Si Lomé M'était Contée
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Rkpublique Togolaise Republique Française Ministère de la Communication Centre ORSTOM et de la Culture de Lomé Radio-Lom6 Yves MARGUERAT et Tchitchékou PELE1 a SI LOME M’ETAIT CONTEE... n Dialogues avec les vieux Loméens Tome I PRESSES DE L’UNIVERSITE DU BENIN (LOME) INTRODUCTION Début juin 1987, Radio-Lomé commençait la d@usion quotidienne -par tranches de 10 à 15 minutes- de l’émission «Si Lomé m’était contée...» Les responsables de la Radio et l’un de ses journaliste les plus enthousias- tes, Tchitchékou Péli; m’avaient contactépeu avantpour me demander d’exposer au grand public 1histoire de la ville, que je distillais jusque-là sous forme de conférences annuelle.~ au Centre Culturel Français. NOUS enregi.wîEmcs donc, dans le calme de mon bureau, le récit de l’histoire de Lomé, du moins ce que j’en savais à l’époque. Le succès dépassa très vite les espoirs de la Radio, où afluaient les coups de téléphone d%ncouragement, venus de toutes les couches de la société : les Lo- méens, d’abord un peu interloqués qu ‘un étranger paraisse connaître leur ville mieux qu %ux, SE révélaient passionnés par leur propre histoire. Au bout de quelques semaines, nous avions parcouru le fil de la vie -complexe mais relativement brève- de la cité (1). Radio-Lomé insista pour que 1 ‘on continue. Nous partimes donc en voiture, M. Péléi; son %agra” (2) et moi, à la découverte des quartiers de Lomé: «Ici, il s’est passé tel événement; là, on peut voit tel bûtiment...», ce qui nous occupa encore un mois. Radio-Lomé, en la personne de son dynamique directeur, M. Pitang Tchalla, insista : il fallait absolument trouver autre chose pour continuer cette émis- sion, qui devenait l’une des vedettes de la station. Grûce surtout aux nombreuses connaissances de M. Pelé& lui-même vieux Loméen, et à certains de mes umis, nous partîmes donc à la découverte des anciens de la cité, pour une longue promenade de plus d’un an dans les souvenirs de nos interlocuteurs. (1) Ce qui fera l’objet d’ autres publications. (2) Le mugrt&ophone portatif des profmiotmetk 3 Nous n ‘avions guére, au début, de plans preparés : les rencontres se fai- saient au hasard des occasions, selon les possibilités des uns et des autres. On passait donc d’un instituteur à une sage-femme, d’un chef aé quartier h un cheminot, d’un syn- dicaliste h un groupe d’anciens ékves... Du coq à l’ane, mais comme la vie, comme la ville, ou 1‘on est sans cesse happé par la nouveauté, par l’inattendu. Nous garderons, dans cette publication, cet aléatoire sautillant : au nom de quoi y introduùe un ordre qui n ‘existaitpas ?Et comment sélectionner ? Ce qui n ‘intéresse guère l’unpassionne- ra tel autre. Ce foisonnement est bien celui du citadin qui s’égare dans la forêt des souvenirs, les siens, les nôtres... près de soixante-dix entretiens durent diffusés, pour une durée d’environ cinquante-cinq heures. Beaucoup d ‘émissions firent d’ailleurs 1 ‘objet de redifisions : «Si Lomé m’était contée...» se prolongea jusqu’en avril 1991. Pour laisser une trace écrite -c’est-à-dire durable- & ces émissions que les Loméens ont tant aimées, nous avons donc entrepris de publier ces dialogues. Il a fallu, après trancription, les réécrire largement : la forme orale a ses caractères propres, avec d’innombrables redites et digressions. Les textes ainsi remaniés(parfïois profon- dément) ont été soumis h nos interlocuteurs, afin de n’écrire sous leur nom que des phrases qu’il approuvent effectivement. Le lecteur retrouvera ici la vie qui palpite dans ces récits, imiividuels ou collectifs, sincères ou -Par$ois- quelque peu masqués, distanciés ou très personnels. Cette plongée en zig-zag dans la mémoire collective de Lomé est aussi une passion- nante galerie de portraits : ceux de ces hommes et de ces femmes, célebres ou modestes, qui ont fait la ville, et qui nous la font ici revivre. Qu’ils en soient ici tous chaleureusement remerciés. Yves MABGUERA T 4 no 1 LE DOYEN DES PRETRES CATHOLIQUES Mgr Andr6 ANATE (NC en 1899 à Aneho) - Je suis venu à Lame pour la première fois en 1905. C’etait l’époque où Iles Allemandsavaient introduit les premierstrains au Togo (1). Je suisvenu voir mon p&e, qui travaillait dejjà ici, à Lame. J’ai passéquelques semainesavec lui, et puis je suis retourne a Aného. Je suis revenu à Lame en 1915, pendant la grande guerre, pour y continuer mes etudes Lon& était d’abord un tout petit village : c’estAneho qui Ctait la capitale,la oh lesAllemands u%idaient. @est après (2) qu’ils sontvenus à Lom& (Qn (dit que le nom de «Lomé»vient du nom d’un arbrisseau (3) ; c’est ce qu’on nous a appris quandnousCtionsàl’&ole,encetempslà). Quand je suis revenu à Lome, en 1915, les Allemands avaient quitté le Togo, sauf les missionnaires(4). Les Françaiset les Anglais occupaientle pays.Le Togo etait divise en deux : les Français occupaient Aneho, Atakpamé et le Nord, alors que Iles Anglais occupaient toutes les parties du Togo qui sont du côté de la Gold Coast I(le Ghana d’aujourd’hui), de sorte que LomC appartenait alors aux Anglais, avec Kpalime et Ho. - Question - Quad vous t%s venu d Lomé pour la première fois, en 1905, que fW vobl? pih? ? où habil4&il ? - Bien avant l’occupation allemande, mon père avait pratiqué le metier de tonnelier (5). Du tempsdes Allemands, il avait cessecette profession, et il tenait une boutique (je ne saispas pour quelle maisonde commerœ).Cette boutique btait installée là où est aujourd’hui la banque UTB. Notre maison Ctaitassez eloign&z de la boutique; mon p&e payait le loyer à la famille de Souza,rue de l’Egl.ise,qui en était proprietaire. (1) La lipe L.om&Ant%o a 6tk consmite en 1904-05. (2) En 1897. (3) vbir chapibe 7, (4) Cour-ci sont restés jusqu’d leur qnhion, au début de 1918. (Voir chapim 10). (S) L.es tonwwux ttaimt rrts ntbwim, en particulùr pour les eqmtations d’hui.lc a? @ne, alots la pnaniàe tzqmath du Togo 5 - Q - Qu’est-ce qui vous a frapN le plus, en arrivant d L.ortlé comme petit garçon ? - En arrivant à Lomé ? Bien sur, c’etait l’Q$se (6), qui venait d’etre construite : elle a Cte consacr#e le 2 septembre 1902 C’est bien ça qui m’a le plus frappe, et aussi le marché : Ià où il y a aujourd’hui Ila banque UTB, c’etait le marché (7). Bien sûr, il y avait aussi le chemin de fer, le premier du pays. - Q - Votre premier voyage d’Mného d Lomé; vous l’avez donc fait en chemin de fer ? - Oui, bien sûr. Le ticket devait coûter peut-être cinquante centimes du mark allemand ; ce n’était pas beaucoup. - Q - Est-ce qu’il y avait beaucoup de passagers ? -Oh, oui, assez... - Q - Quand vous revenez d Lomé en 1915, quel& est la différence qui vous a Le plus frappé ? - J’ai vu que la ville s’était beaucoup transformee, avec des ecoles, des bouti- ques, la banque (S)... Elle s’étendait de la plage jusqu’au Champ de course (9) : les Allemands aimaient faire des compétitions avec leurs chevaux. On allait aussi chercher de l’eau potable là-bas. C’est là que s’arrêtait Lame... - Q - Dans une ville en guerw, occupée par l’ennemi, les affaires devaient quand même être bien rakènties. Lomé ea 1915 ne devait pas être une ville très gaie... - Oh, si : les Anglais avaient amené avec eux pas mal de maisons de commerce : Svanzy (lO), Millets, Ollivant.. Au moins six ou sept boutiques, qui fonctionnaient bien. Et dans l’interieur du pays aussi (11). - Q - Quel12 était lu monnaie qdon utilhait d ce moment ld ? - C’Ctait le shilling anglais, une division de la livre sterling. (6) La cath&Vale, construite en 1901-1902 (7) Le long de l’actuelle me du Grand-marcM. (8) La Westafrikanische Bank, b lkmplacement du parking h l’actuelle BUO, rue du Commerce, construite en 1911, d&uîte en 1980. Occupt!e pendant la guerre par la Bank of British West Africa. (9) Actuel quartier Hanoukopk, au-d& du Boulevard circulaire. (10) Lu Swanzy (aujourd’hui UAC) &ait d Lomk depub 1882 (11) En fait, les Britanniques ont vite relancé!, b leur profit, l’konomie du Togo : le wharf & Lomé? txpone d& 1916 autant qu’en 1913. 6 - Q - Pendant ces atuuh de IQ première guerre mondiale, est-ce que les gens pensaient que les Allemands reviendraient ? - Oh oui, les gens le pensaient ! Ils n’ont pas cru à la defaite de l’Allemagne, meme longtempsapr&. On pensaitque lesAllemands etaient tr& forts, t.r& disciplinés. On avait une certaine affection pour les Allemands. Quand ils étaient ici, au Togo, ils étaient humains. Au debut, cela avait eté dur, mais à partir de 1909 -1910, ils avaient modifie leur façon de gouverner, d’administrer le pays.Mais même avant, ils etaient bien avec la population Il n’y avait aucunediffkuld (sauf dans l’intkieur, où il y avait eu quelques combats,parœ que les gensn’avaient pas acceptela colonisation). Ici, au Togo, il n’y avait pas d’armke ; il n’y avait que desgardes-cercle, quelques tirailleurs pour garder les édifices publics et pour la skcurite. En œ temps, les biens publics et prives etaient assezbien sauvegardes: il Ctait difficile aux malfaiteurs de perpetrer leurs mauvaisesactions ; aussiy avait-il bien moins de voleurs qu’aujourd’hui.