COUR D'APPEL DE ARRET DU 09 OCTOBRE 2015

Pôle 5 - Chambre 2 (n°152, 16 pages) Numéro d'inscription au répertoire général : 14/18769

Décision déférée à la Cour : jugement du 10 juillet 2014 -Tribunal de grande instance de PARIS -3ème chambre 1ère section - RG n°13/00344

APPELANT AU PRINCIPAL et INTIME INCIDENT M. Eduardo M Représenté par Me Patricia MOYERSOEN, avocat au barreau de PARIS, toque B 609

INTIMES AU PRINCIPAL et APPELANTS INCIDENTS M. Philippe C SOLAL

S.A.S.U. YA BASTA RECORDS, prise en la personne de ses représentants légaux domiciliés en cette qualité au siège social situé [...] 75010 PARIS Représentés par Me André SCHMIDT de l'AARPI SCHMIDT - GOLDGRAB, avocat au barreau de PARIS, toque P 391 Assistés de Me Christine A plaidant pour l'AARPI SCHMIDT - GOLDGRAB, avocat au barreau de PARIS, toque P 391, Me André SCHMIDT plaidant pour l'AARPI SCHMIDT - GOLDGRAB, avocat au barreau de PARIS, toque P 391

INTIME AU PRINCIPAL et APPELANT INCIDENT M. Christoph M Né le 02 juillet 1967 à Stuttgart (Allemagne) De nationalité suisse Exerçant la profession d'auteur-compositeur Demeurant [...] – 92200 NEUILLY-SUR-SEINE Représenté par Me Michel MAGNIEN, avocat au barreau de PARIS, toque B 1020

COMPOSITION DE LA COUR : Après rapport oral, l'affaire a été débattue le 10 septembre 2015, en audience publique, devant la Cour composée de : Mme Marie-Christine AIMAR, Présidente Mme Sylvie NEROT, Conseillère Mme Véronique RENARD, Conseillère qui en ont délibéré

Greffière lors des débats : Mme Carole T

ARRET : Contradictoire Par mise à disposition de l'arrêt au greffe de la Cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l'article 450 du code de procédure civile Signé par Mme Marie-Christine AIMAR, Présidente, et par Mme Carole T, Greffière, à laquelle la minute du présent arrêt a été remise par la magistrate signataire.

Monsieur Eduardo M expose qu'en 1999 il a créé, avec Messieurs Christoph M et Philippe C Solal, le groupe musical dénommé , que pour l'enregistrement du premier de leurs albums, en 2000, ils se sont contractuellement liés avec la société Science et Mélodie SARL (dont Monsieur C Solal était l'actionnaire et le représentant légal), que trois marques verbales « Gotan Project » ont été déposées au nom de la société Science et Mélodie, à savoir : la marque française, n° 03 066 895, pour désigner les produits et services en classes 09, 35, 38 et 41 (laquelle vise, notamment, « l'organisation et la production de spectacles », ceci le 10 novembre 2000, la marque communautaire, n° 2418077, visant les mêmes classes, ceci le 16 octobre 2001, la marque n°76/457008, aux États-Unis, dans les mêmes classes, ceci en octobre 2002, qu'une convention, signée le 23 mai 2003 avec la société Science et Mélodie SARL (« le producteur »), portait sur la cession de ces marques aux trois musiciens moyennant le prix d'un euro, et comportait une « licence d'utilisation » desdites marques concédée à ce producteur « pour l'exploitation et la promotion des prestations (...) du groupe Gotan Project (...) ainsi que de (leur) enregistrement », que par acte du même jour, les trois artistes ont signé une convention d'indivision portant sur l'ensemble des marques « Gotan Project » et qu'après restructuration intervenue en juillet 2008, la société productrice a scindé ses activités en créant deux filiales dont elle était l'unique associée : la société Ya Basta Records SASU (pour la production phonographique) et la société Science et Mélodie Publishing SASU (pour l'édition musicale).

Après découverte, en 2005, de l'exploitation, sans leur autorisation, du signe « Gotan Project » par Monsieur C Solal afin d'assurer la promotion de ses activités personnelles de disc-jockey (DJ), Messieurs M et M l'ont mis en demeure de cesser ces agissements, en septembre 2005 et mai 2006.

Aucune autre protestation ne s'en est suivie, divers contrats d'enregistrement liant les trois artistes et la société Science et Mélodie SARL puis la société Ya Basta Records ont été signés, jusqu'au constat, en 2012, d'une réitération des faits incriminés dans un contexte de relations allant se dégradant entre les protagonistes, si bien que Monsieur Eduardo M, après avoir fait procéder à une mesure de constat sur internet, a assigné Monsieur Philippe C Solal à l'effet de voir constater le manquement de celui-ci à ses devoirs et obligations et d'obtenir la réparation du préjudice subi, ceci par exploit du 04 janvier 2013.

Sont volontairement intervenus à l'instance Monsieur M et la société Ya Basta Records, au soutien, respectivement, de Monsieur M et de Monsieur C Solal.

Par jugement contradictoire rendu le 10 juillet 2014, le tribunal de grande instance de Paris a, en substance et sans prononcer l'exécution provisoire : déclaré Monsieur C Solal (sic) et Monsieur M irrecevables en leurs demandes formées à l'encontre de Monsieur C Solal et dit sans objet les demandes reconventionnelles formées par ce dernier, déclaré Monsieur M et Monsieur C Solal irrecevables à agir à l'encontre de la société Ya Basta Records et cette dernière irrecevable (sic) en ses demandes reconventionnelles, rejeté la demande de publication judiciaire, débouté Monsieur C Solal de sa demande indemnitaire pour procédure abusive, condamné in solidum Messieurs M et M à verser à Monsieur C Solal la somme de 7.000 euros en application de l'article 700 du code de procédure civile et à supporter les dépens.

