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Tobias Scheer Bulletin de la Société de linguistique Philippe Ségéral de Paris, t. XCVI (2001), fasc. 1, p. 107-152

LA CODA-MIROIR1

RÉSUMÉ. — De façon régulière dans un grand nombre de langues sans lien génétique, une consonne située après une consonne (hétéro- syllabique) ou à l'initiale se maintient voire se renforce tandis qu'elle est, à l'intervocalique et en Coda, typiquement exposée à des léni- tions diverses. La position «∞∞∞forte∞∞∞» {C, #}__ est le symétrique de la Coda __{C, #}, d'où la dénomination «∞∞∞Coda-Miroir∞∞∞» employée pour la désigner. Le modèle syllabique «∞∞∞CVCV∞∞∞» qui ne fait appel qu'à une alternance monotone de deux constituants non-branchants, l'Attaque et le Noyau, permet, contrairement à la constituance clas- sique (Attaque, Noyau, Rime, Coda), de capturer la Coda-Miroir comme un objet phonologique unique (non-disjonctif). Ce résultat obtenu, les propriétés de «∞∞∞force∞∞∞» et de «∞∞∞faiblesse∞∞∞» respectives des trois contextes possibles pour une consonne (Coda-miroir, intervoca- lique, coda) sont directement dérivables à partir des deux types de relations syntagmatiques classiquement proposées dans le cadre de la Phonologie de Gouvernement, à savoir Gouvernement et Licencie- ment. La phénoménologie de la Coda-Miroir spécifiquement exami- née ici permet en effet de préciser la nature de ces deux relations, et de modéliser leur combinatoire.

1. Introduction

Le contexte __{C, #}, i. e. «∞∞∞devant une consonne [hétérosylla- bique] ou en fin de mot∞∞∞», a joué dans la Phonologie Générative, dès le milieu des années 70, un rôle de premier plan. Il s'agissait en effet

1. Nous remercions toutes les personnes qui nous ont fait part de leurs commen- taires, objections ou observations∞∞∞: les membres de la Société Linguistique de Paris lors de la présentation orale de cet article (séance du 27 mai 2000), les participants du 31st Poznan Linguistic Meeting (1-3 mai 1998) et ceux de la conférence Current Trends in 2 (Royaumont, 22-24 juin 1998) où deux versions préliminaires de cet article ont été présentées oralement, ainsi que les participants de la conférence «∞∞∞Lénition et Fortition∞∞∞» (Nice, 24-25 juin 1999). Nous voulons également exprimer ici notre reconnaissance à Gabriel Bergounioux, Joaquim Brandão de Carvalho et Sophie Kessler-Mesguish pour leurs remarques, suggestions ou indications de don- nées utiles. 108 TOBIAS SCHEER & PHILIPPE SÉGÉRAL d'un contexte disjonctif, et par là-même questionnant pour la théo- rie∞∞∞: un contexte disjonctif n'est — au mieux — que la formalisation d'une observation et tant que la théorie phonologique est incapable de faire référence sous les espèces d'un seul et unique objet théorique au contexte qui conditionne un processus, il est clair qu'aucune compré- hension réelle de ce contexte n'est atteinte2. A cela s'ajoutait une cir- constance aggravante∞∞∞: ce contexte revenait de manière récurrente dans les règles décrivant des processus phonologiques divers affec- tant des consonnes, et cela dans des langues sans relation génétique. La nécessité de réduire le contexte disjonctif __ {C, #} a conduit, on le sait, à la (ré-)introduction de la Coda et, partant, de la structure syl- labique, dans les représentations phonologiques, jusqu'alors linéaires. Le présent article est consacré à un autre contexte disjonctif∞∞∞: {C, #}__. Ce contexte, «∞∞∞après une consonne [hétérosyllabique] ou en début de mot∞∞∞», est, on le voit, l'exact symétrique de celui de la Coda évo- qué plus haut. Eu égard à cette symétrie, nous le désignons sous le nom de «∞∞∞Coda-Miroir∞∞∞». Ce contexte — seulement entrevu jusqu'ici et mal spécifié pour des raisons qui seront commentées dans la suite — est le site, comme nous le montrerons, d'une classe homogène d'événements phonologiques.

Pour les mêmes raisons qui ont conduit à réduire le contexte __ {C, #} en proposant le constituant Coda, le contexte de la Coda- Miroir, étant disjonctif, requiert une réduction. Or les théories recou- rant à la constituance syllabique classique (Attaque, Noyau, Rime, Coda) ne sont pas en mesure de désigner la Coda-Miroir comme une classe naturelle — et encore moins, a fortiori, de fournir une explica- tion des phénomènes phonologiques dont elle est le site. Si on laisse de côté la question des Attaques branchantes3, une consonne en effet

2. On trouvera dans Lass (1984∞∞∞: p. 250), Goldsmith (1990∞∞∞: p. 103), Carr (1993∞∞∞: p. 198), Rocca (1994∞∞∞: p. 134), Blevins (1995∞∞∞: p. 209) — entre autres — le corpus de faits afférent. Le problème a été clairement énoncé pour la première fois dans le cadre de la Phonologie Générative par Kahn (1976∞∞∞: p. 20). Le questionnement énoncé par Kahn est repris ensuite, parmi d'autres, par Lowenstamm (1981) ou Har- ris (1983), lequel, dès son introduction, écrit∞∞∞: «∞∞∞The environment /__{#, C} is seen often in phonological descriptions […]. Every linguistic description that contains either an explicit boundary symbol or the cryptic notation /___{#, C} thus constitutes a challenge∞∞∞: either it must be reformulable with equal or greater descriptive adequacy in terms of internal syllable organization, or the more restrictive (and hence a priori more desirable) theory that eschews the allegedly functionless machinery must be abandoned.∞∞∞» 3. Nous ne considérerons pas dans cet article les groupes consonantiques à sono- rité croissante du type tr, dr etc., qui réclament une discussion particulière. Celle-ci a LA CODA-MIROIR 109 est susceptible d'apparaître dans cinq positions seulement∞∞∞: #__, C__, V__V, __C, __#. En termes de constituance syllabique, les deux der- nières positions (__C et __#) sont subsumées dans la Coda, les trois premières (#__, C__, V__V) dans l'Attaque. Or la Coda-Miroir implique deux seulement des trois positions d'Attaque, la troisième, V__V, étant explicitement exclue. Elle ne peut donc pas être spéci- fiée en termes syllabiques dans ce cadre classique. Le premier objectif de cet article est de montrer que le modèle syl- labique dit «∞∞∞CVCV∞∞∞» (Lowenstamm 1996), qui s'inscrit dans le cadre général de la Phonologie de Gouvernement, et qui ne fait appel qu'à une alternance monotone de deux constituants simples (i. e. non- branchants), l'Attaque et le Noyau, permet au contraire de saisir directement la Coda-Miroir comme un objet simple (i. e. non-dis- jonctif) et unique (i. e. différent de tous les autres).

Une consonne en Coda est dans une position fondamentalement «∞∞∞faible∞∞∞»∞∞∞: un large éventail de processus, allant jusqu'à son élimi- nation pure et simple4, sont susceptibles de l'affecter. La Coda- Miroir, symétrique de la Coda, est au contraire une position «∞∞∞forte∞∞∞», comme il ressort des faits que nous passerons en revue (et comme cela a été clairement vu et mis en évidence par les romanistes depuis fort longtemps). Que des contextes structurellement symétriques manifestent des propriétés opposées ne peut pas procéder du hasard∞∞∞: la théorie pho- nologique doit être capable de dériver ces propriétés et cette symétrie de la représentation qu'elle propose pour les deux objets concernés, et d'expliquer pourquoi c'est la Coda-Miroir qui est une position «∞∞∞forte∞∞∞» et la Coda une position «∞∞∞faible∞∞∞», plutôt que l'inverse. Par ailleurs, l'intervocalique, c'est-à-dire le type d'Attaque exclu par la Coda-Miroir, est également une position consonantique notoi- rement «∞∞∞faible∞∞∞»∞∞∞: voisements, spirantisations, débuccalisations, amuïssements, etc. observés à l'envi dans ce contexte l'attestent. Bien qu'il arrive que les affaiblissements à l'intervocalique et en Coda soient semblables, ceci n'est pas, loin s'en faut, le cas majoritaire∞∞∞: en

été présentée dans Ségéral & Scheer (1998b) et reprise dans Scheer (2000) mais ne peut pour des raisons de place être reproduite ici. En dépit de la complexité supplé- mentaire qu'ils introduisent, ces groupes ne vont pas à l'encontre de la généralisation que nous proposons pour les consonnes simples. Dans tout ce qui suit, l'expression «∞∞∞après consonne∞∞∞» doit être comprise comme «∞∞∞après consonne hétérosyllabique∞∞∞» ou si l'on préfère «∞∞∞après Coda∞∞∞». 4. Pour une revue de ces processus, voir Grammont (1933∞∞∞: p. 203-209). L'affai- blissement en Coda correspond de façon générale à un processus de décomplexifica- tion du segment consonantique concerné (pour une discussion des faits, voir Gold- smith 1990∞∞∞: p. 112, Harris 1994∞∞∞: p. 66, Blevins 1995∞∞∞: p. 227). 110 TOBIAS SCHEER & PHILIPPE SÉGÉRAL règle générale les affaiblissements sont de nature différente dans les deux contextes. La théorie phonologique doit donc non seulement être en mesure de dériver la faiblesse commune aux deux positions, mais également le fait qu'il existe une différence de nature des affai- blissements observés dans chacun des deux contextes faibles. En résumé, la théorie phonologique doit pouvoir rendre compte de l'ensemble d'observations empiriques schématisé ci-dessous∞∞∞:

« force » « faiblesse »

phénoménologie A phénoménologie B {#, C}__ V __ V __{C, #}

Pour cela elle doit pouvoir décrire chacun des trois contextes impliqués comme un objet simple et dériver les propriétés de chacun d'eux. Le second objectif de cet article est de montrer que ce dernier point passe crucialement par la compréhension de la propriété de «∞∞∞force∞∞∞» que manifeste la Coda-Miroir, et que, le contexte disjonctif de la Coda-Miroir une fois réduit, les propriétés de «∞∞∞force∞∞∞» et de «∞∞∞fai- blesse(s)∞∞∞» respectives des trois contextes possibles pour une consonne découlent directement, dans le modèle syllabique CVCV, des deux types de relations syntagmatiques classiquement proposées dans le cadre de la Phonologie de Gouvernement, à savoir Gouverne- ment et Licenciement (Kaye et al. 1990, Charette 1991, Harris, 1994). La phénoménologie de la Coda-Miroir spécifiquement exami- née ici permet en effet de préciser la nature de ces deux relations, et de modéliser leur combinatoire.

1. La Coda-Miroir∞∞∞: empirie

1.1. Résistance à la lénition L'évolution des consonnes du latin au français offre une première occasion de voir la Coda-Miroir. Laissant pour l'instant de côté les sonantes et les glides que nous évoquerons plus loin, considérons le destin des obstruantes, résumé et exemplifié dans le tableau (1)5∞∞∞:

5. Les mots latins sont donnés dans l'orthographe latine. Nota∞∞∞: = [k], = [f], = [w]. Gloses (de haut en bas et de gauche à droite)∞∞∞: porte, bien, toile, dent cœur, gueule, faim, serpent, taupe, herbe, chanter, ardeur, rancœur, angoisse, enfer, LA CODA-MIROIR 111

(1)

Coda-miroir Coda intervocalique a. # __ b. C __ c. __ C d. __ # e. V __ V pporta p©™t talpat©p rupta ™ut lup(u) lø ripa ™iv bbene bjéˆ herba é™b cub(i)tu kud ub(i) u fabafév ttela twal cantare Ò@teret(i)na ™én marit(u) mari vitavi ddente d@ ardore a™dœ™ advenire av¢ni™ nud(u) ny codakø kcor kœ™ rancore ™@kœ™ facta fét *verac(u) v™é lactucaléty fi gula fiœl angustia @fiwas rig(i)da ™wad *agustu ut ffame féˆ infernu @fé™ steph(a)nu etjéndeforis d¢©™ sserpente sé™p@ versare vé™semusca muÒ nos nu causak©z

En position finale (1d) et devant consonne hétérosyllabique (1c), les obstruantes disparaissent6. Ce comportement identique dans le contexte disjonctif __ {C, #} renvoie à leur statut syllabique com- mun∞∞∞: tous ces segments sont en Coda. A l'intervocalique (1e), on observe une lénition générale des obs- truantes∞∞∞: les bilabiales voisent et spirantisent pour aboutir à v, s voise, les coronales et les vélaires, ainsi que f, disparaissent7. Le destin des obstruantes latines en Coda et à l'intervocalique est différent∞∞∞: même si les coronales t et d s'amuïssent dans les deux cas, des processus de voisement et de spirantisation s'observent typique- ment à l'intervocalique, qui sont inconnus en Coda. Néanmoins, il existe une communauté de destin pour les obstruantes à l'intervoca- lique et en Coda∞∞∞: dans les deux cas celles-ci subissent une lénition. Considérons maintenant les obstruantes en position initiale de mot (1a) et après consonne (1b). Deux constatations s'imposent8. Tout

verser, route, coude, rêne, avenir, faite, roide, Etienne, mouche, leu, où, mari, nu, vrai, nous, rive, fève, vie, queue, laitue, août, dehors, cause. 6. Les vélaires disparaissent en tant que segment consonantique, mais en produi- sant un élément palatal (ou labio-vélaire dans le cas de fi devant m∞∞∞: sagma > somme) qui se combine ultérieurement avec la voyelle précédente. Le cas des bilabiales finales (cf. Bourciez 1967∞∞∞: p. 175) est ambigu∞∞∞: elles s'affaiblisent en f, lequel peut tomber (trabe > a.fr. tre), ou se maintenir∞∞∞: *capu > chef (mais [Òe] dans chef-d'œuvre). 7. L'évolution des vélaires intervocaliques est complexe∞∞∞: en fonction des voyelles environnantes, elles tombent soit sans trace soit en produisant un glide (cf. Bourciez 1967∞∞∞: p. 130-134, Pope 1952∞∞∞: p. 294, 302, 333, 341, La Chaussée 1974∞∞∞: p. 46, 54). Il reste qu'elles s'affaiblissent toujours à l'intervocalique, comme toutes les obstruantes. Quant à f intervocalique — qui est rare, son affaiblissement peut aussi consister à l'intervocalique, lorsque son entourage vocalique est non-arrondi, en un voisement∞∞∞: malifatius > mauvais. 8. Ces deux constatations, loin d'être nouvelles, sont, nous l'avons mentionné dans l'introduction générale, à l'origine de l'appellation «∞∞∞position forte∞∞∞» utilisée dans la tradition philologique française pour désigner le double contexte que nous 112 TOBIAS SCHEER & PHILIPPE SÉGÉRAL d'abord, le comportement des obstruantes est systématiquement iden- tique dans ces deux contextes∞∞∞; le contexte disjonctif {C, #} __ qui émerge à l'issue de cette observation est précisément la Coda-Miroir, objet du présent article. Ensuite, les obstruantes sur ces deux sites demeurent, du latin au français, inchangées9. Le contraste est donc maximal entre l'initiale de mot et la position postconsonantique d'un côté et de l'autre l'intervocalique et la Coda. Le sort d'une obs- truante, i. e. le fait qu'elle soit l'objet ou non d'une altération, dépend crucialement de la configuration syllabique dans laquelle elle se trouve. Le contexte disjonctif {C, #}__ est une position «∞∞∞forte∞∞∞»∞∞∞; cette «∞∞∞force∞∞∞» se manifeste dans l'immunité dont jouit l'obstruante dans cette position.

