Aperçu Historique sur , Gruyère, Saanen et le Pays dEn Haut

Par Patrick de Bondeli ([email protected]), Juin 2003

Aigle

La plus ancienne mention de cette localité date de 1152, mais elle existait bien antérieurement et le pays était déjà habité à lâge du bronze.

Dès le XIIème siècle, Aigle était aux mains des Comtes de Savoie. Le pays dAigle était administré en leur nom par un Vidomne, qui en était le seigneur héréditaire et qui résidait au Château. Dès 1288, le Comte de Savoie accorde aux gens du bourg dAigle la faculté de constituer une administration autonome.

Aux XIVème et XVème siécles, les bourgeois dAigle eurent souvent des démêlés avec les seigneurs du voisinage. Dans ce cadre, Berne intervint en 1464 au profit de la commune dAigle pour laider à briser les ambitions de ses voisins.

Cest en 1475, au moment des guerres de Bourgogne, quune troupe de 1000 hommes du Pays de Saanen, allié de Berne bien quétant toujours sous la suzeraineté du Comte de Gruyère, conquit le Pays dAigle pour Berne et chassa le Vidomne Savoyard, Jean de Compey-Torrens. Les bourgeois dAigle ont soutenu cette prise de pouvoir par Berne, ce qui leur a valu de pouvoir conserver leurs privilèges jusquà la chute de Berne et de la Confédération en 1798.

Bien que les Vidomnes de Compey aient conservé certains de leurs droits rachetés par Berne seulement en 1533, Berne plaça le Pays dAigle sous ladministration dun Gouverneur militaire dès 1475. Le premier fut Georges de Stein et le dernier, qui dût se retirer devant la «Révolution Vaudoise» (appuyée par la menace dinvasion Française qui devait se concrétiser trois jours plus tard) le 25 Janvier 1798, Beat- Emmanuel de Tscharner. Beaucoup de ces Gouverneurs ont encore aujourdhui leurs armoiries au Château dAigle.

La Réforme fût prêchée à Aigle dès 1526 par Guillaume Farel et la messe catholique fut interdite à partir de Mars 1528 (dès que Berne eût embrassé la Réforme) et rétablie seulement au XIXème siècle. Beaucoup de Valaisans partisans de la Réforme vinrent habiter le Pays dAigle.

Après avoir subi les rigueurs de loccupation militaire Française en 1798, puis celles du régime de la République Hélvétique jusquen 1802, comme le reste de la Suisse, Aigle vit son rattachement au nouveau Canton de confirmé par lActe de Médiation en 1803, puis par le Congrès de Vienne en 1815. Gruyère, Saanen, Pays dEn Haut

Toute cette région a une histoire en grande partie commune; cest pourquoi nous la rassemblons dans une seule section.

. Le Comté de Gruyère Le Comté de Gruyère apparaît dès le XIème siècle et il sétend sur la Gruyère Fribourgeoise actuelle, le Pays den Haut et le Pays de Saanen (lappellation francophone Gessenay était alors plus usitée). Le Comte de Gruyère était un vassal du Comte de Genevois.

Wilerius, le premier Comte qui nous est connu, fût le fondateur avec son frère Uldric du Prieuré de Rougemont. Ces deux Comtes participèrent à la Première Croisade.

Le Comte Rodolphe III rendit hommage à Pierre II de Savoie en 1244 et le Comte de Genevois perdit définitivement sa suzeraineté sur la Gruyère au profit du Comte de Savoie en 1250; il dut lui-même rendre hommage au Comte de Savoie quelques années plus tard. Pendant un certain temps, le Comte de Gruyère fût souvent, comme allié et vassal du Comte de Savoie, un adversaire de Fribourg et Berne.

En 1336, le Comte Pierre IV acquit , mais il revendit certaines possessions en ce lieu en 1356.

François 1er, de naissance bâtarde, fût légitimé par lEmpereur Sigismond (qui éleva aussi le Comte Amédée VIII de Savoie au rang de Duc) avec lun de ses frères. Il devint ainsi Comte de Gruyère de 1433 à 1475 et il mena, ou participa à, de grands changements. A lintérieur, il accorda des franchises importantes aux villes de Gruyères (le «s» terminal est propre à la ville) et de Château dOex, qui mirent en place leur propre administration, et il accorda en 1448 une large autonomie au Pays de Gessenay en même temps quil lui conférait des armoiries en propre (la grue de Gruyère perchée sur trois coupeaux). Dès le XIVème siècle, les gens de Gessenay avaient pu acquérir une certaine autonomie et même conclure des alliances particulières avec certains voisins; mais cette date de 1448 marque vraiment laffirmation dune personnalité propre que ce pays de Gessenay (ou Saanenland) pût conserver jusquen 1798 et quil tentât encore alors de défendre contre linvasion Française comme nous le verrons plus loin.