Par dernières conclusions notifiées le 25 juin 2015, Monsieur Eduardo M, appelant, prie, en substance, la cour d'infirmer le jugement sauf en ses dispositions déboutant Monsieur C Solal de ses demandes reconventionnelles et : au visa de la convention d'indivision du 23 mai 2003, de le déclarer recevable en son action à l'encontre de Monsieur C Solal en ce qu'elle est fondée sur cette convention en considérant qu'il a exploité la marque sans l'accord préalable de ses co-indivisaires et qu'il a ainsi engagé sa responsabilité contractuelle, au visa de l'article 1382 du code civil, de le déclarer recevable en son action à l'encontre de Monsieur C Solal en ce qu'elle est fondée sur une faute délictuelle distincte d'un manquement contractuel à la convention d'indivision, à savoir l'utilisation illicite des visuels du Groupe Gotan Project et de considérer, par ailleurs, qu'il a commis des actes de concurrence déloyale par parasitisme en exploitant, pour la promotion de ses activités commerciales personnelles, l'univers visuel du Groupe Gotan Project, ceci afin de créer et d'entretenir une confusion dans l'esprit du public entre ces activités et celles du Groupe Gotan Project, au visa de la licence de marque du 23 mai 2003, de le déclarer recevable en son action à l'encontre de la société Ya Basta Records en ce qu'elle est fondée sur le non-respect de cette licence de marque et de considérer que cette société a engagé sa responsabilité contractuelle en exploitant la marque en violation de ses stipulations, en conséquence, de prononcer, sous astreinte, diverses injonctions faites tant à Monsieur C Solal qu'à la société Ya Basta Records (portant sur l'exploitation de la marque et ses déclinaisons, sur des suppressions de liens et de promotion sur internet et sur l'exploitation de tout élément constituant l'identité visuelle du groupe ainsi que sur ses projets artistiques), d'ordonner des mesures de publication sur internet, de condamner « solidairement » Monsieur C Solal et la société Ya Basta Records à lui verser la somme indemnitaire de 200.000 euros « en réparation du préjudice subi », outre celle de 30.000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile et à supporter les dépens, en tout état de cause, de débouter les intimés de leur prétentions et de les condamner en tous les dépens.

Par dernières conclusions notifiées le 30 juin 2015, Monsieur Christoph M demande pour l'essentiel à la cour d'infirmer le jugement sauf en ses dispositions déboutant Monsieur C Solal et la société Ya Basta Records de leurs demandes reconventionnelles et : au visa du contrat de cession et de la convention d'indivision du 23 mai 2003 ainsi que des articles 1147 du code civil et L 716-14 du code de la propriété intellectuelle, de considérer que Monsieur C Solal a engagé sa responsabilité contractuelle en violant la convention d'indivision du fait de l'utilisation des marques Gotan Project, au visa de l'article 1382 du code civil, en considérant que Monsieur C Solal a commis, à son préjudice, des actes de parasitisme, fautes distinctes du manquement contractuel à la convention d'indivision, en exploitant, pour la promotion de ses activités commerciales personnelles, l'univers visuel du Groupe Gotan Project, ceci afin de créer et d'entretenir une confusion dans l'esprit du public entre ces activités et celles du Groupe Gotan Project, au visa de la licence de marque du 23 mai 2003, de considérer que la société Ya Basta Records a exploité la marque Gotan Project en violation des stipulations de cette licence et de considérer que cette société a engagé sa responsabilité contractuelle, en conséquence, de prononcer, sous astreinte, diverses injonctions faites tant à Monsieur C Solal qu'à la société Ya Basta Records (portant sur l'exploitation à des fins personnelles de la marque, de ses extensions ou déclinaisons, de tout élément constituant l'identité visuelle du groupe), d'ordonner des mesures de publication sur internet, de condamner « solidairement » Monsieur C Solal et la société Ya Basta Records à lui verser la somme indemnitaire de 100.000 euros en réparation du préjudice subi, toutes causes confondues, outre celle de 20.000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile et à supporter les dépens, de débouter les intimés de l'ensemble de leur prétentions.

Par dernières conclusions notifiées le 30 juillet 2015, Monsieur Philippe C Solal et la société Ya Basta Records prient en substance la cour : de déclarer irrecevables comme nouvelles les demandes formées en cause d'appel par Monsieur M à l'encontre de Monsieur Philippe C Solal sur le fondement contractuel et, subsidiairement, « de déclarer irrecevable le moyen de la responsabilité contractuelle auquel celui-ci a renoncé en première instance »,

à titre principal, de confirmer le jugement sauf en ce qu'il a rejeté les demandes de la société Ya Basta Records en contrefaçon de droits d'auteur et, subsidiairement, en concurrence déloyale et parasitaire relativement au logo associé au nom Gotan Project, statuant à nouveau, de dire que Messieurs M et M se sont rendus coupables de contrefaçon et, à titre subsidiaire, d'actes de concurrence déloyale sans l'autorisation de la société Ya Basta Records « qui en est propriétaire », de leur interdire, sous astreinte, d'exploiter le logo associé au nom Gotan Project pour faire la promotion de leurs activités artistiques personnelles, de les condamner in solidum à verser à la société Ya Basta Records la somme indemnitaire de 50.000 euros en réparation du préjudice subi, celle de 20.000 euros au profit de Monsieur C Solal et de la société Ya Basta Records au titre de l'article 700 du code de procédure civile et à supporter, enfin, les entiers dépens.

Il convient de préciser qu'en dépit de la désignation, dans la déclaration d'appel, de la société Science et Mélodie Publishing SASU au rang des personnes à l'encontre desquelles Monsieur M a interjeté appel, il n'est formé aucune demande contre cette personne morale qui n'était pas partie en première instance et n'a pas été assignée en cause d'appel, le conseil de l'appelant ayant précisé, sur interpellation de la cour et ainsi qu'acté, que la présence de cette société dans la déclaration d'appel ne résultait que d'une erreur matérielle.

SUR CE,

Sur la fin de non-recevoir opposée par Monsieur C Solal à l'action en responsabilité contractuelle dont Messieurs M et M saisissent la cour

Considérant que Monsieur C Solal retrace les différents fondements juridiques successivement invoqués par Messieurs M et M en première instance, estime que, par erreur, le tribunal les a déclaré irrecevables en leurs demande en raison de la violation du principe de non-cumul des responsabilités, contractuelle et délictuelle, alors que leur action en première instance était une action en contrefaçon de marque engagée sur le fondement des articles L 713-2 et L 716-1 du code de la propriété intellectuelle, et que devant la cour, ils y substituent une action en responsabilité contractuelle;

Qu'il soutient que l'action en responsabilité contractuelle soumise à la cour constitue une prétention nouvelle, comme telle irrecevable en vertu de l'article 564 du code de procédure civile, dès lors que, bien qu'« évoquée à demi-mots » dans l'assignation et leurs premières écritures, leur demande à ce titre, non reprise dans leurs dernières écritures, était réputée avoir été abandonnée ; qu'en outre, l'action en responsabilité contractuelle ne tend pas aux mêmes fins, au sens de l'article 565 du code civil, que l'action en contrefaçon de marque et ces deux actions n'ont pas le même objet, contrairement à ce qui est prétendu par leurs adversaires ;

