les femmes, ACTRICES DU commerce Équitable

1 2 les femmes, ACTRICES DU commerce Équitable

3 ÉDITEUR RESPONSABLE Carl MICHIELS COORDINATION Phenyx43 RÉDACTION Dan AZRIA - Phenyx43 Florence NEYRINCK CONCEPTION Julie RICHTER - Phenyx43

PHOTO COUVERTURE Association des Villageois de N’Dem - Sénégal Crédit photo : Fédération  David Erhart

Les opinions exprimées dans cette publication sont celles de son auteur et ne reflètent pas nécessairement celles de la CTB ou de la Coopération belge au Développement.

Des extraits de cette publication peuvent être utilisés dans un but non commercial à condition d’en citer l’origine et l’auteur.

© CTB, Agence belge de développement, Bruxelles, mars 2012 INTRODUCTION 7 FEMMES ET DÉVELOPPEMENT 9 ACTRICES MAJEURES DU DÉVELOPPEMENT 10 INÉGALITÉS ET INJUSTICES 11 POUR MIEUX COMPRENDRE 14

LE COMMERCE ÉQUITABLE 17 ET LES FEMMES COMPRENDRE LE COMMERCE ÉQUITABLE 18 LES BÉNÉFICES DU COMMERCE ÉQUITABLE POUR LES FEMMES 22 LA PLACE DES FEMMES DANS LES ORGANISATIONS DU COMMERCE ÉQUITABLE 26

INITIATIVES REMARQUABLES 31 EN AFRIQUE 32 EN AMÉRIQUE LATINE 44 EN ASIE 49

CONCLUSION 60 6 INTRODUCTION

Dans la plupart des pays du monde, les femmes ne sont pas considérées comme les égales des hommes.

Inégalité de revenus, d’accès aux ressources et à l’éducation, privation de droits,… Sur les cinq continents, à des degrés divers, le patriarcat demeure le système dominant et limite souvent les perspectives d’émancipation et d’autonomie des femmes qui dépendent pour vivre, de leur mari, de leur père ou de leurs frères.

L’injustice absolue.

Non seulement, c’est inique mais c’est aussi contreproductif. En effet, permettre aux femmes de bénéficier des mêmes droits que les hommes au travail, à la propriété ou à l’éducation réduirait sensiblement la pauvreté et favoriserait le développement rapide de nombreuses régions du monde. En tant que modèle alternatif de croissance, le commerce équitable place le bien-être des travailleurs au cœur de l’activité économique. Pour ce faire, il établit des normes formelles que les organisations de producteurs doivent respecter, en particulier l’éga- lité entre hommes et femmes. Et cela fonctionne.

Ainsi que nous allons le voir, le commerce équitable est un formidable moyen pour permettre aux femmes de s’investir, de travailler, d’apprendre et d’assumer de nou- velles responsabilités.

7 Coopérative Gumutindo (Ouganda) - Crédit : / Where’s my coffee Crédit : Artisans du Monde - Ndem

8 FEMMES ET DÉVELOPPEMENT

ACTRICES MAJEURES DU DÉVELOPPEMENT INÉGALITÉS ET INJUSTICES POUR MIEUX COMPRENDRE

9 Kagera (Tanzanie) - Crédit : Andy Carlton / Twin

ACTRICES MAJEURES DU DÉVELOPPEMENT

Les femmes jouent un rôle majeur dans les dynamiques de croissance. Les études sur le sujet mettent en effet en évidence le fait que le développement du travail des femmes contribue(rait) à résoudre nombre des problèmes qu’af- frontent les populations des pays du Sud, notamment en matière de souverai- neté alimentaire.

Ainsi, selon un rapport de l’Organisation des Nations unies pour l’Alimentation et l’Agriculture (FAO), si les femmes dans les zones rurales avaient le même accès que les hommes à la terre, aux techniques, aux services financiers, à l’instruction et aux marchés, il serait possible de nourrir 100 à 150 millions de personnes en plus dans le monde1. Rien qu’en donnant aux femmes paysannes le même accès aux ressources agricoles, il serait possible d’augmenter de 20 à 30 % la production des exploitations qui leur seraient confiées dans les pays en développement (où vivent la quasi-totalité des 925 millions de personnes sous-alimentées dans le monde en 2010).

Cette étude souligne enfin que ces changements de pratiques et de mentalités rédui- raient de 12 à 17 % le nombre de personnes sous-alimentées dans le monde, soit 100 à 150 millions de femmes, d’hommes et d’enfants.

10 Dans de nombreux pays du monde, les femmes ne sont pas considérées comme les égales des hommes. INÉGALITÉS REGARD CRITIQUE 2 .Les 2/3 des personnes ET INJUSTICES analphabètes dans le monde sont des femmes.

Souvent issues de traditions ancestrales qui accordent aux mâles un .Plus de 65 % des enfants rôle social et politique prépondérant, ces inégalités s’inscrivent dans de 6 à 11 ans non scolarisés des visions du monde qui se heurtent parfois à la modernité, voire qui sont des filles. la refusent. Bien qu’existent de nombreuses constantes dans ces sys- tèmes sociaux inégalitaires, il convient d’appréhender ces situations .La malnutrition touche en fonction de leurs contextes culturels propres. environ 900 millions de per- Dans les nations occidentales, ces inégalités sont perceptibles en particu- sonnes, en particulier les lier dans le monde du travail où, à compétences et responsabilités équi- fillettes, les femmes en- valentes, les femmes sont souvent moins bien payées que les hommes et ceintes, en âge de procréer moins représentées dans les instances dirigeantes. ou allaitant (80 % des fem- En règle générale, ces iniquités sont plus importantes dans les pays en dé- mes enceintes en Asie sont veloppement, notamment dans les milieux les plus pauvres, où la misère, anémiques). le manque d’éducation et le poids des traditions contraignent la plupart des femmes et limitent leurs accès aux ressources et aux droits qui sont .Près de 70 % des 1,2 mil- accaparés par les hommes. liards de personnes vivant avec moins de 1 dollar par Les généralités sont très souvent malvenues pour traiter ces questions et jour sont des femmes. tous les pays en développement ne présentent évidemment pas les mêmes caractéristiques. De nombreux pays du Sud se sont illustrés par leurs ef- .80 à 90 % des familles forts pour promouvoir l’égalité des hommes et des femmes et certains font pauvres ont pour chef de même figure de références dans ce domaine. famille une femme. Le Rwanda, par exemple, est le pays qui compte le plus grand nombre d’élues au parlement national. .Plus de 32 % des femmes sont confrontées à la vio- En Inde, l’infanticide des filles bou- Dans les pays arabes, les ques- lence domestique. leverse les équilibres sociaux. tions religieuses pèsent très lour- Les femmes y sont traditionnelle- dement sur les relations entre les .Chaque année, 4 millions ment soumises aux hommes et leur hommes et les femmes. Nombre de femmes et de fillettes droit à la propriété est très limité. d’entre elles sont encore considé- sont achetées et vendues à Considérées comme des personnes rées à travers le prisme des textes un mari, un proxénète ou un de seconde classe, elles peuvent sacrés qui les soumettent à la vo- marchand d’esclaves. être abusées et chassées si leurs lonté de leur père, de leurs frères et familles ne peuvent pas payer leur de leur mari. Dans certaines régions .80 % des réfugiés dans le dot ou leur mariage. musulmanes et animistes d’Afrique, monde sont des femmes et La scolarisation des jeunes filles la polygamie permet aux hommes des enfants. y est rare (40 % des Indiennes de d’avoir plusieurs femmes. moins de 14 ans ne vont pas à l’éco- En Amérique latine, la culture ma- le3) et il existe encore beaucoup de chiste discrimine les femmes et tend mariages arrangés dès le plus jeune à les enfermer dans des activités âge. ménagères ou de reproduction.

Ces différences sont importantes et doivent être prises en compte. On observe cependant le fait que le modèle patriarcal domine très nettement sur les cinq continents et qu’il cantonne très souvent les femmes aux mêmes fonctions et les enferme structurellement dans une position d’infériorité.

11 La plupart des grands fléaux qui affectent l’humanité atteignent les femmes plus durement que les hommes.

DOMMAGES COLLATERAUX

Dans les régions du monde meurtries par la guerre (République Démocratique du Congo, Afghanistan, Somalie, Tibet,…), les femmes doivent affronter des situations de violence extrême. Dans les conflits les plus durs, elles voient leurs époux et leurs fils prendre les armes, elles sont parfois consi- dérées comme des ressources à piller et sont victimes de viols et de maltraitance. Même dans les situations de tensions moins brutales (des situations d’occupation militaire, de dictature ou de colonisation), les crispations identitaires ou sociales conduisent à leur mise à l’écart de la société civile, à la perte de leurs droits.

Et lorsqu’enfin, les crises s’apaisent, que vient le temps de la pacification et de la reconstruction, elles sont sou- vent les grandes oubliées et sont condamnées à supporter seules les traumatismes qu’elles ont subis. A titre d’exemple, une étude basée sur les conflits mozambicain, sierra léonais et angolais a montré que les filles n’étaient quasiment jamais prises en compte dans les programmes de réinsertion des enfants-soldats (alors qu’elles ont été des milliers à être enrôlées de force). Et ce, essentiellement en raison du sexisme qui préside à l’élaboration de ces programmes de «Désarmement, Démobilisation et Réhabilitation» (DDR), selon les auteurs de cette étude4.

De même, lorsque les grandes pandémies s’abattent sur les régions du monde les moins développées, les femmes sont souvent les plus exposées et, quand ce n’est pas elles qui souffrent de la maladie, elles doivent en supporter le coût humain. Dans les pays les plus touchés par le virus du VIH/SIDA, les générations productives sont les plus atteintes (23% des 15-49 ans en Afrique du Sud par exemple5). Non seulement la durée de vie moyenne chute mais la pyramide des âges s’en trouve bouleversée avec une population adulte affaiblie et plus de 20 millions d’orphelins dans le monde6. Nombre d’entre eux se retrouvent alors à la charge de leurs grands-mères. Avec jusqu’à 10 ou 15 enfants à nourrir parfois, celles-ci «sont devenues soutien de famille pour leurs propres enfants malades ou pour la progéniture de ces derniers que la maladie et la mort obligent trop souvent à abandonner.»7

Godavari Delta Women’s Lace Artisans (Inde) Crédit : Trade Aid New Zealand

LE TRAVAIL DES FEMMES

Ces inégalités sont d’autant plus injustes que les femmes travaillent nettement plus que les hommes.

Elles fournissent les deux tiers des heures travaillées dans le monde et leurs journées sont morcelées en- tre le temps qu’elles passent dans la production (souvent agricole ou artisanale), celui qu’elles vouent aux activités ménagères (dix fois plus que les hom- mes) et les heures qu’elles consacrent à leur famille.

Entre l’éducation et les soins des enfants, le ménage, Crédit : Wagner Horst / UNESCO la cuisine, le ramassage du bois et les heures passées dans les champs, les usines ou sur les métiers à tisser,

les femmes assument l’essentiel des tâches et des acti- Women in Zimbabwe vités qui permettent aux sociétés humaines de fonction- ner. Et pourtant, leurs ressources sont bien moindres que celles des hommes (elles ne gagnent que 10 % du reve- nu mondial8) et l’essentiel de ce labeur n’est pas rému- néré, ni même valorisé de quelque manière que ce soit.

12 INÉGALITES MULTIPLES

Les différences de traitement entre hommes et femmes dépendent des structures juridiques, des coutumes et des traditions de chaque région du monde, mais, globalement les questions de droits et d’accès aux ressources sont centrales pour appréhender ces situations et les faire évoluer. Au sein de ces systèmes économiques et sociaux, ces inégalités sont multiples et prennent différentes formes.

Accès à la terre et aux ressources productives Accès à l’éducation

L’accès à la terre et aux ressources agricoles (bétail, L’éducation est le deuxième domaine où les inégalités semences, etc.) est primordial pour les populations entre hommes et femmes sont les plus marquées, et où, pauvres. Une petite parcelle ou une vache représente surtout, elles ont le plus d’incidences en termes de parfois la seule source de richesse qu’elles possèdent, développement. Les filles sont beaucoup moins nom- leur unique moyen de subvenir aux besoins de leurs breuses que les garçons à bénéficier de programmes familles. de scolarisation. Près des deux tiers des 900 millions Or, si les femmes réalisent l’essentiel des travaux d’analphabètes dans le monde sont des femmes et les agricoles (près de 75 % en Afrique9), elles ne sont filles ne représentent que 30 % des enfants scolarisés. presque jamais propriétaires des parcelles qu’elles Cette situation défavorable n’évolue pas puisque 63 % cultivent et du bétail qu’elles élèvent. Elles n’en ont des adultes ne sachant ni lire ni écrire étaient des fem­ que l’usage. mes pour la période 1985-1994, contre 64 % pendant Au Mali ou au Burkina Faso, par exemple, alors que 70 % la période 2000-200611. des personnes qui travaillent la terre sont des femmes, Lorsqu’elles ont accès à l’école, les filles sont souvent seulement 2 % des femmes sont propriétaires. contraintes d’en partir plus tôt, que ce soit pour aider En Afrique, elles produisent plus de 80 % de la nourriture leur mère aux tâches ménagères, pour s’occuper des mais elles possèdent moins de 10 % des terres10. enfants les plus jeunes ou pour des raisons de mariage ou de grossesse. Cette forme d’inégalité est peut- De nombreux systèmes coutumiers traditionnels ne être la pire car non seulement elle prive les femmes reconnaissent pas aux filles le droit d’hériter (voire de de savoir-faire, mais surtout elle les enferme dans posséder) des terres ou des bêtes. l’ignorance et les exclut des autres formes de droits Elles n’y ont alors accès que par l’intermédiaire de ou de ressources (formation, crédits, etc.). En Bolivie, leur mari ou de leur père. Elles restent au service des par exemple, malgré des améliorations importantes, de hommes et n’accèdent aux ressources que pour tra- nombreuses femmes des zones rurales sont encore pri- vailler et satisfaire les besoins alimentaires de leurs vées d’éducation et n’apprennent pas l’espagnol, ce qui familles. Et, souvent, lorsque les règles et les lois leur limite considérablement les contacts qu’elles peuvent accordent enfin ces droits, elles en profitent rarement, avoir avec l’administration, les médias et les organisa- par manque d’instruction ou par peur des réactions des tions sociales. hommes de leurs communautés.

Accès au crédit

La question du financement est fondamentale en termes de développement.

En effet, pour accroître leurs ressources et augmenter leur productivité, les artisans et les paysans des pays du Sud doivent pouvoir investir, que ce soit pour acquérir des semences, s’équiper de matériels de travail (outils, machines, etc.) ou préfinancer leurs récoltes. Or, là aussi, les inégalités sont criantes. Parce qu’elles ont moins de garanties à offrir, qu’elles se déplacent plus difficilement (car elles doivent s’occuper de leur famille), mais aussi pour des raisons culturelles, les femmes ont beaucoup moins accès que les hommes au crédit, ce qui limite consi- dérablement leurs capacités productives et leur autonomie.

Ainsi, en Afrique par exemple, elles ne reçoivent que 10 % des prêts accordés aux petits agriculteurs et moins de 1 % de l’ensemble des prêts accordés à l’agriculture, alors qu’elles ont la responsabilité de 80 % des cultures agricoles du continent. La coutume selon laquelle la terre et les biens que l’on en tire ne se transmettent que de père en fils ou d’homme à homme au sein d’une famille les place en position d’infériorité totale.

Pourtant, les initiatives menées auprès des femmes pour favoriser l’investissement (notamment le microcrédit) ont montré que celles-ci «investissent avec plus de succès que les hommes et qu’elles respectent davantage les échéances de remboursement.»12

13 POUR MIEUX COMPRENDRE

LA NOTION DE GENRE

Pour appréhender ces questions d’inégalités hommes-femmes et les faire évoluer, les critères sexuels ne sont pas les plus pertinents. D’un point de vue systémique, les différences entre les femmes et les hommes sont dictées par les conditions sociales et culturelles et non par des différences biologiques. On parle alors non pas de sexe, mais de genre. «Le genre fait référence aux rôles et responsabilités dévolus aux femmes et aux hommes, et qui sont façonnés au sein de nos familles, de nos sociétés et de nos cultures. Le concept de genre inclut également les attentes de chacun quant aux caractéristiques, aptitudes et comportements des femmes et des hommes (féminité, masculinité). Les rôles et les attentes attribués à chaque sexe sont acquis»13. L’étude des questions de genre se concentre donc sur les rapports sociaux entre les femmes et les hommes, sur leurs fonctions différentes au sein des sociétés et sur le regard que leur portent celles-ci. Ainsi, à l’inverse de la différenciation biologique qui est universelle, la notion de genre s’inscrit dans un cadre culturel donné, qui dépend du niveau de développement, du poids des traditions, des pratiques religieuses, etc.

L’EMPOWERMENT, UN CONCEPT CENTRAL

Le processus qui permet aux femmes d’acquérir l’autonomie qui les aidera à sortir de ce carcan porte le nom d’«empowerment», un terme anglophone qui n’a pas vraiment d’équivalent en français. Renforcement ? Emancipation ? Autonomisation ? La notion d’empowerment recouvre ces différents concepts mais elle englobe aussi des notions qui justifient son utilisation en tant que tel pour appréhender les inégalités dont souffrent les femmes et contribuer à leur réduction14. L’empowerment, qui vise à coopérer avec les femmes pour qu’elles puissent mieux prendre en main et gérer leur environnement, est ainsi devenu un levier très important en termes de politique de développement.

