèlent nos actes : rien n'y rappelle la vassalité classique, l'hommage prêté et reçu, la distinction de services nobles et de services roturiers.

Pourtant, les liens d'homme à homme existent et ils n'ont laissé aucune trace écrite car leur force vient de la coutume et nul ne pense à les discuter : liens de famille ou d'alliance venant fortifier la solidarité des ric ome, liens de vasselage traditionnels entre certains lignages, parfois médiatisés par la concession de terres ou de châteaux, parfois aussi purement personnels et fondés sur la protection donnée et les services reçus.

Les garants et les témoins appartiennent à ce vasselage et les mentions des actes suffisent à montrer la permanence des liens qui existent entre certaines familles toujours nommées ensemble : les Levézou et les Castelnau, les Cassagnes, les Monna et les Auriac, les Cadars et les Combret. Le cas déjà cité des Cardaillac et des Alban est également fort net: une dizaine de familles subissent leur autorité et gardent les châteaux qui doivent constituer la défense avancée de leurs possessions.

Comme ailleurs (210), le milieu du XIle siècle paralt bien marquer un tournant. Longtemps, l'isolement du pays avait pu le mettre à l'abri des guerres et des crises et contribuer au maintien des anciennes structures ; les défrichements sont assez peu nombreux, les créations de villages rares et les transformations économiques fort lentes. Vers 1160, cette stabilité est compromise par des forces nouvelles : un désir de croisade, qu'expriment les hommes mais aussi les femmes (211), les pousse à tout abandonner pour aller outre mer ; l'établissement des ordres religieux, cisterciens, hospitaliers ou templiers, modifie l'équilibre ancien et implique un partage de la propriété et du pouvoir ; enfin, les idées cathares, même si elles ne firent pas de nombreux adeptes, atteignent la région du Ségala ; elles provoqueront, après des conflits dont nous ignorons tout, des regroupements politiques et sociaux qui pren- dront le plus souvent les formes féodales. NOTES

( 1) Dans l'actuel département de l'Aveyron, 291 lieux sont dénommés « Puech », 49 « Pouget », 21 « Poujol » ou « Pujol ». ( 2) Louis LEMPEREUR, Etat du diocèse de Rodez en 1771, Rodez, 1906. ( 3) André MEYNIER, Ségalas, Levézou, Châtaigneraie (Etude géographique), th. Paris, Aurillac, 1931, p. 108.

( 4) Qui devait faire partie du diocèse d'Albi et appartient, aujourd'hui, au dépar- tement du Tarn ; Alexandre ALBENQUE, Les Rutènes, Etudes d'histoire, d'archéo- logie et de toponymie gallo-romaines, Rodez-Paris, 1948, p. 75.

( 5) Carte archéologique de la Gaule romaine, fasc. 9, carte et texte complet du département de l'Aveyron, 1944 (Publ. de l'Ac. des Inscriptions et Belles-Lettres). Il est possible que les tronçons de routes secondaires soient désignés dans nos actes par le mot strada. Celui-ci est employé pour une route vers Castelpers (P 17), Meljac et Rullac-Saint-Cirq (C 40, C 84) qui pourrait suivre la Cone (C 125, C 131, C 158) et rejoindre la route de l'Albespi vers (C 201) et Ayssènes (P 11 ;cf. BRUNEL, n° 412).

( 6) A. ALBENQUE, Les Rutènes, p. 307. Le même auteur indique (p. 221), en étudiant les toponymes en -ac, que le Rouergue était l'une des régions les plus peuplées de France, mais que les propriétés y étaient relativement petites : les toponymes d'ori- gine romaine seraient quatre fois moins nombreux dans le Levézou (un pour 2 000 ha) que dans le reste du pays. Toutes ces données demeurent, cependant, fort précaires.

(7) M. BROENS, Le peuplement germanique de la Gaule entre la Méditerranée et l'Océan, dans Annales du Midi, t. 68, 1956, p. 17-37 ; Le peuplement de l'Albigeois, des temps préhistoriques à l'époque féodale, dans Revue du Tarn, 1943, p. 193-202. Ant. BONAL, Histoire des évêques de Rodez, éd. J.-L. RIGAL, t. 1, Rodez, 1935, p. 563. M. ROUCHE, L'Aquitaine, des Wisigoths aux Arabes (418-781), 1979, p. 49 et 143. ( 8) Lib. 1, vers 195-266, éd. FARAL.