Qu'il ajoute, invoquant le principe selon lequel nul ne peut se contredire au détriment d'autrui ainsi que l'article 753 du code de procédure civile relatif aux dernières conclusions devant le tribunal, que si la cour devait écarter l'exception de nouveauté, elle ne pourrait se fonder sur l'article 563 du même code qui autorise les parties à invoquer des moyens nouveaux en cause d'appel dès lors que, dans leurs dernières conclusions de première instance, Messieurs M et M n'invoquaient plus que le délit de contrefaçon de marque et qu'ils étaient réputés avoir abandonné leur action en responsabilité contractuelle ;

Considérant, ceci exposé, que pour se prononcer sur l'exception de nouveauté opposée par ces deux intimés aux demandes telles que présentées en cause d'appel, il convient de se référer aux dernières conclusions de première instance notifiées par les parties et qui sont produites aux débats ;

Que, dans ses conclusions notifiées le 28 mars 2014 (pièce 77 des intimés), Monsieur M [qui prie la cour de le déclarer recevable en son action à l'encontre de Monsieur C Solal « en ce que celle-ci est fondée sur la convention d'indivision » en retenant que ce dernier « a exploité la marque Gotan Project sans l'accord préalable de ses co-indivisaires et qu'il a ainsi engagé sa responsabilité contractuelle » ] présentait de la façon suivante sa demande devant le tribunal :

« Vu les articles L 711-4, L 713-2, L 714-1 et L 716-1 du code de la propriété intellectuelle, vu l'article 1382 du code civil, vu l'article 9 du code civil ' Dire et juger que Monsieur Philippe C Solal a exploité la marque Gotan Project sans l'accord préalable de ses co-indivisaires et qu'il s'est ainsi rendu coupable de contrefaçon de la marque Gotan Project » ;

Que cette prétention était fondée, comme le requiert l'article 753 du code de procédure civile, sur des moyens en fait et en droit selon lesquels (pages 14 et 15/65 des dernières conclusions) :

« Monsieur C Solal est donc lié à Monsieur M et à Monsieur M par une convention d'indivision sur la marque Gotan Project, convention par laquelle chacun des co-indivisaires s'est interdit d'exploiter la marque Gotan Project ainsi que ses extensions et déclinaisons sans l'accord préalable écrit des autres co-indivisaires. En utilisant la marque Gotan Project sans l'accord de ses co-indivisaires, Monsieur C Solal commet de fait des actes de contrefaçon de la marque Gotan Project. (..) L'existence de la convention d'indivision du 23 mai 2003 n'exclut évidemment pas l'action en contrefaçon (...) » ;

Que, dans ses conclusions notifiées le 21 mars 2014 (pièce 78 des intimés), Monsieur M [qui prie la cour de le déclarer recevable en son appel incident et « de dire et juger que Monsieur C Solal a engagé sa responsabilité contractuelle en violant la convention d'indivision en utilisant les marques Gotan Project» ] présentait comme suit sa demande devant le tribunal :

« Vu les pièces versées aux débats, vu notamment les articles L 713-2 et L 716-1 du code de la propriété intellectuelle () de dire et juger que Monsieur C Solal a contrefait les marques Gotan Project (') ;

Que les moyens de fait et de droit destinés à étayer cette prétention (page 9/36 de ces conclusions) étaient les suivants :

« L'action de Christoph M vise à faire sanctionner, sur le fondement notamment de l'article L 716-1 du code de la propriété intellectuelle, les atteintes portées par Philippe C Solal à la marque «Gotan Project ». Le contrat d'indivision portant sur cette marque stipule en son article 4 qu'il appartient aux seuls indivisaires d'autoriser à l'unanimité et par écrit toutes les exploitations. (') Une chose est sûre. Philippe C Solal n'a jamais eu de licence de cette marque. Toute utilisation par lui seul est constitutive de contrefaçon. (... ) » ;

Qu'en réplique et dans des conclusions notifiées le 03 avril 2014, soit postérieurement (pièce 79 des intimées) Monsieur C Solal et la société Ya Basta Records demandaient à titre liminaire au tribunal de :

« Déclarer irrecevables les demandes formées par Monsieur Eduardo M et Monsieur Christoph M sur le fondement du non-cumul des responsabilités contractuelle et délictuelle » ;

Que les moyens de fait et de droit développés au soutien de cette prétention (pages 11 à 13/60 de ces conclusions) se lisaient comme suit :

« La jurisprudence a depuis longtemps posé le principe du non-cumul des responsabilités contractuelle et délictuelle, à peine d'irrecevabilité des demandes (..). Selon ce principe, si un dommage se rattache à l'exécution d'un contrat, il n'est pas possible d'en demander la réparation sur le fondement de la responsabilité délictuelle. Il n'est a fortiori pas possible de cumuler les deux voies et de demander réparation du même dommage sur deux fondements différents. En l'espèce, MM M et M prétendent que Monsieur C Solal aurait commis des actes de contrefaçon en ne respectant pas les dispositions de la convention d'indivision conclue le 23 mai 2003. (). Pourtant il est acquis que MM M, M et C Solal sont tous les trois liés par le contrat du 23 mai 2003, toujours en cours, stipulant que les marques « Gotan Project » sont « les propriétés indivises de MM C Solal, M et M » et que « toutes exploitations des marques objet des présentes ainsi que de leurs extensions ou déclinaisons nécessiteront l'accord préalable écrit des trois co-indivisaires ». Le reproche que fait M. M à M. C Solal, à savoir d'avoir exploité les marques « Gotan Project » sans son accord préalable, constituerait donc une inexécution du contrat du 23 mai 2003 et relèverait donc de la responsabilité contractuelle. M. M est donc irrecevable à invoquer la responsabilité délictuelle de son cocontractant Philippe C Solal » ;

Qu'il résulte de l'ensemble de ces écritures qu'en dépit de la rédaction défectueuse des demandes formulées dans le dispositif de leurs conclusions respectives de première instance, Messieurs M et M n'ont pas mis en œuvre, dans le dernier état de la procédure, la défense de leur droit privatif en revendiquant l'exclusivité que confère à son titulaire le droit de marque ;

