Revue d’histoire des chemins de fer

34 | 2006 Les cheminots dans la Résistance Une histoire en évolution

Édition électronique URL : http://journals.openedition.org/rhcf/521 DOI : 10.4000/rhcf.521

Éditeur Association pour l’histoire des chemins de fer

Édition imprimée Date de publication : 1 juin 2006 ISSN : 0996-9403

Référence électronique Revue d’histoire des chemins de fer, 34 | 2006, « Les cheminots dans la Résistance » [En ligne], mis en ligne le , consulté le 05 octobre 2020. URL : http://journals.openedition.org/rhcf/521 ; DOI : https:// doi.org/10.4000/rhcf.521

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À l’occasion de la première présentation, de décembre 2005 à avril 2006 au Mémorial Maréchal Leclerc de Hauteclocque et de la Libération de , Musée Jean Moulin, de l’exposition Les Cheminots dans la Résistance réalisée par la Fondation de la Résistance, avec la participation et le soutien de la SNCF et en coopération avec l’Association pour l’histoire des chemins de fer en , l’AHICF a réuni tous ceux qui font de la résistance des cheminots une histoire en évolution : auteurs et membres du comité historique de l’exposition, jeunes chercheurs, conservateurs d’archives et de musées en France et en Europe. Aux actes du colloque tenu le 3 décembre 2005 sont ajoutées d'importantes références – bibliographie critique, publication de documents inédits – pour les travaux futurs.

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SOMMAIRE

Actes du colloque

Ouverture du colloque Laurent Douzou

Écrire l’histoire des cheminots dans la Résistance

Les sources pour écrire l’histoire des cheminots dans la Résistance Laurence Bour

Écrire l’histoire des cheminots dans la Résistance. État actuel de l’historiographie Cécile Hochard

Nouveaux regards sur l’engagement des cheminots en résistance

Le regard des historiens de la Résistance sur l’engagement des cheminots (1944-1997) Coralie Immelé

La construction d’une mémoire, la transmission d’une histoire

Résistance-Fer, du « réseau » à l’association : une dynamique corporative intéressée ? Georges Ribeill

La mémoire de la Reichsbahn et des cheminots en guerre à travers les expositions permanentes du DB Museum à Nuremberg Rainer Mertens

Le grief fait aux cheminots d’avoir, sous l’occupation, conduit les trains de la déportation Christian Chevandier

Bibliographie

Les cheminots dans la Résistance. Bibliographie thématique Cécile Hochard

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Témoignage et documents

Sabotages et lutte armée Entretien de Georges Delepaut avec Yves Le Maner, 22 juin 2004 Laurent Seillier

Les « tracts » trouvés dans les emprises ferroviaires de 1941 à 1943 Choix commenté par Bruno Leroux, directeur historique de la Fondation de la Résistance et Cécile Hochard, docteur en histoire Bruno Leroux et Cécile Hochard

L’exposition «Les cheminots dans la Résistance»

Les cheminots dans la Résistance. Une exposition Marie-Noëlle Polino

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Actes du colloque

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Ouverture du colloque

Laurent Douzou

1 Je voudrais d’abord m’associer à Christine Levisse-Touzé en remerciant ceux, institutions et individus, qui ont conçu et rendu possible la tenue de ce colloque, remercier aussi ses organisateurs de m’avoir convié à présider des débats dont la teneur m’intéresse vivement.

2 En unissant leurs forces, l’Association pour l’histoire des chemins de fer en France, le Mémorial Maréchal Leclerc de Hauteclocque et de la Libération de Paris, Musée Jean Moulin, la Fondation de la Résistance et la SNCF participent d’un effort commun qu’il convient, à mes yeux, de saluer. Ce colloque a pour titre : « Les cheminots dans la Résistance. » À première vue, cela pourrait sembler un thème rebattu, un champ de recherches sillonné en tous sens. Les apparences sont trompeuses. Et le sous-titre donné à ce colloque le suggère bien : « Une histoire en évolution. » Ce sous-titre peut surprendre : toute histoire n’est-elle pas, par définition, en évolution ? À la vérité, ce sous-titre sied à la réunion de ce jour et la définit, au fond, assez bien. La résistance cheminote est un chantier en plein renouvellement, on le verra au fur et à mesure des communications présentées aujourd’hui, grâce aux efforts conjugués de chercheurs confirmés et de doctorants déjà bien avancés dans leurs travaux. Le paradoxe, c’est que, dans le même temps, la résistance des cheminots est un véritable lieu de mémoire, au sens où Pierre Nora a forgé et défini ce terme, c’est-à-dire un système de représentations, puissant, élaboré, bien enraciné en chacun de nous. Chacun, au fond, a son image de la résistance cheminote. À travers La Bataille du rail bien sûr, mais pas seulement : ce lieu de mémoire est attesté et irrigué par quantité d’éclats, des récits d’acteurs aux monographies dédiées à l’histoire de la Résistance.

3 En quoi y a-t-il donc évolution ? L’évolution réside dans le fait que cette Résistance spécifique, multiforme, complexe tend à devenir un objet d’étude en soi, dans le fait également que les archives de la SNCF s’ouvrent aux chercheurs, se structurent et s’organisent. Il y a là une convergence porteuse d’espoirs et, dès maintenant, on peut le dire, d’avancées scientifiques. Archivistes, politistes, historiens, sociologues, muséographes s’activent sur ce chantier. Ils le font avec des approches novatrices qui doivent au renouvellement des questionnements : ainsi, au lieu d’opposer, comme on l’a fait longtemps, histoire et mémoire, on tend de plus en plus à intégrer la mémoire à

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l’étude historique en faisant l’histoire de la mémoire, en érigeant la mémoire en objet d’histoire au même titre que l’histoire elle-même de la Résistance. De la sorte, le légendaire, le mythe ne sont plus repoussés au motif qu’ils s’opposeraient à l’histoire. Il y a bel et bien eu, dans cette histoire-là, au fur et à mesure qu’elle se forgeait, qu’elle prenait forme, qu’elle se déroulait, une dimension légendaire qui n’était pas seconde, qui était même consubstantielle à cette histoire. Comme l’écrit l’historien britannique Julian Jackson : « Il y existait bel et bien un mythe de la Résistance qu’il fallait dégonfler, mais cela ne signifie pas que la Résistance elle-même fut un mythe. »

4 J’arrête là parce que le rôle d’un président, c’est de distribuer la parole, de veiller au respect des horaires et, si tout se passe bien, de se faire au bout du compte oublier. Mieux vaut laisser la parole aux spécialistes plus compétents que moi qui ont été invités. Avant de le faire, un dernier mot cependant qui m’est dicté par l’expérience que j’ai de ce type de rencontre : la Résistance, et c’est heureux, mobilise les passions, reste une histoire brûlante. Je voudrais placer cette rencontre sous le signe de deux résistants qui, tout deux à des années de distance, ont tenu le même langage, Marc Bloch et Jean-Pierre Vernant. Sans se concerter, ils ont appelé les acteurs mués en témoins et les chercheurs à faire en sorte que leur rencontre soit fraternelle. C’est un vœu que je forme à mon tour au moment de céder la parole aux véritables acteurs de ce colloque, ses communicants.

AUTEUR

LAURENT DOUZOU Professeur d’histoire contemporaine à l’Institut d’études politiques de Lyon

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Actes du colloque

Écrire l’histoire des cheminots dans la Résistance

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Les sources pour écrire l’histoire des cheminots dans la Résistance

Laurence Bour

1 Mener une étude historique sur la résistance cheminote, quel que soit le périmètre géographique de l’enquête, représente un long travail. Il faut en effet se livrer à une exploitation systématique de toutes les sources écrites et figurées, sans oublier la collecte de témoignages ou le recours aux archives orales qui peuvent permettre d’accéder au « dessous des choses », aux cheminements. Au préalable, il peut être fort utile de se rapprocher des associations d’anciens résistants, par le biais notamment de la Fondation de la Résistance, afin de dresser une première liste de cheminots résistants. Coralie Immelé, auteur de travaux sur la résistance cheminote à Lyon et dans le Rhône, a également eu l’idée de recenser les noms des cheminots inscrits sur les plaques commémoratives1.

2 Quelles sont donc les sources à exploiter ? Nous verrons en premier lieu, dans la perspective de ce colloque qui privilégie les ressources les moins connues et les plus récemment mises à la disposition de la recherche, les archives conservées par le Centre des archives historiques de la SNCF au Mans et à celui de Béziers. Nous examinerons ensuite successivement, à partir d’exemples tirés de travaux de recherche récents, les sources conservées par le Centre historique des Archives nationales à Paris, celles des Archives départementales puis des Archives municipales. Nous évoquerons enfin en quelques mots les sources détenues par l’Office national des anciens combattants et victimes de guerre et par les musées de la Résistance.

Le Centre d’archives de la SNCF à Béziers

3 Ce centre assure la conservation et la communication au public des dossiers des cheminots n’ayant plus d’utilité administrative pour les services des Ressources humaines de l’entreprise2. Le centre a ouvert ses portes au public en 1998. Il conserve aujourd’hui environ 5 kml de dossiers de carrière et/ou de dossiers de pension, et/ou de fiches carrière. Bien sûr tous les dossiers ne sont pas encore à Béziers, mais un des

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objectifs de la politique d’archivage de l’entreprise a bel et bien été de favoriser les transferts des dossiers d’agents sur Béziers.

4 Avant de se rendre à Béziers, il est préférable d’avoir dressé au préalable une liste de noms et de demander au personnel du Centre de Béziers d’effectuer des recherches à partir de ces noms. En effet, les dossiers de carrière sont fréquemment classés par année de départ de l’agent, puis seulement ensuite par ordre alphabétique. Il faut évidemment songer à la nécessité de formuler une demande de dérogation.

5 Un dossier de carrière se compose de cinq parties. Deux parties de ce dossier sont plus particulièrement utiles pour l’étude de la Résistance : le sous-dossier relatif aux nominations, mutations, changements de résidence, notations ; le sous-dossier des sanctions et récompenses de l’agent. Bien sûr les dossiers sont plus ou moins complets selon les cas et, finalement, assez hétérogènes. Coralie Immelé explique que, dans certains cas, elle n’y a même pas vu mentionnée l’activité résistante d’un cheminot qui était pourtant un résistant avéré ! La SNCF a pris la décision de conserver, sans les expurger, les dossiers d’agents partis à la retraite avant 1972 mais bien sûr, par le passé, des pièces ont pu être éliminées.

6 Malgré tout, ces dossiers sont particulièrement intéressants pour l’historien. À partir d’une large liste de cheminots morts pour la France, les dossiers d’agents permettent d’identifier de manière sûre les résistants. Nous trouvons aussi dans les dossiers des informations relatives à l’activité résistante (passages clandestins, renseignements, sabotages...) et aux organisations de résistance auxquelles sont affiliés les cheminots (Libération-Sud, NAP-Fer, Gallia, FFI).

Le Centre des archives historiques de la SNCF au Mans

7 Depuis 2000, le Centre des archives de la SNCF a entrepris un travail de classement et d’inventaire destiné à faciliter l’accès du public aux archives de la Seconde Guerre mondiale3. Tous les fonds cités ont fait l’objet d’un inventaire qui vient d’être mis en ligne par l’AHICF sur le site www.trains-fr.org/ahicf, dans l’attente de leur diffusion sur le site Internet de la SNCF. Les sources ne sont pas aisées à exposer car elles sont relativement hétérogènes. Nous allons donc commencer par les plus évidentes.

Les fichiers constitués par le Service central du personnel (versement 118 LM)

8 Source la plus évidente et incontournable, le versement 118 LM englobe plusieurs fichiers nominatifs de renseignements sur le personnel constitués par le Service central du personnel de la SNCF. La plupart des fichiers concerne la Seconde Guerre mondiale. Le nombre total de fiches s’élève à 89 000. Les fichiers sont uniquement consultables sur Cédéroms et après obtention d’une dérogation.

9 Si Paul Durand a connu et utilisé ces sources pour son étude, ce n’est en revanche pas le cas de l’historien Christian Bachelier entre 1992 et 1996. Depuis 2000, plusieurs étudiants ont eu accès à ces fichiers, mais leur sujet d’étude se limitait à la Résistance dans un secteur géographique déterminé.

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10 Le classement d’origine des fichiers a été respecté, mais le type de classement varie d’un fichier à l’autre, ce qui en complique l’exploitation. Le dépouillement est nécessairement long. Nous allons examiner les différents types de fiches, en détaillant les renseignements qui s’y trouvent, et les thématiques abordées. Nous allons toutefois écarter les renseignements généraux qui se trouvent systématiquement sur toutes les fiches : nom et prénoms ; date de naissance ; emploi, grade et résidence administrative, adresse personnelle ; situation familiale.

11 Le premier type de fiche aborde deux thématiques : celle des « citations et décorations au titre de la Libération », et celle des « décorations de la médaille Résistance Fer ». Les renseignements spécifiques figurant sur ces 545 fiches sont : la date et la nature de la décoration ou de la citation ; puis le texte de la citation.

12 Pour le second type de fiche, la thématique abordée est celle des « agents cités à l’ordre de la SNCF et à l’ordre de la région ». Les renseignements spécifiques sont la date et le texte de la citation. La citation inscrite sur la fiche de Léon Bronchart (118 LM34) évoque notamment son « refus de conduire un train dans lequel étaient incorporées trois voitures de détenus politiques ». Le cachet « guerre » figure sur les fiches des agents cités pour des actions liées à la Seconde Guerre. Il faut parcourir l’ensemble des 15 343 fiches du fichier pour débusquer les actions de résistance car nombre de citations sont liées en fait à des actes de dévouement, de courage, ou à des blessures par faits de guerre.

13 2 495 fiches abordent la thématique des « récompenses au titre de la Libération ». Nous y trouvons les renseignements suivants : la date et la nature de la récompense ; le texte de la citation ; le nom de l’organisme à l’origine de la proposition. Les cas de refus apparaissent dans le fichier.

14 Sur la thématique des « agents arrêtés, incarcérés, déportés par les Allemands pour différents motifs (vols, résistance, actes anti-allemands, et autres) » et des sous- thèmes « agents libérés, rentrés, rapatriés, décédés, disparus, fusillés », il existe 7 605 fiches exploitables. Les renseignements spécifiques de ces fiches sont : la date et motif de l’arrestation ; la nature de la condamnation ; la date et nom du tribunal ; la date de départ en Allemagne ; le lieu d’internement ; des observations soit sur la libération, la disparition, ou le décès. Toutefois, les motifs d’arrestation sont loin d’être toujours indiqués !

15 Un autre type de fichier couvre la thématique des « agents suspectés de communisme ou de menées antinationales, incarcérés et sanctionnés par mesure disciplinaire », cette thématique se découpant en nombreux sous-thèmes. Le fichier compte 4 619 fiches. Les renseignements spécifiques de ces fiches sont : les dates de la radiation de l’affectation spéciale, ou de l’internement, ou de l’incarcération ou encore des différentes sanctions (la suspension, le licenciement, la révocation) ; les appréciations de supérieurs sur l’agent (appréciations parfois absentes) ; et la mention de la correspondance échangée (celle-ci occupe parfois le recto et le verso de la fiche !).

Les dossiers individuels d’agents

16 Si les dossiers de carrière sont conservés à Béziers, en revanche le Centre des archives historiques de la SNCF conserve au Mans des dossiers individuels administratifs tenus par les services du personnel à tous les échelons de l’entreprise, du central au local. Ces dossiers constituent donc bien des sources complémentaires, même si les lacunes se

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déduisent elles-mêmes de l’exposé qui suit. La consultation de ces dossiers est soumise à dérogation.

17 Dans le fonds du Service central du personnel, nous trouvons : des dossiers d’agents arrêtés par les Allemands pour menées antinationales, essentiellement des agents communistes (cote 25 LM259) ; des dossiers de révisions de carrières d’agents membres du réseau Résistance-Fer (cotes 25 LM252 et 253) ; des dossiers de secours pour les réfractaires au STO non affiliés à un organisme de résistance (cote 25 LM265/3).

18 Dans le fonds de la Région ouest, Service Exploitation, nous trouvons les dossiers individuels d’agents – uniquement des agents de l’Exploitation donc – sanctionnés pour activité antinationale (cotes 201 LM1, 2, 3 et 4).

19 Dans le fonds de la Région nord sont conservés, sous les cotes 279 LM1 à 13, les dossiers d’agents de la Région nord arrêtés et incarcérés par les autorités d’occupation pour différents motifs (vols, actes anti-allemands, acte de résistance, motifs inconnus, etc.).

20 Dans le fonds de la Région sud-ouest, Service Matériel et Traction, sont conservés sous les cotes 303 LM11, 12, 13, 14, 15 et 73 LM29, 30, les dossiers individuels d’agents arrêtés et incarcérés par les autorités allemandes pour divers motifs : filiation juive, faits d’ordre politique (activité communiste, tendance gaulliste) ; franchissement de la ligne de démarcation sans laissez-passer ; transport illicite de correspondance en zone libre ; vols ; réflexions injurieuses à l’égard des Allemands ; prise de photographies.

21 Coralie Immelé a pu exploiter quelques dossiers présents dans les archives de la Région SNCF du Sud-Est4.

22 Beaucoup de ces dossiers administratifs relatifs aux agents arrêtés et incarcérés sont liés aux questions de versement de la solde, des allocations familiales, ou de secours. Mais ils comportent aussi des renseignements relatifs aux faits reprochés à l’agent, à la sanction prise, à l’arrestation. Leur typologie documentaire est très riche puisqu’ils contiennent de la correspondance, divers imprimés de renseignements, divers formulaires, des rapports préfectoraux, etc.

23 Il ne faudrait pas négliger les dossiers relatifs aux mesures disciplinaires prises pendant la Seconde Guerre par le conseil de discipline présents dans les archives du Service Matériel et Traction de la Région sud-ouest sous les cotes 303 LM6, 7, 8, 9. On y trouve les séances du conseil de discipline pendant la guerre, puis des dossiers individuels d’agents sanctionnés par des mesures disciplinaires.

Approche thématique, non exhaustive

24 Notre première thématique aborde les éléments contextuels. Toute étude historique sur la résistance cheminote débute en plantant le « décor », c’est-à-dire en présentant les relations avec les autorités allemandes, l’organisation des services allemands dans les territoires occupés de la SNCF, et les contraintes qui en résultent. Sans oublier la présentation de la corporation cheminote, etc. Sur ce point, les archives de l’entreprise sont primordiales, comme le montrent le fonds Durand évoqué ci-dessous et les « documents SNCF » qui le composent. Nous n’allons pas nous étendre ici et maintenant sur le sujet, mais nous renvoyons le chercheur à l’État sommaire des archives de la période 1938-1948 qui figure sur le site Internet de l’AHICF. Les archives clés permettant d’étudier les relations avec l’occupant y sont exposées : archives du Secrétariat du conseil d’administration, archives du Secrétariat de la direction générale, archives du

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Service technique de la direction générale. Il ne faut pas négliger les archives de la Région nord (PNV 3915, PNV 3918, PNV 3920) : les dossiers relatifs à la surveillance des voies sont fort intéressants.

25 La thématique que nous souhaitons ensuite aborder est celle des formes d’actions de résistance.

26 Ces formes d’action s’analysent au travers de la lutte que mène l’entreprise à leur encontre, notamment par le biais des affiches : lutte contre les sabotages, contre les indiscrétions professionnelles de nature à renseigner l’ennemi, contre les vols, contre les transports de correspondance entre la zone libre et la zone occupée. Cette lutte transparaît également au travers des textes réglementaires de l’entreprise. Nous songeons en premier lieu aux ordres du jour destinés à l’ensemble du personnel, tel l’Ordre du jour 47 du 20 octobre 1942, signé Le Besnerais, directeur général, sur le secret des transports, ou encore l’Ordre du jour 51 du 28 avril 1943, signé Bichelonne, ministre à la Production industrielle et aux Communications, lançant un appel contre les attentats. Mais il ne faut pas négliger l’ensemble des autres textes réglementaires, nationaux et locaux, tel l’Avis général n° 8 relatif à la correction à observer à l’égard des autorités d’occupation datant de janvier 1941. Les collections du Centre des archives de la SNCF au Mans, même si elles souffrent encore de lacunes, surtout pour les règlements émanant des directions régionales et des établissements, sont aujourd’hui inventoriées.

27 Parmi les formes d’actions figurent les tracts. Le Centre des archives historiques de la SNCF au Mans détient, dans le fonds du Service central du personnel, une quantité importante de tracts sous les cotes 25 LM258 et 25 LM1934, dont un échantillon raisonné est publié dans le présent volume.

28 Quand aux vols, ils sont une des formes possibles d’actions de résistance lorsqu’ils sont orientés contre les autorités occupantes. La cote 25 LM240 contient des archives du Service central du personnel relatives aux vols commis à la SNCF pendant la période de guerre : statistiques, procès-verbaux des commissions de surveillance générale ; affichage des mesures disciplinaires.

29 Une autre forme essentielle d’actions de résistance réside dans les actes de sabotage. Le Centre du Mans conserve un certain nombre d’archives relatives aux faits de guerre, terme qui recouvre les bombardements, mitraillages et les sabotages. Mais l’apport de ces archives pour l’étude de la résistance cheminote est loin d’être évident, car il faut ensuite pouvoir lier les sabotages à l’action de cheminots ! Ainsi, il semble qu’il faille écarter les archives, assez nombreuses, relatives aux cheminots blessés et/ou tués, et sinistrés par faits de guerre. Nous déplorons, au niveau des archives des services centraux, d’importantes lacunes dans les archives du Service du Mouvement, lacunes partiellement comblées par le fonds Durand. Du côté des archives des services régionaux, le fonds du Service Voie et Bâtiments de la région de l’Est est de loin le plus intéressant, puisqu’il est permet de dresser la cartographie des dégâts liées aux faits de guerre. Le versement concerné est 111 LM. Nous y trouvons : les rapports sur les sabotages et cela pour tous les arrondissements de la Région est ; la correspondance avec le Service central du personnel relative aux incidents et dégâts causé au chemin de fer par des actes de sabotage ; les dépêches du poste régional d’information concernant les incidents de circulation des trains dus aux bombardements, sabotages et mitraillages.

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30 Sur les évasions, citons la cote 25 LM1940/4 qui fournit la liste des agents ayant facilité le passage de la ligne de démarcation ou ayant facilité l’évasion de prisonniers en France, en Allemagne ou en Autriche.

31 Au sujet de l’appartenance à des organisations (groupes, réseaux, mouvements, mouvance communiste, NAP-Fer), citons la cote 25 LM1940/4 où figurent les listes nominatives d’agents arrêtés par les Allemands et décédés en France ou en déportation.

32 Avant de conclure, nous ne pouvons omettre, dans ce panorama général des sources sur la résistance cheminote, la série de cassettes vidéo enregistrées en lien avec le 8e colloque de l’AHICF de juin 2000. Le chercheur dispose là de vingt témoignages de résistants, dont notamment deux résistants de Limoges et deux de Lyon. Ces enregistrements, dont la direction de la Communication de la SNCF était le commanditaire, ont été produits par le Centre audiovisuel de la SNCF et peuvent être consultés au Mans et à l’AHICF à Paris.

33 Voyons à présent les sources offertes par les autres fonds d’archives publics et privés, telles qu’elles ont été utilisées par des travaux récents.

Sources conservées au Centre historique des Archives nationales (CHAN), à Paris

72 AJ : Fonds du Comité d’histoire de la Deuxième Guerre mondiale

34 Le fonds le plus intéressant est celui du Comité d’histoire de la Deuxième Guerre mondiale. Il est coté 72 AJ, sachant que la série AJ accueille les fonds divers remis aux Archives nationales.

35 Lors du 8e colloque de l’Association pour l’histoire des chemins de fer en France, « Une entreprise publique dans la guerre : la SNCF, 1939-1945 », les 21 et 22 juin 2000, Patricia Gillet a présenté cette série 72 AJ comme une « stratification empirique de pièces originales, de documents de travail, de témoignages et de papiers personnels »5. En effet, elle regroupe les documents collectés, entre 1951 et 1980, par les membres de cet organisme, chargés de susciter des témoignages sur la Résistance, sur l’occupation, et de réaliser des enquêtes et des publications sur la période de guerre. La série accueille aussi les archives personnelles des membres du comité. Au-delà de 1980, année de sa dissolution, la série s’est enrichie d’archives privées sur la Seconde Guerre.

Au sein de la série 72 AJ, la place d’honneur revient au fonds Paul Durand coté 72 AJ 473 à 508

36 Ce fonds de trente-six cartons comprend la documentation rassemblée par Paul Durand, inspecteur général honoraire de la SNCF, en vue de son ouvrage La SNCF pendant la guerre paru en 1968. L’inventaire du fonds est en ligne sur le site consacré par l’AHICF à l’actualité de la recherche historique sur les chemins de fer français et les cheminots pendant la Deuxième Guerre mondiale (www.ahicf.com).

37 En tant qu’ancien cheminot, Paul Durand a largement recouru aux archives de l’entreprise. Il a été personnellement mandaté par le président Louis Armand pour s’approprier quantité de pièces ou du moins en prendre copie. Nous trouvons donc dans le fonds Durand le fruit de ses travaux de collecte de « documents SNCF ». Ces

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archives permettent d’étudier les conditions d’exploitation du réseau et les relations entretenues avec les autorités d’occupation.

38 Outre le corpus de « documents SNCF », le fonds Paul Durand doit sa richesse aux archives relatives à l’enquête qu’il a menée sur le rôle des cheminots pendant la guerre (cotes 72 AJ 495 à 498). En introduction de son ouvrage, Paul Durand évoque l’envoi de « 417 questionnaires individuels adressés à des résistants indiscutables. 114 seulement ont été retournés ».

Après le fonds Paul Durand, signalons les cotes 72 AJ 74-75

39 Ce fonds est improprement appelé « Résistance Fer (SNCF) ». En fait, les documents qui le composent sont un « condensé » de l’enquête de Paul Durand. Ils décrivent essentiellement les actes de sabotage commis par les cheminots ainsi que les résultats obtenus, mais aussi les dégâts causés par les bombardements alliés.

Les témoignages et documents recueillis après guerre par les correspondants locaux du Comité d’histoire

40 Ils sont classés par département, sous les cotes 72 AJ 90-209, ou par mouvement et réseau de résistance sous les cotes 72 AJ 35-81. En tête de ces dossiers, nous trouvons les relevés des faits de résistance dans des documents allemands, ou les relevés des faits de résistance tirés du journal FTPF France d’abord.

Parmi les fonds privés ajoutés à la série 72 AJ au-delà de 1980, figure le fonds de l’association Résistance-Fer coté 72 AJ 2280-2297

41 L’association Résistance-Fer a déposé ses archives au Centre historique des Archives nationales au moment de sa dissolution, en mai 2000. Le répertoire numérique détaillé datant de septembre 2001, le fonds n’est accessible aux chercheurs que depuis peu de temps. L’inventaire du fonds est en ligne sur le site www.ahicf.com. Coralie Immelé, en se limitant volontairement, dans le cadre restreint de son DEA, à l’étude des documents de la période 1940-1944, a exploité avec profit trois cotes sur les dix-huit car la plupart des papiers concerne la période postérieure6.

42 Nous trouvons dans ce fonds : • des documents sur la fondation et l’évolution de l’association (72 AJ 2280) ; • des rapports des organes centraux (dont les procès-verbaux des réunions hebdomadaires du Bureau d’action immédiate à partir d’octobre 1944), congrès et assemblées générales de l’association ; • des archives relatives aux homologations des membres de Résistance-Fer, dont des états nominatifs, un registre des homologations (72 AJ 2286) ; • des archives sur l’aide sociale apportée aux familles des résistants disparus, fusillés ou morts en déportation, dont des fiches nominatives ; • des archives relatives à la défense de la mémoire de la Résistance et de la Déportation ; • des documents sur la participation aux activités de fédérations et d’associations liées à la résistance ferroviaire ;

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• des documents relatifs aux manifestations et cérémonies commémoratives ; • des publications de l’association.

43 Nous conclurons la présentation de la série 72 AJ en rappelant à nouveau les propos de Patricia Gillet au colloque de juin 2000 : « C’est du côté de la Résistance que se situent les gisements les plus importants » de la série 72 AJ7.

Fonds 3 AG 2, archives du « Bureau central de renseignements et d’action (BCRA) »

44 Outre la série 72 AJ, il nous faut mentionner une source d’un grand intérêt présente au Centre historique des Archives nationales. Il s’agit du fonds du Bureau central de renseignements et d’action (BCRA), coté 3 AG 2, sachant que la série 3 AG correspond aux archives de Gaulle antérieures à 1959. Le BCRA était chargé d’assurer la liaison entre la Résistance métropolitaine d’une part, la France libre et les Alliés d’autre part. Les cotes relatives à la SNCF sont les suivantes : 3 AG 2 234, 235, 236, 361.

Série F 7, archives des Renseignements généraux et des services de police

45 Des éléments peuvent être trouvés au sein de la série F 7 dans les archives des Renseignements généraux et des services de police.

46 Les fonds des Renseignements généraux incluent de la documentation sur la SNCF, des dossiers sur les sabotages et les attentats permettant de reconstituer l’histoire de la Résistance.

47 La série F 7 comprend aussi : • les dossiers d’organisation et de fonctionnement du corps des gardes de communication, chargés de surveiller les voies et les ateliers de la SNCF ; • les registres de main courante du commissariat de la .

Sources conservées aux Archives départementales (AD)

48 Nous allons maintenant présenter les sources conservées aux Archives départementales, mais bien sûr ces sources varient d’un département à l’autre. Le chercheur doit bien évidemment consulter les inventaires disponibles. Lors des recherches dans les inventaires, il ne faut pas négliger les sources orales.

Archives des services préfectoraux

49 Examinons en premier lieu les archives des services préfectoraux : archives du cabinet du préfet et archives des services de police et de gendarmerie.

50 Les rapports des préfets sont des sources très utiles car ils sont rédigés à partir de rapports très détaillés des services administratifs et des sous-préfets. Ils traitent de l’état d’esprit de la population, des actes de sabotages, de l’état du trafic, des relations avec les autorités allemandes.

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51 Au sein des archives préfectorales, les sources les plus fréquemment rencontrées sont les documents relatifs aux destructions causées par les actes de résistance et par les bombardements. Dans les départements au trafic ferroviaire de forte importance ou d'un fort niveau d’activité de résistance, la proportion de dossiers concernant les sabotages ferroviaires peut être élevée. Ces dossiers constituent des sources précises et diverses du fait de la présence de multiples rapports : rapport du sous-préfet au préfet, rapport de gendarmerie, rapport du préfet à la direction générale de la Police à Vichy, rapport des Renseignements généraux. Par ailleurs, les archives témoignent de l’étroite surveillance dont faisaient l’objet les cheminots, par crainte de propagande communiste.

Fonds judiciaires

52 Examinons maintenant les fonds judiciaires : archives des tribunaux et archives des établissements pénitentiaires.

Archives des tribunaux

53 Coralie Immelé a ainsi entrepris une étude des archives des juridictions d’exception instaurées par le gouvernement de Vichy à Lyon : sections spéciales et tribunal spécial, tribunal d’État. Les dossiers de justice constituent bien une source complémentaire permettant de mieux connaître la vie clandestine des résistants. Attention toutefois, ces archives ne sont consultables qu’après obtention d’une dérogation8.

Archives des établissements pénitentiaires

54 Prenons à nouveau l’exemple du travail de Coralie Immelé. Elle a exploité les archives de la prison militaire de Montluc en utilisant le fichier des fusillés, disparus, déportés, libérés, rapatriés afin d’identifier les cheminots résistants emprisonnés, puis en consultant leurs dossiers, ces derniers étant toutefois de composition assez inégale9.

Archives de la série J

55 Les fonds présents dans la série J, qui accueille les fonds entrés par voie extraordinaire, peuvent varier d’un département à l’autre, en fonction des dépôts d’archives effectués. Par exemple, les Archives départementales de l’Aisne conservent des fichiers chronologiques des bombardements et mitraillages, ainsi que des listes de sabotages par réseaux de résistance.

Archives (locales) du Comité d’histoire de la Deuxième Guerre mondiale

56 Des archives se retrouvent systématiquement dans toutes les Archives départementales, il s’agit des archives des correspondants locaux du Comité d’histoire de la Deuxième Guerre mondiale. Ils ont déposé aux Archives départementales le double de leur travail et leurs documents préparatoires.

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Par ailleurs il ne faut pas ignorer les périodiques conservés par les archives départementales

57 Ainsi, Coralie Immelé a exploité, aux AD du Rhône, Le Rail, organe corporatif ferroviaire. Ce bimensuel, qui s’adressait uniquement aux cheminots, était un journal proche du pouvoir. Il communique les mesures adoptées par l’entreprise. On y voit de manière indirecte certaines formes de résistance utilisées par les cheminots : transports clandestins de courriers, sabotages.

Aux Archives municipales (AM)

58 Les données relatives aux sources conservées par les Archives municipales sont encore plus incertaines.

59 Par supposition, nous pouvons penser que les communes ayant été des nœuds ferroviaires ou ayant hébergé des centres et des installations ferroviaires doivent conserver des archives plus conséquentes que les autres communes. Toutefois Mélanie Gouiffès n’a trouvé à Bordeaux que des périodiques locaux10 et Coralie Immelé a « seulement trouvé [aux AM de Lyon] des photographies montrant les dégâts causés par les bombardements alliés dans les enceintes ferroviaires »11.

60 Nous sortons maintenant des « sentiers classiques » des archives nationales, départementales et municipales pour nous tourner vers les archives de quelques autres organismes. Évoquons en premier lieu l’ONAC.

Office national des anciens combattants et victimes de guerre (ONAC)

61 Cet établissement public, créé en 1916 pour soutenir les mutilés et réformés de la Première Guerre mondiale, a pour mission première de prendre en charge le droit à réparation reconnu par la loi aux anciens combattants et victimes de guerre. Les services départementaux de l’ONAC sont présents dans tous les départements de France. Le chercheur doit donc solliciter le service ou les services départementaux souhaités. Toutefois les cheminots pour qui a été déposé un dossier à l’ONAC sont les cheminots déclarés « Morts pour la France » : ils ont été fusillés, ou sont morts en déportation, ou décédés lors de bombardements, mais ils n’ont pas forcément été des résistants.

62 Le questionnaire du dossier comprend des renseignements concernant l’état civil, la participation à un groupe de résistance, les actions, les déportations ; des témoignages de résistants doivent étayer le dossier.

Archives syndicales

63 Avec les archives syndicales nous entrons dans le domaine des archives privées. Les deux centrales dominantes au sein du monde cheminot entre 1940 et 1944 étaient la CGT (Confédération générale des travailleurs) et la CFTC (Confédération française des

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travailleurs chrétiens). Mais on a pu recenser 733 syndicats locaux en 1938 et encore 379 en décembre 1943.

Institut CGT d’histoire sociale de la Fédération des cheminots de Montreuil

64 Madeleine Peytavin évoquait, au colloque de juin 2000, la décision de l’Institut d’histoire sociale de la Fédération des cheminots de Montreuil de déposer en plusieurs étapes, et après classement, ses archives aux Archives départementales de la Seine- Saint-Denis. En fait, le classement de l’ensemble des archives détenues par l’institut est encore en cours.

CFTC

65 Les archives de la CFTC de la période de la Seconde Guerre sont détenues par le Service des archives confédérales de la CFDT créé en avril 1985.

66 Les sources les plus évidentes au niveau des archives syndicales sont les publications clandestines : La Tribune des cheminots pour la CGT ; et Le Cheminot de France CFTC. Mais la composition de ces fonds et leur intérêt du point de vue de la recherche sur la résistance cheminote restent à approfondir. Coralie Immelé, quant à elle, n’a pu accéder aux archives de la CFTC dans le cadre de son mémoire de DEA12.

Nous allons maintenant évoquer quelques musées et centres d’histoire de la Résistance

67 Le centre de documentation du Centre d’histoire de la Résistance et de la Déportation (CHRD), à Lyon, conserve un fonds spécialisé. Par ailleurs son fonds d’archives est constitué en majorité d’archives privées d’anciens résistants et/ou de déportés, parmi lesquels se trouvent des cheminots résistants : Albert Chifflot, Nambotin, Peytier, Verlhac comme l’a établi Coralie Immelé13.

68 Le Musée de la Résistance nationale de Champigny-sur-Marne détient une importante collection de tracts et de périodiques clandestins.

69 Le Musée de l’histoire vivante à Montreuil conserve lui des témoignages de résistants.

70 Avec la disparition progressive des témoins de l’époque, le chercheur devra de plus en plus recourir aux sources archivistiques. L’extrême dispersion de ces sources impose une grande mobilité aux chercheurs, d’autant que de nouveaux gisements encore inconnus vont nécessairement être mis au jour, y compris à la SNCF, nous l’espérons. Chacun des lieux de conservation mentionnés dans cet exposé détient des documents permettant de nourrir l’étude historique, mais chacun des lieux présente aussi des lacunes. Il appartient à l’historien de confronter les sources et de les exploiter de façon complémentaire.

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NOTES

1. Coralie Immelé, « La Résistance des cheminots à Lyon (1940-1944) », maîtrise d’histoire, sous la dir. de Laurent Douzou, université Lumière – Lyon II, 2001, 152 p. ; « La résistance des cheminots dans le Rhône (1940-1944) », DEA d’histoire, sous la dir. de Laurent Douzou, université Lumière – Lyon II, 2002, 157 p., avec le soutien de l’AHICF. Voir pour les plaques ce dernier mémoire, p. 69-70. 2. Centre d’archives SNCF multirégional de Béziers, rue du Lieutenant-Pasquet, Cour Sernam, 34500 Béziers ; archives.beziers@.fr ; 04 6749 6135. 3. Centre des archives historiques de la SNCF, 2, avenue de Bretagne, 72100 Le Mans ; [email protected] ; 02 4321 7465. 4. Coralie Immelé, « La résistance des cheminots dans le Rhône (1940-1944) », DEA cité, p. 59-60 5. Patricia Gillet, « L'apport des archives du Comité d'histoire de la Deuxième Guerre mondiale à l'histoire de la SNCF », in AHICF, Une entreprise publique dans la guerre. La SNCF, 1939-1945, Paris, PUF, 2001, p. 45-50, voir p. 49. 6. Coralie Immelé, « La résistance des cheminots dans le Rhône (1940-1944) », DEA cité, p. 45. 7. Patricia Gillet, « L'apport des archives du Comité d'histoire de la Deuxième Guerre... », art. cité, p. 49. 8. Ibid., p. 51-52. 9. Ibid., p. 53-54. 10. Mélanie Gouiffès, « La résistance des cheminots en Gironde durant le Second conflit mondial », maîtrise d’histoire, sous la dir. de Ch. Bouneau, université Michel-de-Montaigne – Bordeaux III, 2001, 211 p., avec le soutien de l’AHICF. Voir p. 196. 11. Coralie Immelé, « La résistance des cheminots dans le Rhône (1940-1944) », DEA cité, p. 56. 12. Ibid., p. 66. 13. Ibid., p. 67-69.

AUTEUR

LAURENCE BOUR Responsable du Centre des archives historiques de la SNCF

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Écrire l’histoire des cheminots dans la Résistance. État actuel de l’historiographie

Cécile Hochard

1 La résistance des cheminots occupe une place de choix dans la mémoire collective*. Les sabotages ferroviaires, les actions clandestines des employés des chemins de fer pendant l’occupation allemande comptent parmi les images les plus fréquemment citées lorsqu’on évoque la Résistance. Le film de René Clément, (La) Bataille du rail, sorti sur les écrans français en 1946, joue un rôle central dans la construction de cette mémoire héroïque du cheminot résistant1. Pourtant si l’on considère le nombre d’ouvrages rédigés sur la question depuis 1944, on ne manque pas d’être surpris par la faiblesse numérique de la production historiographique. Coralie Immelé a ainsi récemment comptabilisé environ soixante-dix titres portant sur ce sujet2, qui ne représentent donc qu’un très faible pourcentage (2 %) par rapport aux 3 250 publications consacrées à la résistance intérieure recensées par Laurent Douzou pour les années 1964 à 20013. Les travaux universitaires ou à caractère scientifique sont, en particulier, peu nombreux. Deux facteurs principaux semblent expliquer cette situation : d’une part la lutte pour la mémoire qui s’est engagée entre le parti communiste et la CGT d’un côté, l’entreprise SNCF de l’autre, d’autre part la difficulté d’accéder aux archives de la SNCF jusqu’à une période très récente.

2 Pour tenter d’éclairer cette situation, on se propose de faire le point sur trois catégories d’ouvrages : les publications commémoratives et les récits de cheminots à vocation autobiographique, les ouvrages rédigés par des acteurs de la Résistance qui entendent faire œuvre d’historiens et, enfin, les travaux à vocation universitaire et scientifique.

Récits de résistants et ouvrages commémoratifs

3 Dans son ouvrage récent La Résistance française : une histoire périlleuse, sous-titré Essai d’historiographie, Laurent Douzou a montré que de nombreux résistants publient dès la

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Libération le témoignage de ce que fut leur combat au cours des années d’occupation, souhaitant témoigner de leurs actions, du sens de leur lutte, et « prévenir l’oubli »4. On ne constate pas le même phénomène dans le monde cheminot. Jusqu’au milieu des années 1960, très peu d’entre eux font le récit de leurs activités dans la Résistance, à l’exception d’Émile Courtet, cheminot de Clermont-Ferrand, qui publie ses souvenirs en 19465. Il faut préciser toutefois que Courtet ne parle pas de sa résistance en tant que cheminot, mais de son action générale, au sein des maquis d’Auvergne, de mai à septembre 1944. Ainsi, au cours des vingt années qui suivent la Libération, les actions des cheminots dans la résistance ne sont évoquées presque exclusivement qu’à travers des publications à vocation de célébration et de commémoration. Si des exemples d’héroïsme individuel sont rapportés, c’est la résistance collective et massive des cheminots et de la SNCF qui est mise en avant, ce dont témoigne notamment l’ouvrage de Charles-Jean Odic, Cheminots de France, publié en 1952 et qui est, précise la couverture, « édité et vendu sous le patronage de "Résistance-Fer" au profit des familles de cheminots victimes de guerre »6. Le numéro spécial de La Vie du rail du 25 août 19647 s’inscrit dans ce même processus commémoratif.

4 Ce n’est donc qu’à partir de la fin des années 1960, accompagnant un mouvement général d’accroissement des publications sur la résistance, que des cheminots résistants prennent la plume pour raconter leurs souvenirs. On peut citer les ouvrages de Louis Armand, Propos ferroviaires8, et de Lucien Midol, La Voie que j’ai suivie. Un ingénieur au cœur des batailles sociales (1900-1970)9 publiés respectivement en 1970 et 1973. Il ne s’agit plus seulement ici de récits individuels de résistants, comme l’était celui de Courtet, mais d’autobiographies plus développées qui s’inscrivent dans un contexte d’affrontement des mémoires, mémoire de l’entreprise d’un côté, mémoire des cheminots cégétistes et communistes de l’autre.

5 Parmi les autobiographies, certaines passent inaperçues lors de leur publication, mais vont susciter, bien des années plus tard, l’intérêt des historiens. C’est le cas du livre de Léon Bronchart, Ouvrier et soldat. Un Français raconte sa vie, paru en 1969, dans lequel l’auteur raconte sa résistance au sein du NAP (Noyautage des administrations publiques), de Combat et des MUR (Mouvements unis de la Résistance)10. Le nom de Bronchart resurgit trente ans plus tard, quand ce cheminot est présenté par Serge Klarsfeld en l’an 2000 lors du colloque « Une entreprise pendant la guerre, la SNCF, 1939-1945 » comme ayant refusé de conduire un convoi de déportés en 194211. La biographie de Léon Bronchart et ses actions de résistance ont été récemment reconstituées par Marie-Noëlle Polino12.

6 Dans les années 1980, alors que les travaux historiques sur le régime de Vichy se multiplient et remettent en cause une vision « légendaire » de la Résistance, quelques cheminots résistants s’attellent à leur tour à la rédaction de leurs souvenirs, tels André Ruelle, chef de l’entretien des Voie et Bâtiments à Saint-Raphaël puis Orange, et membre très actif du Mouvement national de Libération13, et René Ladet, qui entre à la SNCF en 1942 à Portes-lès-Valence, notamment pour bénéficier de facilités de circulation, réalise de nombreux sabotages et devient, en juin 1944, commandant d’une compagnie FFI de la Drôme14. Ces deux récits, contrairement à ceux d’Armand et de Midol, se rapportent exclusivement aux années de guerre et d’occupation.

7 Mais c’est surtout depuis la fin des années 1990 que le nombre de témoignages s’accroît très sensiblement : témoignages oraux, recueillis en particulier par l’AHICF à l’occasion de la préparation du colloque sur la SNCF précédemment évoqué, mais également

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témoignages écrits de Édouard Desprez, cheminot du Pas-de-Calais, membre des FTP et de la direction clandestine de la CGT15, de Robert Hernio16 ou encore, dans un registre différent, de Guy Le Corre, cheminot rennais qui a notamment appartenu au réseau Manipule17. On retrouve, dans ces ouvrages récents, une volonté de témoigner « avant qu’il ne soit trop tard », de faire partager une expérience individuelle, comme le précise Guy Le Corre au début de son récit : « J’étais un petit poisson, mais j’ai aussi peut-être contribué un petit peu à sauver l’honneur perdu de la France18. » Il n’en reste pas moins que ces récits demeurent aujourd’hui relativement peu nombreux.

Les acteurs historiens

8 À côté de ces récits autobiographiques, et à l’image de l’historiographie générale de la résistance, la fin des années 1960 voit la parution de plusieurs ouvrages rédigés par des résistants qui souhaitent faire œuvre d’historiens, et non plus simplement témoigner de leurs actions personnelles. Ces parutions, à l’image de certains des témoignages évoqués plus haut, s’inscrivent dans le contexte de la concurrence des mémoires, non pas seulement ici entre gaullistes et communistes, comme c’est le cas pour la résistance dans son ensemble, mais entre les tenants de la mémoire de l’entreprise SNCF d’un côté et ceux de la CGT et du PC de l’autre. Comme l’a montré Christian Chevandier, cet affrontement remonte à l’immédiat après-guerre et est particulièrement prégnant lors des grèves de 194719. À la fin des années 1960, il se manifeste par la production d’ouvrages à vocation historienne. Le premier d’entre eux est publié en 1968 par Paul Durand. Intitulé La SNCF pendant la guerre. Sa résistance à l’occupant, il paraît aux Presses universitaires de France dans la collection « Esprit de la Résistance », c’est-à-dire sous le patronage du Comité d’histoire de la Deuxième Guerre mondiale20. Préfacé par Louis Armand, figure tutélaire de Résistance-Fer et ancien président de la SNCF, cet ouvrage entend retracer « l’histoire de la SNCF en guerre et [sa] résistance à l’occupant »21. Paul Durand place ainsi au premier rang, dans son introduction, « La résistance à l’occupant [qui] fut d’abord le fait de la Société Nationale tout entière », et ajoute que « dès les premiers jours de l’occupation, chez les cheminots eux-mêmes, naquit un esprit individuel d’opposition aux volontés du vainqueur d’alors. [...] cet esprit aboutit à un nombre extraordinairement important d’actions individuelles. [...] comme telle, cette résistance individuelle méritait d’être mesurée et évaluée ». Il précise, quelques paragraphes plus loin, les contours de cette résistance individuelle « celle que de nombreux cheminots entreprirent, dans un sentiment général de patriotisme, pur le plus souvent de toute idée politique »22.

9 Un autre ouvrage célèbre, qui participe au phénomène d’affrontement des mémoires, est celui de Maurice Choury, Les Cheminots dans la bataille du rail, publié en 1970 chez Perrin. Il adopte une tout autre optique23. Le livre s’ouvre par un hommage à l’auteur, décédé peu avant la parution du livre, hommage rédigé par André Ackermann, président de l’ANCAC, Association nationale des cheminots anciens combattants, résistants, prisonniers et victimes de guerre, proche du parti communiste. La double casquette de Choury, acteur de la Résistance en Corse et historien, est mise en avant. Dès son avant-propos, l’auteur se démarque nettement de Paul Durand, en dédiant son ouvrage « à la mémoire des dirigeants de l’ANCAC tombés dans le combat contre l’occupant hitlérien : Jean Catelas, Pierre Sémard, Georges Wodli ; à la mémoire des cheminots Guguelot de Lens, Joseph, de Bordeaux, Gauthier du Mans et Brin de la

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Roche-sur-Yon, membre du CA de l’ANCAC » et plus globalement il dédie son livre « à tous les travailleurs du rail qui furent internés, emprisonnés, torturés, déportés et qui portent encore la marque de leurs souffrances »24. Choury s’oppose encore à Durand, précisant que l’ouvrage est « basé essentiellement sur les témoignages directs des survivants de la Résistance cheminote, de ceux qui ont accompli leur devoir sans forfanterie ni faiblesse, sans espoir de récompense ou de profit : les patriotes de la base »25.

10 Si l’affrontement des mémoires ne cesse pas au cours des années suivantes, il ne passe plus par le canal de la production historique, mais continue de se manifester dans les conflits entre la CGT et la direction de l’entreprise. Les écrits sur la résistance des cheminots connaissent alors un très net reflux. Longtemps, les livres de Durand et Choury demeurent les ouvrages de référence. Les historiens s’en contentent. On ne peut pas ne pas s’interroger ici sur le rôle de cette double mémoire dans le ralentissement, sinon le verrouillage, des études historiques. Le temps des héros, en tout cas, est à ce moment terminé.