( 9) Le diplôme de Louis le Pieux de 819 l'indique très nettement : Cartulaire de Conques, p. 409, n° 580 ; L. LEVILLAIN, Recueil des Actes de Pépin ler et de Pépin Il, rois d'Aquitaine, Paris, 1926, p. 138. (10) BONAL-RIGAL, t. 1, p. 517 : Donation de deux manses in ministrio Begoniense in villa que dicitur Meliaco. Le centre de ce ministerium pouvait être la villa de Bégon, plusieurs fois citée dans nos actes : C 74 ; C 124. (11) La mention d'un ministerium Regionense où serait située la curtis de Solmegio, dans un acte de Vabres de 937, publ. Hist. Lang., t. V, n° 71, paraît bien tenir à une faute de lecture.

(12) Les manses donnés en 906 (BONAL-RIGAL, t. 1, p. 506) sont situés in vicaria Cannedense in loco qui dicitur illam Vaxiariam prope Artvio, doivent être ceux de la Vaysserie, comm. Prades-Salars. (13) BONAL-RIGAL, t. 1, p. 561 (927). La villa qui dicitur Tremolias ne doit pas être, comme l'indiquaient RIGAL et DESJARDIN, Trémouilles, cant. Pont-de-Salars, mais la Trémolière, comm. cant. et Laissac. (14) BONAL-RIGAL, t. 1, p. 559 (923-925) : l'acte mentionne comme faisant partie de cette viguerie Calcines, comm. Castelnau-Pégayrols, cant. Saint-Beauzély. (15) BONAL-RIGAL, t. 1, p. 572 (942). Le centre de cette viguerie doit être situé à Caylus, comm. Montlaur, cant. Belmont-sur-Rance, et non, comme l'indiquait DESJARDIN, Cartulaire de Conques, p. XXXVI, en Quercy. Calme Retonda (Campre- don, comm. Tournemire, cant. Saint-Affrique) et Montemira (sans doute Miramontet, comm. Laval-Roquecezière, cant. Saint-Sernin-sur-Rance plutôt que Montmurat, en Auvergne : cf. G. SAIGE et de DIENNE, Documents historiques relatifs à la vicomté de Carlat, Monaco, t. Il, 1900, p. XXXVII) en faisaient partie : BONAL-RIGAL, t. 1, p. 520 (936).

(16) U. CABROL, Essai de carte du pagus Ruthenicus, dans Mémoires de la Société des Lettres, Sciences et Arts de l'Aveyron, t. XIII, 1886, p. 123, situe ce ministerium vers les Canabières ; DESJARDIN, Cart. Conques, p. XXXV ; Bibi. Ec. Chartes, 1863, p. 153, vers Saint-Rome-du Tarn. Cependant, Pianos Campos qui en faisait partie, d'après l'acte cité à la note suivante, parait devoir être identifié non avec Plenscamp, comm. Viala-du- Tarn, mais avec Plescamp, comm. Brousse-le-Château, et Linares avec Linas, comm. Brousse-le-Château, tout proche de Plescamp.

(17) L. AUZIAS, L'Aquitaine carolingienne, Toulouse, 1937, p. 326. L'événement est relaté dans une notice datée de 864 (Recueil des actes de Charles II le Chauve, t. Il, n° 487, p. 616) dont la fausseté est certaine. Les indications topographiques concernant l'église de Connac proche de l'Alrance, prétendument donnée par Charles le Chauve à l'évêque de Rodez, sont, au contraire, parfaitement exactes. La donation portait sur deux mas et sur deux capmas près de l'église (Garrica, à l'est et Uloca, à l'ouest). Seraient données, en outre, la vicaria regia et sept églises. Ces terres auraient été aliénées et auraient été rendues à l'église de Rodez en 935 (BONAL-RIGAL, p. 563, n° 119 ; BOSC, Histoire du Rouergue, t. Il, 1903, p. 631) en même temps que l'église toute proche de Saint-Martin.

(18) C 124 ; cf. BRUNEL, n° 503. La désignation donnée (P 11) à Clauzelles peut surprendre ; mais elle est confirmée par BRUNEL, n° 355. Quelques actes du cartulaire de Gellone (nos 458, 463) imposent d'autre part, le sens de ville neuve : in supradicto manso de la Vaisseria dono villare ubi villa edificetur, quam magnum et quam amplum ab abitatoribus fieri poterit. Pour la Selve : R 1 5. Ch. HIGOUNET, Observations sur la seigneurie rurale et l'habitat en Rouergue du IXe au XI Ve siècle, dans Annales du Midi, 1950, p. 121-134 ; Paysages et villages neufs du moyen âge, 1975, p. 151-160. Il indique bien que la villa n'est pas mentionnée au Xle siècle. Avait-elle même existé auparavant ? Et le pays de la Selve révèle-t-il une « forte empreinte carolingienne » ? On penserait plutôt à la persistance d'une structure agraire plus ancienne, fondée sur le mas, ignorant tout système domanial.