14 SIPA (Inde) - Crédit : Trade Aid New Zealand

L’empowerment des femmes se constitue de quatre composantes15 :

> Le vouloir : Les obstacles qui empêchent les fem- > Le savoir : L’empowerment se présente comme mes d’être les égales des hommes ne sont pas tous un processus, une démarche, une évolution vers une de nature juridique ou économique, le premier d’en- situation moins inégalitaire et plus juste. Or, pour celles tre eux est de nature psychologique. Pour accéder à qui veulent s’engager dans cette démarche (et le vouloir cet empowerment et s’émanciper, les femmes doivent est la première étape), il est indispensable d’accéder au commencer par le vouloir. Or cette envie de vouloir est savoir, à la connaissance. parfois elle-même brimée et enfouie si profondément Comment cela se passe-t-il ailleurs ? qu’il convient avant toute chose de la (rés)susciter pour Comment font les autres femmes? ensuite travailler sur les questions de droit et d’accès Quels sont mes droits? aux ressources. L’empowerment passe par l’accès à l’information et à la connaissance, ce qui souligne l’importance de l’éduca- > Le pouvoir : L’accès à un statut et une position tion et de la formation continue comme instruments de plus égalitaires pour les femmes exige que celles-ci développement et de réduction des inégalités. puissent surmonter les obstacles qui les privent de ces droits. Corvées domestiques, éducation des enfants, ra- > L’avoir : Cette dernière composante de l’em- massage du bois,… autant de tâches qui empêchent de powerment est probablement la plus évidente (mais très nombreuses femmes d’assumer des responsabili- pas forcément la plus importante). Elle met en évidence tés collectives ou de s’engager dans des projets écono- le problème de l’accès aux ressources (terres, bétail, miques ou sociaux. L’empowerment implique donc de finances, etc.) et des moyens disponibles pour les ex- travailler sur cette question de capacité matérielle. Pour ploiter et les faire fructifier. Cette notion d’avoir pose que les femmes qui le veulent s’investissent dans des donc la question de la propriété et des règles régissant activités productrices ou des actions communautaires, cette propriété mais aussi des mécanismes permettant encore faut-il qu’elles le puissent, que les contraintes et de jouir de cette propriété, d’investir, de transformer, de les corvées ne contrarient pas ces élans. Cette notion de vendre et d’acheter. pouvoir englobe aussi la question des savoir-faire et des Enfin, plus largement, ce pilier de l’empowerment inter- techniques et souligne la nécessité de doter les femmes vient dans l’accès des femmes au pouvoir politique, des compétences («skills») grâce auxquelles elles pour- qui est souvent lié aux problématiques de propriété (des ront s’engager dans des démarches d’empowerment. terres, des troupeaux, etc.).

A travers ces réflexions, c’est la nécessité d’appréhender les dynamiques d’émancipation dans le cadre d’une approche holistique globale qui est mise en avant. Synthèse de nombreux travaux, le concept d’em- powerment met en évidence la nécessité de traiter ces quatre dimensions de manière équilibrée et cohé- rente pour produire des résultats et permettre à des groupes de femmes dans un environnement donné de s’approprier de nouveaux droits, de nouvelles ressources, de nouvelles responsabilités…

15 KKM Handweaving (Inde) - Crédit : Trade Aid New Zealand

16 LE COMMERCE ÉQUITABLE ET LES FEMMES

COMPRENDRE LE COMMERCE ÉQUITABLE Le commerce équitable apparaît comme un outil performant pour favoriser l’empowerment des femmes. Mais d’où vient ce mode d’échange alternatif ? Comment y est traitée la question du genre ? Quelques questions auxquelles il convient de répondre.

17 Cacaocultrice (Ghana) - Crédit : Max Havelaar-Stiftung

AUX ORIGINES DU COMMERCE ÉQUITABLE

Le commerce équitable est né d’un constat simple : les écarts de richesse entre les populations des pays les plus riches et celles des pays les plus pauvres ne cessent de se creuser malgré les sommes importantes investies dans l’aide au développement.

C’est en 1964, lors de la Conférence des Nations unies pour la Coopération et le Développement (CNUCED), qu’est définie pour la première fois la notion de com- merce équitable avec comme principe fondateur «Le commerce, pas la charité» («Trade, not Aid»).

Les premiers magasins de commerce équitable s’ouvrent en Europe dans les années 1960, tandis que se mettent en place dans les pays en développement les coopérati- ves et organisations de producteurs qui vont bénéficier de ces échanges plus justes.

18 LE COMMERCE ÉQUITABLE, C’EST QUOI ?

En 1999, les principales organisations internationales du commerce équitable (la World Organisa- tion WFTO, - FLO, l’European Fair Trade Association - EFTA et le Network of European World Shops - NEWS) se sont entendues sur une définition commune :

Le commerce équitable est un partenariat commercial, fondé sur le « dialogue, la transparence et le respect, dont l’objectif est de parvenir à une plus grande équité dans le commerce mondial.

Il contribue au développement durable en offrant de meilleures conditions com- merciales et en garantissant les droits des producteurs et des travailleurs margi- nalisés, tout particulièrement au sud de la planète. Les organisations du commerce équitable (soutenues par les consommateurs) s’enga-« gent activement à soutenir les producteurs, à sensibiliser l’opinion et à mener campagne en faveur de changements dans les règles et pratiques du com- merce international conventionnel.

Concrètement, le commerce équitable garantit aux producteurs des pays les plus pauvres des prix d’achat géné- ralement plus rémunérateurs que les cours mondiaux ainsi qu’une relative stabilité des prix et la mise en place de conditions et de délais de paiement favorables (voire des possibilités de préfinancement), qui évitent aux paysans et aux artisans de brader leurs produits ou d’avoir recours à des prêts usuraires. Le prix équitable couvre tous les coûts de production du produit, y Pour soutenir la mise en œuvre de ce système compris les coûts environnemen- taux, et assure aux producteurs économique,ces organisations ont défini les un niveau de vie décent. De plus, 10 GRANDS PRINCIPES à respecter les acheteurs du commerce équita- ble s’engagent à verser des primes supplémentaires dites «de déve- 1. Créer des opportunités pour les producteurs loppement» qui sont utilisées pour économiquement en situation de désavantage. la réalisation d’investissements productifs et/ou de programmes 2. Favoriser la transparence et la crédibilité. sociaux (alphabétisation, accès aux soins, etc.). 3. Encourager la capacité individuelle. 4. Promouvoir le commerce équitable. 5. Garantir le paiement d’un prix juste. 6. Veiller à la non-discrimination (égalité des sexes) et à la liberté d’association. 7. Assurer des conditions de travail décentes. 8. Proscrire le travail des enfants. 9. Protéger l’environnement. 10. Encourager des relations commerciales fondées sur la confiance et le respect mutuel. Bead for Life (Ouganda) - Crédit :

19 Pour une organisation de producteurs, l’entrée dans le commerce équitable se traduit formellement par la labellisation de sa production et/ou par son adhésion aux organisations de référence (l’Organisation Mondiale du Commerce Equitable - WFTO, en particulier). Mais quelle que soit la voie choisie, cette adhésion se traduit par le respect des 10 grands principes cités précédemment.

LA QUESTION DU GENRE DANS LE COMMERCE ÉQUITABLE

Parmi ceux-ci, il en est un qui traite très explicitement de la question du genre. Il s’agit du principe n°6 consacré à la non-discrimination, à l’égalité des genres et à la liberté d’association. Il est dit dans cet article16 :

L’organisation ne fait aucune discrimination dans l’embauche, la rémunération, l’accès à la forma- « Dekyiling Handicraft (Inde) - Cr édit : Erik Törner tion, la promotion, le licenciement ou la retraite qui soit fondée sur la race, la caste, l’origine nationale, la religion, le handicap, le sexe, l’orientation sexuelle, l’appar- tenance syndicale, l’appartenance politique, le statut VIH/ SIDA ou l’âge. L’organisation offre des possibilités aux femmes et aux hommes de développer leurs compétences et favorise activement les candidatures de femmes à des postes va- cants et des postes de direction dans l’organisation. L’organisation prend en compte la santé, la sécurité et les besoins particuliers des femmes enceintes et des Cette disposition est la plus claire, mères qui allaitent. Les femmes participent pleinement celle qui évoque la question du gen- aux décisions concernant l’utilisation des avantages re de la manière la plus directe. Mais résultant du processus de production. » certains autres principes du com- merce équitable ont une incidence Cet article absolument fondamental évoque en outre la question sur l’empowerment des femmes et de l’égalité matérielle : sur leur participation aux activités productives de leurs communautés. «Les organisations qui travaillent directement avec les producteurs veillent à ce que les femmes soient toujours L’imposition de normes organisa- payées pour leur contribution au processus de production, tionnelles (système de décision par- et quand les femmes font le même travail que les hommes, ticipatif et instances démocratiques) elles reçoivent les mêmes rémunérations que les hommes. ainsi que l’importance accordée aux

questions environnementales ont,

Les organisations veilleront à ce que les femmes soient comme nous le verrons, des consé- autorisées à travailler selon leurs capacités et que, dans les quences positives sur le statut des situations de production où le travail des femmes est moins« femmes, leur émancipation et, plus valorisé que celui des hommes, le travail des globalement, leur bien-être et leur femmes soit réévalué pour égaler les niveaux de santé. rémunération des hommes.

20 COOPAC (Rwanda) - Crédit : COOPAC

FILIÈRE LABELLISÉE ET FILIÈRE INTEGRÉE

Depuis la fin des années 1980 Mode d’organisation historique du La grande majorité des organisa- et la création,d’une part, commerce équitable, la filière in- tions d’artisan(e)s équitables (où de la WFTO, l’Organisation tégrée présente comme caracté- l’on retrouve l’essentiel des struc- Mondiale du Commerce Equitable ristique principale le fait que tous tures exclusivement féminines) sont (qui s’appelait l’IFAT, l’Association Internationale du Commerce les acteurs intervenant dans l’éla- membres de la WFTO, ce qui expli- Equitable jusqu’en 2009), boration et la commercialisation du que l’importance de cette filière dans et le lancement du label produit (producteur, transformateur, l’étude des questions de genre. Max Havelaar, d’autre part, importateur et points de vente) sont on observe l’émergence et la engagés dans le commerce équita- La filière labellisée repose sur la coexistence de deux grandes ble et se conforment volontairement certification du produit commercia- filières de régulation du à ses principes. lisé. Les entreprises qui élaborent commerce équitable : la filière Avec ses 400 organisations mem­ ces produits s’engagent à respecter intégrée et la filière labellisée. bres (dont une majorité dans les un cahier des charges précis et à pays en développement) représen- s’approvisionner auprès d’organi- tant l’ensemble des maillons de sations de producteurs des pays la chaîne du commerce équitable en développement (souvent des (producteurs, transformateurs et coopératives) qui ont été agréées distributeurs), la WFTO, l’Organi- par l’organisme de labellisation (or- sation Mondiale du Commerce ganisation indépendante qui certifie Equitable, est considérée depuis sa le respect des critères définis pour création en 1989 comme le principal l’attribution du label). coordinateur de la filière intégrée. Les produits labellisés peuvent en- Depuis peu, la WFTO est occupée suite être commercialisés dans n’im- à développer son propre système porte quel point de vente, y compris de certification, le WFTO Fair Trade la grande distribution classique. System. Concrètement, le fait pour une organisation d’être en confor- Le label Fairtrade Max Havelaar mité avec cette norme volontaire est le plus célèbre d’entre eux certifiera la mise en place par celle- mais il en existe d’autres (Fair for ci d’un ensemble de pratiques et de Life, FairWild, Ecocert ESR, Natur- procédures démontrant sa bonne land Fair, notamment) qui proposent gestion sur les plans social, écono- des approches ou des logiques spé- mique et environnemental. cifiques.

21 LES BÉNÉFICES DU COMMERCE ÉQUITABLE POUR LES FEMMES Le commerce équitable est un modèle de développement qui favorise l’empowerment des femmes et leur participation aux activités productives rémunérées de leurs communautés. Ainsi que l’ont montré de nombreuses études, les bienfaits de ce système solidaire sont multiples et dépassent très largement les aspects économiques liés à l’augmentation des revenus. Kasinthula Cane Growers (Malawi) - Crédit : Candico / Fairtrade

22 Au démarrage de projets équitables, les producteurs sont incités à se structurer en groupements (souvent des coopératives). Dans ce cadre, les femmes sont amenées à sortir de chez elles, à se rencontrer et à s’organiser.

DIGNITÉ ET ÉCOUTE

Si, dans un premier temps le projet économique prévaut, le développement du ré- seau social qui naît de ces opportunités acquiert une importance majeure pour ces femmes qui disposent alors d’un espace d’échanges et de discussion. Dans ces lieux de partage, elles sont entendues et peuvent débattre de problèmes parfois personnels ou liés à la vie de la communauté. Mais surtout, elles osent s’exprimer, prendre la parole en public. Au niveau personnel, elles prennent confiance en elles, s’affranchissent de leurs peurs et apprennent à affirmer leurs idées17.

Le témoignage d’Inès de l’association péruvienne Kuyunakuy souligne l’importance de cette notion : «Nous les femmes, nous avons peur de parler. Nous nous trompons toujours, nous ne parlons pas très bien nous et n’avons jamais bien appris à parler en

CenfroCafé (Pérou) CenfroCafé Aid New Zealand Crédit : Trade espagnol. Nous avons peur de nous tromper. Maintenant, nous avons un peu moins peur, j’ai appris à parler dans mon organisation. Cela m’a servi pour parler à quelqu’un sans avoir peur. Je suis plus habile et j’ose donner mon opinion. J’aime aller aux réu- nions, je m’y sens heureuse.»18

Ainsi, au sein des groupes qui se mettent en place dans le cadre du projet de com- merce équitable de leurs communautés, ces femmes, qui auparavant vivaient dans l’isolement, acquièrent «une nouvelle vision d’elle-même, une identité positive, elles y développent une certaine estime de soi, une dignité.»19 C’est donc bien la question du «vouloir», premier pilier de l’empowerment des femmes, qui est mise en avant dans cet aspect du commerce équitable.

INSTAURER DE NOUVELLES RELATIONS

Dans les communautés impliquées dans le commerce équitable, les femmes participent au fonctionnement des organisations et sont actives dans les systè- mes de production, elles perçoivent un revenu et contribuent aux ressources de la famille. Ces nouvelles fonctions favorisent leur reconnaissance sociale et suscitent des changements d’attitudes et de comportements à leur égard, au niveau de leur environnement global et au sein de leurs ménages. Elles qui auparavant dépendaient exclusivement de leurs maris, de leurs pères ou de leurs frères deviennent des opé- rateurs économiques actifs et reçoivent un revenu qu’elles peuvent gérer.

Cette métamorphose économique (qui illustre les notions d’ «avoir» et de «pouvoir») a des conséquences sur leur autonomie et sur leur statut mais aussi sur le système social dans lequel elles évoluent, comme le souligne ce témoignage des femmes du Panjora Mahila Shomitee, au Bangladesh, qui produisent des objets en jute : «Avant, on demandait 2 takas (0.04 €) aux hommes, maintenant il arrive qu’ils nous demandent de l’argent. Les femmes sortent elles-mêmes pour acheter leurs saris et, aujourd’hui, le divorce unilatéral par répudiation ne se fait plus dans le village.»20

23 Cette évolution des rapports de pouvoir dans les couples est d’une grande importance en termes de réduction durable des inégalités, en particulier dans la mesure où elle modifie positivement le regard qu’ont les enfants sur le fonctionnement de la famille et, plus globalement, sur les relations entre hommes et femmes.

Invitée à rencontrer des petits producteurs de café en Amérique latine, Sabine Denis, directrice de Business & Society, rapporte des échanges qu’elle a eus avec des pay- sannes au Nicaragua21: «Une femme m’a confié qu’elle ne répondait auparavant jamais aux questions d’une personne étrangère comme moi, mais qu’elle laissait toujours la parole à son mari. Elle s’exprime aujourd’hui plus librement. Autrefois, cette femme devait demander l’autorisation pour tout. Elle est aujourd’hui plus autonome. Même les finances du ménage sont aujourd’hui gérées de façon conjointe. La violence conjugale, sous la pression de la pauvreté et de l’alcoolisme, reste un problème majeur, mais les femmes sont aujourd’hui plus fermes sur leurs étriers grâce au commerce équitable. La règle veut par exemple qu’aucun café ne soit acheté chez un fermier qui se rend coupable

Kuapa Kokoo (Ghana) Crédit : Max Havelaar France d’actes de violence conjugale !»

POUVOIR APPRENDRE

Dans le cadre de leurs organisations Alphabétisation, éducation sani- Chargée de commercialisation à de commerce équitable, les femmes taire, formations commerciales, Q’Antati, une coopérative bolivienne, ont l’opportunité de se former et de linguistiques ou informatiques,… Victoria met l’accent sur ces bien- maîtriser de nouveaux moyens de le commerce équitable permet à ces faits des formations qu’elle a suivies : production (métiers à tisser, machi- femmes de poser le premier pas dans «Ma qualité de vie n’a peut-être pas nes agricoles, etc.). En plus de bé- le cercle vertueux de l’éducation et fort changé, mais j’ai appris à dépas- néficier de ces apprentissages tech- de la formation grâce auquel elles ser mes peurs. Maintenant je peux niques, elles accèdent souvent aux accéderont aux savoirs (le troisième discuter avec des professionnels et savoirs de base qui leur sont propo- pilier de l’empowerment), elles pren- j’aime cela. Je me sens fière. Pour sés dans le cadre des programmes dront connaissance de leurs droits, mon association je suis une dirigean- sociaux mis en place grâce aux pri- elles occuperont de nouvelles res- te. Au début je ne voulais pas, mais mes de développement payées par ponsabilités et contribueront à chan- les femmes m’ont dit que je devais y les acheteurs équitables. ger les mentalités et les pratiques. aller. On ne peut pas refuser…»22

ENTRAIDE ET SOLIDARITÉ

A la différence des entreprises classiques, les organisations de producteurs impli- quées dans le commerce équitable ont pour vocation première de favoriser le bien- être de leurs membres. Elles sont donc souvent mises en place avec le souci de permettre une meilleure conciliation entre le travail et la vie de famille, en offrant plus de souplesse dans les horaires ou des dispositifs adaptés qui profitent en premier lieu aux femmes de ces communautés.