Les travaux à vocation universitaire et scientifique

11 Depuis le milieu des années 1980, l’historiographie de la résistance a été renouvelée en profondeur26. C’est en s’inscrivant dans ces nouvelles problématiques, mais avec un décalage de plus d’une dizaine d’années, que les études consacrées aux cheminots vont se développer au détour des années 1990 et 2000. Quelques travaux avaient fait figure de pionniers, qui attendirent longtemps leurs successeurs. On peut évoquer le mémoire de maîtrise de François Marcot qui, dès 1971, prenait pour sujet « Les sabotages ferroviaires dans le Doubs et le Jura Nord sous l'Occupation »27 ou encore celui de Serge Dartout qui, en 1975, traitait de « La Résistance ferroviaire en Limousin, 1943-1945 »28. En 1979, Élisabeth Virard-Petitjean étudie les « Aspects du monde de la SNCF dans la région lyonnaise entre 1940 et 1944 »29 et consacre de nombreuses pages aux cheminots résistants. Toujours dans les années 1970, la résistance des cheminots figure en bonne place dans certains travaux universitaires dont le sujet est plus large : on pense ici à la thèse de Dominique Duverlié sur « Les Picards face à l’occupation allemande : le département de la Somme du 20 mai 1940 au 3 septembre 1944 »30, plus encore à celle de Jacqueline Sainclivier sur « La Résistance en Ille-et-Vilaine », dont la fine analyse sociologique des résistants et l’étude des différents mouvements et réseaux laissent apparaître une forte présence cheminote31. De la fin des années 1970 jusqu’au début des années 1990, le thème disparaît presque totalement, à l’exception notable, en 1986, de la maîtrise soutenue à Lyon 2 par Christian Chevandier, « Bœufs et voituriers : les travailleurs des ateliers SNCF d’Oullins (1938-1947) »32.

12 La résistance des cheminots et les cheminots résistants réapparaissent comme sujet de maîtrise ou de thèse au début des années 1990 : ces thématiques sont d’abord intégrées à des monographies qui s’intéressent à la vie cheminote dans son ensemble, pour des périodes qui englobent le plus souvent les années 1939-1945, à l’image des maîtrises suivantes (citées par ordre chronologique) : « Les cheminots à Dôle et Besançon durant la Deuxième Guerre mondiale », soutenue par Régine Mattassolio à l’université de Bourgogne en 199033, « Les chemins de fer bas-normands pendant la Deuxième Guerre mondiale », soutenue par Nicolas Germain à l’université de Caen en 199534, ou encore

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« Les cheminots de Laroche-Migennes ; de la nationalisation aux grèves de 1947 », soutenue par Arnaud Fouanon à l’université de Bourgogne en 199735.

13 Cette approche monographique se retrouve parallèlement dans un certain nombre d’ouvrages publiés au cours des années 1990, ouvrages souvent très documentés, et qui relèvent de l’histoire locale. La résistance des cheminots est ainsi étudiée à l’échelle d’une ville, d’un département ou d’une région ; on peut évoquer, par exemple, la série de trois ouvrages de Alain Vincent sur Laroche-Migennes36, l’étude de Jean Cuynet, La Bataille du rail en Franche-Comté : cheminots et résistants37, ou encore un numéro des Cahiers de la Résistance populaire, dirigé par Alain Prigent et Serge Tilly sur « La bataille du rail dans les Côtes-du-Nord »38. Jean Quellien s’est, quant à lui, intéressé aux sabotages ferroviaires qui ont touché au printemps 1942 à quinze jours d’intervalle et au même endroit, en Normandie, des convois de soldats allemands39.

14 À partir de l’an 2000 on voit apparaître des travaux universitaires dont le sujet est, exclusivement, la résistance des cheminots : tels le mémoire de maîtrise de Mélanie Gouiffès, « La résistance des cheminots en Gironde durant le Second conflit mondial », soutenu à l’université Bordeaux III en 200140, le DEA de Bertrand Porcherot, « Cheminots et Résistance en Saône-et-Loire, 1940-1944 », à l’université de Bourgogne en 200141, ou encore la maîtrise de Coralie Immelé, « La Résistance des cheminots à Lyon (1940-1944) », soutenue à Lyon 2 en 2001, recherche prolongée l’année suivante par un DEA et qui se poursuit actuellement dans le cadre d’une thèse42.

15 Le principal facteur explicatif de cette arrivée tardive des cheminots résistants dans les travaux universitaires est l’impossibilité d’accéder, jusqu’à une date récente, aux archives de la SNCF. Cet obstacle a été fort heureusement levé par la création du Centre des archives historiques de la SNCF, ouvert au public en 2000, où les papiers de la période 1939-1945 furent repérés et classés dans le cadre des préparatifs du colloque sur la SNCF dans la guerre. On remarquera également que, au milieu des années 1990, la SNCF a décidé de se pencher sur les différents aspects de son histoire pendant les années noires, et a commandé à l’historien Christian Bachelier un rapport documentaire. Ce travail fournit des éléments sur la résistance en se basant notamment sur les archives de l’entreprise43. Si cette ouverture des archives est fondamentale pour les historiens de la résistance, il faut souligner également le rôle de l’AHICF, dont le centre de documentation et le soutien, notamment sous forme de bourses, à de jeunes chercheurs, jouent un rôle important dans la multiplication des études sur le sujet.

16 Le développement des recherches sur la résistance des cheminots depuis les années 1990 s’inscrit dans le mouvement plus général de renouvellement des études historiques sur la résistance. C’est dans ce cadre qu’il faut comprendre l’effort pour susciter des travaux d’étudiants précédemment évoqués. Ce renouvellement a donné lieu simultanément à la publication d’ouvrages et d’articles de spécialistes. Des réflexions ont ainsi été menées sur les modalités et les formes de l’engagement. On peut citer ici l’article de Christian Chevandier qui s’interroge sur la validité des concepts d’intentionnalité et de fonctionnalité appliqués aux travailleurs du rail44, ou encore l’article de Georges Ribeill, « Les cheminots face à la lutte armée », sous-titré « Les différenciations sociologiques de l’engagement résistant »45. Les formes de la résistance cheminote ont également suscité quelques publications récentes : l’étude des grèves qui se déroulèrent pendant l’occupation constitue un chapitre de l’ouvrage de Christian Chevandier, Cheminots en grève ou la construction d’une identité (1848-2001)46 ; Chevandier a,

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par ailleurs, analysé plus spécifiquement les arrêts de travail qui se produisirent aux ateliers d’Oullins, en 194247.

17 Depuis la libération, des ouvrages de toute nature ont donc été publiés sur les cheminots dans la Résistance, mais leur nombre apparaît relativement restreint. La nature de ces publications et leur chronologie s’apparentent globalement à celles de l’historiographie consacrée à la résistance dans son ensemble. Toutefois, si le « retard » pris par les travaux universitaires rejoint, dans une certaine mesure, celui des études de la résistance par professions ou par catégories socioprofessionnelles, il apparaît plus accentué. Ainsi, la (ou les) résistance(s) des ouvriers, des écrivains, des postiers, des policiers, des enseignants, ont déjà donné lieu à des thèses et parfois à des synthèses. Ce n’est pas encore le cas des cheminots, mais cette lacune relative devrait être rapidement comblée.

NOTES

*. Voir la bibliographie établie par l'auteur dans ce volume, p. 115. 1. Sur le film (La) Bataille du rail, on pourra utilement se reporter aux articles de Jean-Pierre BERTIN-MAGHIT, « La Bataille du rail : de l’authenticité à la chanson de geste », Revue d’histoire moderne et contemporaine, tome XXIII, n° 2 (avril-juin 1986), n° spécial « Cinéma et sociétés », p. 280-300 et de Sylvie LINDEPERG, « L’opération cinématographique. Équivoques et ambivalences narratives dans la Bataille du rail », Annales histoire sciences sociales, 1996/4 (juillet- août 1996), p. 759-779. 2. Coralie Immelé, « La résistance des cheminots entre 1940 et 1944, une histoire à la croisée des engagements individuels et collectifs », in « De la série à l’individu, archives du personnel et archives orales », Actes des journées scientifiques organisées par l’AHICF et l’Association des archivistes français (Montpellier, 15-16 mai 2003), La Gazette des archives, n° 198 (juin 2005), p. 139. 3. Laurent Douzou, La Résistance française : une histoire périlleuse. Essai d’historiographie, Paris, Éditions du Seuil, collection « Points histoire », 2005, p. 13. 4. Ibid., p. 85. 5. Émile Courtet, Mémoires d’un cheminot maquisard du Cantal jusqu’à Lyon (mai à septembre 1944), Clermont-Ferrand, Impr. de J. de Bussac, 1946, 187 p. 6. Charles-Jean Odic, Cheminots de France, édité et vendu sous le patronage de « Résistance-Fer » au profit des familles de cheminots victimes de guerre, s.l., Éditions du Tertre, 1952, 87 p. 7. « Aux cheminots morts pour la France », La Vie du rail, n° spécial, 25 août 1964, 84 p. 8. Louis Armand, Propos ferroviaires, Paris, Fayard, 1970, 246 p. 9. Lucien Midol, La Voie que j’ai suivie. Un ingénieur au cœur des batailles sociales (1900-1970), Paris, Éditions sociales, 1973, 221 p. 10. Léon Bronchart, Ouvrier et soldat. Un Français raconte sa vie, Vaison-la-Romaine, Imp. H. Meffre, 1969, 203 p. 11. Serge Klarsfeld, « L’acheminement des Juifs de province vers Drancy et les déportations », in Marie-Noëlle POLINO (éd.), Une entreprise publique dans la guerre : la SNCF, 1939-1945, Paris, PUF, 2001, p. 148.

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12. Marie-Noëlle Polino, « Léon Bronchart, ouvrier, soldat... et cheminot : un destin, une figure, in « Les cheminots dans la guerre et l’Occupation. Témoignages et récits », Revue d’histoire des chemins de fer hors série, n° 7, 2e édition revue et augmentée, 2004, p. 160-172. 13. André Ruelle, L’Ombre couvrait l’effort et le soleil se leva. Journal d’un cheminot résistant de septembre 1940 à septembre 1944, s.l., Éditions Les Bruits de la nuit, 1979, 135 p. 14. René Ladet, Ils ont refusé de subir. La Résistance en Drôme. (Mémoires d’un Corps franc et compagnie FFI.) Notre Résistance, 1942-1944, Porte-lès-Valence, Chez l’Auteur, 1987, 391 p. 15. Édouard Desprez, Un cheminot raconte sa jeunesse, ses engagements : 1919-1949, Hellemmes, Association Repères et mémoires du monde du travail, 1998, 203 p. 16. Robert Hernio, Avant que les cloches sonnent, Montreuil-sous-Bois, Fédération CGT des cheminots, 2000, 284 p. 17. Guy Le Corre, Un cheminot rennais dans la Résistance, Paris, Éditions Tirésias – AERI, 2003, 67 p. 18. Ibid., p. 7. 19. Christian Chevandier, « Les cheminots, la SNCF et la Seconde Guerre mondiale, 1945-2000 », in Une entreprise publique dans la guerre..., op. cit., en particulier les pages 308 à 312. 20. Paul Durand, La SNCF pendant la guerre, sa résistance à l’occupant, Paris, PUF, coll. « Esprit de la Résistance », 1968, 666 p. 21. Ibid., p. 4 22. Ibid., p. 2-3. 23. Maurice Choury, Les Cheminots dans la bataille du rail, Paris, Perrin, 1970, 371 p. 24. Ibid., p. 13. 25. Ibid., p. 13-14 ; « base » en italique dans le texte. 26. Sur le renouvellement de l’histoire de la Résistance, on consultera en particulier ces deux ouvrages : Jean-Marie Guillon et Pierre Laborie (dir.), Mémoire et histoire : la Résistance, Toulouse, Privat, 1995, 352 p. et « La Résistance et les Français. Nouvelles approches », Les Cahiers de l’IHTP, n° 37 (décembre 1997), 185 p. 27. François Marcot, « Les sabotages ferroviaires dans le Doubs et le Jura Nord sous l’Occupation », mémoire de maîtrise, université de Paris I – Panthéon-Sorbonne, 1971. 28. Serge Dartout, « La Résistance ferroviaire en Limousin, 1943-1945 », mémoire de maîtrise, université de Limoges, 1975. 29. Élisabeth Virard-Petitjean, « Aspects du monde de la SNCF dans la région lyonnaise entre 1940 et 1944 », mémoire de maîtrise, sous la dir. de Gilbert Garrier, université Lyon 2, 1979, 123 p. 30. Dominique Duverlié, « Les Picards face à l’occupation allemande : le département de la Somme du 20 mai 1940 au 3 septembre 1944 », thèse de troisième cycle, sous la dir. d’Adeline Daumard, université d’, 1979, 2 volumes, 191 p. et 74 p. 31. Jacqueline Sainclivier, « La Résistance en Ille-et-Vilaine (1940-1944) », thèse de 3e cycle, sous la dir. de M. Denis, université Rennes 2, 1978, 2 volumes, 392 p. et 125 p. 32. Christian Chevandier, « Bœufs et voituriers : les travailleurs des ateliers SNCF d’Oullins (1938-1947) », maîtrise d’histoire, sous la dir. de Yves Lequin, université Lyon 2, 1986, 339 p. 33. Régine Mattassolio, « Les cheminots à Dôle et Besançon durant la Deuxième Guerre mondiale », maîtrise d’histoire, université de Bourgogne, 1990. 34. Nicolas Germain, « Les chemins de fer bas-normands pendant la deuxième guerre mondiale », mémoire de maîtrise, université de Caen, 1995. 35. Arnaud Fouanon, « Les cheminots de Laroche-Migennes ; de la nationalisation aux grèves de 1947 », mémoire de maîtrise, université de Bourgogne, 1997. 36. Alain Vincent, La Bataille du rail à Laroche-Migennes. Des luttes ouvrières à la Résistance, Précy- sous Thil, Éditions de l’Armançon, 160 p., rééd. 2002 ; Les Blés rouges. De la Résistance à la Libération. La bataille du rail à Laroche-Migennes, ibid., 1996, 156 p. ; Du fer au flambeau. De la Libération à la reconstruction, ibid., 1997, 154 p.

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37. Jean Cuynet, La Bataille du rail en Franche-Comté : cheminots et résistants, Châtillon-sur- Chalaronne, La Taillanderie, 1997, 320 p. 38. Alain Prigent et Serge Tilly, « La bataille du rail dans les Côtes-du-Nord », Les Cahiers de la Résistance populaire, n° 8/9 (octobre 2000), 175 p. 39. Jean Quellien, Résistance et sabotages en Normandie. Le Maastricht-Cherbourg déraille à Airan, Condé-sur-Noireau, Éditions Charles Corlet, 1992, 141 p. (2e éd., 2004). 40. Mélanie Gouiffès, « La résistance des cheminots en Gironde durant le second conflit mondial », maîtrise d’histoire, sous la dir. de Christophe Bouneau, université Michel-de- Montaigne - Bordeaux III, 2001, 211 p., avec le soutien de l’AHICF. 41. Bertrand Porcherot, « Cheminots et Résistance en Saône-et-Loire, 1940-1944 », DEA d’histoire, sous la dir. de Serge Wolikow, université de Bourgogne, 2001, 279 p. 42. Coralie Immelé, « La Résistance des cheminots à Lyon (1940-1944) », maîtrise d’histoire, sous la dir. de Laurent Douzou, université Lumière – Lyon 2, 2001, 152 p. ; « La résistance des cheminots dans le Rhône (1940-1944) », DEA d'histoire, sous la dir. de Laurent Douzou, université Lumière – Lyon 2, 2002, 157 p., avec le soutien de l’AHICF. 43. Christian Bachelier, « La SNCF sous l’Occupation allemande, 1940-1944 », Rapport documentaire, Paris, IHTP-CNRS, 1996, 914 p. de texte et 2 volumes d’annexes. La résistance des cheminots est évoquée dans la troisième partie et est au cœur de la sixième partie de ce rapport (texte en ligne sur le site : www.ahicf.com) 44. Christian Chevandier, « La résistance des cheminots : le primat de la fonctionnalité plus qu’une réelle spécificité » in Antoine Prost (dir.), La Résistance, une histoire sociale, Paris, Les Éditions de l’atelier/Les Éditions ouvrières, 1997, p. 147-158. 45. Georges Ribeill, « Les cheminots face à la lutte armée. Les différenciations sociologiques de l’engagement résistant », in La Résistance et les Français : lutte armée et maquis, Colloque de Besançon, Annales littéraires de l’université de Franche-Comté, 1996, p. 71-81. 46. Christian Chevandier, Cheminots en grève ou la construction d’une identité (1848-2001), Paris, Maisonneuve & Larose, 2002, 399 p. 47. Christian Chevandier, « Oullins 1942 : les cheminots en grève contre la collaboration », Correspondances, n° 11 (février 2004), p. 42-47.

AUTEUR

CÉCILE HOCHARD Docteur en histoire

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Actes du colloque

Nouveaux regards sur l’engagement des cheminots en résistance

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Le regard des historiens de la Résistance sur l’engagement des cheminots (1944-1997)

Coralie Immelé

1 Les cheminots sont en bonne place dans le panthéon de la mémoire résistante. Nombreux sont, par exemple, les anciens résistants qui, quelle que soit leur appartenance politique, évoquent, dans leurs souvenirs1, le rôle qu’ils ont joué durant la clandestinité. Les cheminots apparaissent aussi, épisodiquement, dans la plupart des ouvrages rédigés par les historiens de la Résistance. Mais, au fil du temps, leur regard a profondément évolué. L’histoire de la Résistance, longtemps marquée par les exigences commémoratives, est devenue, à partir des années 1970, fortement problématisée. L’historiographie de la Résistance2 a, en effet, connu plusieurs périodes constitutives 3 avec des intersections et interférences entre les unes et les autres que nous simplifions pour la clarté de l’exposé. De 1944 au milieu des années 1970, l’histoire de la Résistance est écrite exclusivement par ses acteurs. Certains se muent en historiens au sein du tout puissant Comité d’histoire de la Deuxième Guerre mondiale (CHDGM), créé en 1951, qui régit pendant plus de vingt-cinq ans tous les travaux sur l’histoire de la période 1939-1945. Avec la création, en 1978, de l’Institut d’histoire du temps présent (IHTP) qui entraîne de fait la disparition du comité, l’histoire de la Résistance entre dans une autre ère. Elle est dominée principalement par le renouvellement de la génération historienne qui, tout en étant nolens volens héritière des travaux de ses aînés, élabore de nouvelles approches conceptuelles.

2 Notre objectif est ici d’analyser les regards qui ont été portés par ces deux générations d’historiens sur les cheminots et les modes d’écriture qu’ils ont utilisés pour décrire leur engagement. La première, celle des acteurs-historiens, en recensant en arrière- plan les diverses actions menées par les cheminots – individuellement ou collectivement –, contribue in fine à véhiculer, dans la mémoire sociale, l’image de cheminots qui ont beaucoup résisté. L’ouvrage de Paul Durand4 grave durablement, dans le marbre, cette représentation sacro-sainte. La seconde génération, celle des historiens qui entrent en scène dans les années 1970, propose de nouvelles grilles de

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lecture (sociologie de la Résistance5) et, en 1997, de nouveaux concepts (intentionnalité et fonctionnalité6), permettant ainsi une meilleure lisibilité de l’engagement des cheminots dans la Résistance et d’en dégager des éléments de compréhension. Ce sont précisément ces deux étapes de l’évolution de l’historiographie de la Résistance que nous allons successivement présenter.

Une description sommaire de la résistance des cheminots, révélatrice des représentations ancrées dans la mémoire sociale (1944-1978)

3 L’historiographie de la Résistance est précoce puisqu’elle est entreprise dans les mois qui suivent la libération de Paris. Sur décision du gouvernement provisoire sont créés, en octobre 1944, la Commission d’histoire de l’occupation et de la libération de la France (CHOLF) et, en juin 1945, le Comité d’histoire de la guerre. En décembre 1951, ils fusionnent dans le Comité d’histoire de la Deuxième Guerre mondiale. Ces organismes sont chargés de trois missions : tout d’abord, rassembler toute la documentation existante, puis engranger les témoignages oraux des anciens résistants et, enfin, publier des études historiques sur la Résistance. Pour devenir un membre actif de ces structures, une condition sine qua non : l’enquêteur doit avoir été lui-même résistant car seuls ceux qui ont résisté sont « porteurs d’une vérité, celle de la "vraie" Résistance à laquelle ils ont appartenu »7 et sont en mesure de rendre compte de ce qu’a été ce phénomène exceptionnel.

4 Les correspondants débutent par un travail de prospection et partent, entre autres, à la recherche d’archives sur la résistance des cheminots. Jusqu’à l’entrée de Paul Durand dans le Comité d’histoire au cours du deuxième semestre 1956, les collectes effectuées restent peu fécondes : seuls trois rapports relatifs aux actions des cheminots résistants sont versés à la CHOLF entre 1949 et 1951 et une liste de cheminots résistants du département de l’Aube accompagnée de deux rapports d’activité sont expédiés au Comité d’histoire en avril 19538.

5 Dès les années 1950, les acteurs-historiens éditent les premiers résultats de leurs recherches, sous forme de monographies départementales ou sur les organisations de résistance. S’ils évoquent par intermittence le rôle des cheminots dans la Résistance, le mode d’écriture qu’ils emploient pour le présenter est, dans l’ensemble, plutôt descriptif. Une exception toutefois est l’ouvrage de Françoise Bruneau, qualifié par Henri Michel de « martyrologe par de nombreuses citations de noms de résistants »9. Cette critique prend tout son sens lorsque l’auteure prend pour exemple les cheminots : « Les journaux étaient adressés par ses camarades de Nantes à M. Lelay, chef de gare de Varade. [...] De Bordeaux, nos camarades servent le journal à Bègles, où Alexis Duffeau, employé à la SNCF, et René Bissemier, furent d’excellents diffuseurs10. » « À la SNCF, André Aquin et l’ingénieur Huguet [mort en déportation], étaient des observateurs précieux11. »

6 En outre, elle rend un hommage pieux aux cheminots résistants en « rend[ant] grâce aux employés de la SNCF [...] pour la distribution comme pour la réception des journaux clandestins »12.

7 Les autres membres du Comité d’histoire mettent en évidence, sans l’argumenter, comme si cela allait de soi, le nombre important de cheminots dans les organisations de

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résistance. Henri Michel et Marie Granet constatent qu’ils sont nombreux à Combat tout en avouant ne pas connaître, hormis les noms de quelques chefs, ceux de la plupart des cheminots résistants13 ! De même, Marcel Baudot énonce que « Résistance-Fer put compter sur le secrétaire du syndicat des cheminots d’Évreux, Socrate Percebois, sur le secrétaire du syndicat de Serquigny, sur le chef de gare de Gisors-Boisgeloup, Alexandre Bruder, et sur la plupart des cheminots de ces trois centres ferroviaires. L’inspecteur de la SNCF d’Évreux, Jean Detraves, faisait partie de Cohors-Asturies, réseau de renseignements de Libération-Nord »14.

8 La lecture des seuls passages concernant les cheminots dans les ouvrages des acteurs- historiens ne permet d’obtenir qu’une esquisse des diverses activités exercées par les cheminots au sein des organisations de résistance. Henri Michel et Marie Granet relatent que « dans les trains, les employés et, spécialement les ambulants, dissimul[ent] et achemin[ent] du courrier »15. Arthur Calmette précise les informations fournies par deux cheminots agents de renseignements : « Chaverot, ex-secrétaire de la Fédération des Cheminots et Delhomme, secrétaire syndical des Petits Cheminots remplissent des missions en province d’où ils rapportent des indications sur les mouvements de trains, les transports de troupe et le ravitaillement, les expéditions en Allemagne, le moral des cheminots16 ». Et Marie Granet fait simplement remarquer que « les cheminots du Mouvement [Ceux de la Résistance] sabot[ent] les voies ferrées »17.

9 Les membres du Comité d’histoire présentent donc sommairement les actions clandestines des cheminots, soit en citant les activités exercées par tel cheminot, soit en utilisant le vocable « cheminots » toujours au pluriel si bien que leurs actions restent anonymes. L’accumulation et la récurrence de ces microexemples d’actions individuelles et collectives dans les ouvrages des acteurs-historiens contribuent à distiller, dans la mémoire sociale, l’image de cheminots tous résistants.

10 L’ouvrage de Paul Durand, La SNCF pendant la guerre, sa résistance à l’occupant, paru en 1968, dans la prestigieuse collection « Esprit de la Résistance » dirigée par le Comité d’histoire, marque une étape décisive dans le processus de construction mémorielle de la représentation des cheminots résistants. Il parachève l’idée, jusqu’alors diffuse, selon laquelle les cheminots auraient résisté dans leur ensemble. Cet ouvrage a pour origine une commande passée au comité, douze ans plus tôt, par Louis Armand, ancien cheminot résistant et Compagnon de la Libération devenu depuis lors président de la SNCF. Lors de la réunion des membres du comité en juillet 1956, le président de la Commission d’histoire de la Résistance, Daniel Mayer, donne lecture d’une lettre d’Armand dans laquelle il demande la rédaction d’une histoire de la SNCF pendant la Deuxième Guerre mondiale qui comprendrait notamment un chapitre sur la résistance des cheminots18. Armand confie cette recherche à Paul Durand, inspecteur général honoraire du contentieux de la SNCF et ancien résistant19. Durand commence par amasser un nombre important de documents émanant principalement des services de la SNCF (direction générale, mouvement, installations fixes...) et des correspondants départementaux du comité. Il envoie aussi 41720 questionnaires écrits à d’anciens cheminots résistants. Cette pratique déroge à l’un des principes généraux de travail du Comité d’histoire qui préconise, sauf exception, la règle de l’entretien oral21. L’analyse de toutes ces sources le conduit à consacrer plus de 40 % de son livre à la résistance des cheminots qu’il dépeint, dès l’introduction, en ces termes : « Restait la résistance individuelle, celle que de nombreux cheminots entreprirent, dans un sentiment général de patriotisme, pur le plus souvent de toute idée politique. Cette opposition à l’occupant naquit au lendemain même de l’armistice ;

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elle se développa continûment. Le nombre effectif des actes de résistance des cheminots de tous grades atteint plusieurs milliers. Il ne saurait être question de les relater tous, encore que nous ayons cherché à situer le plus grand nombre possible. [...] En aucun cas, il ne s’agit ni de dresser un palmarès général, ni d’établir une hiérarchie du mérite individuel. L’anonymat sera donc la règle. Chaque fois que des noms seront exceptionnellement donnés, les raisons en seront évidentes. Ceux des cheminots qui ne retrouveront pas, en ces pages, de relation de leur action personnelle devront comprendre l’impossibilité matérielle qui fut nôtre [...] Si incomplète que soit, certainement, cette histoire de la SNCF en guerre et de sa résistance à l’occupant, l’espoir subsiste d’avoir dit l’essentiel d’un combat magnifique et d’avoir évalué la dette particulière de la nation envers l’ensemble des cheminots22. »

11 Cet extrait annonce d’emblée la thèse soutenue clairement par son auteur, à savoir que les cheminots ont résisté en grand nombre. Cette représentation est défendue par Louis Armand, dès novembre 1944, lors du premier gala organisé par Résistance-Fer – « la tâche des cheminots patriotes était donc variée et nombreux furent ceux qui y participèrent »23 – et réitérée, crescendo, dans la plupart de ses discours commémoratifs ultérieurs, comme à Innsbruck, en mars 1946 – « les cheminots furent vite assez nombreux dans les rangs de la Résistance »24 – et dans ses rares écrits abordant le combat clandestin des cheminots : « Je voudrais, cependant, souligner particulièrement dans cette préface que l’épopée des résistants actifs du rail s’est intégrée dans un consensus quasi unanime de toute la corporation, forte alors de 400 000 agents, consensus où ces actifs trouvèrent, en maintes occasions dramatiques, la même protection que s’ils avaient été sous le couvert d’un immense maquis !25 » « On n’a pas assez souligné, à mon sens, le caractère unanime du mouvement d’âme qui fermenta chez les cheminots pendant l’occupation : en aucune circonstance on ne vit, je crois, pareil consensus dans un groupement d’hommes aussi important26. »

12 Paul Durand se situe donc dans le droit fil des propos tenus par Louis Armand. En outre, en plaçant ce travail sous l’égide du Comité d’histoire et en le faisant publier dans sa collection phare « Esprit de la Résistance », Louis Armand fait labelliser et pérennise de ce fait les conclusions formulées par Paul Durand sur la résistance des cheminots. Cet ouvrage reste longtemps la seule synthèse de référence sur le sujet27 et les acteurs- historiens, tel Henri Noguères, s’appuient stricto sensu sur les éléments dégagés en substance par celui-ci : « Paul Durand, consciencieux historien de "la SNCF pendant la guerre" a résumé ainsi ce que l’on peut dire de la participation des cheminots à cette "bataille du rail" qu’ils ont gagnée tous ensemble : "Que l’ensemble du personnel de tous grades appartenant à la SNCF ait adopté, dès les premiers jours de l’occupation une attitude systématiquement hostile aux armées allemandes est, croyons-nous, un fait collectif positivement établi"28. »

13 Les publications des membres du Comité d’histoire de la Deuxième Guerre mondiale sont somme toute d’un intérêt assez limité pour l’historien qui prend pour thème la résistance des cheminots car les descriptions faites de leurs actions, quand elles existent, sont d’une portée trop générale. Cependant, elles restent incontournables pour l’historien qui décrypte la mémoire de la résistance cheminote parce qu’elles sont porteuses des différentes représentations des cheminots résistants dans la mémoire sociale.

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De nouvelles clés de lecture pour comprendre l’engagement des cheminots dans la Résistance (1978-1997)

14 La génération d’historiens qui entre en action dans les années 1970, initialement au sein du Comité d’histoire, va rapidement se démarquer de ses aînés en proposant de nouveaux questionnements et approches conceptuelles de la Résistance. S’amorce alors une rupture épistémologique irréversible dans l’historiographie de la Résistance où l’on passe de la description sommaire à une analyse plus fine, problématisée. Deux types de grilles de lecture sont successivement mis en œuvre. Dès la fin des années 1970, les historiens élaborent les premières sociologies de la Résistance et s’intéressent aux parcours individuels des résistants qui leur permettent de saisir, dans son ensemble, le phénomène de la Résistance, aux contours jusque-là imprécis. Dans le milieu des années 1990, ils conçoivent des clés de lecture – l’intentionnalité, la fonctionnalité et la disponibilité fonctionnelle – pour tenter d’expliquer l’engagement plus important de certains groupes professionnels dans la Résistance. Force est de constater que les cheminots, encore présents en toile de fond dans les monographies rédigées par cette deuxième génération d’historiens, n’échappent pas à ces mutations historiographiques.

15 Dans les études sociologiques, les cheminots sont situés en tant que membres d’un groupe professionnel à part entière par rapport à l’ensemble de la population résistante examinée. Dans un article précurseur paru en 1980, Jacqueline Sainclivier évalue, après dépouillement des dossiers de demande d’attribution du titre de combattant volontaire de la Résistance, le poids respectif dans la Résistance en Ille-et-Vilaine de 17 grandes catégories socioprofessionnelles (agriculteurs, ouvriers, commerçants, enseignants, employés du secteur public dont cheminots...)29. Elle s’interroge alors sur le « lien qui peut exister entre l’activité résistante et l’exercice de tel ou tel métier » : « L’étude porte ici sur 563 cas [...] On voit apparaître la prédominance du secteur des métaux et de la SNCF, avec respectivement 18,11 % et 17,22 % de l’échantillon. Ces deux secteurs économiques pouvaient rendre d’appréciables services à la Résistance. [...] [Les employés] des ateliers pouvaient faire traîner les réparations des locomotives par exemple ; d’autres pouvaient participer à certains sabotages et surtout leur connaissance des horaires de la circulation [...] était indispensable pour l’organisation des sabotages et des déraillements [...] Dans l’ensemble l’analyse socio-économique révèle et confirme tout à la fois le lien évident existant entre certaines catégories socio-économiques (SNCF [...]) et la Résistance30. »

16 Si les historiens arrivent à quantifier globalement le nombre de cheminots dans la Résistance, en revanche ils sont beaucoup moins précis, voire démunis, lorsqu’ils essayent de reconstruire leurs itinéraires clandestins : « Ces pionniers courageux comme [...] Étienne Dusard (le cheminot FTP de Dôle qui s’est pendu dans sa cellule pour ne pas "parler") et tant d’autres... nous sommes incapables de reconstituer de leur œuvre, de dire ce qui les a jetés alors dans la grande aventure31. »

17 Ce constat est néanmoins à nuancer dès lors qu’il s’agit de cheminots occupant une fonction de commandement : « Depuis l’été 1940, Marcel Hévin, dessinateur à la SNCF, a entrepris de collecter des renseignements à Nantes [...] Fin 1940, un contact avec Londres est établi. Or, à la suite des manifestations du 11 novembre, il a aussi pris la tête d’un petit groupe de jeunes gens, jetant les bases d’un réseau très actif. Mélangeant toutes les activités

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clandestines [...] le groupe Hévin s’occupe de faire évader des militaires britanniques [...] Marcel Hévin a été arrêté le 25 avril 1941, car un de ses contacts a eu des liaisons avec les premiers agents gaullistes débarqués en Bretagne. Bien qu’ayant bénéficié d’un non-lieu, Marcel Hévin et deux compagnons sont exécutés comme otages au Mont-Valérien après l’attentat de Nantes [contre le feldkommandant Hotz], le 22 octobre32. »

18 Par ailleurs, les historiens mettent l’accent sur le fait que les cheminots sont un rouage essentiel au bon fonctionnement de la Résistance : « La forte participation [...] de la SNCF à la Résistance s’explique donc aisément par les multiples services qu’ils pouvaient rendre à celle-ci33. » « Les cheminots, outre les renseignements fournis, sont d’utiles convoyeurs (transport de la presse clandestine, de passagers clandestins), mais aussi des saboteurs34. »

19 Ils expliquent ce rôle utilitaire par les caractéristiques intrinsèques du métier de cheminot : « Les cheminots [...] jouent un rôle considérable dans les franchissements de tous ordres de la ligne de démarcation. Impérieusement liées aux nécessités stratégiques et économiques du moment, leurs activités professionnelles [...] justifient la fréquence de leurs déplacements et une certaine liberté de mouvement35. » « Pour certaines catégories de professions telles que les cheminots, les postiers, les employés de mairie, les imprimeurs, il est permis de penser que leur appartenance à la Résistance a souvent été déterminée par leur métier. Plus vite que d’autres, ils ont été sollicités qui pour saboter une voie ferrée, qui pour intercepter du courrier, qui pour fournir des cartes d’alimentation, qui pour imprimer un tract !36 ».

20 Il est intéressant de remarquer que les cheminots sont souvent placés en première position par les historiens quand ils énumèrent les différentes professions impliquées dans la Résistance37. On peut dès lors se demander si les représentations des cheminots résistants ancrées dans la mémoire sociale ne sont pas aussi latentes dans la mémoire de ces historiens.

21 L’idée formulée dès 1980 par Jacqueline Sainclivier puis émise à nouveau par d’autres historiens, selon laquelle il y a un lien entre le métier exercé et les activités clandestines entreprises, va être conceptualisée en 1997 par François Marcot, sous les maîtres mots d’intentionnalité et de fonctionnalité, pour expliquer la surreprésentation de certains groupes professionnels dans la Résistance (instituteurs, militaires, postiers, cheminots...). Ces deux principes, complémentaires et étroitement liés, renvoient, d’une part, aux intentions qui motivent des hommes et des femmes à faire de la Résistance et, d’autre part, aux besoins des organisations qui sollicitent les acteurs leur apportant, par la fonction qu’ils occupent, une réelle valeur ajoutée. À ces deux concepts s’ajoute une variante, la disponibilité fonctionnelle, proposée par Laurent Douzou : « Elle peut tenir à l’exercice d’une fonction donnée : cheminots, voyageurs représentants placiers en tout genre, garagistes, cafetiers seront rapidement des piliers de l’activité clandestine, les uns parce qu’ils se déplacent beaucoup sans attirer l’attention, les autres parce qu’ils servent de relais [...] La disponibilité fonctionnelle, ce peut être aussi les compétences et accointances qui résultent d’une pratique militante ou civique38. »

22 Ces concepts innovants vont être appliqués, la même année, à la résistance des cheminots par l’historien du social, spécialiste des cheminots, Christian Chevandier qui conclut au « primat de la fonctionnalité »39 :

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« Fonctionnalité où professionnalité est gage d’efficacité, telle est en effet la clef de l’engagement des cheminots dans la Résistance40. [...] Lorsque les cheminots s’engagèrent, ce fut souvent parce que l’occasion s’en offrait plus aisément aux travailleurs du rail41. »

23 Les nouvelles approches élaborées par les historiens, dès la fin des années 1970, ont permis une appréhension du phénomène global de la Résistance. Ils ont, entre autres, déterminé le positionnement et le rôle général joué par les cheminots au sein des organisations de résistance. Les concepts émergeant dans les années 1990 constituent sans nul doute un solide substrat sur lequel il est indispensable de s’appuyer pour arriver, à terme, à une meilleure compréhension de l’engagement individuel des cheminots dans la Résistance.

24 Les cheminots ont toujours été présentés par les historiens de la Résistance comme des acteurs de second plan, à l’image de la place qu’ils ont occupée durant la clandestinité. Si les formes d’action utilisées sont, dans l’ensemble, bien identifiées (propagande, renseignement, passage clandestin, sabotage...), il n’en est pas de même pour leurs itinéraires individuels largement méconnus. Même le parcours clandestin de Louis Armand, le « plus illustre des cheminots résistants »42, reste difficile à reconstituer43. Les cheminots font encore partie des anonymes et des « oubliés »44 de l’histoire de la Résistance, ce qui peut paraître paradoxal pour un groupe professionnel longtemps perçu, dans la mémoire sociale, comme très résistant.

NOTES

1. Pierre Guillain de Benouville, Le Sacrifice du matin, Paris, Robert Laffont, 1946, p. 229-230 ; Albert Ouzoulias, Les Bataillons de la jeunesse, Paris, Éditions sociales, 1967, p. 124, 142, 161, 200, 208-209, 217-219, 315-316, 401, 419 ; Pierre Sudreau, Au-delà de toutes les frontières, Paris, Odile Jacob, 1991, p. 50-55. 2. Jean-Pierre Azema et François Bedarida, « L’historisation de la Résistance », Esprit, n° 198 (janvier 1994), p. 19-35 ; Jean-Marie Guillon, « La Résistance, cinquante ans et deux mille titres après », in Jean-Marie Guillon et Pierre Laborie (dir.), Mémoire et histoire : la Résistance, Toulouse, Privat, 1995, p. 27-43 ; Laurent Douzou, La Résistance française : une histoire périlleuse, Paris, Éditions du Seuil, 2005. 3. Nous reprenons les césures thématiques et chronologiques de l’historiographie de la Résistance (« Les témoins gardent la parole et prennent la plume (1944-1974) », « Clio au travail (1944-1978) », « Une historiographie remise en cause et renouvelée (1978-2002) ») mises en exergue en 2005 par Laurent Douzou, op. cit., p. 83-244. Plus élargies que celles proposées en 1994 par Jean-Pierre Azéma et François Bédarida (1944-1947, 1947-1958, 1959-1969, 1970-1979, 1980-1990) et en 1995 par Jean-Marie Guillon (1944-1951, 1952-1957, 1958-1963, 1964-1975, 1975-1984, 1985-1995), elles semblent ici s’appliquer mieux à l'étude du regard jeté sporadiquement par les historiens de la Résistance sur les cheminots. 4. Paul Durand, La SNCF dans la guerre, sa résistance à l’occupant, Paris, PUF, coll. « Esprit de la Résistance », 1968.

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5. Jacqueline Sainclivier, « Sociologie de la Résistance : quelques aspects méthodologiques et leur application en Ille-et-Vilaine », Revue d’histoire de la Deuxième Guerre mondiale, n° 117 (janvier 1980), p. 33-74. 6. François Marcot, « Pour une sociologie de la Résistance : intentionnalité et fonctionnalité », in Antoine Prost (dir.), La Résistance, une histoire sociale, Paris, Les Éditions de l’atelier/Les Éditions ouvrières, 1997, p. 21-41. 7. Jean-Marie Guillon, « La Résistance, cinquante ans et deux mille titres après », in Jean-Marie Guillon et Pierre Laborie (dir.), op. cit., p. 29. 8. IHTP, Bulletin du CHDGM, n° 4 (avril 1953), p. 15. 9. Henri Michel, Bibliographie critique de la Résistance, Paris, Institut pédagogique national, p. 68. 10. Françoise Bruneau, Essai historique du mouvement né autour du journal clandestin Résistance, Paris, SEDES, 1951, p. 68-69. 11. Ibid., p. 173. 12. Ibid., p. 65. 13. Henri Michel et Marie Granet, Combat, histoire d’un mouvement de résistance de juillet 1940 à 1943, Paris, PUF, coll. « Esprit de la Résistance », 1957, p. 230. 14. Marcel Baudot, L’Opinion publique sous l’Occupation, Paris, PUF, coll. « Esprit de la Résistance », 1960, p. 149-150. 15. Henri Michel et Marie Granet, op. cit., p. 172. 16. Arthur Calmette, L’Organisation civile et militaire, histoire d’un mouvement de résistance de 1940 à 1946, Paris, PUF, coll. « Esprit de la Résistance », 1961, p. 19-20. 17. Marie Granet, Ceux de la Résistance (1940-1944), Paris, Éditions de Minuit, 1964, p. 109. 18. Bulletin du CHDGM, n° 45 (juillet-août 1956), p. 3-4. 19. Centre des archives historiques de la SNCF, Le Mans (CAH SNCF), 138 LM52. L’itinéraire résistant de Paul Durand reste obscur. La fiche de renseignements remplie par la chancellerie de la Légion d’honneur à l’occasion de la demande de son élévation au grade de commandeur – les grades de chevalier et d’officier ayant été obtenus respectivement en juillet 1923 et en décembre 1939 – ne fait pas mention de son activité clandestine. Outre ses états de service militaire pendant et après la Grande Guerre et les différentes fonctions qu’il a occupées au cours de sa vie professionnelle, ses qualités de haut fonctionnaire sont indiquées sans autre précision : « M. Durand, qui s’est toujours montré un juriste de grande classe, en même temps qu’un fonctionnaire d’une rare distinction, a, dans ses fonctions très délicates et lourdes de responsabilité, rendu, avec un dévouement sans limite, d’éminents services au chemin de fer. » 20. Paul Durand, op. cit., p. 3. 21. Laurent Douzou, op. cit., p. 68-69. 22. Paul Durand, op. cit., p. 3-4. 23. CAH SNCF, 20 LM751, discours du 9 novembre 1944 au palais de Chaillot, lors du gala organisé par Résistance-Fer, p. 5. 24. Ibid., discours du 18 avril 1946 à Innsbruck, p. 8. 25. Louis Armand in Paul Durand, op. cit., p. viii. 26. Louis Armand, Propos ferroviaires, Paris, Librairie Arthème Fayard, 1970, p. 76. 27. Christian Bachelier, La SNCF sous l’Occupation allemande, 1940-1944, Rapport documentaire, Paris, IHTP-CNRS, 1996. 28. Henri Nogueres, La Vie quotidienne des résistants de l’armistice à la libération (1940-1945), Paris, Hachette Littérature, 1984, p. 151. 29. Un travail similaire a été réalisé par Monique Luirard, La Région stéphanoise dans la guerre et dans la paix, 1936-1951, Le Puy, Centre d’études foréziennes, 1980, p. 497. Elle a, de son côté, identifié, 19 catégories socioprofessionnelles, dont une spécifique pour les agents de la SNCF qui représentent 2,08 % de la population résistante répertoriée. 30. Jacqueline Sainclivier, art. cit., p. 49 et 51.

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31. François Marcot, La Franche-Comté sous l’occupation, 1940-1944, tome 1, La Résistance dans le Jura, Besançon, Cêtre, 1985, p. 16. 32. Christian Bougeard, Histoire de la Résistance en Bretagne, Paris, Éditions J.-P. Gisserot, 1992, p. 24. 33. Jacqueline Sainclivier, La Résistance en Ille-et-Vilaine, 1940-1944, Rennes, Presses universitaires de Rennes, 1993, p. 109. 34. Jacqueline Sainclivier, La Bretagne dans la guerre, 1939-1945, Rennes, Éditions Ouest-France, coll. « Seconde Guerre mondiale », 1994, p. 174. 35. François Marcot, op. cit., p. 29. 36. Dominique Veillon, Le Franc-Tireur. Un journal clandestin, un mouvement de résistance 1940-1944, Paris, Flammarion, 1977, p. 250. 37. Voir également Alya Aglan, Mémoires résistantes. Histoire du réseau Jade Fitzroy, 1940-1944, Paris, Éditions du Cerf, coll. « L’histoire à vif », 1994, p. 47. 38. Laurent Douzou, « L’entrée en résistance », in Antoine Prost (dir.), op. cit., p. 15-16. 39. Christian Chevandier, « La résistance des cheminots : le primat de la fonctionnalité plus qu’une réelle spécificité », in Antoine Prost (dir.), op. cit., p. 147-158. 40. Ibid., p. 152. 41. Ibid., p. 158. 42. Pour reprendre l’expression du président de la SNCF André Ségalat dans l’avant-propos de l’ouvrage de Paul Durand, op. cit., p. xi. 43. Au Bureau Résistance et Seconde Guerre mondiale, il n’y a qu’une fiche nominative sommaire et à la chancellerie de l’ordre de la Libération, son dossier de compagnon ne nous donne que peu d’éléments sur son activité résistante entre l’été 1940 et le printemps 1943. 44. En référence au titre de l’ouvrage d’Anne-Marie Bauer, Les Oubliés et les ignorés, Paris, Mercure de France, 1993.

AUTEUR

CORALIE IMMELÉ Doctorante en histoire, université Lumière – Lyon 2

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Actes du colloque

La construction d’une mémoire, la transmission d’une histoire

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Résistance-Fer, du « réseau » à l’association : une dynamique corporative intéressée ?

Georges Ribeill

1 L’historien qui s’intéresse à Résistance-Fer a la chance de pouvoir bénéficier du riche fonds d’archives de cette association. Faute de bonnes volontés pour en perpétuer le fonctionnement, après un demi-siècle d’existence, la dissolution de cette association fut décidée lors son assemblée générale tenue à Cahors les 28 et 29 mai 19971 : il fut alors convenu que les archives seraient versées aux Archives nationales, et rendues entièrement libres d’accès2. Auparavant, l’association avait publié trois brochures qui, célébrant divers anniversaires3, permettaient de découvrir son existence et son fonctionnement. En 2002, à l’occasion des travaux importants suscités par l’Association pour l’histoire des chemins de fer (AHICF) relatifs à la période 1939-1945, une présentation sommaire de Résistance-Fer était adjointe à un recueil de témoignages4. Si l’on ajoute la consultation autorisée des archives du Bureau Résistance du Service historique de la Défense et de celles du Musée de l’ordre de la Libération, cela permet une très bonne appréhension de l’histoire de l’association. L’exposition réalisée par la Fondation de la Résistance et inaugurée en novembre 2005, Les cheminots dans la Résistance, ainsi qu’une journée d’études organisée le 19 octobre précédent par le Comité d’études d’histoire de la Défense (CEHD), ont suscité de notre part d’autres publications et communications en complément de celle-ci.

Une corporation quasi naturellement et consensuellement résistante ?

2 Avéré, le rôle efficace des cheminots dans la Résistance ne saurait être objectivement contesté5 ; il est largement popularisé même au sein de la corporation6. Des travaux récents ont permis d’affiner la variété et les spécificités professionnelles de l’engagement7 à des degrés très divers des cheminots, « prédisposés »

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fonctionnellement8 à résister lato sensu, depuis la collecte, l’acheminement et la fourniture de renseignements stratégiques aux Alliés, jusqu’aux actes de sabotage d’équipements ferroviaires sensibles.

3 Selon la formule heureuse de Louis Armand (cf. infra), l’immense « maquis » que constituait une entreprise publique en charge d’un moyen de transport quasi- monopolistique mais asservi aux intérêts de l’occupant a facilité fonctionnellement cette implication corporative intensive, où les agents les plus engagés résolument dans la Résistance demeuraient toutefois des « sédentaires », dont l’activité professionnelle quotidienne couvrait les actes répréhensibles hostiles à l’occupant. C’est bien en 1944, dans la préparation et la suite du débarquement des Alliés, qu’excella la résistance cheminote collective dans sa fonction d’entrave des TCO (trains en cours d’opérations) qui devaient permettre le regroupement sur le front de la Normandie des renforts allemands : une contribution essentielle – passée dans la légende sous le nom de « Plan vert » – pour entretenir un rapport de force militaire défavorable aux Allemands, sur ce front déterminant de l’issue de la guerre ; thème même central du futur film à succès Bataille du rail. L’entrave par les cheminots de l’acheminement des « trains d’économie allemande », vecteurs du pillage économique de la France dès juillet 1940, fut beaucoup plus limitée, puisque la part du trafic ferroviaire (exprimé en tonnage brut kilométrique) qu’assure la SNCF au profit des autorités d’occupation progresse de 16 % à 47 % de 1940 à 19449.