L'exemple du français pourrait laisser penser que les lénitions ou non-lénitions observées ont quelque chose à voir avec le fait que les sons concernés sont des obstruantes. L'exemple de l'Ibéro-Roman de l'Ouest (portugais et galicien) montre qu'il n'en est rien, puisque ce sont cette fois les sonantes, l, r et n, qui sont impliquées∞∞∞: à l'évi- dence, ce sont les positions qui sont en cause, non les segments. Parmi ces positions, nous retrouvons la Coda-Miroir et ses effets. Les évolutions concernées sont exemplifiées dans le tableau (2) ci-des- sous10∞∞∞: nommons la Coda-Miroir. Dans cette même tradition, la position postconsonantique (hétérosyllabique) est souvent dénommée «∞∞∞position appuyée∞∞∞». L'identité de com- portement des consonnes dans ces deux contextes est assez frappante pour conduire Pope (1952∞∞∞: p. 96) à désigner les deux contextes sous le terme unique de «∞∞∞ini- tial∞∞∞»∞∞∞: «∞∞∞consonants are said to be initial∞∞∞: (i) when they stand at the beginning of a word, (ii) when they stand at the beginning of a syllable, if preceded immediately by a consonant, e.g. in the word portare both p and t are termed initial∞∞∞». Bourciez (1967∞∞∞: p. 122) écrit∞∞∞: «∞∞∞Pour une consonne, la position la plus forte consiste à se trouver soit à l'initiale du mot, soit à l'intérieur derrière une autre consonne∞∞∞». Inver- sement, Pope (1952∞∞∞: p. 97) constate que «∞∞∞final consonants were in a weak posi- tion∞∞∞», et que «∞∞∞single consonants in intervocalic position […] were […] in a weak position∞∞∞». 9. Ceci doit évidemment s'entendre en dehors des processus de palatalisation. La présence à droite de j affecte toutes les occlusives (voir toutefois infra en 1.3), la pré- sence de i, e et a celle des vélaires. Mais pour toutes les consonnes touchées par ces processus, le contraste entre la position forte (Coda-Miroir) et la position faible (inter- vocalique) est conservé. Le résultat est en effet s, Ò ou ® en position forte, mais z, j ou zéro en position faible∞∞∞: comparer par exemple l'évolution de k dans caru > cher, arca > arche vs pacare > payer. Bref, les palatalisations affectent les occlusives en toutes positions, mais le différentiel subsiste dans le résultat selon que la position est forte ou faible. 10. Gloses (de droite à gauche et de haut en bas)∞∞∞: nuit, corne, tendre, pain, lune, âne, vague, non, année, raison, lune, coq, brouet léger, miel, voler, sauver, roue, tendre, porte, mer, cher, Israël, char. LA CODA-MIROIR 113

(2)

Coda-miroir Coda intervocalique a. # __ b. C __ c. __ C d. __ # e. V __ V nnocte nojti cornukoÍnuten(e)ru t鈙upan(e) pΩˆw lunaluΩ as(i)nua®nuunda odΩ non nΩˆw annu Ωnu ration(e) ™ΩzΩˆw lluna luΩ gallu fialucal(i)du ka¬du mel mé¬ volare vwaÍ salvare sa¬vaÍ tal(e) ta¬ rrota ™©∂Ω ten(e)rut鈙uporta p©ÍtΩ mar(e) maÍ carukaÍu israel i®™Ωé¬ carruka™u

Les sonantes latines n, l et r sont soumises, en Coda (2c-d) ou à l'intervocalique (2e), à une série de processus variés de lénition∞∞∞: en Coda, n disparaît et la voyelle précédente est nasalisée, l est vélarisé et r se réduit à un flap11∞∞∞; à l'intervocalique, r se réduit comme en Coda à un flap, l disparaît, n également12. Les mêmes sonantes l, n et r demeurent intactes et à l'initiale de mot (2a)13 et à l'intérieur après Coda (2b). D'une séquence interne de deux sonantes ou d'une sifflante suivie d'une sonante, le portu- gais et/ou le galicien conservent fidèlement, sans lénition, le second membre. La chose est évidente dans les cas où les deux segments sont différents (rn, sn, nr, sr). Et lorsqu'ils sont semblables (sonantes géminées latines), ils ne font pas exception à la règle∞∞∞: la seconde partie de la géminée est une Attaque précédée d'une Coda,

11. Voir Mateus & d'Andrade (2000). En Coda finale, à la suite de la disparition de la nasale en tant que consonne et de la nasalisation de la voyelle précédente, on a un glide nasal, palatal ou vélaire en fonction de l'environnement vocalique (non > nΩˆw, ben(e) > bΩˆj, voir Teyssier 1980∞∞∞: p. 54 et Carvalho 1989a, b). 12. n latin intervocalique disparaît systématiquement en tant que segment conso- nantique en nasalisant la voyelle précédente avant le XIIème siècle en portugais. C'est là le point important pour la discussion en cours. De ce processus résultent des hiatus [V nasale + V orale] dont la résolution donne lieu à des événements complexes (Nunes 1989∞∞∞: p. 110-114, Bec 1970 t.1∞∞∞: p. 332, Teyssier 1980∞∞∞: p. 18, 35, 51, 54). La consonne qui dans certains cas donne l'impression d'occuper en portugais moderne la position du n latin n'est pas le réflexe de celui-ci∞∞∞: ni ñ de viñu vinho «∞∞∞vin∞∞∞», ni j de sΩju seio «∞∞∞sein∞∞∞» ne sont en réalité les réflexes de n latin. 13. La version forte de /r/ est [™] en portugais standard (Mateus et d'Andrade, 2000 : p. 5). Par ailleurs une vélarisation secondaire (et partielle) des l latins initiaux et géminés peut obscurcir les faits. Certains locuteurs en effet prononcent ceux-ci légèrement vélarisés dans lua et galo. Carvalho (1989a) montre que ce processus est secondaire. Le portugais du Brésil garantit au demeurant l'existence d'un contraste à l'origine entre ll géminé et l en Coda∞∞∞: dans cette langue où l initial est passé à ¬, le l latin en Coda est w, mais la géminée latine ll est ¬. 114 TOBIAS SCHEER & PHILIPPE SÉGÉRAL

et elle apparaît sans lénition, comme attendu, dans les formes modernes14. Le contraste entre les affaiblissements systématiques de l, n et r à l'intervocalique ou en Coda et l'intégrité qu'au contraire ces mêmes segments manifestent à l'initiale de mot et après consonne hétérosyl- labique, c'est-à-dire en Coda-Miroir, est frappant.

Les manifestations de la Coda-Miroir examinées jusqu'ici sont de nature diachronique d'une part et concernent des langues romanes d'autre part. Le cas suivant montrera que le fait n'est nullement réservé aux langues romanes, ni cantonné aux événements diachro- niques∞∞∞: c'est en effet la distribution — en synchronie — des occlu- sives en somali, langue afroasiatique (couchitique Est), qui fournit le troisième exemple. En préambule, notons que le somali ignore les Attaques bran- chantes∞∞∞: les mots commencent par une consonne au plus et tout groupe consonantique interne est limité à deux consonnes, toujours hétérosyllabiques. Les occlusives que nous considérerons sont /b/, /t/, /d/, /k/, /fi/15 et nous commencerons par la distribution des trois occlu- sives voisées /b/, /d/ et /fi/ exemplifiée en (3)∞∞∞:

(3)

Coda-miroir Coda intervoc. a. # __ b. C __ c. __ C d. __ # e. V __ V bbeer champ fiarb-o fiarabO-ta fiarabO épaule dabO-ka dabO da«abO feu ddul narine O O qaldaa qalad -ka qalad se tromper / erreur O O O fieed -ka fieed fiee∂-ad arbre fifioor moment nirfi-o nirifiO-ta nirifiO jeune chamelle ‚efiO-ta ‚efiO ‚ey-o oreille sg. indéf. pl. indéf. prés. 3s sg. défini sg. indéf. pl. indéf.

14. Il n'y a pas en (2) d'exemple de latérale latine précédée d'une autre sonante. Ceci résulte d'un processus indépendant de métathèse qui affecte régulièrement les séquences latines -rl- (voir Carvalho 1989a)∞∞∞: on a ainsi mer(u)lu > m鬙u merle, *parlare > pΩ¬™aÍ bavarder. Ceci n'induit aucune distorsion par rapport à la générali- sation proposée∞∞∞: la latérale passée en Coda est vélarisée i. e. lénifiée, tandis que la vibrante, passée en Attaque précédée d'une Coda, est uvulaire i. e. forte. 15. L'attaque glottale ? et l'affriquée palatale tøÒ ne sont pas concernées par les phénomènes considérés. Pour ‚ (rétroflexe voisée) et q (uvulaire non-voisée), voir note 16. Il n'y a pas de p en somali. LA CODA-MIROIR 115

Afin de montrer le système d'alternances synchroniques dans lequel entrent les occlusives somalies, nous mettons à profit en (3) les effets déclenchés par la suffixation de morphèmes à initiale vocalique ou, au contraire, à initiale consonantique. Ainsi pour /dab/ feu, par exemple, le pluriel se forme par suffixation d'un morphème /-aC-/, où C est une copie de la dernière consonne du radical∞∞∞: celle-ci est par conséquent en Coda au singulier [dabO], mais à l'intervocalique [da«abO] au pluriel. De même l'adjonction d'un morphème à initiale vocalique à des radicaux (verbaux ou nominaux) de forme CviCviC déclenche une syncope de la seconde voyelle radicale∞∞∞: par exemple /nirifi-/ jeune chamelle devient [nirfi-] si l'on ajoute le suffixe voca- lique /-o/ de pluriel, mais reste inchangé si le suffixe est à initiale consonantique (par exemple /-ta/, définitif féminin) ou si aucun suf- fixe n'est adjoint. Le résultat est que la dernière consonne du radical est en position postconsonantique dans le premier cas, et en Coda interne ou finale dans le second. Comme il apparaît au premier coup d'œil, les occlusives /b/, /d/ et /fi/ ne sont observables en surface en tant que telles, [b], [d] et [fi], qu'à l'initiale de mot (3a) et à l'intérieur après consonne hétérosylla- bique (3b), c'est-à-dire en Coda-Miroir. Dans les autres environne- ments, elles sont soit spirantisées — à l'intervocalique (3e), soit sans relâchement audible — en Coda (3b-c)16. Le cas des occlusives non-voisées /t/ et /k/, quoique parallèle à celui des voisées, est légèrement plus complexe. Exemples en (4)∞∞∞:

(4)

Coda-miroir Coda intervoc. a. # __ b. C __ c. __ C d. __ # e. V __ V ttuufiO voleur O O fiunt-aa fiunud -naa fiunud nouer /mindi-ta/ > [mindi∂a] couteau kkal mortier ark-aa arafiO-naa arafiO voir /kursi-ka/ > [kursiya] chaise sg. indéf. prés. 3s prés. 1p impér. 2s sg. défini

16. Pour une caractérisation précise des allophones en Coda, voir Armstrong (1934), Orwin (1993). La situation décrite pour b, d, fi vaut pour la rétroflexe voisée ‚∞∞∞: excepté dans les dialectes du Nord, la rétroflexe est réalisée comme un flap Í à l'intervocalique et r (ou Í) en Coda∞∞∞; l'opposition entre /‚/ et /r/ est neutralisée partout sauf en Coda-Miroir∞∞∞: on a ainsi fiabO‚o des jeunes filles mais fia«ar une jeune fille, fia«arta la jeune fille, et baar cherche∞∞∞! (Nord∞∞∞: baa‚), baaÍa cherchez∞∞∞! Quant à l'uvulaire q, elle apparaît comme telle en Coda-Miroir, mais elle est le plus souvent spirantisée en Coda et à l'intervocalique. 116 TOBIAS SCHEER & PHILIPPE SÉGÉRAL

Une fois encore, seule la Coda-Miroir (4a-b) nous offre l'opportu- nité de voir /t/ et /k/ réalisés [t] et [k] en surface17. Dans tous les autres contextes, le même type d'allophone que précédemment fait surface, à savoir une occlusive non relâchée en Coda, une spirante à l'intervocalique. Mais ces derniers allophones sont, en outre, voisés, c'est-à-dire que l'opposition de voisement est neutralisée en position faible (Coda et intervocalique)∞∞∞: les allophones des occlusives non- voisées et voisées correspondantes y sont identiques.

Des trois cas — français, portugais, somali — que nous venons de considérer, il ressort clairement deux choses∞∞∞: 1. les événements — tant diachroniques que synchroniques — que l'on observe pour une consonne à l'initiale de mot et après consonne sont identiques entre eux et opposés à ce qui survient en toute autre position 2. à l'initiale et après consonne, la consonne est en position «∞∞∞forte∞∞∞» et ceci se manifeste par l'intégrité dont elle jouit, qui contraste avec les affaiblissements dont elle est typiquement l'objet dans toutes les autres positions18.

