Rkpublique Togolaise Republique Française Ministère de la Communication Centre ORSTOM et de la Culture de Lomé Radio-Lom6

Yves MARGUERAT et Tchitchékou PELE1

a SI LOME M’ETAIT CONTEE... n

Dialogues avec les vieux Loméens

Tome I

PRESSES DE L’UNIVERSITE DU (LOME)

INTRODUCTION

Début juin 1987, Radio-Lomé commençait la d@usion quotidienne -par tranches de 10 à 15 minutes- de l’émission «Si Lomé m’était contée...»

Les responsables de la Radio et l’un de ses journaliste les plus enthousias- tes, Tchitchékou Péli; m’avaient contactépeu avantpour me demander d’exposer au grand public 1histoire de la ville, que je distillais jusque-là sous forme de conférences annuelle.~ au Centre Culturel Français. NOUS enregi.wîEmcs donc, dans le calme de mon bureau, le récit de l’histoire de Lomé, du moins ce que j’en savais à l’époque.

Le succès dépassa très vite les espoirs de la Radio, où afluaient les coups de téléphone d%ncouragement, venus de toutes les couches de la société : les Lo- méens, d’abord un peu interloqués qu ‘un étranger paraisse connaître leur ville mieux qu %ux, SErévélaient passionnés par leur propre histoire.

Au bout de quelques semaines, nous avions parcouru le fil de la vie -complexe mais relativement brève- de la cité (1). Radio-Lomé insista pour que 1 ‘on continue. Nous partimes donc en voiture, M. Péléi; son %agra” (2) et moi, à la découverte des quartiers de Lomé: «Ici, il s’est passé tel événement; là, on peut voit tel bûtiment...», ce qui nous occupa encore un mois.

Radio-Lomé, en la personne de son dynamique directeur, M. Pitang Tchalla, insista : il fallait absolument trouver autre chose pour continuer cette émis- sion, qui devenait l’une des vedettes de la station.

Grûce surtout aux nombreuses connaissances de M. Pelé& lui-même vieux Loméen, et à certains de mes umis, nous partîmes donc à la découverte des anciens de la cité, pour une longue promenade de plus d’un an dans les souvenirs de nos interlocuteurs.

(1) Ce qui fera l’objet d’ autres publications. (2) Le mugrt&ophone portatif des profmiotmetk

3 Nous n ‘avions guére, au début, de plans preparés : les rencontres se fai- saient au hasard des occasions, selon les possibilités des uns et des autres. On passait donc d’un instituteur à une sage-femme, d’un chef aé quartier h un cheminot, d’un syn- dicaliste h un groupe d’anciens ékves... Du coq à l’ane, mais comme la vie, comme la ville, ou 1‘on est sans cesse happé par la nouveauté, par l’inattendu. Nous garderons, dans cette publication, cet aléatoire sautillant : au nom de quoi y introduùe un ordre qui n ‘existaitpas ?Et comment sélectionner ? Ce qui n ‘intéresse guère l’unpassionne- ra tel autre. Ce foisonnement est bien celui du citadin qui s’égare dans la forêt des souvenirs, les siens, les nôtres...

près de soixante-dix entretiens durent diffusés, pour une durée d’environ cinquante-cinq heures. Beaucoup d ‘émissions firent d’ailleurs 1 ‘objet de redifisions : «Si Lomé m’était contée...» se prolongea jusqu’en avril 1991.

Pour laisser une trace écrite -c’est-à-dire durable- & ces émissions que les Loméens ont tant aimées, nous avons donc entrepris de publier ces dialogues. Il a fallu, après trancription, les réécrire largement : la forme orale a ses caractères propres, avec d’innombrables redites et digressions. Les textes ainsi remaniés(parfïois profon- dément) ont été soumis h nos interlocuteurs, afin de n’écrire sous leur nom que des phrases qu’il approuvent effectivement.

Le lecteur retrouvera ici la vie qui palpite dans ces récits, imiividuels ou collectifs, sincères ou -Par$ois- quelque peu masqués, distanciés ou très personnels. Cette plongée en zig-zag dans la mémoire collective de Lomé est aussi une passion- nante galerie de portraits : ceux de ces hommes et de ces femmes, célebres ou modestes, qui ont fait la ville, et qui nous la font ici revivre. Qu’ils en soient ici tous chaleureusement remerciés.

Yves MABGUERA T

4 no 1

LE DOYEN DES PRETRES CATHOLIQUES

Mgr Andr6 ANATE

(NC en 1899 à Aneho)

- Je suisvenu à Lame pour la première fois en 1905.C’etait l’époque où Iles Allemandsavaient introduit les premierstrains au (1). Je suisvenu voir mon p&e, qui travaillait dejjàici, à Lame. J’ai passéquelques semainesavec lui, et puis je suis retourne a Aného. Je suisrevenu à Lame en 1915,pendant la grande guerre, pour y continuer mes etudes Lon& était d’abord un tout petit village : c’estAneho qui Ctaitla capitale,la oh lesAllemands u%idaient. @est après (2) qu’ilssont venus à Lom& (Qn (dit que le nom de «Lomé»vient du nom d’un arbrisseau(3) ; c’estce qu’on nous a appris quandnousCtionsàl’&ole,encetempslà).

Quand je suisrevenu à Lome, en 1915,les Allemands avaient quitté le Togo, saufles missionnaires(4). Les Françaiset les Anglais occupaientle pays.Le Togo etait divise en deux : les Français occupaient Aneho, Atakpamé et le Nord, alors que Iles Anglais occupaient toutes les parties du Togo qui sont du côté de la Gold Coast I(le Ghana d’aujourd’hui), de sorte que LomC appartenaitalors auxAnglais, avec Kpalime et Ho.

- Question - Quad vous t%s venu d Lomé pour la première fois, en 1905, que fW vobl? pih? ? où habil4&il ?

- Bien avant l’occupation allemande, mon père avait pratiqué le metier de tonnelier (5). Du tempsdes Allemands, il avait cessecette profession, et il tenait une boutique (je ne saispas pour quelle maisonde commerœ).Cette boutique btait installée là où est aujourd’hui la banque UTB. Notre maisonCtait assez eloign&z de la boutique; mon p&e payait le loyer à la famille de Souza,rue de l’Egl.ise,qui en était proprietaire.

(1) La lipe L.om&Ant%o a 6tk consmite en 1904-05. (2) En 1897. (3) vbir chapibe 7, (4) Cour-ci sont restés jusqu’d leur qnhion, au début de 1918. (Voir chapim 10). (S) L.es tonwwux ttaimt rrts ntbwim, en particulùr pour les eqmtations d’hui.lc a? @ne, alots la pnaniàe tzqmath du Togo

5 - Q - Qu’est-ce qui vous a frapN le plus, en arrivant d L.ortlé comme petit garçon ?

- En arrivant à Lomé ? Bien sur, c’etait l’Q$se (6), qui venait d’etre construite : elle a Cte consacr#e le 2 septembre 1902 C’est bien ça qui m’a le plus frappe, et aussi le marché : Ià où il y a aujourd’hui Ila banque UTB, c’etait le marché (7). Bien sûr, il y avait aussi le chemin de fer, le premier du pays.

- Q - Votre premier voyage d’Mného d Lomé; vous l’avez donc fait en chemin de fer ?

- Oui, bien sûr. Le ticket devait coûter peut-être cinquante centimes du mark allemand ; ce n’était pas beaucoup.

- Q - Est-ce qu’il y avait beaucoup de passagers ?

-Oh, oui, assez...

- Q - Quand vous revenez d Lomé en 1915, quel& est la différence qui vous a Le plus frappé ?

- J’ai vu que la ville s’était beaucoup transformee, avec des ecoles, des bouti- ques, la banque (S)... Elle s’étendait de la plage jusqu’au Champ de course (9) : les Allemands aimaient faire des compétitions avec leurs chevaux. On allait aussi chercher de l’eau potable là-bas. C’est là que s’arrêtait Lame...

- Q - Dans une ville en guerw, occupée par l’ennemi, les affaires devaient quand même être bien rakènties. Lomé ea 1915 ne devait pas être une ville très gaie...

- Oh, si : les Anglais avaient amené avec eux pas mal de maisons de commerce : Svanzy (lO), Millets, Ollivant.. Au moins six ou sept boutiques, qui fonctionnaient bien. Et dans l’interieur du pays aussi (11).

- Q - Quel12 était lu monnaie qdon utilhait d ce moment ld ?

- C’Ctait le shilling anglais, une division de la livre sterling.

(6) La cath&Vale, construite en 1901-1902 (7) Le long de l’actuelle me du Grand-marcM. (8) La Westafrikanische Bank, b lkmplacement du parking h l’actuelle BUO, rue du Commerce, construite en 1911, d&uîte en 1980. Occupt!e pendant la guerre par la Bank of British West Africa. (9) Actuel quartier Hanoukopk, au-d& du Boulevard circulaire. (10) Lu Swanzy (aujourd’hui UAC) &ait d Lomk depub 1882 (11) En fait, les Britanniques ont vite relancé!, b leur profit, l’konomie du Togo : le wharf & Lomé? txpone d& 1916 autant qu’en 1913. 6 - Q - Pendant ces atuuh de IQ première guerre mondiale, est-ce que les gens pensaient que les Allemands reviendraient ?

- Oh oui, les gensle pensaient ! Ils n’ont pas cru à la defaite de l’Allemagne, meme longtempsapr&. On pensaitque lesAllemands etaient tr& forts, t.r& disciplinés. On avait une certaine affection pour les Allemands. Quand ils étaient ici, au Togo, ils étaient humains.Au debut, celaavait eté dur, mais à partir de 1909 -1910,ils avaient modifie leur façon de gouverner, d’administrer le pays.Mais même avant, ils etaient bien avec la population Il n’y avait aucunediffkuld (sauf dansl’intkieur, où il y avait eu quelquescombats, parœ que les gensn’avaient pasaccepte la colonisation). Ici, au Togo, il n’y avait pasd’armke ; il n’y avait que desgardes-cercle, quelques tirailleurs pour garder les édifices publics et pour la skcurite.En œ temps, les biens publics et prives etaient assezbien sauvegardes: il Ctait difficile aux malfaiteurs de perpetrer leurs mauvaisesactions ; aussiy avait-il bien moins de voleurs qu’aujourd’hui.

Mais œ qu’il y avait de plus malheureuxdans le pays,œ qu’on reprochait le plus vivement au gouvernement allemand au Togo, c’était les chatimentscorporels exces- sifs,et même tri?sdangereux pour la santedu delinquant (12). C’etait le côté honteux, voire odieux de cetteadministration allemande. Les relations entre les Noirs et les Blancsn’etaient pasmauvaises. Les Blancs étaient les Blancs,les Noirs étaient les Noirs, maisœ n’etait pasl’apartheid de l’Afrique du Sud. Les Allemands respectaientl’autorité indigène ; ils apprkiaient certainsche& du pays,qui participaient auxtribunauxcommeassesseurs. C’est comme ça: les gens Ctaientattaches aux Allemands, qui Ctaientdisciplinés et humains,durs seulementpour les malfaiteurs. Alors, lesgensne croyaient pas à la défaite de l’Allemagne; il a fallu longtemps avant qu’on admettequ’ils avaient perdu la guerre.

- Q - Combien de temps les gens ont-ils wntinué à espérer le retour des Allemands ?

- TreS longtemps ! Il y en a qui ont attendu jusqu’a l’Indépendance... Apres la secondeguerre mondiale, beaucoup disaientqu’Hitler s’etaitsauvé dansune lie, qu’il vivait encore la-bas,avec son état-major...Si vous disiezà cesgens-là que l’Allemagne avait perdu la guerre, ils vous repondaient que œ n’etait pasvrai, que c’etait une invention. Beaucoup ont cru que les Allemands allaient revenir, même apr&s 1945, après la secondeguerre mondiale, qu’ils allaient revenir avec Hitler,... Les Allemands ont eu une infIuenœ extraordinairesur les gensau Togo. Après le depart de leur gouverneur, en 1914,les missionnaires-les catholiques et les protestants- etaient restes.Du c&éd’Aneho, les Français avaient tout de suite impose l’enseignementen français.Du côté anglais,on enseignaitencore l’allemand. Les Anglais etaient trestol&ints, commel’avaient et6 les Allemands (13). Cest pour ça

(12) L.es fameux 25 coups de bdton (le 25the appliqut plus dur : «one for Kaiser~). (13) Qui avaient toldrt (tant bien que mal) qu WC pamk de I’ensei~ fat ahde en anglais. 7 que je suisvenu à LomC,pour continuer l’tkole en allemand.En 1920,les Françaisont occuti tout le Togo actuel,avec Lomé et Kpalimé. C’est-à-direque le Togo etait divise en deux : on disait le Togo français et le Togo anglais, où je suis aile continuer mes Ctudes,à Gbi Bla (aujourd’hui Hohok, au Ghana).

Les Françaisont cn%des &oles immédiatement,dans tous les gros centres.Les missionscatholiques et protestantesaussi. Il leur fallait la permissiondu gouverneur, maisc’était une formalite. Grke à Mgr Ckssou(14), on a créé beaucoup d’kcoles.Il a beaucoup lutte pour qu’ellesgardent leur identité et qu’ellesrestent independantes.

- Q - Si rwus revenions d la ville de Lad ?