Que, se référant expressément dans leurs motivations à la convention d'indivision, ils ont entendu poursuivre leur co-indivisaire, Monsieur C Solal, afin de mettre un terme à l'atteinte aux droits de l'indivision sur la marque en copropriété et obtenir réparation du préjudice subi du fait d'un usage non autorisé (l'autorisation devant être, précisent-ils, préalable, écrite et unanime, ainsi que stipulé à l'article 4 de la convention) par les autres co-indivisaires ;

Que Monsieur C Solal et la société Ya Basta Project ' qui, non sans paradoxe, se prévalent de la nouveauté de l'action en responsabilité contractuelle alors qu'ils invoquaient expressément en première instance la règle du non cumul des deux ordres de responsabilité, contractuelle et délictuelle et qui ont d'ailleurs été suivis par le tribunal ' ne peuvent valablement prétendre que les articles 565 ou 566 du code de procédure civile n'ont pas vocation à s'appliquer ;

Qu'il y a lieu, en effet, de considérer que les demandes tendent aux mêmes fins, à savoir : la sanction du même comportement caractérisé par un usage privatif non autorisé des mêmes biens ou encore que la demande présentée en cause d'appel était virtuellement comprise dans celle présentée en première instance puisqu'il était tiré argument du fait que les marques en cause constituaient des biens ayant fait l'objet d'une convention d'indivision dont l'usage était conventionnellement réglementé, sans toutefois qu'il en ait été tiré les conséquences juridiques pertinentes quant à l'action susceptible d'être engagée ;

Que cette fin de non-recevoir ne saurait, par conséquent prospérer ;

Sur la fin de non-recevoir opposée par la société Ya Basta Records à l'action en responsabilité contractuelle dont Monsieur M saisit la cour

Considérant que la société Ya Basta Project fait de son côté valoir que, dans le dispositif de ses dernières conclusions de première instance, Monsieur M agissait à son encontre en demandant au tribunal de juger qu'elle a « exploité la marque Gotan Project en violation des dispositions de la licence qui lui a été concédée par convention du 23 mai 2003 » et « qu'en agissant ainsi, (elle) s'est rendue coupable d'actes de contrefaçon de la marque Gotan Project » ; que, la poursuivant, devant la cour d'appel, en responsabilité contractuelle au visa de cette licence de marque, l'appelant doit être déclaré irrecevable en cette prétention « pour les mêmes raisons que celles évoquées concernant les demandes contre Monsieur C Solal » dès lors qu'elle est nouvelle et qu'il ne peut présenter un moyen auquel il a renoncé en première instance ;

Mais considérant que, s'agissant de l'action d'un co-indivisaire à l'encontre d'une société licenciée, titulaire non point d'un droit exclusif mais d'un droit de créance contre l'indivision qui lui a consenti un droit d'exploitation aux termes d'un contrat de licence expressément visé dans le dispositif des dernières conclusions de première instance du demandeur à l'action, il y a eu de considérer, par mêmes motifs que précédemment, qu'est inopérante l'exception de nouveauté ainsi soulevée ;

Que la société Ya Basta Project n'est, par conséquent, pas fondée en cette fin de non-recevoir ;

Sur la fin de non-recevoir opposée par la société Ya Basta Records aux demandes que forme à son encontre Monsieur M sur le terrain de la responsabilité contractuelle

Considérant que, sur le fondement de l'article 564 du code de procédure civile, cette société qui est intervenue volontairement à l'instance soutient que Monsieur M n'a jamais formé de demande à son encontre antérieurement à la notification de ses conclusions d'appel du 09 février 2015 et qu'il s'agit donc d'une demande nouvelle, partant irrecevable ;

Que bien que Monsieur M annonce, dans le titre I de ses dernières conclusions d'appel, qu'il est parfaitement recevable à agir à l'encontre de cette société, il ne peut qu'être constaté qu'en première instance il ne formait pas de prétentions à son encontre, se bornant à demander, dans ses dernières conclusions du 21 mars 2014 (page 34/36), que les demandes de la société Ya Basta Records (fondées sur sa qualité de cessionnaire de droits d'auteur sur un logo « Gotan Project ») soient déclarées irrecevables et subsidiairement mal fondées ;

Qu'à juste titre, par voie de conséquence, la société Ya Basta Records se prévaut de l'irrecevabilité de cette demande du fait de sa nouveauté ;

Sur le moyen d'irrecevabilité opposé par Monsieur C Solal à l'action en responsabilité délictuelle de Messieurs M et M fondée sur l'exploitation de visuels ;

Considérant que Monsieur C Solal se prévaut également de l'irrecevabilité de cette autre demande, arguant de la confusion entre les notions d'identité visuelle du groupe et de visuels illustrant les jaquettes des DVD du groupe, ces derniers étant la propriété du producteur qui les a payés et a acquis les droits y afférents ;

Mais considérant que le moyen tend à voir trancher la question de la nature des faits précisément reprochés à Monsieur C Solal par Messieurs M et M qui évoquent, notamment, le détournement de « l' image du groupe », son « univers visuel » et, éventuellement, celle du droit de reproduction des images attachées à la commercialisation des enregistrements du groupe ;

Qu'il s'agit de questions relevant du fond du litige qui seront examinées en leur temps et qu'il s'en déduit que ne peut être accueilli le moyen tendant à voir déclarer, purement et simplement, Messieurs M et M irrecevables en leur action ;

Sur la demande relative aux manquements de Monsieur Cohen-Solal aux oligations de la convention d'indivision

Considérant qu'au soutien de son action en responsabilité contractuelle, Monsieur M expose en préambule que Monsieur C Solal, tirant profit de sa double qualité d'artiste-interprète et de producteur, s'est abusivement présenté comme le fondateur du Groupe Gotan Project (« pseudonyme » dont la raison d'être est, affirme-t-il, de l'identifier aux yeux du public), qu'il détourne à son bénéfice « la notoriété du Groupe » pour favoriser ses activités personnelles de DJ, qu'à l'insu de Monsieur M et de lui-même, il s'est « illicitement approprié le pseudonyme Gotan Project », propriété indivise des trois membres du Groupe, qu'en violation de l'article L 711-4 sous e) et g) du code de la propriété intellectuelle, il a « frauduleusement » déposé trois marques au nom de la société de production et qu'il s'est de la sorte « approprié via sa société Science et Mélodie, la dénomination collective du groupe », que c'est dans ces conditions que ces marques ont été « rétrocédées » au groupe et qu'une convention d'indivision portant sur ces marques a été signée le même jour, 23 mai 2003, entre ses trois membres ;

Qu'il analyse cette convention d'indivision portant sur les marques « Gotan Project » comme une contractualisation de la propriété indivise des trois membres du groupe sur le « pseudonyme Gotan Project » ; que, s'agissant de son exploitation, il évoque le contrat de licence signé le même jour au profit de la société Science et Mélodie et l'article 4 de la convention aux termes duquel :

« Toutes exploitations des marques objet des présentes ainsi que de leurs extensions, ou déclinaisons nécessiteront l'accord préalable écrit des trois co-indivisaires.