17. En réalité, on rencontre en somali t et k à l'intervocalique. Cependant, en se fondant 1. sur la morphologie des formes concernées, 2. sur l'inhibition systématique dans ces formes des alternances voyelle-zéro normales, 3. sur la résistance au voise- ment à l'intervocalique — processus massivement attesté par ailleurs pour ces seg- ments, on montre qu'il s'agit de la manifestation phonétique de géminées sous- jacentes. On a par exemple un contraste [fariistaa] je m'assois vs [fariisataa] tu t'assois. La première forme est /fariis + at [affixe autobénéfactif] + ø [morph. pers. 1S] + aa [présent]/∞∞∞: la voyelle a de l'affixe autobénéfactif est normalement syncopée. La deuxième forme est /fariis + at [affixe autobénéfactif] + t [morph. pers. 2S] + aa [présent]/∞∞∞: il y a cette fois deux segments t en séquence, cette géminée bloque la syn- cope attendue de la voyelle a de l'affixe autobénéfactif, et dans la réalisation de sur- face, le [t] intervocalique (phonétiquement simple) résiste au voisement. Pour l'ana- lyse complète de ces géminées «∞∞∞virtuelles∞∞∞», i. e. présentes au niveau sous-jacent mais interprétées en surface comme des segments simples, voir Barillot (1997), Barillot & Ségéral (à par.), Scheer & Ségéral (à par.). Significativement, t et k d'une part ne sont pas phonétiquement géminables en somali, contrairement notamment aux occlusives voisées, et d'autre part n'apparaissent jamais en Coda où une géminée n'est, évidemment, pas possible (Orwin 1993∞∞∞: p. 253, Saeed 1998∞∞∞: p. 22). 18. Notons qu'il existe des cas où l'on a seulement l'une des positions fortes et/ou seulement l'une des positions faibles, mais où le contraste s'observe néanmoins. Le français moderne fournit ainsi l'exemple synchronique intéressant d'une lénition sur- venant à l'intervocalique mais bloquée si le segment considéré est en position post- consonantique. Dell (1985∞∞∞: p. 186) note qu'on peut avoir [firosutr] pour grosse outre et [firosputr] pour grosse poutre, mais qu'on a [firos¢us] et non *[firosus] pour grosse housse. Par ailleurs il accepte pour «∞∞∞h aspiré∞∞∞» la représentation /?/, proposée avant lui par plusieurs auteurs qu'il cite, et justifie ce choix en observant que «∞∞∞/?/ […] est employé obligatoirement par certains locuteurs et facultativement par d'autres au début des mots à h aspiré précédés par un mot à finale consonantique∞∞∞: il hâche LA CODA-MIROIR 117

Le premier de ces deux constats est à l'origine de la question posée en préambule de cet article∞∞∞: quelle caractéristique, commune à l'ini- tiale et à la postconsonantique, est de nature à expliquer que les consonnes s'y comportent invariablement de la même façon et autre- ment qu'ailleurs∞∞∞? En d'autres termes, comment réduire le contexte disjonctif {C, #} __ et constituer la Coda-Miroir en un objet simple et unique∞∞∞? Le second constat, lui, laisse perplexe∞∞∞: ce qu'on observe en Coda- Miroir, ce sont en vérité des non-événements si l'on peut dire, puisque la «∞∞∞force∞∞∞» de la position, sa propriété saillante, se traduit par le fait que les consonnes y sont exemptes d'altération. On peut en tirer l'idée que la Coda-Miroir, la position forte, n'est que le complé- mentaire de la/des position(s) faible(s), Coda et/ou intervocalique, et qu'en tant que telle, il n'est pas nécessaire qu'elle puisse être saisie positivement∞∞∞: la position forte est en quelque sorte couverte par le «∞∞∞ailleurs∞∞∞» (négatif) que les contextes — positifs — des règles décrivant les processus observés dans les positions faibles circonscri- vent19. Cette idée est d'autant plus tentante qu'il existe une saisie unitaire évidente des contextes d'affaiblissement∞∞∞: la Coda et l'intervocalique, en effet, sont aussi des contextes impliquant une voyelle à gauche, et les seuls. Autrement dit, la propriété de faiblesse pourrait être impu- tée à la présence à gauche d'une voyelle — la différence entre les deux contextes faibles eux-mêmes pouvant subsidiairement l'être à la présence ou l'absence d'une voyelle à droite.

[il?aÒ]∞∞∞» (ibid.∞∞∞: p. 262, n. 85). Nous acceptons également cette représentation, seule susceptible de rendre compte correctement du contraste entre outre et housse. Cepen- dant, la prononciation avec ? est en réalité nettement plus «∞∞∞obligatoire∞∞∞» que «∞∞∞facul- tative∞∞∞», après un mot «∞∞∞à finale consonantique∞∞∞»∞∞∞: on peut peut-être (∞∞∞?) entendre [ilaÒ] pour il hâche, mais [sétus] pour sept housses paraît très improbable. Ce qui est frappant par ailleurs, c'est qu'une prononciation [firos¢?us] pour grosse housse — qui est objectivement possible — est aussi nécessairement insistante ou emphatique, bref, relève seulement de l'expressivité. La situation est donc la suivante∞∞∞: on a [sét?us] d'une part, et d'autre part — dans des conditions d'expression normale — soit [firos¢us], soit [firos?us], mais pas *[firos¢?us]. En d'autres termes, ? ne s'entend qu'en position postconsonantique (forte) et il est lénifié (> ø) à l'intervocalique (faible)∞∞∞: si le shewa final de grosse est prononcé, la position consonantique identifiée par ? est intervocalique et ? est lénifié∞∞∞: on ne peut pas avoir *[firos¢?us] non plus que *[d¢?or] pour dehors∞∞∞; s'il ne l'est pas, ? est en position postconsonantique et il ne peut pas être lénifié∞∞∞: on ne peut pas avoir *[firosus], comme on n'a pas *[sétus] pour sept housses. Ce contraste, du fait de la distribution lacunaire de ? ne s'observe qu'entre la postconsonantique er l'intervocalique, mais il est conforme à ce qui est attendu. 19. Il est clair au demeurant que cette manière de voir a prévalu jusqu'ici∞∞∞: c'est probablement là la principale des raisons pour lesquelles la Coda-Miroir n'a été qu'in- cidemment décrite. 118 TOBIAS SCHEER & PHILIPPE SÉGÉRAL

La variation contextuelle des occlusives en hébreu biblique est un exemple canonique de processus qui peut être décrit en faisant réfé- rence à la seule position faible, et en imputant le processus d'affai- blissement au contexte postvocalique. Rappelons brièvement les faits, qui sont bien connus. En hébreu biblique chacune des occlusives /p, b, t, d, k, fi/ se présente en surface sous deux formes, l'une occlusive [p, b, t, d, k, fi], et l'autre spirante [Ã, «, q, ∂, x, y] (Joüon 1923, Lambdin 1974∞∞∞: p. XIX, Kenstowicz 1994∞∞∞: p. 410, etc.). Considérons en (5) le comportement de /b/, par exemple, dans trois racines dont cette occlusive est la première, la seconde ou la troisième radicale et dans deux formes différentes du qal (forme simple) dont les schèmes situent les radicales dans des positions syllabiques variées∞∞∞:

(5)

perfectif 3ms imperfectif 3mp

schème-> C1aaC2aC3 ji-C1C2¢C3-uu racines √bq! baaqa! ji«q¢!uu fendre √Òbr Òaa«ar jiÒb¢ruu casser √ktb kaaqa« jixt¢«uu écrire

Les spirantes apparaissent en Coda et à l'intervocalique20, les occlusives à l'initiale et après Coda. Plus simplement∞∞∞: on a les spi- rantes en position postvocalique, les occlusives «∞∞∞ailleurs∞∞∞», en l'es- pèce en Coda-Miroir. Au vu de l'hébreu biblique il ne semble donc pas nécessaire de pouvoir désigner la Coda-Miroir comme un objet théorique simple et positif, pour deux raisons∞∞∞: d'une part le contexte d'apparition des spirantes peut être saisi unitairement (V __ ) tandis que celui où les

20. Il existe en hébreu biblique, on le sait, des cas où l'on a une spirante en posi- tion postconsonantique. Ceci fait problème. Nous n'avons pas d'analyse à proposer de cette phénoménologie, mais on notera que la distribution de ces spirantes «∞∞∞anor- males∞∞∞» est liée à des catégories morphologiques∞∞∞: l'impératif 2fs (kiq«ii non *kiq- bii), ou l'état construit pluriel de certains ségholés (malxee non *malkee), par exemple. A ce titre, c'est la structure morphologique réelle des formes concernées plutôt que la régularité phonologique de la distribution des allophones spirants et occlusifs, que ces cas interrogent. Par ailleurs, les géminées constituent un cas parti- culier∞∞∞: la première partie de la géminée, bien qu'en Coda, n'est pas sujette à spiran- tisation (Òibbar, non *Òi«ar). Il s'agit d'un cas d'intégrité des géminées (McCarthy 1986∞∞∞: p. 226, Kenstowicz 1994∞∞∞: p. 411, Perlmutter 1995∞∞∞: p. 309), phénomène sor- tant des questions abordées ici. LA CODA-MIROIR 119 occlusives apparaissent ({#, C} __ ) est hétérogène et d'autre part la spirantisation constitue le phénomène observable, la présence des occlusives résultant de l'absence de processus. Toutefois, le propos n'est pas de rendre compte isolément, au moindre coût, de tel ou tel processus particulier, mais de comprendre de façon générale les phénomènes de lénition ou de résistance à la lénition. Or l'hébreu n'est en vérité qu'un cas particulier — et minoritaire — d'une phénoménologie qui est beaucoup plus générale car il existe d'autres ensembles de données impliquant des lénitions dont on ne peut rendre compte simplement comme on vient de le faire pour l'hébreu. La «∞∞∞seconde mutation consonantique allemande∞∞∞» ou «∞∞∞mutation du haut-allemand∞∞∞» («∞∞∞zweite oder Hochdeutsche Lautverschiebung∞∞∞») constitue un cas de cet ordre. Elle est à l'origine de deux traits saillants qui distinguent l'allemand des autres langues germaniques∞∞∞: la pré- sence d'affriquées dans certaines positions et la distribution complé- mentaire bien connue entre x «∞∞∞ach-Laut » et ç «∞∞∞ich-Laut∞∞∞». Les occlusives non-voisées p, t, k, du germanique commun apparaissent en vieux haut-allemand (env. 850-1050) comme des affriquées, respecti- vement pf,ø tsø et kxø , à l'initiale de mot et après Coda, i. e. en Coda- Miroir, tandis qu'on a pour les mêmes segments une , f, s et x/ç en position finale de mot et à l'intervocalique21. On peut apprécier le processus en comparant l'anglais à l'allemand, les occlusives non- voisées de l'anglais continuant sans changement celles du germanique commun. Les données utiles figurent en (6), l'anglais en italiques à gauche et l'allemand (moderne) à droite pour chaque colonne22∞∞∞:

21. Faute d'exemples, la colonne réservée à la Coda interne (6c) demeure vide. Les seules séquences internes CC hétérosyllabiques susceptibles de présenter une occlusive sourde en Coda sont, en indo-européen, -pt- et -kt-, mais en germanique le premier élément du groupe a été affecté par la Loi de Grimm. Les dans v.h.a. haft, naht, rëht (n.h.a. Haft, Nacht, Recht, lat. captus, noctis, rectus) sont donc imputables à la première, non à la seconde mutation consonantique (Paul et al. 1989∞∞∞: p. 124). Par ailleurs, p, t, et k ne réagissent pas à la « seconde mutation », lorsqu'ils se trouvent placés après f, s ou x : n.h.a. Haft, Nacht, Recht (cf. supra) et speien, ste- hen (angl. spit, stand) « cracher », « être debout ». Pour la « seconde mutation » en général, voir Lerchner 1971, Braune & Ebbinghaus 1987∞∞∞: p. 81, Hirt 1931∞∞∞: p. 96, Schwarz 1950. 22. Le résultat fricatif de la lénition de germanique commun k est transcrit dans la graphie, mais la fricative sourde a été l'objet ultérieurement d'une influence contextuelle. On a = x après {a, o, u}, mais ç après voyelle d'avant. L'affriquée vélaire kx notée ici n'a survécu qu'en haut-alémanique (Suisse). L'occlusive simple a été ailleurs restaurée, d'où [k©™n] et [da∞k¢] en allemand standard. La gra- phie représente l'affriquée tøs. Gloses (de gauche à droite et de haut en bas)∞∞∞: che- min, carpe, mouton, prêtre, dix, sel, que, haïr, céréale, ligne, faire. 120 TOBIAS SCHEER & PHILIPPE SÉGÉRAL

(6) Coda-miroir Coda intervocalique a. # __ b. C __ c. __ C d. __ # e. V __ V p path Pfad carp Karpfen sheep Schaf pope Pfaffe t ten zehn salt Salz that das hate hassen k corn kXorn thank dankXe streak Strich make machen

Le processus illustre, comme tous les précédents, l'opposition entre les positions fortes et faibles, entre la Coda-Miroir et les autres contextes. Cependant, on n'a plus affaire à une lénition vs un main- tien, mais à une lénition dans les deux groupes d'environnements. La différence est d'importance, et doublement.

D'abord, nous avons avec la «∞∞∞seconde mutation∞∞∞» une lénition en Coda-Miroir, c'est-à-dire dans des positions sans voyelle à gauche. Ce simple fait disqualifie sèchement et sans rémission l'idée que les processus de lénition sont dus à l'action d'une voyelle à gauche. Mais en vérité ceci est une évidence. L'idée que ce soit la voyelle gauche qui, par son action phonétique, soit la cause de la lénition est tout simplement absurde∞∞∞: le t de lat. vita a été lénifié en français ou en castillan, mais pas en italien ou en roumain, par exemple, celui de kaaqa« spirantise en hébreu mais pas celui de kataba en arabe, et il y a pourtant une voyelle à gauche dans tous les cas. La «∞∞∞seconde mutation∞∞∞» ne fait donc que corroborer — a contrario∞∞∞: il y a lénition sans voyelle à gauche — cette évidence. Néanmoins, la présence d'une voyelle à gauche est bien, objective- ment, un élément qui distingue les positions fortes des positions faibles — et de fait il existe bien, à un certain niveau d'analyse (voir infra section 4), une corrélation entre la présence ou non d'une voyelle à gauche et la propriété de faiblesse ou de force de la posi- tion. Mais il ne s'agit pas d'un effet phonétique. La voyelle n'est pas phonétiquement responsable de la lénition∞∞∞: elle est seulement struc- turellement responsable de la faiblesse de la position. Mais la faiblesse de la position, à son tour, n'est pas davantage la cause de la lénition∞∞∞: ni le fait d'être en Coda ni le fait d'être inter- vocalique n'impliquent nécessairement et automatiquement pour une consonne une lénition. On invoquera pour s'en convaincre les mêmes évidences exactement que celles rappelées ci-dessus∞∞∞: le t spirantise dans hébr. kaaqa« mais pas dans ar. kataba∞∞∞: ils sont tous deux à l'in- tervocalique pourtant, etc. C'est-à-dire que ni la nature phonétique des segments adjacents, ni les positions en elles-mêmes ne sont la cause de la lénition. En fait les lénitions surviennent — ou ne surviennent pas — dans les langues LA CODA-MIROIR 121 pour des causes qui sont, en dernière analyse, externes et sur les- quelles nous n'avons pas ici d'avis particulier à émettre23. Maintenant, ce que nous observons c'est que, s'il survient dans une langue un phénomène de lénition — pour quelque cause que ce soit, alors ses manifestations sur les segments consonantiques dépendront régulièrement de la position syllabique de la consonne et de cela seu- lement∞∞∞: elles seront sensibles dans les positions faibles, nulles (ou moins importantes∞∞∞: c'est le cas avec la «∞∞∞seconde mutation∞∞∞») dans les positions fortes. En d'autres termes, les lénitions ne résultent pas d'une transmission de primitives phonologiques et n'ont donc rien à voir avec l'action phonétique d'un segment adjacent. Elles renvoient à la position des segments dans la chaîne, et à cela seulement24. Ce qui reste à comprendre c'est pourquoi les unes sont faibles et les autres fortes, plutôt que l'inverse. Ce n'est qu'à ce niveau que la pré- sence ou l'absence d'une voyelle à gauche prendra un sens.