Lame etait une ville mode:me,avec tout ce qu’il fallait en ce temps-là : l’hôpital, bien organisé, les Ccoles,les boutiques des maisons de commerce et celles des A6icains... Notre cathedrale etait alors la plus grande eglise d’Afrique occidentale, et la plus belle. C’etait l’église-mèred@ missionsdu Togo. Les flèches d’aujourd’hui n’ont pasla forme de cellesde l’origine : celles-cis’kcroulaient, et c’estMgr Cessouqui les a fait reconstruire (15). Toutes les Cglisesqui avaient desflèches commeça ont dû être refaites. Le bâtiment de l’archevéché aussia Cte reconstruit par Mgr Cessou; c’est beaucoup plus beau maintenant.En cetemps-là, il y avait une dizaine de pèresà cette grande mission.Mgr CessouCtait arrivé en 1921,avec un contingent de quelquesmis- sionnairesfrançais. Au moment où les Allemands avaient été chasses,il n’y avait plus que deuxp&es à la mission.Mgr .Hummel(16), qui s’occupaitde la zoned’occupation anglaise,avait aussienvoye à Kpalime un de sesmissionnaires de Gold Coast.Puis Mgr Cessou est arrive avec ses missionnaires français -je ne sais pas exactement combien-, avec aussides frères et desreligieuses. Il fallait aussis’occuper de l’ecole professionnelle que les frbres allemands avaient creée en 1911 ou 1912 (je crois : à ce moment-là, moi, j’etais à Aného). Des frères françaisont continue le travail desfreres allemands.On y pratiquait la menuise- rie, I’imprimerie, la couture...,avec desateliers bien équipk. Il y avait aussiune forge bien developpée.En cetemps-là, c’etait vraiment une &ole professionnelleremarqua- ble, qui a formé presque tous les premiers ouvriers du Togo. C’était la seule Ccole professionnelle du Togo avec, pour les filles, I’tkole dessoeurs de la Plage (17) ; ça aussi,c’etait une réalisationdes Allemands, avec beaucoup de soeurs,qui s’occupaient à donner aux filles une formation assezcomplète. A l’epoque, l’education des filles n’etait pas aussidéveloppee que maintenant ; ce n’était pasla faute dessoeurs ; c’etait celle desgens du pays: l’education desfilles n’était pasacceptée par la population, qui

(14) Ne en 1884 en Bretagne, kvt?que (plus exactement : prdfet apostolique) de Lomd de 1921 d sa mong en 1945. (15) En 1940, de même que lo façaak aé l’archevéchb (16) Evéque catholique de Gobi Coast (17) Avenue Maman-Ndanidu @-rue de la Mission), à Béniglato. (Voir chapitre 18). n’avait pascompris l’utilite de cetteformation. Ce n’estque lentementque la population a compris que les filles aussidevaient être instruites, savoir lire et t!crire. Gela avait repris avec dessoeurs venues de la Gold Coast(18), aprèsl’expulsion des Allemandes, qui avaient recommeno?petit à petit à faire l’ecole. Quand les soeursfrançaises sont venues,l’&olea et6 trb bien organisee,et les filles arrivaient à obtenir leur certificat d’etudesprimaires.

-Q- Vous-&me, dans quel&? bcole de Lomé alliez-vous ? - Quand je suisvenu à Lome, pendant la guerre,pour l’&ole allemande,c’était au courssecondaire, juste en faœ de l’archeveche(19). Malheureusement,on a détruit œ bâtiment il y a peu de temps,et on a construit un bâtiment commercial a la place. C’etait l’&ole sup&ieure, où enseignaientdes frercs allemands.Il y avait deux classes, lune d’environ 30 Clèves,l’autre environ 25. Cette Ccoledevait former desemployes pour l’administration et les maisonsde commerce.Moi, j’y ai fait une ann6e.Je voulais entrer au seminaire, pour être prêtre. On m’a alors envoye à Gbi Bla -aujourd’hui Hoho& à l’institut qui formait les instituteurscatholiques et lescat&histes. C’est là que j’ai fini mes étudesallemandes, à l’ecole desinstituteurs. De sorte que j’ai enseigne l’allemand pendant deuxans, aprb le depart despères allemands. J’enseignaisaussi l’anglais,puisque les Anglais etaient là. Et j’ai aussienseigne un peu de français,à Agcm et à Lomé : on arrive, comme ça, à apprendre beaucoup de choses...En 1921,je suis enfin allé au séminaire de Ouidah (20). J’ai donc le certificat d’études primaires allemand,ainsi que le certificat d’etudessup&ieures, et le dipl6me d’instituteur, et j’ai enseigneà Agou.

- Q - Quel a été ensuite votre itinéraire, avant de revenir à Lomé ?

- Le seminaire de Ouidah, qui avait été cree en 1912 ou 1913,avait eté ferme pendant la guerre : les prCtres avaient et6 mobilises.Je suis donc resté enseigner à Agou ; puis j’ai enseignél’anglais à LomC au début de 1919.En 1920,on a rouvert. le seminaire de Ouidah, quand les Peressont revenus.J’y suisallé en 1921,jusqu’a mlon ordination, en 1931.J’etais le deuxiemeprêtre togolais (21). L’autre estmort depuis longtemps.Tous mescondisciples aussi d’ailleurs, et mes professeurs: je suisle seul à survivre de cette époque, pour le moment.

- Q - 03 avez-vous commencé votre mini&re ?

-J’ai commencéà LomC pendant un an et demi, puis à Kpalimé pour six mois, parœ qu’il n’y avait qu’un seul p&e. J’ai donc fait six mois avec lui, avant d’être affecte à Togoville. Je m’occupaisde la paroisseet j’enseignais aussile catechismeà 1’6cole normale de Togoville. Apres deux ans, on m’envoya à Atakpamé, où j’ai travaillé

(18) Deux Irlanaizks et une Française, 4” ar&ent en murs 1918. Elles seront relay& en 1920. (19) Au carrefour de la rue Foch et de l’avenue de la Libération (20) Actuel Bdnin Grand séminaire interdioc&ain, toujours en activitk (21) Aprés le RP Kwahwd, né d AkCpC (Zio) en 1894 orabnd en 1928, &CCC&+en 1960. 9 encore deux ansavec le père français,avant d’aller à Ad&.a,entre Kpalim6 et Atalcpa- mé.J’ai fait 17 ansà Adéta,avant de me rendre à AnCho, au quartier Adjido.

Vous savezque les p&resallemands avaient commencéleur missionici, à Lomé, à la plage,là où il y a le calvaire (22) et à Adjido (à Côt6d’An6ho). Comme,en ce temps- là, Aneho était la capitaleadministrative, Adjido devint la mission la plus importante. Mais en 1902(23), le gouvernementallemand a et6transfére d’An&ho à Lom6. Alors les pèresont suivi le mouvement, et on a ferme Adjido, qui dCpendait alors d’Aného. Il y avait encore à Adjido une &ole et l’Église; les p&es qui étaient B Aného desservaient Adjido jusqu’en 1914.Quand les p&re.sallemands sont partis après1914, c’était fini : on a ferme Adjido parce qu’il n’y avait plus que deux@ires à Aneho, pour tout le district. Après 40 ans,on a trouve que gaavait trop dure, qu’il fallait encore reconstruire ces stations.Alors on m’aenvoye reconstruirela missiond’Adjido, fin 1954.Je suisreste là- bas 11ans, avant devenir à L.om& où l’on m’a fait vicaire general.

- Q - Quand vous &iez jeune prêtre, combien y avait-il de prêtres togola&?

- Nous n’btions que trois prêtres. Le premier, le père Henri KwakoumC, était vieux (il est d6jà mort). Nous l’avons suivi.

- Q - C’est le père Kwakoumt? qui a écrit «L’histoire des Ewé» ? - Oui, il a fait l’histoire: des Ew6. Il a été à Gbi Bla dans le temps, avec les Allemands, mais paslongtemps. Il a été en Gold Coast,puis en C&e-d’ivoire, avant d’aller en France pour devenir prêtre. J’ai et6 le premier seminariste ; j’étais encore jeune. Nous n’Ctions doncquertrois prêtres togolais. Le plus âgéde nous trois etait le père KwakumC. Il est mort en 1960,à I’$ge de 68 ans. Plus vieux encore etait le père AnastaseDogli, quivenait du Togo anglais,aujourd’hui au Ghana. Lui et moi, nous 6tions lespremiers Séminaristes,d& avant le rapatriementdes missionnaires allemands. L.epère Kwakum6 était donc Xe premier prêtre du Togo français. Nous avons fait ensemblele séminaireà Ouidah,au Dahomey.Comme il &ait plus fige que nous,il a &6 ordonn6 en 1928,et moi en 1931,avec le père GeorgesKpoda (24), qui est d&%dCdb 1949.Le quatrièmeà être ordonne, en 1934,a éte le père G&ard Fini (25), qui est mort maintenant.Alors, il a fallu attendre jusqu’en 1942pour en avoir un cinquiCme,le père Gbikpi (26), ordonné à Rome. Mgr Jean-Marie Cessouest mort en 1945.Il a et6 remplacepar Son Excellence Mgr Strebler(27), qui n’avait pasét6 missionnaireau Togo. Comme prêtre,il avait fait la Gold Coast,dans levicariat apostolique de Cape Coast,dont il a étCvicaire g&&ral.

(22) Emplacement du supermarché rHollandow. (23) En fait, en 1897. La mission catholique de LomC est la premitke du Togo, a% 1892 (24) Ne à Vogan en 1901. (25) Nt? d LomC en 1934. (26) Voir ci-dessous, chapirre 10. (27) NC! d Strasbourg en 1892, au Togo de 1937 rf 1962 Le titre d’archevêque de Lomk est crée oflciellement en 1955. 10 Mgr Cessou,de sonvivant, avait demande au Saint-Sièged’eriger le Nord du Togo en prefecture apostolique : c’estMgr Strebler qui a été nommé prefet apostolique du Nord-Togo, avec résidence a Sokodé.A la mort de Mgr Cessou,le pape l’a désigné pour lui succederà Lome. A présent nous avonsbeaucoup de séminaristes,grands et petits.Deux pr&es sont à Rome et beaucoupde grandsseminaristes togolais à Ouidah. Actuellement l’ar- chidiocèsede Lomé n’a plus de seminaristeslà-bas : tous sont à LomC, les petits à Agoènyivé, les grands à Hedzranawoé. On a ordonné jusqu’à dix prêtres à la fois à Lome, c’estextraordinaire ! Actuellement aussi,il y a un pretre togolais à Rome, Cila Curie, à la congregationde la Propagation de la Foi..

- Q - Pour revenàr d l’histoire de l’Egk%e d Lomé, je voudrais que vous nous parliez un peu de ses divers bâtiments. Je crois que la deuxième église, c’est Saint-Augustin ?

- Oui, la deuxième église a CteSaint-Augustin d’Amoutive. J’etais dejà jeune prêtre à Lame. La chretienteaugmentait ; la seulecathédrale de Lomé etait dejà trop petite pour les fidèles qui venaient de Lomé même,Kodjoviakopé, Amoutive, B& (B& etait alors un petit village). Alors Mgr Cessoucommença la constructionde l’égliseSt.- Augustin d’Amoutive en 1933(28). Il travaillait lui-mêmesur lestoits ; à midi, il venait à table très fatigue. En plus,il voyageaitaussi beaucoup.

- Q - Et quelle a été la troisième église ?

- En quelquesannées l’église d’Amoutivé etait deja pleine; il fallait une troi- sième : cela a été celle de Nyékonakpoé,commencée un peu avant la secondeguerre mondiale(29).

- Q - Et pour les C%O~~Scatholiques ?

- A l’epoqueallemande et anglaise,l’&ole de Koketimé, rue du Colonel-Maroix (comme l’ont appel6 les Français), existait dejà. C’était une Ccoleenfantine à deux classes.C’est là que j’ai enseignetout d’abord à mon retour à Lame, en 1919.Six mois plus tard, j’ai éte affecte à l’écolede la cathédrale(&ole complete,celle-ci, comme dejà du tempsdes Allemands). En 1920,je l’ai quittée pour aller à l’&ole desfilles, chezles soeursmissionnaires, rue de la Mission,à 600 mètresde la.

- Q - Aviez-vous beaucoup d%!èves, en ce temps4 ? - Oui, les classesétaient pleines : 30 à 40 Clevesdans chaque classeaussi bien dans l’ecole des garçons qu’à celle des filles. Pour l’enseignement secondaire, la première création du temps desFrançais, c’est le collège Saint-Joseph(30). Mais bien

(28) Construite d’aoQt 1933 12 juin 1934. (29) Er@e o~ciellenaent en paroisse en 1954. Suivront Tokoin et Hanoukwpk en 1958, B& en 1960. (30) En 1948. 11 avant, il y avait eu le cours superieur ici, desle temps desAllemands ; puis il y a eu le courssecondaire cr& par le gouvernement français (31). Avec la crkation du collége St.-Josephpar Mgr Strebler, il y a eu beaucoup d’éleves et de bons professeurs, et beaucoup de réussites.

-Q- Vous souvenez-vous du nom des premiers cMiens ? - LechefAdjalle Jacob (32), chef du canton d’Amoutivé, Augustinode Souza (33) dit &--, un grand proprietaire, Ajavon Emmanuel (34), pharmaciend’Etat allemandpuis anglais,...Je n’oublie pasnon plus Monsieur Gbikpi. Cestrois-là avaient été les premiers internes des pbres allemands. Puis je citerai Felicio de Souza (39, agent techniquede la santeavec les Allemandset les Anglais, Octaviano Olympio (36), un grand notable et proprietaire, de souchebresilienne ; et puis Franciscod’Almeida, Andréas Djondo, grands instituteurs desécoles catholiques, Andréas Aholou,... et tant d’autres encore,qui ont gardé la ffoi chrétiennejusqu’a leur mort Ma&re la polygamie, ils avaient garde le senschretien qu’ils avaient hérité despbres allemands.