4 Toutefois, à cette vision nuancée, objective, fait contrepoint un discours édifiant, que le même Louis Armand, ancien chef du réseau Résistance-Fer, promu à la direction générale de la SNCF (1949) puis à sa présidence (1956), développe et martèle dans ses très nombreux écrits : un discours consacrant et figeant la thèse d’un état d’esprit corporatif cheminot porté naturellement à résister, donc plutôt consensuel : « L’épopée des résistants actifs du rail s’est intégrée dans un consensus quasi unanime de toute la corporation, forte alors de 400 000 agents, consensus où ces actifs trouvèrent, en maintes occasions dramatiques, la même protection que s’ils avaient été sous le couvert d’un immense maquis ! », écrit-il dans sa préface à l’ouvrage cité de Paul Durand. Interprétation rappelée deux ans plus tard, peu avant sa mort en 1971, dans son dernier ouvrage10, dans un chapitre intitulé significativement « Cinq cent mille résistants autour du cheval d’acier » : « On n’a pas assez souligné, à mon sens, le caractère unanime du mouvement d’âme qui fermenta chez les cheminots pendant l’occupation : en aucune circonstance, on ne vit, je crois, pareil consensus dans un groupement d’hommes aussi important, que ne liait pas la discipline militaire. Dans ce consensus se sont manifestés tous les degrés de l’adhésion, depuis la passivité complice, qui était partout, jusqu’à l’engagement proprement dit qui en formait le sommet. »

Une vision plus nuancée et moins consensuelle

5 Après guerre, devant des auditoires cheminots qui avaient connu de l’intérieur la période d’occupation, Louis Armand tenait des propos nuancés : ainsi, le 18 août 1946, lors d’une conférence à Innsbruck auprès du Détachement d’occupation français en Autriche11, il évoque une résistance cheminote morphologiquement circonscrite, voire divisée, largement hétéronome : « Malgré leurs pertes, les organisations gagnèrent en précision, en étendue et en moyens de transmission : courrier par avions, poste de radio. Si bien que, pendant

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la bataille de France, l’organisation centrale de Résistance-Fer disposait de plusieurs liaisons directes avec Londres qui fonctionnaient tous les jours. Les renseignements étaient indissolublement liés à l’action, c’est-à-dire à l’attaque directe des convois ennemis, celle-ci se développa parallèlement avec les services du général de Gaulle à Londres qui portaient en ce temps le nom de BCRA. L’action prit naissance dans de nombreux groupes de résistance non ferroviaires qui firent appel à des cheminots sur le plan local pour les renseigner sur les transports et sur les meilleurs moyens de les attaquer. Les organisations de résistance purement ferroviaires étaient plus réservées quant aux sabotages qu’elles voulaient limiter aux actions particulièrement efficaces. Leur activité, très réduite au début, se développa grâce à une coordination qui est l’œuvre de certains éléments particulièrement dévoués dont beaucoup hélas, parmi les meilleurs, ont disparu. Tout cela permit de préparer pour l’action finale des équipes de sabotage à la fois audacieuses et compétentes. »

6 En vérité, bien entendu, l’étendue du réseau ferré de la SNCF, ses nombreux établissements dispersés expliquent l’émiettement et le pluralisme des engagements individuels des cheminots dans des réseaux et/ou mouvements. Certes, des organisations avaient tenté de créer ou conçu en leur sein une structure regroupant les cheminots. En zone sud, d’une initiative de Combat naîtra ainsi NAP, puis NAP-Fer. En zone occupée, Ceux de la Libération réservait aux cheminots une organisation spécifique tandis que Vengeance créait des Corps francs SNCF. Et c’est en juillet 1943 qu’est lancé depuis Londres le projet d’une « Organisation Fer » réintégrant tous les cheminots dispersés dans les divers groupes de résistance, formellement placée le 1er octobre suivant sous les ordres du BCRA de Londres via sa délégation militaire nationale. En réalité, le regroupement escompté des cheminots au sein de cette Organisation Fer clandestine dénommée plus tard Résistance-Fer n’eut pas lieu, les réseaux ne se séparant pas facilement de leurs trop précieux cheminots, passeurs ou agents de renseignements privilégiés, ceux-ci demeurant de leur côté fidèles à leurs premiers engagements locaux.

L’introuvable réseau unifié

7 Après guerre, nombreux sont les témoignages à chaud qui révèlent cette difficulté à regrouper et coordonner dans Résistance-Fer les divers groupements et/ou agents individuels impliqués dans la Résistance. Rappelons par exemple à partir de la « Note succincte sur les origines de Résistance-Fer », datée du 24 mars 195012, cette difficile gestation.

8 C’est au sein du réseau de Ceux de la Libération (CDLL) qu’un « compartiment spécial » fut réservé aux cheminots sous la direction de Bourgeois. Depuis fin 1940 au début de 1943, les cheminots de ce groupement communiquèrent de nombreux renseignements sur les transports allemands au service de renseignement (SR) Turma du réseau de CDLL. En 1943, compte tenu des résultats déjà obtenus, Coquoin, chef de CDLL, donna une impulsion décisive à ce Service ferroviaire et chargea spécialement Bourgeois de l’organisation générale. Pour les mises au point de l’organisation en zone nord, il le mit en relations directes avec Jean-Guy Bernard, déjà en relations en zone sud avec Lacombe, Heilbronner et Armand13.

9 Au cours de réunions d’éléments du NAP tenues à Paris à partir de mai 1943, où seul Bourgeois représentait l’élément « Fer », l’organisation intérieure à concevoir pour la

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résistance active de la SNCF fut fixée le 5 juillet 194314. « Bourgeois exigeait, pour la bonne marche de l’affaire, que les cheminots fussent rendus autonomes des divers groupements de résistance, afin de conserver leur caractère de techniciens et d’éviter les infiltrations de l’extérieur. » Si la décision de se séparer de leurs éléments cheminots fut arrêtée et signifiée aux divers réseaux pour assurer leur rapprochement, la décision resta formelle : « En fait, sauf au CDLL, qui considéra ses cheminots comme détachés à l’État-Major Général, cette décision ne fut pas ou peu appliquée, et ceci pour deux raisons : 1- Les réseaux n’avaient pas intérêt à se séparer de leurs éléments cheminots, car ceux-ci constituaient de par leurs possibilités de travail, une source de renseignements et d’actions particulièrement importante ; 2- Les cheminots qui avaient accordé leur confiance à des dirigeants de réseaux pouvaient moralement difficilement se séparer d’eux. »

10 Par contre, des responsables régionaux SNCF furent désignés15, en contact chacun avec le délégué militaire régional et reliés aussi au délégué militaire national Chaban- Delmas. Les liaisons journalières des régions SNCF avec Jean-Guy Bernard étaient assurées par Bourgeois et Aurousseau.

11 Si bien que, selon cette note cherchant à trouver des titres de paternité à Résistance- Fer, « en fait, son origine semble être le réseau CDLL qui avait organisé, dès son début, une branche « Fer »16. Résistance-Fer se trouvait en fait créée par la décision d’organisation arrêtée le 5 juillet 1943 et mise en pratique d’une façon effective et efficace en particulier à la Région Est ». Le 1er octobre 1943, consacrant cette organisation embryonnaire et fragile, « ce rassemblement était placé sous l’autorité du Délégué militaire national, Chaban-Delmas ».

12 Ainsi fut fait le lien entre l’organisation « noyau » de résistance et l’association créée à la Libération : « L’Union des Cheminots Résistants qui prit le nom de Résistance-Fer après les hostilités, a donc été en fait le rassemblement autour du noyau relié de l’État- Major Général par l’intermédiaire du Délégué militaire national des éléments qui auraient dû être soudés par cette décision de juillet 1943. »

13 À l’occasion de ses dix ans, un historique condensé est élaboré par Résistance-Fer, qui gomme les difficultés de regroupement17 : « À l’origine, l’action résistante des cheminots est assez dispersée et anarchique. Mais peu à peu des noyaux de résistance purement cheminots se sont formés. L’intérêt de coordonner l’action de ces groupes et d’en faire une organisation véritablement hiérarchique est alors apparu impérieusement. C’est ce qui a été tenté dès le milieu de 1943, en liaison avec l’organisation NAP et l’Armée secrète. C’est cette organisation, dite « Résistance-Fer » qui, après l’arrestation des chefs du NAP avec qui elle était en rapport en zone sud comme en zone nord, s’est rattachée à la Délégation militaire nationale avec qui elle est restée en liaison étroite jusqu’à la Libération. »

14 Par contre, à l’occasion de la célébration du cinquantenaire du réseau Résistance-Fer, une version plus tardive rappelle bien cette dynamique « partielle » de regroupement corporatif des cheminots résistants18 : « Dès le début de 1943, au fur et à mesure de l’unification de la Résistance, il apparut de plus en plus clairement que les cheminots agissant en corps uni pourraient porter les coups les plus rudes aux transports allemands obligés d’utiliser prioritairement le rail pour leurs mouvements longs et massifs. C’est ainsi que dès mai 1943, le Comité Directeur des Mouvements Unis diffuse une directive tendant à rassembler les éléments épars du chemin de fer dans les différents services et à les grouper sur leurs propres chefs et leur hiérarchie technique

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verticale propre. Et c’est pour clarifier les choses que le Délégué militaire national, le général Chaban-Delmas a décidé, à partir du 1er octobre 1943, de créer le réseau Résistance-Fer constitué des cheminots alors engagés dans l’ensemble des mouvements, et ce, à la demande des dirigeants cheminots exerçant déjà des responsabilités régionales au sein du Chemin de fer. On pensait que travailler entre gens du même métier permettrait d’éviter les infiltrations de l’ennemi. Mais l’unification ne fut que partielle par suite d’un individualisme inné. Cependant, Résistance-Fer est le symbole de la résistance des cheminots, de tous les cheminots, de tous les réseaux et mouvements. C’est le seul réseau purement ferroviaire. »

15 C’est dans ce contexte que, suite à l’arrestation en janvier 1944 de Jean-Guy Bernard, Louis Armand, ingénieur résistant haut placé dans les sommets de la SNCF, allait lui succéder à la charnière fonctionnelle et institutionnelle entre l’organisation de résistance ferroviaire et le BCRA, charnière par où transitaient les informations sensibles, concernant par exemple les mouvements des trains allemands, cibles de choix de l’aviation alliée. En particulier, coiffé par Armand, chef du service Matériel et Traction de la SNCF depuis janvier 1944, le service central du TIA19 qu’anime, fidèle et dévoué, l’inspecteur René Pottier, en relation avec tous les dépôts de France, réceptionne localement et centralise tous les renseignements susceptibles d’intéresser les Alliés. Organisation centralisée et donc très vulnérable, qui explique l’arrestation de hauts dirigeants de la SNCF, dont Louis Armand, suspecté à juste titre de trahir les intérêts ferroviaires allemands20.

Louis Armand, ange gardien et tutélaire de Résistance- Fer

16 Si les cheminots engagés dans leur fameuse bataille du rail contribuèrent certainement à accélérer la libération du territoire, ce fut donc bien en ordre dispersé. Ainsi, dès l’automne 1944, s’explique la volonté de certains cadres de la SNCF de regrouper dans une Union des cheminots résistants « la grande majorité des cheminots résistants ». Nommé président d’honneur de l’association Résistance-Fer dès sa constitution, Armand allait jouer un rôle déterminant dans l’édification de ce qui allait devenir le réceptacle institutionnel du bénéfice moral et professionnel résultant du concours décisif des cheminots à la Libération de la France : un chantier d’édification idéologique entamé dès novembre 1944, mais vite accusé de prétentions hégémoniques, en concurrence avec d’autres représentations collectives partisanes de la résistance cheminote, principalement communiste21.

17 Au palais de Chaillot, au cours d’un gala organisé le dimanche 19 novembre 1944 par des anciens membres de Résistance-Fer, le général Koenig, commandant des Forces françaises de l’Intérieur, et le ministre des Travaux publics, René Mayer, rendirent un hommage vibrant à la résistance cheminote, annonçant que le général de Gaulle venait de décerner à Louis Armand « cet insigne des braves entre les braves, des fidèles entre les fidèles, qu’est la Croix de la Libération ». La veille, l’habile ministre René Mayer avait un peu bousculé l’entourage du général de Gaulle pour faire attribuer à Armand à l’occasion de ce gala cette suprême distinction22.

18 « Comment naquit la Résistance-Fer, son programme général » : tel fut le thème de l’exposé de son chef ainsi consacré, qui rappela en sorte son dévoilement tardif et sa conversion naturelle instantanée de réseau (en extinction) en association (en gestation) : « Il a fallu attendre que la libération permette aux cheminots résistants de

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se révéler et de se réunir en une Association Unique portant la dénomination de la plus importante des organisations ferroviaires. » Mais Louis Armand exhorta aussi les cheminots à prolonger la « Bataille du rail » par une seconde bataille au service de la reconstruction, à se mobiliser dans le même élan de solidarité sociale et d’effort patriotique23 : « Nous cheminots, à peine la libération terminée, avons trouvé devant nous une tâche immense, une tâche noble parce que en liaison directe avec l’action de guerre et la reprise économique. Aujourd’hui et demain, les cheminots résistants, conscients de tout ce que représente la Victoire, veulent aider non seulement à la reconstruction matérielle, mais de façon plus générale au redressement du pays. L’Idéal qui les a guidés pendant la guerre, ils veulent le mettre au service de la France dans la paix. Pour l’instant, le chemin à suivre est tout tracé ; il faut travailler, travailler pour relever notre chemin de fer, de qui dépend plus que jamais la vie du pays, et aussi pour donner l’exemple. Les Résistants, les Patriotes, le feront avec joie. Ils ont, pendant l’occupation, trop souffert de voir leur magnifique outil servir à l’ennemi, trop ressenti de tristesse à voir nos installations détruites et tant de cheminots touchés dans leur chair et dans leurs biens par les actions de guerre, trop connu les cas de conscience que posait la conciliation des sentiments patriotiques commandant une réduction d’activité avec la nécessité de faire des trains pour assurer les besoins vitaux du pays, pour ne pas goûter pleinement aujourd’hui la joie saine de savoir sans contestation possible que notre seul devoir est de travailler.

19 [...] On peut donc dire que la Résistance a été une bonne école sociale, d’une part en mêlant intimement des hommes de conditions différentes, en créant entre eux des courants de vraie solidarité, en forçant à réfléchir sur les bases de la hiérarchie, enfin, et surtout, en montrant comment un idéal peut transformer les hommes et en décupler la puissance. Aussi, est-il utile, pour notre corporation, comme pour notre pays, que l’esprit demeure vivant parmi nous et, en restant unis, les résistants feront que, de nos luttes, naîtra un élément positif pour l’avenir. »

20 Organisé sous l’égide de Résistance-Fer, ce gala avait donc permis une « sorte de consécration officielle » de Résistance-Fer qui ainsi « a quitté la clandestinité », tout en annonçant que Résistance-Fer allait « continuer à vivre dans le cadre régulier d’une Association cheminote, soucieuse de conserver, avec le culte de ses héros, l’idéal et l’amitié qui animèrent tous ses membres dans la lutte clandestine »24. L’ambiguïté scellait et nouait ensemble ainsi le destin final du réseau et la naissance de l’association : l’association serait bien l’avatar du réseau.

21 C’est donc sans tarder que cette association était déclarée en préfecture le 27 décembre 1944, conçue comme une association d’entraide ouverte à tous les cheminots résistants, moyennant une cotisation annuelle de 10 francs : « Résistance-Fer est le groupement amical de tous les cheminots ayant participé activement à la Résistance sur les Chemins de fer pendant l’occupation ennemie, à quelque titre que ce soit » (article 1er des statuts arrêtés le 15 décembre). Plus précisément (art. 2), pouvaient adhérer 1/ tous les cheminots ayant fait partie d’un groupement de résistance organisé, 2/ tous les cheminots ayant participé même isolément à la lutte contre l’occupant, 3/ « à titre exceptionnel, les personnes civiles ou militaires qui, sans appartenir à la SNCF, ont exercé d’une manière continue, leur activité dans la Résistance au service du Chemin de fer ». Résistance-Fer prétendit à ses débuts à un double rôle, politique et social : si Résistance-Fer entend « développer et manifester, dans l’esprit et dans le cadre de la

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Charte de la Résistance, formulée le 15 mars 1944 par le CNR, les liens de solidarité qui doivent unir tous les cheminots résistants », « elle assume la défense des intérêts moraux et matériels de ses membres, en tout premier lieu de ceux qui ont été victimes de l’ennemi » (art. 8), apportant aussi une aide matérielle aux veuves et orphelins de cheminots résistants. « L’association Résistance-Fer groupe ses membres en dehors de toute considération politique, philosophique ou religieuse. Elle les laisse libres d’adhérer à tout autre mouvement de résistance et se tient en dehors des organisations syndicales » (art. 9)25.

22 Au plan social, l’association Résistance-Fer mena une activité sociale discrète bien qu’intense, prodiguant durablement auprès des veuves et orphelins de cheminots résistants des secours en espèces et en nature (vestiaires, colis alimentaires). Depuis sa sortie sur les écrans en février 1946 et le grand prix international qui lui est décerné en octobre au Tournoi international du cinéma à Cannes (première version de l’actuel Festival de Cannes), l’immense succès populaire du film Bataille du rail dans la production duquel Résistance-Fer s’était engagée à hauteur de 41 % va lui assurer d’importantes ressources, complétées par l’exposition itinérante du train blindé allemand capturé par la 1re Armée française le 8 septembre 1944 en gare de Saint- Bérain sur la ligne Nevers-Chagny et la vente de billets de la Loterie nationale. Si le réalisme ferroviaire de Bataille du rail contribua à son succès26, c’est grâce au concours de Louis Armand, alors directeur général adjoint de la SNCF, mobilisant des cheminots, voire sacrifiant des moyens matériels de la SNCF, pour les mettre à la disposition du réalisateur27. Préfaçant le livre paru l’été 1949 qu’avaient rédigé les deux scénaristes du film entendant obtenir leur part de dividendes de cet immense succès28, Louis Armand souligna comment en confiant non pas à des artistes mais à des cheminots « jouant un rôle strictement conforme à leurs activités et à leur mentalité professionnelles », grâce aussi à la fameuse scène du déraillement réalisée sans truquage, « Bataille du rail est rigoureusement vrai ». Les ressources inespérées du film ainsi que de la tournée du train blindé de gare en gare (adultes : 10 F l’entrée ; enfants et militaires : 5 F), permirent l’acquisition par Résistance-Fer de l’ancien Hôtel des Anglais à Valescure, près de Saint-Raphaël, qui, converti en Maison du souvenir inaugurée le 6 février 1949 par Louis Armand, allait servir de maison de repos aux adhérents ou de centre d’hébergement pour leurs enfants lors des vacances.

Les brevets de légitimité de Résistance-Fer

23 Naturellement, l’association Résistance-Fer se mobilisa pour se faire reconnaître comme l’institution héritière d’un véritable réseau de résistance, dont les membres pourraient bénéficier des droits reconnus et accordés (pécule, solde, récompenses honorifiques) aux agents des Forces françaises combattantes, en vertu du décret 366 signé le 25 juillet 1942 par de Gaulle, ou des droits des Combattants volontaires de la Résistance fixés par la loi du 17 avril 1946 (pensions, médailles)29.

24 Louis Armand pèsera de tout son poids, avec succès, pour cette reconnaissance d’un « réseau » Résistance-Fer. C’est lui qui, se présentant comme le chef du réseau Résistance-Fer, se charge de son homologation ministérielle en tant que réseau des Forces françaises combattantes. Le 18 mai 1945, dans une lettre à en-tête de la SNCF, sous la double casquette de directeur du Service central du Matériel et de président d’honneur de Résistance-Fer, Louis Armand écrit au colonel Dulac, chef de service à la

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France combattante, pour lui transmettre les renseignements demandés en vue de la liquidation de la situation de ses membres30 : « L’organisation Résistance-Fer était divisée en cinq régions, comportant un responsable par région, des responsables d’arrondissement dépendant du responsable régional, des responsables locaux dépendant des responsables d’arrondissement, et des agents locaux. Ses membres étaient, en règle générale, des agents de la SNCF. La plupart rentrent dans la catégorie P1 : ils travaillaient pour l’organisation tout en continuant à assurer leur service au chemin de fer ; certains, toutefois, étaient des permanents (catégorie P2). Notre intention est de vous demander uniquement la liquidation de la situation des agents qui ont eu à supporter un dommage définitif du fait de leur activité. Il s’agit donc : 1- des agents permanents (P2) n’appartenant pas à la SNCF qui, à l’encontre de ceux qui appartiennent à la SNCF, n’ont pas été rémunérés alors qu’ils travaillaient pour la résistance ; 2- des agents fusillés, appartenant ou non à la SNCF, pour lesquels une pension sera à liquider. (Les avantages que la SNCF envisage d’accorder aux familles de ses agents fusillés doivent simplement compléter les pensions servies par l’État.) Nous évaluons à 150 environ le nombre des membres de Résistance-Fer fusillés pour leur activité clandestine. Mais à ce chiffre viendront s’ajouter les déportés décédés en captivité ; 3- des déportés n’appartenant pas à la SNCF et ne recevant pas, par conséquent, les avantages que la SNCF accorde à ses propres agents déportés ; 4- des agents blessés à l’occasion de leur activité clandestine, ou déportés et qui conserveront une invalidité permanente à la suite de leur blessure ou de leur déportation. Pour ces agents également, la SNCF prévoit certains avantages, qui n’auront pour effet que de compléter les avantages accordés par l’État. Nous pensons qu’au total, le nombre des agents pour lesquels la France Combattante aura à établir une proposition de pension, de décès ou de réforme, ne sera pas très élevé, puisqu’en dehors des 150 fusillés indiqués plus haut, le nombre des agents de Résistance-Fer qui ont été déportés pour leur participation active à la résistance doit être de l’ordre de 500. Je vous rappelle, à titre de mémoire, que le total des fusillés de la SNCF est de l’ordre de 400 et celui des déportés de l’ordre de 3 000. Je pense que les assimilations de grades qui pourront être faites, sont les suivantes : - responsable régional : chef de sous-réseau = chef de mission de 2e classe, - responsable arrondissement : chef de secteur = chargé de mission de 1re classe, - responsable local : chef de centre = chargé de mission de 2e ou 3e classe, suivant l’importance du centre, - agent de liaison, de renseignement ou d’action = chargé de mission de 4e, 5e ou 6e classe suivant l’importance des fonctions. Je vous serais obligé de bien vouloir me donner votre accord pour me permettre de faire établir les dossiers de liquidation. »

25 Sans trop attendre, le 26 juin 1945, Louis Armand recevait une réponse de principe favorable de la direction générale des Études et Recherches chargée alors de l’instruction des dossiers31 : « J’ai l’honneur de vous faire connaître que le Commandant a donné son accord au rattachement de Résistance-Fer à mes services, aux fins de liquidation. Je vous rappelle et vous confirme les modalités de cette liquidation, à savoir : 1- reconnaissance des services rendus. Inscription au fichier-distinctions restant à traiter – attribution des diplômes et lettres de remerciements dont mes services pourront disposer éventuellement. 2- Pensions : Nous reprenons en charge tous les fusillés ou décédés en déportation de Résistance- Fer, avec toutes les incidences que cela comporte sur les familles, en ce qui concerne les pensions.

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3- Admission comme agents P2 ayant droit au pécule de tous ceux qui, n’appartenant pas à la SNCF, ont eu toute leur activité utilisée au profit de Résistance-Fer. Pour ce qui est des assimilations de grade, à déterminer pour ces agents P2, la correspondance de fonction à grade exposée dans votre lettre du 18 mai 1945 doit rester votre base de travail, bien que le Commandement n’ait pas eu à en faire l’examen formel pour accord. »

26 Cet accord de principe ne signifie pas toutefois l’homologation officielle de Résistance- Fer comme réseau. Succédant à la DGER, ce n’est que deux ans plus tard que la Commission nationale d’homologation des forces de la France Combattante, dans sa séance du 17 octobre 1947, homologuait Résistance-Fer comme réseau « action » formé à partir du 1er octobre 1943, « date à laquelle il est entré en contact avec Londres ». On lui reconnaissait sa nature d’unité combattante depuis ce 1er octobre 1943 jusqu’au 30 septembre 1944, un « chef de réseau : Monsieur Armand » et l’importance des diverses missions accomplies : « - Fourniture régulière aux Alliés de renseignements détaillés sur les transports militaires allemands, ainsi que sur les transports qui alimentaient l’industrie de guerre ennemie et sur ceux dits « d’économie allemande » dont l’importance mesurait l’intensité du pillage de la France. - Propagande active facilitée par les possibilités de déplacement, notamment au travers des lignes de démarcation, en vue de répandre les faits que l’occupant voulait tenir cachés, transport de correspondance d’une zone à l’autre, diffusion de tracts. - Aide aux prisonniers évadés, aux déserteurs alsaciens-lorrains, aux Juifs, aux personnes recherchées par la Gestapo, passages clandestins des lignes de démarcation et des frontières, camouflage de personnes sous de fausses identités. - Lutte contre la déportation des agents et des jeunes gens soumis au travail obligatoire désignés pour partir en Allemagne. - Sabotage des locomotives et du matériel de transport et attentats directs contre les trains allemands. - Mise au point d’un plan de désorganisation totale des chemins de fer, établi en liaison avec les Alliés, et exécuté à partir du débarquement. Cette opération réussie, malgré toutes les difficultés et les dangers si grands, a permis d’obtenir une paralysie des transports dont le général Koenig a pu dire qu’elle a été l’un des motifs les plus certains de la défaite des Allemands dans la bataille défensive qu’ils durent mener en France contre les Armées de la Libération. »

27 Bien que daté du 17 octobre 1947, le décret d’homologation, signé de Max Lejeune, ne parut toutefois au Journal officiel que bien plus tard, en juillet 194932.

28 Le décompte définitif des membres revendiqués par le « réseau » Résistance-Fer, agrégeant d’emblée tous les cheminots victimes à divers titres de l’occupation allemande tels que les agents exécutés en France ou déportés et morts en Allemagne, ainsi que « quelques camarades n’appartenant pas à la SNCF mais qui prirent sous l’occupation, une part importante dans la désorganisation des transports ennemis », aboutit à 4 760 cheminots ou assimilés. Leur répartition dans les trois catégories administratives reflète bien l’importance des cheminots dont l’activité régulière abritait les actes de résistance : alors que 819 résistants « professionnels » à temps plein étaient classés administrativement du point de vue des droits ouverts comme P2 (17 %) et que 342 agents ayant exercé une activité continue de résistance sous couvert de leur activité professionnelle étaient classés P1 (7 %), les 3 599 autres (76 %), ayant coopéré de manière occasionnelle à la Résistance, étaient classés P0 : soit une très large et caractéristique majorité (83 %) de « légaux » ou « sédentaires ».

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29 Ainsi, environ 1 % des cheminots de la SNCF, morts ou vifs, étaient reconnus avoir concouru à la « Bataille du rail » sous la bannière de Résistance-Fer, réseau de la France combattante officiellement reconnu post mortem, mais largement factice ! On n’avait pas demandé notamment aux nombreux morts divers leur agrément pour les placer sous cette bannière...

30 On conçoit qu’il y ait pu avoir un trouble certain chez quelques cheminots, qui bien que résistants, n’avait jamais entendu parler de Résistance-Fer à la SNCF ; tel ce Verot, mettant en doute la légitimité de son avatar, l’association Résistance-Fer33 : « Pendant l’occupation, parmi mes agents SNCF, personne n’entendit parler de Résistance-Fer. Après la libération, il fut décidé de créer d’une façon similaire à l’association des anciens cheminots combattants une association groupant tous les résistants cheminots, sans distinction de groupements de réseaux de résistance ayant but de rassembler tous les cheminots résistants et de continuer l’esprit de la résistance, de nous connaître, etc. Pour pénétrer dans cette association, c’était facile, et pour cause les petits copains y pénétraient les premiers, preuves de résistance, pour quoi faire. Nous ne disons pas que dans cette association il n’y a pas de véritables résistants [souligné dans l’original] mais nous doutons que tous soient de véritables résistants, nous pourrions fournir quelques échantillons. Nous ne pouvons concevoir que Résistance-Fer, n’ayant jamais existé, ait pu être homologué à la France Combattante. »

31 Les mêmes archives du bureau de la Résistance révèlent un certain trouble chez les fonctionnaires qui eurent à se pencher plus tard sur le dossier de Résistance-Fer. Ainsi qu’en témoigne cette Note de Lormeau, président de la Commission nationale d’homologation des forces françaises combattantes du secrétariat d’État aux Forces armées, adressée le 27 avril 1950 au chef du 6e bureau de la direction du personnel militaire de l’Armée de terre (DPMAT) : « Il est exact que « Résistance Fer » n’a pas existé sous ce nom pendant l’occupation, tout au moins sous forme de réseau national indépendant. Mais il n’en est pas moins vrai qu’en octobre 1943 des dirigeants de la SNCF ont placé l’organisation de résistance qu’ils commandaient sous le contrôle du DMN (général Chaban-Delmas) pour l’exécution du Plan Vert. À partir de ce moment, ils sont par conséquent rentrés dans le cadre des réseaux des FFC. C’est à ce titre qu’ils ont été reconnus en tant que tel une première fois le 11/6/45 par le colonel Passy34, directeur de la DGER et ancien chef du BCRA, et une deuxième fois après avis de la CNH FFC. Le nom de Résistance-Fer a été donné à ce réseau parce qu’il était déjà consacré par l’usage. »

32 Plus tardive, datée du 1er avril 1955, signée du même président Lormeau, une note sans destinataire, accompagnée de son brouillon, atteste d’un certain coup de force transformé en « fait accompli », aux conséquences sociales peu orthodoxes, avantageuses du moins pour les intéressés : « Avant que le réseau « Résistance Fer » ne soit officiellement homologué, des états nominatifs de ce réseau comprenant les morts et les déportés avaient déjà été entérinés par l’organisme qui s’occupait à ce moment-là de la liquidation des réseaux (avenue Georges-Mandel, je ne sais plus le nom de cet organisme). Si bien que lorsque la Commission a été créée en 1946 et qu’elle a eu à homologuer officiellement les états, elle s’est trouvée placée devant le fait accompli, la plupart des cas ayant déjà été traités sur le plan financier. Elle n’a pas voulu risquer de faire reverser par les familles, les sommes qu’elles avaient perçues et n’a pas tenu compte de la date d’homologation du réseau. »

33 En fin de compte, le réseau Résistance-Fer avait-il eu donc une réelle consistance ? Dans son ouvrage, Paul Durand lui-même livre des témoignages éloquents de ces cheminots

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résistants anonymes, rattachés après coup à Résistance-Fer : « Je suis venu [à la résistance] individuellement, de ma propre initiative, ayant déjà connu les Allemands au cours de la guerre de 1914-1918, pendant l’occupation de . J’ai répondu à l’appel de mon inspecteur lui-même sur l’invitation de son chef d’arrondissement. Il faut noter que la plupart des réseaux se sont révélés après la Libération et qu’en ce qui me concerne, je ne connaissais pas de réseau. Si j’ai été inscrit au Mouvement Résistance- Fer, c’est en octobre 1944, sollicité par ce mouvement qui avait entendu parler de mon action35. » L’un des chefs de la Résistance à Bar-le-Duc, pharmacien de son état, témoigne : « La Résistance-Fer, connue plus tard, après la Libération, appartenait à toute la Résistance. Jamais durant la guerre, aucun agent de la SNCF n’a milité ici sur un réseau ou une profession. Chacun a fait, là où il était, selon son métier ou ses dons, ce qu’il croyait devoir faire36. » De ces témoignages, Paul Durand lui-même allait donc tirer en 1968 le constat suivant : « Ce qui fut dans la suite appelé la Résistance-Fer n’a donc jamais, pendant les hostilités, correspondu à un réseau concret et spécialisé. La Résistance-Fer fut essentiellement un esprit [souligné par G.R.] qui envahit de toutes parts les voies ferrées françaises. L’association qui retint ce titre précisément en vue de conserver cet esprit patriotique n’a été créée qu’en 1944, après la Libération de Paris37. »

Résistance-Fer, un « esprit de corps » transformé en opportunité managériale ?

34 Le 17 mai 1945, Résistance-Fer était citée à l’ordre des Armées par de Gaulle, cette citation comportant l’attribution de la Croix de guerre avec palme. En novembre 1945, au cours d’une prise d’armes à Spire, le drapeau de Résistance-Fer allait être ainsi décoré de la Croix de guerre avec palme par le général Koenig. Puis la Médaille de la Résistance avec rosette lui était attribuée. Outre ces distinctions honorifiques, à titre individuel Résistance-Fer pouvait se flatter aussi de compter en son sein quelques 1 600 membres décorés après la Libération pour faits de guerre : 4 de la cravate de la Légion d’honneur, 36 de la rosette d’officier, 127 de la croix de chevalier, 102 de la Médaille militaire, 550 de la Croix de guerre, 100 de la rosette de la Résistance et 750 de la Médaille de la Résistance.

35 La Légion d’honneur fut proposée à l’association Résistance-Fer mais son président général Brunet suggéra qu’elle soit plutôt attribuée à la SNCF : d’une part, tous les cheminots résistants n’étaient pas forcément membres de l’association, d’autre part, tous les cheminots, même en dehors de la Résistance, avaient bien fait leur devoir...

36 C’est donc à la communauté cheminote, le 4 mai 1951, que fut remise la croix de la Légion d’honneur par le Président de la République Vincent Auriol. Le directeur général de la SNCF Louis Armand rappela alors « qu’en conférant à l’ensemble de la corporation cette distinction, le gouvernement a montré qu’il était averti de l’existence chez les cheminots d’un esprit de corps si actif, si prononcé, que cette décoration collective serait ressentie par chacun de nous comme un bonheur particulier, comme un accroissement précieux de son patrimoine moral ».

37 Une autre interprétation, d’essence « managériale », émerge alors de ce soutien continu de la SNCF et son dirigeant Louis Armand à Résistance-Fer, sublimé en quelque sorte de cet esprit de corps ainsi mis au service de la « seconde bataille du rail », celle de

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la prompte et indispensable reconstruction du réseau ferré. De l’union corporative aguerrie dans la Résistance à l’élan professionnel consensuel ravivé pour la Reconstruction, d’une bataille du rail à l’autre, la mobilisation cheminote ne devait pas s’arrêter, stimulée autant que gratifiée par le cursus honorum de Résistance-Fer et/ou de la SNCF. Louis Armand, qui avait fait ses preuves dans la première bataille, dirigeant exemplaire, arrêté, menacé d’être déporté, pouvait compter sur cet appel à l’esprit de corps et à ce « patrimoine moral » des cheminots pour conduire et gagner la seconde bataille de la SNCF, l’œuvre de reconstruction de son réseau...

38 Cette interprétation n’est pas mise en défaut par une analyse comparée du destin corporatif des postiers résistants38. Tous les ingrédients sont réunis pour en faire l’autre et unique seconde corporation fonctionnellement – professionnellement et techniquement – résistante : contrôle et/ou sabotage des moyens de transmission, facilités de déplacement ferroviaire des ambulants, écoutes clandestines des communications allemandes, jusqu’à l’exécution du Plan violet... Les similitudes entre cheminots et postiers sont importantes en termes d’atouts professionnels pour des informations stratégiques de première importance, dès lors que l’on sait ce qui transite dans tel train ou derrière tel message codé allemand, que l’on connaît précisément les points sensibles du réseau des voies ferrées ou des lignes et câbles de transmissions et la manière de les mettre hors de service au moindre coût, que tous les cheminots roulants et les postiers ambulants sont des vecteurs privilégiés. D’ailleurs, il est intéressant de rapprocher à ce titre les citations à l’ordre de l’Armée par de Gaulle attribuées à six mois d’intervalle aux deux réseaux cousins, Résistance-Fer puis Résistance PTT.

39 Pourtant il est certain que la « Résistance PTT » n’accéda jamais à la popularité de la « Résistance-Fer »... Il est vrai qu’aucun de ses résistants héros de l’ombre ne sera un cadre institutionnellement haut placé dans la hiérarchie avant de devenir après guerre le dirigeant suprême des troupes de postiers !

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Les deux citations à l’ordre de l’Armée par de Gaulle

NOTES

1. AN 72 AJ 2281, dossier de liquidation de Résistance-Fer. 2. Les archives de l’association constituent le fonds AN 72 AJ, 2280-2297, où l’on trouvera en particulier une collection de son Bulletin d’information. 3. Résistance-Fer, Dix années d’activité sociale, 1945-1955, 54 p. ; Trente-cinq années d’activité sociale, 1945-1979, 86 p. ; Bataille du rail (à l’occasion du cinquantenaire), 1993, 44 p. 4. Marie-Noëlle Polino (éd.), « Les cheminots dans la guerre et l’Occupation, témoignages et récits », Revue d’histoire des chemins de fer hors série, n° 7, novembre 2002 ; rééd. 2004, p. 310-326 : « Résistance-Fer : histoire d’une association. » Cette annexe documentaire contient les trois documents suivants : 1- Note du 24 mars 1950. « Note succincte sur les origines de Résistance- Fer » ; 2- Note (non datée) d’Aurousseau. « SECRET. Résistance-Fer » (« Résistance-Fer est actuellement une amicale... » ; reprend les directives clandestines fixées le 5 juillet 1943 sous forme de « Note destinée aux arrondissements » : Organisation du Service SNCF. I. Définitions, II. Principe de constitution et d’action. III. Organisation du service) ; 3- Présentation de Résistance- Fer, 1945. 5. Cf. l’histoire quasi officielle de la SNCF durant les années de guerre et d’occupation, La SNCF pendant la guerre. Sa résistance à l’occupant, que signe le juriste Paul Durand qui avait accompli une brillante carrière à la direction juridique de la SNCF. Publié en 1968 aux Presses universitaires de

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France, l’ouvrage parut dans la collection « Esprit de la Résistance » que dirigeait le très officiel Comité d’histoire de la Deuxième Guerre mondiale. 6. Ce rôle fut magnifié à deux reprises par l’organe corporatif très lu des cheminots : Aux cheminots morts pour la France, tel est le titre d’un numéro spécial de La Vie du rail (23 août 1964), composé de 84 pages, publié à l’occasion du 20e anniversaire de la Libération ; en 1984, à l’occasion de son 40e anniversaire, ce numéro spécial est réédité, avec de très légères modifications, sous le nouveau titre Les Cheminots dans la Résistance. 7. Cf. Georges Ribeill, « Les cheminots face à la lutte armée : les différenciations sociologiques de l’engagement résistant », in François Marcot (dir.), La Résistance et les Français. Lutte armée et Maquis, Besançon, Annales littéraires de l’université de Franche-Comté, 1996, p. 71-81 . 8. Cf. Christian Chevandier, « La résistance des cheminots : le primat de la fonctionnalité plus qu’une réelle spécificité », in Antoine Prost (dir.), La Résistance, une histoire sociale, Paris, Les Éditions de l’atelier/ Les Éditions ouvrières, 1997, p. 147-158. Très attendue, consacrée en particulier à la résistance des cheminots dans la région lyonnaise, la thèse en cours de Coralie Immelé apportera sans doute une lecture renouvelée et critique de la « bataille du rail ». 9. Cf. mon article à paraître : « Trafics sous contraintes et performances exceptionnelles des chemins de fer français : un bilan ambigu », in Les Transports en France, 1939-1945, Actes du colloque du groupement de recherche « Les entreprises françaises sous l'occupation », 17-18 mars 2005, à paraître aux Presses universitaires du Havre. 10. Louis ARMAND, Propos ferroviaires, Paris, Fayard, 1970, p. 76. 11. Voir la contribution de Coralie Immelé, supra, note 24 (N.d.l.R.). 12. Cette note, qui servait de texte de référence au sein de l’association Résistance-Fer, fut largement diffusée par l’association (voir note 4). 13. Jean-Guy Bernard, Lacombe et Heilbronner faisaient partie de Combat. 14. Cf. le document extrait des archives de Résistance-Fer et publié par la RHCF, op. cit., p. 319-321, « Note destinée aux arrondissements », qui définit cette future organisation du « Service SNCF ». 15. Marthelot pour le Nord, Paris pour le Sud-Est, Guerville pour le Sud-Ouest, Richardeau pour l’Ouest, Bourgeois pour l’Est, Aurousseau chargé des relations entre les Régions. 16. Une autre organisation fut spécifique aux cheminots en zone occupée, dépendant de Vengeance, un mouvement créé en janvier 1941 par les docteurs Vic-Dupont et François Wetterwald. Après la création en janvier 1943 de nombreux Corps francs Vengeance, le mouvement est complété par « les corps francs SNCF qui, avec les sections spéciales et les équipes d’action immédiate, menèrent avec succès la lutte contre les troupes allemandes et leurs transports » (Livre d’or de la Résistance et de la Libération, p. 48). Ces corps francs SNCF furent « intégrés dans l’organisation des chemins de fer de la NAP ; leur chef Kermorgant [le cheminot Lavenant] fut adjoint au chef de la NAP et, plus tard, après son arrestation et son évasion de la Gestapo, il devint responsable national des Chemins de fer » (François Wetterwald, Vengeance. Histoire d’un corps franc, s.l., Mouvement Vengeance, 1947, p. 87). « Le 26 mars 1944, un grand pas devait être franchi vers l’unification de la Résistance dans les Chemins de fer français. En effet, à cette date, une réunion décidait l’incorporation des Corps Francs SNCF au Comité National Fer (qui devait devenir le mouvement Résistance-Fer) [...]. Ainsi nos équipes SNCF étaient en liaison avec l’État-Major Général, le plan vert leur était communiqué. Les équipes comprenaient alors plus de 20 000 hommes, y compris les équipes d’action immédiate et le service de renseignements. La SNCF gardait cependant son autonomie administrative. Des crédits lui furent attribués pour venir en aide aux familles des agents arrêtés. Lavenant devait être à nouveau arrêté en mai 1944. Déporté en Allemagne, il y disparut » (ibid., p. 227). De violents conflits d’autorité entre Vengeance et CDLL, puis des trahisons et scissions internes expliquent sans doute la faible notoriété de Vengeance à la Libération, comparée à celle de Ceux de la Libération. 17. Résistance-Fer, Dix années d’activité sociale (1945-1955), p. 9-10.

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18. André Frossard, président général de Résistance-Fer, Bulletin d’information, n° 134 (octobre 1993), p. 25-26. 19. TIA ou Traitement intégral (ou « interne ») Armand : procédé chimique de protection des tubes des chaudières des locomotives contre leur entartrage. Tous les dépôts sont ainsi en relation directe régulière avec le service central parisien. 20. Soupçonnés pour leur activité résistante, Armand et Pottier sont arrêtés le 24 juin par la Gestapo et incarcérés à Fresnes. À la suite de la grève proclamée par les cheminots dans les dépôts de locomotives parisiens le 10 août, Armand et 57 autres cheminots emprisonnés furent traités comme des otages menacés d’être fusillés si le travail ne reprenait pas. Grâce à l’entregent de Harden, un agent de l’Intelligence Service bien introduit dans les bureaux allemands, moyennant le versement d’une rançon de deux millions de francs en or, Armand allait échapper le 15 août à la déportation, inversement à ses co-détenus dont Pottier. En vertu des accords von Choltitz-Nordling préservant en particulier le sort des résistants détenus dans les prisons, Louis Armand est enfin libéré le 18 août (voir à ce sujet le témoignage de Pierre Patin, Rails et pavés. Paris, août 44. Récit d’événements vécus, Paris, La Pensée universelle, 1994). 21. Les représentations suscitées après guerre par la résistance des cheminots, dans leurs publications corporatives et/ou militantes, ont fait l’objet d’analyses récentes : voir dans les actes du colloque organisé en 2000 par l’AHICF (Une entreprise publique dans la guerre, la SNCF, 1939-1945, Paris, PUF, 2001), les contributions de Vincent Auzas, « Mémoires de la Résistance chez les cheminots, 1944-1948 » (p. 323-330), de Serge Wolikow, « Syndicalistes cheminots et images de la Résistance » (p. 299-304), de Christian CHEVANDIER enfin, « Les cheminots, la SNCF et la Seconde Guerre mondiale, 1945-2000 », (p. 305-321). Sur la concurrence durable des deux mémoires de la résistance cheminote, disons pour simplifier, l’une gaulliste, l’autre communiste, cf. mon article à paraître dans les Cahiers du CEHD. 22. Extrait de son journal, en date du samedi 18 novembre : « J’insiste toute la journée pour obtenir la croix de la libération pour Armand » (René Mayer. Études, témoignages, documents, réunis et présentés par Denise Mayer, Paris, PUF, 1983, p. 356). 23. Texte complet dans le dossier Armand du Musée de l’ordre de la Libération. L’essentiel des extraits cités ici furent reproduits dans le journal corporatif de la SNCF (Notre Métier, 8 décembre 1944), relatant le grand gala du palais de Chaillot. 24. Notre Métier, article cité ci-dessus. 25. Si elle fut boycottée, voire stigmatisée par la mouvance communiste, Résistance-Fer réussit à rapprocher des cheminots de divers engagements résistants et sensibilités politiques comme le rappelait à juste titre encore en 1985 son président général Aurousseau : « Nous regroupons des isolés, des FTP, des membres du parti socialiste clandestin, des membres de tous les réseaux de la France Combattante : CDLL, Vengeance, CND Castille, NAP-Fer, Les Ardents, Turma, Libé-Nord France, Samson, Comète, Jade-Fitzroy, Mithridate, Valmy, Combat, MUR, MLN, Action, Agir, etc. Aucune autre Association de Résistants ne regroupe en son sein des représentants de tous les Réseaux de la France Combattante » (Résistance-Fer, 41e Congrès national, Reims, 3-4 mai 1985, p. 9). 26. Succès qui a suscité les analyses de plusieurs universitaires, filmologues ou non : Jean-Pierre Bertin-Maghit, « La Bataille du rail : de l’authenticité à la chanson de geste », Revue d’histoire moderne et contemporaine, tome XXIII, n° 2 (avril-juin 1986), n° spécial « Cinéma et sociétés », p. 280-300 ; Sylvie Lindeperg, « L’opération cinématographique. Équivoques idéologiques et ambivalences narratives dans La Bataille du rail », Annales histoire sciences sociales, 1996/4 (juillet- août 1996), p. 759-779 ; Serge Wolikow, « La Bataille du rail : la création d’une image collective de la résistance des cheminots », in « René Clément », L’Avant-scène cinéma, n° 442 (mai 1995), p. 74-77.

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27. La première affiche présente Bataille du Rail comme « un film de René Clément, réalisé en collaboration avec Résistance-Fer et avec l’appui matériel de la SNCF ». Le titre devient La Bataille du rail sur les affiches suivantes. 28. René Clement et Colette Audry, Bataille du Rail, Paris, Comptoir français de diffusion, 1949. 29. Sur ces droits nouveaux intéressant les anciens combattants, les déportés et les résistants, cf. le précieux guide Memento de la Résistance, édité en 1948 par le journal L’Agent de liaison, organe de la Fédération des amicales de réseaux de la France combattante. Le décret 366 instituait des devoirs, obligations et droits des membres, différents selon leur appartenance aux 3 catégories instituées : catégorie O : membres ayant une activité occasionnelle ; catégorie P1 : membres ayant une activité continue sous couvert d’une occupation personnelle dont ils continuent à retirer un profit matériel ; catégorie P2 : membres ayant une activité permanente consacrant la totalité de leur temps au service et se soumettant à une discipline totale, en particulier quant au lieu d’emploi et au genre d’activité à exercer (Mémento…, op. cit., p. 10). 30. Archives du Bureau Résistance, Dossier Résistance-Fer. 31. Ancêtre du SDECE, la DGER est alors, pour peu de temps encore, dirigée par Passy, l’ancien patron du BCRA. Dans une note annexée à ses Mémoires consacrée à l'évocation de ses contacts avec les réseaux de renseignements, Passy (André Dewavrin) évoque son premier contact (malheureusement non daté) avec Armand et son recrutement au profit du réseau Curie : « Je ne désirais pas faire entrer Armand dans un réseau déjà existant et ne voulais pas risquer de gâcher les intéressantes possibilités qu’il nous offrait ; aussi décidai-je d’abord de le faire contacter directement et régulièrement par un agent de liaison de la Centrale Prométhée. ». À la suite d’une prospection dans les milieux polytechniciens, un réseau de « camarades » « bien placés dans les services et la haute administration », est créé : « ce réseau, auquel Armand fut rattaché, reçut le nom de Curie » (Colonel Passy, Mémoires du chef des services secrets de la France Libre, Paris, Odile Jacob, 2000, p. 715-716). Il convient ici de souligner les liens naturellement facilités dans la Résistance entre ces polytechniciens que sont Louis Armand (né en 1905, promotion 1924), André Dewavrin (né en 1911, promotion 1932), et le plus jeune Jean-Guy Bernard (né en 1917, promotion 1938). Sans doute, en mai-juin 1945, Passy a-t-il répondu avec empressement à la requête d’Armand (cf. infra). 32. Journal officiel, 29 juillet 1949, p. 7433. 33. Archives du Bureau Résistance, Dossier Résistance-Fer. 34. Nous n’avons pas trouvé trace de cette intervention de Passy qui, à l’évidence, a facilité si ce n’est précipité la reconnaissance sollicitée par Louis Armand. 35. Paul Durand, op. cit., p. 328. Résistance-Fer est en italique dans l’original. 36. Ibid., p. 335. 37. Ibid., p. 336. 38. Nous résumons ici, faute de place, une thèse plus amplement développée et argumentée lors du colloque.