Employée à Sartañani dans l’Alto bolivien, Rosa explique que les femmes de sa coo- pérative peuvent amener leurs jeunes enfants sur le lieu de travail : «L’organisation d’artisanes accepte que nous venions travailler avec notre bébé, elle

Minka (Pérou) - Crédit : Trade Aid New Zealand - Crédit : Trade Minka (Pérou) est aussi compréhensive si nous arrivons en retard.»

24 Liliana, quant à elle, travaille au sein de l’organisation Casa Betania au Pérou. Elle se félicite du système adopté dans son organisation : «Ici, nous travaillons selon le temps dont nous disposons. J’ai mon petit garçon donc je travaille jusqu’à deux heures de l’après-midi. Il y a d’autres ateliers où il n’y a pas cette facilité et elles travaillent douze heures d’affilées.»23 Et quand ce n’est pas le système lui-même qui propose ces solutions, les femmes dans les organisations de commerce équitable ont plus de possibilités pour nouer des relations les unes avec les autres et s’organiser entre elles pour gérer ces contraintes fortes que sont l’éducation et la garde des enfants. Ainsi, des réseaux de jeunes mères se mettent en place pour partager ces tâches et permettre à chacune d’entre elles de s’impliquer dans le projet de la communauté. Elles accèdent ainsi au «pouvoir», l’une

Territoires Palestiniens) PFTPC ( Territoires Crédit : Simon Rawles / Fairtrade des quatre composantes de l’empowerment.

EXISTENCE ÉCONOMIQUE

Rapportés dans une Exigence formelle des agences de certification et des organisations internationales étude très documentée du commerce équitable, le salariat des femmes dans les groupements de produc- sur le sujet24, ces propos teurs distingue nettement ce système des modèles traditionnels où le travail des d’un villageois indien femmes est très rarement rémunéré. Or, le fait pour les femmes de bénéficier de reve- témoignent de cette nus propres a des conséquences directes sur leur émancipation et leur autonomie évolution : mais aussi sur le bien-être de leurs familles. Plus que les hommes, les femmes in- «Maintenant c’est bien vestissent très souvent l’argent qu’elles gagnent dans l’éducation des enfants, d’avoir une fille parce dans l’accès aux soins de santé et, plus généralement, dans l’amélioration des qu’elle peut gagner de conditions de vie et du quotidien de leurs proches. l’argent». Mais au-delà de l’impact matériel, c’est l’image même de la femme et son rôle dans la société et dans la famille qui évoluent lorsque celle-ci contribue à la richesse du foyer. La perception des fonctions traditionnelles de la femme se transforme et celle-ci se voit reconnaître une valeur productive qui lui était niée jusqu’alors.

RESPONSABILITÉS COLLECTIVES

Les bienfaits du commerce équitable pour les femmes dépassent souvent le cadre de leurs organisations. Les savoir-faire en gestion et l’assurance qu’elles acquièrent dans leur environnement de travail les encouragent à assurer de nouvelles respon- sabilités au sein de leurs communautés ou d’enceintes associatives ou politiques plus larges. En Bolivie, par exemple, on constate la présence de plus en plus affirmée des femmes issues de coopératives équitables dans les conseils communaux, les organisations syndicales ou les mouvements sociaux. Ce phénomène d’émancipation sociale constitue un puissant facteur de développe- ment, celles qui s’engagent dans cette voie faisant figure d’exemples pour les jeunes générations. Qui plus est, inspirées probablement par leurs propres expériences et initiées aux vertus des systèmes participatifs solidaires, ces femmes choisissent sou- vent de s’investir au sein d’organisations à vocation sociale. Microfinance, crèches, cantines, orphelinats, soutien à l’éducation,… autant de domaines dans lesquels les femmes formées dans le cadre des dynamiques équitables se mobilisent pour contri- buer aux mieux-être de leurs communautés et à la réduction des inégalités.

25 LA PLACE DES FEMMES DANS LES ORGANISATIONS DU COMMERCE ÉQUITABLE

LE COMMERCE ÉQUITABLE, UN MOYEN L’EMPOWERMENT, UNE FINALITÉ

Les initiatives de commerce équitable ont souvent pour origine la volonté des artisans ou des paysans des pays du Sud d’améliorer leurs revenus en se positionnant sur des marchés qui offrent des garanties structurelles que ne proposent pas les marchés conventionnels (prix d’achat plus élevés et stables, relations commerciales durables, primes de développement, etc.).

Ceci étant, dans de nombreux cas, le commerce équitable est d’abord intégré comme un moyen pour des organisations qui ont pour objectifs premiers la réduction de la pauvreté et la lutte contre les exclusions dont sont victimes de nombreuses minorités (personnes handicapées ou atteintes du VIH/SIDA, communautés ethniques margi- nalisées, etc.).

C’est vrai en particulier pour les groupements de femmes qui ont l’empowerment comme raison d’être et qui adoptent le commerce équitable (généralement dans l’artisanat) pour soutenir financièrement leurs activités sociales, pour se former et apprendre et pour bénéficier de réseaux d’entraide et d’échanges. Au Pérou, par exemple, l’organisation Casa Betania, initialement créée au béné- fice des femmes des quartiers marginalisées, n’a lancé son projet de créationde vêtements équitables qu’après avoir travaillé sur les questions de santé mentale de ses bénéficiaires25.

26 UNE PRÉSENCE MAJORITAIRE

Tant au sein des réseaux occidentaux de distribution et d’appui que dans les groupements de producteurs des pays du Sud, les femmes sont très majoritaires dans les organisations et les instances du commerce équitable.

Ainsi, selon l’Association européenne de commerce équitable EFTA, près de 80 % des Européens qui s’engagent bénévolement dans des réseaux de commerce équitable sont des femmes26. Au sein d’Artisans du Monde, l’une des grandes fédérations du secteur, 70 % des présidents des groupes locaux sont des femmes. On retrouve cette même proportion (70 à 80 % de femmes) au sein des coo- pératives et des associations de producteurs d’artisanat qui bénéficient du système équitable (cette proportion est moindre dans le secteur agricole)27.

Watford & Three Rivers Fairtrade Directory (UK) Crédit : Abbots Langley News

GROUPEMENTS MIXTES OU EXCLUSIVEMENT FÉMININS

Du point de vue du genre, deux modèles d’organisations équitables cohabitent avec des caractéristiques différentes : les groupements exclusivement féminins et les structures mixtes.

Groupements mixtes Organisations féminines

Très majoritaires dans le secteur agricole, les groupe- Si l’on considère l’empowerment comme l’un des objectifs ments mixtes présentent comme avantages de favori- principaux du projet de création d’activités équitables, ser les contacts de travail entre les hommes et les fem- les groupements exclusivement composés de femmes mes et d’encourager la prise en considération de ces offrent à celles-ci de nombreux avantages spécifiques. dernières par les membres masculins de l’organisation. Le regroupement permet ainsi de répondre à des problé- Ce modèle est notamment défendu lorsque les problé- matiques qui sont propres aux femmes. Collectivement, matiques d’accès aux ressources (comme l’eau ou la elles peuvent acquérir des terres (lorsque la loi leur per- terre) ne peuvent être résolus qu’avec la participation met) ou du matériel, accéder au crédit en mutualisant des hommes. leurs apports, financer des formations et des programmes sociaux ou solliciter des appuis extérieurs. Qui plus est, Ceci étant, si l’égalité est clairement affirmée dans les quand elles sont uniquement entre elles, les femmes textes fondateurs du commerce équitable, on observe acquièrent plus d’assurance et s’approprient plus facile- dans les faits que les postes à responsabilité sont le ment certaines compétences. Les femmes rencontrées plus souvent occupés par des hommes. Ainsi que le «disent avoir appris au sein du groupe à prendre la parole soulignent les travaux d’une équipe de chercheurs des en public, à développer des arguments et à acquérir une universités de Louvain et de Liège28, «dans ces organi- certaine confiance en elles.»29 sations mixtes même si, comme nous l’avons montré, il Et ces apprentissages, beaucoup plus difficiles à acquérir existe une certaine ouverture aux problèmes d’inégali- dans un environnement mixte, peuvent alors être exploités tés de genre et au manque de participation des femmes, au sein d’espaces ou se côtoient hommes et femmes, celles-ci estiment avoir peu d’espace d’écoute et plus comme les conseils communaux ou les cellules syndi- de difficulté à se faire entendre et respecter.» cales. «Mon père me demande de le représenter car main- tenant je sais mieux nous défendre que lui» commente une L’étude comparée de ces différents modèles met ainsi femme d’une coopérative de Sartañani en Bolivie. Tandis en évidence l’importance du critère d’égalité hommes- que d’autres expliquent qu’elles préparent au sein de leur femmes dans les organisations mixtes notamment parce groupement de femmes les positions qu’elles défendent qu’il permet aux femmes d’accéder de fait aux ressour- au sein du conseil communal (une instance où tradition- ces qui sont l’apanage traditionnel des hommes. nellement les femmes n’ont pas la parole)30.

27 L’étude de la place des femmes dans le commerce équitable et des bienfaits de celui-ci exige de prendre en compte les environnements dans lesquels ces travailleuses évoluent. Dans les villes et les campagnes, dans les champs, dans les ateliers ou dans les usines, les situations diffèrent et demandent à être précisées.

VILLES ET CAMPAGNES, ARTISANAT ET AGRICULTURE

Depuis le lancement des premières initiatives de commerce équitable à la fin des années 1960, les principaux secteurs d’activité qui bénéficient de ce mode de com- mercialisation plus juste sont l’agriculture et l’artisanat. Les filières agricoles qui se sont investies dans ce mode d’échange solidaire ont globalement tiré profit de la labellisation de leur production avec notamment un accroissement de leur marge et, surtout, une plus grande sécurisation de leurs mar- chés. Et ce, malgré la volatilité des cours et une forte dépendance aux conditions

Keleltu Hasegola Co-perative, Oromia (Ethiopie) Keleltu Hasegola Co-perative, Oromia Aid New Zealand Crédit : Trade climatiques. En ce qui concerne l’artisanat équitable, le constat est différent.

L’artisanat équitable, majoritairement féminin

Des biens non standardisés, réalisés avec des outils Réalisable à domicile et sans horaire fixe, indépen- simples, en quantité limitée et s’appuyant sur des dante des conditions extérieures (météorologiques techniques transmises de génération en génération, notamment), l’activité artisanale offre comme avan- telles sont les caractéristiques de l’artisanat dans tage d’exiger peu de ressources ou d’investissements. les pays en développement. A contrario, ce secteur fait face aujourd’hui à des diffi- Pourtant, l’artisanat traditionnel constitue l’une des cultés qui limitent son développement. principales sources de revenus pour des millions de Confronté à la concurrence industrielle des pays asiatiques personnes pauvres en Amérique latine, en Afrique et en émergents, l’artisanat équitable souffre de problèmes Asie. Et, la plupart du temps, ce sont les femmes qui structurels liés en particulier à la désorganisation des créent ces bijoux, paniers, broderies, céramiques ou filières de production et à l’inadéquation de l’offre sur instruments de musique, et les recettes de ces activités de nombreux segments de marché. Qui plus est, s’il est sont prioritairement affectées à l’éducation, à la santé et relativement aisé de certifier et promouvoir le caractère aux besoins quotidiens de la famille. équitable de biens de consommation alimentaires, cela Secteur dominant dans le commerce équitable jusque s’avère beaucoup plus compliqué pour l’artisanat, sec- dans les années 1990, l’artisanat présente des carac- teur très informel constitué d’une multitude d’unités de téristiques qui le rendent particulièrement adapté au production souvent familiales ou communautaires. travail féminin. L’agriculture, l’égalité incomplète

Le secteur de l’agriculture domine aujourd’hui largement dans le commerce équitable. Café, cacao, fruits, thé, vin,… le marché des produits agroalimentaires équitables connaît depuis une dizaine d’années une croissance soutenue qui a fortement contribué à la crédibilité de ce modèle d’échange plus juste.

Essentiellement mixtes (à quelques exceptions près), les organisations agricoles équitables ont comme avantage de pouvoir intégrer une main d’œuvre (masculine et féminine) importante au sein d’activités de production en croissance. Les principaux défauts qu’on pourra trouver à ces structures sont liés justement aux questions de mixité (évoquée ci-avant) et d’accès limité pour les femmes aux ressources traditionnelles (et symboliques) que sont la terre, l’eau ou le bétail.

28 Prokitree (Bangladesh) - Crédit : Trade Aid New Zealand

TOUT N’EST PAS PARFAIT

Le commerce équitable offre donc un cadre pertinent pour l’empowerment des femmes qui s’approprient des outils productifs performants pour amélio- rer leur quotidien, accèdent aux ressources qui leur font défaut et acquièrent de nouvelles compétences. Pour autant, la mise en œuvre d’un projet de commerce équitable pour les femmes peut poser des problèmes, encore que la plupart de ceux-ci sont plus liés à la nature de l’activité qu’à son caractère équitable.

Ainsi, dans certaines zones d’Inde, les femmes impliquées dans de tels dispositifs soulignent le fait que ce nouveau statut économique ne rééquilibre pas forcément la répartition du pouvoir (et a fortiori des tâches) au sein des ménages. Certaines se plaignent même du fait que leurs maris recherchent moins énergiquement du travail depuis qu’elles rapportent de l’argent31.

Par ailleurs, les exigences commerciales nouvelles qui pèsent sur ces femmes (no- tamment en termes de délais) peuvent avoir des conséquences négatives sur leur qualité de vie. Ainsi, par exemple, pour répondre à temps à une commande, c’est toute la famille qui sera mise à contribution jusqu’aux petites heures du matin.

Qui plus est, lorsque les impératifs économiques prennent le pas sur l’objet social du projet équitable, cela peut avoir des conséquences néfastes sur la cohésion de l’organisation. Celles qui alors ne peuvent répondre à la demande, faute de temps, de moyens ou de qualifications, peuvent se sentir exclues de la dynamique produc- tive et du groupement.

Enfin, en favorisant l’empowerment des femmes, le commerce équitable les expose aux réactions des hommes de leurs communautés, qui voient alors leur rôle tra- ditionnel remis en cause et s’élèvent contre ces mutations sociales que génère le projet équitable.

29 Annie Tendaï, National Handicraft Center (Zimbabwe) - Crédit : Trade Aid New Zealand

30 INITIATIVES REMARQUABLES

Aux quatre coins du globe, des femmes sont impliquées dans des projets de commerce équitable. Que ce soit par leur impact social ou leur performance économique, ces initiatives illustrent concrètement les bienfaits de ce modèle solidaire qui favorise l’empowerment des femmes et leur permet de parler au monde.

Les initiatives présentées ne sont que quelques unes parmi tant d’autres.

31 EN AFRIQUE

Depuis la fin de la Seconde Guerre mondiale, l’Afrique a beaucoup souffert. Luttes pour l’indépendance, répression brutale des puissances coloniales, régimes autoritaires sanglants, frontières incohérentes, pillage des ressources, affrontements tribaux, guerres du diamant, programmes d’ajustements,… ces fléaux sont à l’origine de l’essentiel des difficultés humanitaires, sociales et économiques que rencontre le continent et dont les femmes sont les premières victimes. Aujourd’hui, alors que semble se dessiner un avenir plus lumineux pour l’Afrique, on voit émerger de nouvelles élites, dynamiques et responsables, dont une partie s’engage en faveur d’un commerce plus équitable, plus du- rable. Au sein de ces initiatives (et plus largement des réseaux solidaires), les femmes occupent un place prépondérante et leur accès aux ressources et aux responsabilités constitue un enjeu majeur pour le développement du continent. Association des Villageois de N’Dem (Sénégal) - Crédit : Fédération Artisans du Monde

32 GUMUNTINDO, LE CAFÉ DES FEMMES OUGANDAISES

Pendant toute la période coloniale, l’Ouganda était considéré comme la «Perle de l’Afrique» par les occidentaux qui ont découvert le pays en recherchant les mythiques sources du Nil. Ses paysages magnifiques, la diversité de sa faune et de sa flore, ses terres fertiles, ses plantations prospères et sa paysannerie aisée,... au moment de son indépendance en 1962, l’Ouganda semblait prêt à affronter la modernité avec des atouts certains. Mais, très vite les tensions s’exacerbent entre les peuples nilotiques du Nord et les populations bantoues du Sud. En 1971, Idi Amin-Dada, prend le pouvoir et instaure un régime de terreur.

Le nombre de ses victimes est estimé à 200 000 personnes, femmes, hom- mes et enfants. Sept ans plus tard, en novembre 1978, l’armée tanzanienne entre en Ouganda et contraint le dictateur à prendre la fuite. Mais les troubles se poursuivent et les dictatures s’enchaînent. L’inflation atteint des sommets, une famine terrible ravage le pays, l’opposition est brutalement réprimée. En janvier 1986, Yoweri Museveni accède au pouvoir et s’attèle à la recons- truction du pays (stabilisation de l’inflation, croissance durable, etc.) mais la situation demeure difficile avec la persistance d’une rébellion violente, l’Armée de la Résistance du Seigneur (Lord’s Resistance Army) soutenue par le Soudan islamiste, qui fait régner la terreur dans le Nord du pays.