(31) 1921-2.2 Futur &cke Bonnecadre. (32) 1871-1943. (33) 1871-19aO. Son surnom signifia wArgent chat&, allusion à sa grande richesse. (34) 1878-l 958. (35) 1870-1961. (36) 1859-I 940. 12 no 2 UNE VIEILLE FAMILLE DE LOME: LES ANTHONY

M. Michel Komi ANTHONY (né en 1916 à Agbodrafo) assisté de son cousin M. Emmanuel Koffi ANTHONY (né en 1929 à Lomé)

- Q - M. Michel Anthony, depuis quand habitez-vous Lomk ?

- Je suisne à Porto-Séguro (aujourd’hui Agbodrafo) en 1916 ; je suisvenu à Lame en 1920,où j’ai passetoute mon enfanceavec ma grand-mbre paternelle. Mon p&e était à Kpafime à œ moment1% comme fonctionnaire.

- Q - Pourquoi êtiez-vous venu à Lomé ?

- @estma mere qui m’avait conduit ici pour pouvoir me mettre à Wcole.

- Q - Quelk école avez-vous frc?quentke ?

- L’&ole de la missioncatholique de Koketime, à l’école enfantine. C’estlà que j’ai commence,et jy ai continuéjusqu’à l’écolede la missionde la Plage.Apres, je suis parti à KpalimC chezmon p&e, où j’ai passedeux ans,avant de revenir definitivement aLom~3.

- Q - Petit garçon d Lomé, quel sont les souvenirs qui vous ont marqué lè plus ?

-Mes souvenirs d’enfance ?Oh ! on a simplementvecu ensemble,avec desca- marades,dans le quartier...A Epoque, les quartiers n’étaient pas aussigrands qu’au- jourd’hui. Lame s’arretait à Ahanoukope. Nous habitions le quartier n“4, situe rue Gallieni, en facede l’actuelleSGGGquincaillerie.

- Q - Il faut p&ker qu>d l’époque les quartier n’avaient que des nunu?- ros. C’était, d’ouest en est,

13 en bord dè mer : et à Pintérieur : no1 : AdilWlato no4 : Anagokomé-Assivimé (SCCG) no 2 : Ass&umé (Grand-marcfi) no5 : K&timt* no 3 : Lkniglah n”6 : AgUtikOmé

- Oui, c’est l’administration française qui avait num&ote les quartiers. Certains notables de la ville avaient t% nomm& chefs de quartiers : Timothy Agbetsiafa Anthonyavait le $5. Je ne me souviens plus des autres.

- Q - Dans quel genre de maison habitiez-vous d l’époque ? Est-ce que cette maison existe toujours ?

- Oui, elle existe encore, mais elle a et6 rebâtie. La première &ait en tôles et les barribres en bambous et en sekos. C’est en 1926 que l’administration a d&ide que toutes les barrières en bambous de Lomé seraient enlevees et refaites en dur. Ceux qui n’en etaient pas capables devaient les faire en tbles et les badigeonner. C’est au même moment qu’on a axnmencb à d&ruire les bâtiments en chaume. L’agent sanitaire était venu pour ça (je ne sais plus son nom, mais nous l’avions surnomme ~

- Q - Tous les bâtiments des ùuiighes étaient-ils en toi& de chaume ?

- Non, pas tous, bien sûr ! Mais il y a des quartiers qui ont garde les chaumes pendant longtemps.

- Q - Lu makon où vous viviez vous-même était-elle en dur ?

- Oui, c’&ait en dur, mais elle a éte cassc5e.Nous l’avons faite en tôles et une partie en branches. C’est là que j’ai habite pendant longtemps, avec ma grand-mère.

- Q - Comment est-ce que Il’on s’éclairait d cette époque ?

- Jusqu’en 1927, on s’éclairait à la lanterne, à la lampe tempête. C’est à partir de 1927 qu’on a eu I’électricité et que les gens ont commencé à s’éle4xrifier.

- Q - Et pour l’eau courante, il faut attendre les années 1940, n’est ce pas?

- Oui, l’eau courante, c’&ait, je crois, en 1940.

- Q - L’aviez-vous eu tout de suite dans votre maison ?

- Non. Nous, nous avions notre puits dans la cour. - Quand on parle d’eau courante à Epoque, l’eau courante gCr& par l’adminis- tration française, c’&ait bien en 1940. Mais on se servait bien avant de l’eau courante, je veux dire celle que l’homme blanc a cr&e : tourner un bouton et puis l’eau jaillit, n’est- ce pas ? Mais il y en avait avant cette +oque : il y avait des Blancs (Français et Libanais)

14 qui avaient l’eau courante chez eux. Ils avaient un forage -sans toutefois bâtir un ch&eaud’eau- mais qui leur suffisait.C’est en 1940qu’on s’estrendu compte que l’eau ne suffisait plus ; alors on a bâti un châteaud’eau. De là, l’eau courante venait partout.

- Q - 03 éiait situé ce chsteau d’eau ?

- A ma connaissancele premier que j’ai vu construire, c’estles deux Ch&aux d’eau jumel& en faœ de la Direction de la Suret& A l’epoque,j’etais à l’écoleMarius- Moutet. On allait regarder les ouvriers travailler. C’est la Premiere fois qu’on a vu travailler une b&onneuse à LomC.

- Q - Vous, les petits garçons, hz-vous de corvbe de puits régulièrement, au retour dè l’école ?

- Ah oui, çaabsolument ! On avait l’habitude : çafaisait partie de la vie courante. Chacunsait qu’en sortantde l’écolele soir,en arrivant a la maison,il fallait prendre soit la grande calebasse,soit le seau(pour les familles les plus modernes), et aller jusqu’a Nyékonakpoe, dans la cocoteraie, chercher l’eau potable. Et aussion avait despuits dansnos maisons,des puits contenant de l’eau plus ou moins bonne. Mais l’eau des cocoteraies de Nyekonakpoé avait un bon gout, plus agréable à boire. Beaucoup de gensI’appréciaient.

- Q - A quel endroit de Nyékonakpot! ?

- Tout est changemaintenant. Je vous dirai que c’estchez Gbado6 (1). Là, je ne me situe pas exactement.J’ai demandé a mon cousin, il y a à peine six jours, de me pr&iser exactementoù est-cequ’on allait chercher l’eau dansle puits, la bonne eau du puits de Nyekonakpoe? Il m’a dit que c’estla où ils ont construit l’hôtel Ahodikpt!, au- delà de l’ancien bâtiment de la radio.

-Q- Vous quittiez donc Assivimt! pour aller jusqu’à Nyt%oru&pot! cher- cher as? I’euu ?

- Dans le tempsça ne nousparais& pasloin Quand on était entant,on s’amusait à aller jusque là-bas.

- Q - Qui gérait ce puits ?

- C’etait gratuit. Les bonnes femmes,pour faire la lessive,partaient depuis le quartier no 1, Adawlato, Anagokome, tout ça,jusqu’a Nyekonakpo6laver leurs linges, patte que l’eau donnait beaucoupde mousseau savonindigene. Alors les femmes,une fois dansla semaine,allaient y faire leurs corveesde lessive,du matin jusqu’au soir.

(1) Sur le Boulevard circulaire) non loin de In pcule ak Nj4mak@

15 - Q - Tout d I%~IE, vous avez tfvoqcré la TSF. Est-ce qu’elle e&tait avant 1940 ?

- Oh, oui, elle existaitbien avant 1940(2).

- Q - Avez-vous vu comment ça fonctionnait ?

- Je n’ai jamais pu aller N-bas pour voir son fonctionnement,A cette@oque, il n’était paspermis à n’importe qui de s’approcher de œt endroit. Il y avait les soldatsà chkhia rouge, avec leurs cravaches ; tout le monde avait peur d’en approcher. Personnen’avait int&& à y aller d’ailleurs,parce que chacunsavait œ qui l’attendait là- bas...

- Q - Quand vous 6th~~ souffrant et que vous avia un problème que vous ne vouliez pas traiter par h médecine indigène, qui allia-vous consu&er, et 03 ?

- On allait à l’hôpital, à l’ancien hôpital allemand. C’est le bâtiment actuel de l’ambassadede France (3).

- Q - Comment étaient ah les grandes rues de Lomk ? - Il n’y avait pas de grandes rues, surtout pas de grands boulevards. La plus grande de l’époque, c’&ait l’avenue desAlliks, qui est aujourd’hui l’avenue du 24- Janvier. Les rues etaient très étroites.Les Allemands sont à l’origine du traçagede ces rues,juste pour leurs besoinsimm&liats. La guerre a fait qu’il n’y a plus eu de continuitC et d’amélioration. Quand les Françaissont venus, les ruessont rest6estelles quelles, toujours Ctroites.Il n’y avait pasde goudron.

- Q - Quand a-t-on commenctf d goudronner et par quelle rue ?

- Dans les années1947, on a commencéà goudronner par l’avenue Foch, la rue qui conduit au grand-marche, devant la cathédrale. Cela a été la première rue gou- dronnke à Lomé, par l’ingkieur Gustave.

Avant, on entendait parler desrues et desroutes goudronnkes,mais à l’@que on n’en avait jamaisvues. Il fallait que quelqu’un aille en Gold Coast pourvenir nous raconter qu’il avait vu de belles routes,de belles rues goudronnks. Et puis, un jour, à notre grande surprise, Monsieur Gustave a fait goudronner une des rues de Lame, depuis la cathurale jusqu’à l’emplacementactuel de Goyi Score.Ces travaux ont Ct6 exécutéspar la Voirie de Lomk L.echef de cestravaux 6tait M. Bozi,un Corse.Et pour la Premiere fois on a vu une rue parfaitement goudronnée, avec desgraviers.

(2) En face de l’actuelle phurmacie de l’Avenir. Station cr&e en 192627 (pour les tt%?com- municadons ei non la di@sion “près du puHic). (3) Plut& l’ancien immeuble des Travaux publics (aujourd’hui de la Statistique s~olain$. Lkmbassade de France 6M le logement du médecin-chef (avec au.& un d&pensaùe ou rer-de-chausste). 16 - Q - Les rues du quartier adminkt@f nWuient donc pas gvudro~ ~ullt plus ?

-Toutes les tues du quartier administratif etaient desrues en terre de barre. M&e la tàmeuseavenue du G&réralde-Gaulle etait trèslarge, mais en terre de barre.

- Q - Est-ce que vous vous mppelez quand on a percé ce&? avenue du Gtfnlhl-de-Gaulk, qui ne figun? pas sur les pla?Is alhwlu& ?

-Oui, c’estpendant la guerre.

- Q - Elk & baptisée en 1944 par un art&? du coIIsei1 municipal de Lona& et je pense qu’elle &it faite depuis peu. L’avez-vous vue b&ù ?

- Je ne me rappelle plus exactementde l’anrke. - Oui, en 1943-44(4).

-Q- Donc, après le goudronnement de l’avenue du Maréchal-Foch, lesquelles ont eu ensuite cet honneur ?

-La rue qui conduit au Gouvernement, dans le prolongement de l’avenue -h(5). -Q- Ces annt?es de l’après-guerre, c’est aussi celles 03 I>on a assur l’essentiel de Mectrifktion des rues, je crois ?

- L’electrihcation des rues principalesa eté faite db 1927.

- Q - Rue du Gmnd-ma&&, il y a une vieilkè umaison AnthonyH, avec une belkè gderie en bois. Pouvez-vous nous en parler un peu ?

- Cc n’estpas la famille Anthony qui a construit la maison.Elle appartenait à un certain étranger nomme Edy. Mais il paraît qu’il a fait desbêtises ici, et qu’on avoulu l’arrêter. Alors il s’estsauvé. L’administration allemandea vendu sesproprit%. Cc qui a permis auvieux (6) de l’acheter.

- Q - Avant h guerre de 1914, cette maison &ait laut% d la compagnie Oh@ C’était le logement des cadres europ6en.s de la compagnie.

- Oloffavait plusieurs maisons.Le grand magasin qui est à côté de la BIAO, jusqu’àla mission,appartenait à Oloff. - Q - Restons encore sur la situation de Lomé au moment de la seconde guerre mondiale. Pour vous qui avez vécu cette période, qu’est-ce que cela pr&entait, notammeti en matière de restrictions, de di@iiuultés d’ap- provisionnement ?

- On avait beaucoup de difficulds pour s’approvisionner. Les vivres man- quaient et les vêtements aussi. On s’approvisionnait en Gold Toast, par les contreban- diers.

- Gomme vient de dire mon cousin, il y avait une penurie de tout ce qu’on importait de l’ext&ieur : le sucre, les boissons, les vêtements surtout. Mais ce qui etait trés etonnant c’est que, en Gold Coast, on pouvait tout avoir, depuis la paire de chaussures en daim jusqu’aux manteaux, de très beaux tissus,..., alors que nous autres, ici, on n’avait rien. Ceci a engendré beaucoup de trafics de marché noir. C’était l’époque où il fallait avoir un bon d’achat pour acheter le tissu, le sucre, le vin... Ce qui etait etonnant aussi, c’est qu’il y avait des privilegies. Ces privilegies, c’etaient les citoyens français, de France ou bien Togolais et Dahoméens (Beninois).