(19) C42 ;C 53 ;C 74 ;C 106 ;C 113, cf. BRUNEL, n° 356 ;C 124 ;C 173. (20) Ces clauses apparaissent vers 1220 : C 79, C 84, C 86. Trente ans après, elles reprennent les formules usuelles des notaires : P 28, P 31, P 32, P 33. Dans les actes anté- rieurs l'indication des confins tient, par exemple, au fait que la donation porte sur un ensemble de mas : C 38 et C 60. On donne parfois le mas avec tout ce qui en dépend : R 19.

(21) BRUNEL, n° 249 prouve que la redevance payée pouvait être augmentée si le mas était mis en culture. Il se peut aussi que l'expression vestit implique que le mas est habité.

(22) Il n'y a aucun autre terme dans nos actes qui puisse désigner une jachère. (23) P 23 ; P 28 ; P 31. Dans C 114 et C 117 le mot est lié à cout qui doit avoir le même sens.

(24) Cf. BRUNEL, nOs 136, 163, 391. Carte 2 : Les grandes familles et leurs possessions

(25) C 1 28. (26) C 99. (27) C 74. (28) C 1 25.

(29) Rien ne permet, par exemple, de croire que la désignation s'applique à un mas composé de parcelles et à la partie où aurait été édifiée la maison : Ch. HIGOUNET, Annales du Midi, 1950, p. 128. Quant à la désignation de mas major, elle ne doit se référer qu'à l'étendue du mas : C 113 ; BRUNEL, nOs 413, 424, 442. (30) C 130 ; C 148. (31) C 4.

(32) Cartulaire de Gellone, n° 53 (1070) : ... unum capud mansum eu m statu domi- nico suo.

(33) BRUNEL, nos 110 et 298. Une autre charte de Gellone (p. 45, n° XLV), du début du Xle siècle, donne une indication analogue : ... caput mansum et omnes man- siones quod ibidem poterit homo facere. Mais rien n'indique la région qu'elle concerne. (34) C 1 24 ; R 22.

(35) C 55 ; C 91 ; C 98. On remarquera la curieuse expression de C 91 : lo mieg mas del mas da la Brugueira. Les mentions de fractions de mas sont, au contraire, plus fré- quentes dans les actes publiés par BRUNEL, mais il peut s'agir souvent d'un partage por- tant sur le fief ou l'alleu : cf. n° 286. La même observation est faite par G. FOURNIER, Le peuplement rural en Basse Auvergne durant le haut moyen âge, Paris, 1962, p. 258 (Publications de la Faculté des Lettres et Sciences humaines de Clermont-Ferrand, 2e série, fasc. XII).

(36) Les identifications des noms de lieux fournis par nos chartes suffisent à l'indiquer. Il y a, d'ailleurs, peu de régions en France — sauf peut-être les bocages armoricains — qui comportent autant de lieux-dits. Des calculs faits, par exemple, par A. MEYNIER, Ségalas, Levézou, p. 359, il résulte que 40 % des habitants du Ségala oriental et 47 % des habitants du Levézou vivaient, encore au XIXe siècle, dans des écarts de moins de six maisons.

(37) C 32. (38) C 84. (39) P 31. (40) P 32. (41) R 22.

(42) On a utilisé, pour les comptes, la précieuse Nomenclature des communes et des lieux dits du département de l'Aveyron établie par l'I.N.S.E.E., 3 vol. ronéot., 1954. (43) P 11.

(44) L'acte est trop laconique pour qu'on puisse en déduire que le mas équivaut à trois « charruées » comme on l'a un peu trop facilement admis G. ROUPNEL, Histoire de la campagne française, 23e éd., 1955, p. 262 ; F. LOT, dans Mél. Pirenne, t. 1, p. 12. (45) Les chiffres sont empruntés au Vocabulaire des mesures républicaines contenant l'indication de leurs valeurs et de leurs principaux usages, en conformité de la loi du 18 germinal an II de la République, Rodez, an X. Fait remarquable, il n'existe, en Rouergue, aucune correspondance apparente entre l'étendue de la setérée (25, 22 ares à Cassagnes et à Pont-de-Salars, 25,68 à la Selve, 35, 68 à Salles-) et la capacité du setier (64,42 litres à Cassagnes, 69 à Pont-de-Salars, 88,11 à la Selve, 68,95 à Salles- Curan).

(46) R. BOUTRUCHE, Seigneurie et féodalité, 1959, p. 83. (47) Le mas du Pouget, d'après Ch. HIGOUNET, La seigneurie rurale et l'habitat en Rouergue du IXe au XIVe siècle, dans Ann. du Midi, 1950, p. 121-134, avait vingt-huit hectares. Des chiffres tout à fait comparables sont donnés par E. MAGNOU-NORTIER, La société laïque ... , p. 132, qui définit les manses comme des « tenures archaïques » et remarque les similitudes « frappantes » entre les redevances languedociennes et celles des Tablettes Albertini : cf. Pauf OURLIAC, Société et église méridionales, dans Rev. hist. droit, 1975, p. 623-629, et La tradition romaine dans les actes toulousains des Xe et XIe siècles, dans Rev. hist. droit, 1982, p. 577-588.