Enlèvements, viols, abandons,… les femmes ougandaises ont terrible- ment souffert de ces décennies de violences ethniques et confession- nelles. Aujourd’hui, l’Ouganda est un pays apaisé (bien que des poches de violence subsistent). Pourtant, en dépit d’avancées légales remar- quables, les femmes doivent encore supporter le poids des traditions Ruwenzori Mountain Lady (Ouganda) - Crédit : Dylan Walters et des superstitions ainsi que le coût humain du VIH/SIDA. Gumutindo signifie «Bon fermier» en langue Bugisu Gumutindo Coffee Cooperative Enterprise En Ouganda, les principaux sites de caféiculture sont situés dans le district de Mbale, à l’Est, près de la frontière avec le Kenya, sur les versants du Mont Elgon, la plus haute montagne du pays. Le climat subtropical et les terres volcaniques fertiles de ces provinces constituent un environnement idéal pour la production de café. C’est dans cette région qu’a été créée en 2000 la Gumutindo Coffee Cooperative Enterprise par certains des groupements de producteurs nés sur les ruines du vieux système coo- pératif ougandais. Rapidement, les responsables de la coopérative cen- trale ont compris que pour survivre et se développer, ils devaient apprendre à maîtriser l’ensemble de la filière et s’engager dans la production etla certification d’un café de qualité. En 2003, la production de Gumutindo est labellisée équitable (Fairtrade) et l’année suivante, l’ensemble des produits des fermes affiliées sont certifiés biologiques par EcoCert. Aujourd’hui, la Gumutindo Coffee Cooperative Enterprise est composée d’une douzaine

Lydia Nabulumbi, Gumutindo (Ouganda) - Crédit : Trade Aid New Zealand Nabulumbi, Gumutindo (Ouganda) - Crédit : Trade Lydia de grandes coopératives de base qui regroupent quelque 6 500 fermiers.

Café gourmet, café de spécialité Avec le soutien du Trade for Development Centre de la CTB Après les succès obtenus grâce à la certification équitable et biologique de sa production, Gumutindo s’engage aujourd’hui sur de nouveaux marchés de niche à haute valeur ajoutée : les cafés de spécialités. L’idée maîtresse de cette démarche est d’assurer la production de cafés équitables et biologiques de très haute qualité, sélectionnés avec le plus grand soin, pour répondre aux demandes spécifiques des importateurs spécialisés. Les prix payés pour ces cafés de spécialités sont nettement supérieurs encore à ceux pratiqués pour du café équitable et biolo- gique. Le Trade for Development Centre de la CTB, l’Agence belge de développement, soutient cette dynamique commerciale dans le cadre d’un projet qui s’est achevé en janvier 2011. Cet appui a permis à la coopérative de développer de nouvelles gammes de cafés de qualité supérieure «Single Origin» qui sont aujourd’hui présentées (avec succès) sur les marchés occidentaux et extrême-orientaux.

33 Le café des femmes de Gumutindo

Depuis sa création, la coopérative centrale Gumu- Or, il existe un intérêt croissant des consommateurs tindo reconnaît une place centrale aux femmes des pour l’origine des produits qu’ils achètent (en parti- communautés paysannes qui la composent, et en- culier s’ils sont équitables) et pour les histoires qu’ils courage leur implication à tous les niveaux de l’or- racontent. Et la grande majorité de ceux qui achètent le ganisation. produit final dans les magasins sont des femmes, parti- Quatre des sept directeurs sont des femmes et l’équipe culièrement sensibles aux questions d’émancipation et de permanents de la structure est composée pour moi- d’égalité, et qui pourraient vouloir soutenir cette initia- tié de femmes alors même qu’elles représentent moins tive en achetant ce café «Women Made». de 20 % de ses adhérents. Cette position est claire- La mise en place de cette filière de production exclu- ment revendiquée par la coopérative qui explique que sivement féminine s’inscrit très clairement dans le «lorsque la femme contrôle une partie du revenu de la cadre du projet de développement global qui est la famille, celle-ci en profite de nombreuses manières. Ces raison d’être de Gumutindo et dont l’empowerment changements ont des effets positifs visibles et impor- des femmes est un des piliers. L’accès de celles-ci tants au sein de sa famille et sa communauté.»32 aux ressources (qui leur est encore très limité du fait des Depuis 2009, les caféicultrices de la coopérative traditions rurales et ce, malgré des évolutions juridiques travaillent en partenariat étroit avec l’équipe de di- notables) implique en effet de faire évoluer les mentali- rection à l’élaboration d’une gamme de café équi- tés des hommes des communautés. Et le succès de ce table et biologique exclusivement produit par des projet, ainsi que la confiance et les responsabilités qui femmes. Cette initiative, «Women’s Coffee», qui a leur sont accordées, «encourageront les femmes pay- reçu le soutien de nombreuses organisations du sannes à cultiver, à produire et à vendre plus de ce café commerce équitable ( notamment), d’excellente qualité et cela encouragera leurs maris à les a été lancée sur la base de considérations à la fois soutenir et à les aider.»33 techniques et commerciales. Qui plus est, la vente de ce café bénéficiera prioritaire- Le café cultivé, récolté et préparé par les femmes caféicul- ment aux femmes productrices de Gumutindo, qui pour- trices de Gumutindo est en effet de haute qualité (compte ront alors choisir de consacrer une part de ces revenus tenu des soins qu’elles apportent à leurs plantations et et des primes de développement à la mise en place à leur travail) et bénéficie d’une traçabilité irréprochable. d’activités dont elles seront les premières bénéficiaires.

«En tant que femme, la participation au commerce équitable est très bénéfique. Nous maîtrisons la production. Le commerce équitable nous a enseigné comment améliorer la qualité de notre café. Il aide également les femmes à vendre leurs produits. Nous avons accès à de bons marchés maintenant. Le commerce équitable donne aussi aux femmes plus de liberté d’expression. Quand nous sommes payées, nous achetons ce que nous voulons et nous ne devons rien demander à nos maris. Et nous savons comment gérer un budget pour les besoins domestiques. Nous avons goûté notre propre café, celui que vend CaféDirect. Il est délicieux !»

Jennipher Wattaka, productrice, membre de Gumutindo34

Bénéfiques pour les femmes

La liste des réalisations collectives menées à bien par la coopérative Gumutindo grâce au commerce équitable et biologique est impressionnante : acquisition de nouveaux entrepôts et de bureaux modernes en 2006, extension de la clinique, création de trois écoles primaires et d’un établissement d’enseignement secondaire, mise en place et implantation de deux centres locaux de santé, fourniture d’électricité dans les villages, etc. Depuis 2009 et le lancement du projet de café «Women Made», une attention toute particulière est portée aux actions en faveur des femmes des communautés de Gumutindo. Un groupe de travail spécifique a été mis en place pour promouvoir les droits des travailleuses et des paysannes, des actions ont été initiées (dont la création d’une troupe de théâtre) avec pour objectifs la mobilisation des femmes et la sensibilisation aux problè- mes de genre et d’égalité. L’accent est mis notamment sur les questions de prise de décision dans les ménages, de violence conjugale et de soutien aux personnes atteintes par le VIH/SIDA (en particulier les orphelins). Le café des femmes de Gumutindo, une initiative heureuse et positive.

Pour en savoir plus : www.gumutindocoffee.co.ug - www.wheresmycoffee.co.uk - www.twin.org.uk www.fairtrade.org.uk - www.cafedirect.co.uk

34 WOMEN IN WINE - AFRIQUE DU SUD South African wine grapes - Crédit : Tim Parkinson

La condition des femmes sud-africaines

Les conditions de vie des femmes en Afrique du Sud, ainsi que leur niveau d’empowerment réel, dépendent en grande partie de la couleur de leur peau, de leur ethnie et de leur situation sociale. C’est en effet au sein de la population féminine noire des zones rurales ou des banlieues les plus pauvres qu’on observe les situations les plus difficiles, violentes et inégalitaires. En effet, malgré l’adoption en 1996 de la nouvelle constitu- tion qui affirme que l’Afrique du Sud est une démocratie unie, non-raciale, non-sexiste et qui reconnaît aux femmes une citoyenneté pleine et entière, les femmes noires sont nombreuses à être confrontées aux violences sexuelles, au virus du VIH/SIDA et à l’exclusion pour celles atteintes de la maladie. Le vin équitable sud-africain Dans ce pays qui est l’un des plus touchés au monde, la pandémie frappe en particulier les femmes qui représentent près de 55 % des personnes L’Afrique du Sud est l’un des prin- malades. Les femmes de moins de vingt-cinq ans y sont trois à quatre cipaux producteurs de produits fois plus infectées par le VIH/SIDA que les hommes de la même tranche agricoles équitables dans le mon- 35 d’âge . Dans les campagnes, l’organisation Amnesty International a re- de et le vin certifié Fairtrade fait cueilli les témoignages de femmes qui expliquent qu’elles ne sont guère véritablement office de vitrine du en mesure de se protéger contre l’infection par le VIH/SIDA, par crainte commerce équitable sud-africain, de subir des violences lorsqu’elles proposent d’utiliser des préservatifs. de son dynamisme et de la qualité «La vie des femmes dans les campagnes sud-africaines est marquée par une de ses produits. violence persistante au sein de leur famille, de leur foyer et de leur village, peu sûr et en sous-effectif policier», explique Michelle Kagari, directrice Ces vins ont acquis aujourd’hui une adjointe du programme Afrique d’Amnesty International. Elle ajoute que reconnaissance internationale réelle «la coexistence de l’épidémie du VIH et de la violence contre les femmes ainsi qu’en témoignent les nombreux porte un grave préjudice aux femmes, aux jeunes filles et aux fillettes sud- prix obtenus ces dernières années 36 africaines, en termes de violence physique mais aussi psychologique.» par certains des millésimes rouges, blancs et pétillants produits par les A côté de ces situations graves, des études ont montré que les femmes viticulteurs certifiés Fairtrade38. noires dans les villes ont vu leur statut social et professionnel s’améliorer de manière sensible. Ces indéniables succès ne doi- Ces progrès, qui illustrent l’émergence d’une classe moyenne féminine vent toutefois pas occulter la réa- noire dans le pays, ont des conséquences positives sur leur représentation lité raciale et sociale difficile du politique. Elles occupent aujourd’hui près de 40 % des sièges au sein de la secteur viticole en Afrique du Sud. chambre basse du parlement, ce qui fait de cette chambre la troisième au La viticulture demeure en effet l’un 37 classement mondial . des pans de l’activité économique du pays où la politique de discrimi- nation positive mise en place par le Women in Wine, féminin, éthique gouvernement dans le cadre du pro- gramme Black Economic Empower- et (bientôt) équitable ment (BEE) a le plus de difficulté à donner des résultats concrets. L’organisation Women in Wine a été créée en 2006 par un groupe de En effet, «bien que la viticulture soit 20 femmes noires, professionnelles du vin venues d’horizons différents, une industrie bien établie en Afrique mais animées d’un amour partagé pour la viticulture. Elles voulaient du Sud, c’est aussi un secteur en- «donner aux femmes, en particulier aux travailleuses dans les fermes core considéré comme un bastion et les vignobles ainsi qu’à leur familles, la possibilité d’être partie pre- de l’influence et de la puissance des nante dans l’industrie viticole.»40 blancs. Moins de 1% des sociétés Women in Vine est ainsi devenue la première entreprise viticole exclusive- productrices appartiennent à des ment détenue, contrôlée et gérée par des femmes. hommes d’affaires noirs.»39

35 «Pour réaliser cette vision partagée de faire évoluer l’industrie du vin sud- africain, nous avons dû trouver des solutions nouvelles et créatives afin de rompre avec les traditions selon lesquelles pour produire d’excellents vins, vous devez avoir des terres, des vignes, des caves et une grande entreprise pour les exportations», explique Beverly Farmer, fondatrice et PDG de Women in Vine (Pty) Limited. Aussi, les associées de l’entreprise ont choisi de miser sur leur expertise et surl’élaboration de partenariats étroits avec des fournisseurs de qualité, notamment issus de filières viticoles certifiées Fairtrade. Whitewine South Africa - Crédit : Merlin Bungart

«C’est notre devoir et notre droit de prendre notre juste place dans les hautes sphères économiques dominées par les hommes. La preuve de notre savoir-faire est dans la saveur de notre produit et notre vin parle pour nous» .41 Beverly Farmer, fondatrice et PDG de Women in Vine (Pty) Limited.41

L’une de ces partenaires, par exemple, est Boland Kelder qui produit et fournit à Women in Wine des vins répondant à des spécifications détaillées. Beverly Farmer s’en explique : «Nous communiquons à nos fournisseurs nos demandes précises. Nous sommes très exigeantes car nos marques «Women in Wine» et «Eden’s Vineyards» sont les atouts majeurs de notre entreprise, et nous travaillons continuellement pour mettre en place une réputation de vins de qualité supérieure.»

Près de 500 travailleuses des fermes et vignobles de la région du Cap sont associées au projet et bénéficient de sa croissance, auxquelles il faut ajouter environ un millier de femmes propriétaires de tavernes dans ces provinces qui ont également des participations significatives dans l’entreprise. La structure adoptée (sous forme fiduciaire partagée) leur permet ainsi de partager les fruits de cette initiative qui connaît un franc succès sur les marchés internationaux. Une organisation a d’ailleurs été mise sur pied, la «Farmworkers Women in Wine Trust», pour gérer une part de ces béné- fices et mettre en œuvre des actions de développement des compétences et de formation des ouvrières agricoles. Elle pilote également des projets au sein des communautés pour améliorer la qualité de vie des femmes et des enfants dans les exploitations agricoles et favoriser la consommation responsable de vin.

Très attachées à cette dimension sociale, les fondatrices et les membres de Women Wine travaillent aujourd’hui à la préparation de la certification Fairtrade de leur production de vins rouges et blancs. Pour ses efforts, l’entreprise a remporté le Prix d’Ethique décerné par le célèbre magazine spécialisé britannique «The Drinks Business».

Pour en savoir plus : www.womeninwine.co.za

36 L’UNION DES GROUPEMENTS DES PRODUCTRICES DES PRODUITS DE KARITÉ - BURKINA-FASO

Situé au cœur de l’Afrique occidentale, le Burkina Faso a renoué avec la démocratie en 1991 et a adopté à cette occasion une constitution qui sous- crit formellement à la Déclaration universelle des Droits de l’Homme (et donc à ceux de la femme). Pourtant, en dépit d’un cadre légal qui promeut l’égalité des sexes et des avancées réglementaires importantes, les fem- mes au Burkina Faso connaissent une situation assez comparable à celle des pays voisins.

Epouse, mère de famille, porteuse d’eau, commerçante, paysanne,… véritable pilier de la société africaine, la femme est omniprésente dans tous les aspects de la vie sociale. Mais ce sont les hommes qui concen­ trent entre leurs mains l’essentiel des revenus et des ressources. Dans les régions les plus rurales, ces inégalités sont particulièrement sensibles (surtout en matière d’alphabétisation et d’accès aux soins) en dépit de progrès importants constatés notamment en matière de violences faites aux femmes. Burkina Faso Women - Crédit : FAS USDA - Crédit : FAS Burkina Faso Women

Les campagnes de sensibilisation menées ces dernières années par le gouvernement ont permis de réduire les pratiques ancestrales les plus brutales, telles que les excisions, les viols ou les accusations de sorcellerie qui conduisaient à la maltraitance et à l’exclusion de femmes âgées seules.

Une vie de femme au Burkina Faso

«Dans la famille rurale du Burkina Faso, le sort de la femme n’est guère enviable. Levée avant le jour, elle parcourt des kilomètres, parfois plusieurs fois par jour pour aller puiser de l’eau qu’elle ramène ensuite sans moyen de trans- port. Vingt à trente litres d’eau sur la tête c’est lourd, surtout quand on est jeune et qu’on a le ventre vide. Piler le mil s’apprend juste après qu’on sache marcher. Aller chercher l’eau est important mais il faut aussi du bois pour cuisiner. Comme le bois est rare, il faut aller le chercher loin, souvent trop loin. Après cette mise en forme qui ne dispense aucunement la femme d’allaiter en même temps l’enfant qu’elle porte sur le dos, il faut passer aux choses sérieuses. Préparer un repas dans un pays où l’alimentation est centrée autour de la culture du mil est une chose simple : il n’y a qu’à piler. Ensuite, elle va pouvoir se mettre au travail, c’est à dire être un peu productive : aller vendre quelques légumes au marché si le temps qui lui reste pour dormir n’est pas déjà compté.»42

Comme dans beaucoup de pays en développement, c’est dans le domaine du travail et de sa reconnais- sance que les inégalités entre les femmes et les hommes sont les plus criantes. Impliquées dans de très nombreuses activités productives et sociales, les femmes (dont personne ne conteste la valeur du travail) sont cantonnées à l’économie informelle. A part dans quelques rares secteurs (l’administration et les ONG notamment), les femmes sont très rarement salariées et globalement exclues des postes de responsabilités dans les organisa- tions publiques ou privées.

«Le karité, c’est le mari des veuves et le père des orphelins»

Il est un trésor au Burkina Faso qui n’appartient qu’aux femmes qui, seules, en détiennent le secret. Le karité, l’«or vert» des femmes burkinabées, est une noix qui pousse sur un arbre fruitier et auquel on reconnaît les nombreuses vertus. L’huile épaisse qu’on en extrait (le «beurre» de karité) protège, soigne et hy- drate la peau, les lèvres et les cheveux. Pendant des décennies, ces propriétés n’étaient connues que des femmes africaines qui ne vendaient leur production que sur les marchés locaux. Il faut deux jours en moyenne pour produire un kilo de beurre dans les conditions de travail artisanales. Il faut d’abord récolter les noix, les dépulper, les décortiquer, les concasser, les torréfier, louer un âne avec une charrette pour les amener au moulin du village et les moudre, malaxer la mouture puis baratter, laver le mélange plusieurs fois avant de le cuire trois fois et filtrer deux fois pour enfin obtenir le précieux kilo de beurre de karité43.

37 Généralement réservée aux femmes, la production de beurre de karité joue un rôle important dans l’équilibre des revenus des ménages dans les zones rurales en procurant aux familles des recettes complémentaires aux activités agricoles traditionnelles (le maïs, le riz et l’igname) et en fournissant aux femmes seules les maigres ressources qui leur permettent de survivre.