- Q - Est-ce que la frontière était fermée, en particulier entre 1940 et 1942 où L’Angleterre était en guerre, alors que la France était neutralisée par le régime de vichy ?

- Elle etait restée ouverte, mais vous ne pouviez pas passer à cause de la divergence qu’il y avait entre de Gaulle et P&ain.

- Q - Mais alors, si on ne passait pas au poste de la douane d”, on pouvait passer par la brousse ?

- Bien sûr, les gens passaient par la brousse, sinon on n’aurait pas pu avoir de marchandises ici...

- Q - Au moment 01) kè Togo passe à la France libre, en 1943, la frontière s’ouvre donc vraiment ?

- La frontière etait fermee, comme a dit mon cousin, à cause du conflit entre de Gaulle et Pétain. C’etait ferme à certains individus, mais les autochtones pouvaient passer. C’etait plutôt à la tête du client ! Quand un Togolais ou un Dahomken disons plutôt un Noir de la cote du Benin- passait pour aller acheter de quoi s’habiller, se moderniser, on le laissait passer. Quand un Blanc, ou un citoyen français, ou un sympathisant gaulliste passait... Il y avait un rkseau de secmite très fort ici, des commis- saires de police qui avaient organise des filtrages, des surveillances très efficaces. Mais c’etait,commejel’aidit plus haut,àlatêtedu client,seloncequ’ilallait faireenGold Toast. Plusieurs Blancs, plusieurs citoyens français ont pu traverser la frontière pour se rendre dans le camp de de Gaulle, à Accra. Il y avait les fils Gordonville, par exemple, les deux enfants de Gordonville, qui ont rtksi avec la complicité de certains pêcheurs à passer au-delà de la frontière pour rejoindre de Gaulle. Quand il y a eu l’abolition du régime P&ain, la frontière a éte ouverte à tout le monde.

18 - Q - Pour rester encore un instant sur la pérhie de Popposition franco- angkàise, quand a-t-on construit lès ubhckhuus~ de la côte ? (il y a encore un qui subskte en face de 1%6tel L+e Bknin). Est-ce que vous ks avez vus construire ?

-Mon cousin lesavu construire. Il yen avait sept ou huit,depuis la frontière,à peu preSjusqu’à la hauteur de l’kole de la Poudrière.Pour ne pasme tromper, je crois qu’ils ont étC construitsen 1942 et gardes par les tirailleurs ou les canonniers, parce que, dans cesblockhaus, etaient installesdes canons Beaufort contre les avions ou surtout contre les navires ennemis.Les chefsde cestirailleurs avaient leur logementà l’emplacementactuel de la librairie kvangelique.

- Q - Est-ce qu’on avait le sentiment d Lomé d%re ville en guerre ? C’est- d-dire, est-ce qu31 y avait beaucoup dkifonnes, beaucoup de réglemen- tations contraignantt3 ? Comment est-ce que l’on vivait cela ?

- Oh, l’histoire, c’estque l’autochtone lui-méme n’avait aucune crainte. Du grand-père jusqu’aux petits-fils, aux arribres-petits-fils, tout le monde souhaitait la réussite desAllemands ! Alors on applaudissait...Le grand-père disait : «Quand les Allemands seront de retour, vous allezvoir commenton va hre bien». Et puis on Ctait content que la France perde la guerre, maigre tout ce qu’on avait beneficie de la France... On souhaitait vivement que les Français s’en aillent et que les Allemands reviennent, parce qu’on etait mal eduqué. Les jeunes portaient des cravates, des chaussures,alors qu’à l’epoque, lesAllemands ne le permettaient passi vous n’êtiez pasun lettré, si vous n’aviez pasun certificat qui attestaitque vous êtiezquelqu’un de la grande societe.Alors, à Lomé, personnene s’inquietait ; la vie suivait son train, si ce n’estque ceshistoires de bons d’achat, de penurie de sucre,de pain, ou de ceci,ou de cela...Tout le monde vivait bien.

- Q - Vous-même, vous étiez de ces jeunes ; peut-être portiez-vous cravate? Mais s’il avait falh changer de système colonial, la formatha scoikire que vous aviez reçue était d refaire. Cela ne vous effrayait pas ?

-Justement ! C’estcequevoulaient eviter lesvieux, puisqu’ilsavaient etéeux- m@mesvictimes de ça. Combien de temps les Allemands sont-ils restesici au Togo : trente ans, de 1884 à 1914 ? Alors, on a forme des cadres, on leur a confié des re.sponsabilitt%,et puis d’un seul coup, tout est bouleverse : il fallait parler français, chosequi a et6 tri3sdifficile. Cette periodede transition les a beaucoup bouleverses. Alors les vieux, qui ont toujours souhaite le retour desAllemands, ont tr& souvent envoyé leurs enfants en Gold Coast pour apprendre l’anglais, parce que, avec l’an- glais, on peut sedebrouiller partout. Jusqu’ànos jours ici& Lame particulièrement, beaucoup parlent anglaiset français.

19 -Q- Vous-mêmes, les jeunes de hpoque, partagiez-vous compl.&ement cessentime~devosprrrentsetg7ands-parenls?

- Moi, particulibrement, je vous dis que j’aurais été content du retour des Allemands, mais je ne savaispas dansquelles circonstancesils allaient revenir. J?%ais oblige de suivre mon vieux A l’epoque,quel Agepouvais-je avoir ? En 1940,j’avais 11 ans.A 11ans, qu’est-ce qu’on peut comprendre de la guerre, de ce que lesAllemands vont nousapporter, ou de ceque lesFrançais nous ont Edit? A l’ecole,on nousa dit que la France nous avait trace de grandes routes ; on nous avait envoye a l’kole en b&Hciant de toutessortes de gratuit&. Tout œla avait aussiet6 fait par les Allemands. Nos grands-parents ont connu les Allemands et ils ont pris certaines habitudes avec eux, parce qu’ils avaient et6 les premiers colonisateurs. De même nous, nous avons connu les Françaiset nousnous sommes habitues à eux Aujourd’hui j’ai 58 ans.Si c’était à refaire, moi aussi,je nevoudrais pastravailler sousles ordres desAllemands, alors que je parle français.

- Q - Je souhaiterais que nous parlhs maintenant des mouvements de population d Lom& pendant la guerre. Avant, il y avait vralFemblabhnent 15 d 18 000 hubitants. Lors du premier dhombrement fait apr& la guerre, en 1947, il y en avait 32 d 33 000. Alors il y a eu certuinement un gonjkment de k population après la guet. Mais je me dètnana% s’il njt a pas eu go@ment dès kà phhdè de la guerm. Or, vous nous disiez il y a un instunt que c’était une p&iode de rescricions ; les bateaux étaient t& peu nombreux ; les t#aveS tr& ralenties... Comment est-ce qu>on peut com- prendre à la fois une vi& d I’tWaomie ralentie e.t un gonflement & la population ? Est-ce que vous avez le seniiment que les gens @ùaient dès les atlnh 1943-44 ? - Les gens de l’interieur venaient à Lame surtout parce qu’ils etaient plus tranquilles ici qu’a l’interieur. Les Françaisexigeaient des quantit& de noix pahnistes, de maïs,etc. pour aider la guerre. Ce qui a fait que beaucoup ont dkerté leurs villages pour aller en Gold Coast,et d’autres sont venus s’installer à Lomé, auprks de leurs parents.

- Q - Donc Lomé aurait éti le reficge des ruraux qui fuyaient lkffoort dè guerre.

- C’estbien ça !

-Q- Et ceux-ci sont mtt% en ville, d’ad l’explosion spatiale d’après la guerre, qui va peupler toute la ville jusqu’au-delà du Boulevard circulaire ? - En effet. Le phenomène qui a engendré œ surpeuplement de Lomt est que Lon16est d’abord une capitalesitu& au bord de la mer, et tout le monde sait que la vie est toujoursagr6able au bord de la mer. Lesouci constant du Togolais en general est d’avoir sa maison au bord de la mer, à Lame. Alors comment arriver a son projet ?

20 Beaucoupsont partisà gauchea droite, surtout en Gold Coast,pour gagnerde l’argent. LomC s’arr&ait à Ahanoukop6, sinon mêmeau quartier desEtoiles, qu’on appelle aussi W&ivikondji. D8s les am&s 1950-52,tous cesgens qui sont partis chercher fortune à l’etranger sont rentreset ont commenceà acheter desterrains ; et d’un seul coup,on a vu deslotissements, des maisons qui montaient, et c’etait envahi partout, si bien que aujourd’hui, même jusqu’a Adidogome là-bas,c’est toujours Lomé...

* * *

-Q- Pourriez-vous, Messieurs Anthony, nous parler de votre père, Timothy Anthony (71, qui a t!tk l’un des grandk notables dè Lomé d l’@oque fkangaise, d même bien avant, et que vous mnontkz plus haut dans h mesure du possible, vers vos ancêtres qui sont venus fonder Lomé ?

- Nos anc&es étaient venusd’Adafianu (8) pour s’installerà la plage,ici, pour la pêcheet le commerœ.Les premiers qui étaient venus, t’étaient Edjame (9), Equagoo, Adjabli Anthony (10) -l’oncle de notre p&re-et d’autres.Le vieil Anthony, lui, est reparti plus tot que les autresparœ qu’il etait vieux Il est rentre à Adafianu en 1898,et il y est morten1900. Quand nosaleux sont venusà Lomt?,ils habitaienten bordure de la mer, où il n’y avait personne, sauf les femmes de B&qui venaient selivrer à la chasseauxcrabes sur la plage (les Bé ne connaissaientrien à la mer et ils semefiaient encore beaucoup des negrlers blancs).Derriere la plage,il y avait une foret dense,et on avait peur desb&tes féroces. L’habitat etait en paille, puis en banco et en terre de barre, avec destoits de paille, qui brillaient facilement.

Nos grands-p&resMent desproprietaires de filets, mais ils sont surtout deve- nus des grands commerçants,qui achetaient aux gens de l’interieur du paysde la gomme,de l’huile de palme,du caoutchouc.Le commercea Lame etalt florissant.

Timothy Anthony, lui, apr&savoir fait sesetudes primaires à Keta, s’estrendu à Anyako (11) pour continuer sesEtudes. Apres, il a enseignependant un an ; puis il est venu a Lomé, où il s’estEtabli delïnitivement. Il a commencepar le commerœ, chez Olo& Un de sesamis allemandslui a conseillede s’int&esseraux plantations On a vu que la cote, ici, est bonne pour le cocotier ou la canne a sucre.Il a fini par choisir le cocotier, parœ que celui-ci r6siste pendant plus de cinquante ans. Il a acquis des terrains il la plage et il a commenceune plantation, qui a bien reussi(12).

(7) 1860-1937. (8) A une dizaine de km b l’ouest de Lomk, wr la route de Keta (Voir chapitre 17). (9) Ou Adjama (10) Apptlk alors Antonio. (11) Impomnte m&sbn tvan@ique SUT la rive nord de la lagune de Keta (Voir chapitm 15). (12) Lb mvitons de l’tcole de IQ Poudr&e juqu ‘au chdteau d’eau de B&

21 Une anecdoteque I’on raconte sur Edjame : danssa jeunesse, on I’avait envoyé en Angleterre faire sesétudes. Au retour, pendant ledebarquement, sagrosse malle (danslaquelle il avait mis toute safortune) tomba à l’eau.Quelques temps plus tard, à sa premiere sortie de pêcheen mer, sonpremier coup de filet a rament! à terre sagrande malle...Tous seseffets étaient intacts@ce au li&gequi la garnissait!

* * *

- Q - Comment est-ce que l’on mangeait à l’époque oh vous t%iez enfants? Quelles sont les diffkrences principales dans l’alimentation quotidienne ? Est-ce que cette alimentation s’est diversifiée 1

- Depuis toujours on a trksbien mangéà Lome, desaliments très divers. Regar- deznos meres,nos nanas : œ n’estpas d’aujourd’hui qu’ellesse portent bien, qu’elles sont bien potelkes...

- Q - Il y a quand même eu divers$+xtion, notamment 1Wroduction du pain d l’anglaise (su&), puis du pain sa&. Le riz aussi n’est consommé de façon massive que depuis 10 ou 12 ans et je pense aussi aux l@wne.~ europt!ens, les tomates, lès carottes, les ch~u.~. Maintenant on les voit sur tous les marchh. Depuis quand, d’apr& vous ?

- Ces aliments,à l’epoque,Ctaient r&+en& pour desmoments exceptionnels. La salade de tomates, les saladesrusses ou niçoises,il y a toutessortes de mélanges,très agréables à manger... Mais œci Ctait rkserve à desjours, à des moments vraiment spéciaux.Même le riz, pour nous, ici, A Lome, n’etait pasconsommé tous les jours, comme certainsle font aujourd’hui. S’ilsle font, c’estparœ que, desfois, le maïscoûte trop cher.Le riz estbon marche,parœ que nousl’importons beaucoupmoins cher que si nousle cultivions nous-mêmes.Alors on semet au riz Le pain, le caf6 au lait etaient réserves aussià certaines classessociales, qui ont peut-être connu ça en Europe : revenues au pays,elles ne peuvent plus s’en passer.Si le Togolais a pris gout A la consommationdu pain, surtout du pain français,c’est parœ qu’a Lomé on fabrique du bon pain, mieux encore que danscertaines boulangeries en France, puisque œ sont desFrançais qui sont venus donner desformations à desTogolais ici. Le Togolais s’est mis à manger du pain français, tr& agrkable et t& pratique aussi, parœ que ça demande moins de temps pour s’alimenter. Le Lomkt mange surtout la salade le dimanche, melangee avec toute:sorte de condiments, des sardines, des oeufs, de la mayonnaise, de la viande.. Mais quandil a fini de mangertout ça,il crie à safemme : «Et ma pAte ?».