(48) Arch. la Selve, H 1819. La différence avec le chiffre indiqué de 224 maisons tient à la présence, à la Selve, de 13 tisserands, 4 meuniers, 3 forgerons, 2 menuisiers, 2 cor- donniers, un cadisseur et, en outre, de 3 « nobles », du curé, du marguillier, de 2 huis- siers, d'un avocat, d'un chirurgien et de veuves. En 1946, d'après le recensement de l'I.N.S.E.E., le village comptait 299 maisons, 301 ménages et 1389 habitants. Les comptes faits excluent les lieux dits appartenant à l'ancienne juridiction de la Selve qui font aujourd'hui partie des communes de Rullac-Saint-Cirq et de Cassagnes-Bégonhès.

(49) Ardennes (qui désigne un plateau plutôt qu'une hauteur), Trébas. (50) D'après l'abbé E. NEGRE, Toponymie du canton de Rabastens, 1959, n° 479, sur 1879 toponymes étudiés, 1724 seraient d'origine occitane, 36 seulement d'origine latine. Sur 212 mas cités dans nos actes, 14 ont des noms en —ac et l'origine romaine du nom de 20 autres est très probable.

(51) Sur le nom de personne Faventius : E. NEGRE, Les noms de lieux du Tarn, 2e éd., Paris, 1959, p. 30.

(52) L'usage de ces toponymes occitans ne suffit pas, croyons-nous, à faire croire à l'apparition, comme dans le Causse de Rodez ou le Ségala central (BOUTRUCHE, Seigneurie et féodalité, p. 110), d'une « seconde génération de mas » au X le siècle. Même les noms qui indiquent à l'évidence la gémination d'un ancien mas (Rutlaquet et Rutlac, Rofenaget et Rofennac) peuvent être relative ment anciens.

(53) Quatre mas de ce nom sont cités ici : tous sont situés sur des plateaux qui ont dû être mis en culture assez tôt.

(54) Deux mas de ce nom sont cités ici qui correspondent également à des plateaux. (55) Les formes anciennes du mot sont : la Bodica, la Boiga, la Boigua, la Bozigua (attestées dans nos actes), la Boeygua (Arch. la Selve, inv. n° 86, 1392), la Boueygue (inv. n° 88, 1397), Laubouigue (Bornage de 1773, 1. 19, n° 28 bis, p. 50). Le nom de Lissart n'est pas mentionné dans nos actes, mais existe près de la Selve. Par contre, rien ne rappelle, dans la région, une ancienne artiga. La rareté des terrains sablonneux expli- que l'absence de Varennes.

(56) Dans les actes publiés par CI. BRUNEL, sur 46 mentions d'apendaria, 43 concer- nent le Rouergue. Le mot apparaît dès le IXe siècle : G. FOURNIER, Le peuplement rural en Basse-Auvergne, p. 263. (57) L'aire d'extension de l'apendaria a été bien déterminée par L. CAROLUS-BARRE Le censier de la « villa Doledonum » dans Recueil de travaux offerts à M. Clovis BruneI, 1955, t. 1, p. 235-242, qui donne, d'après FABRE, La condition des personnes et des terres en Bas-Languedoc, th. Ecole des Chartes, 1933, une définition fort proche de celle que nous proposons. Cf. E. MAGNOU-NORTtER, La société laïque, p. 132-140.

(58) C 1, C 92, C 125 ; cf. BRUNEL, n° 470. Il existe une apendaria de Rullaguet (R 27) dont on pourrait croire qu'elle procède du mas de Rullac : mais l'existence d'un mas de Rullaguet est attestée (C 40). Il est même question, dans un acte de 1106 du Cartulaire de Gellone, des hommes « naturels » d'une apendaria.

(59) Une famille paysanne est, par exemple, installée sur l'apendaria de Laubigue : C 40. o (60) 125 A doit comporter une erreur de plume : le compte de douze sous n'est exact que si chaque mas paye trois sous et chaque apendaria un sou. Cf. également BRUNEL, nOs 1 5 et 16 : le mas paye un setier et un denier, l'apendaria une émine et une maille. BRUNEL, n° 39 : les apendaries payent trois et quatre deniers et les mas six.

(61) 450 sous : BRUNEL, n° 128 ; 160 et 200 sous pour le sixième d'une apendaria : BRUNEL, nos 124 et 153.