L’Union des Groupements des Productrices des Produits de Karité de la province de la Sissili-Ziro (UGPPK/SZ)

À une heure et demie de route au sud de la capitale L’UGPPK a donc été créée sous forme de coopérative Ouagadougou, un peu avant la frontière avec le Ghana, centrale avec «la volonté de fédérer dans une structure se trouve la petite ville de Léo au cœur de la région de pérenne les forces et les moyens de ces groupements Sissili et du Ziro. féminins pour mettre en place des centres de produc- C’est là qu’en janvier 2001, 18 groupes de femmes tion et assurer une interface commerciale et logistique s’associent pour former ensemble l’Union des Grou- d’exportation.»45 pements de Productrices de Produits de Karité afin Très vite, l’UGPPK s’engage avec succès dans le com- de renforcer leurs compétences, d’assurer une ges- merce équitable. Elle est ainsi la première organisation tion durable du karité, de développer une production de productrices de beurre de karité à obtenir la certifica- compétitive et de qualité et d’accéder à de nouveaux tion équitable par Fairtrade International en 2006 qu’elle marchés rémunérateurs. complétera par une certification Bio d’Ecocert en 2008. L’idée de départ est née d’un constat simple : les femmes L’essentiel de la production de beurre de karité est vendu rurales productrices de beurre de karité avaient jusqu’alors aux fabricants de cosmétiques équitables avec des vo- de grandes difficultés à accéder au marché d’exportation. lumes d’exportation (vers la France et le Canada prin- Le manque de crédibilité des groupements féminins vis- cipalement) en forte croissance (de 8 tonnes en 2002 à-vis des clients internationaux, la qualité inconstante des à presque 200 tonnes en 2009). Les principaux clients produits, la faible capacité de production et l’analphabé- de l’UGPPK sont l’Occitane, , Thémis, Nature tisme des leaders en étaient les causes principales44. et Vie et .

Par les femmes pour les femmes (et leurs familles)

L’Union des Groupements des Productrices des Produits de Karité de la province de la Sissili-Ziro est considérée comme une référence en matière d’empowerment des femmes par le commerce équitable. Aujourd’hui, 72 groupements (comptant au total près de 3 000 productrices) composent la coopérative centrale UGPPK. Dans le cadre du commerce équitable, les productrices reçoivent le double, voire le triple, du prix payé sur le marché conventionnel. Et une prime supplémentaire de 0,30 $ pour chaque kilo vendu est aussi distribuée aux membres de la coopérative qui la répartissent généralement de la façon suivante : 40 % est destinée à l’alphabé- tisation, 20 % au parrainage des orphelins, 10 % pour la préservation de l’environnement et 30 % pour contribuer à l’autonomie financière des femmes en milieu rural46.

Ces ressources issues du commerce équitable ont permis la réalisation de projets sociaux importants, qui ont surtout bénéficié aux femmes de la coopérative mais aussi à la protection des membres les plus fragiles des com- munautés qui la composent. Ainsi, ces primes ont été en particulier utilisées pour la formation des femmes aux techniques agricoles, pour fi- nancer des programmes de sensibilisation au virus VIH/SIDA et pour l’achat de matériel scolaire pour les orphelins. Une ludothèque a par ailleurs été créée par l’UGPPK pour accueillir les enfants qui sont pris en charge par des animatrices pendant que leurs mères travaillent, ainsi qu’une une garderie pour les plus petits, ce qui permet aux jeunes filles, normalement en charge des plus jeunes, d’aller à l’école.

Mais c’est dans le domaine de l’alphabétisation et de l’éducation des femmes que les efforts de la coopé- rative centrale sont les plus importants et les plus visibles. Plus de 800 femmes ont ainsi bénéficié de ces programmes et appris à lire et à écrire. Et, depuis 2007, l’UGPPK organise chaque année une journée de l’ex- cellence pour distinguer les meilleures apprenantes des centres d’alphabétisation. Cette initiative est aujourd’hui citée en exemple dans tout le pays et pour d’autres projets d’empowerment. Enfin, la coopérative s’illustre depuis plusieurs années par son travail en faveur de la préservation de l’environnement (plantation d’arbres, recours à l’énergie solaire, etc.).

38 Vainqueur des Be Fair Awards 2010

En octobre 2010, l’Union des Groupements des Productrices des Produits de Karité a remporté le Be Fair Award de la meilleure organisation équitable de producteurs composée majoritairement de femmes. Organisé par le Trade for Development Centre de la CTB, l’Agence belge de développement, dans le cadre de la Semaine du Commerce Equitable, ce concours récompense les initiatives équitables les plus performantes ou les plus dynamiques dans diffé- rents domaines. Le jury a en particulier «apprécié l’impact social fort (création de centres d’alphabétisation, préservation de l’environnement, augmentation du revenu des femmes,…) et a souligné la qualité des produits dans une Afrique faisant souvent l’objet de reproches»47.

L’Union des Groupements des Productrices des Produits de Karité est organi- sée selon le modèle coopératif, ce qui signifie que les femmes sont collective- ment propriétaires de leur organisation et qu’elles participent ensemble aux prises de décision.

Ce système, caractéristique des groupements de producteurs engagés dans l’équitable, favorise la partici- pation des femmes à la vie de la communauté. Elles sont ainsi de plus en plus impliquées dans la politique municipale où elles affirment leurs positions et défendent leurs droits et ceux des plus démunis.

L’Union des Groupements des Productrices des Produits de Karité, c’est l’histoire d’une production féminine traditionnelle ancestrale qui devient vecteur d’empowerment. Une belle aventure dans la spirale vertueuse du développement. UGPPK (Burkina Faso) - Crédit : Alter Eco

«Avec l’UGPPK, les revenus sont meilleurs. J’ai pu payer un vélo à mon fils, une machine à coudre à ma fille, ajouter une pièce à la maison pour ma fille et mon petit-fils. Je peux payer les ordonnances et les visites chez le médecin, acheter des habits. C’est merveilleux !» Abibata Ido, productrice de beurre de karité, membre de l’UGPPK48

Pour en savoir plus : www.afriquekarite.com www.befair.be

39 Au Maroc, les activités de création artisanale en matière textile sont traditionnellement réservées aux femmes qui contribuent ainsi aux ressources familiales. A Marrakech, au cœur d’une des plus belles villes du Maroc, s’est développée depuis des siècles une tradition de tissage reconnue sur tout le pourtour méditerranéen. C’est aussi dans cette cité ancestrale aux mille couleurs qu’est née en 1991 la coopérative «Femmes de Marrakech» avec pour objectifs le développement d’une filière de création d’accessoires de mode de qualité et l’accroissement des revenus de ces femmes artisanes.

LES FEMMES DE MARRAKECH - MAROC

La coopérative et ses activités Les défis du développement

L’histoire commence en 1987, lorsqu’une styliste Les années passant, les responsables de la coopérative américaine décide de créer à Marrakech un petit prennent conscience des faiblesses qui handicapent le atelier de confection de prêt-à-porter féminin à développement de leurs activités. partir de sousdi, un tissu luxueux et léger, tradition- nellement fabriqué dans la région de Fès. Quelques Amina Naoui, trésorière de l’organisation, expliquait ain- années plus tard, elle décide de revendre son activité si en 2003 que «si la plupart des femmes maîtrisent les en se proposant comme cliente aux futurs repreneurs. étapes du processus de couture (commande du tissu de Les ouvrières de l’atelier, pour l’essentiel des femmes Fès, coupe, couture, finition, premier contrôle, teinture, pauvres et peu éduquées, rachètent l’entreprise avec contrôle final et emballage), nous sommes conscientes le soutien financier de la Société d’Investissement et du manque de compétences en techniques commer- de Développement International, et créent une associa- ciales, en négociation, en anglais, en informatique, sans tion qui deviendra une coopérative en 1994. Les débuts parler de l’analphabétisme.»49 sont difficiles, mais grâce aux contacts établis avec des organisations du commerce équitable (Artisans du Des actions sont alors menées pour combler ces handi- Monde en particulier), le groupement de productrices caps, avec l’appui des acheteurs équitables en Europe parvient à commercialiser ses ouvrages et à subvenir qui soutiennent la formation des ouvrières. aux besoins de ses membres. Les bénéfices du commerce équitable Un projet pour l’avenir

En 2005, la coopérative «Femmes de Marrakech» est En 2005, à Rome, est créé Esprit Equo, une boutique de certifiée par l’Organisation Mondiale du Commerce commerce équitable qui s’engage en faveur des coopé- Equitable (la WFTO qui s’appelait alors l’IFAT). Les ratives des pays du Sud en développant de nouvelles bénéfices de cette certification sont rapidement visi- lignes de produits conçus pour promouvoir les tradi- bles. L’organisation est gérée de manière démocratique tions et les savoir-faire des petits producteurs. et toutes participent aux décisions concernant les choix Rapidement, les contacts pris entre les fondateurs de stratégiques, les conditions de travail et les salaires. Ces la boutique italienne et les femmes de la coopérative femmes, qui viennent de milieux défavorisés et sont marocaine permettent d’identifier les faiblesses structu- pour la plupart analphabètes, bénéficient de revenus relles de leur activité : gamme limitée, manque d’inno- corrects et réguliers (salaires fixes) et se voient proposer vation dans les produits, design dépassé, marketing in- des formations ainsi que des cours d’alphabétisation suffisant, méconnaissance des marchés internationaux, dispensés à l’Institut Français de Marrakech. mauvaise qualité des matières premières et fournisseurs peu fiables.

Pour améliorer cette situation et valoriser les savoir-faire de la coopérative marocaine, celle-ci imagine avec ses partenaires italiens un projet de développement intégré avec comme objectifs l’amélioration de la qualité des produits (tant au niveau du design qu’au niveau des matières premières) et la modernisation de sa politique

Femmes de Marrakech (Maroc) Crédit : FM / Esprit Equo commerciale et promotionnelle.

40 Les résultats du projet

Initié en avril 2009, le projet a véritablement permis d’intégrer les pratiques de travail des stylistes italiens aux savoir-faire traditionnels des femmes marocai- nes dans le cadre d’une relation dynamique et durable. Associées aux travaux réalisés sur les modèles pour l’élaboration des prochaines collections d’Esprit Equo, les ouvrières de Femmes de Marrakech ont appris à organiser leur pro- duction en fonction de ces logiques nouvelles et à sélectionner des matières premières de meilleure qualité. C’est ainsi que, pour pallier les défaillances des intermédiaires traditionnels, de nouveaux fournisseurs ont été identifiés et qualifiés en particulier pour les matériaux de base. Ce fut ainsi l’occasion de privilégier de nouveaux textiles équitables et durables. Femmes de Marrakech (Maroc) - Crédit : FM / Esprit Equo Femmes de Marrakech (Maroc)

Une nouvelle gamme de produits Fashion

Au final, le projet a abouti à la création et à la valorisation d’une gamme de produits de mode de haute qualité.

Robes, ceintures, sacs à main, accessoires,… la collection 2010-2011 d’Esprit Equo fabriquée par Femmes de Marrakech est toute en finesse et en lumière. Dévoilée en septembre 2010 en avant-première à Paris au cours de l’Ethical Fashion Show, le salon de la mode éthique, cette nouvelle collec- tion a été mise à l’honneur durant le «Critical Fashion» à Milan en mars 2011. Femmes de Marrakech (Maroc) - Crédit : FM / Esprit Equo

«Fusion du stylisme italien et du savoir-faire des artisanes marocaines, la nouvelle collection «Femmes du Maroc» d’Esprit Equo est la symbiose entre les exigences de l’élégance moderne, l’innovation et l’éthique sociale».

Saida CHAABOUNI et Hassan BAJAJ, Femmes de Marrakech

Avec le soutien du Trade for Development Centre de la CTB, l’Agence belge de développement

Ce projet, qui a permis à la coopérative de Marrakech s’approprier les techniques les plus exigeantes de la mode européenne et d’y insuffler le savoir-faire et les traditions des femmes marocaines, a reçu le soutien financier du Trade for Development Centre de la CTB, l’Agence belge de développement, à hauteur de 28 000 euros (73.86 % du coût total du projet).

Des ateliers de Marrakech aux podiums des couturiers milanais… Une très belle histoire.

Pour en savoir plus : www.espritequo.com www.artisansdumonde.org

41 Women and children of Nivali (Mozambique) - Crédit : Stig Nygaard

L’UNION GÉNÉRALE DES COOPÉRATIVES DE MAPUTO (UGC) - MOZAMBIQUE

La révolte des veuves

Au début des années 1980, au plus fort de la guerre civile qui déchire le Mozam- bique, alors que de nombreux hommes sont morts dans les violences, enrôlés «Il ne peut y avoir de force ou exilés dans les pays voisins, un groupe de femmes créé l’Union de développement Générale des Coopératives de Maputo pour mettre en commun et partager communautaire, leurs maigres ressources. Nombre de ces femmes vivent alors dans la misère et ou national, sans beaucoup sont veuves ou âgées. la contribution des femmes.» Julieta et Rosita Lhamine ont participé à la création de ce mouvement. Elles se souviennent. «C’était vraiment difficile. Nous devions veiller en permanence Celina Cossa pour voir si les combattants du RENAMO (Résistance Nationale du Mozambique, Présidente de l’Union mouvement antimarxiste très violent financé et soutenu par la Rhodésie, le Zimbabwe Générale des Coopératives de Maputo. de l’époque, et l’Afrique du Sud) n’approchaient pas. Nous continuions à cultiver, Lauréate en 1998 du Prix du mais l’après-midi, c’était souvent impossible. Même maintenant, mon cœur souffre de leadership pour l’Afrique en cette colère et de la peur de mourir. Je vois encore des cadavres, les corps de ceux matière de maîtrise durable de qui étaient attrapés et battus à mort pendant que nous fuyions et que nous devions 55 la faim . enterrer après» explique Julieta. Et sa sœur de poursuivre : «Nous n’avions ni pompes, Lauréate en 2009 du Prix du leadership pour la sécurité ni arrosoirs, ni tuyaux, rien. Nous avons donc créé l’Union générale pour soutenir nos 50 alimentaire56. coopératives et essayer d’obtenir ces choses.» Aux côtés des paysannes

Vingt ans plus tard, l’UGC est l’une des plus importantes entreprises agricoles du Mozambique et la principale source d’approvisionnement de la capitale, Ma- puto, en fruits, légumes et volailles. L’organisation, qui a fédéré les coopératives de la région au fur et à mesure des an- nées, s’est complètement restructurée quand le gouvernement a mis en œuvre sa politique de libéralisation.

42 Auparavant organisation de production, elle s’est trans- Les résultats en termes de développement sont particu- formée en coopérative de services en proposant à ses lièrement significatifs. adhérentes des formations techniques ainsi que des financements qui leur étaient refusés par les banques. Les revenus moyens des productrices Dans les années 1990, l’UGC s’est aussi distinguée, aux de l’organisation sont supérieurs de 50% côtés de l’Union Nationale des Paysans du Mozambique en moyenne au salaire minimal national. (UNAC) en aidant ses membres à acquérir officiellement les terres abandonnées qu’elles cultivaient. Ce combat «Lorsqu’on considère que nos membres sont en majo- politique et juridique pour l’accès à la terre a mobilisé rité illettrées, ont atteint un certain âge et trouvent donc toutes les forces de l’organisation pendant des années. très rarement du travail, quel qu’il soit, on comprend Celina Cossa, la Présidente de l’UGC se souvient : mieux le rôle important que jouent nos coopératives «Lorsque nous avons vu que nous risquions de perdre dans la vie économique et sociale des populations les des terres, nous avons pris des mesures à temps.» plus défavorisées et des femmes en particulier» souli- gne Celina Cossa52. L’organisation est sur tous les fronts. Au delà des services d’appui à la production, l’organi- Sur le terrain, elle aide ses membres à se procurer des sation propose aussi des prestations de garde d’en- relevés topographiques et d’autres documents néces- fants et d’alphabétisation. saires à l’obtention de titres fonciers, tandis que ses Depuis plusieurs années, d’importants moyens sont représentantes les plus charismatiques (dont Celina ansi consacrés à l’éducation des femmes (qui repré- 53 Cossa qui est nommée par ailleurs à la tête de l’Union sentent 95% des membres) . Des formations tech- Nationale des Associations Paysannes) militent auprès niques sont dispensées dans les métiers de l’agricul- du Parlement pour l’adoption d’une réforme plus favo- ture et de l’élevage mais aussi en menuiserie et création rable du droit foncier. artisanale. En outre, des cours d’enseignement général Ce combat de longues années porte ses fruits. et d’alphabétisation leur sont systématiquement propo- La très grande majorité des productrices acquiert des sés. L’éducation des femmes est en effet considérée titres officiels pour l’exploitation des parcelles qu’elles comme une priorité, ainsi que le souligne Celina Cossa, cultivent et la nouvelle loi sur le régime foncier adoptée la Présidente de l’UGC, car cette éducation «les forme 54 en 1997 officialise ces dispositions et défend les droits au rôle de leader de leur communauté» . Par ailleurs, des petits producteurs. Le lobbying exercé par l’UGC a l’UGC a financé la construction de centres de santé où eu, par ailleurs, des conséquences importantes en ma- sont dispensés tous les soins de base, gratuits pour les tière de droits des femmes. Ainsi, le nouveau cadre légal membres de l’organisation. promeut l’égalité des femmes et des hommes lorsqu’il s’agit d’obtenir des titres fonciers et rappelle que la transmission par héritage des terres doit s’effectuer «in- Indéniablement équitable dépendamment du sexe» des personnes concernées51. Stricto sensu, l’Union Générale des Coopératives de Impressionné par le travail de l’organisation paysanne, Maputo n’est pas formellement certifiée équitable ou le gouvernement mozambicain sollicite même l’UGC durable mais l’impact social et humain considérable de pour participer au comité chargé de veiller à la mise en ses activités, ainsi que l’attachement de ses membres œuvre du nouveau régime foncier. aux valeurs de partage en font indéniablement un ac- teur majeur du progrès social et un témoin essentiel des Développement et solidarité bénéfices du commerce et de l’économie solidaire en Afrique. Les réalisations de l’Union Générale des Coopé- ratives de Maputo sont impressionnantes. D’une Celina Cossa, la Présidente de l’UGC, a reçu en 1998 le structure marginale, elle est devenue l’une des or- Prix de leadership pour l’Afrique en matière de maîtrise ganisations paysannes les plus puissantes du pays durable de la faim décerné par l’ONG Hunger Project, (avec 10 000 membres regroupées au sein de 200 et, en 2009, le Prix de leadership pour la sécurité alimen- coopératives) et ses dirigeantes sont considérées et taire décerné par le Réseau FANRPAN (Food Agriculture accueillies dans le monde entier aujourd’hui. Natural Resources and Policy Analysis Network). Une véritable référence. Ces succès reposent autant sur les valeurs de solidarité qu’elles défendent que sur leurs réussites économiques et commerciales. En soutenant la diversification des ac- Pour en savoir plus : tivités de ses membres lors des premières années de http://spesmru.intnet.mu/sepac/ugc.htm paix, et en développant l’aviculture grâce à ses propres www.pbs.org/hopes/mozambique ressources et aux financements de la Banque mondia- www.fanrpan.org le, l’organisation est devenue le premier producteur de http://africaunchained.blogspot.com poulets au Mozambique. http://africa.ipsterraviva.net

43 EN AMÉRIQUE LATINE

Après sa découverte par les explorateurs portugais et espagnols, l’Amérique latine a été pendant longtemps la cible des appétits des grandes puissances et la victime de fractures intérieures brutales. Entre les massacres des populations indigènes par les colons, les injustices sociales, l’impérialisme américain et soviétique, les révoltes des «sans-terre» et les conséquences du commerce des esclaves, le continent a longtemps traversé des périodes de grande violence qui, comme souvent, ont eu les femmes et les minorités comme premières victimes. Depuis la fin de la Guerre froide, la situation s’améliore notablement et, sur ces terres historiques du commerce équitable (où certains des premiers projets du secteur furent initiés), les femmes s’engagent avec dynamisme dans des initiatives visant à combiner développement économique, solidarité et réduction des inégalités. Prodecoop (Nicaragua) - Crédit : Trade Aid

44 JAMBI KIWA - FEMMES D’ÉQUATEUR

Héritage de l’Histoire, en Equateur, les questions de genre se mêlent étroitemnent aux questions ethniques. Sur les quelque 12,5 millions d’Équatoriens, plus de trois millions et demi sont des indigènes, qui se répartissent en onze ethnies, la principale étant l’ethnie quichua qui vit dans la région andine et en Amazonie. Aux inégalités hommes-femmes s’ajoutent des clivages ethniques et sociaux qui font qu’aujourd’hui, la situation des femmes blanches d’origine hispanique vivant en milieu urbain a peu à voir avec celles des femmes autochtones des zones les plus rurales du pays.