Ensuite, la «∞∞∞seconde mutation∞∞∞», par sa forme, permet de répondre à la seconde question que nous posions plus haut∞∞∞: n'est-il pas superflu de pouvoir faire positivement référence à la Coda- Miroir, dans la mesure où l'on peut se contenter de décrire les phé- nomènes (positifs) de lénition∞∞∞? Dans le cas de la «∞∞∞seconde mutation∞∞∞», si l'on veut décrire le pro- cessus sans avoir à faire positivement référence à la position forte, il n'y a qu'une possibilité∞∞∞: il faut supposer tout d'abord une lénition générale des occlusives non-voisées dont le résultat est partout une affriquée, puis une seconde lénition de ces affriquées, dans les seuls contextes postvocaliques, dont le produit est une fricative. Une telle analyse implique nécessairement que l'affrication, géné- rale et sans conditionnement contextuel, est indépendante de la spi- rantisation en position post-vocalique et lui est chronologiquement antérieure. Si l'affrication et la spirantisation sont deux phénomènes distincts et consécutifs, rien alors n'exige, a priori, que le second (la spirantisation) s'applique systématiquement sur les résultats du pre- mier (l'affrication)∞∞∞: on s'attend par conséquent à trouver éventuelle- ment des affriquées en position post-vocalique. Au contraire, l'ap-

23. Maurice Grammont (1933) — qu'on ne peut guère soupçonner de vouloir minorer l'importance des effets phonétiques — ne dit pas autre chose. Dans le court chapitre (pp. 175-179) intitulé expressément «∞∞∞Les causes des changements phoné- tiques∞∞∞», il invoque sept causes possibles, dont la loi du moindre effort, l'influence de l'habitat, du sol, du climat, etc., éventuellement combinées. Les causes retenues sont toutes externes∞∞∞: l'interaction phonétique n'est pas du nombre. 24. Et d'ailleurs c'est en cela, précisément, que la notion de lénition s'oppose à celles, par exemple, de palatalisation ou d'homorganicité, qui impliquent au contraire un flux de primitives phonologiques induit par une adjacence. 122 TOBIAS SCHEER & PHILIPPE SÉGÉRAL proche unitaire de la «∞∞∞seconde mutation∞∞∞» que nous défendons fait la prédiction inverse∞∞∞: affrication et spirantisation ne sont pas indé- pendantes, et par conséquent la première ne saurait survenir sans la seconde. Il est donc prédit qu'aucune affriquée ne peut exister en position post-vocalique. La dialectologie allemande offre l'opportunité de tester ces deux prédictions contradictoires∞∞∞: les dialectes sont en effet très nombreux et leur structuration géographique actuelle résulte, précisément, des effets de la «∞∞∞seconde mutation∞∞∞». Entre deux pôles extrêmes, le Nord de la ligne de Benrath où l'on n'a ni affriquée ni fricative (tide, dorp, ik, maken, dat, etc.) et le bavarois qui ne possède plus aucune occlusive sourde ancienne (zeit, dorf, ich, machen, das, etc.), une multitude de variantes sont en effet attestées, l'affrication pouvant concerner sélectivement un seul ou deux des trois lieux d'articulation, et la spirantisation de même seulement tel ou tel lieu d'articulation. Or, le verdict de la dialectologie allemande est sans appel∞∞∞: aucune de toutes ces variantes dialectales ne laisse voir la moindre trace d'af- friquée en position (anciennement) post-vocalique, cf. Bach (1969), Franck (1909), Lessiak (1933), Martin (1939), Meisen (1961), Mitzka (1943), Schwarz (1950), Wagner (1927). Cette absence absolue ne peut pas être fortuite et elle constitue un obstacle insurmontable pour l'analyse qui voudrait décomposer la «∞∞∞seconde mutation∞∞∞» en deux événements disjoints. La «∞∞∞seconde mutation∞∞∞» rend ainsi intenable l'idée que la Coda- Miroir n'est que le simple complémentaire, négatif, des positions faibles et que l'on peut se limiter à décrire les processus survenant en position faible. En fait, la «∞∞∞seconde mutation∞∞∞» est bien un seul et même événement∞∞∞: une lénition. Celle-ci affecte toutes les occlusives non-voisées. Simplement, le processus est filtré par les propriétés res- pectives des deux types de position∞∞∞: ses effets sont limités en Coda- Miroir — c'est la conséquence de la force de la position, tandis qu'ils parviennent, dans les autres positions — faibles, à un point plus avancé sur les trajectoires de lénition. La description adéquate du pro- cessus suppose que l'on puisse désigner positivement aussi bien les positions fortes que les faibles. Et la «∞∞∞seconde mutation∞∞∞» n'est pas en cela un exemple unique∞∞∞: l'examen des fortitions (infra 1.3) achè- vera de montrer la nécessité d'une désignation positive de la Coda- Miroir.

1.2. Effets vocaliques Avant de considérer les phénomènes de fortition, nous examine- rons dans cette sous-section ce qu'on pourrait appeler les manifesta- LA CODA-MIROIR 123 tions vocaliques de la Coda-Miroir. Le contexte de la Coda-Miroir en effet, tout comme celui de la Coda, conditionne une classe d'événe- ments phonologiques concernant les Noyaux∞∞∞: les alternances voyelle-zéro. C'est la Loi de Sievers qui nous fournira un exemple de l'effet de la Coda-Miroir dans ce domaine. Il est nécessaire, avant d'aborder la Loi de Sievers elle-même, de voir comment le contexte de la Coda __ {C, #} conditionne les alter- nances voyelles-zéro dans des langues sans lien génétique. Considé- rons les exemples variés donnés en (7) ci-dessous (le site d'alternance est indiqué par «∞∞∞__∞∞∞» en tête de colonne)25∞∞∞:

(7)

ØV __CV __ C# __ CC arabe marocain kıtøb-u køtıb-ø kıttıb-ø écrire pf. 3pl, 3sg, caus. 3sg allemand [opt.] innør-e inner-ø inner-lich intérieur + infl., intérieur, interne tangale dobø-go dobe dobu-n-go a appelé, appelle, m'a appelé somali garøb-o garab-ø garab-ta épaule pl. / sg. indéf., sg. déf. turc devør-i devir-ø devir-den transfert acc., nom., gén. tchèque lokøt-e loket-ø loket-ní coude gén., nom., adj. hongrois majøm-on majom-ø majom-ra singe superess, nom., sublat. kolami kinøk-atun kinik-ø kinik-tan briser prés., impér., passé

Les langues varient sur le caractère optionnel ou obligatoire de la syncope et en fonction de la/des voyelle(s) impliquée(s) dans les alternances avec zéro. Mais le mécanisme phonotactique des alter- nances voyelle-zéro est d'une remarquable stabilité. La généralisation est∞∞∞:

(8) Ø / __ C V V / __ C {C, #}

Cette généralisation inclut le contexte disjonctif __ {C, #} défini- toire de la Coda, la consonne C intervenant entre le site «∞∞∞__∞∞∞» et les

25. Pour un aperçu général de la phénoménologie des alternances voyelle-zéro, cf. Scheer (1997). Les données en (7) proviennent de∞∞∞: Gussmann & Kaye (1993) pour le polonais, Nikiema (1989) pour le tangale, Scheer (1996) pour le tchèque, Kaye (1990b) pour l'arabe marocain, Barillot & Ségéral (à par.) pour le somali, Törkenczy (1992) pour le hongrois, Wiese (1995) et Noske (1993) pour l'allemand, Clements (1993) pour le kolami. Pour des analyses dans le cadre de la Phonologie de Gouver- nement, voyez — entre autres, Kaye (1990a, b), Charette (1991) et, dans un cadre CVCV, Scheer (1996, 1997, 1998a, b). 124 TOBIAS SCHEER & PHILIPPE SÉGÉRAL accolades étant précisément la Coda. Ceci traduit simplement le fait que l'alternance concerne une voyelle, et par conséquent n'implique pas directement la Coda elle-même mais le Noyau qui la précède. L'important est que la description des alternances voyelle-zéro fait crucialement référence au contexte disjonctif qui caractérise la Coda∞∞∞: on a une voyelle avant la Coda, on a zéro ailleurs. Comme on va le voir, la Loi de Sievers est l'exact symétrique de ce processus∞∞∞: le phénomène qu'elle décrit est en effet l'apparition d'une voyelle après une Coda-Miroir, c'est-à-dire dans le contexte {#, C} C ___. En 1878, Eduard Sievers met en lumière une régularité concernant en gotique l'alternance -j- / -ij- dans la classe des verbes faibles suf- fixés en -jan. Dans ces verbes, sont suffixés au radical un élément thématique, le suffixe -j- / -ij- en question, et des morphèmes person- nels. La distribution des deux allomorphes de l'élément thématique est fonction de la structure du radical∞∞∞: on a -j- après racine «∞∞∞lègère∞∞∞», i. e. se terminant par une voyelle brève suivie d'une consonne (√..VC-) ou par une voyelle longue (√..VV-), tandis qu'on a -ij- après une racine «∞∞∞lourde∞∞∞», i. e. se terminant par une voyelle longue suivie d'une consonne (√..VVC-) ou par une voyelle brève suivie de deux consonnes (√..VCC-)26∞∞∞:

(9)

a. √ «∞∞∞légères∞∞∞» b. √ «∞∞∞lourdes∞∞∞» √ ..VC- √ ..VV- √..VVC- √ ..VCC- prés. 2s nas-j-is stoo-j-is sook-ij-is sand-ij-is sauver garder chercher envoyer

Sievers avait déjà observé un processus de ce type en védique. Ses continuateurs27 ont identifié la même régularité dans d'autres idiomes indo-européens et tenté de montrer qu'elle s'étend aux autres sonantes.

26. Les formes données en (9) sont celles du germanique commun (infra gc.) reconstruit∞∞∞: ce n'est en effet qu'à ce stade que l'alternance -j- / -ij- apparaît comme telle. Dans les formes gotiques réelles, l'alternance est de forme -j- / -ei- par suite de l'évolution gc. *-iji- > got. -ii-, écrit ∞∞∞: on a par exemple prés. 2s nasjis tu sauves vs sôkeis tu cherches. Pour le détail et la reconstruction, voir Braune & Ebbinghaus (1987∞∞∞: p. 12, 26, 44, 118). La partie germanique de la Loi de Sievers est discutée dans — entre autres — Vennemann (1971), Murray & Vennemann (1983), Murray (1988), Dresher & Lahiri (1991), Calabrese (1994). 27. On doit à Edgerton (1934, 1943) une version finalisée (contestée) de la loi. Les effets de la Loi de Sievers se rencontrant en grec, latin, balto-slave etc., elle est d'or- dinaire rapportée à l'i-e. commun. Voir Lindeman (1965), Seebold (1972), Schindler (1977), Collinge (1985∞∞∞: p. 159), Lehmann (1993∞∞∞: p. 103). LA CODA-MIROIR 125

Les notions de «∞∞∞racine légère∞∞∞» et de «∞∞∞racine lourde∞∞∞», toutes deux disjonctives, appellent une réinterprétation. Celle-ci vient natu- rellement dans le cadre de la théorie laryngaliste initiée par Saus- sure∞∞∞: les voyelles longues i-e. proviennent d'une séquence voyelle brève + laryngale en fin de mot ou devant consonne. √soo- et √sook- sont ainsi en réalité √soH- et √soHk-, où H est une consonne laryn- gale28. La distribution complémentaire de -j- / -ij- peut donc être décrite de façon unifiée∞∞∞: -j- est suffixé aux racines de forme √..VC-, -ij- à celles de forme √..VCC-. Le germanique n'offre pas l'occasion de voir ce qu'il en est pour les sonantes i-e. à l'initiale. Mais le védique le permet. Dans le Rig- veda, la métrique permet de calculer le poids syllabique d'un mot, le nombre de sommets syllabiques restant constant d'un vers à l'autre. La métrique indique ainsi que la 1ère personne du singulier de l'op- tatif du verbe «∞∞∞être∞∞∞», ou le mot «∞∞∞deux∞∞∞», par exemple29, ont deux allomorphes∞∞∞: sjaam et sijaam, dvaa et duvaa (où v est le réflexe védique de i-e. w), respectivement. Dans chaque cas, les deux allo- morphes sont en distribution complémentaire∞∞∞:

(10) a. sjaam / dvaa / …V# ___

…VC# b. sijaam / duvaa /{ …VV# } ___ ##

Dans le calcul du contexte conditionnant l'alternance, le védique ignore les frontières de mot. Les voyelles longues s'interprétant comme issues d'une séquence voyelle brève + laryngale, le contexte qui régit l'alternance peut par conséquent s'unifier comme suit∞∞∞: on a -j- après une voyelle brève suivie d'une consonne (…V#s__aam), c'est-à-dire si le mot précédent se termine par une voyelle brève, et on a -ij- après une voyelle brève suivie de deux consonnes (…VC#s__aam), c'est-à-dire si le mot précédent se termine par une voyelle brève suivie d'une consonne (ou par une voyelle longue, puisque VV < *VH). Jusqu'ici, le védique est strictement parallèle au gotique. Mais le védique, à la différence du gotique, montre ce qu'il en est à l'initiale de domaine. On a en effet -ij- et non -j- lorsque le mot est initial de vers∞∞∞: la position initiale en début de vers («∞∞∞##∞∞∞» en 10b) compte comme une consonne.