AUTEUR

GEORGES RIBEILL Directeur de recherche, École nationale des Ponts et Chaussées

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La mémoire de la Reichsbahn et des cheminots en guerre à travers les expositions permanentes du DB Museum à Nuremberg

Rainer Mertens

1 Le concept retenu en 1999 pour le musée de la Deutsche Bahn AG le caractérise comme la « mémoire de l’entreprise Deutsche Bahn »1. En conséquence, le musée doit conserver le souvenir et l’héritage matériel de la longue histoire du chemin de fer en Allemagne. Dans le même temps, la direction a décidé que les expositions du musée devraient montrer non seulement l’histoire des succès, comme cela se fait habituellement, mais qu’elles ne négligeraient pas les aspects négatifs de cette histoire.

2 Le sujet central dans ce contexte était le rôle de la Reichsbahn pendant la période du national-socialisme. Ce sujet est maintenant présenté dans une nouvelle section du musée2, avec l’histoire de la Reichsbahn au temps de la République de Weimar (« Weimarer Republik ») qui l’a immédiatement précédée. Les visiteurs apprennent comment le chemin de fer et ses cheminots sont devenus un instrument et un outil essentiel du régime nazi, mais aussi comment les dirigeants de l’entreprise, comme beaucoup de simples cheminots, ont contribué volontairement à ce processus. Ainsi la Reichsbahn a eu la capacité de devenir la colonne vertébrale de la logistique militaire et de l’Holocauste. Notre exposition montre avant tout « l’implication coupable » de la Reichsbahn (selon les mots de Raul Hilberg) dans la guerre raciale et dans l’Holocauste3. Pour cela, notre équipe chargée de cette exposition permanente a recherché de nombreux documents et objets, qu’elle a trouvés dans les collections du musée, grâce à l’aide d’autres personnes et institutions et, aussi, par le fait du hasard.

3 Je souhaite montrer à présent le chemin parcouru par la Reichsbahn dans cette « implication coupable » en vous conviant à un parcours virtuel à travers cette exposition (fig. 1).

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Les débuts

4 La Reichsbahn, la société nationale des chemins de fer du « Deutsches Reich », a été fondée en 1920 après l’union des Staatsbahnen de sept Länder. Cette société était chargée d’assurer une bonne partie des réparations à la suite du traité de Versailles.

5 De son propre mouvement, l’entreprise a pris et appliqué de nombreuses mesures de rationalisation et de modernisation – avec par exemple l’arrivée de locomotives standardisées, la construction d’un réseau téléphonique, le début du trafic à grande vitesse et des premiers trains Diesel.

6 Bien que la Reichsbahn ait paru très moderne aux yeux du monde extérieur, son organisation correspondait à celle d’une administration publique autoritaire comme on la connaissait à l’époque monarchique : l’organisation était paramilitaire, régie par un système de commandement reposant sur l’obéissance aux ordres.

7 D’un autre côté, « Mère Reichsbahn », comme on la surnommait alors, s’occupait bien de ses employés. Le salaire était relativement bas, mais les cheminots bénéficiaient de beaucoup d’avantages sociaux, par exemple des habitations à bon marché dans de petites cités construites pour eux, des jardins potagers à exploiter, et leur assurance maladie et vieillesse était meilleure que celle des non-cheminots. Ils passaient une grande partie de leur temps de loisir dans des associations cheminotes, clubs de sport ou chorales.

8 La combinaison d’un principe d’obéissance stricte et de cette couverture sociale entraînait, comme dans tous les systèmes autoritaires, soumission et loyauté. La plupart des cheminots était syndiquée (en 1930 on comptait 700 000 cheminots syndiqués), mais seulement un tiers adhérait à une fédération social-démocrate. Tous les autres syndicats étaient plutôt conservateurs. La disposition à la grève était faible, les syndicats étant en désaccord sur ce point. La plupart des cheminots de la Reichsbahn était opposée à la nouvelle République déjà sur son déclin. Ils conservaient les valeurs et structures de l’Empire, travaillaient sans états d’âme, mais restaient éloignés de la culture politique nouvelle. Il n’est donc pas étonnant que les nazis aient gagné à leur cause beaucoup d’employés de la Reichsbahn, devenus leurs sympathisants. Déjà en 1930 des cellules du parti nazi existaient dans plus de 200 établissements.

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Figure 1. Vue de l‘exposition permanente du DB Museum sur la période 1933-1945.

© et cl. DB Museum.

Figure. 2. Lors de l’ouverture officielle du chantier de l’« Autobahn », J. Dorpmüller se présente comme un collaborateur dévoué de Hitler.

© et cl. Bayerische Staatsbibliothek.

9 Que dire de la Reichsbahn après la prise du pouvoir par les Nazis en 1933 ? Que se passe-t-il ? Comment la Reichsbahn se positionne-t-elle face au nouveau régime ? L’exemple du Reichsbahnpräsident Julius Dorpmüller parle pour l’ensemble de l’entreprise4.

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10 Dorpmüller, qui était le chef de la Reichsbahn depuis 1926, était en matière ferroviaire un expert de rang international dont la réputation était établie dans toute l’Europe. Il était très conservateur, mais n’était pas nazi, même s’il finit par adhérer au parti en 1941 ; cependant on ne peut guère le définir comme un démocrate.

11 Quand les Nazis on pris le pouvoir, ils ont tenté de faire remplacer Dorpmüller par un dirigeant acquis à leur cause. Plusieurs manifestations de cheminots membres de la NSDAP demandèrent son départ.

12 Dorpmüller lui-même fut plus adroit qu’eux et exprima sa sympathie pour les tenants du nouveau pouvoir (fig. 2). Dès 1933, alors que le pouvoir nazi n’était pas encore bien établi, il fit connaître publiquement et solennellement son allégeance par le journal officiel de l’entreprise Die Reichsbahn : « Le gouvernement national a pris le destin de la République en mains. Pour la reconstruction du Reich il peut compter sur l’assistance volontaire de la Reichsbahn5. »

13 Dorpmüller n’opposa aucune résistance à la Gleichschaltung (« synchronisation / mise au pas ») de la Reichsbahn. De nombreux cheminots ont été licenciés ou même arrêtés pour des raisons de « race ».

14 Environ 50 cheminots ont été assassinés dans des camps de concentration. On compte un seul groupe de résistance qui opérait depuis les Pays-Bas et le Luxembourg et passait en fraude en Allemagne le journal interdit Fahrt frei.

15 Mais, dans l’ensemble, la résistance des cheminots a été très faible. La plupart d’entre eux sont restés en service et beaucoup se sont engagés du côté des nazis.

La préparation et l’entrée en guerre

16 En 1937 la Reichsbahn a perdu son statut d’entreprise indépendante pour être intégrée dans le nouvel État : Dorpmüller devint ministre des Communications. La Reichsbahn se prépara à l’entrée en guerre. Elle mit à l’épreuve ses capacités logistiques en organisant les transports liés aux manifestations nazies comme les fêtes de la récolte à Bückeberg (Basse-Saxe) et les Reichsparteitage à Nuremberg. En 24 heures elle réussit à transporter près d’un million de personnes.

17 Peu de résistance fut exprimée contre cette instrumentalisation ostensible : La Reichsbahn fonctionnait de la même façon que pendant la Première Guerre mondiale puis durant la République de Weimar. Elle fournit des efforts étonnants dès la préparation de la guerre. À l’entrée en guerre, en 1939, elle transporta avec 185 400 voitures et wagons : trois millions de soldats, 400 000 chevaux et 200 000 véhicules6. La Reichsbahn se montra un partenaire d’une fiabilité absolue lors de la conquête par les nazis des autres pays européens. La taille du réseau ferroviaire tripla, le volume de transport en fit autant. Cela ne fut possible que par le concours de cheminots très engagés, qui ont soutenu cette machinerie exorbitante. Les cheminots allemands ne furent à l’origine d’aucune résistance ou sabotage. Deux documents auxquels une place centrale a été donnée dans l’exposition le confirment : • un album de photos d’un cheminot montre fièrement les efforts de la reconstruction dans l’atelier central de en Belgique pendant l’année 1940 (fig. 3). • Un autre album de cheminots pendant la campagne contre la Pologne est rempli de commentaires racistes contre la population polonaise et spécialement contre les Juifs (fig. 4).

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Figure 3. Album photographique d’un cheminot allemand : premier appel des ouvriers belges de l’atelier central de la SNCB à Mons le 6 août 1940.

© et cl. DB Museum.

Figure 4. Photographies prises par des cheminots lors de la campagne contre la Pologne en septembre 1939.

Les commentaires manuscrits sont franchement antisémites : « Sieldce avait 60 % de Juifs, et quel choix ! » ; « Un "pur race" devant la synagogue » ; « Il a pris 8 Zlotys pour 1 kg de pain ! » © et cl. DB Museum.

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Expansion et conquête

18 Une autre partie de notre exposition montre comment la Reichsbahn a organisé la gestion et l’exploitation du réseau ferroviaire (soit à peu près 180 000 km) dans les régions occupées.

L’exemple de la France7

19 Le chemin de fer français a été partagé après l’armistice : les voies ferrée de l’Alsace et de la Lorraine ont été annexées, la société des chemins de fer dans la zone occupée a été placée sous le contrôle de la nouvelle Reichsbahndirektion créée à Paris (fig. 5). Le réseau de la zone libre a été placé sous l’autorité de l’administration du gouvernement de Vichy.

Figure 5. Cheminots allemands de la Wehrmachtsverkehrsdirektion de Paris, 1940.

© et cl. DB Museum.

20 On procéda à des déplacements de personnes considérables : en dépit des protestations de la commission d’armistice, 250 000 personnes ont été expulsées des régions annexées, ainsi que plusieurs dizaines de milliers de Juifs qui ont été envoyés en zone libre. À partir de 1941 les Juifs étrangers et français ont été rassemblés puis déportés dans les camps d’extermination8.

21 Seuls les itinéraires et réseaux d’importance stratégique particulière – par exemple le Nord–Pas-de-Calais – ont été placés complètement sous l’administration des cheminots allemands. À cette exploitation ont été affectés des cheminots de la Reichsbahn ainsi que les cheminots de l’armée. Selon la couleur de leurs uniformes, on parlait de « cheminots bleus » et de « cheminots gris ». Les « gris » ont travaillé surtout sur les axes importants au regard de la stratégie, les « bleus » ont surveillé les cheminots de la SNCF.

22 À l’Est, les Allemands ont directement assuré la gestion de l’exploitation. Toutes les sociétés de chemins de fer avec leurs bâtiments, leurs employés et leurs véhicules ont

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été complètement absorbées. Ainsi le nombre des employés de la Reichsbahn augmenta, de 1939 à 1943, d’un million à un million et demi. À l’Ouest, la confiscation des véhicules faisait l’objet de procédures, mais à l’Est l’appropriation n’était ni plus ni moins qu’un vol gigantesque. Aussi les cheminots y ont-ils été traités comme des forçats, alors qu’à l’Ouest ils restaient au moins formellement des employés de la SNCF ou de la SNCB.

Le travail forcé

23 En Allemagne même, comme dans les régions occupées, le service des chemins de fer ne pouvait être effectué qu’avec le concours d’employés étrangers. Tout d’abord, la Reichsbahn transportait ces hommes vers l’Allemagne. Au début ce furent des volontaires, ou réputés tels, mais bientôt la plupart vint en Allemagne sous la contrainte. De plus la Reichsbahn employait aussi des prisonniers de guerre et des prisonniers des camps de concentration. Au total on comptait 200 000 travailleurs forcés en 1943 – sur un nombre total d’employés de 1,3 million. La plupart des travailleurs forcés venaient d’Europe de l’Est. Les employés venus de l’Ouest connurent des conditions de travail très dures, mais réglées par des procédures. Par contre les employés de l’Est ont été traités comme des esclaves. Ils étaient obligés de porter des emblèmes spéciaux avec l’inscription « Ost » et travaillaient sans salaire ni limitation des horaires de travail (fig. 6).

Figure 6. Travailleurs forcés soviétiques de la Reichsbahndirektion Augsburg.

© et cl. DB Museum.

24 Notre exposition met en exergue les nombreuses preuves de ce travail forcé. Nous avons mis en scène les casiers d’un fichier où se trouvaient les dossiers des travailleurs

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forcés de la direction de la Reichsbahn à Augsbourg qui sont reproduits sur des panneaux. Un témoin de l’époque, Rob Zweermann, un Hollandais, qui était travailleur forcé à la Reichsbahn à Nuremberg, raconte l’expérience qu’il a vécue (témoignage filmé diffusé sur une borne vidéo).

L’Holocauste

25 Le point culminant de « l’implication coupable » fut le rôle joué par la Reichsbahn comme cœur de la logistique de l’holocauste. Comme on le sait, plus de six millions de personnes ont été assassinées et environ la moitié d’entre elles sont allées à la mort en train (fig. 7).

Figure 7. Vue de l’exposition permanente du DB Museum dont une photographie grand format de la porte du camp de Birkenau est le point focal.

© et cl. DB Museum.

26 Nous avons dédié un espace spécial à ce thème, pour en faire un espace de mémoire. Trois éléments transmettent cette idée aux visiteurs :

La reproduction des ordres de mission, qui montre que les responsables de la Reichsbahn étaient informés de tout qui concernait les camps de concentration et d’extermination (fig. 8).

27 La Reichsbahn transportait les déportés sur l’ordre du chef de la SS, Himmler. Les transports étaient strictement secrets, l’écriture d’ordres de mission a été évitée autant que possible mais il en reste suffisamment – ainsi que les dépositions des témoins – pour donner la preuve que les dirigeants savaient où l’on a transporté les Juifs et qu’ils connaissaient aussi le destin qui attendait les Juifs et bien d’autres victimes.

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Figure 8. Plan de transport émis par la direction est de la Reichsbahn donnant l’horaire des trains de la mort pour Treblinka depuis Varsovie entre le 26 mars et le 6 mai 1943.

© et cl. DB Museum.

28 La Reichsbahn transportait les déportés sur l’ordre du chef de la SS, Himmler. Les transports étaient strictement secrets, l’écriture d’ordres de mission a été évitée autant que possible mais il en reste suffisamment – ainsi que les dépositions des témoins – pour donner la preuve que les dirigeants savaient où l’on a transporté les Juifs et qu’ils connaissaient aussi le destin qui attendait les Juifs et bien d’autres victimes.

2. Un exemple local de déportation

29 Nous montrons l’exemple de Würzburg, ville située entre Nuremberg et Francfort. En 1941 les habitants juifs de la ville, qui s’y trouvaient encore, ont été déportés vers les camps d’extermination à l’Est. Il n’y eut presque pas de survivants (fig. 9).

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Figure 9. Train de déportation à Würzburg, le 25 avril 1942.

© et cl. Bayerisches Hauptstaatsarchiv.

30 Nous incluons quelques documents qui frappent le visiteur sur cette déportation : des photos, des listes de déportés, des entretiens avec des survivants, des interviews empruntées aux archives de la télévision. La muséographie qui résulte de cette combinaison de documents authentiques, photographies, textes, et de témoignages produit un effet de vérité qui impressionne les visiteurs9.

3. Exemple : les témoignages des cheminots

31 Dans l’exposition se trouve une borne d’écoute audio où les visiteurs peuvent écouter le témoignage du cheminot Willi Hilse au procès d’Auschwitz, tenu en 1964. Il raconte d’une façon pour nous traumatisante que les cheminots « de base » savaient aussi ce qui s’est passé et que, en outre, ils connaissaient la dimension des déportations. Hilse lui- même enregistra entre 1940 et 1944 à la gare d’Auschwitz 120 trains transportant selon ses propres estimations chacun 3 600 personnes, c’est-à-dire en tout 432 000 personnes – et il n’exprime ni réticence quant à son travail, ni doute sur la nature des opérations. Il dit qu’il faisait son devoir et qu’à une occasion, quand il voulut donner de l’eau à une femme et à son enfant, il fut immédiatement menacé par un garde de la SS.

Après la guerre : la répression

32 Malgré cette « implication coupable » avérée, aucun représentant de la Reichsbahn ne fut incriminé pour sa responsabilité. Les Américains avaient même l’idée de nommer Dorpmüller directeur de la nouvelle société de chemin de fer. Au même moment le procureur du procès de Nuremberg l’inculpait, mais Dorpmüller était mort en juin 1945.

33 Pendant tous les Nürnberger Prozesse il n’y eut aucune accusation portée contre un cheminot et on n’ouvrit pas d’enquête particulière à propos de la Reichsbahn. Seul Ganzenmüller, l’adjoint de Dorpmüller et surtout l’intermédiaire entre la RB et le

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Reichssicherheitshauptamt, fut poursuivi, mais trop tard, et sa responsabilité ne fut pas établie, si bien que Ganzenmüller est mort en1987, libre, sans aucune condamnation.

34 En fait les Alliés ont plutôt considéré les chemins de fer uniquement comme un système technique, qui n’avait rien à voir avec la politique. C’est ainsi que cela se passa dans l’entreprise elle-même. On élimina seulement les emblèmes nazis des bâtiments et des uniformes et on se mit à la reconstruction du réseau (fig. 10). Quelques cheminots ont été révoqués à cause de leur appartenance au parti nazi – en Allemagne de l’Est plus souvent qu’à l’Ouest – mais en général les cheminots s’en sortirent sans trop de conséquences.

Figure 10. Casquette de cheminot « dénazifiée » exposée au musée.

© et cl. DB Museum.

35 La façon dont beaucoup de cheminots ont considéré leur passé national-socialiste, c’est-à-dire sans y revenir ni y réfléchir, est d’ailleurs visible dans l’histoire de notre musée. Pour le 150e anniversaire du chemin de fer en Allemagne, en 1985, une nouvelle exposition permanente sur l’histoire du chemin de fer a été inaugurée. Le national- socialisme en était complètement absent. Ce n’est que sous la pression des médias que la direction se décida à inclure le thème dans l’exposition, sous la forme d’un espace de 27 m² où l’on ne voyait que des photos et quelques documents qui montraient certes une participation de la Reichsbahn, mais passive – une Reichsbahn qui n’était qu’un outil, sans rôle actif.

La réorientation

36 Dans les années 1990 commence un processus de réorientation. Le comité directeur de la Deutsche Bahn AG, fondée en 1993, lança plusieurs actions pour faire face à la responsabilité qu’elle assume pour la Reichsbahn pendant l’époque nazie.

37 En 1998 fut inauguré un mémorial central de la participation de la Reichsbahn à l’Holocauste. Il se trouve à la station Grunewald à Berlin.

38 En 1999, le comité directeur a commandé la publication d’un livre confié à des historiens sur l’histoire du chemin de fer en Allemagne. L’historien Klaus Hildebrand a contribué à l’ouvrage par un chapitre intitulé : « le plus terrible chapitre de tout l’histoire du chemin de fer en Allemagne » qui fait la synthèse des recherches récentes10.

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39 Enfin, depuis 2002, notre musée comporte une nouvelle section qui concerne exclusivement la Reichsbahn à l’époque nazie. Aujourd’hui ce ne sont plus 27 m², mais 200 m² qui lui sont consacrés. On peut dire qu’il n’existe pas un autre musée d’entreprise qui montre aussi franchement et clairement sa propre histoire dans cette époque terrible (fig. 11).

Figure 11. La page de couverture du catalogue Im Dienst von Demokratie und Diktatur. Die Reichsbahn 1920-1945, Nuremberg, 2002.

© et cl. DB Museum.

40 L’exposition n’est pas dirigée seulement vers l’extérieur, pour le public, mais aussi vers la communication interne : tous les apprentis de la DB AG suivent un programme de formation obligatoire dans le musée. L’idée d’organiser une formation similaire pour tous les employés de la société est à l’ordre du jour.

NOTES

1. Pour une description actuelle du concept général, voir Rainer Mertens, « The Home of German Railway History », Japan Railway an Transport Review, 43-44 (mars 2006), p. 17-23. 2. Voir le catalogue de cette section : DB Museum (éd.), Im Dienst von Demokratie und Diktatur. Die Reichsbahn 1920-1945, Nuremberg, 2002. 3. « Schuldhafte Verstrickung », voir Raul Hilberg, Sonderzüge nach Auschwitz, Francfort sur le Main/Berlin, Ullstein, 1987 (1re éd., Mayence, Dumjahn, 1981). 4. Pour une vision critique de Dorpmüller : Alfred Gottwaldt, Julius Dorpmüller, die Reichsbahn und die Autobahn, Verkehrspolitik und Leben des Verkehrsministers bis 1945, Berlin, Argon, 1995. 5. Die Reichsbahn, vol. 9 (1933), p. 257. 6. Klaus Hildebrand, « Die Deutsche Reichsbahn in der nationalsozialistischen Diktatur 1933-1945 », in Lothar Gall et Manfred Pohl (dir.), Die Eisenbahn in Deutschland. Von den Anfängen bis

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zur Gegenwart, Munich, C. H. Beck, 1999, p. 165-250, section 6, « "Weichensteller des Kriegführung" und "Logistik der Holocaust" », p. 221-250, voir p. 223. 7. Selon Felix Schröder, « Die SNCF im Zweiten Weltkrieg. Ausbeutung und Kollaboration » (mémoire de maîtrise), Düsseldorf, 2002, p. 35-48. 8. Voir Serge Klarsfeld, Le Calendrier de la persécution des Juifs en France, tome 1, Juillet 1940 – août 1942 ; tome 2, Septembre 1942 – août 1944 (réédité dans La Shoah en France, tomes 2 et 3), Paris, Fayard, 2001. 9. Les archives concernant la déportation des Juifs de Würzburg sont publiées : Albrecht Liess, Wege in die Vernichtung. Die Deportation der Juden aus Mainfranken 1941-1943, Munich, 2003. 10. Klaus Hildebrand, in Lothar Gall et Manfred Pohl, op. cit., p. 165-250.

AUTEUR

RAINER MERTENS Responsable des collections et expositions, DB Museum, Nuremberg

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Le grief fait aux cheminots d’avoir, sous l’occupation, conduit les trains de la déportation

Christian Chevandier

1 « Certains voudraient que la France ait été résistante ou collaboratrice, innocente ou coupable, et ces affirmations tranchées sont l’ultime recours de la polémique. Cette instrumentalisation de l’histoire permet de soutenir l’éloge ou le blâme, mais elle interdit de comprendre et d’expliquer. [...] Les déchirures du corps social ne cicatrisent pas par le refoulement, et l’anathème échoue à les conjurer ; il faut les assumer et les surmonter par un effort d’intelligence. C’est-à-dire d’histoire. » Dans la dernière phrase à l’introduction de La Résistance. Une histoire sociale, ouvrage qu’il a dirigé1, Antoine Prost ramène l’historien à sa mission, à sa fonction, loin de polémiques quelque peu vaines, quand bien même elles revivifient d’inextinguibles souffrances. La réalité, la portée, les circonstances et les effets du rôle de la SNCF dans la déportation des personnes persécutées par l’occupant du fait de leurs engagements ou de leur catégorisation par les nazis sont relativement bien connues et de nombreux travaux ont été menés à ce sujet, particulièrement lors des deux dernières décennies.

2 Dans le présent texte, je propose non pas de m’intéresser aux faits survenus dans la première moitié des années 1940 mais bien à l’influence de leur évocation, par l’élaboration, la perpétuation, la fragilisation d’une mémoire, sur l’identité du groupe social des cheminots. J’ai déjà évoqué le thème développé ici dans ma communication au colloque organisé par l’AHICF en juin 2000, consacrée à la construction et aux enjeux de la mémoire de la Seconde Guerre mondiale dans le monde ferroviaire français2. J’y signalais l’apparition, au milieu des années 1980, d’un grief manifesté envers l’institution SNCF et les cheminots, celui d’avoir acheminé jusqu’à la frontière du Reich les trains de déportés ; je me trompais d’une demi-décennie puisque, en France, la première manifestation de ce grief se trouve dans un ouvrage américain traduit au début des années 19803. Cette critique surprend moins car nous y sommes habitués ; elle est largement diffusée aujourd’hui4, et c’est bien son histoire récente et ses effets sur la mémoire fondatrice de l’identité cheminote que je vais observer ici. Mon

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approche est intimement liée à la mémoire de la résistance des cheminots puisque, par le procès qui leur est fait d’avoir conduit les locomotives qui ont tracté ces convois, c’est bien l’influence, la probité, la réalité même de leur engagement qui sont peu ou prou mises en cause. Avoir failli en conduisant ces trains interdirait aux cheminots de se targuer de l’héritage des travailleurs du rail qui ont combattu les nazis.

Un reproche encore formulé

3 Depuis le colloque de 2000 cette préoccupation subsiste5. Dans le texte liminaire du catalogue de l’exposition Les Cheminots dans la Résistance, Louis Gallois y fait une allusion sans équivoque6. Elle a même été l’objet d’un livre, Les Convois de la honte7, dont la couverture reproduit la photographie par l’arrière d’une locomotive à vapeur dont le mécanicien ou le chauffeur, qui porte petite moustache et mèche à droite sur le front, se tourne l’air mauvais vers le photographe ; le créneau éditorial de l’éditeur tout comme l’indigence du contenu révèlent plutôt, de manière paradoxale, une absence d’intérêt d’éventuels lecteurs déjà rassasiés par les travaux consacrés à ce thème par des chercheurs. L’ouvrage très critique : SNCF. La machine infernale 8, publié un an plus tôt, s’il lui est arrivé de s’aventurer dans l’histoire ferroviaire et cheminote, n’aborde pas, par un biais ou un autre, la Seconde Guerre mondiale. En revanche, le thème est souvent évoqué dans les médias, pouvant reprendre des arguments de la défense des collaborateurs9. Même lorsque le sujet n’est pas directement en rapport, le train n’en est pas moins convoqué pour suggérer un sort funeste10, voire pour annoncer un reportage sur la protection accordée aux persécutés11, tandis que le monde ferroviaire reste une référence dès qu’il s’agit de la Résistance12. L’évocation du chemin de fer s’est d’ailleurs maintenue tout au long des deux dernières décennies du siècle et, lorsque Simon Nora évoquait au milieu des années 1980 son action dans le maquis, il insistait sur cette dimension alors que les sabotages ferroviaires n’ont pas été caractéristiques du Vercors, tout autant du fait de l’implantation des réseaux que du calendrier des différents plans de la Résistance13.

4 Sans aucun doute, ce procès est dans l’air du temps qui accable les générations passées de tous les maux et l’on peut penser que ceux qui réprimandent les cheminots d’alors de n’avoir pas fait dérailler les trains leur feraient grief, si cela s’était passé, d’avoir ainsi tué des déportés pour en épargner éventuellement d’autres, tout comme d’aucuns reprochent aux Alliés de ne pas avoir bombardé les camps d’extermination14 tout en les critiquant pour leurs raids sur les villes normandes au moment du débarquement, voire sur les cités allemandes ou japonaises. De même, il fut un temps où il était regretté que l’action des cheminots, des résistants et des Alliés ait rendu plus lent, plus insupportable pour les victimes, l’acheminement des derniers convois de déportation15. Sur le moment, il y eut même de vives discussions dans les wagons sur l’opportunité d’une évasion16.

5 Rappelons-le, tant la légende d’un oubli et d’un tabou peut avoir un certain succès, le rôle des chemins de fer était perçu dès l’origine et a été rapidement évoqué, sans qu’une distinction soit établie entre les différentes populations déportées et le sort qui fut ensuite le leur. Ainsi, une brochure de photographies de Lyon sous l’occupation parue en décembre 1944 présente dans la page qu’elle intitule « Déportation » deux photographies (fig. 1). La première, celle d’une voiture de troisième classe prise sur les quais de la gare de Perrache, en face du buffet, comporte cette légende : « La gare de

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Lyon-Perrache aura vu, par milliers, des départs d’ouvriers pour l’Allemagne. Mais que de fois les wagons furent recouverts d’inscriptions "séditieuses" que les Allemands faisaient parfois effacer sous la menace des mitrailleuses ! » Le second cliché, pris un peu à l’écart, plus près des quais du Rhône, présente deux cars automobiles vides entre lesquels se place un groupe d’une quinzaine de civils qui portent des bagages devant, non des wagons, mais trois voitures à voyageurs. Les seuls uniformes sont ceux de cinq soldats allemands, casqués et armés. La légende est ainsi rédigée : « Un instantané unique. Tandis que s’embarque un lamentable cortège de déportés : israélites, femmes, enfants, la consigne est formelle : aucun civil dans un rayon de 200 m. Et pourtant, au péril de sa vie, sur un quai de Perrache, le photographe a pu saisir cette scène si caractéristique17. » Aucune mention n’est faite dans ce document de la déportation des résistants et opposants au régime. Les enfants y sont mentionnés, alors qu’il n’est pas possible d’en distinguer sur le document. La persécution des enfants était d’ailleurs un élément de poids dans la dénonciation de la politique raciste des nazis : « À quelle autre époque les enfants furent-ils arrachés à leurs mères, entassés dans des wagons à bestiaux tels que je les ai vus, par un sombre matin à la gare d’Austerlitz ? » demandait François Mauriac18.

Figure 1.

Extrait de Lyon sous la botte, Lyon, éd. La plus grande France, déc. 1944, p. 27. Photos Rougé

6 Plus largement, le rôle stratégique et tactique des chemins de fer n’était alors en rien ignoré et pouvait se révéler un argument efficace : lorsque Eisenhower a donné l’ordre d’évacuer Strasbourg, libérée par les troupes de Leclerc et proie facile lors d’une contre-offensive allemande, de Gaulle lui a signifié que les Français défendraient la ville. Et à la menace de priver d’essence ses soldats, le chef de la France combattante a rétorqué en des termes qui soulignaient le lien étroit entre la nation et ses chemins de

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fer : « En privant les nôtres des moyens de combattre, lui-même s’exposerait à voir le peuple français lui retirer, dans sa fureur, l’utilisation des chemins de fer et des transmissions indispensables aux opérations19. » Il n’empêche que, dans le domaine des représentations, la complexité doit prévaloir. Si l’image du cheminot héroïque préexiste à la Résistance, les capacités de rébellion de la corporation, qui n’avait pas connu de conflit social depuis deux décennies, étaient loin d’être une évidence. Dans Regain, le paysan dit au cheminot, Jasmin Gaubert, qui enlève sa veste pour prendre la charrue : « En général, les costumes pour obéir, c’est pas des costumes pour travailler20. » Ce n’est cependant qu’avec la plus grande prudence que tous ces documents doivent être mis en relation : en 1944, à un moment où les sabotages étaient intenses, notamment en Bretagne, les autorités allemandes diffusaient un documentaire sur le parfait fonctionnement de la SNCF et le magnifique travail des cheminots français.

7 Si les recherches ont été menées sur « qui savait quoi »21, il convient d’insister sur le fait que l’appréhension d’un phénomène original, quand bien même il parvient à la connaissance d’un sujet, ne va pas de soi : « En 1943 je pense, j’ai reçu des premiers renseignements sur l’existence des chambres à gaz. J’ai refusé de les publier parce que je ne les ai pas crus. J’ai pensé que, vous savez, comme on avait fait pendant la guerre de 1914-1918, on avait publié des tas d’histoires qui étaient des faux. C’est seulement quand je suis arrivé à Buchenwald que j’ai compris que, effectivement, tout était possible et que, effectivement, les chambres à gaz n’étaient pas si incroyables que cela. Ça, c’est très intéressant parce que mon réflexe était le réflexe du commun des mortels, nous ne pensions pas que des choses pareilles étaient possibles22. » Par leur présence au sein des emprises ferroviaires, les cheminots n’en étaient pas moins perçus comme ayant d’indéniables connaissances des infamies qui y étaient commises et c’est bien pour cela qu’en mars 1944 le journal clandestin du mouvement Libre Patrie présente sur une page un dialogue entre un voyageur et un cheminot qui lui révèle avec force détails ce qui se passe en gare de Compiègne23.

8 Dernier élément d’une mise en perspective sur un temps court, la place que d’aucuns pourraient juger trop importante accordée à la Seconde Guerre mondiale dans l’histoire de la SNCF. Le classement volontariste des archives de la première décennie de la SNCF est somme toute un handicap pour une approche plus large et seul un esprit peu curieux, qui ne se serait pas donné la peine d’aller voir les nombreux travaux produits par les chercheurs depuis la convention signée en 1992 entre la SNCF et le CNRS qui a institué ce qui deviendra le rapport Bachelier, pourrait soupçonner les historiens et la SNCF de vouloir faire le silence sur ce sujet24. J’insiste cependant sur le fait que ce temps court s’inscrit en un temps forcément plus long. Souvent, lorsqu’il fut question de choisir le thème du concours annuel de la résistance et de la déportation, la résistance des cheminots a été proposée. Ce sujet a été écarté du milieu des années 1980 à celui des années 1990 par des associations de déportés juifs, précisément pour les raisons dont il est question ici. Ce thème n’a toujours pas été retenu, mais c’est plutôt parce que lui sont préférés des sujets en rapport avec les commémorations ou dont les promoteurs pensent qu’y sont plus sensibles les médias qui conditionnent le public de lycéens et de collégiens sollicités pour ce concours.

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Un discours tenu en son temps

9 C’est bien à l’ensemble des cheminots que s’adresse le reproche d’avoir tracté les trains de la déportation et même si, du fait d’un départ précoce en retraite, aucun de ceux qui sont en activité n’était né au moment des faits excipés, la plupart en sont fort marris25. Tout autant que la participation aux activités des réseaux et mouvements de la Résistance, c’est l’entraide, la résistance au quotidien qui peut paraître en être niée. Avec l’exemple maintes fois cité des cheminots faisant parvenir à bon port, lorsque cela était possible, les petits mots jetés des trains par les déportés26, nous sommes bien, également parce que la dialectique intentionnalité/fonctionnalité s’y présente comme essentielle, au sein de ce qui était une forme de résistance.

10 J’avais envisagé l’hypothèse d’une attaque contre le groupe social, par le biais de la mise en cause d’un des éléments forts de sa mémoire structurante, parce qu’il est devenu la corporation emblématique de la lutte sociale, un peu comme les cheminots sont plus communément victimes d’agressions après les grèves27. La chronologie comme les rythmes de l’énoncé de ce grief démontrent que ce n’est pas le cas. Le reproche est apparu au tout début des années 1980, à un moment où les cheminots n’avaient pas cette réputation de combativité sociale, qu’ils n’ont acquise que lors du mouvement de 1986, et s’il est porté, très faiblement au demeurant, au sein de la corporation, ce n’est pas par les cheminots les plus hostiles aux mouvements sociaux. La principale spécificité serait celle de la réputation antérieure de la mémoire de la Résistance, presque fondatrice au sein de la corporation puisqu’elle a permis de supporter sans trop de dégâts la formidable mutation qu’a été le passage de la traction vapeur à la traction électrique28. Mais le calendrier de mémoires aux rythmes différents est ici assez commun. À celle des résistants s’est peu à peu substituée celle des victimes, d’où des ressentiments réciproques à l’égard d’une mémoire qui semble désormais jouir d’une plus grande visibilité ou de celle à laquelle est reprochée une hégémonie passée29. Il n’est donc pas surprenant que le grief soit venu des États-Unis, où le calendrier ne fut pas le même et où l’importance des deux groupes porteurs de mémoire se manifeste de manière différente.

11 Un autre élément ne doit pas être ignoré, c’est la dimension genrée de la corporation, donc de sa mémoire. Au moment où le groupe social devient plus mixte, lorsque les gardes-barrières ne sont plus les seules cheminotes, cet aspect n’est pas indifférent, ne serait-ce que parce que l’identité d’une corporation longtemps presque exclusivement masculine n’a pu se forger qu’en prenant en compte cette dimension et que le rapport à la guerre s’élabore largement par le genre. La question n’est cependant pas neuve, et la figure des femmes dans Bataille du rail n’est pas très valorisée. L’unique résistante que l’on y voit est bien sûr agent de liaison. La seule intervention féminine qui aurait pu être déterminante, et qui s’est révélée vaine, est celle de l’épouse d’un mécanicien à la retraite sollicité pour mettre en marche une locomotive dont a besoin la Résistance : « N’y va pas, Jules, c’est tous des fous30 ! »

12 Une autre dimension doit être mise en avant. Je parlais en 2000 des « orphelins de la mémoire », tout autant les travailleurs du rail gaullistes qui ne voulaient pas se réclamer de la mémoire résistante d’entreprise que les syndicalistes non cégétistes frustrés car exclus des deux mémoires cheminotes, patronale et communiste, de la Résistance. Ils ne pouvaient faire fi de l’image valorisante de la corporation octroyée par ces mémoires et devaient tenter de s’en accommoder, mais ne pouvaient en rien la

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renier. Cet élément est sans doute aujourd’hui à relativiser. Le cas évoqué infra est certes marginal, mais le seul fait qu’il existe est significatif. Lors d’une enquête sur la mémoire du travail à Paris menée par le Centre d’histoire sociale du XXe siècle, la chercheuse qui effectuait les entretiens a recueilli en mars 2004 un long témoignage d’un retraité, né à la fin des années trente et cheminot pendant 32 ans31. Il évoque lors de la conversation le camp appelé « Austerlitz » ou « Quai de la gare », au 43, quai de la Gare, c’est à dire sur un terrain de la Compagnie des magasins généraux et non de la SNCF, où l’occupant fit stocker et trier de novembre 1943 à juillet 1944, par des travailleurs qu’il avait prévu de déporter pour les tuer, des biens dérobés à des personnes déportées dans la cadre de sa politique de persécutions raciales32. Il y accuse la direction de la SNCF d’avoir participé de manière fort active à la politique nazie, avec la complicité du groupe social des cheminots, « très réactionnaire, très conservateur », puis le parti communiste d’avoir fabriqué et entretenu la légende d’une participation à la Résistance, grâce notamment au « film bidon » Bataille du rail. Il use d’arguments fort mettant en scène le tourment infligé aux enfants33. Notons au passage qu’il reprend à son compte la légende d’une inaccessibilité des archives de la SNCF, point aujourd’hui nodal de toute théorie du complot34.

13 De tels propos, par lesquels il va jusqu’à se réjouir de l’action de cabinets américains d’avocats bâtissant leur fortune sur ces affaires, dans le cadre de procédures juridiques spécifiques aux États-Unis et dans lesquelles ils ont intérêt à lancer de telles actions, ne sont pas sans intérêt. Précisons d’abord que rien dans le reste de l’interview ne laisse penser qu’il s’agirait là du fruit d’une souffrance, subie ou transmise au sein d’une famille. Il n’est pas impossible qu’elle ait été suscitée par les conditions de recueil de cette source orale, quand bien même la chercheuse a su demeurer dans la neutralité empathique qui convient à ce type d’exercice. Il est fort probable que le contexte syndical à la SNCF au moment de l’entretien, l’effondrement lors des mois précédents d’une fédération CFDT jusque-là fort influente dans la corporation et la récente reconnaissance comme deuxième organisation syndicale de la fédération SUD-Rail aient créé provisoirement une situation d’incertitude identitaire propice à la mise en cause de ce qui est perçu comme un mythe fondateur35.

14 La question doit cependant être posée du caractère exceptionnel d’une telle approche. La fédération CFTC des cheminots a longtemps mis en cause la qualité de résistant de Pierre Semard, pensant attaquer là un des fondements de l’identification de la corporation à sa principale organisation syndicale et au parti politique avec lequel cette dernière se confondait peu ou prou lors des années de guerre froide. La CGT répondait à l’outrage par un courroux indigné et les positions des deux syndicats demeuraient intangibles, ils s’installaient dans leur rôle et en restaient là. Ici, le tableau est tout autre, c’est au groupe social des cheminots que s’attaque l’un de ses membres. Le temps n’est pas encore de dire si cette démarche insolite est appelée à le rester ou s’il s’agit de prolégomènes. Même si cela paraît encore fort probable, il n’est plus tout à fait sûr, cependant, que la mémoire cheminote va persévérer à incorporer la Résistance et à s’en étayer.

Spécificités d’un grief

15 Ce reproche fait aux cheminots s’inscrit dans une histoire, qui est celle de la réception de la technologie qui fonde leur activité. La première déception ferroviaire est peut-

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être celle des saint-simoniens, persuadés que le chemin de fer pourrait amener la paix en rapprochant les peuples36 et constatant, à l’occasion de la guerre de Crimée et surtout de celle d’Italie37, qu’il a surtout rapproché en un temps fort court les armées qui ont pu d’autant plus vite en découdre. À aucun moment cependant, la technologie ferroviaire et ceux qui la mettaient en œuvre ne furent mis en cause, ni pendant les conflits de la deuxième moitié du XIXe siècle, ni à l’occasion des guerres du suivant. Pendant la Première Guerre mondiale, les soldats n’ont pas, même au moment de leur plus forte opposition à la guerre et à la façon dont elle était menée, manifesté leur antipathie aux mécaniciens et chauffeurs38. Pourtant, le chemin de fer a été une substance essentielle de la mobilisation en France tout au long des années de guerre39 et son utilisation a été un élément de modernité dans le massacre dont ont été victimes les Arméniens, « sommet des crimes de guerre, des crimes de la guerre pendant la période de la Grande Guerre »40. Les Arméniens d’Anatolie orientale ont été déportés au printemps et au début de l’été 1915, marchant à travers le pays, soumis à toutes les exactions de la part de bandits et des populations locales, systématiquement massacrés. À l’automne, puis pendant l’hiver, ceux d’Anatolie occidentale, plus proches de la voie ferrée, ont été entassés dans des trains de marchandises avant d’être, pour la plupart, mis à mort. Plus tard, pendant l’entre-deux-guerres, la littérature pacifiste n’a pas mis en évidence une spécificité ferroviaire et rien n’a changé à ce propos pendant la drôle de guerre. Le grief reste aujourd’hui circonscrit à un élément précis, celui des trains de la déportation pendant les années d’occupation.

16 Une approche comparative internationale serait à mener pour vraiment saisir les spécificités, tant nationale que professionnelle, de l’attitude des cheminots français et de son empreinte dans la mémoire du groupe social. Il faudrait étudier dans cette perspective la grande grève du 25 février 1941 menée par les dockers et les travailleurs des transports dans Amsterdam occupée par les Allemands afin de s’opposer à la persécution dont étaient victimes les personnes considérées comme juives par les nazis. Le comparatisme ne doit d’ailleurs pas s’arrêter aux frontières et il convient de prendre en compte d’autres groupes sociaux mais aussi d’autres moments de l’histoire. Va-t-on reprocher aux cheminots d’avoir conduit, souvent contre la volonté des soldats, parfois même en dépit de leur opposition, les trains qui pour les envoyer en Algérie ont acheminé rappelés et appelés vers Marseille41 ? Quand ? Selon quelles modalités ? Quelle sera la réaction du groupe social ? Le sujet n’est pas mineur, tout autant du fait de l’importance accordée de nos jours et pour quelques années encore à cet épisode de l’histoire de France que parce que, par les générations pouvant être mises en cause, c’est bien la mémoire de la Résistance cheminote qui est en jeu, mémoire dont la chimérique dimension prescriptive rend d’autant malaisé son caractère descriptif. Les successeurs de héros et hérauts de la lutte contre l’oppression pouvaient-ils collaborer avec un système oppressif ?

17 L’identité cheminote n’est pas la seule mise à mal depuis les années soixante-dix par une évocation du passé et d’autres groupes professionnels ont été soumis à de telles attaques symboliques. « Paul Bert faisait défiler les enfants des écoles avec des fusils en bois, se scandalise le formateur. L’école de la Troisième République était militariste. Elle a encouragé la montée du nationalisme et est donc en grande partie responsable de la guerre de 1914-1918 »42 relate une jeune institutrice dans un témoignage sur son année de formation ; l’attaque symbolique est d’autant plus perverse qu’elle se situe ici lorsque les jeunes enseignants tentent de s’approprier les éléments identitaires qui

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devraient leur permettre de s’acquitter correctement de leur tâche. Là encore, la volonté de mise en cause ne fait pas l’économie du paradoxe puisque c’est précisément en lui reprochant de n’avoir pas préparé la population à la guerre, d’avoir été d’un indécrottable pacifisme, que le régime de Vichy s’est violemment attaqué au corps des instituteurs43 ; faut-il analyser comme antinomiques ces attaques, ou ne sont-elles pas plutôt convergentes en tentant de saper les bases mêmes d’une identité étayée par une intervention professionnelle dans la cité ? Les travailleurs des hôpitaux psychiatriques, dans le cadre plus large d’une critique foucaldienne de leur institution, basent leur approche de la surmortalité observée dans ces établissements lors des années de guerre en se focalisant sur l’occupation44 et en proposant une lecture très contrite 45. Si le procès fait à l’institution scolaire et aux instituteurs d’être « en grande partie responsable[s] de la guerre de 1914-1918 » se révèle vain du fait notamment de son caractère grotesque, celui de la part des travailleurs psychiatriques dans la surmortalité asilaire est moins insignifiant, puisque, avec le changement de procédés professionnels (lié notamment à l’évolution de la thérapeutique et à la généralisation des neuroleptiques), le maintien d’une identité indispensable dans le contexte fort éprouvant de l’exercice en psychiatrie a nécessité le rejet de pratiques antérieures.

Conclusion : résistance de la mémoire cheminote

18 Étudié sur le temps court de la dernière demi-décennie, mais mis en perspective avec les soixante ans de la mémoire cheminote de la Seconde Guerre mondiale, le grief fait aux cheminots d’avoir tracté les convois de la déportation organisée par les nazis semble avoir perdu de son acuité. Je ne l’ai pas trouvé avec l’intensité que je lui soupçonnais46 et, après l’acmé qui a duré du milieu des années 1980 à celui de la décennie suivante, l’émission du reproche semble s’être apaisée. Il conserve cependant une fonction. L’opposition entre les deux mémoires de la résistance cheminote présentait pour les principaux protagonistes des avantages certains, dont une indéniable légitimité agrémentée d’une gratification symbolique. Les communistes ont bien supporté à la SNCF le traumatisme de Budapest et Louis Armand y garde une image bien loin de celle d’un ingénieur aux « idées d’épicier » qu’il a pu avoir dans les années soixante au sein des milieux les plus dynamiques47. Après la solidarité créée entre l’institution ferroviaire et le groupe social de ses travailleurs où la CGT et les communistes avait un rôle structurant, le grief pourrait faire éclater une identité étayée par cette mémoire commune d’autant plus efficiente de nos jours que le long antagonisme à ce propos entre cadres dirigeants et cégétistes s’est presque effacé.

19 Alors, résistance de la mémoire cheminote ? Il convient d’abord de percevoir si, aujourd’hui encore, cette mémoire est nécessaire, c’est-à-dire si l’activité ferroviaire a besoin d’un personnel qui se perçoit comme un ensemble dont une mémoire collective serait un des éléments qui en assurent l’harmonie, si le cheminot hors de son milieu professionnel ressent l’utilité de se référer, même implicitement, à un passé collectif de résistant. La souffrance du groupe social lorsque le grief est émis, fort perceptible au moment de la préparation du colloque de 2000, ne s’est pas atténuée48. Dès lors, il est possible de se demander si ce reproche, justement parce qu’il est ressenti comme injuste, ne participe aujourd’hui pas, tout autant que le passé résistant de la corporation, à la construction des cadres sociaux de sa mémoire. Mais peut-être est-ce l’inscription du groupe social dans l’ensemble de la société qui risque d’être fragilisée.

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Véritable lieu de mémoire de la collectivité nationale, cette mémoire du monde des cheminots lui permettait de transcender le groupe d’appartenance fixé sur des valeurs qui lui sont propres, liées notamment à des impératifs professionnels. Encore ébranlé par des mutations technologiques pourtant anciennes, le groupe social des cheminots craint le bouleversement que constituerait la perte de sa reconnaissance comme un groupe à part, héroïque et altruiste. À la croisée des perceptions et constructions individuelles et collectives, c’est sans doute ce qui, au-delà d’éventuelles péripéties judiciaires et financières, se joue par le grief fait aux cheminots et leur manière de s’en défendre. L’historien ne peut alors que se demander si le philosophe n’a pas raison qui plaide pour une politique de la juste mémoire.