Si les premières ont tiré profit des avancées majeures intégrées à la nouvelle consti- tution adoptée en 2008, c’est beaucoup moins vrai pour les descendantes des pre-

Women in Ecuador (Equateur) Women de la República del Ecuador Crédit : Presidencia miers peuples du continent, ainsi que l’explique Rosa Rodríguez, spécialiste équato- rienne des questions de développement et de genre : «Les femmes ont gagné des espaces de plus en plus importants pour créer des conditions d’égalité et développer une pleine participation à la vie économique, politique, sociale et culturelle du pays en construisant leur citoyenneté». Mais cette avancée ne concerne pas encore la majorité des femmes autochtones du pays, estime-t-elle en ajoutant : «C’est un processus permanent d’exclusion ; la situation des femmes indigènes a été marquée par une double discrimination, ethnique et sexuelle. C’est pourquoi les progrès dans la participation publique ne concernent pas encore la majorité des femmes.»57 Gardiennes des savoirs et des traditions ancestrales, les femmes indiennes autochtones en Equateur, comme celles d’origine africaine, commencent pourtant à s’exprimer, à s’organiser et à revendiquer leurs droits au sein de sociétés patriarcales et machistes. Longtemps, ces progrès ont été limités par la pauvreté et la misère mais, aujourd’hui, à la faveur de la croissance et du développement du pays, les questions de genre, de citoyenneté et d’égalité sont de plus en plus prises en compte.

Les années de lutte

Pendant des siècles, la colonisation espagnole a privé les Indiens des Andes de leurs terres, les a condam- nés au servage et au travail forcé dans les haciendas détenues et gérées par les grands propriétaires fonciers. Dans la région du Chimborazo où vivent les Indiens Puruha, ce système a perduré jusqu’au XXème siècle et résisté à toute tentative de réforme. Les indigènes y vivaient une sorte d’apartheid qui les excluait des principaux services publics (en particulier les écoles) et les traitait comme des êtres inférieurs. Il faudra attendre les années 1960 et l’engagement historique de l’évêque de Riobamba Monseigneur Proaño aux côtés des popu- lations autochtones pour que s’engage un premier mouvement d’émancipation. Les communautés indiennes s’organisent et revendiquent leurs droits sur les terres où elles vivent. Ce n’est que dans les années 1990, après des décennies de luttes et de violences sociales, que ces demandes aboutissent et qu’une partie de ce patrimoine leur est restituée.

Vies de femmes

Les populations indigènes du Chimborazo ont récupéré certaines de leurs terres mais la pauvreté et la pression démographique et foncière sont telles que la plupart des hommes en âge de travailler quittent la région et vont dans les villes ou les grandes exploitations. Ils partent généralement après les labours et ne reviennent au village qu’au moment de la récolte. En leur absence, ce sont les femmes qui s’occupent des terres et des quelques animaux (cochons, moutons, etc.) qui les font vivre. C’est dans ce contexte qu’est née en 1999 l’association Jambi Kiwa avec pour objectif la création d’activités économiques nouvelles susceptibles d’enrayer la pauvreté endémique qui frappe ces familles, de réduire l’exode rural et de permettre à ces femmes de contribuer aux ressources de leurs communautés en valorisant leurs savoir-faire ancestraux58. Très vite, l’association de femmes s’engage dans la production et la commercialisation de plantes médicinales et d’herbes aromatiques. Activité traditionnelle des femmes indiennes, la culture de ces végétaux aux nombreuses vertus exige peu d’investissement (un petit jardin irrigué avec l’eau de consommation) et des travaux d’entretien rela- tivement modestes pour celles qui en connaissent les secrets et se les transmettent de génération en génération.

45 Des marchés des Andes aux boutiques équitables

Durant les premières années, les femmes de l’association vendent leurs mélanges savants (composés de plusieurs dizaines de plantes médicinales) sur les marchés des villages, puis auprès des citadins équatoriens qui les apprécient énormément. Forte de ces succès, l’association décide d’améliorer et d’accroitre sa production. Les plantes (dont un grand nombre sont propres à la flore andine) sont associées entre elles et cultivées en terrasses sans aucune utilisation de produits chimiques. Le terreau est enrichi par des composts faits de résidus organiques mélangés au fumier des volailles et du petit bétail. Des vers de terre (élevés dans des casiers adaptés) transforment ce compost en humus de qualité. L’initiative remporte un grand succès et, pour gérer cette croissance, l’association (qui compte alors près de 400 femmes) acquiert un bâtiment, avec l’aide du diocèse de Riobamba, où sont installés un séchoir et des hachoirs adéquats. L’organisation passe ainsi d’un mode de production artisanal à une petite industrie de fabrication de tisanes et de mélanges d’herbes destinés aux marchés locaux mais aussi aux boutiques de Quito, la capitale. En 2004, la production atteint les 10 tonnes de plantes séchées. Une nouvelle unité de transformation est alors construite et équipée de séchoirs plus performants et de hachoirs plus modernes. C’est à ce moment-là que l’Association obtient la certifica- tion du commerce équitable (Fairtrade) et commence à exporter sa production.

«En tant que femme, il était difficile pour moi de faire face aux grandes questions sociales. Mais, grâce à l’association, j’y suis parvenue. J’ai été élue au conseil de la paroisse, le principal organe directeur de notre petite ville. Les gens m’ont soutenue, car ils ont vu que nous avons essayé de changer les choses avec notre organisation et qu’ils ont apprécié nos réalisations.»

Rosa Guaman, Directrice exécutive de Jambi Kiwa59

Rosa Guaman, Jambi Kiwa (Equateur) - Crédit : Pobles Harmonia / Alejo Cock

Mieux vivre avec le commerce équitable

Le développement des activités de Jambi Kiwa a eu un impact significatif sur la qualité de vie des femmes du Chimborazo et de leurs communautés. La vente de ces herbes médicinales, aromatiques et condimentaires a ainsi accru les ressources des familles de manière significative et l’intégration de la filière sur le ter- ritoire a en outre généré la création d’emplois nouveaux sur les sites de traitement et de conditionnement. Inspirée par le dynamisme de ses membres, la coopérative (qui a obtenu la certification biologique BCS Oko) s’est appropriée de nouvelles compé- tences en particulier en matière d’agriculture organique et de conseil aux productrices. En plus des programmes d’alphabétisation, des formations leur sont ainsi proposées sur des sujets tels que la rotation des plantations, les cultures associées, la fertilisa- tion naturelle, la conservation des sols ou bien encore l’agroforesterie. Partagés entre les productrices, les nouveaux revenus générés ont contribué à réduire les migrations et à favoriser le maintien des familles sur leurs terres. Aujourd’hui, l’association compte près de 650 femmes et ses produits sont exportés en Europe, au Canada et aux Etats-Unis. Une nouvelle dynamique s’est ainsi mise en place qui a permis de favoriser la création d’infrastructures, l’ouverture d’écoles et la Pour en savoir plus : mise en place d’équipements communautaires. www.jambikiwa.com www.ethiquable.coop Tout cela, grâce aux femmes et à leurs savoirs.

46 Q’ANTATI - LES ARTISANES DE BOLIVIE

Terre de contrastes, la Bolivie est le pays le plus élevé et l’un des plus enclavés d’Amérique latine, coincé entre le Chili, le Pérou, le Paraguay, le Brésil et l’Argentine. De la forêt Amazonienne à l’Altiplano aride, des trésors des Andes aux souve- nirs de l’empire Inca, la Bolivie est un pays d’une diversité extraordinaire, tant au niveau des paysages que des hommes. C’est aussi une des nations les moins développées du continent, malgré des ressources minières et énergétiques importantes. Près de la moitié de la population vit sous le seuil de pauvreté, en particulier dans les campagnes et sur les hauts-plateaux. Pourtant, des progrès très sensibles ont été enregistrés ces dernières années au niveau social et ont en particulier profité aux femmes du pays. Elles sont ainsi plus de 700 000 à avoir appris à lire et à écrire grâce à la campagne d’alphabétisation

Aymara people (Equateur) Aymara Crédit : Helen Marsh / Practical Action «Yo sí puedo» lancée en 2006 (plus de 85 % des bénéficiaires sont des femmes), et nombreuses sont celles qui témoignent de l’importance de ce programme comme vecteur d’accès aux ressources et au droit60. Mais en dépit de ces efforts gouvernementaux qui placent la Bolivie en bonne posi- tion pour atteindre les Objectifs du Millénaire en termes d’éducation (97 % d’adultes alphabétisés et parité des sexes dans l’éducation primaire et secondaire d’ici 2015), les fléaux qui affectent le pays sont tels que la réduction significative de la pauvreté reste un objectif difficile à atteindre. Corruption, infrastructures défaillantes, cultures illicites, endettement,… autant de freins au développement économique et social du pays. Et cette misère, qui touche en particulier les zones rurales et les communautés indigènes, a pour principales victimes les femmes qui sont douloureusement confrontées aux problèmes de violence conjugale et domestique (un fléau particu- lièrement difficile à endiguer en Amérique latine) et de sous-représentation dans

Equateur - Crédit : MacJewell les structures dirigeantes des organisations politiques, économiques et sociales.

Q’Antati : créer pour exister En 1974, un groupe d’artisanes, dont une majorité issue de l’ethnie indienne Aymara, décide de se structu- rer en groupement pour valoriser leur savoir-faire artisanal et proposer ensemble une gamme de produits susceptibles de séduire les marchés nationaux et internationaux. Nommée Asociación de Artesanos Q’Antati («aube» en langue aymara), la nouvelle organisation associe des communautés féminines rurales des montagnes ainsi que des groupes de femmes des régions urbaines autour de La Paz. Chacune de ces unités se spécialise dans une forme d’artisanat traditionnel. Les techniques utilisées pour la création de ces vêtements (gants, bonnets, écharpes, etc.) et couvertures en laine d’alpaga, de ces instruments de musique et objets décoratifs sont héritées des savoir-faire que les Indiennes se transmettent de mères en filles depuis des générations. Pour bon nombre de ces femmes indigènes des hauts-plateaux, les ressources générées par la vente de ces objets par leur organisation constituent un complément de revenus important qui s’ajoute aux recettes des ventes agricoles. L’organisation fédère aujourd’hui douze groupements d’environ 450 artisanes qui filent, tissent, brodent, sculptent et taillent ces objets et textiles dans le respect des traditions ancestrales.

Développement équitable Fondée sur les principes d’autogestion et de partage, l’organisation centrale soutient ses membres par le biais de formations techniques (à l’innovation, à la gestion de production, et à l’intégration en filières) mais aussi en modernisant les équipements de production (dans le respect absolu des savoir-faire traditionnels) de ces communautés de femmes. Par ailleurs, celles-ci réfléchissent depuis peu à la mise sur pied d’un projet de tourisme équitable et, en parallèle, au développement de réseaux de commerce équitable Sud-Sud. Membre de l’Organisation Mondiale du Commerce Equitable (WFTO), Q’Antati est souvent citée comme réfé- rence en matière de commerce équitable pour et par les femmes. Dans un pays économiquement et sociale- ment fragile, l’organisation des artisanes indigènes boliviennes a réussi à associer des communautés réparties sur des territoires très différents et à fédérer les volontés de chacune pour créer une identité commune, synonyme de solidarité, de fierté et de traditions. Pour en savoir plus : www.tenthousandvillages.com

47 LE QUINOA ÉQUITABLE ET LES FEMMES BOLIVIENNES

Sur les plateaux froids et arides de l’Altiplano (la plus haute région habitée au monde après le plateau du Tibet) pousse le quinoa, une céréale (plus exactement une pseudo-céréale61) aux nombreuses vertus nutritives, que les Incas appelaient «Chisiya Mama», ce qui signifie en quechua «Mère de tous les grains». Emblématique des cultures andines, le quinoa a longtemps été l’ali- ment de base des populations indigènes des hauts-plateaux.

En 1983, des communautés de producteurs quechuas et aymaras du sud de l’Altiplano se regroupent et fondent ANAPQI, l’Association Na- tionale des Producteurs de Quinoa, pour vendre leurs excédents de récoltes sans passer par les intermédiaires locaux qui leur imposaient alors des conditions commerciales très dures. Aidée par des agences d’aide au développement, l’organisation centrale (qui fédère des grou- pements de producteurs locaux) s’engage dans la production biologique (certification Ecocert obtenue en 1997) puis équitable (Fairtrade en 2006).

Anapqui (Bolivie) - Crédit : Alter Eco Distribuée dans les réseaux du commerce équitable et les boutiques diététiques aux Etats-Unis et en Europe, la production de quinoa d’ANAPQI connaît un succès considérable et les bénéfices sociaux de cette croissance sont rapidement visibles. Ce développement a d’ailleurs été si important qu’il a généré des problèmes écologiques et de concurrence que l’organisation s’efforce de régler.

La mise en place d’ANQUI et son adhésion aux principes et aux valeurs du commerce équitable ont largement contribué à l’empowerment des femmes indigènes et à l’évolution de leur statut dans les sociétés indiennes de l’Altiplano. Traditionnellement cantonnées dans des activités domestiques et familiales, les femmes des groupements affiliés à ANAPQUI (qui regroupe quelques 1200 familles) se sont investies dans les activités de production, aussi bien au niveau de la récolte que dans les usines de traitement et de conditionnement. Elles sont aujourd’hui nombreuses à participer et à s’impliquer dans le fonctionnement des différents échelons de l’organisation. Des programmes de formation et d’assistance technique ont été mis en place avec comme objectif le renforcement du rôle des femmes dans les coopératives aux postes de production mais aussi d’administration et de gérance. Les recettes générées, auxquelles s’ajoutent les primes de développement, ont été réinvesties dans l’amélioration des structures productives et dans la mise en place d’actions d’envergure en matière d’éducation et de santé, en particulier au profit des femmes enceintes et des enfants. La construction de réservoirs d’eau pour l’abreuvement des animaux dans une trentaine de communautés a considérablement diminué la charge de travail des femmes qui n’ont plus à sortir l’eau des puits pour les lamas62.

Des programmes de diversification ont été développés le marché local. Les trois quarts des employés, tant au pour promouvoir de nouvelles activités touristiques et niveau de la production qu’au niveau administratif, sont artisanales au bénéfice des femmes des communautés des femmes qui touchent plus que le salaire minimum qui acquièrent ainsi de nouvelles compétences et valo- officiel (ainsi qu’un treizième mois) et bénéficient d’une risent leurs savoir-faire traditionnels au sein d’organi- couverture sociale étendue (assurance maladie et ac- sations où elles sont majoritaires. cidents). Les hommes et les femmes reçoivent le même salaire, Le développement des activités d’ANAPQUI, en tant mais ces dernières travaillent quotidiennement une qu’organisation d’envergure nationale, a favorisé la créa- heure de moins qu’elles peuvent consacrer aux activités tion de nouvelles entreprises équitables en Bolivie, notam- familiales et ménagères. En plus des congés maternité ment dans les secteurs de la transformation du quinoa. qui leur sont payés, les femmes de La Coronilla sont La société La Coronilla, par exemple, produit et vend encouragées à participer à des programmes éducatifs des «Popsnacks» (sorte de popcorns) fabriqués à partir et de formation continue63. de quinoa acheté à ANAPQUI. Dès les débuts, en 1972, les fondateurs de cette entre- Pour en savoir plus : prise privée de fabrication de nouilles (le plat préféré des www.anapqui.org.bo Boliviens) ont souhaité contribuer à l’empowerment des www.coronilla.com femmes et à la revalorisation de produits indigènes sur www.claro.ch

48 EN ASIE

Des rives méditerranéennes de la Turquie aux archipels d’Extrême-Orient, l’Asie présente une multitude de visages hérités de traditions très différentes. L’Asie Mineure, la Russie orientale, la Péninsule Arabique, le sous continent indien, les centaines d’îles d’Indonésie et des Philippines, la Chine, le Japon,… autant de sous-régions très différentes les unes des autres et dont les cultures se sont construites autour de civilisations puissantes et millénaires. Historiquement, l’Asie a accueilli certaines des premières initiatives de commerce équitable. Ainsi que nous allons le voir, celles-ci ont souvent été mises en œuvre par des femmes pour défendre leurs droits, s’émanciper et bénéficier de ressources propres. Prokitree (Bangladesh) - Crédit : Trade Aid New Zealand

49 Depuis le milieu du XXème siècle, le Bangladesh connaît une succession de crises. Guerres, conflits religieux, catastrophes naturelles, coups d’Etats sanglants, corruption endémique,... l’ancienne colonie britannique peine à se développer et à tirer un bénéfice social du commerce mondial. Entre misère et traditions patriarcales rétrogrades, les femmes sont les premières victimes des violences qui secouent le pays.