(62) BRUNEL, n° 248. (63) C 72. (64) BRUNEL, n° 503. (65) Ouv. cité, p. 267. (66) C 32, P 11. (67) C 92, C 101 et C 110, P 11, P 13. (68) C 40, C 133, R 27. (69) C 54. (70) C 101 et C 110. (71) C 125. (72) C 110, C 177. (73) C 73.

(74) Il existe encore un lieu dit la Pendarié, près d'Arvieu, à deux kilomètres au sud de Clauzelles. Un acte de 1120 environ, publié par BRUNEL (n° 355), concerne le même terroir alors possédé par Peire Seinorel qui est sans doute l'ancêtre du Guillem Seinorel qui, un siècle plus tard, abandonne ses droits à la Selve. (75) P 11. Dans un terrier de 1484 (Arch. la Selve, H 1792) les dix chefs de famille — parmi lesquels deux Bocarts — habitant le loc de Clauselas et le capmas del Clot sont tenus solidairement du cens et des redevances portés, à cette époque, à 18 setiers de seigle, 9 d'avoine et 12 deniers. (76) P 11. Il paraît, cependant, improbable que le mas des Bocarts mentionné C 121 désigne l'ancienne apendarie. Trois actes publiés par BRUNEL (nos 452, 470, 534) concernent l'apendaria de la Blaqueira, proche du Cernon dont l'histoire paraît encore analogue. (77) BRUNEL, nos 126, 128, 153, 212, 213. L'apendaria était importante puisqu'une part indivise est engagée pour 350 sous et que le sixième est payé 160 sous ; elle compor- tait apparemment les terres contiguës au moulin : apendaria d'a la Losqueira e del moli. Il existe, également, dans nos actes une apendaria du moulin : C 44 et C 45.

(78) La même observation pourrait être faite pour les actes du Cartulaire de Gellone qui concernent le Rouergue. Les moines pratiquent plutôt une politique de peuplement (n° 463), parfois en accord avec les Hospitaliers (n° 506). Sur ce dernier acte, P. TISSET L'abbaye de Gellone au diocèse de Lodève, Paris, 1935, p. 207.

(79) C 87, C 125. L'ausedat supporte normalement la redevance du quart : BRUNEL, nOs 212, 213. Le mot est, d'autre part, assez fréquemment devenu nom de lieu : BRUNEL, n° 289.

(80) Ainsi un acte de Sainte Eulalie mentionne les parras qui sont devant l'église de Saint-Just (cant. ) : BRUNEL, n° 280.

(81) C 113 ;C 156 ; P4. Cf. BRUNEL, nos 395, 397.

(82) P 27 ; P 32. Un acte mentionne la prestation de coqs : BRUNEL, n° 248.

(83) BRUNEL, n° 355. Dans des actes de 1120, il semble que le mas n'est pas cultivé, mais que les parras le sont et doivent, de ce fait, la dîme : BRUNEL, nos 15 et 16. (84) P 32.

(85) BRUNEL, n° 181. (86) P 32.

(87) C 87 ; C 125 ; BRUNEL. n° 34. (88) C 72 ; C 82 ; C 116 ; C 1 53.

(89) L'un d'eux est planté de noyers : C 125 ; une setérée, d'après P 32.

(90) C 153 ; P 11. Le mot est usité en Toulousain et en Quercy plus qu'en Rouergue. (91) BRUNEL, n° 516.

(92) C 101 ;C 120 ; R 24 ; P 11.

(93) C 11. Cf. G. FOURNIER, Le peuplement rural... , p. 298. (94) C 1 20 ; R 25. (95) C 97 ; P 11. Cens de quatre setiers de vin, de six deniers, de 44 setiers d'avoine : C 101. La mention d'une fougasse doit répondre à l'obligation du tenancier de rému- nérer la surveillance des sergents. (96) C 1 52.

(97) Pour le mas de Castanir, à Thouels : P 11.

(98) Cinq mentions seulement au XI le siècle, neuf au XII le siècle. (99) C 87 ; C 1 53 ; P 11.

(100) C 130. On paralt distinguer pastura et pastural : BRUNEL, nos 136, 163, 391. (101) C 125 ;BRUNEL, nos 6O, 66, 462. (102) C 125.