Je connaisun monsieur chezqui j’étais,sa femme lui a preparé justement cette salade,avec du haricot flageolet,du pain bien coupe,du beure, tout ça à côté, et puis il crie à la femme : «Où est mon akoumé-udémè?» (13). La femme dit : «Mais, ecoute,

(13) Akoumd =Patedcr?laik, adht? = sauce aux fèuiUcs.

22 Papa,avec tout ce qu’il y a sur la table ?».11 dit : «Ah non, même si je ne peux pas le manger,je veux avoir mon adémè sur la table !».

- Q - Donc le T~goIa~~ surtout de L.uméers, a toujours su prendre le meilleur de tout ce qu’il y avait, que ce soit autochtone ou importé ?

- C’estcequejeviensdedire;ilappréciecequiest importe,mais il n’enest pas trop friand Il le mangeoccasionnellement. Il vous mangeratoute une tonne de gratins de pâtes,de la mackdoinede légumes,tout cequi estd’aliments occidentaux, mais en sortant de table,il va lui falloir aussisa p2te, son foufou, son igname,et même son riz..

* * *

- Q - Revenons d votre enfance d Lomé. Comme petit garçon, est-ce que vous n’aviez pus peur d’aller dans le quartier commercial ?

- Non, au contraire, c’estlà-bas que nous nousreunissions dans notre jeunesse. Nous,dans notre enfance,nous avionsdéjà connu le cinema,tout ça ! C’etait notre lieu de rencontre, de rendez-vous ou de rassemblement,avant d’aller sur la plage jouer auxbilles, à l’acoto (14), fairedes jeuxde compagnie...

- Q - Vous alliez souvent vous baigner dans l’océan ?

- On échappaitau contrôle desparents pour aller nousbaigner discretement.A notre retour, ils savaient bien comment faire pour deceler si nous nous Ctions baignés: ils nouspassaient la languesur la peau.Si la peau etait salee,alors on recevait descoups... Pour tromper leurvigilence, il y avait une eau chaude qui coulait depuis I’UNELCO (15) : l’eau de refroidissementdes moteurs,qui venait sejeter à la mer la- bas.Ça faisait une sorte de petit lac.Alors, aptesla baignade,on allait serincer la-bas : on n’avait plusde sel sur la peau,et on rentrait tranquillementà la maison...Nos parents nousinterdisaient de jouer au ballon à causedes risques de fracture : à l’époque,quand on jouait au ballon, c’estvrai qu’on s’acharnait plutôt sur le tibia du copain que sur le ballon ; alors nos parents nous le refusaient...

- Q - Quand vous étiez jeunes d Lomé, quelle était l’école lu plus renom- mée?

- Je crois que toutes les ecolesse valaient. Moi, j’ai fait toutes les Ccolesde LomC. Je ne peux pasvous preciser la date exacteoù je suisallé à l’école parce que, dansla communauteAnthony, on a commenceà la missionprotestante, à la plage (16). Dans chaque classe,il y avait environ 85 % d’Anthony... En grandissant un peu plus

(14) Coquille d’escargot taillée en toupie. (15) Union Electrique Coloniale, anchre de la CEET (au même emplacement, avenue du Golfe). (16) près du temple, rue Foch

23 tard,on m’a changed’&ole -je ne saispas pour quelle raison.Ensuite j’&ais à la mission catholique pendant un certain temps,et aprésje suisalle à l’&ole r&ionale, c’estàdire à l’&ole officielle de la route d’AnCho.

A Lom6, il y avait plusieurs&oles : l’écolede la route d’An&ho (17), Ncole Boubacar (qui s’appelait à l’époque «&ole Santrehonow), l’école Bohn, l’dcoleMarius-Mo~tet, I’ecoleSanoussi, sur un etage.Moi, j’ai fait tout ça,je suispassé partout... Alors je peux vous dire qu’elles se valaient toutes, à l’époque. Quant a apprécier nos instituteurs, moi, personnellement, à tous je tire un grand coup de chapeau,mais surtout à desmaîtres tels que M. Apedo-Amah Moorhouse, le maître Ekut! Martin, à l’&ole catholique le grand maître David, etc.Je leur dis tous merci !, parce qu’ils nousont fait du bien.

(17) voir chlaph a

24 no 3

UN ARTISAN MAÇON

M. Gabriel EKLU-NATEY (né à Lomé en 1901)

-Q- Monsiiw Ekkù-Natey, vous êtes sans doute l’un des pih anciens habita& & Lomé. Quel @e avez-vous ?

- Je suisne à Lomé en 1901,et j’y ai commencémes études allemandes en 1908.

- Q - DM était venu votre père ?

- Nous sommesd’Adangb&, à 20 km derrière Ts15vie(1). Mon père n’a pashabité à Adangbe comme nousnous habitons Lomé. Nous sommesdes Lomt!ens. Mais main- tenant je suisproprement un vieuxd’Adangbé. Je suisnomme «papa» à Adangbe.

- Q - A Lmntf aussi, bien st2r.

- A Lomé aussije suisun papa,et «le constructeur».J’ai construit beaucoup de maisons.C’est moi qui ai construit l’hôtel du Golfe, dansles années1950. J’ai construit aussibeaucoup d’koles pour la missioncatholique.

- Q - Quelles Ccokès aviez-vous vous-même frkquentées ?

-J’ai fait Ecole catholiqueà LomB de 1912jusqu’en 1916, puis Ecole anglaiseà partir de 1918,pourdeuxans.

Ap&, j’ai éte engagt!par la maisonJohn-Holt, une firme commercialequi etait it Lame b œ moment-l& En 1922,j’ai comme& & apprendre le metier de la construo tion, comme jeune apprenti maçon.J’ai fait quatre anset j’ai eu mon certificat de fin d’apprentissageen 1926.J’ai commencea travailler iI Lon14avant d’aller en Gold Goa@ (qui nUait pasencore le Ghana B œ moment-U), oh j’ai travaille pendant deuxà trois ans,puis je suisrevenu au Togo pour reprendre mesactivites de maître maçon.

(1) Lcr Adangbt!, or@nah du littoral aujourd’hui gtwnten mix Accra et l’estuaire dk la Volta, ont mi@ dam le sud du Togo F, mm?-dtbut XWIIL sicclcs. Ils ont abandonnt leur langue pour l’twd 25 - Q - Dans les antuks 1920, combien étiez-vous de maçons d Lomé ? Etiez- vous nombreux à faire ce rvu!tier ?

- Nous étions nombreux: plusde 60 maçons! En 1927,j’etais déjà grand maçon. J’avais engagéde jeunes garçonsde 15,16,18 anscomme apprentis-maçons chez moi. Je fus nommé directeur desjeunes maçonsde la ville. C’est à cette époque que j’ai construit la maisonque j’habite maintenant,

- Q - Cette maison «Gott mit Uns% d Amoutivé, aux cor@rs d%noutivd et de Lom-Nava, Ià ou nous sommes maintenant et qui a une architecture très originale. En quelle année l’avez-vous construite ?

- J’ai achetele terrain en 1927et j’ai commencela constructionen 1928.

- Q - A l’époque cette maison devrait être isolée au milieu des plantations de cocotiers ?

Oh... il y avait beaucoup de cocotiers,qui n’étaient pasbien grands parce que Lomé était encore trétsjeune, et les cocotiersaussi.

- Q - Avez-vous toujours habité cette maison depuis un demi-si& ?

- Depuis 1928jusqu’aujourd’hui, j’habite chezmoi-même.

- Q - Quelle est l’origine du nom de ce quartier ?

- Notre quartier s’appelait Lom-Nuva parce qu’ici, on etait loin de la ville. Si quelqu’un achèteun terrain et construitsa maison, il peut donner le nom qu’il veut à son coin. C’est pourquoi nous, ici, Eltantloin de la ville, nous disons «Lom-Nuva» : «Qui m’aimevient me visiter» (2).

-Q- Est-ce que vous connaksez les vieux qui ont donné le nom d ce quartier ?

- C’est moi-même qui lui ai donné ce nom. Ici, tout le monde me considere comme le plus vieux.

- Q - Revenons à votre formation comme apprenti maçon. ,4ctueUemen.t, d Lomé, Papprentissage est tr& homogène : à peu près tous les atetiers font la même chose, avec un contrat écrit que l’on signe après une période d’essai (en général trois mois) et avec une somme d’argent que l’on verse par moiti.& au début et d ta fin de l’apprentissage. Est-ce que c’était déja ainsi de votre temps, quand vous étkz vous-même apprenti ?

-Non, ce n’etait pasvraiment la mêmechose. J’ai travaille tout d’abord comme

(2) Autrement dit : seuls ceux qui m’aiment vraiment feront l’effort de venir jusqu’ici

26 manoeuvre avec les maçons et apres, on m’a donne des outils pour commencer a construire, à poser desbriques pour les fondations.

- Q - Est-~ qu’il y avait d@, comme maintenant, une sigruUm & wntrat ? - Oui, il y avait un contrat à signer.

- Q - Qu’kst-ce qu’on d&nait, avec ce wntrat ?

- Pour le contrat,on ne donnait rien. On &rit quevous aller apprendre le métier pendant sept ans. On vous dit d’être obéissantà l’atelier comme à la maison,de faire exactement ceque le patron exige de vous.

- Q - C’est-à-dire que, en ce temps rct, l’apprenti ne payait pas, mais il travaillait gratuitement pour son patron pend& longtemps ?

- Les apprentisn’étaient paspayes, mais ils gagnaientquelque chosepour leur nourriture. Cest au patron qu’on payaitpour tout le travail que nous faisions.

- Q - Vous habitiez chez votre patron ?

- Oui, nous habitions danssa maison,et nous travaillions avec lui comme de jeunes garçonspour leur père.

- Q - L.e père de l’apprenti n’avait donc rien d payer ?

- Le père payait ! A la signaturedu contrat,on payaitquelquefois (a ce moment- la) u30 francs à 400 francs.A l’epoque,les francsvalaient beaucoup.C’est pourquoi, si on vous demandait 200 francs,c’etait trèsbien...

- Q - Avec des bouteilles de vin ou de schnapps ?

- On ne prenait pasde bouteilles pour le contrat chaque fois. Quelquefois on donnait une bouteille de schnapps,ou une bouteille de gin. Il n’y avait pasde sodabi (3), de notre temps,C est maintenantqu’on donne du sodabi.

-Q -Y avait-il déjd, en ce temps-là, une cérémonie de libération, le «free» wmme lis ps disent, 03 l’on fait la fête ?

- Oui, si le moment est arrivé, on nous impose de donner quelque chose,de payer de l’alcool, de la nourriture... C’estpour les gensquiviendront bénir et encou- rager les apprentis au coursdes dremonies.

(3) Alcool de distillation (illkgale) du vin de palme, d@m! au Sud-Togo hns les ann&s 1930.

27 - Q - Après, est-ce qu’il y avait un uretnerciement~, c’est-à-dire que, une foi% libéré, l’apprenti doit rester avec son Pa&on encore quelques moLF ou quelques années ?

- Non. Après la 44 année, le patron engageles garçonscomme ouvriers, et on leur paie ce qu’ils font comme travail.

- Q - Quand vous-même étiez patron, dans lès annt%s 1930, 1940, 1950, comment est-ce que cela se passait ? A quel moment est-ce qu’on a vu apparaître ce système où l’on paie au patron moitit! au début, moitié à la libération ? - De notre temps, nous n’avions rien paye.Nous étions très obeissants.On travaillait avec le patron jusqu’a la fin du contrat.Maintenant lesjeunes sont obligésde payerauxpatrons parce qu’ils n’écoutent plus.S’ilsvoient qu’ils sont un peu avances dansle travail, ils quittent le patron sansson accord.

- Q - Les apprentis que vous avez formés vous-même étaient-ils obéi.ssat& ? Restaient-ils avec vous ?

- Oui, il y a quelquesapprentis qui étaient ob4ssants; et il y en a aussiqui m’ont quitté avant la fin de leur contrat... Nous avons le pouvoir de maudire lesapprentis qui nousquittent avant la fin du temps réglementaire. S’ils nous quittent comme ça, et que nous leur lançons notre malédiction, ils souffrent, ils ne trouvent pasdu travail ou ils travaillent mal, pasbien commeil le faut. Si l’apprentifait lesquatre ans à la satistktion du patron, au momentoù on lui donne son certificat, on demande que Dieu le b&isse, qu’il le guide. S’il n’a pas de travail à faire, il peut retourner chezson patron, qui pourra lui donner du travail. C’estpourquoi noussommes trks fiers de dire qu’il faut apprendre le metier jusqu’à la fin du contrat. S’il quitte comme ça,avant la fin, Dieu lui-même fait qu’il n’arrive pasà travailler.

- Q - Est-ce que vous avez encore vo& cert$cat ?

M. Eklu-Na&v d&oche du mur un papier sous verre, marq& ucert@èa& et sa photo quand il htait jeune. On y lit :

#Suivant l’inspection faite en date du SI0211 940sur mon nouveau batimentpar M. Betion, surveillant des travawpublics, et M. Maillet, administrateurdes Colonies, chef de la subdivision de Lomé; je, soussigné M. G&fied Edorh, employd de com- merce, demeurant et domicilié tl Lomé, certifie que le nommt! Gabriel Eklu, maître ouvrier maçon, est un homme digne de foi et maître rt!gulier.