28. Ni la qualité de la voyelle i-e. reconstruite ni son évolution sous l'influence «∞∞∞colorante∞∞∞» de la laryngale n'intéressent le point qui nous occupe. Sur cela et sur la théorie laryngaliste en général, voir par exemple Lindeman (1987). 29. Pour une série d'exemples, voir Edgerton (1934, 1943). 126 TOBIAS SCHEER & PHILIPPE SÉGÉRAL

Sur la base du gotique et du védique on peut ainsi établir la géné- ralisation (11a), en quoi consiste la Loi de Sievers pour l'i-e. com- mun∞∞∞:

(11)

a. Loi de Sievers b. Alternances voyelle-zéro, cf. (8) VC Ø jCØ CV

{#, C} C i jCV C {#, C}

Ainsi que le souligne l'encadrement en (11a), ce que la Loi de Sie- vers décrit est en fait une alternance voyelle-zéro. Celle-ci est sem- blable à celle décrite en (8) et reproduite pour la commodité en (11b). Chacun des deux contextes, celui de la Coda comme celui de la Coda-Miroir, conditionne une alternance voyelle-zéro que l'on peut considérer comme sa «∞∞∞manifestation vocalique∞∞∞». Mais cet effet vocalique de la Coda-Miroir intervient après {C, #} suivi d'une consonne, tandis que celui de la Coda intervient avant une consonne suivie de {C, #}. Les deux processus sont ainsi l'exact miroir l'un de l'autre et cette symétrie, qui ne peut être due au hasard, est une preuve de plus que la Coda-Miroir et la Coda sont deux objets anti- thétiques.

1.3. Fortitions La «∞∞∞seconde mutation∞∞∞» nous avait fourni l'occasion de montrer la nécessité d'une saisie positive du contexte de la Coda-Miroir. La classe de processus phonologiques vers laquelle nous nous tournons maintenant, les fortitions (ou renforcement, ou encore durcissement), font apparaître cette nécessité de manière plus évidente encore. La littérature (Foley 1977∞∞∞: p. 90, Lass 1984∞∞∞: p. 177, Collinge 1985∞∞∞: p. 83, Harris 1990, 1994∞∞∞: p. 132, 1996, Hock 1991∞∞∞: p. 162, Clements 1993∞∞∞: p. 122, Kenstowicz 1994∞∞∞: p. 35, Trask 1996∞∞∞: p. 55, etc.) cite des cas divers de fortition dans des langues sans rela- tion génétique. L'accent est mis en règle générale sur le type de changement phonétique observé plutôt que sur la position dans la chaîne où le processus a lieu. Néanmoins, Kenstowicz (1994∞∞∞: p. 35) évoque la question dans les termes suivants∞∞∞: «∞∞∞Postvocalic context is the most typical environment for the change from stop to fricative […]. Many systems restrict weakening to contexts in which a vowel follows as well as precedes […]. Fortitions from fricative to stop tend to occur in the complementary set of contexts∞∞∞: postconsonan- tal and initial∞∞∞». LA CODA-MIROIR 127

L'un des cas de fortition répondant tout à fait à la caractérisation de Kenstowicz ci-dessus — et d'ailleurs l'un des exemples les plus souvent cités dans l'illustration du phénomène (Lass 1984∞∞∞: p. 177, Trask 1996∞∞∞: p. 55, Clements 1993∞∞∞: p. 124, par exemple) — concerne l'évolution de j du latin au français. Rappelons brièvement les faits en (12)30∞∞∞:

(12) Coda-miroir Coda intervocalique a. # __ b. C __ c. __ C d. __ # e. V __ V jjocu ®ø sapjam saÒ maj(u) mé raja ™é jurare ®y™e rubju ™u® jejunu ®ó

A l'initiale (12a), le réflexe français de j latin est ®∞∞∞: nous avons affaire à une fortition (par une étape affriquée dø®). L'évolution de j latin après Coda ne peut s'apprécier clairement qu'après les labiales — les processus de palatalisation après coronale ou vélaire (cf. note 9) opacifiant les données31. Il peut sembler peu naturel, au premier abord, de considérer les groupes pj / bj comme hétérosyllabiques. Mais l'évolution même de ces groupes montre qu'ils sont hétérosyllabiques en latin vulgaire∞∞∞: s'ils étaient homosyl- labiques, le changement aboutissant à Ò / ® devrait être interprété comme une palatalisation, ce qui est absurde s'agissant de labiales. S'ils sont hétérosyllabiques, on a une fortition en position postconso- nantique, identique à celle qui s'observe à l'initiale, et p / b en Coda s'amuïssent, comme partout ailleurs dans la langue, cf. (1). Cette ana- lyse au demeurant ne fait que reprendre la conception classique — plus ou moins explicitement formulée — des philologues∞∞∞: cf. Bour- ciez 1967∞∞∞: § 171, Pope 1952∞∞∞: p. 97. Dans les positions faibles, au contraire, j est perdu∞∞∞: il disparaît en tant que segment consonantique, en laissant éventuellement une trace sur la voyelle précédente. Le français nous donne ainsi un clair exemple de fortition, et — c'est le point important ici, celle-ci affecte sa cible, j, à l'initiale et après Coda, c'est-à-dire en Coda-Miroir. Le phénomène ne peut pas être décrit sans faire référence positivement à la Coda-Miroir.

30. Gloses (de haut en bas et de gauche à droite)∞∞∞: jeu, jurer, sache [subj. prés. 1s], rouge, mai, raie (poisson), (à) jeun. 31. Pour une analyse complète de l'évolution en gallo-roman des séquences consonne + yod, voir Scheer & Ségéral (2001). Cette analyse montre que ces séquences sont hétérosyllabiques et que yod, postconsonantique, s'y renforce, selon des modalités diverses. Notons seulement ici que la fortition j > ® ne se produit pas qu'après labiale∞∞∞: on l'a après r (*sturione > esturgeon), n (lineu > linge), d (*wadiu > gage), etc. 128 TOBIAS SCHEER & PHILIPPE SÉGÉRAL

Un autre cas, très comparable, concerne l'évolution du yod indo- européen en grec classique. Comme dans le cas précédent, ce seg- ment disparaît systématiquement à l'intervocalique (Grammont 1948∞∞∞: 89, Lejeune 1955∞∞∞: § 153, Meillet & Vendryes 1963∞∞∞: § 55). En Coda, j se maintient comme second élément de diphtongue∞∞∞: de i-e. *d(w)ej- on a *dej-os > deos crainte et *dej-ma > deima objet de crainte. Partout ailleurs, en face d'i-e. j, on trouve en grec une obs- truante coronale, comme illustré en (13)∞∞∞:

(13) a. # __ *jug- > dzug-on joug (lat. iugum, skr. yugám, got. juk) *je(s)- > dze-oo bouillir (skr yásati, vha jesan) b. C __

C[lab] p *klep-joo > kleptoo voler b [pas d'exemple clair] 32 C[cor] t *melit-ja > melitta abeille d *od-joo > odzoo sentir

C[vél] k *kaaruk-joo > keeruttoo proclamer g *stig-joo > stidzoo puer

A l'initiale (13a), i-e. j se renforce en dz33. Après Coda (13b), l'évolution pj > pt ne se comprend que si j est en Attaque et se renforce. C'est d'ailleurs, là encore, la vision impli- cite de tous les auteurs (voir passages déjà cités) et le cas est tout à fait parallèle à celui de pj / bj en gallo-roman discuté précédemment. Le résultat «∞∞∞dz∞∞∞» provenant de C[+ voisé]j est d'interprétation plus dif- ficile (voir Lejeune 1955∞∞∞: § 94), mais le résultat géminé tt provenant de C[-voisé]j, assure qu'il en va pour les séquences C[cor]j et C[vél]j. comme pour les séquences C[lab]j à l'assimilation près de la consonne en Coda. Bien qu'impliquant secondairement des processus de pala- talisation et d'assibilation, ces évolutions ne s'expliquent pas sans une fortition de j. Celle-ci a lieu à l'initiale de mot et après Coda, i. e. en Coda- Miroir34.

32. Formes attiques. Les mêmes mots ont ss dans les autres dialectes (cf Lejeune 1955∞∞∞: § 86 pour le détail). Pour les cas (inexpliqués à notre connaissance) d'évolu- tion tj / thj > s dans quelques mots attiques voir Lejeune (1955∞∞∞: § 83). 33. Il existe une évolution i-e. j > grec h, dont le type est heepar foie (lat. jecur, skr. ják®-t). Sur cette double évolution, déconcertante, voir Grammont (1948∞∞∞: p. 93), Lejeune (1955∞∞∞: § 152), Beekes (1995∞∞∞: p. 143). Quoi qu'il en soit, elle ne remet pas en cause l'existence d'une fortition dans les exemples cités. 34. Harris (1996) rapporte un autre cas de fortition de j en grec de Chypre. Entre LA CODA-MIROIR 129

Les deux cas précédents concernent le glide palatal, mais le fran- çais fournit un exemple bien connu de fortition du glide labio-vélaire w. Il s'agit du passage de w d'origine germanique à fi (par fiw). Cette fortition de w ne se produit qu'en Coda-Miroir. Les exemples à l'ini- tiale de mot sont nombreux∞∞∞: *werra, *wahtôn, *wardôn, *waigaro, *wîsa > guerre, guetter, garder, guère, guise, etc., auxquels s'ajou- tent les mots romans avec w initial croisés avec des mots germa- niques parallèles ou proches∞∞∞: vadu, vagina, vespa > gué, gaine, guêpe, etc. Ils sont beaucoup plus rares en postconsonantique, mais on peut citer échauguette (a.fr. escalgaite, eschaugaite) < *skarwahta. A l'intervocalique, au contraire, w germanique est lénifié∞∞∞: *kawa > a.fr. choue. Des fortitions comparables de j en Ì/dø® et de w en fiw/yw/(pop.)bw s'observent également en castillan∞∞∞: elles ont lieu «∞∞∞à l'initiale abso- lue, après n et, de façon générale, partout où b, d, et g se réalisent avec fermeture complète∞∞∞» (Martinet, 1955∞∞∞: p. 83-84), en d'autres termes en Coda-Miroir. Pour w, le même auteur cite encore le pro- vençal35 et, hors du roman, le brittonique (ibid.∞∞∞: p. 287 et 288 res- pectivement). Dans le même sens, on mentionnera la fortition de v en b («∞∞∞beta- cismo∞∞∞»36) en italien dialectal∞∞∞: «∞∞∞In sincronia, è importante osservare autres intérêts, cette fortition a celui d'être observable en synchronie. Dans cette langue, selon les descriptions de Newton (1972) et Kaisse (1992), /i/ produit un glide palatal devant voyelle∞∞∞: mantili-n mouchoir (nominatif) mais mantilj-u (génitif). Quand /i/ est précédé de l ou n, rien d'autre ne se passe. Mais si la consonne précédente est r ou une obstruante, on observe une fortition de j, en k après r, en c (occludive palatale) après obstruante∞∞∞: /teri-azo/ > terkazo je rivalise, /vari-ume/ > varkume je suis ennuyé, /e-pia- s-en/ > efcasen il prit, masc. vaqis profond, fém. vaqca, masc. platis large, fém. plaqca. Harris (1996∞∞∞: p. 320) démontre que les occlusives n'apparaissent au lieu de j qu'après les Codas véritables (il n'y a ni glidification ni fortition lorsqu'une Attaque branchante précède /i/∞∞∞: krias viande, tria trois), établissant par là que le processus à l'œuvre est conditionné par la structure syllabique. On voit par ailleurs dans les exemples cités que les occlusives en Coda spirantisent∞∞∞: /e-pia-s-en/ > efcasen. Le grec de Chypre illustre donc à la fois la fortition en post-Coda, et l'affaiblissement en Coda. On notera que la fortition n'a pas lieu à l'initiale∞∞∞: elle n'a lieu donc que dans l'une des positions de la Coda-Miroir. Ceci n'entre pas en contradiction avec la thèse que la Coda-Miroir est une position forte, pas plus que l'existence de phénomènes se produisant en Coda interne, mais pas en Coda finale — la vélarisation puis la vocalisation de l dans la diachronie du français, par exemple — n'invalide le fait que la Coda est une position faible. Ce qui pourrait aller contre cette thèse, ce serait l'existence d'une fortition survenant à l'inter- vocalique ou en Coda à l'exclusion de l'initiale ou de la postconsonantique. Mais, à notre connaissance, il n'existe pas de phénomène de cet ordre. 35. En provençal, le devenir des parfaits en -ui montre la régularité de la fortition de w postconsonantique∞∞∞: habui > *abgwi > ac / aic, tenui > tenc, tenuisti > tenguísti, etc. (cf. Bourciez 1930∞∞∞: §§ 170b, 210c, 295b, Mok 1977∞∞∞: p. 42). 36. Historiquement, le processus date du latin impérial, mais les faits sont obscur- cis par une tendance contradictoire à la lénition — générale — de b en v (par la fri- 130 TOBIAS SCHEER & PHILIPPE SÉGÉRAL che il fenomeno produce l'effetto di neutralizzare l'opposizione tra /b/ et /v/, poiché, dove il betacismo si applica completamente, si avrà sempre [b] in posizione iniziale e postconsonantica e sempre [v] in posizione intervocalica, con distribuzione, dunque, complementare∞∞∞» (Grassi et al. 1998∞∞∞: p. 117-118). L'italien dialectal fournit également des cas de fortition de s en tøs (Grassi et al. 1998∞∞∞: p. 77). Celle-ci ne s'observe qu'à l'initiale∞∞∞: tosc. (et it.) zolfo [tøsolfo] «∞∞∞soufre∞∞∞» < lat. sulphur, napolit. zuco [tøsuko] (it. sugo «∞∞∞jus∞∞∞») < lat. sucu, et en postconsonantique après l, n, r∞∞∞: napolit. [muortøso] (it. morso «∞∞∞morsure, mors∞∞∞») < lat. morsu, jamais à l'intervocalique ni en Coda, voir Rohlfs (1966∞∞∞: §§ 165, 267, 210-211, 266, respectivement).