Dans cette hypothèse et à défaut d'accord contraire, toutes les recettes et les charges, générées par l'exploitation desdites marques, seront partagées entre les signataires des présentes, à proportion de leur quote-part » ;

Qu'il fait grief à Monsieur C Solal de n'avoir eu de cesse, nonobstant les termes clairs de cette convention, « d'exploiter la dénomination Gotan Project pour assurer la promotion de ses activités professionnelles » et, pour attester de ces manquements, l'appelant produit diverses captures d'écran pour partie issues du constat d'huissier dressé le novembre 2012 (pièce 18) illustrant la promotion des prestations personnelles de Monsieur C Solal, sans rapport avec l'activité du Groupe, et qui font l'objet d'une large diffusion sur internet, à savoir :

Gotan Project (DJ Set) à Los Angeles, en avril 2012

Gotan Project ' Ball 2012 ' DJ Set by Philippe C Solal, les 19 et 20 mai 2012

Gotan ' DJ Set ' Philippe C Solal (Paris) à la Chiasca (Bari), le 17 novembre 2012

DJ Gotan Project known as Philippe C Solal when not at work, à Rome, le 28 mars 2012

World of Premier ' Gotan Project ' DJ Set feat. Philippe C Solal (Paris), le 17 avril 2009 à Istanbul

Gotan project DJ Set by Philippe C Solal, à Nice le 04 juin 2005

Gotan Project's ' DJ Philippe C Solal, à Notting Hill, le 15 juin 2013 ;

Qu'il fait valoir que la présentation qui en est faite n'est pas conforme aux usages, que Monsieur C Solal fait croire à un public moyennement attentif qu'il s'agit d'une prestation du Groupe Gotan Project (le nom de Monsieur C Solal apparaissant de façon secondaire dans une police beaucoup plus petite) associant systématiquement l'image du Groupe à la promotion de son activité, que cette confusion est, en outre, entretenue par l'usage de visuels extraits des pochettes des albums du Groupe et que ces utilisations de la marque sans l'accord préalable de Messieurs M et M constituent incontestablement une faute engageant la responsabilité contractuelle de Monsieur C Solal ;

Que, de son côté, Monsieur Christoph M soutient d'abord qu'un pseudonyme collectif (ressortant du droit de la personnalité) peut être adopté comme marque, ce qui renforce notamment les conditions de sa protection au bénéfice des propriétaires indivis ;

Qu'il reprend pour partie l'argumentation de Monsieur M en illustrant son propos par la plupart des visuels déjà évoqués et reproche à Monsieur C Solal d'avoir violé la convention d'indivision en reproduisant la marque « Gotan Project » à des fins commerciales, à savoir pour la publicité et la promotion de concerts publics et DJ sets (tous accessibles en France notamment sur internet) constituant des activités relevant des services de divertissement et/ou culturels, couverts par la marque mais étrangères à celles du Groupe ; que Monsieur C Solal ne s'est pas contenté, comme il le prétend, d'une simple évocation de son appartenance au Groupe tant le nom de celui- ci est mis en relief et qu'entretenant sciemment la confusion, il a porté atteinte à la fonction essentielle de la marque qui est de garantir aux consommateurs l'origine des produits et services ; qu'il aurait dû, de plus, se faire autoriser par les co-indivisaires de la marque pour ses activités personnelles de DJ ;

Qu'en réplique à l'argumentation de Monsieur C Solal qui leur oppose, notamment, leurs propres pratiques puisqu'ils ont, de leur côté, utilisé la dénomination du Groupe pour leurs propres prestations, notamment en s'associant avec l'artiste Catherine R pour un concert « Plaza Francia » le 29 novembre 2013 à Sannois, il souligne que la mention « Gotan Project » figurait entre parenthèses comme celle du groupe les Rita Mitsouko au-dessous du nom de Catherine R, qu'en outre, il n'est pas responsable des publications de tiers qui rappellent son appartenance au Groupe et qu'en toute hypothèse, il met tout en oeuvre pour empêcher les usages malencontreux de la dénomination ;

Considérant, ceci rappelé, que l'appellation « Gotan Project » constitue, comme pour d'autres groupes de musiciens évoluant dans ce registre, la dénomination collective du groupe, qu'elle est indissociable de l'existence du groupe qu'elle désigne et de son expression artistique originale et qu'elle appartient indivisément aux membres qui le constituent ;

Qu'en l'espèce, Messieurs M, M et C Solal, copropriétaires indivis, depuis 1999 et jusqu'à ce jour, de la dénomination collective « Gotan Project » - quel qu'en soit l'inspirateur et quel que soit le fondateur du groupe (questions dont il est inutilement débattu pour trancher le présent litige) -, sont autorisés à en faire usage, indépendamment du fait que les termes « Gotan Project » bénéficient de la protection du droit de marque dont la protection a été recherchée à compter de novembre 2000 et qui perdure ;

Qu'en dépit du fait que Monsieur M précise que les marques en cause désignent en classe 35 les services de publicité et, en classe 41, les services d' éducation ; formation ; divertissement ; activités sportives et culturelles correspondant, selon lui, aux activités du spectacle vivant puis invoque, en termes généraux, une atteinte à la fonction essentielle de la marque ' à savoir : distinguer les produits et services qu'elle désigne de ceux qui ont une autre origine commerciale en permettant au public concerné de conclure que tous les produits ou services ont été fournis sous le contrôle de son titulaire -, il ne démontre pas, et pas davantage Monsieur M, un usage à titre de marque de l'appellation « Gotan Project » par Monsieur C Solal, lequel se défend d'avoir jamais effectué d'acte d'exploitation de la marque « Gotan Project » en affirmant qu'il en a usé comme pseudonyme en sa qualité de propriétaire indivis soumis à des usages professionnels qu'il a au demeurant respectés, en particulier par l'insertion de clauses contraignantes à cet égard dans les divers contrats avec les organisateurs de ses DJ, l'usage qui en a été fait par des tiers n'étant pas de sa responsabilité ;