A lextérieur de son Comté, François 1er fût aussi particulièrement actif. Il fit une très brillante carrière au service de son suzerain le Duc de Savoie couronnée par lobtention de la dignité de Maréchal de Savoie en 1465. Il négocia le passage de Fribourg de la suzeraineté Autrichienne à la suzeraineté Savoyarde en 1452. A la fin de sa vie, François 1er de Gruyère se rapprocha de Berne jusquà, finalement, entrer en guerre au côté de Berne en 1475 contre le Duc de Bourgogne auquel était pourtant allié le Duc de Savoie. Il mourut aussitôt après, mais son fils Louis 1er engagea avec succès toutes les forces du Comté dans la guerre. Lalliance avec Berne eût, comme nous lavons vu plus haut, comme conséquence immédiate la conquête du Pays dAigle par les gens de Gessenay au profit de Berne. Les troupes de Gruyère prirent une part importante aux batailles du défilé de la Tine et de Morat où de sévères défaites furent infligées aux Bourguignons. Louis 1er joua un rôle important darbitre entre la Savoie, Fribourg et les Confédérés. Il devint bourgeois de Fribourg en 1481 (la même année où Fribourg entra dans la Confédération) et il conclût aussi un traité de combourgeoisie avec Berne en 1492. Il acheva le château de Gruyères sous la forme que nous lui connaissons aujourdhui.

A la mort de Louis 1er en 1492, son épouse, Claude de Seyssel, devint régente du Comté, leur fils le Comte François II étant mineur. Le 8 Mars 1493, la Comtesse Claude cèda à Berne les possessions quelle détenait encore sur Zweisimmen. Cela permit à Berne, à la faveur dautres acquisitions, de créer lannée suivante le nouveau baillage de Zweisimmen et Haut , dont le bailli fut installé au château de Blankenburg.

La réussite brillante des Comtes François 1er et Louis 1er a hélas été obtenue au prix dénormes dépenses marquant le début dune dégradation irréversible de la situation financière de la Maison de Gruyère.

Les quatre derniers Comtes de Gruyère, François III, Jean 1er, Jean II et Michel ont participé à de nombreuses opérations de guerre aux côtés du Duc de Savoie, du Roi de ou des Confédérés, et même de lEmpereur pour Michel. François III et Jean 1er sefforcèrent de garder de bonnes relations avec la Savoie aussi bien quavec Fribourg et Berne, mais Jean II dût rompre définitivement avec la Savoie et fournir un contingent de troupe à Fribourg, alliée de Berne dans la conquête du Pays de Vaud en 1536.

Le dernier Comte de Gruyère, Michel servit longtemps auprès du Roi de France François 1er et de lEmpereur Charles Quint, mais cela obéra définitivement ses finances. Il devint directement membre de la Confédération en 1548, mais en 1554, la Diète dût prononcer sa faillite en raison de ses dettes considérables. Les deux principaux créanciers, Berne et Fribourg, se partagèrent alors le Comté; Fribourg prit la basse Gruyère, avec la ville de Gruyères, jusquà Montbovon, et Berne la haute Gruyère, de Rossinière à Oeschseite (Pays de Château dOex et de Gessenay). Après cela Michel prit encore part aux guerres de religion en France, puis il mourut en 1575 étant le dernier gentilhomme de sa famille.

. La Gruyère Fribourgeoise après 1554

Elle fût divisée en plusieurs baillages: Gruyères, Bellegarde, Corbières, Bulle, Vaulruz, Everdes-Vuippens et Pont qui subsistèrent jusquà la chute de Fribourg et de la Confédération en 1798. Les paysans de ces baillages se soulevèrent à plusieurs reprises contre Fribourg et ils accueillirent assez bien linvasion Française et la chute de Fribourg en 1798. Mais les exactions des Français et de la République Hélvétique retournèrent vite cette situation.