On notera que les exemples précédents de fortition concernent des segments consonantiques situés lexicalement en Coda-Miroir. Or il existe des processus phonologiques indépendants qui ont pour consé- quence de placer en Coda-Miroir une consonne initialement située dans une autre position. Au nombre de ces processus, la syncope vocalique∞∞∞: dans une séquence VC1VC2V, en effet, où les deux consonnes sont à l'intervocalique, la disparition de la voyelle médiane V aura pour effet de placer C1 en Coda et C2 en position 37 postconsonantique . Si C2 est une consonne forte (une occlusive, typiquement) on n'attend pour elle qu'un maintien à l'issue de la syn- cope∞∞∞: c'est ce que l'on observe dans lat. cal(i)da > fr. chaude. Si C2 est faible — si c'est une liquide, par exemple — on ne s'attend à sa conservation qu'à la condition que la langue admette les Attaques branchantes et que C1 soit d'une nature telle que cette Attaque bran- chante puisse se constituer, comme dans lat. lep(o)re > fr. lièvre. Mais, si les consonnes entrées en contact à l'issue de la syncope sont toutes deux faibles, on s'attend à un certain nombre de processus tou- chant l'une ou l'autre de ces consonnes, chute de l'une d'elles ou cative «), qui engendre des confusions b/v, dont l'Appendix Probi témoigne (9 bacu- lus non vaclus, mais 215 vapulo non baplo)∞∞∞: voir Terraccini (1981), Grandgent (1934∞∞∞: §§ 316-317 et 322-323), Väänänen (1981∞∞∞: § 89). La situation dialectale ita- lienne actuelle par sa complexité extrême sur ce point (voir Rohlfs 1966∞∞∞: §§ 150, 167, 215 et 262) reflète ce double mouvement contradictoire originel. En latin vul- gaire, il reste que la très grande majorité des exemples où l'on a pour lat. class. dans les inscriptions, concernent l'initiale et la postconsonantique (comme dans le bétacisme actuel rapporté par Grassi et al. 1998)∞∞∞: les types sont bien benio pour venio et Nerba pour Nerva — pour reprendre les exemples mêmes du titre de Terrac- cini (1981). 37. Les faits somalis vus en (3) ont déja illustré la chose∞∞∞: c'est la syncope du second a dans /fiarab-o/ qui place b en position de Coda-Miroir dans la forme résul- tante fiarbo. LA CODA-MIROIR 131 constitution d'une géminée par assimilation totale, en particulier. Le raisonnement que nous avons mené jusqu'ici prédit qu'il devrait y avoir aussi des cas où la stratégie adoptée consiste en un renforce- ment segmental de C2. Or, ces cas existent∞∞∞: à côté de it. verrà < ven- ra par assimilation / constitution d'une géminée38, le français a vien- dra. On a ainsi dans la diachronie du français une épenthèse consonantique régulière dans les groupes nasale + liquide (14a)39 et sifflante + liquide (14b) produits par la chute de la posttonique dans les proparoxytons ou celle de la prétonique interne, comme exempli- fié en (14)∞∞∞:

(14)

a. N __ L b. C[siffl.] __ L cam(e)ra Ò@b™ chambre *ess(e)re é[s]tx être sim(u)lare s@ble sembler laz(a)ru la[z]d™ ladre cin(e)re s@d™ cendre spin(u)la epéˆfil épingle

L'épenthèse consonantique est la forme particulière que revêt ici la fortition attendue en Coda-Miroir.

Enfin, considérons un cas, spectaculaire, fourni par l'arménien. On connaît l'étymologie i-e. *dwoo > arm. erku, magistralement établie par Antoine Meillet. Lamberterie (1998), continuant Meillet, dé- montre le caractère régulier de l'évolution phonétique observable dans cette étymologie célèbre, à partir d'une série d'exemples d'évo- lution en arménien non plus seulement de i-e. *dw initial mais aussi de i-e. *dw interne (ibid.∞∞∞: p. 892)∞∞∞: on a désormais #dw- > #erk et -dw- > -rk-. Se fixant pour objectif ensuite (section 3, pp. 897-9)

38. En vérité, la constitution d'une géminée de ce type peut s'analyser comme une chute de la consonne en Coda suivie de la propagation de C2 sur la position conso- nantique ainsi libérée. La gémination peut être considérée ainsi comme une forme de renforcement, non pas segmental cette fois mais syllabique. Pour une analyse de cette forme de renforcement, voir Scheer & Ségéral (2001). 39. Le moore fournit un exemple de fortition dans cette même configuration nasale + liquide — mais elle ne résulte pas d'une syncope vocalique et elle ne com- porte pas de processus d'épenthèse consonantique. Dans cette langue (données tirées de Nikiema 1988∞∞∞: p. 104), le singulier est marqué par un suffixe -re adjoint au radi- cal du nom∞∞∞: nod-re plaie, sıfi-re fétiche, tªb-re oreille. Dans le cas où le même mor- phème est suffixé au radical d'un nom terminé par une nasale, le suffixe apparaît sous la forme -de, c'est-à-dire que nous avons une fortition de r en d∞∞∞: yéˆn-de dent, pen-de bas-ventre, fiom-de parole. De même en mandinka, le suffixe de noms d'instruments, [-rá∞] après voyelle, apparaît sous la forme [-dá∞] après Coda (Creissels, 1989∞∞∞: p. 134). 132 TOBIAS SCHEER & PHILIPPE SÉGÉRAL

«∞∞∞d'élucider le détail de cette évolution∞∞∞», Lamberterie conclut à «∞∞∞une fortition de *-w appuyé∞∞∞» avec «∞∞∞pour corollaire, un affaiblis- sement de l'occlusive initiale en position implosive, donc faible∞∞∞» (pp. 898-9). De fait, dans *dwoo > erku, on a, parmi les changements obser- vables au début du mot (le sort de la voyelle finale ne nous concer- nant pas ici), w > k40 et d > r et nous acceptons sans réserve la vision de Lamberterie (1998)∞∞∞: le premier de ces phénomènes est une forti- tion, le second une lénition41. La généralisation que nous proposons implique en sus que ces deux processus sont syllabiquement conditionnés∞∞∞: une fortition intervient en Coda-Miroir, une lénition à l'intervocalique ou en Coda. Or il est frappant de constater que le troisième processus observable dans le changement #dw > #erk, à savoir l'apparition d'une voyelle prothétique e, a précisément pour effet et de placer d en Coda et de placer w en position postconsonantique (hétérosyllabique), c'est-à- dire très exactement celles où nous attendons, respectivement, une lénition et une fortition.

La Coda-Miroir est donc le siège non seulement de fortitions inter- venant dans des configurations déjà en place (yod en français et en grec ancien, w germanique en français), mais également de fortitions qui répondent à une situation syllabique nouvelle résultant de phéno- mènes indépendants, disparition d'une voyelle (français) ou au contraire apparition d'une voyelle (arménien).

Dans cette première section, nous avons passé en revue une série de faits, en synchronie et en diachronie, dans des langues de familles différentes, qui montrent, au travers de ses effets, la réalité de la Coda-Miroir. Au terme de cet examen, il apparaît que l'initiale de mot et la postconsonantique hétérosyllabique sont le siège d'événe- ments phonologiques formant une classe homogène et, dans certains cas (fortitions), positifs. Les faits examinés montrent aussi qu'une consonne en Coda-Miroir est maximalement protégée dans son inté- grité — voire se renforce, tandis que la même consonne dans la posi- tion symétrique (Coda) ou à l'intervocalique n'est susceptible que d'être affaiblie. Enfin, il apparaît que les effets de fortition et de fai-

40. Le dévoisement inclus dans cette évolution résulte d'une mutation consonan- tique indépendante (Lamberterie 1998∞∞∞: 899). 41. La lénition de d à r en Coda se rencontre par exemple en latin dialectal∞∞∞: lat. dialectal arfuisse pour adfuisse (par exemple C.I.L. I2 581, X 104, voir Ernout 1957∞∞∞: p. 62). Le même processus s'observe à l'intervocalique∞∞∞: napolitain [per¢] (it. piede, lat. pede). LA CODA-MIROIR 133 blesse ne sont pas compréhensibles en terme d'adjacence phonétique mais résultent des propriétés structurelles (syllabiques) des positions où ces effets s'observent. Dans ce qui suit, après avoir exposé (section 2) les linéaments essentiels du cadre théorique dans lequel nous opérons, nous nous attacherons à comprendre en quoi la Coda-Miroir est une position unique et simple (section 3) et pourquoi cette position est la «∞∞∞posi- tion forte∞∞∞» (section 4).

2. Cadre théorique

2.1. Insuffisance des modèles syllabiques incluant Attaque, Noyau, Rime, Coda Comme nous l'avons déjà indiqué dans l'introduction générale, les théories syllabiques qui reconnaissent une constituance syllabique incluant Noyaux, Attaques, Rimes et Codas ne permettent pas de sai- sir la Coda-Miroir comme un objet unique. En effet, les consonnes en Coda-Miroir sont des Attaques, mais les consonnes en position inter- vocalique sont également des Attaques. Or ces dernières ne sont pas affectées par les mêmes processus que celles qui sont en Coda- Miroir42. En outre, rien dans le cadre syllabique classique, ne permet de comprendre la symétrie qui existe entre la Coda-Miroir et la Coda, symétrie qui n'est, à l'évidence, pas le fait du hasard puisqu'elle a pour reflet, nous l'avons vu, non seulement des «∞∞∞manifestations vocaliques∞∞∞» symétriques mais aussi des propriétés symétriques∞∞∞: force versus faiblesse. Confrontée à la pertinence et à la récurrence du contexte disjonctif __ {C, #}, la théorie phonologique a ajouté la Coda à l'inventaire syl- labique limité jusque là aux voyelles et au consonnes ([+/- syll.]). A partir de ce moment, on a deux types de consonnes au lieu d'un seul∞∞∞: les Attaques et les Codas. Or il n'est pas possible d'envisager une opération similaire dans le cas du contexte disjonctif {#, C} __ de la Coda-Miroir. Si la structure minimale de la syllabe est CV, on peut introduire la Coda∞∞∞: la marge droite de la structure est libre. Mais la marge gauche, occupée par un constituant, l'Attaque, ne l'est pas. Il

42. Le contexte de la Coda-Miroir {#, C} __ a été utilisé dans un argumentaire en faveur de l'existence de la syllabe∞∞∞: cf. Blevins (1995∞∞∞: p. 209) pour qui ce contexte est requis dans la description des processus intervenant en début de syllabe. Mais le contexte {#, C} __ n'est pas adéquat dans ce cas∞∞∞: la description correcte de la fron- tière de syllabe est {#, C., V.} __, c'est-à-dire qu'elle inclut les Attaques intervoca- liques. Les tentatives pour démontrer l'existence de la syllabe qui s'appuient sur des contextes disjonctifs triples sont sans rapport avec l'objet du présent article. 134 TOBIAS SCHEER & PHILIPPE SÉGÉRAL n'est pas davantage envisageable de scinder les Attaques en, disons, «∞∞∞Attaques∞∞∞» (à l'intervocalique) et «∞∞∞Coda-Miroirs∞∞∞» (dans les deux autres positions)∞∞∞: ceci conduirait à poser des syllabes commençant par une Attaque et d'autres par une Coda-Miroir, ce qui est absurde. A la différence de ce qui se passe avec la Coda, la typologie sylla- bique ne comporterait pas un paramètre alternatif «∞∞∞présence ou absence d'un objet (la Coda)∞∞∞», mais la présence disjonctive d'un objet sur deux possibles, l'Attaque et la Coda-Miroir. Une proposi- tion de cet ordre exclurait toute généralisation concernant la syllabe en tant qu'unité constante et uniforme. Nous montrerons que, contrairement au modèle classique de la constituance syllabique, le modèle syllabique dit «∞∞∞CVCV∞∞∞» est un cadre qui permet une discrimination adéquate de la Coda-Miroir. Dans un premier temps, nous présenterons les éléments théoriques liés à ce modèle et nécessaires à la démonstration.

2.2. Le modèle «∞∞∞CVCV∞∞∞» Le modèle CVCV (Lowenstamm 1996) propose un niveau sylla- bique limité strictement à une alternance monotone d'Attaques simples et de Noyaux simples, i. e. sans constituants branchants et sans Coda43. Nous donnons en (15), la représentation dans ce cadre d'objets familiers tels qu'une syllabe fermée, une géminée, une voyelle longue et une fin de mot consonantique∞∞∞:

(15) a. syll. fermée b. cons. géminée c. voy. longue d. fin de mot cons. ANAN ANAN ANAN AN

CVCø CV CV Cø#

La totalité de l'information structurale contenue dans l'approche syllabique classique est conservée∞∞∞: par exemple, un processus sur- venant «∞∞∞en Coda∞∞∞» sera décrit comme survenant «∞∞∞avant Noyau vide∞∞∞»44.