Lomé, le 10 février ,194O.s

28 Suit une série de signatures et, ajouté d la main, : u.Te certifie que le travail de maçonnerie qui nous a étéprésenté fait honneur h l’entrepreneur Gabriel ElUA Signé L.KM. Commandant la subdivihn de Lom&+

- Q - Quand vous aviez eu ça, vous hz déjd un martre depuis longtemps?

- Ça, c’estle certilïcatadministratif qu’on m’avait dom&. Et je l’ai gardé,n’est-ce pas? Et s’il y a un apprenti qui travaille avecmoi, avant salibération, je le lui montre. Il faut qu’il fassecomme moi, commej’avais fait pour avoir œ certificat.

-Q - Ce qui est frappant, c’est cette caution off~ielle du upréfeh de Ihn&, qui va signer uu diplôme dè maître mugon. Est-ce qu’on vous le demandait aussi quund on vous confiit un chuntier ? Est-ce que les ~lien~.~ demun- dalt d voù votre cert$bt avant de vous confier leur maison d construire ?

- Quelquefois nous le faisions; quelquefois nous ne le faisions pas...

- Q - Quand avez-vous cesTé de travailler comme maçon ?

- Cesséde travailler ? Non, je n’ai pasencore cesséde travailler ! Je travaille pour moi tout le temps.Aujourd’hui même,je suisun maçon,je travaille. C’estmoi qui suisen train de construirel’kole allemandeici (4).

- Q - Est-ce que vos fils ou vos petits-fils ne sont pas mkontents de vous voù tenù encore la truelle ?

- Non ! Ils sont plutôt joyeuxde me voir travailler encore, parœ que mon âge, c’est87 ansdéjà, et que je travaille toujours. J’ai beaucoup travaillé dans le passe.Et vous pouvez voir l’intérieur de l’egliseSt-Augustin d’Amoutiv6 (5). C’estmoi qui ai fait tous les arcs : les arcs,c’est mon oeuvre !

- Q - Il paraît que c’est Mgr Cessou qui a dùig6 en personne les travaux de cette église.

- Ce n’estpas lui qui a dirigé les travaux Il a donne les travaux à faire, et nous les avons ex6cut6s.

(4) Ecole sifude pr& de la CICA-Toyota qui doit s’appeler «Herzog von Mecklenburga. Projet gennuno-togolais avec des vieux du Togo alkmanrl, qui ont dema& que l’Allemagne les aide b construire cette kole (restke inachede). (5) consnuite en 1933-34.

29 - Q - En quel matkiaux ext-elk construite ? Est-ce qu’elle est en briques cuites ou en ciment ?

- Quand Monseigneuravait achetéen Europe cehangar en fer (6), nous l’avons bien place. Apres, on m’a confie les travaux de crepissageet desoeuvres d’art qu’on trouve dansl’église.

* * *

- Q - Je voudrais revenir sur l’histoire des techniques de maçonnerie d Lmm?, parce qu’on a ici des maisons d’un style très particulier, qui se trouve d Grand-Popo, d Ouidah, Porto-Novo, mais pas ail&urs en Afrique. D’où venaient les gens qui ont fait ce style, qu’on appelait le style Porto- Novo dans kès ann&s 1920-30 ?

- Les premiers maçonsqui étaientvenus de Porto-Novo, Ouidah, Agoue étaient desPortugais (7), les premiers qui ont appris aux gens à construire. Après eux, nos patrons ont eux-aussiappris chezles Portugais.

- Q - Le patron qui vous a formé vous-même, 03 avait-il reçu sa formation?

- Il a eté forme ici, à Lomé.

- Q - Est-ce que vous savez d%ù venait le patron qui a formé votre futur pafron ?

- Non ! Je nepeuxpas le connaître. Je saisque mon patron est d’Adafianu. Il a appris son metier chezles Nago (S),qui l’ont appris chezles Portugais.

-Q- Cette construction des ann&s 1920, dans laquelle vous êtes maître maçon, qu’est-ce que cVtait ? Surtout de la brique cuite, dè hz brique crue?

- C’etait premièrement avec desbriques crues,et on a continué en faisant des briques cuites.Le cimentest venu apr&, et on a commenceà faire desblocs de ciment. C’estmoi qui ai construitl’h&el du Golfe pour Monsieur Mineto (9). En cemoment-la, nous étions deja auxbriques de ciment.

(6) La charpente mhallique. (7) C’est-d-dire d’anciens esclaves rapatrit% du Brt%iJ d partir 1 1835. (8) Yotuba, en &tkal ntumhw, descmdants de ces rapatriks du Brésil, otJ beaucoup avaient reçu une fomtation artisanale. (9) Entrepreneur de spectacles des am&s 1930-1950. 30 -Q-Jereviensa~x~~~&w~~~ndansler~1930;os~- ce qm cVhait les riches qui wnstrukaieut en briques cuites et les gens plus modestes qui construisaient en adobe, ou bien est-ce que les gens choisissaient ind@remment l’une ou l’autre ?

- Il y a des gens qui construisaient avec des briques crues et d’autres, plus riches,avec desbriques cuites.Mais si quelqu’un voit qu’il peut construire plus riche, plus cher, il casseet reconstruit avec les blocsde ciment

-Q-lhscesannth193O,enquoitWentfaitshkoi&?Est+equVlpavait vraiment dtjd beaucoup de tdkès ?

- Oui, beaucoupde t&s, parœ que les Allemands avaient apporte beaucoup de ti31es.

- Q - Il nJ, avait donc déjd plus de toits de pailie à Lomé daus ces auu& 1920-1930 ?

- Oh, si. Il y a destoits de paille aujourd’hui mêmeà Lomé.

- Q - Tr& peu...

- Il faut savoir qu’avant, on ne couvrait pasles maisonsavec de la t61e,qui n’est venue qu’après. Maintenant il y a des maisons qu’on ne couvre plus avec de la t61e parœ qu’on est content d’avoir desmaisons en beton, couvertesen dalle de b&on. La mienne aussi.

- Q - Quand donc sont apparus d Lomé les murs pour clôturer kès parcelk~, si cardristîques de la vil& ?

-Je peux dire à partir de 1920; c’est-à-dire que, au debut, les maisons Ctaient toutes entourées d’une cl6ture de paille. Je crois que c’estdans les années1925 que l’administration a exigéqu’on mette à la placedes murs pour entourer les maisons.

- Q - Aujourd’hui depuis vingt ans, on ne wnstruit pratiquement plus quIaveu: du parpaing de béton. Est-ce que, pour vous, c’& vrahent un progrès par apport à la brique d’auttx$ok ?

- Oh ! je ne peuxpas dire que c’estdu progrès, parce que je n’ai aucuneidQ la- dessus.

- Q - Este une bonne chosz d’abandonner la brique cuite pour le bloc de ciment ?

31 - Q - Vous pourriez encotx? revenir aux briques cuites ?

- Ah non ! parœ qu’il y a beaucoupde ciment maintenant.Tout le monde aime que samaison soit faite en blocsde ciment.

-Q-Queue4SChmérhodehplusmpidepourconstruire:lesblocsou~ briques cuites ?

- Selon la volante ou le désir du client. Pour nous, maçons, nous sommes toujours habilesdans le travail desdeux sortes de briques.Qu’importe si c’estla brique cuite ou le bloc de ciment ?

- Q - Quunt d kà fraîcheur dàns là maison, est-ce qukne maison en briques n’est pas plus agrhble d habiter quke maison en ciment ?

- Non, parœ que nous sommes obliges de faire beaucoup de fenetres à la maison.

- Q - Autrefois, on construkait dès maisons très simples, très sobres. Il pouvait y avoir des étages avec quelques petits élhents de dkcoration, mais c>étai.t quand même des maisons qui étaiht très simpiès. De nos jours, on aime les formes compliquées, des formes arrondies, les fenêtres circulaires, les colonnes ihcurvh... D’aprés vous, d’ad vient cette modè?

- Ces modesviennent d’Europe.

- Q - Oui... mais en Europe, je n’ai pas vu des maisons aé ce style. Il sembb qu’il y a quel+ chose de tout d fait typique d Loti actuelhnent...

- Ah oui, nous exploitons œ que nous avons vu.

- Q - Sans doute les maçons se copient-ils les uns les atir@ ?

- Oui, nous nous copions toujours les uns les autres. Sivous avezvu quelque chosede typique quelque part et que œlavous plaît,vous pouvez le faire ; œ n’est pas obligatoire, maisvolontaire.

-Q- Et, par txempk, mettre des plaques dè quartz&? pour décorer lës maisons, ça aussi, c’est relativement récent. Est-ce que vous l’avez fait quand vous &iez en pleine activit4 ?

- N’importe quel modèle,tout œ qui est moderne, on est content de le faire... Il faut agir selon lavolonté du client. S’ilvoit quelque chosequi lui plaît, n’est-œ pas ?, c’estobligatoire de le lui taire.

32 - Q - On peu penser que le ph&omène dè mode est très important : &s cüents veulent h maison qui est d hz pointe de la mode, pour faire wmme lès metim maisons riches, même si ckst phts cher et pas forcement plus solide.

- Ah oui, nous,si nous voyonsquelque choseet nousvoulons le taire comme le patron ou notre ami, et que nous n’avonspas assez d’argent, nous pouvons commencer petit à petit notre maison.Il taut quelquefoisjusqu’a dix ansavant d’acheverles travaux.

- Q - Mizçm, ckst un beau mktier. Est-ce que vous y avez pou& certuins de vos enfants ? Si un jeune démandait conseih vous l’onentera vers hz maçonnerie ?

- Mon propre fils s’appelleEklu Mathéo ; il estchef maçonaussi, comme moi. Je lui ai appris le métier ; je laissele travail pour lui et il fait commemoi-même. Je ne veux pasque le métier de maçonquitte notre maison.

- Q - Vous êtes donc une famille de maçons, et fdre de l’être ? - Oui, fier, parce que mon grand fils aussia appris le metier de maçon, parce qu’on veut garder le travail de notre maisoncomme notre signe.

- Q - Comme signe di&c$f dè h famille et d’un amour du travail bien fait...

* * *

Changeons maintenant un peu de sujet. Vous aimez beaucoup L’Allerna- gne? Autrefois il existait le «Togo-Bund» (10). Est-ce que vous pouvez nous en parler ?

- Moi, je suis le vice-président du Togo Bund. Si vous voulez, maintenant, je peux vous montrer les lettres que j’avais reçues de mon patron, parce que je peux 6crire l’allemand plus que l’anglais ou le français. Je n’ai jamais frequente 1’6cole françaiseou anglaise.J’ai fréquente 1’6coleallemande, et je suisfier du Togo-I3w4, et jeTaime.

- Q - Il y avait un Togo-Bund à Accra dans les annkes 19254930, n’&-ce pas?

- C’est M. Agboka qui a crée le Togo-Bund à Accra. Moi, j’aime toutes les nations. Je suis un sujet qui ai appris un metier européen. J’ai commence avec les

(10) Bund der Deutschen Togoliinder : Aigue des Togolais alkman&~, installke en Gold Caast (Voir au.& chapitre mivant), d’oti elle multiplie les pétitions pour akmamkr le retour des Allemank (Les archives de la S.D.N., d Gem%, en conservent 17, reçues d’aoat 1928 b a%xmbre 1934, mues C+a sans suite...). 33 Allemands, et il faut qu’un fils aime son père. J’aime le Togo-Z&&, parce que c’est l’allemand quej’ai appris premierement ; et j’aime l’anglaisparœ que c’estla deuxieme languede mes etudes; et j’aime le françaisparœ que c’estau moment.des Français que j’ai appris mon metier pour vivre. Je parle avecvous aujourd’hui en français, mais je repète que je n’ai jamaisfr6quenté l’&ole française.J’ai fréquenté l’&ole allemande : Zchbin ein uiw%Zw S&&T = <

- Q - Vous aimez lès Alhnands ; avez-vous longtemps souhaité leur retour? - Mais je ne veux pasperdre œ que j’ai appris. On dit : pourquoi êtes-vousdans une colonie françaiseet aimez-vousl’allemand ? C’estœ que j’ai appris premièrement, il va de même pour l’anglais. Sije rentre aujourd’hui en Europe, je n’aurai pasbesoin d’interprète ; tout le monde sera mon ami parœ que les Allemands, les Anglais et les Françaissont dansmon corps.

- Q - Pourquoi êtkz-vous parti du Togo pour Accra ?

- Oh, je travaillais la-bas.

- Q - Tout à l’heure vous wez dit que le Togo-Bund avait des relations avec Accra ?

- Parœ que M. Agboka, qui avait quitté Lomé pour Accra, avait toujours de l’amour pour l’Allemand ; c’estpourquoi il a cr& le Togo-Bund, pour que tous ceuxqui ont émigré comme lui en Gold Toast puissentse retrouver dans un cercled’amitié.

- Q - Le Togo-Bund n’avait-il pus l’idbe de faire revenir les Alhnands au Togo ?

- Non ! Ça, c’estdu mensonge !

- Q - Comment avez-vous vécu la guerre de 1914 ?

- J’avais 14 ans quand I,aguerre a eclate, en 1914.J’étais à l’école allemande jusqu’en 1916-17,moment où j’ai reçu mon œrtifrcat.

34 - Q - Este que vous avez arsisté d lkrriv& des troupes angles, kè 12 août 1914, d Lomé ? Est-ce que vous vous en rappelez ?