ANNEXES

Entretien avec un cheminot, dénommé dans l’enquête Gilbert Y., réalisé le 22 mars 2004 par Carole Robert pour la recherche « La mémoire du travail à Paris »49

Gilbert Y. : Y’a eu un camp d’ travail, un Lager, un... Arbeitlager, un vrai camp d’ concentration d’ travail hein. [...] Y’a eu un livre qui est sorti, financé par la SEMAPA50 donc c’est clos, c’est terminé. L’ Président Gallois a gagné, enfin, il s’en fout, il gobe toutes les mouches... le PC a gagné... enfin voilà. La SNCF s’ra pas inquiétée là-d’ssus. Sur les dommages et intérêts. [...] Carole Robert : Donc vous-même vous vous êtes intéressé à, à ce passé d’Austerlitz ? Gilbert Y. : Très tôt. [...] Je rentre en 73 à Tolbiac... me lie d’amitié avec un vieux ch’minot qui m’ raconte sa vie et qui se souvient des gardes ukrainiens qui étaient à Paris Tolbiac. Les gardes ukrainiens SS. Voilà. Qui gardaient... voilà. Quai d’ la Gare... du quai d’ la Gare jusqu’à Ivry y’avait un SS tous les 10 mètres quoi. Un garde ukrainien tous les 10 mètres... [...] Si ça vous intéresse j’ pourrais vous montrer l’ cadastre de 1930 du 13e c’est assez époustouflant. On découvre que Paris Tolbiac n’a jamais appartenu à la SNCF quoi. Voilà. Y’a l’histoire vous savez... on soulève, on soulève, on soulève... et puis... mais tout ça peut-être est trop pour vous et puis vous avez autre chose à foutre... Carole Robert : Mais le... le... le... la chose qui est intéressante c’est que vous, en fait, dès que vous avez commencé à travailler à la SNCF, vous vous êtes intéressé à cette histoire-là, quoi. Ça n’a pas... Gilbert Y. : Non ! C’est pas comme ça qu’ ça s’ passe. J’ rends pas la SNCF... c’est parce que c’est d’ façon tout à fait désordonnée. J’ rencontre quelqu’un... ensuite j’ rencontre un jour une vieille femme de ménage qui m’ dit « Ah ! c’ que les Italiens... les Italiens ils étaient plus sympas qu’ les Allemands ! » [...] Bon on parlait comme ça mais j’apprends

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que pendant qu’ les nazis étaient à Tolbiac l’armée italienne était à Paris Chevaleret. L’armée italienne. Voilà. Bon qui f’sait travailler, travail forcé quoi, voilà. Travail de déportés. Bon voilà c’est... voilà. Des gens juifs qui travaillaient, certains allaient dans les camps d’ concentration enfin... voilà. Carole Robert : Et donc selon vous la SNCF a collaboré à tout ça ? Gilbert Y. : Évidemment ! Voilà. Évidemment. Donc y’a plusieurs plaintes là, j’ suis... y’a plusieurs plaintes qui sont portées à New York pour maintenir et accuser la SNCF. Y’a une bardée d’avocats d’ New York pour accuser la SNCF de crime contre l’humanité. Donc... Carole Robert : Ah oui ? Gilbert Y. : Ah oui, c’est un gros truc quoi. On pense que les avocats vont gagner, le problème c’est d’ sortir ça, voilà. Carole Robert : Et la... Gilbert Y. : Les archives SNCF sont inaccessibles. Même aux historiens et aux chercheurs. [...] J’ vous montrerais les documents si ça vous intéresse, c’est l’ PC qui sauve la SNCF quoi. Voilà. [...] Carole Robert : Non, c’est le PCF qui a décidé d’occulter cette mémoire ? Gilbert Y. : Oui. Carole Robert : Pour que la SNCF garde l’image de la SNCF résistante avec les héros... Gilbert Y. : Oui, avec un film de commande qui est La Bataille du rail. C’est un film bidon, voilà. Comme beaucoup d’ choses. Seuls n’ont pas été bidons les assassinats d’ cheminots mais de là, [...]... c’est un corps qui a été particulièrement, comment dire, réactionnaire. Il faut... très réactionnaire, très conservateur. Moi quand j’ai rencontré Rajfus51 qui a été déporté, qui a travaillé au camp d’Austerlitz, donc j’ l’amène à Austerlitz pour la mémoire comme ça, le vieux Rajfus, un homme très très bien, quelqu’un d’ solide hein, 85 ans, là où il est passé euh... y’a pas beaucoup... [...] j’ peux vous assurer qu’ c’est un solide, il me dit « quand même [Gilbert] en France pas un cheminot n’a arrêté un convoi d’ déportés ! » Pas un seul. Au moins on arrête... les gens peuvent s’ tirer, ils peuvent se tirer. Tous les convois pour la mort n’ont pas été arrêtés. Voilà. Donc globalement toutes les archives... à peu près... quand un train part ça nécessite pas mal de documents, d’horaires, etc. aucun accès pour les documents des trains partant de Tolbiac. Même Serge Klarsfeld a du mal, quoi. Carole Robert : Les, les trains qui partaient d’ Tolbiac... Gilbert Y. : Direction l’Allemagne ! Carole Robert : ... c’était ça ? C’était les trains de... travailleurs... de travailleurs forcés ? Gilbert Y. : Ouais... Non ! Non, non. Certains, mais partant d’ Tolbiac c’était tout c’ qui avait été pillé aux familles qui allaient être déportées. Carole Robert : Donc partant d’ Tolbiac, trains d’ marchandises... c’était... Gilbert Y. : 900... 900 trains. 10 trains c’est quelque chose, 900 c’est une affaire d’État hein. Voilà. Carole Robert : Les biens des juifs... remplis de...

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Gilbert Y. : Oui, pillés. On va... on arrache l’enfant... avec qui j’avais discuté d’ ça... ? Globalement une famille pauvre, vous êtes là, vous êtes un 3 pièces, vous êtes juifs, nous sommes en 42, à 6 heures on vous emmène mais tout c’ qui reste... voilà. Tout c’ qui reste, voilà. Donc... pour les enfants, même les nounours des enfants étaient pris. On déshabillait les nounours, qui f’saient du molletonnage pour l’armée allemande, pour faire des couvertures, etc. Carole Robert : Donc ça, ça passait par Austerlitz ? Gilbert Y. : Tout passait par Austerlitz. Carole Robert : Et par contre y’avait pas d’ départ de... de trains vers les camps ? Gilbert Y. : Si, mais ça c’est pour le pillage marchandises hein. Donc les camps c’était Drancy ou... d’autres, Beaune-la-Rolande, y’a eu... y’a eu... oui le ch’ min d’ fer a été l’ vecteur de la mort. Le vecteur de la mort. Vecteur... Carole Robert : Donc vous c’ que vous dites c’est qu’il y a eu très peu d’ résistance en fait au sein d’ la SNCF ? Gilbert Y. : Y’a eu d’ la collaboration. Carole Robert : Y’a eu d’ la collaboration ? Gilbert Y. : Les convois d’ déportés étaient tarifés au tarif des colonies d’ vacances. Carole Robert : Ah, d’accord. Gilbert Y. : Voilà. Seconde classe. Non, troisième ! Y’avait des négociations entre les ch’mins d’ fer allemands pour... et la SNCF demandait des tarifs de groupes, des trucs pas chers... c’est l’horreur absolue quoi. Carole Robert : Et ça dans l’ouvrage d’histoire qui vient de sortir c’est dit quand même ? Gilbert Y. : C’est... dit... sans être dit. C’est un travail d’historien. Par exemple quand y’a eu l’ procès Papon jamais la SNCF en tant que telle, comme organisme d’État, n’a été mise en cause, jamais... Jamais. C’est jamais mis en cause. Un jour un ami me dit « Ils s’attaqueront après à la Poste ! » La Poste, pareil. C’ sont des milliards de francs qui ont été dérobés aux gens... voilà. Donc là où on est, c’était un pays pourri. Carole Robert : Les cadres de la SNCF qui ont pu être dans la collaboration en 39-45 sont restés cadres après 45 ? Gilbert Y. : Oui. Y’a eu très peu d’épuration, comme en Allemagne. [...] Carole Robert : Et euh... et la gare d’Austerlitz selon vous a joué un rôle particulier ? Gilbert Y. : Tout à fait. Direct du... du... euh... j’ai les documents, tout ça c’est connu euh... l’intellectuel d’Hitler qui s’appelait Alfred Rosenberg euh... avait une relation, enfin j’ sais pas, un téléphone direct avec Austerlitz. S’il s’agissait... si Rosenberg... y’avait une préférence dans l’état-major allemand euh... d’avoir un Stradivarius on téléphonait directement à Austerlitz ou des pianos de marque ou des choses comme ça. [...] Le scandale, non, il viendra d’ New York j’ pense. [...] Donc une batterie d’avocats va faire condamner la SNCF pour crime contre l’humanité donc ça doit s’ négocier quoi...

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NOTES

1. Antoine Prost (dir.), La Résistance. Une histoire sociale, Paris, Les Éditions de l’Atelier/Les Éditions ouvrières, 1997, p. 8. 2. « La SNCF, les cheminots et la Seconde Guerre mondiale : 1945-2000 », in Marie-Noëlle Polino (éd.), Une entreprise publique pendant la guerre : la SNCF, 1939-1945, Paris, PUF, 2001, p. 305-321. La présente communication s’inscrit dans la continuité de cette approche à laquelle je renvoie le lecteur pour une lecture liminaire permettant une mise en perspective et la présentation des principaux acteurs. 3. La première occurrence que j’avais repérée se situait en 1985. La bibliographie publiée avec les Actes du colloque (p. 369, par Geneviève Chauveau avec le concours de Marie-Noëlle Polino) signale que Vichy et les Juifs, de Michael Marrus et Robert O. Paxton (Paris, Calmann-Lévy, collection « Diaspora »), l’évoquait dans une version publiée en français en 1981 : « Une autre abstention, singulière, se rapporte à l’organisation des chemins de fer français, qui fit en sorte d’opposer une résistance étendue et bien organisée à toutes les exigences allemandes, exception faite des déportations à l’Est. [...] Rien ne s’interposa pour empêcher les transports à Auschwitz, même pendant l’été 1944, lorsque le sabotage provoqua de graves déraillements et affecta d’autres convois. Aucun des 85 convois de Juifs déportés ne dérailla ou ne subit d’autres avaries. » 4. Ainsi, Marc Ferro, dont les travaux sur les images et la mémoire font référence, dans le chapitre « La France et la mémoire » de Cinéma, une vision de l’histoire (Paris, Editions du Chêne, 2003), présente ainsi une photographie de plateau de La Bataille du rail : « Les cheminots, les premiers à résister... (puis ils laissèrent emmener les déportés) » (p. 79). 5. Dans son discours de clôture, le ministre, Jean-Claude Gayssot, avait accordé une place réelle à ce thème : « Mais l’entreprise, ce sont aussi ceux qui ont fait le choix du Front social du travail au service de Vichy et des nazis. Ce sont ces trains du STO, les trains de déportation des patriotes dans les camps de concentration, les trains de la honte entraînant vers la mort des dizaines et des dizaines de milliers de déportés juifs de France dont seulement 3 % survivront », Une entreprise publique, op. cit., p. 356. 6. « Pendant quatre ans, le chemin de fer constitue pratiquement le seul mode de transport pour les moyennes et longues distances, des voyageurs comme des marchandises. Son rôle, pendant la guerre, est aussi déterminant, utilisé pour le pire par les uns, moyen de lutte contre l’occupant et la barbarie pour les autres », La Lettre de la Fondation de la Résistance, numéro spécial, « Les cheminots dans la Résistance », 2005, p. 3. Notons qu’il a été « utilisé pour le pire » et point l’instrument du pire. 7. Raphaël Delpard, Enquête sur la SNCF et la déportation, Paris, Michel Lafon [à ne pas confondre avec Robert Laffont !], 2005. Pour une critique sur le fond, voir Georges Ribeill, « Logistique militaire, wagons et... Shoah », Le Rail, n° 115 (février-mars 2005), p. 38-40. 8. « L’enquête choc que les clients et les cheminots attendaient » indique le bandeau placé par l’éditeur. Nicolas Beau, Laurence Dequay et Marc Fressoz, SNCF. La machine infernale, Paris, Le Cherche Midi, 2004. Alors que cet éditeur publie également les ouvrages de Maurice Rajfus, consacrés notamment à l’antisémitisme, à l’occupation et à la police, le thème des trains de la déportation aurait pu être évoqué dans ce livre. 9. « Papon condamné à 2 500 euros d’amende pour port illégal de la Légion d’honneur. Il n’a pas non plus le droit de porter sa casquette de chef de gare depuis qu’il ne fait plus partir les trains », Charlie Hebdo, 20 octobre 2004. Un quart de siècle plus tôt, c’est Jean Leguay, ancien délégué en zone occupée de René Bousquet, le secrétaire général de la police de Vichy, qui tentait de minimiser son rôle en évoquant celui du « chef de gare qui faisait partir les trains », Le Monde, 30 mai 1979. 10. Ainsi, l’Histoire de la police parisienne, coproduite par FR3 Île-de-France et Prodoc en 2005, de Kathrin Thompson et Charles Diaz, montre, pour le récit de la rafle dite du Vel’ d’Hiv’ des 16 et 17

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juillet 1942, l’interview d’un historien effectuée sur la ligne de chemin de fer de la Petite ceinture (hors service depuis 1933). Si la plupart des victimes de cette opération furent déportées par rail à partir du 19 juillet puis exterminées dans les camps, la technologie ferroviaire n’a pas été utilisée lors de cette rafle. 11. « Certains rails, certains quais ont mené à l’enfer. Ce terminus, celui du Chambon-sur-Lignon, était un refuge » [premier plan sur un aiguillage], Journal de 20 heures, TF1, 8 juillet 2004. 12. L’indicatif de l’émission de France Culture consacrée aux résistants, pour le soixantième anniversaire de la Libération à l’été 2004, comportait des sons émis par une locomotive à vapeur, puis un extrait de la Marseillaise et quelques notes de jazz. 13. « J’ai fait certes sauter moins de trains rue Saint-Guillaume qu’autour du Vercors, mais, déontologiquement, l’esprit n’était pas très différent », entretiens avec Marcel Gauchet, Le Débat, mai-septembre 1986, cité par Claire Andrieu, Pour l’amour de la République. Le Club Jean-Moulin 1958-1970, Paris, Fayard, 2002, p. 205. Des actions contre les trains ont bien sûr eu lieu autour du Vercors, avec une régularité dans la Drôme, avant, pendant et après la « République du Vercors » ; voir, à ce propos, Gilles Vergnon, Le Vercors, histoire et mémoire d’un maquis, Paris, Les Éditions de l’Atelier, 2002. 14. « Si ces bombardements avaient été effectués, s’ils avaient fait parmi les internés, comme le donnent certaines estimations, de 10 000 à 15 000 victimes, si les nazis avaient continué de mettre à mort des Juifs par dizaines de milliers, en revenant par exemple aux fusillades des temps des Einsatzgruppen, peut-être que la célébration du soixantième anniversaire de la libération d’Auschwitz verrait se développer une polémique sur le thème : était-il bien utile de tuer sous les bombes des détenus pour en épargner éventuellement d’autres ? », Annette Wieviorka, Auschwitz, 60 ans après, Paris, Robert Laffont, 2005, p. 224. 15. La Vie du rail, 23 août 1964. 16. Voir ainsi Alain Quillevéré, « Alfred Bihan 1917-1945. Itinéraire d’un Trégorois mort en déportation », mémoire de maîtrise d’histoire contemporaine, université de Paris I – Panthéon- Sorbonne, 2005, 2 vol. ; vol. 1, p. 143. 17. [Anon.], Lyon sous la botte, Lyon, Éditions La plus grande France, 1944, p. 27. 18. Notons que s’il vitupère contre l’époque, il ne met pas en cause la technologie. François Mauriac, Cahier noir, Paris, Editions de Minuit, 1947. François Mauriac n’a pas été directement le témoin de cette scène, que lui a rapportée son fils Claude qui avait accompagné sa mère à la gare d’Austerlitz le 20 juillet 1942 et noté : « Un long train de marchandises cerné par des forces policières imposantes, avec de pâles visages d’enfants pressés aux étroites ouvertures des wagons à bestiaux... Maman est bouleversée par ce spectacle... Toute la journée, j’ai gardé la hantise de cette vision déshonorante : un convoi de gosses juifs, menés vers quels bagnes ? Et les mères ? Où étaient les mères ? On ne peut imaginer l’étendue des souffrances ainsi engagées... », cité par Jean Lacouture, François Mauriac, Paris, Seuil, 1980, p. 375. 19. Charles de Gaulle, Mémoires de guerre, tome 3, Le Salut, Paris, Plon, 1963, p. 175. 20. Dialogue de Marcel Pagnol d’après Jean Giono. Le film sort en 1937, après les grèves du printemps 1936 auxquelles les cheminots n’ont pas participé. 21. Stéphane Courtois et Adam Rayski (dir.), Qui savait quoi ? L’extermination des Juifs 1941-1945, Paris, La Découverte, 1987. 22. David Rousset, entretiens avec Émile Copfermann, France Culture, 1989. Quant aux atrocités commises par les Allemands pendant la Grande Guerre en Belgique et dans les départements français occupés, nous savons aujourd’hui qu’il ne s’agissait pas de « bobards de guerre », John HORNE et Alan Kramer, 1914. Les atrocités allemandes, Paris, Tallandier, 2005. Même le résistant allemand Gerhard Leo, inflitré au sein de la Transportkommandantur de Toulouse, fort au fait de la répression nazie et ayant entendu le récit de témoins des opérations menées sur le front est, d’un cheminot allemand parlant d’un wagon plein de cadavres, d’un soldat de la Wehrmacht relatant un massacre commis par un Einsatzgruppe, ne parvenait pas à accorder crédit aux

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informations qui concernaient la mise à mort de « trains entiers de déportés » dans les chambres à gaz et lui parvenaient à partir de 1943 : « La raison se refusait tout simplement à reconnaître comme une réalité cette incroyable nouvelle », Gerhard Leo, Un Allemand dans la Résistance. Le train pour Toulouse, Paris, Tirésias, 1997 (première édition en allemand en 1988), p. 81. 23. « Compiègne 1944 », Vérité, n° 1 (3 mars 1944), reproduit in Benoît Crauste, « Libre Patrie 1940-1944 », mémoire de maîtrise d’histoire contemporaine, Paris I – Panthéon-Sorbonne, 2005, vol. 1, p. 173. Le fondateur du mouvement, Louis Pascano, devint médecin à la SNCF après la guerre et sa veuve explique qu’il fit ce choix parce qu’il avait été sauvé par un cheminot en gare de Compiègne. Son activité dans la Résistance le mit en rapport étroit avec des employés de la SNCF, voir ainsi p. 65-66, 73, 102, 116, 118, 132 et 138. 24. Ce qui ne doit pas empêcher les chercheurs qui participent aux activités d’associations comme l’AHICF, ou qui travaillent avec des cadres d’entreprises ou d’administrations, des syndicalistes, des militants politiques, des hommes d’Église, etc., de prendre garde à l’empathie ainsi suscitée. Si ceux-ci ont tendance à prolonger dans le cadre d’une activité associative une démarche identitaire, l’historien n’a pas à entrer dans de telles considérations. Ainsi, lorsque le directeur du groupe de recherche 2539 du CNRS (« Les entreprises françaises sous l’Occupation ») a demandé la publication dans la Revue d’histoire des chemins de fer des actes du colloque « Les transports en France sous l’occupation » (Le Havre, 17-19 mars 2005), il a été précisé lors de la discussion où elle fut évoquée que cette sollicitation se situait « à un moment où cet engagement de l’association pourrait contrarier la tactique de communication de la SNCF sur l’attitude et les responsabilités de l’Entreprise pendant l’Occupation ». La principale réticence venait cependant du fait que les travaux éventuellement publiés « touch[ai]ent à d’autres modes de transport que le rail ». Compte rendu de la réunion du comité scientifique de l’AHICF, 26 mai 2004. 25. La réception de cette mémoire est là spécifique, lorsque d’autres groupes sociaux apprécient fort la réprobation dont peuvent faire l’objet leurs prédécesseurs. Sans rappeler le discours officiel, que j’ai eu l’occasion d’entendre au début du XXIe siècle, d’un membre du corps préfectoral expliquant lors d’une commémoration que, lui, ne pouvait dire s’il aurait été un Jean Moulin et craignant d’avoir sous l’occupation agi comme un autre des ses collègues, Maurice Papon, je remarque l’intérêt des policiers à évoquer aujourd’hui les périodes de l’occupation et de la guerre d’Algérie où leur corporation ne fut pas très glorieuse. 26. Maintes fois cité parce qu’il s’agissait d’une pratique généralisée. Pour l’itinéraire d’un de ces messages, ramassé et envoyé à ses destinataires par des gardes-barrières, Alain Quillevéré, maîtrise citée, vol. 1, p. 142-143 ; voir sa reproduction, vol. 2, p. 38 et dans l'exposition Les Cheminots dans la Résistance. 27. Christian Chevandier, Cheminots en grève, ou la construction d’une identité (1848-2001), Paris, Maisonneuve et Larose, 2002, p. 369-375. En revanche, il peut être possible de mettre en rapport les agressions dont sont victimes les travailleurs et la prise en compte de l’intérêt des usagers dans les modalités de leurs luttes sociales. Ainsi, après que les agents de l’EDF ont passé au tarif « heures creuses » les abonnés de la cité des Tarteret lors d’une opération « Robin des bois » pendant le mouvement social de mai-juin 2004, ils ont constaté une baisse des agressions et de l’agressivité dont ils sont ordinairement victimes dans ce quartier, La Problématique des agressions physiques des agents du service public de l’énergie survenues en service et commises par des tiers, document de travail de la Fédération nationale des mines et de l’énergie (CGT), 2005, p. 90. 28. Christian Chevandier, « L’identité professionnelle des conducteurs de locomotives électriques : le choix effectué entre l’innovation et la continuité », in Électricité et chemins de fer. Cent ans de progrès ferroviaire par l’électricité, Revue d’histoire des chemins hors série 5 / Collection « Histoire de l’électricité », X, Paris, AHICF/AHEF/Presses universitaires de France, 1997, p. 399-411. 29. Enzo Traverso, Le Passé, modes d’emploi. Histoire, mémoire, politique, Paris, La Fabrique, 2005.

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30. Ce passage est fort significatif et renvoie à une dimension exacerbée de la fonctionnalité : c’est parce qu’il a été cheminot que Jules est sollicité et c’est en (re)devenant cheminot qu’il peut être résistant. L’intervention de l’épouse, plutôt que d’hostilité à la Résistance, me semble devoir être interprétée dans la lignée du pacifisme féminin (notons que le personnage de Jules appartenait aux classes dont le temps sous l’autorité militaire – service militaire puis mobilisation ou affectation spéciale pendant la Grande Guerre ; sa qualification l’aurait en ce cas amené dans les zones les plus exposées – a été très long). La femme de Jules s’oppose à ce double engagement, professionnel et politico-militaire : être fou, est-ce aider la Résistance ou (re)devenir cheminot ? « Vous voyez bien que ce n’est plus de son âge ! » 31. La transcription partielle de cet entretien est publiée en annexe de cette communication. 32. Voir à ce propos Jean-Marc Dreyfus et Sarah Gensburger, Des camps dans Paris, Austerlitz, Levitan, Bassano, juillet 1943-août 1944, Paris, Fayard, 2003. 33. « Même les nounours des enfants étaient pris. On déshabillait les nounours, qui f’saient du molletonnage pour l’armée allemande, pour faire des couvertures. » 34. Confrontés au fait que les historiens n’ont, bien au contraire, aucune difficulté pour travailler sur ces archives et ne cessent de le faire, les adeptes de ces approches paranoïaques ne devraient pas tarder à en tirer les conclusion d’une complicité entre les historiens ayant travaillé sur la SNCF sous l’occupation et l’institution elle-même. 35. Un autre élément est l’engagement de ce militant au sein de l’extrême gauche, un milieu qui subit dans ses modes de pensée la très forte influence de romans policiers politiques usant du complot comme paradigme explicatif. 36. Ainsi, Prosper Enfantin opposait les armées organisées pour détruire à l’industrie organisée pour produire, « pacifiquement », et plaçait la technologie ferroviaire à laquelle il a accordé une grande importance parmi les « secrets de ces transformations », Sébastien Charléty, Histoire du saint-simonisme, Paris, Gonthier, 1965, p. 231. 37. André Lefevre, Sous le Second Empire : chemins de fer et politique, Paris, Société d’édition d’enseignement supérieur, 1951, p. 418. 38. En revanche, aiguilleurs et chefs de gare (victimes par ailleurs de lazzis et d’une chanson sur leur infortune conjugale) étaient dénoncés en tant qu’embusqués. André Loez, « Mots et cultures de l’indiscipline : les graffitis des mutins de 1917 », Genèses, n° 59 (juin 2005), p. 25-46 et Christian Chevandier, « Construction identitaire et reconstruction : Sancy et les cheminots », in Nicolas Offenstadt (dir.), Le Chemin des Dames. De l’événement à la mémoire, Paris, Stock, 2004, p. 382-392. Voir également dans ce volume la contribution d’Emmanuelle Cronier, ainsi que sa thèse, « L’échappée belle : permissions et permissionnaires du front à Paris pendant la Première Guerre mondiale », université de Paris I – Panthéon-Sorbonne, 2005. 39. François Caron, Histoire des chemins de fer en France, tome 2, 1883-1937, Paris, Fayard, 2005, p. 533-634. 40. Stéphane Audouin-Rouzeau et Annette Becker, 14-18, retrouver la guerre, Paris, Gallimard, 2000, p. 79. 41. Christian Chevandier, Cheminots en grève, op. cit., p. 283-284. 42. Rachel Boutonnet, Journal d’une institutrice clandestine, Paris, Ramsay, 2003, p. 150-151. 43. Il est probable que l’hostilité personnelle de Pétain aux instituteurs était en partie fondée par leur rôle dans les tranchées et par les reproches étayés émis par nombre d’entre eux sur la manière dont l’état-major a mené la guerre. La thèse en cours d’André Loez sur les mutineries de 1917 permettra sans doute de prendre la mesure de ce phénomène. 44. Isabelle von Bueltzingsloewen, « Les "Aliénés" morts de faim dans les hôpitaux psychiatriques français sous l’Occupation », Vingtième siècle. Revue d’histoire, n° 76 (octobre-décembre 2002), p. 99-115. En couverture, ce titre était précédé de « Quand l’enquête naît de la polémique ». 45. Dans ce dernier cas également, l’approche par le genre pourrait être féconde. Si les groupes sociaux, alors très masculins, des psychiatres et des infirmiers de secteur psychiatrique se

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complaisent à faire procès à leurs prédécesseurs de leurs activités sous l’occupation, ce n’est en rien le cas de celui des infirmières. Dans une moindre mesure, une partie du groupe social des médecins a également des démarches d’autodénigrement, du fait notamment de la survie de l’Ordre des médecins, création de Vichy, qui a longtemps eu une fonction idéologique très conservatrice. Dans ce dernier cas, plus que par le genre, c’est avant tout en partant de sa constitution comme un groupe de notables que doivent être analysés la mémoire du groupe social et son rapport aux années noires. 46. Ce qui n’a rien de surprenant : habitué à travailler sur le passé, l’historien a quelque difficulté à identifier des tendances récentes. 47. À propos des copies et exposés des élèves de l’ENA : « Tout au plus on emprunte quelquefois à l’ingénieur Louis Armand une idée d’épicier et à François Bloch-Lainé un méandre », Jacques Mandrin, L’Énarchie ou les mandarins de la société bourgeoise, Paris, La Table ronde de Combat, Paris, 1967, p. 81. Les auteurs de cet ouvrage étaient Jean-Pierre Chevènement, Didier Motchane et Alain Gomez. 48. Les trains de la déportation n’étaient pas pendant le colloque le seul thème déstabilisant. Ainsi, l’approche de Georges Ribeill qui a tenté de distinguer les modalités d’engagement en fonction des services a été perçue comme une agression, une tentative d’éclatement du groupe social, ce qui a entraîné la réaction très vive de Claude Marache, président de l’Institut d’histoire sociale de la Fédération CGT des cheminots, Une entreprise publique, op. cit., p. 128. 49. « La mémoire du travail à Paris et en banlieue », programme interministériel « Cultures, villes et dynamiques sociales », Consultation de recherches « Apprentissages, transmission et créativité de la ville et dans la ville », ministères de la Culture et de la Communication, de l’Équipement, de la Ville, de la Jeunesse et des Sports - Centre d’histoire sociale du XXe siècle (UPRESA-CNRS), 2002-2005. 50. Il s’agit de la Société d’économie mixte d’aménagement de Paris qui depuis 1991 coordonne les opérations d’urbanisme de la rive gauche de la Seine en amont du pont d’Austerlitz. 51. Il s’agit de Maurice Rajfus.

AUTEUR

CHRISTIAN CHEVANDIER Maître de conférences, université de Paris I – Panthéon-Sorbonne

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Bibliographie

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Les cheminots dans la Résistance. Bibliographie thématique

Cécile Hochard

Méthode de travail adoptée pour l’élaboration et la présentation de cette bibliographie

1 La bibliographie présentée ici, qui se veut la plus exhaustive possible pour les sources et travaux en langue française, a été élaborée dans le cadre de la préparation de l’exposition Les cheminots dans la Résistance. Elle présente les ouvrages et documents audiovisuels qui situent la résistance cheminote dans le contexte de l’occupation et de la Résistance en général, en tenant compte des avancées les plus récentes de la recherche en ce domaine et s’appuie sur des événements, des lieux, des parcours individuels et collectifs suffisamment divers pour justifier l’ambition nationale de l’exposition.

2 La bibliographie est présentée selon le plan suivant : • les sources, au sens large ; puis les ouvrages et articles sur : • la SNCF avant guerre, ses activités pendant la guerre et l’occupation ; • la Résistance : avec une sélection de travaux reflétant les acquis méthodologiques les plus récents de la recherche, ainsi que des monographies sur la Résistance, rapidement dépouillées pour les mentions des cheminots qu’elles contiennent ; • la résistance cheminote proprement dite ; • la répression individuelle et collective contre les cheminots résistants ; • la libération ; • la mémoire de la résistance cheminote.

3 Les recherches bibliographiques ont été menées dans plusieurs lieux : à l’AHICF, au Fonds cheminot du Comité central d’entreprise de la SNCF, à l’Institut d’histoire du temps présent, au Mémorial Maréchal Leclerc de Hauteclocque et de la Libération de Paris – Musée Jean Moulin, à la Bibliothèque nationale de France et à la Fondation de la

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Résistance. Par ailleurs, des recherches ont été effectuées dans les catalogues en ligne de la Bibliothèque de documentation internationale contemporaine (BDIC), du Musée de la Résistance et de la Déportation de Besançon ainsi que sur la base des travaux universitaires de MER, mémoire et espoir de la Résistance (concernant la France sous l’Occupation). Les documents audiovisuels proviennent du Centre audiovisuel de la SNCF (CAV, certains étant en consultation à l’AHICF), de la BDIC, du Fonds cheminot du CCE SNCF, et des Archives du film à Bois-d’Arcy.

1. Instruments de travail, sources imprimées, témoignages, souvenirs

Instruments de travail

4 Catalogue des tracts clandestins de la Deuxième Guerre mondiale conservés à la bibliothèque municipale de Toulouse. Originaux et photocopies, Toulouse, Bibliothèque municipale, 1975, 87 p.

5 Dictionnaire biographique du mouvement ouvrier français (le Maitron), version CD-Rom, Les Éditions de l’atelier/Les Éditions ouvrières, 1997.

6 Résistance en Corse (La), CD-Rom édité par l’AERI (Association pour des études sur la Résistance intérieure), 2003.

7 Résistance dans l’Oise (La), CD-Rom édité par l’AERI, 2003.

8 Résistance dans l’Yonne (La), CD-Rom édité par l’AERI, 2004.

9 Résistance dans le Calvados (La), CD-Rom édité par l’AERI, 2004.

10 Résistance en Île-de-France (La), DVD-Rom édité par l’AERI, 2004.

11 Site internet de l’Ordre de la Libération [publie notamment des biographies des Compagnons].

12 Association nationale des médaillés de la Résistance française, Annuaire des médaillés de la Résistance française, tapuscrit.

13 BELTRAN (Alain) ; RUFFAT (Michèle), Culture d’entreprise et histoire, Paris, Les Éditions d’organisation, 1991, 158 p.

14 COINTET (Jean-Paul) ; COINTET (Michèle) (dir.), Dictionnaire historique de la France sous l’Occupation, Paris, Tallandier, 2000, 729 p.

15 GOERGEN (Marie-Louise) (dir.), Cheminots et militants. Un siècle de syndicalisme ferroviaire, Paris, Éditions de l’atelier/Éditions ouvrières, 2003, 431 p. [CD-Rom à paraître.]

16 JAMMES (Pierre), « Essai de répertoire des tracts lancés par avion pendant la guerre 1939-1945 », Le Vieux papier, n° 135, p. 25-40 et n° 136, p. 49-62.

17 KERBAUL (Eugène), 1 270 militants du Finistère, 1918-1945. Dictionnaire biographique de militants ouvriers, Bagnolet, E. Kerbaul, 1985, 288 p.

18 KERBAUL (Eugène), 1 485 militants du Finistère, 1918-1945. Cahier de mise à jour. Dictionnaire biographique de militants ouvriers, Bagnolet, E. Kerbaul, 1988, 64 p.

19 KERBAUL (Eugène), 1 640 militants du Finistère, 1918- 1945. Cahier de mise à jour n° 2. Dictionnaire biographique de militants ouvriers, Bagnolet, E. Kerbaul, 1988, 64 p.

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20 MARCOT (François) (dir.), avec la coll. de Bruno Leroux et de Christine Lévisse-Touzé, Dictionnaire historique de la Résistance, Paris, Robert Laffont, coll. « Bouquins », 2006, 1248 p.

21 NOGUÈRES (Henri), et alii, Histoire de la Résistance en France de 1940 à 1945, 5 tomes, Paris, Robert Laffont, 1967-1981.

22 NOTIN (Jean-Christophe), 1 061 compagnons. Histoire des Compagnons de la Libération, Paris, Perrin, 2000.

23 PERMEZEL (Bruno), Résistants à Lyon. 1 144 noms, Lyon, Éditions BGA Permezel, 1992, 556 p.

24 PERMEZEL (Bruno), Résistants à Lyon. 1 221 noms, Lyon, Éditions BGA Permezel, 1995, 655 p.

25 POUJOL (Jacques), Protestants dans la France en guerre (1939-1945). Dictionnaire thématique et biographique, Paris, Les Éditions de Paris, 2000, 301 p.

26 ROUX-FOUILLET (Paul) ; ROUX-FOUILLET (Renée), Catalogue des périodiques clandestins conservés à la Bibliothèque Nationale (1939-1945), Paris, Bibliothèque nationale, 1954, 282 p.

Sources imprimées sur la SNCF et les cheminots

27 À la mémoire des cheminots morts pour la France, 1951. [Référence trouvée à l’IHTP mais le document ne se trouve pas dans le fonds.]

28 « Aux cheminots morts pour la France », La Vie du rail, n° spécial, 25 août 1964, 84 p.

29 « Les cheminots dans la Résistance, quarantième anniversaire de la Libération », La Vie du rail, numéro spécial, 1984. Édition remaniée du numéro du 25 août 1964, 84 p.

30 M. NARPS (dir.), La Région de l’Est de la SNCF de 1939 à 1945, Imprimerie des dernières nouvelles de Strasbourg, 1947, 215 p.

31 « Resistance and Reconstruction », French Railways , Londres, s.d., 20 p.

32 « Résistance aux chemins de fer français et la reconstruction », Railway Gazette, n° 12, 21 septembre 1945.

33 HARRANG (G.), À la découverte des chemins de fer et des cheminots, Paris, Les Éditions ouvrières, 1944, 151 p.

34 MARTY (André), L’Exécution et la victoire de Pierre Sémard, Casablanca, Impr. réunies, s.d., 12 p.

35 MARTY (André), Un de ceux grâce auxquels la France renaît : Pierre Sémard, Paris, Éditions du Parti communiste français, 1945, 14 p.

36 MARTY (André), Pierre Sémard, Paris, Éditions Norman Béthune, 1972, 15 p.

37 ODIC (Charles Jean), Cheminots de France, édité et vendu sous le patronage de « Résistance-Fer » au profit des familles de cheminots victimes de guerre, s.l., Éditions du tertre, 1952, 87 p.

38 Résistance-Fer, Bataille du Rail, 44 p. (non daté).

39 SNCF, Lexique français-allemand : termes usuels de chemins de fer, SNCF, 1940, 105 p.

40 SNCF, Lexique technique ferroviaire français-allemand, allemand-français, SNCF, 1941, 300 p.

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41 VRAUVAL (J.), Film de guerre : SMCF-SNCF, Paris, Imprimerie Nationale, 1947, 66 p. Brochure relatant des épisodes de la guerre au sein des chemins de fer. Annexe comprenant des documents officiels.

Témoignages, souvenirs, entretiens, biographies

(par commodité de présentation on a réuni dans un seul ensemble les documents écrits et les documents audiovisuels, avec mention, pour ces derniers, du lieu de dépôt et de consultation)

42 50 entretiens réalisés dans le cadre des projets de recherche « Mémoires cheminotes, 1937-1948 » et « Mémoires cheminotes, 1948-1978 » conservés par l’Association Repères et mémoires des mondes du travail (REMEMOT), 4, rue des Tours, 59000 Lille.

43 Association nationale des cheminots anciens combattants, Témoignages, 1939-1945, Paris, 1981, 65 p.

44 Cahiers Maurice Thorez, n° 1 (avril 1966), interview de Lucien Midol par Claude Willard.

45 Cahiers de l’Institut d’histoire sociale CGT Cheminots, n° 4 [paru à l’été 1999], « À propos des trains de la déportation », dossier coordonné par Pierre Vincent. Contient notamment, les témoignages de Jean Fumeaux, membre des FTP de la région parisienne, p. 7-8, et d’Émile Jacubovicz, membre des FTP-MOI, p. 10-16.

46 Ceux du rail, documentaire de René Clément, 1942, sur la Côte-d’Azur, décrit la vie d’un mécanicien ; travellings qui montrent les casemates allemandes et italiennes sur la côte ; film envoyé à Londres. [Archives du film, Bois-d’Arcy.]

47 Ceux qui ont fait de la Résistance... vous parlent, Paris, France d’abord, 1992, 260 p. Ouvrage collectif réalisé par l’ANACR comportant deux chapitres sur la résistance dans les chemins de fer (II : « La bataille du rail à Laroche Migennes », p. 35-100 et III : « La locomotive sabotée », p. 103-196) .

48 Cheminots dans la bataille de France (Les), collection « Les dîners-débats de la Résistance », 2 cassettes audio. [BDIC.] Contient des allocutions de Albert Guerville, André Aurousseau, Gaston Brucher, René La Combe, André Ségalat.

49 Dernier mot (Le), documentaire réalisé par Geneviève Joutard, produit par le CRDP de Besançon et l’Association des amis du Musée de la Résistance de Besançon, VHS, 52 mn. [Musée de la Résistance et de la Déportation de Besançon.] Contient le témoignage de Jean Gautheron, cheminot à Dôle, résistant, chef de secteur FTP à Lons-le-Saulnier.

50 Dernier témoin (Le), film de Jean-Marc Bourdet, 1991.

51 Entretien avec Gilbert Bonnet, cheminot résistant, 1994, FR3 – Île-de-France, 2 cassettes vidéo (2 x 20 mn) et une brochure. [BDIC.] Rushes du film 1944-1994, l’été de la liberté, série diffusée du 1er au 28 août 1994.

52 Entretien avec Marc Lefort, cheminot en 1944, 1994, FR3 – Île-de-France, 1 cassette vidéo (2 x 20 mn) et 1 brochure. [BDIC.] Rushes du film 1944-1994, l’été de la liberté, série diffusée du 1er au 28 août 1994 ; le témoin raconte ses souvenirs de cheminot durant la libération de Paris en août 1944.

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53 Entretien avec Robert Quint, cheminot résistant, FR3 – Île-de-France, 1 cassette vidéo (20 mn) et 1 brochure. [BDIC.] Rushes du film 1944-1994, l’été de la liberté.

54 Pierre Sémard, héros de la Liberté (1945). [Archives du film, Bois-d’Arcy.]

55 Pilotes du Rail, 1947. [CAV.]

56 Renaissance du rail (La), 1944. [CAV.]

57 Résistants de fer, film de Pierre-François Didek, Paris, Zeaux Productions, La Chaîne histoire, 2002, VHS.

58 Souvenirs d’Ernest Lecam dit Néness, publié par le Comité d’établissement régional SNCF de Paris Saint-Lazare (années d’apprentissage 1933-1936 puis années de guerre).

59 Transcriptions, approuvées par les témoins, des entretiens suscités et réalisés par l’AHICF dans le cadre de la préparation du 8e colloque de l’AHICF, tapuscrit. [AHICF.]

60 AGNIEL (Charles), Les Laboureurs de la nuit, Montpellier, Éditions Causse – Graille – Castelnau, 1950, 185 p.

61 AGNIEL (Charles), Les Laboureurs de la nuit, Nice, Éditions La Lambrusque, 1968, 127 p.

62 ARMAND (Louis), Propos ferroviaires, Paris, Fayard, 1970, 246 p.

63 Association des amis de Louis Armand [Henri Malcor], Louis Armand. 40 ans au service des hommes, Paris, Charles Lavauzelle, 1986, 172 p.

64 BAGEARD (Jules), Résistant du quotidien (chauffeur), témoignage oral recueilli le 12 mai 2000, 1 cassette VHS 31 mn. [CAV, déposé également à l’AHICF.]

65 BECHILLON (Catherine de), Fille aînée de Henri Lang, directeur à la SNCF, déporté le 22 mars 1942, témoignage oral recueilli le 22 mai 2000, 1 cassette VHS, 1 h 10. [CAV, déposé également à l’AHICF.]

66 BERÇAÏTS (Julien), Résistant individuel, Bordeaux, témoignage oral recueilli le 17 mai 2000, 1 cassette VHS, 12 mn 34. [CAV, déposé également à l’AHICF.]

67 BERTHELOT (Jean), Sur les rails du pouvoir (1938-1942), Paris, Robert Laffont, 1968, 342 p.

68 BLAIRET (Pierre), Cheminot, Monaco, Éditions du Rocher, 1988, 224 p.

69 BLANCHARD (Marcel), Cheminot victime du travail forcé (octobre 1942-mai 1945), témoignage oral recueilli le 4 mai 2000, 1 cassette VHS, 56 mn. [CAV, déposé également à l’AHICF.]

70 BOURDET (Claude), L’Aventure incertaine. De la Résistance à la Restauration, Paris, Stock, 1975, 479 p.

71 BRONCHART (Léon), Ouvrier et soldat. Un Français raconte sa vie, Vaison-la-Romaine, Imp. H. Meffre, 1969, 203 p.

72 BURGAUX (Ch.), Les Confidences d’Arsène. Souvenirs d’un chef de gare, Paris, Les Productions de Paris, 1959, 165 p.

73 CAMUSET (Maurice), La Vie d’un franc-tireur et partisan français, Ariel, matricule 3060, Sainte-Savine, SONODA, 1985, 352 p.

74 COURTET (Émile), Mémoires d’un cheminot maquisard du Cantal jusqu’à Lyon (mai à septembre 1944, Clermont-Ferrand, Impr. de J. de Bussac, 1946, 187 p.

75 DELEPAUT (Georges), « Du syndicalisme cheminot clandestin à la lutte armée dans les rangs FTPF », MEMOR (Mémoire de la Résistance en zone interdite), n° 21-22 (1995), p. 57-68.

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76 DELEPAUT (Georges), Entretien avec Yves Le Maner filmé le 22 juin 2004, 1 DVD, 2 h 02 mn [Saint-Omer, La Coupole.]

77 DESHAYES (Pierre), Entretien avec Yves Le Maner filmé le 16 juillet 2004, 1 DVD, 2 h 41 mn [Saint-Omer, La Coupole.]

78 DESPREZ (Édouard), Un cheminot raconte sa jeunesse, ses engagements : 1919-1949 , Hellemmes, Association Repères et mémoires du monde du travail, 1998, 203 p. Cheminot du Pas-de-Calais, prisonnier de guerre évadé, membre des FTPF et de la direction clandestine de la CGT, secrétaire du syndicat des cheminots de Lens à la Libération.

79 DILIGENT (André), Un cheminot sans importance, Paris, Éditions France-Empire, 1975, 253 p.

80 DUFOUR (André), Résistant FTP Limoges, témoignage oral recueilli le 15 mai 2000, 1 cassette VHS, 29 mn. [CAV, déposé également à l’AHICF.]

81 DUPREZ (Henri), « ‘Le train de Loos’ ou 40 ans d’énigme », MEMOR (Mémoire de l’Occupation et de la Résistance en zone interdite), n° 6 (juin 1986), p. 49-64.

82 DURIX (Vincent), « Un résistant FTP jurassien "Nino" : Jean Gautheron », mémoire de maîtrise d’histoire, sous la dir. de François Marcot, université de Besançon, 1992, 153 p.

83 EISENMANN (Jacques), Ingénieur des Ponts et Chaussées détaché à la SNCF, licencié en application de la loi interdisant la fonction publique aux fils d’étrangers en septembre 1940, témoignage oral recueilli en mai 2000, 1 cassette vidéo, 1 h 31 mn. [CAV, déposé également à l’AHICF.]

84 FILET (Bernard), Il était une fois… mon évasion, s.l., L’Écho, 1997, 90 p. Évasion d’un camp de PG, retour à Brive où veut reprendre sa place de mécanicien à la SNCF, mais apprend par son chef de dépôt qu’il est condamné à mort par la Gestapo et que son nom est affiché dans le hall de la gare. Prend le maquis. Présenté comme un roman, mais histoire du père de l’auteur.

85 FLAMENT (Louis), Résistance-Fer Lyon, témoignage recueilli le 12 mai 2000, 1 cassette VHS, 26 mn. [CAV, déposé également à l’AHICF.]

86 GIRARD (Pierre), « La SNCF sous l’Occupation », in René de Chambrun et Josée Laval, La Vie de la France sous l’Occupation, Hoover Institute, Paris, Plon, 1957, p. 321-338. Témoignages rassemblés par M. et Mme René de Chambrun et déposés à la Fondation Hoover à partir de 1948. Cet extrait a été réimprimé dans : POLINO (Marie-Noëlle) (dir.), « Les cheminots dans la guerre et l’occupation. Témoignages et récits », Revue d’histoire des chemins de fer hors série, 7, 2 e éd. revue et augnmentée, Paris, AHICF, nov. 2004, p. 286-309.

87 GUÉDON (Gilbert), Résistant FTP Paris, témoignage oral recueilli le 16 mai 2000, 1 cassette VHS, 45 mn. [CAV, déposé également à l’AHICF.]

88 GUINGOUIN (Georges), Quatre ans de lutte sur le sol limousin, Paris, Hachette, 1974, 287 p.

89 HARDY (René), Le Livre de la colère, Paris, Robert Laffont, 1951, 209 p.

90 HARDY (René), Amère victoire (roman), Paris, Robert Laffont, 1955, 284 p.

91 HARDY (René), Derniers mots. Mémoires, Paris, Fayard, 1983, 572 p.

92 HEILBRONN (Max) ; VARIN (Jacques), Galeries Lafayette, Buchenwald, Galeries Lafayette, Paris, Economica, 1989, 177 p.

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93 HERNIO (Robert), Témoignage sur la résistance dans les chemins de fer de la région parisienne, entretien réalisé par Serge Wolikow le 3 juin 1993, 1 cassette vidéo, 122 mn. [Fonds cheminot, CCE SNCF.]

94 HERNIO (Robert), Avant que les cloches sonnent, Montreuil-sous-Bois, Fédération CGT des cheminots, 2000, 284 p.

95 LADET (René), Ils ont refusé de subir. La Résistance en Drôme. (Mémoires d’un Corps franc et compagnie FFI). Notre Résistance, 1942-1944, Portes-lès-Valence, Chez l’auteur, 1987, 391 p.

96 LADET (René), Résistant Portes-lès-Valence (Drôme) FFI, témoignage oral recueilli le 13 mai 2000, 1 cassette VHS, 42 mn. [CAV, déposé également à l’AHICF.]

97 LASSOU (René), Résistant FTP Limoges , témoignage oral recueilli le 17 mai 2000, 1 cassette VHS, 32 mn. [CAV, déposé également à l’AHICF.]

98 LAUPRÊTRE (Jean), Jean ou la fidélité d’un militant cheminot, s.l., Association des amis de Jean Lauprêtre, 1994.

99 LE CHATELIER (Bernard), Matricule 51306, mémoires de déportation, récit, Paris, Les Éditions de la Bruyère, 1984, 192 p. (2e éd., 2005). Ingénieur à la SNCF, correspondant du réseau Jade-Amicol et « boîte aux lettres » du groupe de résistance des cheminots de son établissement à Compiègne.

100 LE CORRE (Guy), Un cheminot rennais dans la Résistance, Paris, Éditions Tirésias / AERI, 2003, 67 p. A appartenu au réseau Manipule.

101 LEGROS (René), Résistant FTP Limoges, témoignage oral recueilli le 15 mai 2000, 1 cassette VHS, 14 mn. [CAV, déposé également à l’AHICF.]

102 LÉMAN (Michel), Ombres et lumières : un moment d’histoire des cheminots de Paris-Nord, publié par le Comité d’établissement régional de la région SNCF de Paris-Nord.

103 LEPRÊTRE (Xavier), De la résistance à la déportation. Compiègne – Royallieu 1940-1944, Même au péril de la liberté – 2, Compiègne, 222 p.

104 LEO (Gerhard), Un Allemand dans la Résistance : un train pour Toulouse, Paris, Tirésias, 1997, 300 p. Récit d’un jeune allemand de 19 ans, travaillant pour la Résistance sous l’uniforme de la Wehrmacht à la Transport Kommandantur de Toulouse. Autre édition : Paris, Messidor, 300 p. où les photos intérieures ne sont pas exactement les mêmes que dans celle-ci.