43. Pour des analyses de questions particulières, dans des langues variées, menées dans ce cadre syllabique au cours de travaux récents, voir Barillot & Ségéral (à par.), Bendjaballah (1998), Bonvino (1995), Heo (1994), Hérault (1989), Larsen (1994, 1995), Lowenstamm (1988, 1996), Scheer (1996, 1997, 1998a, b, 1999a, b), Scheer & Ségéral (2001, à par.), Ségéral (1995, 1996, 2000), Ségéral & Scheer (1998a). 44. Par commodité, nous continuerons à faire usage du terme «∞∞∞Coda∞∞∞» mais il est expressément convenu qu'il désigne, dans ce qui suit, une Attaque précédant un Noyau vide (proprement gouverné). LA CODA-MIROIR 135

2.3. Le Principe des Catégories Vides et le Gouvernement Propre L'une des caractéristiques du modèle syllabique CVCV est, on le voit, qu'il multiplie le nombre de constituants vides, et en particulier de Noyaux vides. Ceci renvoie à la question très générale dans la théorie linguistique du statut et de la légitimité des catégories vides. L'accord se fait, généralement, autour de l'idée qu'on ne peut pas proposer gratuitement une catégorie vide. Le Principe des Catégories Vides (désormais PCV), qui prévoit qu'une catégorie vide peut le demeurer si et seulement si un certain nombre de conditions sont remplies, va dans ce sens. Les conditions en question se définissent en termes de relation qu'une catégorie vide contracte avec une posi- tion remplie latéralement distante. En syntaxe, on a proposé qu'un mouvement ne peut avoir lieu que si la trace de l'objet déplacé, qui demeure sur la position de base désormais vide, est proprement gou- vernée par l'objet dans sa nouvelle position. Le Gouvernement Propre (désormais GP) se définit comme une relation structurale entre la position remplie et la position vide soumise à des conditions de localité (c-commande, barrières). Kaye et al. (1990∞∞∞: p. 219) proposent un GP en phonologie fondé sur des processus latéraux à distance impliquant une catégorie vide et une catégorie remplie du même ordre que ceux qui fondent le GP en syntaxe45. Dans cette perspective, les catégories vides sont soumises, en phonologie comme en syntaxe, au PCV. Nous donnons en (16) une version adaptée du PCV phonologique∞∞∞:

(16) Principe des Catégories Vides (PCV) un Noyau vide peut rester phonétiquement non exprimé si et seulement s'il est proprement gouverné

Les processus à distance évoqués supra sont les alternances voyelle-zéro, qui sont typiquement sensibles à l'/aux objet(s) — une consonne ou une séquence consonantique — situé(s) entre le Noyau vide site de l'alternance et le Noyau rempli situé à sa droite46. Si le site d'alternance voyelle-zéro est séparé de la voyelle suivante par plus d'une consonne, une voyelle fait surface sur le site d'alter-

45. Sur le GP, voir aussi Kaye (1990a, b), Charette (1991), Scheer (1996, 1997, 1998a, b). Notre formulation du PCV en (16) ne fait état que ø du celui-ci étant seul impliqué dans les questions débattues ici. En réalité, il existe d'autres configurations susceptibles de satisfaire le PCV : voir Kaye et al. (1990), Kaye (1992), Gussmann & Kaye (1993), Scheer (1996, 2000). 46. Les alternances qui nous ont servi à mettre en évidence la distribution des allo- phones des occlusives en somali en (3) et (4), tout comme celles regroupées sous (7), sont des instances typiques de cette relation internucléaire et de ses effets. 136 TOBIAS SCHEER & PHILIPPE SÉGÉRAL nance∞∞∞: la séquence consonantique est une barrière qui interdit au Noyau rempli de gouverner proprement dans ce cas le Noyau vide, de sorte que ce dernier conformément au PCV ne peut rester vide. La raison pour laquelle le GP ne peut atteindre le site d'alternance est claire∞∞∞: dans le cadre CVCV, il existe un autre Noyau vide entre les deux consonnes, et c'est ce Noyau qui est la cible du GP provenant du Noyau rempli. Voyez un exemple (en tchèque) de ce cas∞∞∞:

(17) a. b. c. lokøt-e [GÉN. SG] loket-ø [NOM. SG] loket-nii [ADJ.] coude PG PG PG PG

ANANAN ANANAN ANANANANAN lokø te loke tø loke tøn i

La distribution de la voyelle (e) et de zéro (ø) sur le site d'alter- nance voyelle-zéro s'établit en fonction directe du GP∞∞∞: si et seule- ment si le GP atteint le Noyau site de l'alternance, le PCV est satisfait pour ce Noyau, qui dès lors reste phonétiquement non exprimé (17a). Si au contraire, le GP issu du Noyau plein à droite s'applique à un Noyau vide plus proche (17c), le Noyau sur le site d'alternance n'est pas proprement gouverné et doit faire surface47. S'il n'y a pas de gou- verneur disponible (17b), évidemment le PCV n'est pas satisfait, la situation est identique à celle qu'on a en (17c) et la voyelle apparaît. La capacité de gouvernement est limitée à une relation seulement∞∞∞: une voyelle ne peut gouverner qu'un seul objet. Ceci est clairement visible dans les cas où on a une séquence de plusieurs sites d'alter- nance voyelle-zéro. Considérons les données suivantes en arabe marocain (Kaye 1990b) et en tchèque (Scheer 1997∞∞∞: p. 68), respecti- vement en (18a) et (18b)∞∞∞:

(18) a. b. ar. mar. /køtøbø/ /køtøb-u/ écrire [PERF. 3ms / 3mp] [ktib] [kitbu]

tchèque /Òøvøcø/ /Òøvøc-e/ coordonnier [NOM. / GEN sg] [Òvec] [Òevce]

47. Pour une discussion du caractère épenthétique ou lexical de la voyelle alter- nante, cf. Scheer (1998a, b). LA CODA-MIROIR 137

L'arabe marocain et le tchèque présentent ici deux voyelles alter- nant avec zéro en séquence. Dans les formes non-suffixées (18a), le Noyau central de /køtøbø/ et /Òøvøcø/ apparaît en surface avec un contenu phonétique, tandis que son voisin de gauche reste vide. C'est-à-dire que celui-là gouverne proprement celui-ci. Lors de la suffixation d'un morphème vocalique, on pourrait s'attendre à ce que les deux Noyaux vides (soulignés) qui précèdent dans /køtøb-u/ et Òøvøc-e/ soient proprement gouvernés par la voyelle suffixale — et par conséquent qu'ils restent vides. Ce n'est pas ce qui arrive. Le Noyau final — rempli, gouverne proprement le Noyau vide à sa gauche (qui reste donc vide), mais le GP ne peut atteindre un second objet∞∞∞: une voyelle apparaît sur le Noyau vide le plus à gauche (kitbu / Òevce). Ce type de processus, récurrent dans les langues, montre qu'un Noyau ne peut pas gouverner plus d'un constituant (Kaye et al. 1990∞∞∞: p. 219). Précisons enfin que le GP n'est qu'une manifestation spécifique au niveau internucléaire d'une relation plus générale de dépendance qui s'établit entre les constituants. En particulier, les Attaques et les Noyaux peuvent être dans une relation de cet ordre∞∞∞: les Noyaux sont des gouverneurs potentiels des Attaques48. Ceci ne signifie nullement que tout Noyau gouverne son Attaque, mais exclut qu'une Attaque gouverne un Noyau.

2.4. Le Licenciement Le Licenciement est une relation à travers laquelle un constituant ou un segment (via son constituant éventuellement) reçoit le soutien d'un autre segment. Cette notion fait partie de façon très large du paysage phonologique : voir son exploitation dans McCarthy (1979), Goldsmith (1990), Itô & Mester (1993), entre autres. Dans la Phono- logie du Gouvernement, Charette (1991) et Harris (1997) sont à l'ori- gine de propositions qui s'appuient crucialement sur le Licenciement. Charette (1989, 1991) remarque qu'en français du Québec, les alternances voyelle-zéro ne sont pas seulement bloquées lorsqu'une séquence consonantique intervient entre le gouverneur potentiel et le site d'alternance — comme pour le tchèque en (18c), mais également si le site d'alternance est précédé par une séquence de deux consonnes ou plus. Ainsi le shewa, qui peut normalement être omis en français du Québec (semaine / s'maine, revenir / rev'nir) est obli- gatoirement réalisé s'il est précédé de deux consonnes comme dans forteresse ou autrement. Charette (1989, 1991) opère dans un cadre syllabique classique i. e. doté de constituants branchants et de Codas.

48. Cf. entre autres Kaye et al. (1990∞∞∞: p. 210). 138 TOBIAS SCHEER & PHILIPPE SÉGÉRAL

Dans son analyse, la relation de gouvernement requise entre les deux consonnes qui précèdent le site potentiel d'alternance shewa-zéro ne s'établit que si la tête du domaine — en l'espèce l'occlusive, est licenciée par son Noyau. En d'autres termes l'obstruante ne gouverne la sonante que si elle est habilitée à le faire par son Noyau. Dans cette conception, le shewa ne peut être élidé dans des configurations de ce type parce qu'il a une tâche à accomplir. Les domaines de gouverne- ment consonantique ne sont bien formés que si le gouverneur (dans autrement, par exemple, l'occlusive t) est licencié pour gouverner son complément (la liquide r). Or le shewa est le seul licencieur possible. La notion de Licenciement, formulée ainsi par Charette (1989, 1991) comme un «∞∞∞Licenciement pour gouverner∞∞∞» (Government- Licensing) dans le cadre d'une théorie syllabique «∞∞∞classique∞∞∞», est, dans le cadre CVCV, l'objet d'une réinterprétation. Nous ne pouvons ici en donner tous les détails∞∞∞: pour un aperçu complet de la place du Licenciement (et du Licenciement pour gouverner) dans un cadre CVCV, le lecteur est prié de se reporter à Scheer (1996, 1998b, 1999a). Le point essentiel pour ce qui nous occupe ici est que le Licenciement encode en particulier l'idée qu'il existe une dépendance entre les deux types de constituants reconnus, l'Attaque et le Noyau∞∞∞: les possibilités d'expression segmentale de l'Attaque ne sont pas libres, mais dépendent crucialement de la capacité de Licenciement de son Noyau. Typiquement, la possibilité d'expression phonétique d'un segment non-licencié est restreinte ou nulle.

2.5. Gouvernement Propre et Licenciement Le Gouvernement Propre et le Licenciement s'analysent donc, si on compare leurs effets, comme deux forces antagonistes∞∞∞:

(19) a. le Gouvernement inhibe les possibilités d'expression segmentale de sa cible b. le Licenciement ouvre les possibilités d'expression segmentale de sa cible

Les alternances voyelle-zéro sont l'exemple-type de l'action inhi- bitrice du GP∞∞∞: les voyelles sous GP demeurent quiescentes. L'ana- lyse de Charette (1989, 1991) montrait, formellement, le type d'effet qui peut être imputé au Licenciement∞∞∞: un Noyau soutient, à travers le Licenciement, une consonne en lui ouvrant la possibilité de gou- verner une autre consonne. Nous mettrons en évidence dans la suite des effets du Licenciement qui ne se traduisent pas pour la cible par une habilitation à gouverner, mais montrent un effet du même ordre en ce que la cible est segmentalement confortée par le fait d'être licenciée. LA CODA-MIROIR 139

Il faut enfin noter un dernier point. Jusqu'ici, les cas que nous avons envisagés font état de Noyaux à l'origine d'un Gouvernement Propre, et d'autres à l'origine d'un Licenciement∞∞∞: dans les alter- nances voyelle-zéro, le Noyau rempli gouverne proprement, mais les effets de sa capacité de Licenciement n'ont pas été évoqués, et, inver- sement, nous avons vu comment un shewa dans l'analyse de Charette (1989, 1991) licencie (pour gouverner) son Attaque, mais rien n'est apparu de ses possibilités éventuelles de Gouvernement. Il ne faut nullement en déduire qu'un Noyau gouverne ou licencie. Aucun prin- cipe ne s'oppose à ce qu'un Noyau gouverne et licencie simultané- ment∞∞∞: c'est le cas, en particulier, d'un Noyau plein.

3. La Coda-Miroir∞∞∞: adéquation descriptive

Retournons maintenant vers la Coda-Miroir. Et commençons par considérer, dans le cadre théorique que nous venons de définir, l'une des deux moitiés de la Coda-Miroir, la position postconsonantique. Une consonne dans cette position se situe après une «∞∞∞Coda∞∞∞». Or une Coda précède un Noyau vide, cf. (15a). La situation de la post- consonantique, C en (20), correspond donc à∞∞∞:

(20)

…AN AN1 AN2 …

VCøC V

Pour que le PCV soit satisfait, le Noyau vide (N1) doit être propre- ment gouverné par le Noyau suivant (N2), c'est-à-dire celui qui suit la position postconsonantique. La possibilité de gouvernement d'un Noyau est, rappelons-le, limitée à un objet. Dans la mesure où le Noyau N2 exerce un GP, cela signifie qu'il ne peut exercer un gouver- nement sur son Attaque C. D'un autre côté, N2 n'est pas vide, ses capa- cités de Licenciement sont entières et il licencie donc son Attaque. La situation complète de la postconsonantique C est ainsi la suivante∞∞∞:

(21) PG

…AN AN1 AN2 …

VCøC V

Lic. 140 TOBIAS SCHEER & PHILIPPE SÉGÉRAL

Sous le rapport des relations syntagmatiques, il saute aux yeux que la postconsonantique C est dans une situation maximalement favo- rable∞∞∞: elle bénéficie du Licenciement et échappe au Gouvernement de son Noyau. Nous proposons de voir dans cette configuration la raison de la force dont jouissent les segments consonantiques dans cette position.

Si la force de la position postconsonantique provient du fait qu'elle est licenciée et non-gouvernée, il doit en aller de même pour l'initiale de mot, c'est-à-dire la seconde moitié de la Coda-Miroir, puisqu'elle partage avec la postconsonantique la même propriété de force. Or la configuration des relations syllabiques qui caractérisent la post-conso- nantique et ont pour effet sa force, est la conséquence directe de la pré- sence d'un Noyau vide à gauche. En effet, si dans une séquence comme (20), N1 n'est pas vide, N2 n'a pas à le gouverner proprement et c'est la consonne C qui est alors la cible du gouvernement en provenance de N2∞∞∞: cette configuration où N1 n'est pas vide est celle de l'intervoca- lique et nous savons que cette position n'est pas une position forte. En d'autres termes, notre analyse de la position postconsonantique implique que si la consonne initiale de mot est forte, c'est — cruciale- ment — qu'elle est, comme la postconsonantique, précédée d'un Noyau vide. Formulé autrement∞∞∞: si le «∞∞∞C∞∞∞» du contexte disjonctif de la Coda-Miroir {#, C} __ implique un Noyau vide à la gauche immédiate du site « — », alors ce doit être également vrai de «∞∞∞#∞∞∞». La prédiction est — en prose, la suivante∞∞∞: «∞∞∞# initial∞∞∞» = Noyau vide. L'équation «∞∞∞# initial∞∞∞» = Noyau vide à laquelle nous parvenons ici se rencontre avec une proposition due à Lowenstamm (1999). Rappelant un certain nombre de considérations typologiques concer- nant l'initiale de mot dans les langues, l'auteur pose la question de la nature de la frontière gauche du mot et fait la proposition suivante∞∞∞: un mot commence phonétiquement par un segment, mais phonologi- quement par une Attaque vide suivie d'un Noyau vide. A partir de phénoménologies indépendantes — en particulier les effets phonolo- giques accompagnant les cliticisations, il démontre que ceux-ci se dérivent alors directement comme des effets normaux imputables au Noyau vide initial proposé, celui-ci étant soumis, exactement comme n'importe quel autre Noyau vide, au PCV. A l'issue de la démonstra- tion, «∞∞∞#∞∞∞» apparaît comme un objet phonologique49, dont les effets

49. Ce qui n'a guère été le cas jusqu'ici. Certes dans la Phonologie Générative la question de la nature des frontières a été abordée (Chomsky & Halle 1973∞∞∞: p. 230 les définissent comme des «∞∞∞complexes de traits∞∞∞»), mais il n'a pas été, à notre connais- sance, conclu à la nécessité de donner aux frontières une véritable réalité phonolo- gique (voyez Stanley 1973, Rhodes 1974, Basbøll 1975, 1981, Kenstowicz & Kisse- LA CODA-MIROIR 141 phonologiques sont très exactement ceux que son identité fait attendre, en fonction de principes généraux, déjà existants. Nous acceptons et reprenons à notre compte les conclusions de cet article. Les processus de fortition ou de résistance à la lénition que nous avons constatés à l'initiale de mot s'analysent comme une consé- quence régulière de la présence d'un Noyau vide à gauche de la consonne phonétiquement initiale. Si l'identité phonologique de «∞∞∞#∞∞∞» est une unité vide [CV], en effet, une consonne en Coda-Miroir est située dans tous les cas après un Noyau vide, comme il ressort de la représentation d'une initiale (22a) et d'une postconsonantique (22b)∞∞∞:

(22) a. début de mot [#CV…] b. postconsonantique […C.CV…] [CV]AN… …ANAN…

ø C VCøC V

Le contexte disjonctif de la Coda-Miroir {#, C} __ se récrit donc, de manière non-disjonctive cette fois, comme∞∞∞:

(23) N

ø––

Ce résultat correspond au premier objectif que nous nous étions assigné∞∞∞: être en mesure de désigner la Coda-Miroir de façon non- disjonctive.