La Gruyère resta divisée en plusieurs districts sous les différents régimes qui suivirent, mais la constitution de 1848 lui rendit son unité avec Bulle comme chef- lieu. Le pays connut une nouvelle période de trouble sous cette constitution radicale et anticléricale qui prit fin avec le nouveau régime constitutionnel de 1856. . Le Baillage Bernois de Saanen (1555 – 1798)

Berne avec son acquisition de la haute Gruyère, composée des actuels Saanenland et Pays dEn Haut, consécutive à la faillite du Comte Michel forma un nouveau baillage de Saanen dont le bailli résida dabord à Saanen puis, à partir de 1575, au Château de Rougemont, ancien siège du prieuré mentionné ci-dessus.

Après des débuts rendus difficiles par une certaine résistance à la Réforme, la vie de ce baillage fût assez heureuse, si lon excepte les périodes des grandes épidémies qui ont frappé la plupart de nos régions, et ses habitants conservèrent sous le régime Bernois la grande autonomie que leur avait conférée les Comtes de Gruyère et dautres avantages dans ladministration du mandement dAigle que Berne leur avait octroyés à la suite du succès de leur campagne de 1475 mentionnée ci-dessus.

De magnifiques chalets avec de belles décorations de peinture en extérieur furent construits au XVIIIème siècle, surtout à Saanen et Gsteig, qui subsistent aujourdhui.

Linvasion Française de 1798 fut donc accueillie ici avec une franche hostilité. Les gens du pays tentèrent de résister et une troupe de volontaires réussit même à repousser, au Col de la Croix le 5 Mars 1798, une colonne Française qui tentait denvahir le baillage par le Nord, mais la chute de Berne obligea les gens du Pays et le Bailli Jean-Rodolphe de Tavel à déposer les armes.

. Le rattachement du Pays dEn Haut au Canton de Vaud

Ce rattachement fut confirmé par lActe de Médiation de 1803.

Au Congrès de Vienne en 1815 Berne, appuyée aussi par une certaine majorité des gens du pays, réclama le retour du Pays den Haut pour une restauration du Baillage de Saanen. Mais Berne se heurta à lhostilité implacable de Frédéric-César de la Harpe. Celui-ci fut autrefois le précepteur du futur Tsar Alexandre 1er (nommé à ce poste par Catherine II en 1784). Il fut aussi le principal protagoniste de la création dun grand Etat de Vaud comprenant le Pays de Vaud traditionnel plus toutes les contrées francophones voisines appartenant à Berne et Fribourg et la Principauté de Neuchâtel. Pour arriver à ses fins, il nhésita pas à pousser la France à envahir la Suisse et jeter à bas la Confédération. Il arriva effectivement à ce résultat avec les triumvirs issus du coup détat du 18 Fructidor An V à Paris et il en obtint presque le Canton de Vaud de ses rêves (sans la Principauté de Neuchâtel). En 1815, il reprit du service auprès du Tsar Alexandre 1er avec le grade de Lieutenant Général et obtint de lui le maintien intégral du Canton de Vaud au Congrès de Vienne en dépit du fait quune majorité des habitants du Pays dEn Haut souhaitaient la restauration du Baillage Bernois de Saanen (avec la garantie de leur ancienne autonomie, perdue sous le régime Vaudois). . Le Développement moderne de et du Pays dEn Haut

Comme nous lavons vu, lenclavement de la vallée fût autrefois un atout géostratégique qui contribua puissamment au développement de son autonomie et de sa personnalité propre. Au XIXème siècle cétait devenu un frein à son développement économique. Un grand changement sopéra, de ce point de vue, en 1905 avec louverture de la ligne de chemin de fer du MOB reliant Montreux à Montbovon, par un tunnel sous la montagne, puis ralliant ensuite Château dOex, Rougemont, Saanen, Gstaad et Zweisimmen. Il en est résulté le grand développement touristique au XXème siècle de Château dOex, puis de Gstaad avec la construction du «Palace», entraînant avec elles le reste de la vallée qui a retrouvé ainsi une unité et une personnalité économique, sinon politique.

Références

. (1). Dictionnaire Historique et Biographique de la Suisse (DHBS) publié chez Attinger à Neuchâtel, 1921 – 1934.

. (2). Dictionnaire Historique de la Suisse (DHS), Hirschengraben 11, CP 6576, CH 3001 Berne, en cours de publication, contenu partiel disponible sur le site: http://www.dhs.ch .

. (3). Histoire Illustrée de la Suisse par P. Dürrenmatt, publié chez Payot à Lausanne en 1964.