105 LÉVI (Bernard), Fils de Robert Lévi, directeur à la SNCF, exclu en application du statut des Juifs, lui-même résistant (réseau Gallia, Valence), témoignage oral recueilli le 19 mai 2000, 1 cassette VHS, 25 mn. [CAV, déposé également à l’AHICF.]

106 LÉVI (Bernard), X bis. Un juif à l’École polytechnique. Mémoires 1939-1945, Paris, Calmann- Lévy, 2005, 241 p.

107 LEYGUE (Marcel), Résistant FTP Limoges, témoignage oral recueilli le 15 mai 2000, 1 cassette VHS, 30 mn. [CAV, déposé également à l’AHICF.]

108 LINET (Roger), La Traversée de la Tourmente, 1933-1943, Paris, Messidor, 1990, 383 p. p. 211-215 : sabotage à Épinay-sur-Seine, dans la nuit du 16 au 17 juillet 1941.

109 LUTAUD (Laurent), Lettres du train fantôme, Same Films production, 2002, 85 mn, VHS. [AHICF.]

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110 MIDOL (Lucien), La Voie que j’ai suivie. Un ingénieur au cœur des batailles sociales (1900-1970), Paris, Éditions sociales, 1973, 221 p.

111 NAHAS (Gabriel), La filière du rail, Paris, France Empire, 1982, 243 p. Histoire romancée d’un réseau d’étudiants organisant avec la Résistance une filière d’évasion en Espagne, octobre 1943.

112 OSTENDE (Jean-Pierre), Le Pré de Buffalo Bill. Mémoire collective des cheminots des ateliers du Prado, Marseille, Via Valeriano, 1990, 125 p.

113 PASTORELLO (Jacques), « Lucien Michel Auguste Beysson, une vie de cheminot », Les Cahiers des Caisses de prévoyance et de retraite SNCF, n° 6 (juin 2004), p. 125-140.

114 PATIN (Pierre), Rail et pavés. Paris, août 1944, récit d’événements vécus, Paris, La Pensée universelle, 1994, 142 p. Ingénieur à la SNCF, a tenu son journal depuis le débarquement.

115 PÉROCHE (Marcel), Les Mémoires de Marcel Péroche, « sénateur » du rail, Paris, Berger- Levrault, 1984, 256 p.

116 PÉROCHE (Marcel), Ne touche pas à la locomotive ! Scènes de la vie de Marcel Péroche, ancien mécanicien de l’Orient-Express, Paris, France-Empire, 1990, 205 p.

117 POLINO (Marie-Noëlle) (dir.), « Les cheminots dans la guerre et l’occupation. Témoignages et récits », Revue d’histoire des chemins de fer hors série, 7, 2 e éd. revue et augmentée, Paris, AHICF, nov. 2004, 326 p.

118 RENOUF (Fernand), Cheminot victime du travail forcé (octobre 1942-mai 1945), témoignage oral recueilli le 4 mai 2000, 1 cassette VHS, 56 mn. [CAV, déposé également à l’AHICF.]

119 ROSSET (Georges), Quelques-uns des souvenirs, racontars, histoires d’un cheminot en retraite, Cannes, Refuge des cheminots de Campestra, 1951, 52 p.

120 RUELLE (André), L’Ombre couvrait l’effort et le soleil se leva. Journal d’un cheminot résistant de septembre 1940 à septembre 1944, s.l., Éditions Les Bruits de la nuit, 1979, 135 p.

121 SOUCHE (Yvette), Résistance-Fer Lyon, témoignage oral recueilli en janvier 2000, 1 cassette VHS, 58 mn. [CAV, déposé également à l’AHICF.]

122 SUDREAU (Pierre), Au-delà de toutes les frontières, Paris, Odile Jacob, 1991, 367 p.

123 THIÉRY (Christian), Cheminots en guerre, cheminots en paix. Souvenirs et anecdotes des cheminots de Blainville-Damelevières. Première partie, 1997, Mairie de Damelevières (54), 283 p.

124 THIÉRY (Christian), Cheminots en guerre, cheminots en paix. Souvenirs et anecdotes des cheminots de Blainville-Damelevières. Deuxième partie, 2001, Mairie de Damelevières (54), 495 p.

125 TONNAIRE (Jacques), Souvenirs d’un mécano de locomotive, 1932-1950, Paris, Jean-Claude Lattès, 1982, 235 p.

126 TOURNOIS (Yvon), Résistant FTP Limoges, témoignage oral recueilli le 15 mai 2000, 1 cassette VHS, 7 mn. [CAV, déposé également à l’AHICF.]

127 WOLKOWITSCH (Maurice), « Témoignage : résistance armée et chemins de fer », in « Armées et chemins de fer », Revue d’histoire des chemins de fer, 15 (automne 1996), p. 251-253.

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128 TRIAI (Raymond), « Rail contre fusées. Guerre 1939-1945. Témoignage. Nice, mai 1990 », in Michel El Baze, Les Guerres du XXe siècle à travers les témoignages oraux, CD-Rom mis en ligne sur Internet (http://war.megabaze.com).

129 VINCENOT (Henri), Mémoires d’un enfant du rail : le rempart de la Miséricorde, Paris, Hachette littérature, 1980, 392 p. Sur l’entre-deux-guerres (roman).

2. L’entreprise et les métiers avant guerre – les transformations induites par la guerre et l’occupation

130 AHICF, Une entreprise publique dans la guerre. La SNCF, 1939-1945, Paris, PUF, 2001, 414 p. Actes complets du colloque réuni à l’Assemblée nationale les 21 et 22 juin 2000. Les textes sans les débats qui les ont suivis sont en ligne sur le site : www.ahicf.com.

131 ALTWEGG (Jürg), L’Odyssée du train fantôme. 3 juillet 1944 : une page de notre histoire, Paris, Robert Laffont, 2003, 297 p.

132 ARMAND (Louis), Propos ferroviaires, Paris, Fayard, 1970, 246 p. Chap. 1 et 2, p. 19-74.

133 BACHELIER (Christian), « La SNCF sous l’Occupation allemande, 1940-1944, Rapport documentaire », Paris, IHTP-CNRS, 1996, 914 p. de textes et 2 volumes d’annexes. Les textes sans les annexes documentaires sont en ligne sur le site : www.ahicf.com.

134 BACHELOT (Bruno), « La mise en place de la législation anticommuniste à la SNCF, de septembre 1939 à novembre 1942 », mémoire de maîtrise d’histoire, sous la dir. de Nadine Vivier, université du Maine, septembre 2002, 217 p. [Déposé à l’AHICF.]

135 BAROLI (Marc), Les Cheminots, Paris, Éditions Atlas, 1987, 223 p.

136 BAUDOUI (Rémi), Raoul Dautry, 1880-1951. Le technocrate de la République, Paris, Balland, 1992, 398 p.

137 BELTRAN (Alain) ; FRANCK (Robert) ; ROUSSO (Henry), La Vie des entreprises sous l’occupation, Paris, Belin, 1994, 457 p.

138 BOCQUILLON (Alain) ; BRÉEMERSCH (Pascale) ; GHIENNE (Bernard), Lens, la gare, le dépôt, la cité des cheminots, Les dossiers de Gauhéria, n° 5, 1996, 257 p. p. 105-129 : sur les cheminots pendant l’occupation et la Résistance, sur les bombardements de l’été 1944.

139 BROUDER (Annie), Les Cheminotes, Paris, L’Harmattan, 1997, 247 p.

140 CARON (François), Histoire des chemins de fer en France, tome second, 1883-1937, Paris, Fayard, 2005, 1 029 p.

141 CARRIÈRE (Bruno), « 27 mars 1942, le premier convoi de déportés », La Vie du rail, n° 2 346 (23 mai 1992), p. 27-32.

142 CARTER (Ernest F.), Les Chemins de fer en guerre, Paris, Presses de la Cité, 1965, 250 p.

143 CATTIN (Étienne), Trains en détresse, Paris, Julliard, 1954, 231 p.

144 CHEVANDIER (Christian), « Bœufs et voituriers : les travailleurs des ateliers SNCF d’Oullins (1938-1947) », mémoire de maîtrise d’histoire, sous la dir. d’Yves Lequin, université Lumière – Lyon II, 1986, 339 p. [Déposé à l’AHICF.]

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145 CHEVANDIER (Christian), « Clivages et continuité dans les perceptions et les comportements ouvriers : les Ateliers d’Oullins de la SNCF », in Denis Peschanski et Jean-Louis Robert (dir.), Les Ouvriers en France pendant la Deuxième Guerre mondiale, Actes du colloque des 22-24 octobre 1992, Paris, Centre d’histoire des mouvements sociaux et du syndicalisme / université Paris I / IHTP-CNRS, 1992, p. 431-441.

146 CHEVANDIER (Christian) ; FUKASAWA (Atsushi) ; RIBEILL (Georges), « Le statut des cheminots : genèse, historique et représentations », communication présentée au colloque Professions et réglementations des transports dans la perspective européenne 1993, Paris, 9-11 mai 1989, 38 p.

147 CHEVANDIER (Christian) ; SARAZIN (Anne), Les Cheminots de la Région de Lyon pendant la guerre, catalogue de l’exposition présentée dans les gares et sites ferroviaires de la région lyonnaise, printemps 1995, au Centre d’histoire de la Résistance et de la Déportation, Lyon, hiver 1996.

148 COGNASSON (Patrick), Cheminots champenois. Romilly-sur-Seine : les ateliers de l’Est, Amiens, Martelle, 2000, 181 p. p. 94-115 : « Les ateliers pendant la Seconde Guerre mondiale » avec notamment le groupe FTPF de Maurice Camuset qui a réalisé des opérations de sabotage dans les Ateliers.

149 CONAN (Éric), « 1940-1944, la SNCF sous la botte », L’Express, 4-10 février 1999, p. 90-94.

150 CRÉMIEUX-BRILHAC (Jean-Louis), Les Français de l’an 40, tome II, Ouvriers et soldats, Paris, Gallimard, 1990, 740 p.

151 DARD (Olivier) ; DAUMAS (Jean-Claude) ; MARCOT (François) (dir.), L’Occupation, l’État français et les entreprises, actes du colloque organisé par l’université de Franche-Comté, le Musée de la Résistance et de la Déportation de Besançon, 24-26 mars 1999, Paris, ADHE, 2000, 487 p.

152 DURAND (Paul), « La politique de l’emploi de la SNCF pendant la Deuxième Guerre mondiale », Revue d’histoire de la Deuxième Guerre mondiale, n° 57 (janvier 1965), p. 19-40.

153 FIASSON (Roger), De mémoires de guerre en mémoires de gares, Saint-Étienne, Éditions des Arts Graphiques, 2002, 232 p.

154 FLORENTIN (Eddy), Quand les Alliés bombardaient la France, 1940-1945, Paris, Perrin, 1997, 476 p. p. 265-279 : « L’autre bataille du rail » et p. 280-305 : « 27 raids de la RAF sur 18 triages français. »

155 FLORES (Mariano), L’Étoile de Veynes, Grenoble, Presses et éditions ferroviaires, 1999, 320 p.

156 FOUANON (Arnaud), « Les cheminots de Laroche-Migennes ; de la nationalisation aux grèves de 1947 », mémoire de maîtrise d’histoire, université de Bourgogne, 1997.

157 FORTHOFFER (Joël), « La SNCF en Alsace et Moselle de 1939 à 1945 : le rôle des transports ferroviaires », in AHICF, Une entreprise publique dans la guerre. La SNCF, 1939-1945, Paris, PUF, 2001, p. 195-204.

158 FORTHOFFER (Joël), « La résistance des cheminots en zone annexée », in Robert Vandenbussche (dir.), Les Services publics et la Résistance en zone interdite et en Belgique (1940-1944), Actes du colloque de Bondues, 30 janvier 2004, Centre de recherche sur

Revue d’histoire des chemins de fer, 34 | 2006 95

l’histoire de l’Europe du Nord-Ouest / CEGES / université Charles-de-Gaulle – Lille 3, 2005, p. 83-99.

159 FROMENTIN (Natacha), « La gare d’Amiens et le réseau amiénois, 1939-1947 », mémoire de maîtrise d’histoire, sous la dir. de Michel-Pierre Chélini, université de Picardie, 2000, 149 p. [Déposé à l’AHICF.]

160 FROMENTIN (Natacha), « La vie quotidienne des cheminots des gares d’Amiens- Longueau pendant la guerre : bombardements, sabotages et reconstruction », in AHICF, Une entreprise publique dans la guerre. La SNCF, 1939-1945, Paris, PUF, 2001, p. 241-247.

161 GABORIAU (Patrick), Un village cheminot des Hautes-Alpes, septembre 1994, 110 p.

162 GERMAIN (Nicolas), « Les chemins de fer bas-normands pendant la Deuxième Guerre mondiale », mémoire de maîtrise d’histoire, université de Caen, 1995.

163 GROUPE ARCHIVES QUATRE-MARES, Les Ateliers de Quatre-Mares. Huit décennies au service de la réparation des locomotives, Paris, Éditions La Vie du rail, 1996, 311 p. Ouvrage illustré de nombreuses photographies. Quatre-Mares est un atelier de réparation du matériel de la SNCF situé sur les communes de Saint-Étienne-du-Rouvray et de Sotteville-lès-. p. 125-174 : chapitre V : « Quatre-Mares pendant la guerre (1939-1947). »

164 GUCKES (Jochen), « Le rôle des chemins de fer dans la déportation des juifs de France », Revue d’histoire de la Shoah. Le Monde juif, n° 165 (janvier-avril 1999), p. 29-110.

165 GUIBERT (Fabien), « Le détachement de main-d’œuvre de la SNCF aux chemins de fer allemands (1942-1944) », mémoire de maîtrise d’histoire, sous la dir. de Nadine Vivier, université du Maine, septembre 2002, 175 p. [Déposé à l’AHICF.]

166 Institut CGT d’histoire sociale Rhône-Alpes, Grandes entreprises de la région Rhône-Alpes dans la Deuxième Guerre mondiale. Collaboration économique et résistance dans les entreprises, Actes du colloque, Lyon, 27 novembre 2001, 71 p. + 12 p. d’annexes. Voir l’intervention de Pierre Vincent sur la SNCF.

167 KALMBACHER (Jean) (dir.), « Le statut des chemins de fer français et leurs rapports avec l’État, 1908-1982 », Revue d’histoire des chemins de fer hors série, n° 4, Paris, AHICF, 1996.

168 KLARSFELD (Serge), « L’acheminement des Juifs de province vers Drancy et les déportations », in AHICF, Une entreprise publique dans la guerre. La SNCF, 1939-1945, Paris, PUF, 2001, p. 143-158.

169 LAVIGNE (Raymond), Saint-Pierre-des-Corps ou la clarté républicaine, Paris, Messidor, 1988, 160 p.

170 LE MANER (Yves), Le Train de Loos, le grand drame de la déportation dans le Nord – Pas-de- Calais, chez l’auteur, 2003, 263 p.

171 DELATTRE (Maxime), « L’épuration administrative à la SNCF à la libération », mémoire de maîtrise d’histoire, sous la dir. de Nadine Vivier, université du Maine, septembre 2002, 153 p. [Déposé à l’AHICF.]

172 MARGAIRAZ (Michel), « La SNCF, l’État français, l’occupant et les livraisons de matériel : la collaboration ferroviaire d’État en perspective », in AHICF, Une entreprise publique dans la guerre. La SNCF, 1939-1945, Paris, PUF, 2001, p. 71-82.

173 MATTASSOLIO (Régine), « Les cheminots à Dôle et Besançon durant la Deuxième Guerre mondiale », mémoire de maîtrise d’histoire, université de Bourgogne, 1990.

Revue d’histoire des chemins de fer, 34 | 2006 96

174 MENCHERINI (Robert) ; DOMENICHINO (Jean) ; LAMOUREUX (David), Cheminots en Provence. Des voix de la mémoire aux voies de l’avenir (1830-2001), Paris, Éditions La Vie du rail, 2001, 247 p. Chapitre IV, p. 114-139 : « Les cheminots, des années noires à la Libération. »

175 PLANCKE (René-Charles), Le Chemin de fer de Seine-et-Marne, tome 1, De la vapeur au TGV, Dammarie-les-Lys, Amatteis, 1991, 512 p.

176 RIBEILL (Georges), « Le personnel de la SNCF (1937-1981). Contraintes économiques, issues techniques, mutations professionnelles et évolutions sociales. Les cours successifs d’une entreprise publique », Paris, Développement et aménagement, 1982, ronéo., xiii, 633 p.

177 RIBEILL (Georges), Les Cheminots, Paris, Éditions La Découverte, 1984, 127 p.

178 RIBEILL (Georges), « La société cheminote : quelques pistes pour la recherche historique », Revue d’histoire des chemins de fer, n° 1 (automne 1989), p. 45-67.

179 RIBEILL (Georges), « Cultures d’entreprises : le cas des cheminots, des Compagnies à la SNCF », Ethnologie de la France, cahier 4, numéro spécial Cultures du travail. Identités et savoirs industriels dans la France contemporaine, Paris, Éditions de la Maison des sciences de l’homme, 1989, p. 251-265.

180 RIBEILL (Georges), « Les cheminots : esquisse d’un bilan social », in Denis Peschanski et Jean-Louis Robert (dir.), Les Ouvriers en France pendant la Seconde Guerre mondiale, Actes du colloque des 22-24 octobre 1992, Paris, Centre d’histoire des mouvements sociaux et du syndicalisme / université Paris I / IHTP-CNRS, 1992, p. 141-154.

181 RIBEILL (Georges), « Les métamorphoses d’une corporation », in Maurice Lemoine, Georges Ribeill et Anna Malan, Les Cheminots. Que reste-t-il de la grande famille ?, Paris, Syros, 1993, p. 123-205.

182 RIBEILL (Georges), « Les militants cheminots : quelques approches à partir du Maitron », in Michel Dreyfus, Claude Pennetier et Nathalie Viet-Depaule (dir.), La Part des militants, Paris, Les Éditions de l’atelier – Les Éditions ouvrières, 1996, p. 133-144.

183 RIEDWEG (Eugène), « La SNCF en Alsace et Moselle de 1939 à 1945 : le rôle des cheminots », in AHICF, Une entreprise publique dans la guerre. La SNCF, 1939-1945, Paris, PUF, 2001, p. 205-211.

184 SCHONTZ (André), Le Chemin de fer et la gare de Metz, Metz, Serpenoise, 1990, 224 p.

185 TESSIER DU CROS (Henri), Louis Armand. Visionnaire de la modernité, Paris, Odile Jacob, 1987, 500 p.

186 THOMAS (Pierre), Septembre 1939 – mai 1940. Des trains contre les panzers, s.l., La Voix du Nord, 1999, 238 p. Sur la SNCF Région nord pendant les combats.

187 VIRARD-PETITJEAN (Elisabeth), « Aspects du monde de la SNCF dans la région lyonnaise entre 1940 et 1944 », mémoire de maîtrise d’histoire, sous la dir. de Gilbert Garrier, université Lumière – Lyon II, 1979, 123 p.

188 WOLKOWITCH (Maurice), « Le réseau ferré français du débarquement du 6 juin 1944 à la capitulation de l’Allemagne le 8 mai 1945 », Revue d’histoire des chemins de fer, n° 15 (automne 1996), p. 225-250.

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3. l’Engagement résistant

3.1. Généralités sur l’engagement résistant (ouvrages et articles)

Différenciation entre « résistance » et autres formes d’opposition à l’occupant (légales, par exemple)

189 LABORIE (Pierre), « L’idée de Résistance, entre définition et sens : retour sur un questionnement », in « La Résistance et les Français. Nouvelles approches », Les Cahiers de l’IHTP, n° 37 (décembre 1997), p. 15-27.

190 MARCOT (François), « Qu’est-ce qu’un patron résistant ? » in Olivier Dard, Jean-Claude Daumas et François Marcot (dir.), L’Occupation, l’État français et les entreprises, Actes du colloque organisé par l’université de Franche-Comté et le Musée de la Résistance et de la Déportation de Besançon, 24-26 mars 1999, Paris, ADHE, 2000, p. 277-292.

191 SEMELIN (Jacques), « Jalons pour une histoire de la France résistante » in Laurent Douzou, Robert Franck, Denis Peschanski et Dominique Veillon (dir.), La Résistance et les Français : villes, centres et logiques de décision, Actes du colloque international de Cachan, 16-18 novembre 1995, Paris, IHTP, 1996, p. 459-468.

192 SEMELIN (Jacques), Sans armes face à Hitler. La résistance civile en Europe, 1939-1945, Paris, Payot, 1998 (1re édition 1989), 274 p.

Facteurs explicatifs de l’engagement et sa chronologie

193 DOUZOU (Laurent), « L’entrée en résistance », in Antoine Prost (dir.), La Résistance, une histoire sociale, Paris, Les Éditions de l’atelier/Les Éditions ouvrières, 1997, p. 9-20.

194 MARCOT (François), « Pour une sociologie de la Résistance : intentionnalité et fonctionnalité », Antoine Prost (dir.), La Résistance, une histoire sociale, Paris, Les Éditions de l’atelier/Les Éditions ouvrières, 1997, p. 21-41.

Motivations et valeurs de référence des résistants

195 MARCOT (François), « Réflexions sur les valeurs de la Résistance » in Jean-Marie Guillon et Pierre Laborie (dir.), Mémoire et histoire : la Résistance, Toulouse, Privat, 1995, p. 81-90.

196 SAINCLIVIER (Jacqueline) ; VEILLON (Dominique), « Sens et formes de la Résistance française », in « La Résistance et les Français. Nouvelles approches », Les Cahiers de l’ IHTP, n° 37 (décembre 1997), p. 93-108.

197 WIEVIORKA (Olivier), « Pour une lecture critique de l’engagement résistant ; l’exemple de Défense de la France », in Jean-Marie Guillon et Pierre Laborie (dir.), Mémoire et histoire : la Résistance, Toulouse, Privat, 1995, p. 91-98.

3.2. Sur l’engagement des cheminots

198 CHEVANDIER (Christian), « La résistance des cheminots : le primat de la fonctionnalité plus qu’une réelle spécificité » in Antoine Prost (dir.), La Résistance, une histoire sociale, Paris, Les Éditions de l’atelier/Les Éditions ouvrières, 1997, p. 147-158.

199 MOISSONNIER (Maurice), « Les ouvriers du Rhône, de la France de Daladier à celle de Pétain : réactions aux conditions matérielles et morales », in Denis Peschanski et Jean-

Revue d’histoire des chemins de fer, 34 | 2006 98

Louis Robert (dir.), Les Ouvriers en France pendant la Seconde Guerre mondiale, Actes du colloque des 22-24 octobre 1992, Paris, Centre d’histoire des mouvements sociaux et du syndicalisme / université Paris I / IHTP-CNRS, 1992, p. 103-117. p. 113 et 115, sur l’attitude des cheminots d’Oullins.

200 RIBEILL (Georges), « Les cheminots : esquisse d’un bilan social », in Denis Peschanski et Jean-Louis Robert (dir.), Les Ouvriers en France pendant la Seconde Guerre mondiale, Actes du colloque des 22-24 octobre 1992, Paris, Centre d’histoire des mouvements sociaux et du syndicalisme / université Paris I / IHTP-CNRS, 1992, p. 141-154. Voir la fin de l’article.

201 RIBEILL (Georges), « Les cheminots face à la lutte armée. Les différenciations sociologiques de l’engagement résistant », in François Marcot (dir.), La Résistance et les Français : lutte armée et maquis, Colloque de Besançon, Annales littéraires de l’université de Franche-Comté, 1996, p. 71-81.

Comparaison avec d’autres corporations

202 ROUQUET (François), « Solidarités, engagements et ‘ordres de Résistance’ aux PTT », in Jean-Marie Guillon et Pierre Laborie (dir.), Mémoire et histoire : la Résistance, Toulouse, Privat, 1995, p. 289-296.

203 KITSON (Simon), « L’évolution de la Résistance dans la police marseillaise », in Jean- Marie Guillon et Robert Mencherini (dir.), La Résistance et les Européens du Sud, Paris, L’Harmattan, 1999, p. 257-270.

4. Les formes de résistance et les types d’organisation

4.1. Problématique générale sur les formes d’action et les types d’organisations résistantes

Relations entre formes de résistance et possibilités d’organisation, la surévaluation a posteriori de l’organisation planifiée sur l’adaptation, l’explication des hiérarchies au sein des groupes

204 DOUZOU (Laurent), « Organisations et modes de fonctionnement de la Résistance », in « La Résistance et les Français. Nouvelles approches », Les Cahiers de l’IHTP, n° 37 (décembre 1997), p. 109-127.

205 MARCOT (François), « Dans quelle mesure les villes exercent-elles un pouvoir de commandement et d’orientation sur la Résistance dans son ensemble ? », in La Résistance et les Français : villes, centres et logiques de décision, Actes du colloque international de Cachan, 16-18 novembre 1995, Paris, IHTP, 1996, p. 215-228.

Poids des cultures propres aux groupes sociaux (politique, corporatiste, syndicale), relation entre la résistance organisée et son environnement

206 MARCOT (François), « La Résistance dans ses lieux et milieux : des relations d’interdépendance », in « La Résistance et les Français. Nouvelles approches », Les Cahiers de l’IHTP, n° 37 (décembre 1997), p. 129-146.

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207 VIRIEUX (Daniel), « Résistance – Professions. Un rapport sans histoire(s) ? », in Antoine Prost (dir.), La Résistance, une histoire sociale, Paris, Les Éditions de l’atelier/Les Éditions ouvrières, 1997, p. 113-146.

Les stratégies, notamment en matière de lutte armée

208 MARCOT (François) (dir.), La Résistance et les Français. Lutte armée et maquis, Actes du colloque international de Besançon, 15-17 juin 1995, Annales littéraires de l’université de Franche-Comté, 1996, 549 p.

Sur l’approche sociologique

209 KEDWARD (Harry Roderick), Naissance de la Résistance dans la France de Vichy. Idées et motivations, 1940-1942, Seyssel, Champ Vallon, 1989, 351 p. (Vichy France and the Resistance: culture and ideology, Londres / Sydney, Croom Helm, cop., 1985.)

210 MARCOT (François), « Pour une sociologie de la résistance : intentionnalité et fonctionnalité », in Antoine Prost (dir.), La Résistance, une histoire sociale, Paris, Les Éditions de l’atelier/Les Éditions ouvrières, 1997, p. 21-41.

Sociologie de la Résistance : études départementales et régionales

211 BOIVIN (Michel) ; QUELLIEN (Jean), « La Résistance en Basse-Normandie : Définition et sociologie », in Jacqueline Sainclivier et Christian Bougeard (dir.), La Résistance et les Français. Enjeux stratégiques et environnement social, Actes du colloque international de Rennes, 29-30 septembre – 1er octobre 1994, Rennes, Presses universitaires de Rennes, p. 163-173.

212 GABERT (Michèle), Entrés en Résistance. Isère. Des hommes et des femmes dans la Résistance, Grenoble, Presses universitaires de Grenoble, 2000, 350 p.

213 MATHIEU (Eric), « Sociologie de la Résistance dans le Puy-de-Dôme », in André Gueslin (dir.), De Vichy au Mont Mouchet. L’Auvergne en guerre, 1939-1945, Institut d’études du Massif central, 1991, p. 121-146.

214 SAINCLIVIER (Jacqueline), « Sociologie de la résistance : quelques aspects méthodologiques et leur application en Ille-et-Vilaine », Revue d’histoire de la Deuxième Guerre mondiale, n° 117 (janvier 1980), p. 33-74.

215 SAINCLIVIER (Jacqueline), La Résistance en Ille-et-Vilaine, 1940-1944, Rennes, PUR, 1993, 332 p.

Sur l’engagement des femmes, des familles

216 ANDRIEU (Claire), « Les résistantes, perspectives de recherche », in Antoine Prost (dir.), La Résistance, une histoire sociale, Paris, Les Éditions de l’atelier/Les Éditions ouvrières, 1997, p. 69-96.

217 DOUZOU (Laurent), « La Résistance, une affaire d’hommes ? », Les Cahiers de l’IHTP, n° 31 (octobre 1995), p. 11-24.

218 DOUZOU (Laurent), « Les résistantes, point de l’historiographie », in Mechtild Gilzmer, Christine Levisse-Touzé et Stefan Martens (dir.), Les Femmes dans la Résistance en France,

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Actes du colloque international de Berlin, 8-10 octobre 2001, Paris, Tallandier, 2003, p. 31-49.

Sur les cheminots

219 RIBEILL (Georges), « Les cheminots face à la lutte armée. Les différenciations sociologiques de l’engagement résistant », in La Résistance et les Français : lutte armée et maquis, Colloque de Besançon, Annales littéraires de l’université de Franche-Comté, 1996, p. 71-81.

4.2. Formes de résistance des cheminots

Ouvrages généraux/sources sur la résistance cheminote et les cheminots résistants

220 L’Appel du cheminot ancien combattant, bulletin de l’Association nationale des cheminots anciens combattants, résistants, prisonniers et victimes de guerre.

221 Union nationale des anciens combattants et victimes de guerre des chemins de fer, 1974-…

222 « Aux cheminots morts pour la France », La Vie du rail, n° spécial, 25 août 1964, 84 p.

223 Résistance-Fer, Bataille du Rail, 44 p. (non daté).

224 ARMAND (Louis), Propos ferroviaires, Paris, Fayard, 1971, chap. 3 et 4, p. 75-114.

225 CHOURY (Maurice), Les Cheminots dans la bataille du rail, Paris, Perrin, 1970, 371 p.

226 DAVID (François), « Léon Bronchart (1896-1986) ou “les vertus du peuple” », in Visages de la Résistance en pays de Brive, Brive, Les Trois Épis, 1998, p. 168-176.

227 MÉCHIN (A.), « Louis Armand et la Résistance », Le Déporté. Organe mensuel de l’UNADIF, n° 277 (septembre 1971).

228 DURAND (Paul), La SNCF pendant la guerre, sa résistance à l’occupant, Paris, PUF, coll. « Esprit de la Résistance », 1968, 666 p.

229 Ensuite, pour chaque type d’actions de résistance, on rappelle en premier les ouvrages de référence, puis les ouvrages spécifiques éventuels concernant les seuls cheminots.

4.2.a) Aide aux réfractaires, hébergement, faux papiers Sur le STO

230 ÉVRARD (Jacques), La Déportation des travailleurs français dans le IIIe Reich, Paris, Fayard, 1971, 461 p.

231 GARNIER (Bernard) ; QUELLIEN (Jean) (dir.), La Main-d’œuvre française exploitée par le IIIe Reich, Actes du colloque international, 13-15 décembre 2001, Caen, Centre de recherche d’histoire quantitative, 2003, 704 p.

4.2.b) Évasions et passages, transports de courrier et de matériel

232 Association française des déportés évadés des trains de déportation, Mémorial, s.l., AFDETD, 1999, non paginé.

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233 ALARY (Éric), La Ligne de démarcation 1940-1944, Paris, Perrin, 2003, 432 p. Notamment p. 119-123 sur la complicité des cheminots dans les passages clandestins de la ligne, sur les formes que peut prendre cette complicité.

234 BONNOT (Thierry), « Les passeurs clandestins de la ligne de démarcation en Saône-et- Loire », mémoire de DEA d’histoire, université de Bourgogne, 1993.

235 BONNOT (Thierry), La Ligne de démarcation en Saône-et-Loire pendant la Seconde Guerre mondiale, Génelard, Le Caractère en marche, 1994, 179 p.

236 CHIROL (Jean-Marie), 5 juin 1944, entre Chalons et Vitry-le-François, sur les chemins de l’enfer. 45 déportés s’évadent d’un train partant pour Neuengamme, 1996, 124 p.

237 LEMOINE (Henri), Les Évasions des convois de déportation, s.l., s.e., 1993, 24 p. p. 15 : sur l’aide apportée par les cheminots.

238 LUTAUD (Laurent) ; DI SCALA (Patricia), Les Naufragés et les rescapés du « Train fantôme », Paris, L’Harmattan, 2003, 249 p.

239 PROVOST (Sylvie), « Le train pour l’évasion de Paul Langevin (2 au 5 mai 1944) », in AHICF, Une entreprise publique dans la guerre. La SNCF, 1939-1945, Paris, PUF, 2001, p. 281-291.

4.2.c) Grèves et manifestations

240 TARTAKOWSKY (Danielle), « Ouvriers et manifestations de rue : 1940-1944. Des manifestations ouvrières ? » in Denis Peschanski et Jean-Louis Robert (dir.), Les Ouvriers en France pendant la Seconde Guerre mondiale, Actes du colloque des 22-24 octobre 1992, Paris, Centre d’histoire des mouvements sociaux et du syndicalisme / université Paris I / IHTP-CNRS, 1992, p. 419-427. Mention des cheminots pour des manifestations de 1943.

241 TARTAKOWSKY (Danielle), Les Manifestations de rue en France, 1918-1968, Paris, Publications de la Sorbonne, 1997, 869 p.

Sur les cheminots

242 1944-1994. 50e anniversaire de la grève insurrectionnelle des cheminots, Fédération CGT des cheminots, mai 1994.

243 SNCF CCR Paris Nord, « 10 août 1944. Cinquantenaire de la Grève Insurrectionnelle. Les cheminots de la Région de Paris-Nord témoignent », Voies libres, numéro supplémentaire, 10 août 1994, 22 p.

244 CHEVANDIER (Christian), « Oullins 1942 : les cheminots en grève contre la collaboration », Correspondances, n° 11 (février 2004), p. 42-47.

245 CHEVANDIER (Christian), Cheminots en grève ou la construction d’une identité (1848-2001), Paris, Maisonneuve & Larose, 2002, 399 p. Notamment chap. 3 : « Les batailles du rail (1939-1944) », p. 155-218.

246 MOISSONNIER (Maurice), « 13-17 octobre 1942. Il y a 50 ans, à Lyon, les premières grandes grèves en zone non occupée. La réponse des cheminots et des métallos à Laval et Sauckel », Documents de l’Institut CGT d’histoire sociale Rhône-Alpes, numéro spécial, octobre 1992, p. 7-18.

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4.2.d) Maquis

247 KEDWARD (Harry Roderick), À la recherche du Maquis. La Résistance dans la France du Sud, 1942-1944, Paris, Les Éditions du Cerf, 1999, 473 p.

248 MARCOT (François) (dir.), La Résistance et les Français. Lutte armée et maquis, Actes du colloque international de Besançon, 15-17 juin 1995, Annales littéraires de l’université de Franche-Comté, Besançon, 1996, 549 p.

4.2.e) Presse et propagande en général (transport, diffusion notamment ; presse dédiée aux cheminots : rédaction, contenu)

249 Presse clandestine (La) 1940-1944, colloque d’Avignon, 20-21 juin 1985, Conseil général de Vaucluse, 1986.

250 CRÉMIEUX-BRILHAC (Jean-Louis) (dir.), Les Voix de la Liberté – Ici Londres (1940-1944), Paris, La Documentation Française, 1975, 5 volumes.

251 MARCOT (François), La Franche-Comté sous l’Occupation, tome 2, Les Voix de la Résistance. Tracts et journaux clandestins francs-comtois, Besançon, Cêtre, 1989, 367 p.

252 PARDIEU (Laurent), « Un journal clandestin dans la zone interdite : « Lorraine » - 1942-1944 » mémoire de maîtrise d’histoire, sous la dir. de François Roth, université Nancy II, 1991.

253 ROUX-FOUILLET (Paul) ; ROUX-FOUILLET (Renée), Catalogue des périodiques clandestins conservés à la Bibliothèque Nationale (1939-1945), Paris, Bibliothèque nationale, 1954, 282 p.

4.2.f) Renseignement

254 PASSY (Colonel), Mémoires du chef des services secrets de la France Libre, Paris, Odile Jacob, 2000, 801 p.

4.2.g) Sabotages et attentats, freinage

255 MARCOT (François) (dir.), La Résistance et les Français. Lutte armée et maquis, Actes du colloque international de Besançon, 15-17 juin 1995, Annales littéraires de l’université de Franche-Comté, Besançon, 1996, 549 p.

Sur les cheminots

256 Résistance FFI, Fédération des amicales des Forces Françaises de l’Intérieur du Doubs, Jura nord, Territoire de Belfort, 1976-… Nombreux articles sur les sabotages.

257 BESSON (André), « Sabotage à Mouchard », in Une poignée de braves. Épisodes de la Résistance franc-comtoise, 1949-1944, Poligny, Les Nouvelles Éditions jurassiennes, 1965, p. 141-150.

258 MARCOT (François), « Les sabotages ferroviaires dans le Doubs et le Jura nord sous l’Occupation », mémoire de maîtrise d’histoire, université de Paris I, 1971.

259 PENAUD (Guy), Les Milliards du train de Neuvic, Périgueux, FANLAC, 2001, 156 p.

260 QUELLIEN (Jean), Résistance et sabotages en Normandie. Le Maastricht-Cherbourg déraille à Airan, Condé-sur-Noireau, Éditions Charles Corlet, 1992, 141 p., (nouvelle éd., 2004).

Revue d’histoire des chemins de fer, 34 | 2006 103

261 ROMANS PETIT (Henri), 52 locomotives, Saint-Étienne, Stéfa, 1946, 31 p. Récit romancé du sabotage d’Ambérieu, 6 juin 1944.

262 VADON (Jacques), Contribution à l’histoire de la Résistance dans les Ardennes (juin 1940- septembre 1944). Chronologie des principaux événements et liste des sabotages ferroviaires, Charleville-Mézières, Centre départemental de documentation pédagogique, 1969, 112 p.

4.2.h) NAP

263 BARUCH (Marc Olivier), Servir l’État français. L’administration en France de 1940 à 1944, Paris, Fayard, 1997, 737 p.

264 BOURDET (Claude), L’Aventure incertaine. De la Résistance à la Restauration, Paris, Stock, 1975, 479 p.

265 GRANET (Marie) ; MICHEL (Henri), Combat. Histoire d’un mouvement de Résistance de juillet 1940 à juillet 1943, Paris, PUF, 1957, 330 p.

266 VISTEL (Alban), La Nuit sans ombre. Histoire des mouvements unis de la Résistance, leur rôle dans la libération, Paris, Fayard, 1970, 640 p.

Sur les cheminots

267 Association des amis de Louis Armand, [Henri Malcor], Louis Armand. 40 ans au service des hommes, Paris, Charles Lavauzelle, 1986, 172 p. p. 25-46 : chapitre III : « La guerre », notamment sur NAP-Fer, Plan vert et l'arrestation en juin 1944.

268 DURAND (Paul), La SNCF pendant la guerre, sa résistance à l’occupant, Paris, PUF, coll. « Esprit de la Résistance », 1968, 666 p.

269 HEILBRONN (Max) ; VARIN (Jacques), Galeries Lafayette, Buchenwald, Galeries Lafayette, Paris, Economica, 1989, 177 p.

270 TESSIER DU CROS (Henri), Louis Armand. Visionnaire de la modernité, Paris, Odile Jacob, 1987, 500 p. p. 129-170 : « Le compagnon de la Libération », quelques pages sur le NAP-Fer, sur l’arrestation de juin 1944.

4.3. Types d’organisation

4.3.a) Partis et syndicats

271 Mouvement syndical dans la Résistance (Le), s.l., La Courtille, 1975, 222 p.

272 AZÉMA (Jean-Pierre) ; PROST (Antoine) ; RIOUX (Jean-Pierre) (dir.), Le Parti communiste français des années sombres : 1938-1941, Actes du colloque des 14 et 15 octobre 1983, Paris, Le Seuil, 1986, 321 p.

273 COURTOIS (Stéphane), Le PCF dans la guerre : de Gaulle, la Résistance, Staline..., Paris, Ramsay, 1980, 585 p.

274 LE CROM (Jean-Pierre), Syndicats nous voilà ! Vichy et le corporatisme, Paris, Les Éditions de l’atelier / Les Éditions ouvrières, 1995, 410 p.

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275 LE CROM (Jean-Pierre), « Syndicalisme et résistance », in La Résistance et les Français : villes, centres et logiques de décision, Actes du colloque international, Cachan, 16-18 novembre 1995, p. 397-413.

276 RIOUX (Jean-Pierre) ; PROST (Antoine) ; AZÉMA (Jean-Pierre) (dir.), Les Communistes français de Munich à Châteaubriant (1938-1941), Paris, Presses de la Fondation nationale des sciences politiques, 1987, 439 p. Nombreuses mentions du rôle essentiel des cheminots dans la réorganisation du PCF après juin 1940, avec exemples régionaux.

277 SADOUN (Marc), Les socialistes sous l’occupation : Résistance et collaboration, Paris, Presses de la Fondation nationale des sciences politiques, 1982, 323 p.

278 TOLLET (André), La Classe ouvrière dans la résistance, Paris, Messidor/Éditions sociales, 1983, 296 p.

Sur les cheminots

279 BROUDER (Annie), « La fédération CGT des cheminots de novembre 1938 à février 1943 : de la scission à la réunification », mémoire de maîtrise d’histoire, sous la direction de J. Droz et J. Girault., Sorbonne, 1970, 183 p.

280 CGT – Secteur fédéral des cheminots, région de Strasbourg, Il y a 50 ans, Georges Wodli, Montreuil, CGT, 1993, 12 p.

281 CHAUMEL (Guy), Histoire des cheminots et de leurs syndicats, Paris, Rivière, 1948, 200 p. S’arrête avant la guerre, quelques pages sur la période 1939-1945 en conclusion.

282 DUPUY (Jean-Marie), « Les communistes alsaciens » in Saisons d’Alsace, n° 114 (hiver 1991-1992), p. 257-266. Sur Wodli.

283 Fédération des cheminots CGT, Il y a 50 ans Pierre Sémard. Les résistants mais aussi les idées toujours novatrices, [1992], 13 p.

284 GACON (Jean), et alii, Les Batailles du rail, Paris, Messidor, 1986, 221 p.

285 JACQUET (Joseph), et alii, Les Cheminots dans l’histoire sociale de la France, Paris, Éditions sociales, 1967, 318 p.

286 RIBEILL (Georges), « Les chantiers de la collaboration sociale des Fédérations légales des cheminots (1939-1944) », Le Mouvement social, n° 158 (janvier-mars 1992), p. 87-116.

287 VINCENT (Pierre), « Le syndicalisme sous Vichy : le cas des cheminots », Les Cahiers de l'Institut, n° 28 (1er trim. 2006), p. 21-27.

4.3.b) Mouvements et groupes locaux

288 AGLAN (Alya), La Résistance sacrifiée. Le mouvement « Libération-Nord », Paris, Flammarion, 1999, 456 p.

289 BÉDARIDA (Renée), Les Armes de l’esprit. Témoignage chrétien (1941-1944), Paris, Les Éditions ouvrières, 1977, 378 p.

290 BRUNEAU (Françoise), Essai d’historique du mouvement né autour du journal clandestin « Résistance », Paris, SEDES, 1951, 213 p.

291 CALMETTE (Arthur), L’OCM. Histoire d’un mouvement de résistance de 1940 à 1946, Paris, PUF, 1961, 228 p.

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292 GRANET (Marie), « Défense de la France ». Histoire d’un Mouvement de Résistance (1940-1944), Paris, PUF, 1960, 302 p.

293 GRANET (Marie), Ceux de la Résistance, Paris, Éditions de minuit, 1964, 375 p.

294 GRANET (Marie) ; MICHEL (Henri), Combat. Histoire d’un mouvement de Résistance de juillet 1940 à juillet 1943, Paris, PUF, 1957, 330 p.

295 HOBAM (Nicolas), Quatre années de lutte clandestine en Lorraine. (Historique du « Mouvement Lorraine »), s.l., Les Éditions du bastion, 2002 (1re édition 1946), 496 p.

296 PIGNOT (Jean-Pierre), « Aspects de la Résistance à Toulouse et dans sa région : "Libérer et Fédérer" », mémoire de maîtrise d’histoire, sous la dir. de Rolande Trempé, université Toulouse II – Le Mirail, 1976, 157 p.

297 PLÉ (Nicole), « Le mouvement de Résistance Libérer et Fédérer à Toulouse », mémoire de maîtrise d’histoire, sous la direction de Robert Bonnaud, université Paris VII, 1987.

298 QUELLIEN (Jean) ; VICO (Jacques), Massacres nazis en Normandie. Les fusillés de la prison de Caen, Condé-sur-Noireau, Éditions Charles Corlet, 1994, 234 p. Cf. notamment chapitre IX sur « Le groupe du Front national des cheminots de la gare de Caen ».

299 VEILLON (Dominique), Le Franc-Tireur. Un journal clandestin, un mouvement de Résistance, 1940-1944, Paris, Flammarion, 1977, 428 p.

300 VIRIEUX (Daniel), « Le Front national de lutte pour la liberté et l’indépendance de la France. Un mouvement de Résistance - Période clandestine (mai 1941 - août 1944) », thèse de doctorat d’histoire, sous la direction de Cl. Willard, université Paris 8 Vincennes – Saint-Denis, 1995, 5 volumes, 1 824 p.

301 WETTERWALD (François), Vengeance, histoire d’un corps franc, Paris, Mouvement Vengeance, 1946, 302 p. Voir notamment chap. 6 : « Les Corps-Francs « Vengeance » SNCF », p. 50 sq., et chap. 19 : « Activités des Corps-Francs SNCF », p. 156 sq.

302 WIEVIORKA (Olivier), Une certaine idée de la France. Défense de la France, 1940-1949, Paris, Le Seuil, 1995, 496 p.

4.3.c) Réseaux

303 Mémorial du réseau Alliance

304 AGLAN (Alya), Mémoires résistantes. Histoire du réseau Jade-Fitroy 1940-1944, Paris, Les Éditions du Cerf, 1994, 344 p.

305 BAEHREL (Sylvaine), Alibi (1940-1944). Histoire d’un réseau de renseignement en France pendant la Deuxième Guerre mondiale, Paris, Jean-Michel Place, 2000, 214 p.

306 CUMONT (Jacques), Les Volontaires de Neuilly-sur-Marne du « groupe Hildevert » et le réseau « Spiritualist ». Le massacre d’Oissery, Le Mée-sur-Seine, Lys Éditions, 1991, 159 p.

307 DUCOUDRAY (Marie), Ceux de « Manipule ». Un réseau de renseignements dans la Résistance en France, Paris, Tirésias, 2001, 277 p.

308 GRANET (Marie), Cohors-Asturies, histoire d’un réseau de Résistance, 1942-1944, Bordeaux, Éditions des Cahiers de la Résistance, 1974, 117 p.

309 LECLÈRE (Françoise), « La composition d’un réseau « Zéro France » », Revue d’histoire de la Deuxième Guerre mondiale, n° 61 (janvier 1966), p. 75-86.

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Employés SNCF : profession la plus représentée dans ce réseau franco-belge d’évasions puis de renseignements notamment dans le secteur parisien.

310 LHEUREUX (Danièle), La Résistance « Action-Buckmaster ». Sylvestre-Farmer avec le capitaine « Michel », Roubaix, Geai Bleu éditions, 2001, 173 p. ; La Résistance « Action Buckmaster ». Sylvestre Farmer sans le capitaine « Michel », Roubaix, Geai Bleu éditions, 2002, 259 p.

311 MEYSSONNIER (Jean-Philippe), « Le réseau Gallia, 1943-1944 », mémoire de DEA d’histoire, IEP de Paris, 1994, 208 p.

312 VEILLON (Dominique), « Les réseaux de Résistance », in Jean-Pierre Azéma et François Bédarida (dir.), La France des années noires. 1. De la défaite à Vichy, Paris, Points histoire, 2000, p. 407-439.

4.3.d) Monographies régionales sur la résistance (organisations, formes d’action)

Ouvrages généraux (sélection)

313 Association Résistance 60, La Résistance dans l’Oise, DVD-ROM édité par le CRDP d’Amiens et l’AERI, 2003.

314 BAUDOT (Marcel), Libération de la Normandie, Paris, Impr. Sully, 1974, 255 p.

315 BESSE (Jean-Pierre), L’Oise. Septembre 1940 – septembre 1944, auto-édition, 1994, 218 p.

316 CANAUD (Jacques), Les Maquis du Morvan (1943-1944). La vie dans les maquis, Château- Chinon, Académie du Morvan, 1981, 425 p.

317 CASTEL (Jean-Marie), Les Villeneuvois et les Villeneuvoises sous l’Occupation, 1940-1944, Montgeron, Desbouis Gresil, 1990, 364 p.

318 CHAUMET (Michel) ; POUPLAIN (Jean-Marie), La Résistance en Deux-Sèvres (1940-1944), s.l., Geste Édition, 1994, 289 p.

319 CLESSE (Joël) ; ZAIDMAN (Sylvie), La Résistance en Seine-Saint-Denis, 1940-1944, Paris, Syros, 1994, 480 p.

320 COURVOISIER (André), Le Réseau Heckler : de Lyon à Londres, Paris, France-Empire, 1984, 299 p.

321 DEBON (André) ; PINSON (Louis), La Résistance dans le bocage normand, Paris, Tirésias, 1994, 348 p.

322 DEJONGHE (Étienne) ; LE MANER (Yves), Le Nord – Pas-de-Calais dans la main allemande, Lille, La Voix du Nord, 1999, 400 p.

323 DI CARLO (Jacqueline), La Guerre de 1939/1945 dans le canton de Saint-Rambert-en-Bugey. Épisodes.

324 DODIN (Robert), « Les F.F.I. en Lorraine », Revue d’histoire de la Deuxième Guerre mondiale, n° 105 (janvier 1977), p. 49-78.