- Oui, oui, je me rappelle, parcequ’on nous a dit que les Europkns, s’ilsveulent detruire un pays qui est en bordure de la mer, ils envoient des bateaux pour le bombarder. Ainsi, ma famille avait quitte Lame pour rentrer dansla brousse,a T&vie ou à Adangbe, pour éviter les bombes.

-Q- Est-ce que vous vow rappelèz ces premiers temps de l’occupation anglaise ? ces troupes angliaist?s, qui Ment noires t’étaient des Sierra- Monais-, est-ce que vous lks ressentiez comme des ennemis ?

- Non, non ! nous ne savions pasce qu’on appelle ennemi, en ce temps là. Ce sont des hommesqui sont venus, des soldats qui sont venus ; nous n’avions aucune différence entre l’ennemi et l’ami.

- Q - Avez-vous rencontré ces soldats dùns h rue ?

- Oui ! Nous chantions avec eux dans la rue : «Oh ! oh ! oh ! soldatspassent, soldatspassent !WEt c’étaittout. Nous avions vu les Allemands,les soldatsallemands et les soldats anglais,puis les soldats français. Quand ils sont rentres, ils sont tous des soldatspour nous.

- Q - Vers la fur de’ la guet, vem 1917.1918, est-ce que vous, vous pensez que les gens espéraient que les AL%ma.ndk revrendrarent, ou est-ce qu’ils espéraient que les Anglais resteraient ?

- Le changementdes méthodes de la conduitede la ville a fait que quelquesuns disaientque, au momentoù lesAllemands Ment avecnous, ça ne sepassait pas comme ça. Quand les Anglais ont quitte et que les Françaisont occupele Togo à moitit!, alors desgens disaient : «Oh ! avec les Anglais, c’etaittrès bien !». Ainsi, quand les Français sont venus, beaucoup ont quitte le Togo pour suivre les Anglais à Accra, en Gold toast.

Au temps desAllemands,si on arrêtait un voleur, on lui cassaitlecul, n’est-ce pas ?, avec le bâton et on le jettait en prison. Avec les Anglais, si quelqu’un fait les memesbêtises on dit : oh ! voilà, aThief! thief !you go away here! » Et apr&s,on lui donne une petite punition. Quant auxFrançais, ils ne veulent pasles voleurs parœ que le voleur derange les gens. Vous ne pouvez pas dormir sansfermer la porte. Les Françaissont tr2s sevères,comme nous en avionsvu dansma jeunesse.Ils font du bien pour œlui qui seconduit bien et chicotent(11) œlui qui tait du mal.

(11) Battre b coup de badine.

35 - Q - Et pendant la saconde guerre mondiah, &-ce que vous pensez que les gens de L.omk attendaient le retour des Allemands ou est-ce qu’ils prbf&aient que les Françat restent ?

- Les gensde Lame n’avaient aucune pr6f6rence. Nous etions dkjà habit& avec les Européens. Ceux qui viennent cheznous, rester avec nous,sont nos amis,et je suisun ami desAllemands, un ami desAnglais, un ami desFrançais...

36 no 4

UN FONCI’IONNAIRE ET HOMME POLITIQUE M. Georges Amakoé APEDO-AMAH (né en 1914 à Aného)

-Je suisarrive à LomC definitivement en 1926.C’Ctait pour subir l’examen du certificat d’etudes.C’etait un kvenement.Nous Ctionsune centainede candidats,dont on n’a retenu que 44 admis : œ n’etait pasbeaucoup... C’était une fête, c’etait quelque chose ! On n’a pasl’idee de œ que c’était !

-Q- C% devht être la toute première promotion, ou peut-h? là deuxième ?

- Non, œ n’était pasla premiete, ni la deuxieme: c’etaitla sixieme,je crois.On avait commenceà faire le œrtitkat d’étudesen 1920.

- Q - Oui, mais, h Lomé, 1920, c’est kè moment OLI les Anglais pussent la main aux Français ; les écoles frwaise n)r ont commencé qu’à ce moment-h. Vous avez donc fait partie dè cette @at+&on qui a débuté l’école à partir & 1920 ? - Oui, j’etais déjà à Ecole en 1920.

- Q - A quelle école étiez-vous d ce moment-là, d l’école française ou anglaise ?

- A l’&ole frayise, à Aného.

- Q - En Qèt, les Français t%aient d Anèho depuis 1914, et M~ole y avait alors dt!buhZ en frBnçak. Le cert$ùxt, en 1926, c’est P&ape majeure de kà vie diur e@nt qui arrive à la fur des &As primaires, n’est-ce pus ? - Exactement,et c’était dlebre comme quelque chosed’extraordinaire, alors que maintenant les candidatsau œrtitkat d’etudessont innombrables.

Jevous disais donc que c’està cetteoccasion que je suisvenu à Lomé definiti- vement. J’kais déjà venu deux ou trois fois avec mesparents. Mais cette derniere fois, j’etais un grand garçon, prêt à affronter le savoir.

37 - Q - Quel &ge aviez-vous en ce tkwnps-ii3 ?

- J’avais onzeans. Lame &ait une trespetite agglomeration,qui s’etendaitde la mer au Zongo, là où il y a la nouvelle BTCI ; le Zongo était un quartier exœntr6.Et, ici, le quartier que j’habite maintenant(1) n’existaitpas : tout à l’entour de la ville, c’étaitdes plantations de cocotiers, sauf le Zongo (ou descendaient les étrangers, ceux qui venaient à Lame), et puis Amoutive, qui etait encore un village separe. Il y avait de grands espacesvides qui separaientLame d’Amoutive, qui est devenu maintenant un quartier de la ville.

- Q - En arrivant d’Qn&o, qui était quand même une vrai& vi&, pas un V&S, qukst-ce qui vous a fmpp& en voyant Lomt! ?

- Ah ! Lomt, bien que petite, était quand même remarquable par rapport ii Aneho. Ce n’etait pasquelque chosed’extraordinaire, mais tout de méme,on remar- quaitqu’ilyavaitbienplusdegensàLom6qu’àAnCho; ilyavait les &oles,la foule...

- Q - Par h: suite, vous avez wntinué hz sckrkation secondaire d Lomé?

- Il y avait cequ’on appelait alors le cours complementaire, que j’ai frequenté pendant trois ans. Ceux qui avaient de la chanceils Ctaient très peu nombreux (2) allaient en France pour suivre dans les Lycks. Voilà cequ’etait la vie scolaire en ce moment-la. Si vous aviezvotre certillcatd’etudes c’etait la lin ; vous vous arretiez-là,et vous cherchiez un travail. Vous n’en cherchiezpas en réalite : on vous invitait à aller combler les vides qu’il y avait ii œtte époquedans l’administration ou dansles aft%ires.

- Q - A onze ans, on ne vous proposait tout & même pas encore d’entrer dàns l’administmtion ?

- Non, bien sur. Il fallait que j’accomplissele cyclede cette École,œ qui faisait quatre ansen plus.J’ai BtCdisponible pour travailler a l’âge de seizeans.

-Q- Ce wum wmplthmtuh, CM bien ce qu’on a appel2 ensuite le Lyc&e Bonnecarrère, en face de la grande poste ?

- Oui, c’estœt immeuble-la (3). A l’origine, œ n’était pas œla. J’ai fait ma deuxieme la-bas. La Premiere ann&, nous Ctions dans une école... Comment ça s’appellemaintenant, la Direction près de la CFA0 ?

-Q-La SNI?

- Oui, c’estça ; j’ai fait ma Premiereannke là Il y avait d6jà desgens qui faisaient la deuxieme anrke. Nous n’étiolnspas nombreux. Dans ma classe,nous etions onze condisciples,et dansla classeau-dessus, ils Ctaient moins que ça, neuf ou sept... (1) hw--kPe pr)s de ta P@-= (2) Un en 1926, un en 1927, mis en 1924 qd pa.smmt lau baccolmutat en 1931. (3) L..e b&imuu (octue& ENA) c.vt ce en 1927-28. 38 - Q - Avez-vous gardk en mémoire certains noms de votre promotion 1

- Oh.., ils sont morts, pour la plupart. Mais je peux encore parler de cette epoque : Hans Grüner, Ernest Krüger, Louis Kokou Hunkpati, Huedako Ambroise...

- Q - Le corps enseignant était-il entièrement français ? - Entièrement français.Les instituteursde Francequi étaient détachesici assu- raient aussila direction de l’Enseignementdu Togo, en même tempsque la direction du courscomplémentaire de Lomé.

- Q - Est-ce que vous avez le sentiment qu’ils s’adaptaient à ce pays qui etait nouveau pour eux, qui avait connu une scolarisation dans une tangue différente ? Est-ce qu’il y avait un effort pour avoir une qualité particulière d’enseignement au Togo, ou est-ce qu’on y faisait la même chose que partout ailleurs ?

- Oh, je crois qu’on faisait la même chose que partout. Il n’y avait pas de conditions particulières auxquellesils auraient dû s’adapter.A mon avis,c’etait facile pour eux.

-Q- Vers 1930, vous terminiez donc votre cours complémentaire, et ensuite ?

- J’ai éte engagétout de suite pour travailler.

-Q-03?

- Ecoutezbien : au cabinet de ce qu’on appelait alors le commissaire de la Republique, c’est-à-dire le gouverneur du Togo.

- Q - Quel gouverneur ?

- E3onnecarrèrelui-même (4) !

- Q - Que vous faisait-il faire, à quinze ans ?

- Ah, j’etais à peu près comme un homme. C’etait pr&oce, c’estvrai ! Ce qu’on me demandait,c’etait le travail de commisexpeditionnaire, comme on l’appelait autre- fois. Et dest par la suiteque je me suisdegage, je me suisadapte moi aussiau travail, à ce qu’on pouvait me demander.

(4) Au Togo de janvier 1922 d a%xmbre 1931 ; il a fortement marqué le Togo fiançais.

39 u - Q - Od bit votre svvice ? Dans l’actuel palais des gouverneus ?

- Oui. Je croisque j’ai travailld danspresque toutes les piïkzs; j’allais de section en section. Il y avait, en ce moment-l& le cabinet proprement dit, le bureau du Personnel, le bureau desAffaires politiques... Je circulaisdans cesbureaux.

-Q-Al’époqueallemande,,yavaitunpetittrainquireüaitlepalaishla ville. En 1930, wmment est-ce qu’on se rendait au palais des gouverneurs?

- Oh ! par la rue.. Les rues n’étaientpas goudronnks, maiselles existaient dejja On allait à la gare par l’avenue de la Victoire.

- Q - Actuels avenue de Sarakawa ?

- C’est ça, et l’autre avenue, l’avenue Albert-Sarraut (5) qui passedevant la nouvelle présidence et qui va 4 Goyi Score, à la Chambre de commerce. Et puis deni&re, il y avait une rue presquedéserte, qui côtoyait la cocoteraie.Comment est-ce qu’on l’appelait ? Je ne saisplus...

- Q - Est-ce l’avenue des Nems, qui passe sur kà petite phce ronde et qui va d L’OPAT ?

- Non, non, celle-là n’existaitpas. C’est une rue qui contournait le stade,ce qu’il y avait comme stade: les gensfaisaient de la bicycletteautour. Le stadeest resd là où il etait, maisil était t& petit à l%poque.

-Q- vous-dme, or2 habitiez-vous? - J’ai habité dansles premiers temps l’internat du cours complémentaire. Mon cousin habitait rue du Chemin-de-fer, au niveau de l’actuelle papeterie NOPATO, juste en face. C’était sablonneux. C’était un petit village. Jevoyais passerle train, et quand je le voyais passer,j’Ctais pris de nostalgie parce que ce train allait à Anèho. J’aurais bien aime le prendre, maisje levoyais passersans s’arrêter...

- Q - Vous &es donc S(U~S doute l’une des rares personnes encore vivan- tes à avoir approché le gouverneur Bonnec~re, au moins de loin. Avez- vous gardt! des souvenirs dè lui ?

- Oui, oui. ;P&aisdans son cabinet.J’étais un petit bonhomme qui venait auprès du gouverneur. J’allais levoir pour certaineschoses,ou lui-m@mevenait dansles bu- reaux.C’est un homme remarqu,able,trks Ugant, toujours bien habillé. Jeconserve de lui le meilleur dessouvenirs. Je ne l’approchaispas tous les jours, comme je l’ai fait avec sessuccesseurs, mais j’allais le voir. Il était tr& impressionnant.

(5) Actuelle avenue de la p*Rsuienue. Albert Sarraut était minhre des Colonies dans les ondes 1920. 40 - Q - Il faut rappekèr ici d nos auditeum que le gouverneur Botmecamh est md dix ans mphentant & kà France au Togo : ckst cehi qui a v&itablèment fait lïmplantahn de h colonisat~n française et qui a me114 cette politique -d l’époque tout d fait originale- d’association, avec le «Conseil des notables» qu’il avait cr& dès son arrivt!e, quelque chose qu’on ne tmuvait nulle part ailkrs.

- Je vous remercie de nous l’avoir rappel& Ça en vaut la peine. En effet nous avions cequ’on appelait le Conseil desnotables. Ils ser&tnissaient une fois par mois, ou quand le besoin sefaisait sentir,et j’ai &e quelquefois interprete devant le Conseil des notables. J’étais là, j’interpr&ais ce que disait le gouverneur, et, de l’ewd en français,je traduisaismessieurs les notables.

- Q - Les notables ne maîtrisaient donc pas assez le fra&s pour s’txpri- mer dans cette kàngue. Est-ce qu>iLF pouvaient lè faire en anglais ?