Comme le lecteur s'en souvient, une consonne en Coda, dans le cadre CVCV, est située dans tous les cas avant un Noyau vide (cf. 2.2.). C'est-à-dire que l'autre contexte disjonctif __ {C, #} se capture unitairement comme∞∞∞: berth 1977∞∞∞: p. 83, et en Phonologie Lexicale, Kiparsky 1982, Rubach & Booij 1984, Mohanan 1986). A la vérité, toutefois, quelques linguistes ont soulevé la question du sens qu'il y avait à écrire «∞∞∞#∞∞∞» dans des règles phonologiques dont, a priori, les objets non-phonologiques sont bannis, et à envisager pour cet objet une identité expri- mable en termes phonologiques. Parmi les attitudes les plus cohérentes dans ce sens, on citera — même si son caractère spécieux est évident, celle de Moulton (1947), reprise dans Hockett (1955, 1958), proposant de voir # comme un phonème, ou encore, dans le même registre, même si elle n'aboutit qu'à un parallélisme formel, celle de Lass (1971) qui suggère d'interpréter les frontières comme des segments (obstruantes). 142 TOBIAS SCHEER & PHILIPPE SÉGÉRAL

(24) N

–– ø ainsi qu'il ressort des représentations (15a) et (15d) reprises ici en (25)∞∞∞:

(25) a. finale de mot […C#] b. Coda interne […C.CV…] …A N # …A N A N…

C ø C øCV

Le contexte de la Coda-Miroir (23) est le symétrique de celui de la Coda (24). Ce point est crucial. Les deux contextes disjonctifs sont discriminés sans ambiguïté∞∞∞: toutes et seulement les consonnes se comportant comme des «∞∞∞Codas∞∞∞» sont situées avant un Noyau vide, toutes et seulement celles se comportant comme des «∞∞∞Coda- Miroirs∞∞∞» sont situées après un Noyau vide. En outre, la symétrie de la description structurale des contextes n'est plus seulement reflétée par la symétrie des effets qu'on y observe∞∞∞: elle l'est également au niveau théorique de l'analyse syllabique. Le tableau (26) récapitule cet ensemble de points∞∞∞:

(26) description effet analyse syllabique Coda __ {C, #} <=> «∞∞∞faiblesse∞∞∞» <=> avant un Noyau vide vs vs vs Coda-Miroir {#, C} __ <=> «∞∞∞force∞∞∞» <=> après un Noyau vide

La question qui demeure maintenant est celle de la relation de cau- salité entre la situation syllabique et les effets observés sur les seg- ments∞∞∞: pourquoi les consonnes placées avant Noyau vide sont faibles tandis que celles placées après un Noyau vide sont fortes, plu- tôt que l'inverse∞∞∞?

4. La Coda-Miroir∞∞∞: adéquation explicative

Le Gouvernement et le Licenciement peuvent être vus (cf. (19)) comme deux forces antagonistes qui agissent sur les libertés d'ex- LA CODA-MIROIR 143 pression des segments associés aux constituants qui en sont la cible. Leur combinatoire ouvre quatre — et seulement quatre — possibili- tés théoriques. A priori, un segment consonantique peut être en effet∞∞∞:

(27) a. licencié et gouverné b. licencié mais non gouverné c. non-licencié mais gouverné d. non-licencié et non gouverné.

De ces quatre possibilités théoriques, la troisième (27c) est par définition exclue∞∞∞: si une Attaque n'est pas licenciée, cela signifie nécessairement que son Noyau est vide. Et dans ce cas elle ne peut pas être gouvernée non plus∞∞∞: son seul gouverneur possible est son Noyau, et ce dernier ne gouverne pas puisqu'il est vide. Restent donc seulement trois cas possibles (27a, b, d). Dans la mesure où le Licenciement est une force positive pour le segment- cible et qu'au contraire le Gouvernement exerce une action néfaste à l'épanouissement segmental de sa cible, la situation la plus favorable pour une consonne consiste à être licenciée mais non gouvernée (27b). On s'attend à voir une consonne dans cette situation jouir d'une «∞∞∞santé∞∞∞» maximale. La prédiction est donc que cette situation devrait être celle de la position forte, la Coda-Miroir. Or, c'est le cas∞∞∞: nous avons déjà eu l'occasion de dire, dans une légère anticipa- tion en section 3, qu'en effet une consonne postconsonantique était licenciée mais non gouvernée du fait qu'elle est précédée d'un Noyau vide — et nous savons désormais que cela vaut aussi pour l'initiale de mot, donc pour la Coda-Miroir dans son ensemble. Un segment à la fois licencié et gouverné (27a), en revanche, devrait montrer une «∞∞∞santé∞∞∞» segmentale moins florissante∞∞∞: en effet, il bénéficie du support du Licenciement mais il subit l'action négative du Gouvernement. De même, pour les segments non licen- ciés et non gouvernés (27d)∞∞∞: ils ne bénéficient pas de l'action posi- tive du Licenciement, mais ils ne sont pas non plus, d'un autre côté, la cible de l'action négative d'un Gouvernement. La place respective de ces deux dernières configurations sur une échelle de «∞∞∞santé∞∞∞» segmentale, n'est pas immédiatement claire. Mais ce qui est net, en tout cas, c'est que ces deux situations sont moins favorables que la première évoquée plus haut∞∞∞: elles devraient correspondre aux posi- tions faibles, Coda et intervocalique. De fait, les consonnes en Coda sont à la fois non licenciées et non gouvernées, puisqu'elles se situent avant un Noyau vide, lequel n'est ni un gouverneur ni un licencieur possible. Les consonnes intervocaliques, quant à elles, sont à la fois 144 TOBIAS SCHEER & PHILIPPE SÉGÉRAL gouvernées et licenciées par leur Noyau, qui est plein d'une part, et n'a pas d'autre part à gouverner proprement le Noyau précédent puisque celui-ci est plein également. Nous résumons ces points dans le tableau (28) ci-dessous∞∞∞:

(28) position Lic. Gvt prédiction en termes de «∞∞∞santé∞∞∞» segmentale Coda-Miroir + — favorable intervocalique + + défavorable Coda — — défavorable impossible — + ---

Les trois configurations possibles sont représentées en (29)∞∞∞:

(29) a. Coda-Miroir {#, C}__ b. Coda __ {C, #} c. intervoc. V __ V PG PG PG

ANAN ANAN ANAN

ø C VVC øVC V

Lic. Lic. Lic.

Les propriétés de force et de faiblesse que l'on observe pour les trois positions syllabiques dans lesquelles une consonne peut se trou- ver, résumées dans l'algorithme mentionné dans l'introduction géné- rale — et reproduit par commodité ci-dessous

« force » « faiblesse »

phénoménologie A phénoménologie B {#, C}__ V __ V __{C, #} sont bien celles que l'on dérive en calculant l'interaction des deux relations syntagmatiques, Licenciement et Gouvernement, qui s'éta- blissent entre les constituants pour chacune de ces positions. LA CODA-MIROIR 145

5. Conclusion

Dans les pages qui précèdent, nous avons attiré l'attention sur la réalité phonologique que constitue le contexte qui est le miroir de celui de la Coda. En tous points, la Coda-Miroir est l'antithèse de la Coda∞∞∞: sa description structurale est le symétrique exact de celle de la Coda, elle conditionne des alternances voyelle-zéro symétriques de celles que la Coda conditionne et ses effets sur les consonnes qu'elle héberge sont de même antithétiques∞∞∞: «∞∞∞force∞∞∞» vs «∞∞∞faiblesse∞∞∞». La constituance syllabique classique, qui reconnaît Coda et constituants branchants, ne permet pas de capturer la Coda-Miroir comme un objet simple et unique. Une révision de cette constituance est par conséquent nécessaire — exactement comme l'impossibilité de saisir unitairement le contexte __ {#, C} a rendu nécessaire la (ré)introduc- tion de la Coda dans la Phonologie Générative. Les propositions de Lowenstamm (1996, 1999), au terme desquelles le niveau syllabique consiste en une succession stricte de constituants Attaque («∞∞∞C∞∞∞») et Noyau («∞∞∞V∞∞∞») non-branchants et l'initiale de mot en une unité [CV] vide, permettent au contraire de saisir la Coda-Miroir comme un objet simple, unique et positif∞∞∞: les consonnes dans cette position sont situées après un Noyau vide. Non seulement on parvient à une adé- quation descriptive, mais encore l'identité phonologique de la Coda- Miroir est bien l'exact symétrique de la Coda, où les consonnes sont situées avant un Noyau vide. Le Noyau vide, objet sans existence phonétique, apparaît ainsi comme le centre de gravité de la phonolo- gie∞∞∞: les contextes les plus importants et les plus constants que l'ob- servation des processus phonologiques dans les langues amène à repérer, se définissent tous par rapport à cette catégorie vide. Dans une seconde étape, nous avons montré que le fait que la Coda-Miroir et la Coda sont, respectivement, la position forte et la position faible — et non l'inverse — découle directement de l'inter- action de deux forces syntagmatiques, le Gouvernement et le Licen- ciement. Ces deux forces sont antagonistes∞∞∞: le Licenciement ouvre — tandis que le Gouvernement inhibe — les possibilités d'expression segmentale de leur cible. Une consonne en Coda-Miroir est ainsi logi- quement forte parce qu'elle est licenciée mais non gouvernée∞∞∞: le Noyau qui la suit a à gouverner le Noyau vide qui la précède. Les deux autres configurations possibles impliquent une faiblesse∞∞∞: ce sont celles de la Coda (ni gouvernée ni licenciée) et de l'intervoca- lique (licenciée mais gouvernée). Le caractère double de la «∞∞∞fai- blesse∞∞∞» que ce calcul prédit est pleinement en accord avec l'obser- vation∞∞∞: il y a bien deux positions faibles qui sont le site de processus d'affaiblissement différents. Une recherche ultérieure devra permettre 146 TOBIAS SCHEER & PHILIPPE SÉGÉRAL de dériver logiquement la différence qu'on observe entre les affai- blissements survenant typiquement dans l'une et l'autre position. Les principes et concepts, simples et peu nombreux, sur lesquels repose notre analyse (Principe des Catégories Vides, CV initial, Gou- vernement et Licenciement) existent antérieurement à notre analyse et ont été élaborés sur des bases totalement indépendantes de l'empi- rie questionnée ici. Notre analyse valide donc fortement la pertinence et la validité de ces principes, en montrant qu'ils permettent aussi de dériver logiquement la forme que revêtent dans les langues les pro- cessus phonologiques de lénition / fortition.

Tobias SCHEER Université de Nice / CNRS UMR 6039 2274, chemin de la Treille, Mas Jasminade 06740 Châteauneuf de Grasse [email protected]

Philippe SÉGÉRAL Université Paris 7 / CNRS (FRE 2217) 47, route d'Honfleur 27500 St-Germain-Village [email protected]

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SUMMARY.— In not a few languages without genetic kinship, consonants that either follow a (heterosyllabic) consonant or occur word-initially display an identical behaviour. That is, absence of dia- chronic and synchronic alteration, or even strengthening is observed in these two positions, whereas the same consonants undergo various lenition-processes when they come to stand in a Coda or in intervo- calic position. The ‘Strong position' {C, #}__ is thereby defined. It is the exact mirror-image of the Coda-context __{C, #}. For this rea- son, we refer to it under the label ‘Coda-Mirror'. The CVCV-model 152 TOBIAS SCHEER & PHILIPPE SÉGÉRAL holds that syllabic structure boils down to a strict consecution of non-branching Onsets and non-branching Nuclei. Unlike classical models that operate with Rhymes and Codas, this theory of syllabic representation is able to describe the Coda-Mirror as a phonological object that is uniform (i. e. non-disjunctive) and unique (i. e. different from any other). It is shown that this result allows for deriving the respective strength (Coda-Mirror) and weakness (Coda and intervo- calic position) from the action of two devices that are established in Government Phonology, viz. Government and Licensing. The pheno- mena reviewed in this article lead to a more precise definition of theses forces and their interaction.

ZUSAMMENFASSUNG.— In einer beachtenswerten Anzahl von Spra- chen, die verschiedenen Familien angehören, legen Mitlaute, die ent- weder einem (heterosilbischen) Konsonanten folgen oder im Anlaut stehen, ein einförmiges Verhalten an den Tag. Dort bleiben sie näm- lich diachron frei von jeder Veränderung, oder werden gar gestärkt. In Codas und zwischenvokalisch jedoch ist das umgekehrte Verhalten zu beobachten∞∞∞: Konsonanten fallen verschiedenen Schwächungen zum Opfer. Somit ist die «∞∞∞Starke Stellung∞∞∞» {C, #}__ definiert, die das genaue Spiegelbild der Coda __{C, #} ist. Aus diesem Grunde nennen wir sie den «∞∞∞Coda-Spiegel∞∞∞». In den silbischen Theorie CVCV, in der einzig eine Abfolge von nichtverzweigenden Einsätzen und nichtverzweigenden Nuclei zulässig ist, können Mitlaute, die im Coda-Spiegel stehen, als ein einheitliches (= nicht-disjunktives) pho- nologisches Objekt beschrieben werden, das sich von allen anderen unterscheidet. Somit ist es möglich, Stärke (Coda-Spiegel) und Schwäche (Coda und zwischenvokalisch) von den beiden syntagmati- schen Kräften Rektion und Lizensierung (Government und Licen- sing), die aus der Rektions-Phonologie bekannt sind, herzuleiten. Die hier untersuchten Belange führen auch zu einer genaueren Definition dieser beiden Kräfte und ihres Zusammenspiels.