325 DOUZOU (Laurent) ; VEILLON (Dominique), « La Résistance des mouvements ; ses débuts dans la région lyonnaise (1940-1942) », in Jean-Marie Guillon et Pierre Laborie (dir.), Mémoire et histoire : la Résistance, Toulouse, Privat, 1995, p. 149-159.

326 DUCROS (Louis-Frédéric), Montagnes ardéchoises dans la guerre. 1. Genèse du 17 juin 1940 au 11 novembre 1942, Valence, L.-F. Ducros, 1974, 214 p.

327 DUCROS (Louis-Frédéric), Montagnes ardéchoises dans la guerre, du 12 novembre 1942 au 5 juin 1944. 2. La lutte clandestine, Valence, L.-F. Ducros, 1977, 446 p.

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328 DUCROS (Louis-Frédéric), Montagnes ardéchoises dans la guerre, du 6 juin 1944 au 7 septembre 1944. 3. Combats pour la Libération, Valence, L.-F. Ducros, 1981, 418 p.

329 DUVERLIE (Dominique), « Les Picards face à l’occupation allemande : le département de la Somme du 20 mai 1940 au 3 septembre 1944 », thèse de troisième cycle, sous la dir. d’Adeline Daumard, université d’Amiens, 1979, 2 volumes, 191 p. et 74 p.

330 ÉTIENNE (Jean-Louis) ; GÉRARD (Pierre), « Débuts et développement de la Résistance en Meurthe-et-Moselle(1940-1943) », Revue d’histoire de la Deuxième Guerre mondiale, n° 105 (janvier 1977), p. 29-48.

331 GOUBET (Michel) ; DEBAUGES (Paul), Histoire de la Résistance en Haute-Garonne, Mercuès, Éditions Milan, 1992, 250 p.

332 GUILLON (Jean-Marie), « La Résistance dans le Var. Essai d’histoire politique », thèse d’État, sous la dir. de Émile Témime, université de Provence, 1989, 3 volumes, 1 199 p.

333 HENNEQUIN (Gilles), Résistance en Côte d’Or, tome 2, chez l’auteur, 1996, 217 p.

334 HOBAM (Nicolas), Quatre années de lutte clandestine en Lorraine, s.l., Les Éditions du bastion, 2002 (1re édition 1946), 496 p.

335 HUGUEN (Roger), Par les nuits les plus longues. Réseaux d’évasions d’aviateurs en Bretagne (1940-1944), Saint-Brieuc, Les Presses bretonnes, 1976, 508 p.

336 HUGUEN (Roger), Chantier d'évasions. Carantec (1940-1944). Réseau Sibiril-Alliance, Spézet, Coop. Breizh, 2005, 143 p.

337 JIMENEZ DE ABERAS TURI CORTA (Juan Carlos), En passant par la Bidassoa. Le réseau Comète au Pays-Basque, 1941-1944, Biarritz, J&D, 1996, 183 p.

338 LECLERC (Marcel), La Résistance dans la Manche. Réseaux et mouvements, juin 1940 – août 1944, Cherbourg, Éditions la dépêche, 1982, 290 p.

339 LE GRAND (Alain) ; THOMAS (Georges-Michel), 1939-1945. Finistère, Brest, Éditions de la cité, 1987, 414 p.

340 LEROUX (Roger), Le Morbihan en guerre, 1939-1945, Mayenne, Imprimerie de la manutention, 1986, 671 p.

341 LESAGE (René), « La Résistance en Artois occidental (juin 1940-mai 1944) », Revue du Nord, hors série, n° 13, 1998, 336 p.

342 LOCHMANN (Xavier) ; TROGNEUX (Alain) ; NEUSCHWANDER (Isabelle), Un département dans la Guerre, 1939-1945, CRDP Amiens, Conseil général de la Somme, Textes et documents sur la Somme, 1997, 91 p.

343 MARCOT (François), La Franche-Comté sous l’Occupation, tome 1. La Résistance dans le Jura, Besançon, Cêtre, 1985, 332 p.

344 MARCOT (François), La Franche-Comté sous l’Occupation, tome 2. Les Voix de la Résistance, Besançon, Cêtre, 1989, 367 p.

345 MARTRES (Eugène), L’Auvergne dans la tourmente, 1939-1945. L’État français. L’Occupation. La Résistance. La Libération, Clermont-Ferrand, Éditions De Borée, 2000, 504 p.

346 PANICACCI (Jean-Louis), Les Alpes-Maritimes de 1939 à 1945 : un département dans la tourmente, Nice, Serre, 1989, 398 p.

347 PANICACCI (Jean-Louis), La Résistance azuréenne, Nice, Serre, 1994, 259 p.

348 PERRAUD-CHARMANTIER (André), La Guerre en Bretagne. Récits et portraits, Nantes, Éditions Aux portes du large, 1947, 2 tomes, 197 et 277 p.

Revue d’histoire des chemins de fer, 34 | 2006 108

349 PLANCKE (René-Charles), La Seine-et-Marne 1939-1945, 4 tomes, Dammarie-les-Lys, Éditions Amatteis, 1984-1987.

350 QUELLIEN (Jean), Opinions et comportements politiques dans le Calvados sous l’occupation allemande (1940-1944), Caen, Presses universitaires de Caen, 2001, 511 p.

351 ROMANS-PETIT (Henri), Les Maquis de l’Ain, Paris, Hachette, 1974, 167 p.

352 RUBY (Marcel), La Résistance à Lyon, Lyon, L’Hermès, 1979, 2 tomes, 1 054 p.

353 SAINCLIVIER (Jacqueline), « La Résistance en Ille-et-Vilaine (1940-1944) », thèse de 3e cycle, sous la dir. de M. Denis, université Rennes II, 1978, 2 volumes, 392 p. et 125 p.

354 SAINCLIVIER (Jacqueline), La Résistance en Ille-et-Vilaine, 1940-1944, Rennes, Presses universitaires de Rennes, 1993, 322 p.

355 SAINCLIVIER (Jacqueline), La Bretagne dans la guerre, 1939-1945, Rennes, Éditions Ouest- France, 1994, 218 p.

356 SAINCLIVIER (Jacqueline), « Les débuts de la Résistance en zone occupée », in Jean- Marie Guillon et Pierre Laborie (dir.), Mémoire et histoire : la Résistance, Toulouse, Privat, 1995, p. 161-170.

357 THOMAS (Georges-Michel) ; LE GRAND (Alain), Le Finistère dans la guerre : l’occupation, Brest, Éditions de la cité, 1980, 429 p.

358 THOMAS (Georges-Michel) ; LE GRAND (Alain), Le Finistère dans la guerre : la Libération, Brest, Éditions de la cité, 1981, 569 p.

359 VEYRET (Patrick), Histoire de la Résistance armée dans l’Ain, Châtillon-sur-Chalaronne, La Taillanderie, 1999, 196 p.

Sur les cheminots

360 CHABOT (Commandant) (GIROUSSE Henri), Les Batailles d’Ambérieu et de l’Albarine, juin- juillet 1944, Bourg-en-Bresse, Association des anciens des maquis Ain et Haut-Jura, 1984, 44 p.

361 CUYNET (Jean), La Bataille du rail en Franche-Comté : cheminots et résistants, Châtillon-sur- Chalaronne, La Taillanderie, 1997, 320 p.

362 DARAN (Alain), « Le nœud ferroviaire lyonnais pendant l’occupation allemande. De la collaboration à la Résistance », mémoire de maîtrise d’histoire, université Lyon III, 1993, 242 p.

363 DARTOUT (Serge), « La Résistance ferroviaire en Limousin, 1943-1945 », mémoire de maîtrise d’histoire, Limoges, 1975.

364 FORTHOFFER (Joël), « La résistance des cheminots en zone annexée », in Vandenbussche (Robert) (dir.), Les Services publics et la Résistance en zone interdite et en Belgique (1940-1944), Actes du colloque de Bondues, 30 janvier 2004, Centre de recherche sur l’histoire de l’Europe du Nord-Ouest / CEGES / université Charles-de-Gaulle – Lille 3, 2005, p. 83-99.

365 GOUIFFÈS (Mélanie), « La résistance des cheminots en Gironde durant le Second conflit mondial », mémoire de maîtrise d’histoire, sous la dir. de Christophe Bouneau, université Michel-de-Montaigne – Bordeaux III, 2001, 211 p. [Déposé à l’AHICF.]

Revue d’histoire des chemins de fer, 34 | 2006 109

366 IMMELÉ (Coralie), « La Résistance des cheminots à Lyon (1940-1944) », mémoire de maîtrise d’histoire, sous la dir. de Laurent Douzou, université Lumière – Lyon II, 2001, 152 p. [Déposé à l’AHICF.]

367 IMMELÉ (Coralie), « La résistance des cheminots dans le Rhône (1940-1944) », mémoire de DEA d’histoire, sous la dir. de Laurent Douzou, université Lumière – Lyon II, 2002, 157 p. [Déposé à l’AHICF.]

368 OUTTERYCK (Pierre) (dir.), Mémoire cheminote en Nord – Pas-de-Calais : cheminots et chemins de fer du Nord (1938-1948), Actes du colloque organisé à Roubaix les 17 et 18 novembre 1995 par le Comité d’établissement régional de la SNCF, Paris, Tirésias, 1999, 166 p.

369 OUTTERICK (Pierre), « Les cheminots du Nord face à l’occupation hitlérienne », in AHICF, Une entreprise publique dans la guerre. La SNCF, 1939-1945, Paris, PUF, 2001, p. 249-258.

370 PERRON (Fabrice), « Cheminots dans la Résistance en Côte d’Or pendant la Deuxième Guerre mondiale », mémoire de maîtrise d’histoire, université de Bourgogne, 1991.

371 PORCHEROT (Bertrand), « Cheminots et Résistance en Saône-et-Loire, 1940-1944 », mémoire de DEA d’histoire, sous la dir. de Serge Wolikow, université de Bourgogne, 2001, 279 p.

372 PRIGENT (Alain), TILLY (Serge), « La bataille du rail dans les Côtes-du-Nord », Les cahiers de la Résistance populaire, n° 8/9, octobre 2000, 175 p. Contient notamment des figures très claires sur les méthodes de sabotages des voies, de nombreux témoignages et documents sur les sabotages en Côtes-d’Armor, sur les groupes de résistance.

373 RICHE (Jean), « La bataille du rail en Franche-Comté », in La Franche-Comté sous l’occupation allemande et sa libération, Lons-le-Saunier, Éditions Marque-Maillard, 1980, p. 117-125.

374 VANSTEENSKISTE (Robert), Des cheminots de Lens, Avion, Méricourt dans la Résistance, Lens, IPC, 1994, 96 p.

375 VINCENT (Alain), La Bataille du rail à Laroche-Migennes. Des luttes ouvrières à la Résistance, Précy-sous Thil, Éditions de l’Armançon, 160 p., réed. 2002.

376 VINCENT (Alain), Les Blés rouges. De la Résistance à la Libération. La bataille du rail à Laroche- Migennes, Précy-sous-Thil, Éditions de l’Armançon, 1996, 156 p.

377 VINCENT (Alain), Du fer au flambeau. De la Libération à la reconstruction, Précy-sous-Thil, Éditions de l’Armançon, 1997, 154 p.

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5. La répression individuelle et collective (arrestations, procès, trahisons, exécutions, massacres, sanctions collectives)

Logiques à l’œuvre chez l’occupant (notamment à l’égard des communistes, des Juifs)

378 MEYER (Ahlrich), « Les débuts du ‘cycle attentats-répression’ en automne 1941 », in La Résistance et les Français : villes, centres et logiques de décision, Actes du colloque international de Cachan, 16-18 novembre 1995, Paris, IHTP, 1996, p. 486-497.

379 MEYER (Ahlrich), L’Occupation allemande en France (1940-1944), Toulouse, Privat, 2002, 238 p.

380 SOLCHANY (Jean), « Le commandement militaire en France face au fait résistant : logiques d’identification et stratégies d’éradication », in La Résistance et les Français : villes, centres et logiques de décision, Actes du colloque international de Cachan, 16-18 novembre 1995, Paris, IHTP, 1996, p. 511-530.

Répression à l’égard de cheminots

381 Lettres de fusillés, Paris, Éditions sociales, 1970, 127 p. En particulier lettres de Catelas et Semard.

382 Vie à en mourir (La).Lettres de fusillés 1941-1944, Lettres choisies et présentées par Guy Krivopissko, Paris, Tallandier, 2003, 367 p.

383 KLARSFELD (Serge), Le Livre des otages, Paris, Les Éditeurs réunis, 1979, 295 p.

384 KLARSFELD (Serge) ; TSEVERY (Léon), Les 1 007 fusillés du Mont-Valérien parmi lesquels 174 juifs, Paris, Association Les fils et filles des déportés juifs de France, 1995, 100 p.

385 MOCQ (Jean-Marie), La 12.SS Panzer-Division massacre Ascq cité martyre, s.l., Éditions Heimdal, 1994, 197 p.

386 QUELLIEN (Jean) ; VICO (Jacques), Massacres nazis en Normandie. Les fusillés de la prison de Caen, Condé-sur-Noireau, Éditions Charles Corlet, 1994, 234 p.

387 ROSSEL-KIRSCHEN (André), Le Procès de la Maison de la Chimie (7 au 14 avril 1942). Contribution à l’histoire des débuts de la Résistance armée en France, Paris, L’Harmattan, 2002, 196 p. Portrait de Louis Coquillet, cheminot breton, un des accusés du procès, fusillé au Mont- Valérien.

6. La libération

Plans de sabotages et de guérilla, insurrection nationale ; logiques des Alliés, du CFLN, des résistants

388 BUTON (Philippe), Les Lendemains qui déchantent. Le Parti communiste français à la Libération, Paris, Presses de la Fondation nationale des sciences politiques, 1993, 352 p.

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389 CRÉMIEUX-BRILHAC (Jean-Louis), La France Libre. De l’appel du 18 Juin à la Libération, Paris, Gallimard, 1996, 969 p. Notamment le chapitre 33, p. 772-795 : « L’insurrection nationale aura-t-elle lieu ? »

390 DELMAS (Colonel Jean), « Conceptions et préparation de l’insurrection nationale », in Actes du colloque La Libération de la France, Paris, 28-31 octobre 1974, CNRS, 1976, p. 433-460.

391 FRANCK (Robert), « Identités résistantes et logiques alliées », in « La Résistance et les Français. Nouvelles approches », Les Cahiers de l’IHTP, n° 37 (décembre 1997), p. 73-91.

392 MENCHERINI (Robert), Forces sociales, pouvoirs et société à Marseille, mémoire pour l’habilitation, université d’Aix-en-Provence, 1994.

393 MENCHERINI (Robert), « La ville comme élément de la stratégie », in La Résistance et les Français : villes, centres et logiques de décision, Actes du colloque international de Cachan, 16-18 novembre 1995, Paris, IHTP, 1996, p. 229-240.

L’insurrection parisienne

394 Paris. Les heures glorieuses, août 1944. Le C.P.L. prépare et dirige l’insurrection, Montrouge, Imprimerie Draeger Frères, 1945, 105 p.

395 DANSETTE (Adrien), Histoire de la libération de Paris, Paris, Perrin, 1994, 483 p.

396 WIEVIORKA (Olivier), « La Résistance intérieure et la libération de Paris », in Christine Levisse-Touzé (dir.), Paris 1944. Les enjeux de la Libération, Paris, Albin Michel, 1994, p. 137-151.

Sur la SNCF et les cheminots

397 WOLKOWITCH (Maurice), « Le réseau ferré français du débarquement du 6 juin 1944 à la capitulation de l’Allemagne le 8 mai 1945 », Revue d’histoire des chemins de fer, n° 15 (automne 1996), p. 225-250.

7. La mémoire

Sur les phénomènes de construction de la mémoire

398 DOUZOU (Laurent), « La constitution du mythe de la Résistance », in Ch. Franck (dir.), La France de 1945. Résistances. Retours. Renaissances, Actes du colloque de Caen (17-19 mai 1995), Caen, Presses universitaires de Caen, 1996, p. 73-83.

399 DOUZOU (Laurent), « La mémoire de la Résistance dans la société française d’après- guerre », in Stanley Hoffman (dir.), Les courants politiques et la Résistance : continuités ou ruptures, Actes du colloque international d’Esch-sur-Alzette, avril 2002, Luxembourg, Archives nationales, 2003, p. 490-503.

400 Institut d’histoire du temps présent, La Mémoire des Français. Quarante ans de commémoration de la Seconde Guerre mondiale, Paris, Éditions du CNRS, 1986, 400 p.

401 LABORIE (Pierre), « Sur les représentations collectives de la Résistance dans l’après- libération et les usages de la mémoire » in José Gotovitch et Robert Franck (dir.), La Résistance et les Européens du Nord, Actes du colloque de Bruxelles, 23-25 novembre 1994,

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Centre d'études et de recherches historiques de la Seconde Gerre mondiale / IHTP, 1994 et 1996, 460 p. et 158 p., tome 1, p. 419-423, ainsi que son intervention p. 144 dans le tome 2.

402 LABORIE (Pierre), « Opinions et représentations : la Libération et la construction de l’image de la Résistance », in Les Français des années troubles. De la guerre d’Espagne à la Libération, Paris, Points histoire, 2003, p. 245-267.

403 LABORIE (Pierre), « Honneur inventé ou invention du futur ? Mémoire et appropriation de la Résistance à la Libération », in Les Français des années troubles. De la guerre d’Espagne à la Libération, Paris, Points histoire, 2003, p. 269-282.

404 ROUSSO (Henry), Le Syndrome de Vichy de 1944 à nos jours, Paris, Le Seuil, Points histoire, 1990 (1re édition 1987), 416 p.

405 ROUSSO (Henry), Vichy. L’événement, la mémoire, l’histoire, Paris, Gallimard, Folio histoire, 2001, 748 p.

Sur les « lieux de mémoire »

406 Commission départementale de l’information historique pour la Paix, Les Lieux de mémoire de la Deuxième Guerre mondiale dans le département du Tarn. Guide des monuments, stèles et plaques commémoratives, s.l., Imprimerie nationale, s.d., 71 p.

407 Commission départementale de l’information historique pour la Paix, Sur les chemins de l’histoire et du souvenir. Les lieux de mémoire de la Seconde Guerre mondiale, département de la Saône-et-Loire, Mâcon, CDIHP, 1988, 304 p.

408 BARCELLINI (Serge) ; WIEVIORKA (Annette), Passant souviens-toi ! Les lieux du souvenir de la Seconde Guerre mondiale en France, Paris, Graphein, 1999, 523 p.

409 PANICACCI (Jean-Louis), Les Lieux de mémoire de la Deuxième Guerre mondiale dans les Alpes- Maritimes, Nice, Éditions Serre, 1997, 143 p.

Sur les cheminots

410 AUZAS (Vincent), « Mémoires de la Résistance chez les cheminots », in AHICF, Une entreprise publique dans la guerre. La SNCF, 1939-1945, Paris, PUF, 2001, p. 323-330.

411 AUZAS (Vincent), « La mémoire de la résistance chez les cheminots : construction et enjeux, septembre 1944-novembre 1948 », mémoire de maîtrise d’histoire, sous la dir. de Jean-Louis et Christian Chevandier, université Paris I, 2000, 182 p. [Déposé à l’AHICF.]

412 CHABOUD (Jack) ; DUPUIS (Dominique), Quai des bulles. Le train dans la bande dessinée, Paris, La Vie du rail, 1985, 222 p.

413 CHEVANDIER (Christian), « Les cheminots, la SNCF et la Seconde Guerre mondiale », in AHICF, Une entreprise publique dans la guerre. La SNCF, 1939-1945, Paris, PUF, 2001, p. 305-321.

414 WOLIKOW (Serge), « Syndicalistes cheminots et images de la Résistance », in AHICF, Une entreprise publique dans la guerre. La SNCF, 1939-1945, Paris, PUF, 2001, p. 299-304.

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Autour du cinéma en général et de (La) Bataille du Rail en particulier

415 « La Bataille du Rail », numéro spécial de L’Avant-scène cinéma, n° 442, (mai 1995).

416 ARMAND (Louis), Propos ferroviaires, Paris, Fayard, 1971, chap. 6, p. 131-137.

417 BERTIN-MAGHIT (Jean-Pierre), « La Bataille du rail : de l’authenticité à la chanson de geste », Revue d’histoire moderne et contemporaine, tome XXIII, n° 2 (avril-juin 1986), n° spécial « Cinéma et sociétés », p. 280-300.

418 BERTIN-MAGHIT (Jean-Pierre), « Les résistants du rail », Historia, n° 575 (novembre 1994), p. 22-28.

419 CARRIÈRE (Bruno), « Les secrets de la Bataille du rail », La Vie du rail, n° 2541 (10 avril 1996), p. 42-47.

420 CLÉMENT (René) ; AUDRY (Colette), La Bataille du rail, Paris, Robert Laffont, 1949, 189 p.

421 DELAGE (André), « Les cheminots français dans La Bataille du rail », Chemins de fer, numéro spécial Noël 1947, 11 p. Sous-inspecteur à la SNCF, habilité par la direction de l’entreprise pour suivre la réalisation du film.

422 IONASCU (Michel), « L’homme disparu : les cheminots dans le cinéma français », maîtrise AES, sous la dir. de Myriam Tsikounas, université Paris I, 1994, 114 p.

423 IONASCU (Michel), « Cheminots argentiques : l’image d’un groupe social dans le cinéma et l’audiovisuel français », thèse Recherches cinématographiques et audiovisuelles, sous la dir. de Michèle Lagny, université Paris III, 1999, 360 p.

424 IONASCU (Michel), Cheminots et cinéma. La représentation d’un groupe social dans le cinéma et l’audiovisuel français, Paris, L’Harmattan, 2001, 400 p.

425 LINDEPERG (Sylvie), « L’opération cinématographique. Équivoques idéologiques et ambivalences narratives dans La Bataille du rail », Annales histoire sciences sociales, juillet- août 1996/4, p. 759-779.

426 LINDEPERG (Sylvie), Les Écrans de l’ombre. La Seconde Guerre mondiale dans le cinéma français, Paris, Éditions du CNRS, 1998, 443 p.

427 WOLIKOW (Serge), « La Bataille du rail : la création d’une image collective de la résistance des cheminots », in « René Clément », L’Avant-scène cinéma, n° 442 (mai 1995), p. 74-77.

AUTEUR

CÉCILE HOCHARD Docteur en histoire

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Témoignage et documents

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Sabotages et lutte armée Entretien de Georges Delepaut avec Yves Le Maner, 22 juin 2004

Laurent Seillier

1 Cet entretien a été réalisé, 60 ans après la libération de la région Nord – Pas-de-Calais, à une période charnière de notre histoire, celle où sont en train de disparaître les derniers témoins et acteurs de la Seconde Guerre mondiale. Aussi la Coupole, Centre d’histoire et de mémoire du Nord – Pas-de-Calais a-t-elle entrepris, à cette occasion, un recensement puis un programme d’enregistrements vidéo numériques de personnes dont l’histoire personnelle pouvait être utile à la compréhension de l’histoire de la Zone interdite, région correspondant aux deux départements du Nord et du Pas-de- Calais, qui ont été rattachés au commandement militaire de Bruxelles par les conditions d’armistice. Parmi ces personnes figure Georges Delepaut, cheminot résistant, dont l’action peut être considérée comme une des formes emblématiques de la Résistance dans les deux départements nordistes, résistance aux caractères particuliers s’expliquant par l’histoire politique, économique et militaire de la région et par sa géographie.

2 La résistance dans la région Nord – Pas-de-Calais commence dès le mois de juin 1940. Cette précocité peut s’expliquer par une haine féroce des Allemands et par une anglophilie prononcée, souvenirs du premier conflit mondial, le nord de la France ayant été à la fois zone de combats avec une forte présence de troupes britanniques et une des seules régions de France occupée par les armées de Guillaume II. Les premiers actes de résistance (cache de soldats anglais, récupération d’armes...), émanent le plus souvent d’initiatives individuelles et concernent toutes les catégories de population. Durant l’hiver 1940-1941 apparaissent les premiers journaux clandestins appelant à la Résistance et au patriotisme. L’été 1941 est un tournant : l’entrée en guerre de l’Allemagne nazie contre l’URSS déclenche, dans le bassin minier, de véritables actions de guérilla des communistes contre l’occupant. L’année 1942 voit la naissance et la structuration de grands réseaux, la plupart sous l’égide de Londres, le MI6 pour le renseignement et le SOE (Special Operation Executive) pour le sabotage. Mais ce n’est véritablement qu’à partir de 1943 que les réseaux action sont opérationnels, à l’exemple de l’équipée du réseau « Farmer » menée à Lille par les hommes du capitaine Trotobas auxquels s’est joint G. Delepaut, engagé dans les FTP, pour le sabotage du

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dépôt de Tourcoing qu’il raconte. Mais cette année 1943 est aussi particulièrement difficile, puisqu’elle voit le démantèlement de grands mouvements tels l’OCM (Organisation civile et militaire) et la Voix du Nord par les forces de répression nazies. Des dizaines d’arrestations sont effectuées ; ceux qui y ont échappé doivent entrer dans la clandestinité pour plusieurs mois. À la veille du 6 juin, la résistance régionale apparaît donc particulièrement épuisée. Elle parvient, cependant, à mettre en œuvre aux lendemains du débarquement le Plan vert (sabotages ferroviaires), le Plan violet (coupures de lignes téléphoniques) et le Plan tortue (ralentissement des mouvements des unités allemandes). Début septembre 1944, la région est libérée par les armées alliées aidées des FFI.

3 Georges Delepaut fut démobilisé à la fin d’octobre 1945 et a repris alors son métier de cheminot au dépôt de Tourcoing. Un énorme travail de remise en état du chemin de fer l’attendait.

4 Cette transcription a été réalisée en mai 2006 à partir du film par Yolande Sanguine (AHICF). L’usage de la virgule, non grammatical, tente de restituer la scansion du discours. Le film peut être visionné à La Coupole (BP 284, 62504 Saint-Omer cedex, tél. : +33 (0)3 2112 2727, fax : +33 (0)3 2139 2145, http://www.lacoupole.com/) et à l’AHICF, pour une consultation individuelle entrant dans un cadre scientifique.

Entretien de Georges Delepaut avec Yves Le Maner, 22 juin 2004

- Alors Georges, s’il te plaît, on va faire les présentations... - Oui.

- Peux-tu, s’il te plaît, nous dire où et quand tu es né ? - Alors, je suis né à Tourcoing le 9 mai 1923, et dans une famille, dont la mère a subi l’occupation pendant les quatre ans, 14-18, avec déjà toutes les exactions qui se sont produites à l’époque, et mon père, lui, mobilisé, grand mutilé de la guerre 14-18.

- Donc il y a un héritage très fort, dans la famille, de la Première Guerre mondiale ? - Exactement.

- Qu’est-ce que ta mère t’a raconté, quand tu étais enfant, de ce qu’elle a connu pendant les quatre années ? - Eh bien, elle m’a raconté tout ce qui c’était passé, les restrictions, les interdictions, les hommes qui étaient réquisitionnés pour le travail – les brassards rouges à l’époque – ce qui fait que chez moi, je n’ai jamais entendu le mot « allemand ». On ne parlait que des « boches », comme beaucoup de ma génération de, du secteur. J’ai été élevé dans la haine du boche, et..., j’ai l’impression que ça doit expliquer, peut-être, un petit peu, le fait que dans notre région, la résistance se soit développée, un peu plus que dans d’autres zones de France.

- Est-ce que ton père te parlait de sa vie dans les tranchées ? - Il m’en parlait de la guerre, mais il a été blessé assez rapidement, en 1915, il a été blessé gravement, puisqu’il était pensionné dès le départ à 75 % et porté en aggravation à 100 par la suite, et il a été hospitalisé pratiquement, dès 1915, et il était à Limoges, mais il m’a évidemment parlé de toute cette période, qu’il a connue dans la Marne, où là, tous les combats qui se sont produits là, eh bien, il a vu de nombreux

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camarades à lui tomber, hein, et surtout blessés également, hein, parce que l’hécatombe a été très importante. Alors ça, je l’ai entendu raconter de très nombreuses fois, et il fallait un peu le pousser pour qu’il en parle, mais il me l’a raconté quand même.

- Donc, en fait, tu es né dans une famille où il y a une culture de guerre ? - Il y a une culture, de guerre et, je crois, d’hostilité aux Allemands, à l’Allemagne. Ce qui fait qu’en 39, quand la guerre s’est déclarée, eh bien pour nous, c’était déjà, pour nous c’était l’ennemi.

- Alors là, arrive donc un choc considérable pour la France et le nord de la France en particulier, c’est l’invasion du mois de mai 1940. Peux-tu nous dire comment les événements se sont déroulés pour toi et ta famille ? - Alors là, évidemment, le souvenir de 14-18 avec bien sûr, tout ce qui s’y était passé, a incité notre famille, enfin mon père, des voisins, des cousins, à partir, surtout les hommes, même des familles entières sont parties, par contre, ma mère, j’avais des sœurs en bas âge, puisque la dernière avait six ans, par conséquent, elle est restée à la maison, mais par contre nous, nous sommes partis. Et nous avons été bloqués à Hesdin. À Hesdin où il y avait eu des parachutistes qui avaient livré combat, et je me souviens que nous sommes restés allongés pendant 24 h dans un fossé, sans pouvoir relever la tête tellement ça y allait, et puis le lendemain matin, mon père et un cousin plus âgé avaient réussi, eux, au début de cette fusillade à passer le long du parapet du pont au-dessus de la Canche, par contre, les trois jeunes, non expérimentés, on était resté bloqués et nous nous sommes retrouvés le lendemain matin sur ce pont, sur la Canche, qui n’est pas très large, au milieu des cadavres, il y en avait au moins cinquante autour de nous.

- Donc, en fait, tu vois la réalité de la guerre. - On voit la réalité de la guerre. Évidement, bloqués, ben, on décide de rentrer, mais retournant, pour rentrer vers Saint-Pol, les Allemands ne nous ont pas laissé passer. Ils nous ont déviés par la route vers Anvin, parce que Saint-Pol brûlait. Et pendant 15 ou 20 km, nous étions à vélo, et là, on nous a obligés à rouler sur la gauche. Et toute une colonne motorisée allemande circulait sur la droite, s’arrêtait, repartait, ainsi de suite, et on a fait des aller-retour en fait. Ils nous doublaient, on les redoublait, et puis ils ont disparu et on s’est retrouvé dans la population française, dans des unités françaises, il y avait des soldats français, des officiers. On s’est retrouvé également parmi les Anglais, et évidemment, toute cette colonne de motorisés qui avait dû passer par Sedan, pour rejoindre la mer, explique évidemment que tout ça c’était emprisonné, et on est allé jusqu’à Vieux-Berquin où là un cousin connaissait des personnes, on est resté un ou deux jours.

- Comment tu percevais l’état d’esprit des gens que tu croisais ? - Eh bien là, les gens, alors, je me souviens qu’on avait croisé un brave prêtre assez âgé, avec des vieilles personnes, dans une carriole attelée à un cheval qui partait pour évacuer, lui aussi. Et on lui dit : « Ne partez pas, c’est pas la peine, on a vu des Allemands, ils sont déjà là-bas, nous on a été bloqués, on retourne. » On a expliqué, mon père a même expliqué ça à un officier français qui l’accusait d’être un espion, et on a expliqué : « Non, écoutez, on a vu ça », et à Vieux-Berquin on s’est retrouvés pendant quelques jours, et on est rentrés à Tourcoing, mais alors là, pas moyen de regagner notre domicile qui se trouvait très près de la frontière belge. Les Anglais qui étaient toujours là, avaient fait un barrage à quelques centaines de mètres de la

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frontière, ce qui fait que nous, mon père et moi, nous ne pouvions pas regagner notre domicile. Et il a fallu attendre quelques jours et, un matin, les Anglais plus là, et on a pu regagner. Et est arrivé début juin, bien sûr, et je me souviens de la période du 16-17 juin, le 17 juin en particulier. J’ai entendu, comme beaucoup de voisins, le maréchal Pétain qui a annoncé, dans un message qui a été diffusé par la radiodiffusion française toute la journée, le message dans lequel il annonce qu’il s’est adressé à l’adversaire pour demander les conditions d’armistice. Par contre, le lendemain, le 18, alors là..., comme la plupart des gens, personne n’a entendu l’appel du général de Gaulle. Mais, un autre point, c’est que toutes les personnes que j’ai connues et qui ont entendu Pétain annoncer qu’il avait demandé les conditions d’armistice, je ne me souviens pas d’avoir entendu une seule personne critiquer Pétain d’avoir demandé les conditions d’armistice. Au contraire et tout le monde disait : « Bravo Pétain, il a arrêté la guerre, il n’y aura plus de tués. » C’était la réaction...

- À chaud ! - Ah oui, tout le monde, tout le monde.

- Mais enfin, très vite, il y a une autre donnée qui entre en jeu, c’est que il y avait les Allemands sur place. - Il y a les Allemands sur place avec évidemment,

- et ces Allemands… [inaudible] - Après, le souvenir... dans la vie quotidienne, au début, ils semblaient vouloir être très doux, il n’y avait pas d’exaction, y avait rien qui se passait, par contre, évidemment, il y avait des affiches annonçant qu’il fallait absolument que les militaires qui n’avaient pas été prisonniers, qui étaient rentrés chez eux, devaient se présenter à la mairie, bon, ben, ce qui fait qu’un mes oncles qui était tailleur et service auxiliaire, qui avait... est allé et bien voilà, et il a été fait prisonnier. Et, bien sûr, au bout d’un certain temps, c’étaient les postes qu’il ne fallait plus écouter, surtout Londres bien sûr, des postes qui ont été réquisitionnés, et ramassés parce que bon...

- À l’époque tu es cheminot ? - Je suis cheminot, je suis à l’école, aux ateliers d’Hellemmes, à l’école de formation des techniciens pour l’entretien du matériel ferroviaire, en particulier, le matériel roulant, c’est-à-dire matériel moteur et matériel remorqué.

- Alors, quand on est un jeune cheminot – la guerre tu vas la passer entre 17 et 21 ans – quelle est ta vie quotidienne ? Imagine une journée ordinaire, à quelle heure te lèves-tu, qu’est-ce qui se passe dans ta journée ? - Alors, immédiatement après l’armistice demandé par Pétain, le..., toutes les industries étaient au repos, plus personne ne travaillait, nous non plus aux chemins de fer, et puis en juillet, vers mi-juillet à peu près, j’ai reçu un courrier, disant qu’il fallait reprendre, j’ai donc repris la route des ateliers d’Hellemmes et continué ma formation. Et dès 1942, mon père qui commençait à avoir par un de ses camarades qui était Front national, des journaux, des tracts, eh bien, j’en prenais, et puis je les transportais à Hellemmes où je faisais une diffusion. J’ai commencé en fait un peu comme ça. Mon père en fait m’a entraîné un peu.

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- Avant qu’on en vienne à ton action résistante, peux-tu nous décrire une journée ordinaire d’un jeune sous l’occupation dans le nord de la France ? - Eh bien, au début les transports en commun n’étaient pas encore rétablis, en particulier les trains, et je me souviens qu’on faisait le trajet de Tourcoing à Hellemmes, le matin et le soir au retour, en bicyclette. Et, bien sûr, il fallait partir assez tôt puis on rentrait assez tard, puisque les journées de travail étaient beaucoup plus longues à ce moment-là qu’actuellement, hein. Et bien sûr on mangeait au restaurant d’entreprise, mais assez rapidement évidemment les restrictions ont commencé à apparaître, et puis disons que le ravitaillement était un petit peu plus spartiate et il fallait essayer de trouver. Le rationnement a commencé assez rapidement, et, à partir de là il a fallu commencer, en dehors des journées de travail des uns et des autres, à essayer de partir par le train, à droite, à gauche, dans les fermes, dans les Flandres en particulier, pour essayer d’avoir un peu de ravitaillement supplémentaire, des pommes de terre, des haricots, et malheureusement, lorsque l’on rentrait par le train, on repassait obligatoirement par Lille, il est arrivé à plusieurs reprises qu’une saisie générale de tout ce qui descendait du train était faite par la police française. De mes souvenirs, je ne me souviens pas que les Allemands aient, euh...

- Ça ne les intéressait pas... - ... pris tout ça. C’était la police française, ce que ça devenait je n’en sais rien, mais enfin à plusieurs reprises c’est arrivé. Tout ce qui descendait, et hop, tout était pris, entassé.

- Alors, là, on va en venir maintenant à ton action résistante. On n’est pas dans les films hollywoodiens, c’est-à-dire ça se fait petit à petit, par des tas de petites touches d’abord individuelles, et puis des petits groupes. Comment tu es venu à être impliqué dans des actions résistantes ? - Bon, alors, ateliers d’Hellemmes, dès que mon père avait donc des journaux j’ai commencé à faire un peu de diffusion de journaux et tracts du Front national, les seuls qu’on avait à l’époque et...

- Est-ce que tu peux préciser pour les jeunes d’aujourd’hui que le Front national de l’époque était... - Ah, le Front national, évidemment, celui de l’époque, le Front national de libération de la France, hein, qui n’avait rien à voir avec l’organisation politique qui a pris le même nom maintenant, et c’était un mouvement qui avait été créé à l’initiative du Parti communiste d’abord, d’ailleurs, mais j’y ai trouvé, moi, des gens de toutes tendances et même j’y ai connu un prêtre. Ce qui veut dire que dans ce mouvement il y a eu quand même des gens de tous les bords. Bien qu’une majorité de communistes s’y trouvait, c’est vrai, mais il y avait des gens de tous les bords. Et, euh... je finis ma formation à Hellemmes en 1942, et le 1er septembre 1942, je suis nommé au dépôt de locomotives de Tourcoing, un des techniciens chargé de l’entretien du matériel moteur par conséquent. Alors là, évidemment personne ne me connaît, mais bien sûr, 1942, il y avait déjà des revers en Russie, il y avait des événements en Afrique du Nord qui se passaient, les avances et reculs, avec Rommel et puis les Anglais de l’autre côté, eh bien, évidemment, dans la journée, on était amené, puisque tout le monde écoutait plus ou moins la radio anglaise bien entendu, on était amené à discuter de ces événements, de ce qui se passait, d’un côté et de l’autre. Et, bien sûr, ceux qui étaient déjà engagés dans un mouvement repéraient ainsi le terrain favorable pour être

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contacté, ou celui qu’il fallait éviter. J’ai donc été assez facilement repéré comme terrain favorable.

- Et ton père en plus ? - Ah non, mon père n’était pas cheminot, il travaillait dans une...

- Il avait des connexions déjà avec le Front national ? - Oui, oui, oui, avant moi, dès 1942, puisque le 2 mai 1942, j’avais commencé à diffuser des journaux. Mais là, c’est le Front national qui m’a contacté, puisque à l’époque, c’est donc en septembre 1942, par la suite c’est le réseau Sylvestre qui a été très implanté dans le milieu cheminot, fin 42, début 43 en particulier. Donc à partir... Si ça c’était produit plus tard, peut-être aurais-je été contacté tout simplement par le réseau Sylvestre et puis je serais entré dans ce réseau-là. On entrait dans un réseau par le contact qu’on avait, qu’on ne choisissait pas.

- Professionnel... ? Alors, pour essayer de bien poser le décor, dans un dépôt comme celui de Tourcoing, il y a là-dedans des cheminots allemands, des cheminots de la Reichsbahn, quels sont les rapports entre les cheminots allemands et les cheminots français ? - D’abord, il faut savoir que les cheminots allemands qui étaient présents dans toutes les emprises SNCF, partout, même aux ateliers d’Hellemmes il y en avait, étaient en uniforme et étaient armés. Ils étaient donc considérés comme des militaires. Aucun d’eux ne parlait le français, il y avait donc des interprètes et disons que les contacts se faisaient essentiellement, tout au moins pour nous le personnel, par des interprètes qui nous parlaient de ceci ou de cela, et c’est tout. Par contre, au niveau direction, il y avait des contacts plus rapprochés bien entendu, par l’intermédiaire des interprètes également.

- D’accord. Donc, là, on est dans cet atelier, au dépôt de Tourcoing et, petit à petit, tu prends des responsabilités, des engagements plus forts ? - Oui, alors, le contact avec le Front national a été un contact Front national pur au départ. C’est-à-dire que j’ai eu un contact en particulier pour le syndicalisme clandestin et ce contact parisien que l’on avait, c’était... son pseudonyme c’était Friquet, Robert Hernio qui doit être décédé maintenant, puisqu’il habitait en Bretagne, et donc, périodiquement, il venait nous voir et avec un cheminot du dépôt de Tourcoing, Charles Belin, nous étions les deux contacts de ce dirigeant national qui..., qu’on rencontrait tous les 15 jours-trois semaines, enfin périodiquement, et à partir de ça, il donnait des instructions, « essayez de faire ceci, essayez de faire cela » ; et il faut dire qu’au dépôt de Tourcoing nous sommes arrivés à fomenter une grève, en août 43, ce qui était assez rare, et on a pu utiliser le prétexte suivant : quatre de nos camarades de travail étaient mutés par la direction dans un autre établissement sous le prétexte « insuffisamment productifs ». Alors on a réussi à utiliser ce prétexte pour faire arrêter le travail pendant quelques heures, un après- midi en août 43, ce qui était très dangereux bien entendu, hein, et d’autre part, eh bien évidemment, on diffusait toute la presse Front national...

- Tu te rappelles les titres ? - Eh bien, il y avait le journal du Front national, Franc tireur, il y avait tous les journaux édités par le Front national et très souvent il arrivait qu’on n’ait pas suffisamment de matériel et avec Charles Belin, on se réunissait un soir et puis on discutait, on peut parler de ceci de cela, je rédigeais un texte et avec la pâte à

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polycopier on faisait une série d’exemplaires, mais avec une matrice de pâte à polycopier, on faisait 20 exemplaires, il fallait donc que je recommence X matrices pour pouvoir refaire 100 ou 150 exemplaires, et on y passait toute la nuit. On a fait ça tous les deux au moins trois ou quatre fois quand même, hein.

- Et comment se faisait la diffusion ? - Et c’est nous qui faisions la diffusion, évidemment comme tous les journaux clandestins, à l’abri des regards indiscrets...

- Sur les lieux de travail ? - Sur les lieux de travail, les armoires vestiaires essentiellement.

- Alors, petit à petit il y a une prise de risques progressive qui se fait, qui conduit à chercher à nuire à l’occupant, de quelle façon ? - Tout d’abord, eh bien, j’ai commencé à imaginer, et puis le réseau Sylvestre avait commencé à naître, et puis j’ai fait la connaissance, enfin, appris que Paul Cousaert...

- Il faut expliquer pour les plus jeunes que Paul Cousaert, c’est un réseau franco- britannique. - Oui, c’était un réseau franco-britannique qui était monté par un capitaine..., officier anglais, le capitaine Michel, son nom : Michael Trotobas, qui était à l’un des réseaux du SOE dirigé sur l’ensemble de la France par le colonel Buckmaster. Et, donc, Paul Cousaert qui était entré dans ce réseau, ben on discutait tous les deux ce qu’on peut faire, et puis on a pensé, en particulier, à essayer de provoquer des chauffages de boîtes d’essieux.

- Ceci aussi est important, comme quoi tu es cheminot tu connais bien la chose, comment on peut arriver à paralyser une machine discrètement ? - Alors, les locomotives à vapeur et les wagons à l’époque, les essieux tournaient dans des boîtes avec des coussinets, des coussinets qui étaient garnis d’un métal appelé antifriction, mais qui évidemment étaient graissés avec de l’huile. Il y avait donc une réserve d’huile et, cette huile devait être pure, s’il y avait des impuretés dedans, ça arrivait à provoquer ce qu’on appelait un chauffage, c’est-à-dire que des impuretés qui venaient, ça faisait chauffer l’essieu, ça pouvait aller très loin puisque ça pouvait faire rougir et même une rupture d’essieu. Alors, notre technique était la suivante : comme il y avait à notre disposition des poudres abrasives pour faire le rodage des clapets, des robinets qui sont nombreux sur une locomotive à vapeur, eh bien on utilisait un petit peu de cette poudre qu’on mettait en petite quantité, dans les petits bacs de réserve d’huile qui alimentaient chacune des boîtes d’essieux. Alors, bien sûr, un chauffage de boîte d’essieux sur une locomotive, ça peut..., ça paraît normal, bien que le dépôt de Tourcoing qui était un dépôt, logiquement, normalement, [qui] pouvait avoir une boîte chaude par mois et encore, on en est arrivé, à un moment, à en avoir cinq et six par semaine. Des enquêtes ont été faites, rien n’a été découvert, ce qui fait qu’il fallait, pour nous, surtout éviter qu’il y en ait deux sur une même locomotive. Ce qui fait qu’avec Paul Cousaert, on disait, « Paul, attention, j’ai fait une boîte chaude à telle locomotive », il savait qu’il devait pas y aller. On s’arrangeait comme ça. Et puis on a même imaginé tous les deux de faire des montages d’embiellage de distribution de vapeur, sur des locomotives, à l’occasion d’une modification qui se faisait, un montage tel, ben, que il y avait un axe qui partait, donc il y avait une avarie qui produisait en ligne. Il est évident que ce soit une boîte chaude ou n’importe quelle avarie, sur une locomotive, ça se produit toujours lorsque cette

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loco est en tête d’un train, en train de remorquer à grande vitesse. Ce qui fait que sur la voie, en pleine ligne, le train se trouve bloqué, ce qui est derrière l’est également, et puis, bon, il faut venir sur place, enlever la machine, en amener une autre, emmener celle-là, faire la réparation et il y a donc un retard important qui se produit pour ce train et pour ceux qui sont derrière. De même qu’un déraillement se produit, là c’est pareil, fallait dépanner, fallait remettre sur les voies. La voie contiguë était bloquée pendant un certain temps, mais cette voie évidemment était assez rapidement dégagée pour laisser passer les trains quand même, qui passaient au pas, mais qui passaient. Par contre, le capitaine Michel avait envisagé, avant d’être abattu le 27 novembre 1943 à Lille comme on le sait, eh bien il avait envisagé de provoquer des avaries sur les locomotives pour les rendre indisponibles pendant un certain temps. Ce qui fait que, ben, un jour, en décembre 43, Paul Cousaert, un après-midi, le 20 décembre, est venu me dire, « Eh bien, écoute, on va faire une opération ». C’était Arthur Malfait, l’un des adjoints du capitaine Michel qui par conséquent avait pris l’initiative de réaliser une de ces opérations imaginées par le capitaine Michel, qui malheureusement, était disparu depuis le 27 novembre.

- Il faudrait peut-être dire que le capitaine Michel était un professionnel de l’action qui donc avait ciblé des objectifs... - Oui, oui, il avait ciblé des objectifs économiques, les chemins de fer bien sûr parce que c’était très important pour les Allemands qui, manquant de carburant, avaient intérêt à faire transporter le maximum de leur matériel, de leurs hommes, de leur ravitaillement par voie ferrée, hein, et économiser le carburant. Et si on gênait les transports, c’était toujours intéressant, de même que les voies fluviales ont été également l’objet d’attaques, de même que les lignes téléphoniques pour les communications. Donc, pour cette attaque-là, le 20 décembre après-midi, Paul Cousaert est venu me voir, enfin l’après-midi, et m’a dit : « Tu veux venir avec nous, on va faire une opération ce soir, cette nuit, là, contre le dépôt, on fout des locos en l’air... », « D’accord ! », alors rendez-vous est pris pour 23 h. Nous nous retrouvons à 23 h au dépôt, ensemble, et là les charges qui avaient été préparées l’après-midi dans une maison du quartier, avaient été amenées, par Paul Cousaert d’ailleurs, au dépôt et à 23 h nous nous réunissons dans un bâtiment qui était la lampisterie, nous étions cinq. Il y avait donc Arthur Malfait, qui n’était pas cheminot lui, il y avait Gabriel Royer qui était cheminot et trois jeunes du dépôt, Jean Debruyne, Paul Cousaert et moi. Et donc, nous choisissons, Arthur Malfait, Paul Cousaert et moi, les locomotives, et donc nous prenons les charges, prévues pour ça, c’est qu’il y avait des retardements de 2 h.