CORR THE JUTE WORKS - BANGLADESH

En termes de droits des femmes, le tableau est effectivement particu- lièrement sombre. Au Bangladesh, les femmes subissent des discrimina- tions d’une rare brutalité qui s’expriment en particulier dans les familles et les couples. La défiguration par l’acide est encore souvent infligée à celles qui refusent les mariages forcés ou qui n’obéissent pas à leurs maris ou à leurs frères. Et celles qui fuient sont condamnées à la prostitution ou à la prison où elles subissent les violences des gardiens. Malgré les quelques engagements pris par le gouvernement pour améliorer la condition des femmes bangladaises, les effets concrets dans la vie quotidienne tardent à se manifester. Rongé par la corruption, le système économique, social et judiciaire peine à appliquer ces dispositions et à sensibiliser les populations aux questions d’égalité de droit, alors même que les discriminations contre les femmes sont justifiées par des textes religieux, musulmans ou hindous, anciens mais toujours reconnus par la constitution. CORR The Jute Works (Bangladesh) - Crédit : Trade Aid New Zealand (Bangladesh) - Crédit : Trade CORR The Jute Works

L’industrialisation du pays ces dernières années a eu relativement peu d’incidence sur les droits des femmes. De plus en plus nombreuses à travailler dans les usines et à migrer vers les villes, elles sont deve- nues socialement plus visibles, mais restent des cibles particulièrement vulnérables, exposées aux risques de violence sexuelle, de répression au travail et de persécution religieuse.

Exister malgré la violence

En 1971, alors que s’achève la Troisième Guerre indo-pakistanaise, de nombreuses organisations se créent avec le soutien d’agences internationales pour reconstruire le pays et venir en aide aux femmes les plus démunies et aux dizaines de milliers de veuves sans ressources. L’aide financière et technique de l’organisme catholique CORR (Caritas Bangladesh) permet ainsi à certaines de ses femmes de s’associer pour créer The Jute Works en 1973 et commercialiser leurs productions artisa- nales. Celles-ci sont confectionnées essentiellement à partir de jute, une plante cultivée pour les fibres longues et soyeuses que l’on tire de ses tiges et dont on fait des tissus. Fondée pour «promouvoir et défendre la dignité des populations exclues et discriminées de la société bangla- daise, et en particulier des femmes», l’organisation travaille aux côtés des plus pauvres sans distinction de religions, de castes ou de races, et consacre très vite une part de ses moyens aux handicapées et aux orphelins. En 1981, le groupement adopte des statuts d’entreprise à but non lucratif (ONG). Il fonctionne comme une organisation faîtière de niveau national en collectant et en commercialisant (à l’export en particulier) les créations de ses membres. Ses objectifs : changer les conditions de vie des femmes rurales, faire reconnaître leurs droits et les aider à obtenir des revenus par

Pimola and Rosi Nokrek, CORR The Jute Works (Bangladesh) CORR The Jute Works Pimola and Rosi Nokrek, Aid New Zealand Crédit : Trade la production artisanale.

50 «Je fabrique de l’artisanat pour Mutualiser, partager et travailler The Jute Works depuis 1981. Depuis que j’en fais partie, j’ai The Jute Works travaille ainsi avec près de 150 groupements d’artisans pu gagner assez d’argent pour regroupant environ 3 600 femmes (pour 150 hommes), répartis dans acheter des terres afin d’y 18 districts du Bangladesh. Les groupes sont autonomes mais peuvent cultiver du riz pour notre famille. faire appel aux équipes de The Jute Works à tout moment tandis que, sur J’ai participé à une formation le terrain, les chefs de groupes assurent le suivi de production. Des visites pour élever des veaux. régulières permettent à The Jute Works de coordonner les activités et de veiller J’ai acheté deux bœufs et un char à bœufs pour aider mon à la juste distribution des commandes entre les membres du groupes. mari dans son travail. J’ai acheté L’organisation centrale mutualise les achats de matière première et répartit des poulets, des chèvres et une les projets entre les différents groupements. Une fois leur travail terminé, vache laitière avec lesquels je les producteurs apportent les produits finis au département de contrôle gagne un peu d’argent. Avec qualité de l’ONG et les revenus de chacun sont calculés en fonction du le salaire de The Jute Works, nombre d’heures travaillées. nous avons pu acheter de quoi Pour faire face à la baisse de la demande pour les produits en jute, l’ONG construire des toilettes derrière a développé de nouveaux processus de production auxquels les femmes la maison. J’espère que ma sœur ont été formées. En plus des articles en jute (sacs, paniers, sets de table, va continuer ses études et hamacs), les groupements créent des articles en terre cuite, en cire ou en obtenir un diplôme à l’université fibres de bananier. Ils maîtrisent également la fabrication d’objets artisa- et j’aimerais que mon fils 64 poursuive ses études et qu’il naux à base de papier mâché, de perles de verre et de cuir . trouve un bon travail.» Firoza, artisane à The Jute Works65 Lueurs d’espoir et de justice Le Bangladesh est un pays difficile pour les femmes. Le poids des traditions patriarcales y est tel que nombre d’hommes dans les zones rurales s’opposent violemment aux efforts menés pour alphabétiser les femmes ou leur permettre de valoriser leur travail. Dans cet environnement, l’œuvre de The Jute Works revêt une importance capitale pour appuyer et soutenir les dynamiques d’empower- ment. De fait, en plus des formations professionnelles qu’elle dispense, l’organisation équitable mène de vastes programmes d’éducation et de sensibilisation aux questions sanitaires de base (hygiène, planning familial, gestion des ressources). Elle encourage la sécurisation alimentaire de ses membres en distribuant des semences pour les cultures maraîchères et participe financièrement à l’équipement en eau potable.

L’organisation s’est en outre distinguée par ses initiatives en faveur de systèmes sociaux mutualisés au niveau du réseau. Ainsi, The Jute Works a mis sur pied un fonds de développement géré démocratiquement par chaque groupement pour développer des projets locaux et pour encourager les productrices à explorer d’autres activités complémentaires. Des caisses sociales ont par ailleurs été instituées pour proposer des microcrédits, couvrir les frais de santé des membres et financer des programmes d’éducation. The Jute Works est membre de l’Organisation Mondiale du Commerce Equitable (WFTO) depuis 2006.

Pour en savoir plus : www.cjwbd.com www.artisansdumonde.org www.etikebo.com Pimola Nokrek, CORR The Jute Works (Bangladesh) CORR The Jute Works Pimola Nokrek, Aid New Zealand Crédit : Trade

51 Berceau des grandes religions monothéistes méditerranéennes et européennes, le Proche-Orient constitue l’une des principales zones de cristallisation des tensions mondiales. Les guerres israélo-arabes, le contrôle des routes du pétrole, les jeux des grandes puissances durant la Guerre froide ainsi que l’incurie de certains gouvernements arabes ont fait de cette région l’une des plus sensibles du monde.

SINDYANNA OF GALILEE

L’émergence des fondamentalismes religieux ces vingt dernières années a compliqué encore un peu plus cette situation avec la venue au pouvoir de mouvements ex- trémistes qui ont adopté des positions beaucoup plus radicales encore que celles de leurs prédécesseurs, en particulier en matière d’égalité hommes-femmes. Directement ou indirectement, ces dernières figurent souvent parmi les principales victimes des tensions régionales. Ainsi, dans les Territoires palestiniens et en Israël, «les femmes arabes qui n’ont pas accès à l’édu- cation souffrent de trois handicaps : elles sont arabes dans un Etat juif, femmes dans une société patriarcale et travailleuses non qualifiées.»66 Or, le commerce équitable favorise la participation des femmes dans le fonctionnement des activités économiques et celles-ci contribuent activement à la pacification des relations entre communautés jadis opposées.

Aux côtés des producteurs

L’organisation de commerce équitable Sindyanna of Hadas Lahav et Samia Nasser - Sindyanna of Galilee (Israël et Palestine) Crédit : Ross Stirling - Sindyanna of Galilee Galilee a été fondée en 1996 par deux femmes, Ha- das Lahav, une journaliste juive israélienne, et Samia Nasser, une enseignante palestinienne, avec le sou- tien de la maison d’édition Hanitzotz qui regroupe Militants pour la paix des militants pacifistes des deux communautés. Sindyanna of Galilee développe des activités de Aux côtés de la maison d’éditions Hanitzotz et du soutien aux organisations de femmes arabes en Israël syndicat palestinien Workers’ Advice Center (WAC)68, et dans les Territoires et de valorisation des produits Sindyanna of Galilee mène un combat pour la recon- palestiniens auprès des acteurs économiques et des naissance des droits des populations arabes (et des consommateurs de la région mais aussi en Europe et femmes en particulier) en Israël et en Cisjordanie, ainsi aux Etats-Unis67. Pour ce faire, l’association travaille que pour la recherche de solutions au conflit israélo- avec des groupements de producteurs d’olives, de sa- palestinien. vons et d’épices (des petits paysans en majorité ara- bes dont l’activité ne bénéficie ni des aides de l’Etat ni En parallèle, arabes, juifs et volontaires internationaux du soutien économique octroyé aux autres secteurs luttent ensemble sous l’égide de Sindyanna pour ten- agricoles) auxquels elle propose de meilleurs prix pour ter d’arrêter les processus d’expropriation des terres leurs produits. Elle organise en outre des formations à et l’arrachage d’arbres en menant des campagnes de destination des groupements de femmes arabes et plantation d’oliviers. L’organisation déploie également juives et finance divers projets sociaux. des efforts importants pour développer les infrastructu- Depuis octobre 2003, l’organisation est membre de l’Or- res agricoles et aider les paysans à améliorer la qualité ganisation Mondiale du Commerce Equitable (WFTO). de leur production d’huile d’olive69.

52 Par les femmes En soutenant les projets d’associations féminines en Israël et en Cisjordanie, Sindyanna of Galilee veut promouvoir le nécessaire rapprochement des pour les femmes communautés et dénoncer les difficiles conditions de vie des Palesti- niennes, qui souffrent à la fois de l’occupation israélienne et des rigidités de la société arabe traditionnelle. «Une minorité de femmes travaille dans l’agriculture. Elles doivent très sou- vent passer par des intermédiaires qui les conduisent sur leur lieu de travail et collectent leurs salaires (ils récupèrent bien souvent 40 % au passage)», expliquent Michal Schwartz et Asma Agbarieh-Zahalka, deux des respon- sables du WAC qui collaborent avec Sindyanna of Galilee pour favoriser leur émancipation et accompagner leurs projets professionnels. Michal Schwartz va même plus loin et pense que ces femmes peuvent devenir des actrices de changement pour la libération de la société et contribuer à une plus grande solidarité entre travailleurs arabes et juifs70.

Le soutien qu’apporte Sindyanna of Galilee est très concret. Ainsi, des femmes arabes participent aux projets éducatifs menés au sein de centres culturels gérés par des volontaires aussi bien juifs que palesti- niens. Dernièrement, un atelier de confection de paniers en osier a été mis en place pour permettre à des femmes des communautés défavorisées d’exercer un métier tout en restant au village pour s’occuper de leur famille 71 Sindyanna of Galilee (Israël et Palestine) Crédit : Sindyanna of Galilee et leurs terres .

Avec le soutien du Trade for Development Centre de la CTB

Grâce au soutien qu’elle a reçu du Trade for Development Centre de la CTB (Agence belge de déve- loppement) l’organisation Sindyanna of Galilee a engagé un ingénieur spécialisé pour la mise au point d’un système de contrôle qualité. Il a également contribué à l’amélioration du manuel de qualité et d’hygiène rédigé à l’intention des groupements de producteurs. Aide financière fournie par le Trade for Development Centre de la CTB : 7.500 €

Pour en savoir plus : www.sindyanna.com www.wac-maan.org.il www.befair.be

L’huile de la paix

Le projet Peace Oil est le fruit d’une initiative conjointe des principaux acteurs du com- merce équitable en Israël et dans les Territoires palestiniens : Sindyanna of Galilee, Green Action et . Ces trois organisations se sont associées en 2005 pour proposer aux consommateurs américains et européens une huile d’olive de qualité supérieure élaborée conjointement par des producteurs israéliens et palestiniens.

Commercialisée par Olive Branch Entreprise, une organisation palestinienne localisée en Cisjordanie, l’Huile de la Paix s’inscrit dans le cadre d’un vision militante forte : «Bâtir l’interdépendance économique entre les peuples par la création de partenariats générateurs de bénéfices mutuels, une incitation pratique et concrète à la paix»72.

Pour en savoir plus : www.peaceoil.net

53 Femmes à Deogarh, Orissa (Inde) - Crédit : Simon Williams, Ekta Parishad

SASHA ASSOCIATION FOR CRAFTS PRODUCERS - INDE

En matière d’égalité hommes-femmes, l’Inde occupe la 112ème place sur 134, selon le classement 2010 établi par le Forum Economique Mondial74. Dans cet immense pays synonyme pour beaucoup d’occidentaux de merveilles, d’exotisme et de langueur, la réalité quotidienne des femmes est surtout faite d’inégalités importantes et de violences récurrentes. Celles qui ne sont pas victimes des infanticides pratiqués à grande échelle Rural woman in an Self Help Group (Inde) Rural woman in an Self Help Group Crédit : McKay Savage sont mariées dès leur plus jeune âge, soumises au bon vouloir de leur époux, en proie aux violences conjugales ou exposées à la répudiation et à la pros- «Pourquoi es-tu venue au monde, ma fille, titution,… De la naissance à la vieillesse, nombreuses sont les femmes quand un garçon je indiennes qui subissent ces injustices et vivent dans la peur des hommes. voulais ? Vas donc à la Cette réalité repose à la fois sur une structure sociale extrêmement rigide, mer remplir ton seau : sur des traditions très sexistes et sur la persistance d’un système législatif puisses-tu y tomber et qui refuse de reconnaître aux femmes les mêmes droits que ceux accordés t’y noyer» aux hommes. Elles sont en effet «soumises à des lois sur le statut person- Chanson populaire de l’Inde 73 nel fondées sur des règles religieuses qui renforcent l’inégalité par rapport aux hommes en matière de divorce, de droits sociaux de base et de droits successoraux.»75

La persistance de ce droit coutumier dans de nombreuses régions de l’Inde constitue l’une des raisons principales pour lesquelles l’Inde est considérée comme l’un pays les plus dangereux du monde pour les femmes. Et ce, dans un pays qui, en tant que «plus grande démocratie du monde», s’est pourtant illustré à plusieurs reprises ces der- nières décennies en matière d’avancées sociales et politiques. Dans la culture populaire indienne traditionnelle, le fait d’avoir une fille est perçu comme un fardeau ou une malédiction et les parents préfèrent voir naître des garçons, car ce sont eux qui perpétuent le patronyme, s’occupent des parents lorsqu’ils sont vieux et, surtout, héritent des terres. Les filles, en revanche, n’apportent rien, bien au contraire, car il faut même payer leur dot à la famille de leur mari. Un vieux proverbe résume même cette situation : «Élever une fille, c’est comme arroser le jardin d’un voisin»76. Des dizaines de millions de jeunes filles sont alors privées de scolarité et mariées dès leur jeune âge par leurs parents. Tant que persisteront ces pratiques, la situation ne pourra pas connaître d’évolutions sensibles.

54 L’artisanat, savoir des plus pauvres

Depuis une vingtaine d’années, l’Inde vit une mutation économique majeure qui se caractérise notamment par l’émergence de centres technologiques de pointe et une industrialisation massive des zones urbaines. Mais, glo- balement, les territoires ruraux profitent peu de ce mouvement. Au contraire. Les forces vives de ces régions mi- grent vers les villes et les protections sociales traditionnelles se désagrègent. C’est pourtant dans ces provinces éloignées que se concentrent la pauvreté, les inégalités et les injustices dont sont victimes les femmes, les plus démunis et les membres des castes dites «inférieures». Dans ce monde rural de l’Inde d’aujourd’hui, l’artisanat occupe une place très importante en termes d’activité. Ce sont des millions d’hommes et de femmes qui, à la maison et dans des ateliers, gagnent leur vie en tissant, en travaillant le bois, en tannant le cuir, en frappant le métal et en taillant la pierre. Pour tous ceux (femmes, intouchables, orphelins, etc.) qui n’ont pas la chance de posséder des terres fertiles, l’artisanat est l’un des rares moyens de subsistance.