(103) BRUNEL, n° 503 ; cf. n° 383. (104) C153;C168;C189;P11. (105) C53 ;C60 ; C 72. x (106) C 154 ; C 60. Le mot est employé avec honor : C 98 ; R 24. (107) C 1 53 ; C 125 ; mais aussi le sens de propriété : C 168 ; C 169. (108) C 1 24 ; P 32 ; cf. BRUNEL, nos 376, 377, 385. (109) BRUNEL, nos 372, 373. (110) C 1 ;C 183. (111) C 125 ; P 33. (112) D'autres désignations ne tiennent qu'à la configuration du sol : cerr (C 32), peirada (P 17), cairal ou cairat (C 75, C 108) qui doit être un bois quadran- gulaire. (113) C52 ;C 120 ;C 125 ; R 25. (114) C 1 77. (115) C 127 ;P 1. (116) C 62. (117) NO 316 : ... fara boria e la honor. On sait qu'il est philologiquement difficile de faire remonter le mot à bovaria : E. NEGRE, Toponymie du canton de Rabastens, 1959, p. 355. (118) R 22 ; P 7 ; P 25. Dans un acte concernant, il est vrai, le Toulousain, publié par BRUNEL (n° 232), la redevance du mas est double de celle de la bordaria. L'idée d'un défrichement est, d'autre part, suggérée par la toponymie : Erm, Bosquet (R 22), Calm (BRUNEL, n° 21), Brugairetta (BRUNEL, n° 502). (119) Deux tisserands : C 147 ; P 20 ; un cordonnier : C 48 ; un écrivain : C 59.

(120) C 121 ; R 16. Aldebert de Gozon paraft bien avoir une maison « au château de Gozon » : C 117.

(121 ) Hist. Lang., t. V, n° 78-111 (943). (122) Les mêmes formules sont reprises dans toutes les chartes de la région : par exem- ple, dans une donation faite, en 1147, par le vicomte- de Carcassonne : cum faevalibus et retrofaevalibus, cum vicariis et retrovicariis et decimariis et sirventagiis, cum homi- nibus et foeminabus ex inde naturalibus : Hist. Lang., t. III, p. 751. Sur les viguiers, infra p. 60 . Les actes les plus anciens mentionnent totum alodium et totam potes- tatem et dominium : Hist. Lang., t. V, n° 77 (942). (123) L'expression peut être rapprochée de celle des capitales domini terre : cf. P. DUPARC, La commendise, dans Bibi. Ec. Chartes, 1962, p. 67. Des principes terrae sont mentionnés dans le Cartulaire de Conques, ou des optimates populorum dans Sylva nés, p. 384. (124) Raimon de Neiran est appelé aussi Raimon dels Bals : C 162 et Sylvanès, nos 185, 214.

(125) Pour les Cardaillac, C 30 ; pour les Castelpers, C 142. De même Berenger de la Garde parart être le frère de Bernart de Castelpers : C 142. (126) Cartulaire des Templiers de Vaour (n° VIII, p. 7) qui fournit l'exemple très carac- téristique d'un hommage daté de 1161. (127) La désignation fréquente à partir de 1220, est plus rare au XIle siècle : C 31 ; C 1 26 ; C 128.

(128) C 143 ; C 186. Cf. aussi R 15 où le terme désigne la supériorité des Cadars à la Selve mais sans être accolé à leur. nom.

(129) C 28 ; C 32 ; C 99 ; mo seinor Ricart : C 98. (130) C 68 ; C 70 ; C 71 ; C 98. Ce Ricart devait être le troisième fils du comte Uc ler de Rodez dont l'Histoire de Languedoc, t. IV, p. 129, t. VII, p. 30, fait un vicomte de Lodève et de Carlat ; il est mentionné en 1176 dans le testament d'Uc 11 et vivait encore en 1195 : G. SAIGE et de DIENNE, Vicomté de Carlat, t. Il, p. XCV et n° VI, p. 11. (131) C 32 ; C 123. (132) C 61. Cf. CI. BRUNE L, La qualification de « lo don » en ancien provençal, dans Mélanges Antoine Thomas, Paris, 1927, p. 71-74. D'autres personnages sont désignés comme « le jeune » : C 53 ; C 63 ; C 165 ; P 20. (133) Sur ce concile et sur l'atmosphère de guerre et de pillage qui régnait en Auvergne mais aussi en Rouergue : Gabriel FOURNIER, Le peuplement rural ... , p. 368-372. E. MAGNOU-NORTIER, La place du concile du Puy dans l'évolution de l'idée de paix, dans Mélanges Jean Dauvillier, 1979, p. 489.