- C’était du matériel anglais ? - Matériel anglais, qui provenait des parachutages dans le Pas-de-Calais en particulier. Et les deux autres devaient pénétrer dans l’atelier par la fenêtre du fond dont j’avais tourné l’espagnolette avant de partir, en fin de service, de façon qu’on n’ait qu’à la pousser. Pour les machines-outils, les retards prévus étaient d’une demi- heure, retard que l’on connaissait par la couleur de la goupille de sécurité qui était sur le crayon à temps. Et nous partons, Paul, Arthur et moi, d’abord on met des charges sur deux locomotives à la force roue [ ?] où on réparait les chauffages de boîtes d’essieux, ça faisait la queue là, deux locomotives prêtes à partir, on leur dit deux mots, et ensuite neuf locos dans la rotonde. Malgré la présence de sentinelles allemandes dans la rotonde, du poste de garde allemand, des cheminots allemands

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qui étaient toujours là présents évidemment 24 h sur 24 et qui étaient armés, et de cinq Français, payés pour surveiller, mais comme rien ne se passait jamais, les gars étaient, fin décembre, en train de se chauffer autour d’un brasero. Nous sortons, les trois de la rotonde, on retrouve les deux autres qui n’avaient pas pu pénétrer dans l’atelier, quelqu’un mal intentionné – « Tiens, on a oublié de fermer la fenêtre ! » – et il l’avait fermée, et par conséquent les copains voulaient abandonner et je dis : « Non, on va y aller », je vais chercher un morceau de ferraille, je vais casser la fenêtre, et puis après on a attendu quelques instants pour être certains que le bruit n’a pas été perçu, je suis entré par la fenêtre, j’ai ouvert la porte et là tout le monde est entré et on a posé les charges sur les machines-outils. Neuf machines-outils, deux vérins de base, j’avais quatre vérins, des grands vérins qui permettaient de lever complètement une locomotive pour faire de grosses réparations. Neuf machines-outils, sur ces neuf machines-outils, six vont aller à la mitraille, les trois autres nécessitaient des réparations longues, mais pas de remplacement par des machines-outils neuves parce que tout ce qui était construction neuve partait en Allemagne pour remplacer ce qui était démoli par les bombardements. Et onze locos, trois, la première remise en service fin février, progressivement remises en service, le 1er mai 1944, quatre encore pas réparées. L’atelier, bloqué, et les machines-outils qu’il a fallu trouver à droite et à gauche, l’atelier a été inopérant pour l’entretien jusqu’en avril 1944. Ce qui fait que des locos manquaient à l’appel pour remorquer des trains, donc le but visé par le capitaine Michel était bien atteint, et, en plus, l’atelier inopérant obligeait les locos qui devaient passer en révision ou en entretien, des réparations, a être groupées en convoi, acheminées à Lille-Délivrance où là elles attendaient leur tour parce que Lille avait les siennes également, et au lieu d’être immobilisées, si Tourcoing avait été opérationnel, leur immobilisation durait quelquefois jusqu’à une semaine, donc du temps supplémentaire où elles manquaient à l’appel pour remorquer des trains.

- Alors, bien évidemment, les Allemands vont réagir à cette opération. Peux-tu nous dire en quelle circonstance ? - Alors, les Allemands, évidemment, bon, c’était... ça apparaissait comme le nez au milieu de la figure qu’il y avait des spécialistes dans l’affaire. Ils avaient donc arrêté tous les gars qui avaient travaillé pendant la nuit du 20 au 21 et qui avaient travaillé jusque, en soirée, jusqu’à 22 h. Et parmi eux, un jeune, tourneur, son père comme les membres des familles des autres gars, portait à manger, le matin, le midi et soir, là où ils étaient, et deux jours après, un midi, les Allemands ont conservé ce gars avec eux. Et ce gars devait connaître un peu les gens, pensait que untel, untel devait appartenir... il est resté avec les Allemands le midi et comme par hasard, l’après-midi même, les Allemands venaient au dépôt et demandaient Paul Cousaert. Ils étaient deux, le père et le fils, qui se prénommaient de la même manière, donc, c’est le père qui s’est présenté, ils sont repartis avec lui. À leur arrivée là-bas, l’intéressé à dû dire : « Non, c’est pas lui, c’est le fils. » Ils sont revenus, on avait fini la journée, par conséquent chacun était reparti, mais Paul savait bien que ce n’est pas à son père qu’on en voulait mais à lui. Il est donc passé chez sa mère pour l’aviser, il était chez lui, en train de préparer des vêtements, pour partir dans la clandestinité, mais évidemment pendant ce temps-là, les autres étaient passés au dépôt, avaient l’adresse, et il était encore chez lui, il n’était pas encore parti lorsqu’ils sont arrivés. Il a donc été arrêté, on sait qu’il a été torturé, il a subi le casque avec les vis pénétrant dans la boîte crânienne, et il a été déporté en Allemagne et on sait par un de ses camarade du camp comment il est décédé au cours du transfert d’un camp à un autre

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avec l’avance des Russes. À trois, un soir, en janvier 1945, ils ont tenté l’évasion, deux ont été repris, dont lui, ils ont bien sûr été abattus sur place, et le troisième a réussi à rester caché, c’est comme ça qu’on le sait. Et, par conséquent, il a été libéré par les Russes deux jours après. Il est revenu avec les Russes sur place pensant enterrer ses copains, mais les Russes n’ont pas laissé faire parce que souvent les SS minaient les cadavres pour les faire péter quant on y touchait.

- Quel âge avait Paul Cousaert lorsqu’il a été arrêté ? - Paul Cousaert est de 21, de juillet 1921.

- Donc, l’arrestation de Paul Cousaert, c’est un signal ? - C’est un signal, automatiquement, un gars arrêté, l’esprit de sécurité nous a obligés, les quatre autres, à partir dans la clandestinité.

- Alors, c’est pour toi, c’est un changement de vie ? - Un changement de vie commence, me voilà clandestin, et bien sûr, comme j’étais entré ... à mon entrée au Front national, j’avais adhéré aux Francs-tireurs partisans, qui étaient la branche militaire du Front national, je suis parti dans les FTP, j’étais donc devenu un permanent des FTP hébergé d’abord à Roncq puis à différents endroits comme chacun sait.

- Avant qu’on aborde ta vie clandestine, Georges, j’aimerais que tu expliques un peu pour les gens d’aujourd’hui qui connaissent très mal les chemins de fer de l’époque, et qui ont souvent une vision un peu mythologique, on voit toujours le déraillement comme étant l’action symbolique de la résistance française entre 1940 et 1944. Est-ce qu’il n’y a qu’une seule méthode pour faire dérailler un train ? - Oh non, il y avait évidemment plusieurs façons d’opérer, il y avait une façon manuelle, disons, qui, au moyen des clés utilisées normalement pour faire l’entretien et la mise en place des voies, hein, de déboulonner des bouts de rail, avec, au droit d’une éclisse, à la jonction entre deux rails, et parce que à l’époque les rails n’étaient pas continus, c’étaient des longueurs mises bout à bout, et enlever les éclisses, et puis le rail tordu, pour faire partir sur le côté de la voie, et donc déraillement. Autre moyen, au moyen d’explosifs. Avec des charges, placées de part et d’autre des rails, avec un contacteur, qui est placé un peu en avant, lorsque la locomotive..., le premier essieu va faire claquer par conséquent les charges, et puis, un morceau de rail qui manque, et par conséquent, il y a déraillement également. Alors, après, évidemment, il y avait le choix de l’endroit pour pouvoir le faire, quelquefois le choix n’était pas très judicieux, mais souvent il était bon quand même.

- Les courbes ? - Les courbes, les talus, ça dégringolait, en particulier quand il s’agissait d’un convoi militaire avec du matériel, ça faisait assez bien de dégâts. Quelquefois en pleine ville, c’était à éviter, malheureusement, ça a été le cas à Ascq. On sait ce qui en a suivi.

- On en vient maintenant à la période de ta vie clandestine. Quel est le quotidien d’un clandestin, qu’est-ce que ça signifie être clandestin chaque jour ? - Être clandestin, c’est déjà évidemment, avoir une autre identité, à laquelle il faut s’adapter, connaître ce nom, et puis essayer de choisir quelque chose, qui, notamment au point de vue prénom et appellation habituelle, ressemble un peu à... alors, moi, c’était Georges, on m’appelait Jo, donc j’ai choisi comme prénom Joseph et comme j’avais un cousin qui s’appelait André, on l’appelait l’André, j’ai choisi le nom de Landré, j’avais déjà un petit peu ces trucs-là, un petit peu habitué à ça. Parce que

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évidemment, si on m’appelait Jo et qu’il y avait des gens là et qu’on vérifiait l’identité, et que c’était tout à fait un autre prénom, ça pouvait être bizarre. Ça c’est un premier point. Alors, après, évidemment, là, c’est... sachant que bien sûr on risque l’arrestation, que peut-être bien le copain qui a été arrêté, sous la torture, peut-être va parler, il faut savoir qu’on peut être recherché, et par conséquent, essayer d’éviter, et être toujours aux aguets, on est dehors, et même à l’intérieur quand on est dans une maison, on n’est jamais à l’abri, il peut toujours y avoir une descente et être arrêté. Donc c’est constamment être aux aguets pour essayer d’échapper, et puis, toujours être en train d’observer, s’il va y avoir une rafle qui se prépare, essayer d’éviter d’être dedans, toujours essayer d’éviter d’être dans la grande foule et d’essayer... Les cinémas, plus question, les sorties, plus question, c’est évidemment faire son boulot, aller à ses rendez-vous et faire ce qu’on a à faire simplement.

- Il faut être planqué aussi ? - Être planqué, mais la planque, les gens qui nous hébergent, qui risquent gros, obligatoirement on est obligé de changer périodiquement, tous les quinze jours, trois semaines, il fallait changer et puis il fallait retrouver d’autres Français patriotes qui acceptaient de nous héberger parce c’était très dangereux pour eux.

- Tu peux faire quelques portraits de ces gens qui t’ont hébergé ? - Des gens qui m’ont hébergé par exemple, je me souviens de personnes, la dame vit encore, le monsieur a malheureusement été arrêté d’ailleurs après, des gens qui habitaient rue de Verdun à Tourcoing, qui étaient des amis d’une de mes sœurs, ma sœur qui était plus âgée que moi, et qui ont accepté de m’héberger trois semaines à peu près, après mon départ, puisque au début j’étais à Roncq, après je suis revenu là, je suis reparti à Roncq, je suis revenu à Tourcoing, enfin, différents endroits. Et ces gens m’ont d’abord hébergé, ensuite je leur ai demandé s’ils pouvaient me mettre à l’abri du matériel, et puis après je leur demandé s’ils pouvaient accueillir des réunions nocturnes d’état-major, et malheureusement comme il y a eu un gars qui a réussi à s’infiltrer dans les rangs et arriver à ce niveau-là, une arrestation importante s’est faite en avril 1944, à Tourcoing, rue Dugay-Trouin et, là, le gars qui avait dénoncé connaissait également ces gens-là et puis le monsieur a été arrêté, il a été déporté, il a fait des prisons successives, il a fait dix-sept prisons et il n’a été libéré, il n’est rentré qu’en septembre 1945.

- Donc, tu te déplaces, tu changes de plan, pour l’argent, pour la nourriture... ? - Alors, pour l’argent, le mouvement FTPF disposait d’argent qui, pour la plupart du temps, était de l’argent qu’on allait chercher, les payes de grosses entreprises, des choses comme ça. Pour ma part, j’ai eu à participer une fois au moins à aller prendre la recette d’un gros chevillard qui sortait de l’abattoir de Lille. Par contre, les tickets de ravitaillement, on allait se servir dans les mairies, on faisait une attaque. En règle générale, avec des complicités au départ quand même, hein, à l’intérieur. J’ai participé à une attaque à Roncq par exemple, donc on avait les tickets de ravitaillement, on en avait plus, on nous en donnait plusieurs jeux, de façon à pouvoir en donner davantage aux gens qui nous hébergeaient, en remerciement. Et l’argent qu’on avait, évidemment, c’était pour vivre, donc on leur payait également la nourriture. Et puis le reste c’était pour vivre, nos déplacements, nos transports en commun, il fallait bien vivre quand même, mais pas de distraction évidemment.

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- Quelles sont les activités que tu es amené à entreprendre, en tant que clandestin, dans les cinq à six premiers mois de 1944 ? - Alors, dès que je suis clandestin je deviens l’adjoint de Joseph Catry qui était le responsable FTP qui m’avait recruté, qui était le technicien du secteur, et qui malheureusement était malade, et par conséquent, je suis immédiatement devenu son adjoint et lorsqu’il n’a plus été capable, je suis devenu le technicien pour la région, donc, le matériel qu’on pouvait avoir, si on avait besoin de préparation de charges, pour un endroit ou pour un autre, c’était moi qui devait préparer tout ça. À l’occasion, j’ai préparé, avec des boîtes de conserve et des bouts de bois, des contacts, des pédales pour faire le contact, pour provoquer des déraillements par exemple, des choses comme ça.

- Est-ce que tu peux préciser l’organisation interne des FTP ? Y a-t-il une répartition des tâches présentée ? - Alors, la répartition des tâches, un détail c’était des trinômes en fait. Alors, il y a un gars qui est le chef militaire, qui règle l’organisation, il y a un gars qui est le financier, tout ce qui est tickets de ravitaillement et finances, et puis il y a le troisième qui est l’aspect plus politique de l’affaire, l’orientation de l’affaire. Et les trois ont évidemment des contacts avec leur correspondant au niveau régional, par secteur. Et entre eux, en liaison avec les contact directs du..., moi, mon chef direct c’est Marcel Verfaillie qui était arrêté à Tourcoing là, commandant Guy, en parallèle avec ça, il y a les agents de liaison, qui doublent les contacts de façon à permettre de renouer ceux-ci dans le cas où on loupe un rendez-vous. Parce qu’évidemment, une alerte obligeait... les transports en communs arrêtés, obligeait d’être à l’abri, et puis les rendez-vous étaient loupés. Donc, le contact pouvait se renouer au moyen des agents de liaison.

- Quelles sont les actions auxquelles tu participes dans les premiers mois de l’année 1944, dans le cadre de ta vie clandestine ? - Alors, pour moi, essentiellement c’est en tant que technicien, mais lorsque j’ai été appelé à aller chercher, dans le Pas-de-Calais, à Nœux-les-Mines d’ailleurs, du matériel qui nous parvenait par parachutage, ça doit être fin janvier, début février, ce matériel, là évidemment on l’a ramené à Tourcoing, d’ailleurs avec un épisode tout à fait particulier. Nous avions été demandés, deux gars, qui étions dans l’illégalité, d’aller à Nœux-les-Mines pour chercher du matériel. Alors, évidemment, comme d’habitude il y avait peu de choses, on était parti avec des valises. Arrivés là-bas, Pfff ! Oh, les valises ! Heureusement il y a un camion, un camion benne, on avait 25 mitraillettes, un fusil mitrailleur, un fusil antitank, des explosifs, enfin... des mines anti-personnels sous forme de crottin de cheval, enfin tout ce qui existait... et nous étions cinq, nous deux et trois gars qui étaient avec nous. Et le gars qui pilotait le véhicule, qui parlait un peu l’allemand, mais ne connaissait pas la région, on est partis, le soir commençait à arriver, et le gars, ne connaissant pas la région, s’est arrêté au niveau d’une sentinelle allemande, à qui il a demandé son chemin. Et l’autre, évidemment, lui a indiqué : « Pour partir, c’est par là. » Le gars n’était pas curieux, il a pas cherché à savoir ce qu’il y avait là-dedans, parce qu’il serait mort, mais nous aussi, parce que, évidemment, on serait pas allé loin. Et nous sommes arrivés à Tourcoing, chez les beaux-parents de Joseph Catry qui tenaient un commerce de boissons, eaux, sodas, bières..., enfin toutes les boissons, et donc on a mis le camion à l’abri là, pour le reste de la nuit. Et le lendemain on est allé transporter ça à Roncq, où on a planqué tout ça, et distribué après. Et ce matériel a

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donc servi, ça doit être en février, peu de temps après, moins de quinze jours après, et je suis allé avec un groupe de Roncq à qui j’avais demandé de m’accompagner, dire deux mots à un pylône de ligne à haute tension qui joignait Comines à Wasquehal sur le territoire de Linselles. Évidemment pylône choisi à un changement de direction de façon à ce qu’il se casse la figure parce que si on prend un pylône en ligne droite, les pieds sont coupés, mais il reste debout maintenu par les câbles. Tandis que là, ça fait deux feux d’artifice, l’explosion d’abord, et puis quelques secondes après, quand tout se casse, les flashes électriques et puis après toute la région est dans le noir immédiatement. Alors là, c’est la joie, comme à Tourcoing, la joie intense d’avoir réussi son opération. Et puis après, d’autres opérations encore, auxquelles j’ai participé et, lorsque j’ai été arrêté à Saint-Quentin, parce que suite à l’arrestation en avril à Tourcoing, je savais qu’il y avait une réunion à Saint-Quentin, pour une répartition de matériel, j’avais entendu parler : « Saint-Quentin, 17 h, gare » et je m’étais imaginé 17 h à la gare de Saint-Quentin. Je me débrouille pour y être au jour dit, à 17 h à la gare de Saint-Quentin, mais personne, évidemment, je tourne, et comme il y avait eu un commissaire de police collabo qui avait été abattu quinze jours auparavant, les flics français étaient sur les dents, et puis repéré et vérification d’identité, évidemment identité fausse, mais j’avais pas d’arme, rien du tout, j’avais une valise avec des bleus, parce que, le prétexte, j’allais chercher du travail, j’étais un réfractaire, j’avais l’âge des STO. Et par conséquent vérification d’identité, j’ai refusé de dévoiler mon identité au départ, parce qu’il fallait laisser le temps aux gens qui nous hébergeaient ou faire évacuer les copains, évacuer tout ce qui était chez eux, on ne savait jamais, et donc au bout de quelques jours, véritable identité, et puis, bon, à Tourcoing les flics qui ont répondu, ont dit qu’il n’y avait rien contre moi, alors qu’on savait que les Allemands, en principe, devaient plutôt chercher à nous avoir.

- En fait, la police française commençait un peu à changer de doctrine ? - Oui, on était à fin avril, ça commençait évidemment à bouger un petit peu, et donc, là, le jour où j’ai été arrêté, le soir même j’ai été enchaîné là à un radiateur. Un coup de téléphone, on demande une patrouille, avenue de la Chaussée-Romaine, à Saint- Quentin, un lieutenant de GMR interpellait un suspect. Et puis ils s’en vont, ils reviennent, et qui je vois arriver ? Un interrégional que je connaissais bien, Gaby.

- Un interrégional FTP ? - Un interrégional FTP, que je connaissais, qui était un de ceux qui devait être à cette réunion et c’est là que j’ai compris que les 17 h c’était à la gare de Lille pour aller à Saint-Quentin, et non pas 17 h à Saint-Quentin. Alors, ils étaient en train de chercher la maison dans laquelle il devait se rendre, et cet officier GMR qui habitait à proximité a eu peur, a sorti son arme, et évidemment a réussi à interpeller, mais lui, malheureusement, il a été pris avec des papiers sur lui. Donc là, on a passé quelques jours dans les cellules du commissariat de Saint-Quentin, ensemble, on a donc pu parler, et je lui ai expliqué ce que j’imaginais comme processus de défense, et il m’a dit : « Oui, bon, on peut essayer. » Et puis au bout d’une semaine il a été transféré à Paris, et je ne sais pas ce qu’il est devenu d’ailleurs, et moi, quand j’ai dévoilé mon identité, j’ai expliqué que j’étais un simple réfractaire au STO et que chez moi était venue une dame bien mise, manteau de fourrure, décrivant quelqu’un qui semblait issu de la haute bourgeoisie, qui m’avait proposé une carte d’identité, des tickets de ravitaillement, tout pour m’aider à ne pas partir au STO. Alors... Tourcoing a répondu certainement plutôt favorablement, et au bout de quinze jours, condamné à quinze

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jours de prison avec sursis, c’était déjà fait, et le soir même rentré à Tourcoing, pas chez moi bien sûr, mais deux jours après, la police de Saint-Quentin était chez mes parents, savait qui j’étais, je ne les avais pas attendus évidemment. Alors comment ils l’ont su, je n’en sais rien. Est-ce que quelqu’un, Tourcoing a donné un renseignement quand même, ou, est-ce que le gars qui avait été arrêté, me sachant arrêté, pour parler de quelqu’un a parlé de moi et de personne d’autre, je n’en sais rien, toujours est-il que ça s’est passé comme ça. Et là, bon, ben, j’ai passé un moment à Tourcoing, ensuite je suis arrivé à Roubaix où j’ai été nommé commandant de compagnie FTP qui commençait à se monter sur Roubaix, la Compagnie Domisse.

- Alors avant d’en venir aux événements qui vont suivre le débarquement du 6 juin, il s’est produit au mois d’avril 1944 dans la région lilloise deux événements très importants qui ne pouvaient que toucher un cheminot comme toi. Le premier événement c’est, bien sûr, le massacre d’Ascq, qui est la conséquence d’un sabotage réalisé par un petit groupe de la Voix du Nord. Comment est-ce que la nouvelle a été perçue par les cheminots, de ce massacre, quels étaient les enjeux qui ont été perçus ? - Ben, quand ça s’est produit, moi je n’étais plus parmi les cheminots, mais par contre, évidemment on en a entendu parler, on a su, bien sûr, que c’est ça, puisque on sait que les journalistes qui ne pouvaient expliquer ce qui c’était passé, avaient trouvé l’astuce de publier le même jour, les 86 noms des victimes d’Ascq, et par conséquent tout le monde a compris qu’il y avait eu quelque chose qui s’était passé. Par contre, ce qu’on savait bien, c’était surtout les bombardements.

- Avant de parler des bombardements, est-ce que il n’y a pas eu des discussions au sein des groupes de résistance pour l’attitude à adopter en cas de débarquement justement ? - Ben, non, évidemment pour nous les consignes étaient des attaques en particulier contre les chemins de fer, des déraillements étaient provoqués, il fallait essayer d’éviter justement les zones urbaines. Il fallait essayer de faire ça en campagne, de façon à ce qu’il y ait pour eux un temps de réaction avant d’arriver à quelque chose. Par contre, les bombardements, alors là il y a eu Lille-Délivrance en avril à Pâques 1944 où là, on sait que c’était les Américains qui avaient bombardé avec leur technique du tapis qui descendait et on sait le nombre de morts qu’il y a eu. Par contre, Tourcoing, la suite de notre opération a été à l’abri de bombardements pendant plusieurs mois. Et le premier bombardement qu’il y a eu sur Tourcoing, ça été le 13 mai 1944, où là, on sait que c’est le groupe Lorraine qui a fait le bombardement, et chaque avion a visé à tour de rôle, d’ailleurs j’ai chez moi une reproduction de la photo prise par le dernier avion, on voit tous les impacts bien groupés, quelques-uns en dehors de l’enceinte SNCF, mais tout bien groupé, et il n’y a eu, pour un bombardement de cette importance, quand même que, quand même huit morts, ce qui était peu, alors que nous, nous n’avons pas eu des morts dans la population civile, par contre, malheureusement, au dépôt de Tourcoing, on a eu un gars, un mort, mais accidentel. C’est un visiteur de machine qui était de service, et comme les Allemands n’osaient pas venir voir si les locomotives pouvaient partir ou pas, ils se sont mis à hurler tellement sur lui qu’il a eu plus peur des vociférations des Allemands que des risques d’explosions qui avaient commencé, et ils sont allés à deux, et au moment où ils passaient dans la rotonde, ils étaient deux, une charge a explosé, puis le gars a pris un morceau de tôle dans la cuisse et il a eu l’artère fémorale sectionnée. Ce qui fait qu’il a été transporté vers 1 heure et quart le 21 décembre au matin, il est mort quelques heures après, à 6 h du matin à l’hôpital de Roubaix. Mort accidentelle.

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- Pour en revenir aux bombardements du printemps 1944, on s’aperçoit qu’il y a toute une série d’opérations qui sont montées par les Anglais et les Américains, contre Lille, contre Somain... - Oui, tous les centres SNCF importants sont visés, les dépôts, les triages, tout, tout est visé, semblant indiquer que bon, ben, il faut détruire tous les moyens de transport parce que, ben, si un débarquement qui va se faire, il faut que tous ces moyens-là soient... On sait rien.

- Et il commence où le débarquement ? - On sait rien, à l’époque on ne sait rien par contre c’est dans la deuxième quinzaine de mai, je suis envoyé dans le sud des Ardennes, avec un gars de , un gars de mon âge, nous sommes envoyés dans la... à un rendez-vous avec un interrégional, Nicolas, qui nous donne rendez-vous à une intersection de routes. On s’en va le jour J et puis arrivés là, son agent de liaison, Claire, vient, nous dit : « Nicolas n’est pas là, il ne viendra que demain, il a été retenu par une réunion. » Le lendemain, on est là tous les trois à l’attendre, il arrive, et il nous explique : « Écoutez les gars, retour maison, mission supprimée », et il nous a expliqué ce qui nous attendait normalement. On devait avec lui, préparer des positions de repli pour nos groupes qui auraient reculé en même temps que les Allemands, suite au débarquement qui était prévu. Mais ça ne vous disait pas où le débarquement devait se faire.

- Mais la population pensait que c’était dans le Nord–Pas-de-Calais à l’époque ? - Ben, étant donné que c’était l’endroit le plus court et puis l’importance des bombardements faits dans notre région ont fait croire, et d’ailleurs on sait qu’il y a eu une opération d’intoxication anglaise, l’opération « Fortitude » qui a fait croire aux Allemands que le véritable débarquement serait sur les côtes de la mer du Nord. Ce qui fait que le 6 juin, il y a eu la Normandie, ils ont cru à une opération de diversion.

- Alors, le 6 juin, ça va bien sur relancer l’activité des groupes locaux de résistance ? - Oui, évidement, il faut reprendre, et puis surtout, les transports à essayer de gêner. Toujours, l’objectif principal, c’est ça, gêner les transports, et c’est là qu’il y avait déjà eu des attaques contre les voies fluviales, en particulier le réseau Sylvestre qui a attaqué des écluses notamment, et puis on sait qu’à la libération par exemple, le canal de Roubaix était à sec. Et tout ça était destiné à empêcher le transport, en particulier des matériaux, du ciment, pour les montées, les rampes de lancement qui étaient entrain de s’installer pour les V1 et les V2. Tout ça aussi, ça été un objectif en plus du renseignement qui était toujours aussi demandé. Essayer, chaque fois qu’un renseignement pouvait être recueilli, des unités qui arrivaient, repérer..., ces renseignements-là étaient toujours fournis et remontaient bien sûr pour arriver aux Britanniques.

- Alors pendant cette période qui va du 6 juin au début septembre 44, j’imagine que les Allemands vont être encore plus nerveux que d’habitude. Comment ça se traduit ? - Oui. Ça se traduit par des arrestations qui arrivent de plus en plus nombreuses, mais alors moi j’ai eu l’impression, durant le mois d’août 1944 en particulier, il y avait plus d’arrestations, mais on se sentait mal à l’aise, comment ça se fait, on est épié, on s’attendait à ce qu’il y ait des rafles monstres, heureusement, la libération est arrivée.

- Il y a eu quelques rafles ponctuelles, je crois ? - Oui, mais pour nous, dans nos rangs, nous les gens qui étions dans la clandestinité, on était assez inquiets quand même de se rendre compte qu’il n’y avait pas

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d’arrestations, alors qu’il y en avait de plus en plus, c’était de plus en plus fréquent et puis, là, y en avait pas. Alors là on se disait ça y est, ils sont en train d’essayer d’en repérer un maximum pour faire une rafle monstre, quelque chose de monumental, et heureusement, le 1er septembre est arrivé.

AUTEUR

LAURENT SEILLIER La Coupole

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Les « tracts » trouvés dans les emprises ferroviaires de 1941 à 1943 Choix commenté par Bruno Leroux, directeur historique de la Fondation de la Résistance et Cécile Hochard, docteur en histoire

Bruno Leroux et Cécile Hochard

NOTE DE L’ÉDITEUR

Le dossier iconographique est disponible dans son intégralité dans la version fac-similé à télécharger ci-dessous.

1 L’exposition Les cheminots dans la Résistance a permis de publier et de mettre en valeur une source encore inédite, les collections de papillons, tracts et journaux clandestins conservés par le Centre des archives historiques de la SNCF dans le fonds 25 LM. Il sont répartis en deux séries successives : propagande datée de novembre 1939 à janvier 1942 sous la rubrique « Répertoire de tracts communistes » (25 LM, carton 1934, chemises 7 et 8) puis propagande datée de juin 1942 à décembre 1943 sous celle de « Menées antinationales » (25 LM, carton 258, 18 chemises).

2 Ce fonds comprend, pour la première série, des « répertoires » où sont chronologiquement enregistrés les documents ramassés dans les emprises, rassemblés sous la dénomination « tracts » quelle que soit leur forme, des rapports bi-mensuels « concernant l’activité communiste et les mesures prises contre elle » et les papillons, tracts ou journaux eux-mêmes, accompagnés de la lettre qui les a transmis au Service central du personnel et qui décrit le lieu et les circonstances de la trouvaille. La seconde série réunit les « tracts » dans des pochettes mensuelles, à l’intérieur desquelles est agrafée une liste. Si ce relevé a été poursuivi en 1944, il n’a pas été conservé.

3 Le relevé par la SNCF des publications clandestines trouvées dans les emprises ferroviaires commence dès novembre 1939. Jusqu’à la défaite, il concerne la propagande contre la « guerre impérialiste » du PCF interdit, beaucoup plus rare à la

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SNCF que dans des secteurs impliquant des fabrications de guerre comme l’aéronautique.

4 Après l’armistice, le recensement continue. Chaque billet, tract, journal fait l’objet d’un commentaire détaillant plus ou moins précisément le lieu et la circonstance de la découverte. Tandis qu’un exemplaire (ou le texte reproduit) est transmis avec son commentaire aux polices française et allemande, un autre est conservé par la SNCF et transmis au Service central du personnel.

5 Deux sortes de presse clandestine sont repérées : celle qui transite par le réseau ferré et où toutes les grandes organisations clandestines sont représentées (voir ici les journaux Combat, Libération, des mouvements du même nom, et, surtout, celle qui prend les cheminots eux-mêmes pour cible (Le Rail rouge, Le Prolétaire du rail, Amiens libre...), où la propagande d’inspiration communiste prédomine. Celle-ci émane de la tendance ex- unitaire de la CGT clandestine, du PCF, mais aussi des nombreuses organisations-relais que celui-ci impulse sous l’occupation (Front national, comités populaires).

6 Comme les cheminots sont au cœur de son système de diffusion, cette propagande utilise des supports très variés : papillons manuscrits rédigés par les militants locaux, papillons ou tracts ronéotés émanant d’un « service technique », fascicules imprimés produits à l’échelon central. Les tracts sont lancés à la volée, diffusés dans les vestiaires tôt le matin, distribués dans les cantines des « roulants », envoyés sous pli fermé à des cibles de choix, cadres soupçonnés de zèle dans leur activité pour l’occupant ou dans le concours apporté à la répression contre des communistes...

7 Les dates de manifestations patriotiques ou syndicales – 14 Juillet, 11 Novembre, 1er Mai, bientôt les anniversaires de l’exécution de Pierre Semard le 7 mars 1942 – voient une recrudescence de la distribution comme des confiscations.

8 Pour la police, si le contenu des textes permet de décrire l’évolution de la stratégie du PCF, le type de support, les moyens de distribution, le nombre d’exemplaires sont les indicateurs de l’importance du groupe local impliqué.

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L’exposition «Les cheminots dans la Résistance»

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Les cheminots dans la Résistance. Une exposition

Marie-Noëlle Polino

1944-1945, Pierre Perronnet (2e à gauche) avec des collègues du dépôt SNCF de Clermont-Ferrand.

Photographie de l'affiche de l'exposition "Les cheminots dans la Résistance", Paris, Mémorial du Maréchal Leclerc de Hauteclocque et de la Libération de Paris, Musée Jean Moulin, 29 novembre 2005 - 15 avril 2006. Coll. Yves Perronnet.

1 Le Mémorial Leclerc de Hauteclocque et de la Libération de Paris et le Musée Jean Moulin ont accueilli à Paris, de novembre 2005 à avril 2006, l’exposition Les cheminots

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dans la Résistance, réalisée par la Fondation de la Résistance, en coopération avec l’AHICF, avec la participation et le soutien de la SNCF. L’exposition est présentée à la Cité du train (Mulhouse) pendant l’été 2006 puis rejoindra les villes, musées de la résistance et de la déportation, établissements d’enseignement, sites ferroviaires qui en feront la demande. Le calendrier de sa circulation sera publié sur le site Internet de l’AHICF.

2 L’exposition Les cheminots dans la Résistance entre dans le cadre d’une convention passée entre la SNCF et la Fondation de la Résistance. Celle-ci, fondation constituée en 1992 et reconnue d’utilité publique par un décret du 5 mars 1993, est placée sous le patronage du Président de la République. Ses deux missions principales sont la sauvegarde de la mémoire de la résistance contre l’occupant entre 1940 et 1945 et la transmission, aux jeunes générations et à la société en général, des valeurs individuelles et collectives qui motivaient les acteurs de la Résistance. Encourager la recherche historique dans ce domaine est un des moyens par lesquelles elle les remplit l’une et l’autre. Par ailleurs, la fondation peut accueillir des personnes physiques ou morales, publiques ou privées, notamment les associations liées à la Résistance désireuses de contribuer à son activité ou de se survivre grâce à elle. C’est ainsi que, lors de sa dissolution en juin 2000, l’association Résistance-Fer, constituée à l’automne 1944, a remis ses collections d’objets et actifs à la fondation tandis qu’elle versait ses papiers aux Archives nationales1. À la fin des années 1970, voyant les anciens résistants quitter la SNCF pour la retraite et soucieuse de la transmission du souvenir de l’action résistante aux nouvelles générations de cheminots, l’association avait créé une exposition de panneaux qui a circulé pendant plusieurs années par le courrier interne à la SNCF d’un établissement à l’autre. Ces panneaux se sont retrouvés dans les collections transmises à la fondation de la Résistance et ont fait naître l’idée d’une nouvelle exposition, elle aussi destinée à circuler, mais qui devrait répondre aux critères actuels de ce type de support avec, surtout, un contenu renouvelé grâce aux fonds d’archives aujourd’hui accessibles et aux recherches historiques les plus récentes.

3 L’exposition s’inscrit dans le mouvement général de transmission de la mémoire des témoins, peu à peu disparus, aux historiens qui ont à présent de la Résistance une vision d’ensemble – le Dictionnaire de la Résistance paru en avril 2006 en fait foi2 – en ce qu’elle est l’œuvre d’un comité d’historiens qui ont eu pour projet d’établir un bilan de nos connaissances sur les cheminots dans la Résistance3. Le titre choisi disait déjà la volonté de questionner l’image d’une « résistance des cheminots » et de restituer la multiplicité des cas individuels et des démarches personnelles, des organisations aussi qui ont fait appel aux cheminots pour le motif de leur profession et de ce que celle-ci impliquait pour l’action résistante.

4 L’exposé de ce bilan devait laisser voir le travail de recherche dont il était issu et faire état aussi bien des faits avérés que des sujets pouvant prêter aujourd’hui à des interprétations diverses voire opposées. En insistant sur la présentation de documents inédits ou trop dispersés pour avoir jamais été publiés ensemble, il lance un appel aux témoins et aux détenteurs d’archives de la résistance, de la déportation et plus largement de la Deuxième Guerre mondiale pour les inciter à les sauvegarder en les faisant connaître et en les confiant aux archives publiques4. Enfin, la forme adoptée pour l’exposition, 50 panneaux riches d’un texte important en volume et reproduisant les documents originaux, porte la volonté de sa circulation la plus large possible pour qu’elle soit connue de publics variés autant par la géographie que par l’âge ou la

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profession, en privilégiant d’une part les jeunes, lycéens et étudiants principalement, d’autre part les cheminots actifs et retraités5.

5 Ce projet se traduit par deux caractères particuliers à l’exposition : son étendue, d’abord. Enchaînant sept chapitres – la SNCF dans la France en guerre ; s’engager ; des formes d’action multiples ; les cheminots et la résistance organisée ; les cheminots dans la libération ; les cheminots face à la répression ; la mémoire –, l’exposition dépasse de beaucoup le cadre de l’occupation allemande.

6 L’importance du contexte s’est justifiée par la demande du public. Il comprend la création, par un décret du 31 août 1937 prenant effet au 1er janvier 1938, de la SNCF ; la mobilisation de l’entreprise et des cheminots, leur rôle précisément dans la mobilisation générale, dans l’exode ; la communauté professionnelle en 1938 et ses caractères propres. Si l’histoire de la Deuxième Guerre mondiale doit être rappelée dans un souci pédagogique, il en va de même du système technique ferroviaire et des conditions de travail de l’entre-deux-guerres qui ont été oubliés et ne font plus partie du savoir partagé du public : c’est pourquoi la projection du documentaire Ceux du rail, tourné en 1942, qui raconte la journée de travail d’une équipe de conduite, mécanicien et chauffeur, a été incluse dans la présentation parisienne de l’exposition6. Il s’agit aussi et surtout de faire ressortir la résistance et sa définition progressive de ce tableau général : ni « travail au ralenti » ; ni « geste occasionnel », même si s’ils sont passibles d’une répression aussi forte que d’autres, la résistance est l’action qui résulte d’un engagement. Celui-ci ne se résume pas à l’affiliation à un mouvement ou à un réseau : il peut exister des résistants isolés et qui le resteront, d’autres travaillent pour plusieurs organisations. Le parti est donc pris de restituer des itinéraires singuliers qui vont démontrer à chaque étape du discours la diversité de ces engagements et des formes d’action qui se succèdent pendant quatre ans. Enfin, la guerre, dans le contexte de laquelle se trouve la SNCF, ne doit jamais être oubliée avec ce qu’elle impose de contraintes : un territoire émietté par les lignes séparant les différentes zones – lignes que le cheminot peut franchir ; une pénurie omniprésente qui envahit la vie quotidienne – le cheminot peut circuler entre villes et entre villes et campagnes et transporter du ravitaillement ; une absence complète d’information que nous ne parvenons que difficilement à nous représenter – le cheminot peut seul connaître certains faits et transmettre presse, courrier et messages clandestins.

7 À l’autre extrémité de l’exposition, l’importance donnée à la mémoire de la Résistance a pu également surprendre. Outre l’influence de l’historiographie actuelle, qui inclut dans l’histoire d’un événement ses représentations et sa transmission, il faut y voir un trait particulier non seulement à la résistance, mais à son histoire dans le monde cheminot. L’importance du rôle de l’association Résistance-Fer et de son identification réussie à la résistance organisée des cheminots dans la SNCF, puis la critique de cette construction par d’autres acteurs de la Résistance (notamment les organisations de la mouvance communiste), ont conduit les auteurs de l’exposition à retracer précisément l’évolution du souvenir de la Résistance et son utilisation par les forces politiques de l’après-guerre – un fait historique et une forme d’action justifiés par leur contexte comme ceux qui les ont précédés, les motivations des acteurs d’alors n’étant pas forcément synonymes de volonté de « récupération » condamnable sans examen. Surtout, il s’agit d’appeler le public, y compris les professionnels de l’histoire, à revenir sur sa représentation des cheminots dans la résistance.

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8 La volonté de montrer les lacunes de la connaissance et les ombres qui entourent certaines questions historiques est le deuxième trait particulier à cette exposition.

9 Venue soixante ans après la libération et plusieurs centaines, sinon milliers de titres parus sur la Résistance, l’exposition intègre et diffuse des connaissances qui ne pouvaient être celles des rédacteurs des années 1970. Ainsi, elle explore l’application aux cheminots du concept de « fonctionnalité », défini par François Marcot7, à la lumière de ce qu’on sait à présent d’autres corporations, Georges Ribeill en donne un exemple dans le présent volume. Cependant, une étude quantitative exhaustive, une statistique de la présence des cheminots dans la résistance sont et resteront impossibles, par manque de sources, mais surtout de l’accord de celles-ci sur la définition de l’action résistante. Certes, faute de mieux, l’exposition présente les chiffres résultant des quelques monographies départementales existantes, fondées sur la prise en compte des cartes des « Combattants volontaires de la Résistance ». Mais ces sources postérieures à la guerre, qui correspondent aux demandes de reconnaissance de services rendus ouvrant droit à pension, sous-estiment dans une mesure qui reste à apprécier la résistance de type non militaire. Plutôt que d’écrire une histoire qui partirait de la SNCF pour établir et qualifier la résistance de ses agents, une démarche faite en son temps par Paul Durand ou avant lui par les scénaristes de Bataille du rail qui a pour résultat la prédominance de l’image d’une « entreprise résistante », les auteurs de l’exposition, spécialistes de la résistance mais non des cheminots, même s’ils le sont devenus8, sont partis de tout ce que nous savons aujourd’hui de la Résistance pour trouver des traces avérées des engagements individuels des cheminots dans les différentes organisations clandestines. Elles permettent de dégager la spécificité d’une corporation sollicitée pour à peu près toutes les formes d’action résistante, ce qui explique l’implication progressive de cheminots de tous métiers, de tous grades, de tous âges. Elles montrent aussi l’importance de la diversité des itinéraires individuels avant et pendant la période de la Résistance, au-delà de l’appartenance commune à l’entreprise.

10 Inversement, l’exposition met en valeur des faits nouveaux, soit qu’ils aient été connus ou reconnus tardivement, soit que la synthèse de faits dispersés permette à présent d’insister davantage sur des traits de l’action résistante des cheminots qui ne tenaient pas jusqu’ici le devant de la scène historique : il en est ainsi du rôle essentiel des cheminots dans l’information et la diffusion de la presse clandestine, acheminée par le système de l’enregistrement des bagages, alors général ; du rôle des syndicats clandestins et « légaux » et des rapports entre les deux types d’organisations, souvent animées par les mêmes militants ; de l’application à et par la SNCF des lois d’exclusion de Vichy, en particulier antisémites, et de la répression anti-communiste depuis 1939 ; de l’histoire des sabotages de voies, enfin, trop souvent, à tort, assimilés à l’action des cheminots dont ils seraient la forme exclusive. S’ils ont renseigné les unités de saboteurs tant sur les cibles que sur les moyens (sabotage par détirefonnage), les cheminots eux-mêmes ont rarement été impliqués dans ces actions avant l’application du plan vert à l’été 1944. Quant à l’utilisation du plastic parachuté par les alliés, elle est tardive. En revanche, la mise hors service du matériel roulant dans les ateliers, par des moyens qui en retardent l’effet, est bien une action cheminote, avec l’exception de l’action directe comme celle qu’a entreprise avec succès le groupe auquel appartient Georges Delepaut à Tourcoing.

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11 La possibilité des déportations, ou du moins le fait que rien n’a été opposé à la circulation des trains, en particulier ceux, les derniers, qui sont encore partis vers l’Allemagne à l’été 1944, fait partie des interrogations qui s’adressent à toute la période et à tous ses acteurs mais qui, comme le montrent les analyses de Christian Chevandier, ont été surtout dirigées en France vers les cheminots comme groupe professionnel. L’exposition, dans sa première partie, inclut les trains de la déportation dans les contraintes imposées à la SNCF par l’occupant ; au titre des formes d’action, elle mentionne l’aide ponctuelle apportée aux personnes déportées pendant leur trajet en France – transmission de messages, par exemple ; enfin, au chapitre de la libération, elle décrit les derniers trains qui sont parvenus jusqu’en Allemagne, comme celui parti de Toulouse au début de juillet 1944, et ceux qui ont été arrêtés, soit sur ordre (Péronne), soit par un détournement suivi d’un assaut des forces locales de résistance aidées par les alliés (Annonay), en rappelant le contexte militaire de l’époque qui n’était pas favorable à la généralisation de telles actions. L’exposition n’oppose pas résistance et déportation –car elles ne s’annulent pas, ni dans un sens, ni dans l’autre. Elle n’ignore ni ne nie, mais est bien loin aussi de la dénégation, comme une interprétation en termes uniquement militaires de la résistance aurait pu y être encline dans l’après-guerre, les victimes civiles étant considérées alors comme les dommages collatéraux de l’action militaire. Elle rappelle la complexité de la position des cheminots qu’ils doivent à leur appartenance professionnelle, celle-là même qui leur a donné des moyens d’action9.

12 Pour toutes ces raisons, une telle exposition était nécessaire et la forme qu’elle a adoptée doit lui garantir la publicité qu’elle mérite10. Son caractère pédagogique – elle a été plébiscitée par les enseignants qui l’ont visitée –, son efficacité dans la diffusion de la recherche historique sont avérés, ainsi que la force des témoignages transmis et des documents choisis. Alliant mémoire et histoire, institutions dédiées à l’une et à l’autre et volonté d’une entreprise, on peut dire qu’elle réussit son pari d’actualité tout en étant un hommage au passé qu’elle contribue à faire plus exactement connaître.

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Figure 1.Une vue de l’exposition dans la présentation parisienne.

La Fondation de la Résistance avait prêté des objets de la collection Résistance-Fer (faux papiers, brassards, diplômes et citations d’après guerre) et quelques panneaux de l’exposition réalisée par cette association en 1978-1980. Chaque institution qui recevra l’exposition est invitée à l’enrichir par des éléments se rapportant à l’action des cheminots locaux dans la Résistance. Cl. AHICF / M.-N. Polino.

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Figure 2

Odette Christienne, adjointe au maire de Paris, chargée de la mémoire, du monde combattant et des archives, Louis Gallois, président de la SNCF, Pierre Morel, président du Comité d'action de la Résistance et Pierre Sudreau, ancien ministre, vice-présidents de la Fondation de la Résistance, visitent l’exposition le jour de son inauguration parisienne sous la conduite de Bruno Leroux (à gauche). Cl. AHICF / M.-N. Polino.

Figure 3. Le panneau "1939-1940. Une mobilisation totale face à la guerre" et le panneau "Les derniers trains de la déportation" de l’exposition Les cheminots dans la Résistance.

Le graphisme des panneaux engage le lecteur à différencier les chapitres et à suivre le déroulement chronologique du discours. Il privilégie certains documents particulièrement utiles ou frappants : cartes, photographies, affiches. © Fondation de la Résistance

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NOTES

1. Voir l’inventaire de ce fonds en ligne sur le site www.ahicf.com. 2. François Marcot (dir.), avec la collab. de Bruno Leroux et de Christine Levisse-Touzé, Dictionnaire historique de la Résistance, Paris, Robert Laffont, coll. « Bouquins », 2006, 1248 p. 3. Les textes sont dus à Bruno Leroux, directeur historique de la Fondation de la Résistance, et à Cécile Hochard, docteur en histoire, chargée de mission à la fondation pendant l’année 2003-2004. Ils étaient entourés d’un comité de pilotage réunissant représentants de la SNCF, de la fondation, madame Christine Lévisse-Touzé, directeur du Mémorial Leclerc de Hauteclocque et de la Libération de Paris et du Musée Jean Moulin et Marie-Noëlle Polino pour l’AHICF. Le comité historique de l’exposition était constitué de : Christian Chevandier, maître de conférences à l’université de Paris I – Panthéon-Sorbonne ; Laurent Douzou, professeur d’histoire contemporaine, Institut d’études politiques de Lyon ; Georges Ribeill, directeur de recherche à l’ENPC ; Serge Wolikow, professeur d’histoire contemporaine à l’université de Bourgogne. 4. Une campagne nationale de sensibilisation des détenteurs d’archives privées de la résistance et de la déportation (particuliers, responsables d’associations, de musées associatifs) a été lancée par la Fondation de la Résistance, la Fondation pour la mémoire de la Déportation, les ministères de la Culture et de la Défense pour les inciter à déposer leurs fonds dans les archives publiques afin d’assurer leur pérennité et leur ouverture à la recherche. Contact : Frantz Malassis, responsable Archives, Fondation de la Résistance, 30, boulevard des Invalides, 75007 Paris, 01 4705 6787, [email protected]. 5. L’exposition est accompagnée d’un catalogue qui en reproduit la plupart des textes et documents dans un format qui en rend la lecture aisée et à un prix voulu modique : « Les cheminots dans la Résistance », La Lettre de la Fondation de la Résistance, numéro spécial, 2005, 32 pages, 4,50 euros. 6. Les auteurs de l’exposition ont fait figurer en fin de catalogue un glossaire des termes appartenant à l’histoire de la Deuxième Guerre mondiale et à l’histoire et à la technique ferroviaires. Cependant, la signification du mot « tender », qui n’y figure pas, a été la question la plus couramment posée aux conférenciers lors de l’explication des moyens par lesquels les clandestins passaient les lignes de démarcation. 7. Voir François Marcot, « Pour une sociologie de la Résistance : intentionnalité et fonctionnalité », in Antoine Prost (dir.), La Résistance, une histoire sociale, Paris, Les Éditions de l’atelier/Les Éditions ouvrières, 1997, p. 21-41 et Christian Chevandier, « La résistance des cheminots : le primat de la fonctionnalité plus qu’une réelle spécificité », ibid., p. 147-158. 8. Comme le montre la bibliographie établie par Cécile Hochard, co-auteur de l’exposition, dans le présent volume (en ligne sur le site : www.ahicf.com) 9. L’itinéraire de Bernard Le Chatelier, qui est rappelé au chapitre « répression », en est un exemple éclairant : chef du dépôt qui fournit les machines et les équipes de conduite pour les trains qui emmènent vers l’Allemagne depuis Compiègne les détenus du camp de Royallieu, résistant appartenant à deux réseaux de renseignement sans quitter son poste, il part lui-même en déportation dans un de ces trains. Voir son ouvrage, Matricule 51306, mémoires de déportation, récit, Paris, Les Éditions de la Bruyère, 1984, 192 p. (2e éd., 2005), dont nous avions reproduit sous le titre « les paradoxes de la résistance professionnelle » un extrait, commenté par un entretien avec l’auteur, dans le recueil « Les cheminots dans la guerre et l’occupation. Témoignages et récits », Revue d’histoire des chemins de fer hors série, n° 7, 2e éd. revue et augmentée, 2004, p. 149-159. 10. L’itinérance de l’exposition est régie par la Fondation de la Résistance, à laquelle il convient de s’adresser pour en demander le prêt (30, boulevard des Invalides, 75007 Paris).

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AUTEUR

MARIE-NOËLLE POLINO Secrétaire scientifique de l’AHICF

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