Qu'en effet, force est de relever que M fluctue, au fil de ses écritures, sur la qualification des termes « Gotan Project », employant indifféremment les termes de pseudonyme, dénomination collective, dénomination, marque, ... ;

Que, de plus, Messieurs M et M critiquent, l'un et l'autre, la communication développée par Monsieur C Solal pour présenter ses prestations en évoquant des usages tenant en particulier à la présentation graphique des supports auxquels l'artiste issu d'un groupe doit se soumettre pour assurer sa promotion personnelle ; qu'ils font valoir qu'en cette circonstance, la référence au Groupe requiert des sous-titres ou des parenthèses ou encore une police de caractères de moindre importance que celle adoptée pour le propre nom de l'artiste ou sa prestation ; qu'en portant une appréciation critique sur lesdits supports, ils s'attachent essentiellement à souligner le fait que Monsieur C Solal ne les a pas respectés ;

Que, qui plus est, outre le fait qu'à suivre l'approche de l'appelant et de Monsieur M, il leur appartenait également de requérir l'autorisation stipulée à l'article 4 de la convention d'indivision pour leurs propres prestations et qu'ils s'en sont abstenus, il y a lieu de relever qu'alors que Monsieur C Solal objecte que Monsieur M ne cesse de lui reprocher ce qu'il fait lui-même et que ses adversaires sont mal venus à lui faire grief d'user d'une communication utilisée pour leurs propres concerts (pages 31 et 61/84 de ses écritures), Monsieur M, évoquant un album de Monsieur C Solal commercialisé en 2007 ainsi libellé : « The new album from Philippe C Solal (GOTANPROJECT) » réplique (page 25/84 de ses conclusions) :

« Un tel usage ne lui est pas et ne lui a jamais été reproché (le nom du groupe est toutefois mis en avant ici par l'utilisation d'une police de caractère plus important que celle utilisée pour le nom de Monsieur C Solal).

C'est de façon tout aussi légitime que Messieurs M et M ont présenté l'album Plaza Francia, auquel ils ont participé aux côtés de Madame Catherine Ringer de (la) façon suivante : « Catherine R (des Rita M) MULLER & MAKAROFF (de Gotan Project) ».

Ces formules sont conformes aux usages et ne peuvent être reprochés aux artistes (... ) » ;

Que le respect de ces usages professionnels ne ressortant pas des obligations de la convention d'indivision invoquées au soutien de l'action en responsabilité contractuelle dont la cour est saisie mais des rapports entre coindivisaires de la dénomination collective du groupe, il y a lieu de considérer que Messieurs M et M échouent en leur demande au titre de la responsabilité contractuelle ;

Sur la demande de Monsieur M relative aux manquements de la société Ya Basta Records aux obligations de la convention de licence de marque

Considérant que l'appelant expose que la société Science & Mélodie devenue Ya Basta Records s'est vue concéder par les trois artistes une licence d'exploitation de la marque « Gotan Project », aux termes de l'article 2 du contrat de cession de marque ainsi rédigée :

« Les artistes concèdent au Producteur une licence d'utilisation des marques « Gotan Project » visées dans l'article 1 pour l'exploitation et la prestation d'auteur-compositeur et/ou d'artiste interprète du groupe Gotan Project, composé des signataires conjointement désignés sous le terme « les artistes », ainsi que des enregistrements audio et/ou vidéo de ces prestations» ;

Qu'il fait valoir que cette stipulation, rédigée en termes clairs, ne permet en aucun cas au producteur d'utiliser la marque et de détourner la notoriété du Groupe pour la promotion d'autres artistes ; que, pourtant, la société intimée utilise cette dénomination (et donc la renommée mondiale du Groupe) pour assurer la promotion de l'ensemble des artistes qu'elle produit dont la renommée est, affirme-t- il, bien moindre pour ne pas dire inexistante ;

Que les manquements contractuels qu'il incrimine portent sur l'usage du site que cette société gère et anime en sa qualité de producteur comme vecteur promotionnel bénéficiant à d'autres artistes ou produits et services, alors qu'il a pour unique vocation d'être dédié aux activités du groupe ; qu'à cet égard, il affirme que s'il est loisible au producteur de présenter sur son propre site ' ici : - des liens hypertextes renvoyant vers le site officiel de ses artistes, il ne lui est pas permis de présenter sur le site officiel Gotan Project, comme elle l'a fait et comme constaté par huissier les 24 et 26 avril 2013 (pièce 22), un lien hypertexte renvoyant à des pages internet relatives à d'autres artistes ou des produits ou services sans rapport avec l'activité de ce Groupe ;

Considérant, ceci exposé, que Monsieur M établit, plus précisément, qu'un onglet « shop » figurant en page d'accueil du site permet à l'internaute d'être redirigé directement vers la boutique en ligne de la société Ya Basta Records ; que cette boutique en ligne offre à la vente des enregistrements d'artistes tiers au Groupe (El Hijo de la Cumbia, Feloche, David W ou Philippe C Solal personnellement (« The moon sessions ») ou bien des « produits Ya Basta » (T-shirt Ya Basta, disques vinyle ou compact disques Ya Basta crew ou The Boyzd from Brazil ou CD Ya Basta intitulé Gotan Project) ;

Que l'appelant établit, par ailleurs, qu'un onglet « links » est présent sur cette même page d'accueil du site officiel du Groupe dirigeant l'internaute vers une autre page de ce site comportant l'onglet « others », lequel se voit alors proposer tous les produits de l'intimée (Prisca L, David W, Philippe C Solal lui-même, Feloche, Stereo Action Limited, Boyzd from Brazil, El Hiro de l) et, cliquant sur les images, peut accéder au site personnel de certains de ces artistes ;

Que c'est en vain que la société Ya Basta Records lui oppose les termes du contrat d'enregistrement exclusif du 23 mai 2003 (articles 7 et 15) ou du contrat de licence de marques de même date (article 2) dès lors que le grief ne porte pas sur l'autorisation cumulative de promouvoir et d'exploiter les enregistrements du Groupe Gotan Project ;

Que, de la même manière, le litige ne porte pas, comme le voudrait la société Ya Basta Records, sur ce que, d'une manière générale, le producteur de plusieurs artistes est conduit à faire précisément sur son propre site (en l'espèce ) et qu'il n'est nullement prétendu qu'un producteur doit créer une boutique en ligne pour chacun des artistes du label ; qu'en outre, si le producteur peut prétendre, comme il le fait, que rien, dans le contrat, ne l'obligeait à commercialiser sur son propre site les enregistrements du Groupe, ceci n'est pas contesté ;