(134) Ed. A. BOUILLET, 1897, p. 79, J. MIQUEL, L'architecture militaire dans le Rouergue au moyen age et l'organisation de la défense, 2 vol., 1981, p. 46. M. BOUDET, Cartulaire du prieuré de Saint-Flour, Monaco, 1910, p. CXXVII, identifie, cependant, ce château avec celui de Perse au-dessus d' qui appartenait à Amblart, « comtour » de Nonette. Le site de Castelpers paraît pourtant bien répondre à la description des Miracula. (135) Hist. Lang., t. III, p. 347 ; Conques, nOs 14 et 15. Sur l'état actuel de ce château : J. MIQUE L, Châteaux et lieux fortifiés du Rouergue, 1982, p. 248 et 76. (136) Hist. Lang., t. V, col. 634. (137) Hist. Lang., t. III, p. 793 ; t. V, n° 506, col. 962 ; n° 552, col. 1059 ; n° 568, col. 1092 ; n° 599, col. 1173. Cf. également Sylvanès, n° 426 (1151). (138) BRUNEL, n° 89. Le même Frotart est qualifié de vicomte d'Ayssènes et prête hommage en cette qualité au comte de Rodez en 1135 : Hist. Lang., t. III, col. 658 ; t. V, n° 529-111. Nos actes ne mentionnent ni ce personnage ni cette vicomté.

(139) Un Bertran des Avalats est témoin, en 1144, d'un acte de Roger de Carcassonne (Hist. Lang., t. V, col. 1063) et, en 1151, avec Guillem At de Curvalle, d'un acte de Trencavel (Sylvanès, n° 426).

(140) L.-C.-P. BOSC, Mémoire pour servir à l'histoire du Rouergue, Villefranche-de- Rouergue, 1903, p. 642 : la donation faite à Saint-Victor de Marseille porte sur soixante mas dont dix situés in Solmegio ; Hist. Lang., t. III, p. 658 ; t. V, n° 529-11. Sur le château, MIQUE L, � L'architecture..., t. 1, p. 95 et note 157 ; Châteaux..., p. 71. (141) Arnal de Levézou, évêque de Béziers en 1086, gouverneur de Toulouse, archevê- que de Narbonne en 1121, légat du Saint Siège en 1138, mort en 1149. Bermon de Levézou, évêque de Béziers, Hist, Lang., t. III, p. 777. (142) Cartulaire de Conques, p. XV et n° 482, (143) Plus à l'est, vers Cornus, dominait la famille du Pont qui dote largement Sylvanès et avec laquelle les familles de Latour, de la Roque (C 17), de Tournemire, de Born paraissent avoir des liens étroits. Arnal du Pont est dit vir nobilis, magnus et potens. Aimeric du Pont est dit procer du vicomte de Béziers (Sylvanès, n° 477, 483 et p. 381 ). Quant aux Cardaillac, ils seraient originaires, d'après H. de BARRAU, Documents ..., t. 11, p. 1 , du Haut-Quercy. (144) Sur Castelpers, supra, p. 23 ; sur les buttes de Gozon et de Peyrebrune, supra, p. 32 . La famille de Salmiech a dû, vers la fin du XIle siècle, disparaître ou aban- donner ses terres puisque le frère du comte de Rodez reprend le nom. (145) Les seniores Panatensium font figure, en 1060, de potentats indépendants (Conques, n° 15) ; un siècle plus tard, Uc de Panat est cité comme l'un de ses fidèles par le comte Uc Il tandis que Guirald de Panat reçoit de lui la garde du château de , cant. (G. SAIGE et de DIENNE, Vicomté de Carlat, t. Il, p. 7 et 11 ). (146) BONAL-RIGAL, p. 574 où est cité, dans un acte à vrai dire fort suspect, un Deusdet de Cassanias Begonenses, L'acte cité n. 136 prouve que les Cassagnes étaient établis, vers 1060, près de Clairvaux. (147) Toutes les indications fournies par nos actes (notamment C 53) concernent, en effet, cette région. L'actuel lieu-dit « le Castel », comm. Réquista, peut garder le souvenir de l'ancien château. Le premier château de la famille est situé comm. Quins, cant. Naucelle, (148) P 1. B. Aimeric, cité dans cet acte, doit être un Castelpers. Il est à remarquer, en revanche, que la famille de Janas, qui devait être originaire de Cadalen, paraît avoir abandonné la région. (149) Marcellin BOUDET, Cartulaire du prieuré de Saint-Flour, p. XXVIII ; cf. G. FOURNIER, Le peuplement rural, p. 572. Autre anomalie : il existait une famille de la Selve qui paraît avoir disparu à l'époque même de l'installation des Templiers, cf. infra, p. 74. (150) Et, en outre, cinquante-sept mas et trois demi-mas donnés pour le fief seulement. (151) Il est très probable que les personnages, comme Peire Pelacas, Imbert Baiet (C 8 et 9) appartiennent à un lignage noble. Il en est de même de bien d'autres personnages désignés par un simple prénom : Guillem Foramon (C 12), Bernadz et Raimunz At (C 15) sont très probablement des Cassagnes ; Guillem Aldois et Raimon Aimeric sont des Thouels (C 82 ; C 114 ; C 175 ; C 185) ; Gui Amblart et Peire Berengers peuvent être des Cornus (C 42 et C 142), Raimon Peire et Guillems Sicarz devaient appartenir à la famille du Ram (C 153 et C 159) ; Raimon Seinorel, à la famille de Neiran (C 162), Guillems Ermengaus, à la famille d'Ayssènes (C 168), Bernadz Amp, à la famille de Camboulas (C 187). Raustit reçoit du comte Uc 11, en 1176, le château de Camboulas : G. SAIGE et de DIENNE, Vicomté de Carlat, t. Il, p. 11. (152) C 98 ; C 125. Clause identique dans BRUNEL, n° 455 : tôt aizo escadegut a-part partida de mos fraires. (153) Sylvanès, n° 177, p. 147. (154) Sylvanès, n° 488 (1183). Sur le sens exact du mot : Sylvanès, n° 87 et n° 256 ; Une femme transige seule sur la succession mais cum consilio et laudatione mariti mei : Sylvanès, n° 356 (1167). (155) La preuve directe en est donnée par une charte de 1183 : Sylvanès, n° 488 ; les sœurs figurent toujours à côté de leurs frères, par exemple : Fida et Raimonda de Cadars (C 1, C 25, C 65). Bien que, dans nos actes, les femmes possèdent normalement des fiefs, leur succession aux fiefs a dû faire difficulté : Conques, n° 439 ; Gellone, n° 466 (1077 - 1099) ; d'autre part, les femmes ne succèdent pas, au Xle siècle, aux vigueries : cf. p. 60.