Sasha Association for Crafts Producers

L’organisation Sasha (Sarba Shanti Cette volonté de miser sur l’es- Aujourd’hui, Sasha (dont l’équipe Ayog) Association for Crafts Pro- prit d’entreprendre est l’une des est composée d’une majorité ducers a été créée en 1978 à spécificités de Sasha qui défend de femmes) travaille avec 150 Kolkata (anciennement Calcutta) l’idée que, lorsque ces femmes et groupements regroupant près pour procurer des revenus et ces hommes, petits producteurs de 5 000 artisans, dont 65% de créer des emplois pour les per- et artisans de rue, s’organisent et femmes, dans les régions du Bengale Ouest, d’Orissa et de sonnes les plus marginalisées et créent leurs propres activités, ils Karnataka. les plus pauvres de la société in- deviennent des piliers du déve- dienne, en particulier les femmes. loppement économique et social Depuis le début, l’association s’em- de leurs communautés. ploie à promouvoir et à développer la Aussi petites ou misérables soient production artisanale comme activité elles, ces dernières en bénéficient rémunératrice et, pour ce faire, met durablement. Peuvent alors s’en- en réseau des groupements locaux clencher des dynamiques locales de femmes et d’hommes et leur ap- d’empowerment fondées sur de porte un soutien technique, organisa- nouvelles ressources mais sur- tionnel et financier. Les productions tout sur la volonté d’entreprendre de ces artisan(e)s sont alors préfinan- et de réussir ensemble. Quand les cées et achetées à des prix et à des jeunes, filles et garçons, apprennent conditions qui leur garantissent des à vouloir autre chose que servir les revenus corrects et durables. autres et deviennent eux-mêmes employeurs, les indicateurs de dé- Véritable plateforme de services, veloppement s’améliorent considé- Sasha est à l’origine de la créa- rablement. tion d’une fondation, l’Enterprise Pour atteindre ces objectifs, Development Foundation, qui sou- Sasha a développé une gamme Roopa, Sasha (Inde) - Crédit : Trade Aid New Zealand tient l’entreprenariat des femmes d’outils d’aide et d’accompagne- et des plus pauvres, en leur propo- ment très complète et efficace. sant des financements (microcré- Encouragement à l’innovation dits) et des formations. et à la créativité, appui au mon- L’objectif de cette structure est tage de business plan, amélio- d’encourager et de motiver les ration des techniques, mise en artisan(e)s à développer leurs capa- relations avec des financeurs et Membre de l’Organisation cités en leur transmettant des sa- des professionnel(le)s reconnu(e)s,… Mondiale du Commerce voirs (en termes d’innovation et de les services proposés par les équi- Equitable (WFTO) depuis développement produits), en leur pes de Sasha permettent à l’orga- 2006, Sasha Association faisant prendre conscience de l’im- nisation centrale de fonctionner for Crafts Producers portance de la qualité et de la pro- comme une véritable agence de est par ailleurs l’un des tection de l’environnement et en leur développement dédiée à l’em- acteurs les plus actifs des cherchant des débouchés à travers powerment des femmes, des plus Forums Indien et Asiatique le monde entier77. pauvres et des déshérités en Inde. du Commerce Equitable.

55 Entreprenariat équitable et dynamisme économique

La promotion et le développement de l’entreprenariat solidaire sont deux des principaux piliers qui fondent l’organisation équitable indienne. Celle-ci s’est donnée les moyens au fur et à mesure des années, pour atteindre ses objectifs et montrer aux populations et aux élites indiennes que la réussite économique ne repose ni sur le sexe, ni sur la caste, ni sur le niveau social. Pour soutenir sa démarche, Sasha s’est dotée d’installations susceptibles de servir les projets de ses membres. Ainsi, elle a ouvert un magasin à Kolkata qui est devenu célèbre dans cette mégalopole chaotique et dans les régions voisines pour ses articles de bon goût et à la mode. Sont ven- dues sur ces étals les réalisations des femmes et des hommes que Sasha

Sasha (Inde) - Crédit : Trade Aid New Zealand Sasha (Inde) - Crédit : Trade accompagne : vêtements tissés et colorés, accessoires en cuir, mobiles sculptés et décorés, objets décoratifs, bijoux en métal frappé, etc.

Emblématiques de l’artisanat rural traditionnel indien, les mobiles (qui sont parmi les objets les plus renommés de l’association) sont fabriqués par des groupements de femmes à partir de poupées d’animaux bourrées de coton et colorées, reliées entre elles par des tissages ornés de coquillages et de perles de céramique. Au sein du groupement de femmes, le processus de fabrication est divisé en plusieurs étapes (coupe, couture, bourrage, décoration et assemblage) et chaque étape est réalisée par une personne différente, ce qui permet aux moins qualifiées de participer immédiatement à la production en intervenant sur les travaux les plus faciles. Woman weaving (Inde) - Crédit : Shefshef Woman

Eduquées, formées et Une finalité, l’empowerment soutenues par Sasha, les femmes indiennes prennent alors Les services proposés par Sasha à ses membres ont pour uniques conscience de leur objectifs de permettre à ces femmes et ces hommes d’échapper à la vraie valeur et misère, de faire vivre leurs familles et, à terme, de devenir eux-mêmes deviennent actrices des vecteurs de développement. des changements qui L’entreprenariat est un moyen pour atteindre ces résultats. conduiront un jour la Ceci étant, Sasha intervient dans d’autres domaines pour soutenir ces société indienne à leur dynamiques d’empowerment. Ainsi, l’organisation équitable encourage reconnaître leurs ses membres (surtout les femmes) à diversifier leurs sources de revenus et droits légitimes. à s’investir dans l’agriculture biologique de proximité. L’association possède des terres sur lesquelles elle expérimente des tech- niques de production adaptées, organise des ateliers et des formations et travaille sur la création de meilleures variétés. Curcuma, gingembre, riz et légumes sont les principales cultures qui sont développées ici. L’organisation fournit à ses membres les semences et les savoir-faire grâce auxquels elles s’approprieront ces techniques nouvelles et seront plus autonomes au niveau alimentaire. Socialement parlant, Sasha a développé pour les groupements ruraux qu’elle encadre des programmes éducatifs particulièrement importants. L’accent est mis sur l’acquisition par les enfants, filles et garçons, d’une réelle confiance en eux (considérée comme le socle de l’esprit d’entreprendre). Pour ce faire, des ateliers sont organisés dans les villages et la musique et Woman right council (Inde) - Crédit : Lajpat Dhingra Woman la danse sont mises à l’honneur. Enfin, Sasha se mobilise en matière d’hygiène et de santé. Elle meten Pour en savoir plus : œuvre des activités de prévention des maladies telles que la malaria, la www.sashaworld.com tuberculose et le VIH/SIDA. Pour cela, elle travaille en collaboration avec www.bouticethic.com les autorités publiques pour distribuer des médicaments et des vaccins aux www.claro.ch femmes seules et aux familles démunies.

56 MDI VIETNAM LE COMMERCE ÉQUITABLE DES HAUTS-PLATEAUX

Progrès et périls Vietnamese girl (Vietnam) - Crédit : Oceanik

La situation des femmes au Vietnam paraît extrême- un autre de leur vie. Malgré cette forte prégnance de la ment contrastée. Le pays peut en effet s’enorgueillir violence domestique au Vietnam, le sujet reste tabou. d’être l’un de ceux qui offrent aux femmes des pers- Les victimes n’osent pas en parler en raison de la honte pectives économiques et sociales très comparables et de la stigmatisation qu’entraînent ces situations. Cer- à celles des hommes, mais il est des zones d’ombre taines pensent même que ces brutalités font normale- dans ce paysage, en particulier en ce qui concerne ment partie des relations conjugales81. les violences domestiques et les agissements des réseaux de prostitution, très actifs dans certaines régions. L’ombre de la prostitution Des décennies de communisme populaire ont donné à la femme vietnamienne des droits et un statut légal L’autre point noir qui apparaît quand on étudie les ques- identiques dans bien des domaines à ceux des hom- tions de genre au Vietnam concernent la traite des fem- mes. Depuis les années 1980, le gouvernement de Ha- mes et leur exploitation dans les réseaux de prostitution noï s’emploie à améliorer la condition des femmes, en sur toute l’Asie du Sud-est. particulier en termes de santé et d’éducation. Culture Séduites par des perspectives d’emploi dans les gran- marxiste oblige, l’accès à l’enseignement (du primaire des villes, des groupes de femmes généralement issues au supérieur) y est sensiblement le même pour les indi- des zones les plus rurales sont emmenés au Cambod- vidus des deux sexes et plus de 35 % d’entre elles sont ge, en Chine, à Hong Kong, à Macao, en Malaisie, à titulaires d’un diplôme universitaire78. Cette politique Taiwan et même aux États-Unis. d’Etat a des conséquences positives visibles au niveau de l’emploi féminin. Ainsi, «la participation des femmes Entre 2004 et 2010, 65 % des cas identifiés de trafic de à la population active rémunérée est comparable à celle femmes en Chine était d’origine vietnamienne. La plupart des hommes, et elle dépasse les 80 % pour les femmes sont vendues par des trafiquants dans l’Empire du mi- de 20 à 30 ans»79. Qui plus est, ces emplois se répartis- lieu pour faire partie d’un réseau de prostitution, comme sent sur l’ensemble de l’échelle hiérarchique. Elles sont travailleuses illégales ou encore sont forcées d’épouser en effet nombreuses à occuper des postes de direction des hommes chinois, souvent de classe modeste, d’âge dans les entreprises (près de 25 % en 2011, la moyenne moyen, sans statut social reluisant. Pour ces femmes, mondiale étant de 20 %)80. cela signifie surtout devenir une esclave moderne82.

Tout n’est pourtant pas rose pour les femmes au pays Le gouvernement vietnamien lutte activement contre d’Ho Chi Minh. En effet, une étude nationale menée par ces réseaux qui sont vraisemblablement gérés par les les autorités publiques et l’Organisation des Nations grandes organisations criminelles du sous-continent, unies a révélé que plus de la moitié des Vietnamiennes mais ces efforts peinent à porter leurs fruits malgré des subissent des violences physiques, sexuelles ou psy­ campagnes de sensibilisation menées pour prévenir les chologiques de la part de leur mari à un moment ou à jeunes filles des provinces rurales de ces dangers.

Progrès et retards, campagne et ville

Les acquis de l’émancipation des femmes vietnamiennes sont, comme dans de nombreux pays, surtout sensibles dans les zones urbaines et dans les régions les plus développées. En dépit de l’attention portée par le gouvernement aux questions d’équilibre territorial, on observe des différences très nettes entre la situation des femmes éduquées dans les villes et celle des femmes des provinces les plus rurales. Les femmes des ethnies minoritaires qui vivent dans les régions les plus retirées des hauts-plateaux au nord du pays ne bénéficient en effet pas de ces conditions favorables. Certaines de ces communautés sont d’ailleurs si éloignées qu’elles vivent dans une autarcie presque complète, faute d’infrastructures modernes.

57 Le commerce équitable dans les montagnes du Vietnam

En 2007, deux coopérants chevronnés, Minh Tuyet Nguyen et Dominic Smith, décident, après des années à gérer des projets de développement, de créer une entreprise sociale, MDI Vietnam (International Market Development and Investment JSC), avec pour objectifs d’aider les communautés des hauts-plateaux à commercialiser leur production de thé et de noix de cajou.

Dès sa création, l’entreprise installée au Vietnam Traditionnellement, la culture, la récolte et la préparation s’emploie à soutenir l’essor des populations rurales en du thé sont des activités féminines au Vietnam. privilégiant la voie du développement durable et des Aussi, la question de l’égalité de traitement entre les échanges équitables avec les producteurs. hommes et les femmes s’est rapidement imposée. Ainsi que l’exigent les règles de la certification, les revenus Les premiers mois sont consacrés pour l’essentiel à engrangés par les communautés productrices sont par- rencontrer ces communautés paysannes, à les aider tagés entre les travailleurs, sans distinction de sexe. à s’organiser en groupements et en filières structurées, à améliorer les techniques de récolte et de séchage, et à Aujourd’hui, MDI Vietnam est certifié Fairtrade pour travailler sur la qualité du produit. son thé et ses noix de cajou. Elle est aussi la première entreprise d’un pays en développement à se voir accor- Très vite et conformément à leurs idéaux, ils s’enga- der par Fairtrade International le droit de produire et de gent sur la voie du commerce équitable, en sensi- labelliser des produits équitables83. L’organisation tra- bilisant les communautés paysannes qu’ils accom- vaille avec une vingtaine de communautés regroupant pagnent aux questions sociales, organisationnelles plus d’un millier de familles dans différentes régions et environnementales qui seront prises en compte rurales du pays. La plupart appartient à des ethnies pour la certification. minoritaires et ne parle pas vietnamien.

Pionnier du commerce équitable Sud-Sud

Depuis sa création, MDI Vietnam se distingue d’autres projets équitables par sa volonté de vendre ses produits au Vietnam même. Les fondateurs et l’équipe de l’entreprise mettent en effet un point d’honneur à ce que leurs pro- duits soient accessibles dans le pays où ils ont été élaborés ainsi que dans d’autres pays en développement : «Tout le monde mérite d’avoir accès à des produits de qualité et socialement responsables», affirme Dominic Smith. Avec la commercialisation de leur marque “Betterday” sur le marché asiatique («better quality, better health and better for society»), ils contestent l’idée largement répandue que le commerce équitable ne s’adresserait qu’au milliard d’habitants des pays plus aisés du Nord. MDI (Vietnam) - Crédit : MDI MDI (Vietnam)

58 Cette position juste et militante a valu à l’entreprise de remporter le premier Be Fair Award Sud-Sud lors de la Semaine du Commerce Equitable en 2009.

Ce concours organisé par le Trade for Development Centre de la CTB, l’Agence belge de développement, récompense en effet les initiatives équitables les plus remarquables, notamment en matière de commerce équitable Sud-Sud. Les membres du jury ont choisi de récompenser MDI Vietnam «en raison de son impact direct sur les conditions de vie des petits agriculteurs, principalement des femmes issues de minorités ethniques du Nord-Vietnam, et pour le dynamisme qu’elle déploie à développer le commerce équitable dans le Sud.»84

Le thé des femmes

Si les producteurs de noix de cajou sont majoritairement des hommes, la culture du thé est quant à elle une activité essentiellement féminine. Acquise récemment, la certification équitable n’a pas encore produit d’effets très visibles (notamment en termes de développement des infrastructures), mais les premiers bénéfices mettent en évidence la valeur du projet.

En un an, les revenus des productrices de thé ont ainsi doublé, permettant ainsi à ces paysannes d’acheter du matériel scolaire pour leurs enfants. Les produc- trices sont en effet directement rémunérées pour leur récolte (à l’égal des hommes) et, si la plupart de ces communautés préfèrent d’abord employer ces nouvelles res- sources pour améliorer leurs équipements de production, les perspectives de crois- sance qui se dessinent devraient permettre d’accroitre significativement leur niveau de vie et les entraîner sur la voie d’un développement soutenu et durable.

«Nous sommes fières de savoir que notre thé est vendu dans de nombreux pays. Je n’arrive pas à croire que ma photo apparaisse sur nos boîtes de thé et qu’elle soit visible pour tant de monde !»

Une productrice de l’ethnie Mong, partenaire de MDI Vietnam85 MDI (Vietnam) - Crédit : MDI MDI (Vietnam)

Pour en savoir plus : www.mdivietnam.com www.befair.be

59 CONCLUSION

Pesanteur des traditions, fardeau de l’ignorance ou fruit de la misère, les obstacles sont nombreux pour les femmes qui veulent s’engager, vivre dignement et tailler dans ces carcans d’un autre âge. Mais, grâce notamment au commerce équitable, les succès sont là.

Des hauts-plateaux boliviens aux rives du Jourdain et du Gange, des milliers de femmes mobilisent leur intelligence, leur courage et leur force pour contribuer au bien-être de leurs communautés. Elles s’organisent et travaillent durement pour nourrir leurs familles et éloigner les spectres de la pauvreté, de l’ignorance et de la violence.

Leurs filles connaîtront très certainement un monde meilleur que celui qu’elles ont connu. Elles iront à l’école, apprendront un métier, seront autonomes et pourront plus facilement choisir leurs conjoints. Elles se souviendront des histoires de leurs mères et partageront leurs expériences et leurs savoirs.

Une autre bonne raison d’acheter équitable.

Women (Mali) - Crédit : Fairtrade Max Havelaar

60 SOURCES ET RÉFÉRENCES

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62 TRADE FOR DEVELOPMENT CENTRE

Pour le Trade for Development Centre (TDC), programme de la CTB (l’Agence belge de développement), les com- merces équitable et durable peuvent être des outils de réduction de la pauvreté et des leviers de développement.

Le centre a pour objectif l’émancipation économique et sociale des petits producteurs du Sud, à travers leur profes- sionnalisation et l’accès aux marchés, que ces derniers soient locaux, régionaux ou internationaux.

Le TDC couvre trois types d’activités, présentés brièvement ci-dessous. Vous trouverez plus d’information sur notre site Web www.befair.be.

> Appui aux producteurs

Programme d’appui financier

Le programme a pour mission d’identifier les organisations de petits producteurs (coopératives, associations, entreprises) qui développent des projets de commerce équitable et commerce durable, et de leur apporter un soutien financier adapté ainsi qu’un appui en gestion financière et marketing.

Activités d’appui à la commercialisation

Le TDC est un centre d’expertise en « marketing & ventes » et un organe d’appui concret aux projets de la CTB liés directement ou indirectement à la commercialisation de produits et/ou services : • Conseil stratégique en business et marketing • Information et analyse de marchés • Coaching en marketing & ventes

> Expertise sur le commerce équitable et durable

Pôle d’analyse et de réflexion, le TDC organise une veille stratégique sur l’évolution du commerce équitable et durable.

Via son site Internet, sa newsletter, de nombreuses publications et contributions lors de séminaires, le TDC apporte aux consommateurs, pouvoirs publics, producteurs et autres acteurs économiques, une information la plus objective possible, entre autres sur les différents labels et systèmes de garantie existants.

> Sensibilisation

Le TDC met en place des campagnes de sensibilisation à destination des consommateurs, des acteurs écono- miques et des pouvoirs publics belges. La Semaine du Commerce Equitable est notre campagne la plus connue.

Visitez notre site Web pour en savoir plus. CTB - agence belge de développement TRADE FOR DEVELOPMENT centre rue haute 147 1000 Bruxelles T +32 (0)2 505 19 35 www.btcctb.org www.bef64air.be