Que le grief de l'appelant porte sur la gestion et l'animation du site officiel du Groupe par le producteur qui avait uniquement licence, aux termes de la convention, de faire usage de la marque pour l'exploitation et la promotion des prestations et enregistrements du Groupe ;

Que, selon les constatations sus-décrites, ce producteur use de ce site à d'autres fins puisqu'il permet d'accéder aux enregistrements d'artistes tiers au Groupe (peu important que certains aient pu faire les premières parties de spectacles du groupe) ou à des produits dérivés se rapportant au label et qu'il en tire des profits personnels ;

Que Monsieur M est fondé à prétendre que cette situation lui est préjudiciable dès lors qu'en conséquence d'une telle exécution du contrat de licence, l'internaute pourra croire que le Groupe Gotan Project collabore avec lesdits artistes, alors qu'il n'en est rien ; que, de plus, le Groupe ne tire, quant à lui, aucun profit de l'activité de ces artistes ;

Qu'il s'en déduit que Monsieur M est fondé à poursuivre la société Ya Basta Records en responsabilité contractuelle ;

Sur l'action en responsabilité délictuelle à rencontre de Monsieur C Solal

Considérant que tant Monsieur M que Monsieur M reprochent à Monsieur C Solal d'avoir détourné l'image que véhiculent les visuels utilisés pour la promotion du Groupe, sa charte graphique, son concept promotionnel, afin de promouvoir ses activités personnelles d'animateur de discothèque ; qu'il s'agit là, considèrent-ils, d'un acte de parasitisme de nature à tromper un public moyennement attentif et à le détourner du Groupe Gotan Project qu'à tort, affirment-ils, le tribunal n'a pas retenu ;

Que les images incriminées portent, d'une part, sur une photographie en gros plan des chevilles d'une femme dont l'une est meurtrie par une blessure sanguinolente et de ses pieds chaussés de chaussures à talon aiguille de couleur dorée et, d'autre part, de trois corps nus féminins figurant la lettre « G » de Gotan ;

Que Messieurs M et M, qui se réfèrent à la pochette du DVD live du Groupe « la revancha del tango » et celle de la jaquette de l'album « Tango 3.0 », imputent à faute à Monsieur C Solal le fait d'en avoir fait usage en 2012, pour la première, sur les affiches annonçant son concert de Sofia, pour la seconde, sur celles annonçant ses prestations à Los Angeles et à Bari ;

Considérant, ceci rappelé, que si Monsieur C Solal se prévaut de l'irrecevabilité des demandes à son égard en soutenant que les visuels en cause se ramènent aux photographies illustrant les pochettes des enregistrements du Groupe, prises par Madame Prisca L (dont le nom est crédité sur ces supports) qui a cédé ses droits d'auteur au producteur, la société Ya Basta Records, il se place sur le terrain de la contrefaçon de droits d'auteur alors que la cour est saisie d'une demande au titre du parasitisme ;

Qu'il apparaît, sur le fond, qu'il lui est reproché d'avoir détourné l'identité visuelle du Groupe, autrement dit l'image qu'à travers une série de représentations graphiques le Groupe s'est forgée en créant un lien tel entre son oeuvre musicale et l'univers visuel propre à marquer les esprits qu'il a choisi que la simple contemplation de ces représentations graphiques permettra de l'identifier ;

Que le fait que des éléments visuels ou graphiques constituant l'identité visuelle du Groupe se retrouve sur des sites internet édités par des tiers est inopérant puisque ne sont incriminés que les propres outils de communication de Monsieur C Solal ;

Que la circonstance que ce dernier ait choisi ces images porteuses de l'univers singulier du Groupe pour associer ses prestations personnelles de DJ au Groupe dont il est issu et dont il mentionne le nom sur ses affiches permet de considérer qu'il n'en a pas négligé la puissance évocatrice auprès du public convié à assister à ses prestations et que Messieurs M et M sont fondés à prétendre que, ce faisant, il a agi en parasite en détournant une valeur économique à leur préjudice ;

Que le jugement sera par conséquent infirmé en ce qu'il a rejeté les demandes fondées sur les dispositions de l'article 1382 du code civil ;

Sur les demandes reconventionnelles de la société Ya Basta Records portant sur le logo « Gotan Project »

Considérant que cette société poursuit l'infirmation du jugement qui a dénié à ce logo toute originalité et l'a déclarée « irrecevable » à agir en contrefaçon, de la même façon qu'elle l'a déboutée de sa demande au titre de la concurrence déloyale en raison de l'absence de démonstration d'une faute ' étant relevé par la cour que le tribunal a omis de reprendre cette disposition dans le dispositif de sa décision - ;

Sur la contrefaçon

Considérant que la société Ya Basta Records se prévaut de la titularité des droits d'auteur sur un logo constitué par la représentation, sur deux lignes, des termes « gotan » et « project » selon un mouvement ascendant et légèrement incurvé ;

Qu'en réplique au moyen d'irrecevabilité qui lui est opposé, elle fait valoir que, selon contrat du 20 septembre 2001, les droits d'auteur lui ont été gracieusement cédés par sa créatrice, Madame Prisca L, ancienne épouse de Monsieur C Solal qui estimait que l'exposition publique que lui procurait la mention de son nom au crédit de tous les supports du Groupe en était la contrepartie ; qu'en 2001, ajoute-elle, elle était titulaire des marques en cause et que depuis cette date elle les exploite au su de Messieurs M et M, ce qu'ils ne peuvent prétendre ignorer dans la mesure où ce logo figurait au recto de leur album « La revancha del tango » dès cette date ;

Qu'elle soutient, par ailleurs, que ces derniers sont malvenus à en contester l'originalité dès lors qu'ils utilisent ce logo à titre personnel ' ce qu'elle leur reproche de faire sans son autorisation ' et que s'ils le font, « c'est parce qu'ils entendent profiter, pour leurs activités personnelles et sans bourse délier, des investissements intellectuels liés à la réalisation de ce logo et de bénéficier de son incontestable notoriété» ;

Mais attendu qu'à admettre que la société Ya Basta Records puisse se prévaloir, à l'égard de Messieurs M et M, de la présomption de titularité des droits sur ce logo qui bénéficie à la personne morale qui exploite de façon non équivoque une œuvre de l'esprit ou, faute de pouvoir bénéficier de cette présomption simple, du contrat de cession qu'elle verse aux débats, force est de considérer qu'en dépit de la motivation du jugement en soulignant la banalité et des conclusions de ses adversaires, elle ne caractérise d'aucune manière la combinaison d'éléments portant l'empreinte de la personnalité de son auteur et, comme telle, susceptible de donner prise au droit d'auteur ;