(156) C 29 ; C 33 ; C 57 ; C 65 ; C 67 ... (157) Le mot n'est employé que six fois au Xlle siècle (et treize fois au X)))e siècle) et, à une exception près (où il s'agit d'une fondation : P 1 ), dans le sens très vague de famille. (158) D'où la clause de dévestissement du lignage figurant dans quelques chartes : BRUNEL, nos 303, 304, 305, 341. L'influence romaine apparaît dans la clause de porte- fort d'une ratification des frères mineurs, dès 1154 : Sylvanès, n° 304.

(159) BONAL-RIGAL, t. 1. p. 574 ; sur cet acte, v. p. 23, n. 146. Parfois, l'aliénation d'un bien n'est permise qu'au profit d'une personne désignée qui peut, d'ailleurs, céder le bénéfice de cette clause : Conques, n° 455 (1060-1065). Cf. sur cette pratique : Paul OURLIAC, La Convenientia dans Etudes d'Histoire du droit médiéval, 1979, p. 243-258, et sur les pratiques de la « classe chevaleresque », Paul OURLIAC et J. de MALAFOSSE, Droit romain et Ancien droit, t. 1, p. 66.

(1 60) C 125 ; C 148 ; C 155 ; C 157. (161) C 32 ; C 61 ; C 95 ; C 172 ; C 188. (162) C 27. (1 63) C 60 où le sens est certain.

(164) Nos 110 et 298 où le mot est employé deux fois dans chaque acte. On peut passer, cependant, très facilement à l'idée d'une dépendance personnelle : cf. DU CANGE vis naturalis, nativi. Dans un serment de fidélité prêté en 1175 à l'évèque de Nîmes, Bernart d'Anduze réserve la situation de ses « hommes naturels », ce que M. BRUNEL, n° 144 interprète des « hommes envers qui il est engagé par serment ou par obligation féodale ». Il peut s'agir de ses sujets ou, mieux encore, de ses parents. Rappe- lons, enfin, que le quatrième livre de la loi des Visigots qui traite de la parenté, a pour titre De origine naturali.

(165) C 155. Un acte de 1106 montre qu'il peut exister des hommes naturels d'une apendaria (Cart. Gellone, n° CLXXX, p. 159). On doit, enfin, remarquer, que pour la même paroisse et à la même date, tandis que l'acte R 11 rattache les hommes naturels à un mas, l'acte R 31 ne paraît pas impliquer une telle attache. (166) Spécialement P 11..

(167) C 41 ;C 124.

( 168) Marc B LOCH, Liberté et servitude personnelles au moyen âge particulièrement en France, dans Anuario de Historia del Derecho espanol, t. X, 1933, p. 46-55. (169) Beaucoup de chartes des Xe et Xle siècles indiquent qu'une terre est cédée cum ipsis servis qui ibi visi sunt manere : par exemple, Conques, n° 6 (930). D'autres parlent de mancipia. Mais, outre que ces mots peuvent comporter à l'époque des acceptions fort diverses, ces actes ne concernent pas la région de la Selve et rien ne permet de rapprocher la condition de celle des serfs d'ourine. Marc BLOCH remarquait déjà que, dans tout le Midi, quand le servage apparaft dans les textes, il comporte un caractère réel très marqué qui n'existe pas dans la France du Nord.