Qu'elle sera, par conséquent déboutée de sa demande à ce titre, l'originalité ne constituant pas une condition de recevabilité, comme en a jugé le tribunal, mais une condition de fond ;

Sur la concurrence déloyale

Considérant que la demande à ce titre tient en trois lignes dans les conclusions de la société intimée, ainsi formulée : « Dans l'hypothèse où la cour estimerait que ce logo ne constitue pas une œuvre de l'esprit emprunte d'originalité, la société Ya Basta Records entend former sa demande à titre subsidiaire sur le fondement de la concurrence déloyale et parasitaire (article 1382 du code civil) » ;

Mais considérant que l'action en concurrence déloyale n'est pas une action de repli et que, saisie d'une demande fondée sur l'article 1382 du code civil, il n'appartient pas à la cour de se substituer à la société Ya Basta Records pour caractériser et démontrer la faute incriminée outre le préjudice qui en serait résulté ;

Qu'elle sera, par conséquent, déboutée de sa demande de ce chef ;

Sur les mesures réparatrices

Considérant qu'il résulte de ce qui précède que peuvent seuls être indemnisés le préjudice causé à Monsieur M du fait des manquements de la société Ya Basta Records dans l'exécution du contrat de licence de marque et le préjudice subi par Monsieur M et par Monsieur M du fait du détournement, par Monsieur C Solal et à son profit personnel, de l'identité visuelle du Groupe ;

Qu'eu égard à la nature des manquements reprochés à la société Ya Basta Records et au fait que le commerce en ligne a vocation à toucher la communauté des internautes, le préjudice en résultant sera réparé par l'allocation de la somme de 10.000 euros au profit de Monsieur M ;

Que, par ailleurs, le préjudice résultant du détournement, par Monsieur C Solal, à des fins personnelles et pour en tirer profit, de l'identité visuelle que le Groupe a su créer autour de son oeuvre musicale en s'inscrivant dans la durée et en y consacrant nécessairement des efforts humains sera évalué à la somme de 10.000 euros au profit de chacun ;

Que les indemnités ainsi ventilées pour un montant total de 30.000 euros n'excèdent pas la limite des sommes telles que réclamées à l'encontre de Monsieur C Solal et de la société Ya Basta Records dont la condamnation était demandée, sans les distinctions qui s'imposaient, in solidum, et « toutes causes confondues » ou encore : « en réparation du préjudice subi » ;

Que, par ailleurs, il sera fait droit aux demandes d'interdiction en ce qu'elles portent sur la promotion du Groupe par le producteur et sur le détournement de l'identité visuelle du Groupe, par Monsieur C Solal, selon les modalités explicitées au dispositif ;

Qu'enfin, les mesures ainsi prononcées réparant à suffisance le préjudice subi, Messieurs M et M seront déboutés de leurs demandes de publication ;

Sur les demandes liées à la procédure

Considérant qu'il échet de réformer le jugement en ce qu'il a condamné Messieurs M et M au titre de l'article 700 du code de procédure civile et aux dépens ;

Que l'équité commande de condamner Monsieur C Solal et la société Ya Basta Records, tenus in solidum, à verser à Monsieur M et à Monsieur M, une somme de 12.000 euros au profit de chacun par application de l'article 700 du code de procédure civile ;

Que, déboutés de ce dernier chef de demande, Monsieur C Solal et la société Ya Basta Records qui succombent supporteront les dépens de première instance et d'appel ;

PAR CES MOTIFS

Rejette les fins de non-recevoir tirées de l'exception de nouveauté en cause d'appel opposées, d'une part, par Monsieur C Solal à l'action en responsabilité contractuelle de Messieurs M et M à son encontre et, d'autre part, par la société Ya Basta Records à l'action en responsabilité contractuelle de Monsieur M à son encontre ;

Dit que la société Ya Basta Records SASU est fondée à opposer une fin de non-recevoir tirée de l'exception de nouveauté à l'action en responsabilité contractuelle que forme à son encontre Monsieur M et déclare, en conséquence, Monsieur M irrecevable à agir à ce titre ;

Rejette le moyen de Monsieur C Solal tiré de l'irrecevabilité à agir, sur un fondement délictuel du fait de l'exploitation de « l'univers visuel », de Messieurs M et M à son encontre ;

Infirme le jugement en toutes ses dispositions hormis celles déboutant Monsieur Philippe C Solal de sa demande indemnitaire fondée sur l'abus de procédure et rejetant la demande de publication judiciaire ; statuant à nouveau :

Dit que la société Ya Basta Records SASU a manqué aux obligations dont le contrat de licence de marque du 23 mai 2003 la rendait débitrice au préjudice de Monsieur Eduardo M et la condamne en conséquence à lui verser la somme de 10.000 euros à titre de dommages-intérêts ;

Dit qu'en détournant l'identité visuelle du Groupe Gotan Project à son profit, Monsieur Philippe C Solal a commis une faute au préjudice de Monsieur Eduardo M et de Monsieur Christoph M et le condamne en conséquence à verser à chacun d'eux la somme de 10.000 euros à titre de dommages-intérêts ;

Fait interdiction à la société Ya Basta Records SASU de faire usage des marques « Gotan Project » ainsi que de toutes extensions ou déclinaisons de celles-ci à d'autres fins que l'exploitation et la promotion des prestations et enregistrements du Groupe Gotan Project, ceci sous astreinte de 5.000 euros par infraction constatée passé le délai de 8 jours suivant la signification du présent arrêt ;

Fait interdiction à Monsieur Philippe C Solal d'utiliser tout élément constituant l'identité visuelle du Groupe à des fins personnelles autres que biographiques, ceci sous astreinte de 5.000 euros par infraction constatée passé le délai de 8 jours suivant la signification du présent arrêt ;

Déboute Monsieur M et Monsieur M du surplus de leurs demandes ;

Déboute Monsieur C Solal et la société Ya Basta Records de leurs entières prétentions ;

Condamne in solidum Monsieur Philippe C Solal et la société Ya Basta Records SASU à verser à Monsieur M et à Monsieur M une somme de 12.000 euros au profit de chacun sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile et à supporter les dépens de première instance et d'appel avec faculté de recouvrement conformément à l'article 699 du code de procédure civile.