- Non plus @étaientdes gens qui Ctaientlettres, sans doute : certainsavaient ett! desfonctionnaires allemands,des infirmiers, desaides-mkkcins, les autres descom- merçants.Mais ils ne pouvaient pass’exprimer en françaisdirectement.

- Q - Ni en anglais non plus ?

-Je ne crois pas,l’expcrience n’a pasétc tentke. Et s’ilsS’&aient expri- mésen anglais,ça aurait Cteune double difficulte.

-Q- Est-ce que vous pouvez vous souvenir des personnalités les plus marquantes a% ce Conseil des notables, lès gens qui prenaient le plus ià parole et disaient lm choses les plus i.n&mantes ?

- Oui, il y avait desgens qui s’exprimaientbien : Augustino de Sot~, dont vous avez entendu parler, Felicio de Souza ; il y avait aussiAnthony, dans les premiers temps.Par la suite,il y avait le pasteurBaeta...

-Q-Le s-ur du gouverneur Bonnemrrh, Robert de Guise, n” pas une personnalité aussi sbduisante, ni un gouverneur aussi eficace, puisqu’il a eu d @iionter lès journkes d’émeute dè 1933. Est-ce que vous y étiez ? Racontez-nous un peu ces journées.

- Oh, les affaires de 33 ?J’en ai 6té acteur...Comment l’émeute a Uaté, cela m’avait surpris.A mon fige et avec mon expkience naissante,je n’avaisjamais rien vu comme p, ni entendu parler dequelquechose comme ça.Je me suisrendu au bureau le matin (6) ; l’kneute a tUaté dansl’apr&nidi.

(6) Du 24 jmwùr 1933.

41 - Q - Pouvez-vous rappeler aux auditeurs quel était le contexte qui a amen4 cette heute ?

- Le contexteétait la questionde l’in@, l’imp& trop fort qu’on demandaitaux gens,et qu’ils ne voulaient pas payer. Alors ils sont descendusdans la rue avec des palmes, en sedirigeant vers le palais du gouvernement. Ils ont et6 renvoyés par la police, mais ils sont revenus à la charge le lendemain matin (7). C’est alors qu’un administrateurdes Colonies, M. Henri Frtkt, s’étaitoffert Il a dit : «Moi, je connaisles gens; je peux leur parler», etc. Alors, il est parti en m’emmenant avec lui pour servir d’interprete. Nous avons fait le tour de laville. Ce jour-là, on est revenu bien tard au palais du gouvernement.

- Q - Y avait-il accahie aux abora du palais ?

- Oui, maisdans la ville, il n’en etait rien. Nous avonsdu, le lendemain,retourner et faire le tour de la ville Quand nousvoyions des attroupements, nous nous arrêtions, et M, Fr& parlait, j’interpr&ais. Voila pourquoi je me dis CO-acteur...

- Q - La principal& victimes, sur le moment, ont &! kès fleurs des parterm du gouverneur que la foule a pi&n&s, hst-ce pas ?

- Ce furent les seulesvictimes, en effet. Il n’y avait pasde violence : ce n’était pas dansles moeurs.

- Q - Quehphn nous a dit que les heutiem avaient une certaine chanson qu’ils chantuht. Est-ce que vous vous souveuez de cette chanson ?

- Oh ! il n’y avait pasde chansonspeciale, créée pour la circonstance,je crois. Mais on a dt3prendre dansle repertoire quelque chose...Je ne me rappelle pas.

- Q - DM baient partis lt~ heutiem ?

- Etant aup& du gouverneur, je ne voyais pasd’où ils venaient exactement,où &ait l’attroupement.Mais ils avaient pris le boulevard Albert-Sarraut,la rue qui longe le Palaisactuel.

- Q - D’après ce que j’ai lu, i& se rhnissaient h la place Tonyéviadji, c’est- à-dire pmque en fac;e dè In «HoUando~, d hagk akne par rapport au supermarché uHolhndo». Qu’est-ce que cVtait : une esptke de dancing?

-Certainement. Jenesais pass’ils s’attroupaient ChezTonyéviadji, parceque ce n’ktait pas central. Enfin, c’estprobable. Oui, Tonyeviadji était un dancing : les samedis,les gensallaient danser la-bas.

42 - Q - Vous vous y rendis aussi ?

- C’était de mon âge...Je m’y rendais avecdescopains pour danser.

. Q - Après lès jourdes exaltantes ah 24 et 25 janvier 1933, il y a l’arriv& des troupes françaises du Dahomey et r

- Et de Côte-d’Ivoire ! Un soldat de C&e-d’ivoire à qui quelque chose etait monte à la t&e a tire descoups de fusil dansla foule. Il y a eu desmorts. Ça c’esttriste. Je m’en rappelle bien...

- Q - Est-ce que vous avei! kè sentiment que ces journks ont marqué les gens, c’est-à-dire dans leur attitude vis-à-vis des nouveaux colonisateurs français ? Est-ce qu’on peut dire que jusque-ld, grke d la politique habile de Boruaecarrère, ça se passait bien, tandis que Ià, ilh rencontrent une crise économique extrêmement violente. Les gens, brusquement, ne vont-ils pas dire : ça ne va plus, ces nouveaux colonisateurs ne sont pas bons ?

- Ça n’a pasCte jusque la...On a deploré évidemmentqu’un gouverneur comme de Guise soit venu remplacer Bonnecarrere. Les sentiments n’ont pas 6tC plus loin, autant quejesache. Ilyaeu un regaind’activitédecequ’onappelait le&%gA?undu, associationgermanophile dont les membresse sont demandesce qu’il fallait faire, si ce n’estpas une bonne occasionpour sedétàire desFrançais tout de suite,et de retrouver les Allemands, qu’ils esp&aient toujours voir revenir.

- Q - Est-ce que vous pouvez nous développer ua peu plus vos idées sur le Togo-Bund ?

-Je n’ai pasles documentssousles yeux. Mais jepeuxvous en parler uneautre fois, si vous avezbesoin desdocuments.

- Q - Rappelons d nos auditewx que c’était un groupe qui s’était refugid d Accra et qui envoyait d peu près tous les six mois des petiths h la So~i&! dès Nations d Genève : j’ai rerrouv& les documents -il y a un dossier entier- qui réclamaient le retour de unos maiIres &gi.times, le-s Alhxuuuh Ceci jusqu’aux ann& 1936-37. Apparemment cela reposait sur quelques indi- vidus, et, quand ceux-ci se sont las&, touf s’est dissous. Mais est-ce que, dans l’adminktrafion française OIJ vous t%z, vous y prêtiez vraiment attention ? Est-ce qu’on s’inquiètait de ces groupes, ou bien les traitait-on par le mépris ?

- Oh non ! Paspar le mepris ! On s’eninquietait, on cherchait avoir les gens,à savoir qui ik étaient.Et même Bonnecarr&e causaitavec quelquesuns d’entre eux Au depart, les Togo-Bund ne s’étaientpas réfugiés à Accra. Ils étaient ici, et, deslors qu’on a commenceà s’interesserà eux,à les approcher, ils ont preferé mettre de la distance entre eux et leurs prochains : ils sont partis à Accra à ce moment-là. 11n’y avait pas de violence, mais despetitions, regulierement. 43 - Q - Ap& ces hneutes & 1933, qui est venu h la phce du gouverneur dè Guise ?

-Après de Guise, personne! On a supprime le poste, pour faire des kconomies : on a donné le Haut-Commissariat au Togo au gouverneur du Dahomey, Bourgine, nomme commissane de la Republique au Togo et affecte presqueimm&ha- tement après au Dahomey,d’ou il dirigeait le Dahomey et le Togo.

- Q - Nous voici maùhmnt dans d& ~JZ&TS qui ont dû être un peu ternes, 03 Lomé a perdu ks fonctions de la haute administration et 012 l*hnomk est trés atone, très affaisscoe, jusqu’aux ann&es 1937-38, où il y a une certaine reprise.

- Parfaitement, cesannées-la où il y a eu ccjumelage -en quelque sorte- du Dahomey et du Togo, n’ktaient pasbien gaies.Nos Clèvesdu cours complémentaire allaient a Porto-Novo, et un grand nombre de fonctionnaires etaient affectes au Dahomey pour s’occuperdes affaires togolaisesau cabinet du gouverneur.

- Q - Et vous ?

- Moi, je n’étaisphrs à Lome a œ moment-là J%aisà Lama-Kant.Le mouvement n’a affecté que ceuxqui Ctaient à Lomé. J’ai quitte le Palaisdu gouverneur après les emeutesde 1933.

- Q - Ça comxpondait-il à une promotion ou bien d de Ca m&hnce ?

- Vous avez deviné ; c’etait en effet une punition.

- Q - Et wmment était Kara dans ces atut& 1935 ? Ça devait être un bien petit bourg...

- Ceux qui ont vu Kara aujourd’hui ne peuvent pasimaginer œ que c’etait. Ce n’etait m&e pasun petit bourg : une rue, et c’esttout !

-Q-CWait10mtecmtmk.9 - Oui, la route centrale,celle qui va jusqu’à Dapaong.

- Q - Estee qu?il y a aéjà le pont actuel, en métal et ciment ?

- Oui, il venait d’tre construit.

- Q - On peut dire que c’est k pont qui a fait la ville, n&-ce pas ? - Exactement : c’estle pont qui a fait la ville. Les gensqui venaient du sud ne pouvaient pasaller plus loin sansemprunter une pirogue ou sanspasser à gué, Ià où le fleuve est plus etroit. Cest le pont qui a permis lesvoitures, les camions...A œ moment- hi, l’activid tkonomique a demarre. 44 - Q - Vous ng &iez sans doute quiur tout petit nombre dè fonctionnaires, et tous originaires du Sud, parue qu’if y avait h l&oque peu dê gens du Nord qui étaient alphab&i& - Ah non ! Nous n’etions pas un tr2s petit nombre : il y avait beaucoup de fonctionnaires : desmkkcins, desinfirmiers,... : ça,il en avait beaucoup,d’autant plus qu’on combattaiten œ temps là la maladie du sommeil Des équipesentieres parcou- raient les villages, les cantons, pour donner des injections, faire la prophylaxie aux gens...On a tait du bon travail. Oui, nous etions tous originaires du Sud

- Q - Ci!tait bien l’&@‘pe du docteur de Maquaissac qui dirigeait tout2 cette campagne contre Epidémie ?

- Oui, c’était l’équipe du docteur de Marquaissac,bas6e à Pagouda, qui a fait beaucoup pour cetteregion et pour le Togo.

- Q - combien & temps 6% vous rest& d KWa ? - Cinq ans, de 1933 à 1938 ; et je suis revenu là où j’étais, au cabinet du gouverneur. C’était le gouverneur Montagne (8) qui était là.

- Q - Est-ce qu’il a vraiment méri&5 d’avoir une rue d Lomé ?

- Oui, commeancien gouverneur.

- Q - Vous avez donc V&U d ses cscés cette passe t& djarcile qu>a été la deuxihe guerm nmdiak, avec la p&iode oi2 k Togo suit MOF &ns hz France de Vichy, et ensuite, en 1943, bascule du côté de la France libre.

- EXactement!

- Q - Sans doute depuis k palais des gouverneur &iez-VO~ plus pen& sur la politùpe générale. Est-w que vous pouvez nous txxonstituer que& &ait là manière dont les jeunes pzs wmme vous vivaient les événements? Notamment, avaient-ils peur ou esp&aient-ils que ks Allemands revien- nent, en ws & d#iùte &fmitive de hz France ?

-Je crois que l’espoir que les Allemands reviennent n’était nourri que par les vieux, ceuxqui etaient deja murs du tempsdes Allemands, qui avaient travaille avec eux. Il faut dire que œ sentiment germanophile etait très fort chez ceux-là, mais la jeunessen’attendait rien du tout de semblable.

(8) Au Togo d’octobre 1936 b mars 1941.

45 - Q - En décembre 1939, il y avait eu Bnauguration en gran& pompe de la statue de Clemenceau (qui est aujourd’hui dfugï& dans le jardin de l’ambassade de France). Est-ce que les gens croyaient d la victoire de la France, ou bien faisaient-ils semblant parce qu’ils avaient quelque chose (2 craindre ?

-C’était le gouverneur Montagne qui avait demandé cettestatue (je crois qu’il était un fervent ami de Clemenceau).Nous, Togolais, nous avons cotise pour acquérir cettestatue. C’etait une obligation, en quelque sorte...

- Q - 03 était-elle inst& tout d’abord ?

- A l’entrée du stadeactuel.

- Q - Est-ce que vous pensez qu’il y a eu une difference importante, pour lè Togo, entre hz période vichyste et la période gaulliste ? Je préctie que rai en tête Ptxemple de ht C&-d’Ivoùe, où cela a et6 très frappant : dans ia période 1940-42, sous la France de Pétain, c’est té moment où les colons blancs (assez nomb~~.~ en CGte-d’Ivoùe, alors qu’ils étaient très peu au Togo) avaient kè mtwmum de pouvoirs et les indig&es le minimum de droits. Ce qui fait que ces whwts ont très mal pris le passage à la France libre, et ont boycotte le gouverneur Latrilh envoyé par & Gaulle. Latrille a été obligé & s’appuyer sur les Ivoiriens. Donc il y a eu une alliance entre le gouverneur gaulliste et la première intelligentsia ivoirienne contre les cohms blancs. Est-ce qu’on trouve quelque chose d’un peu équivalent au Togo ?

- Non. Pendant la deuxième partie de la guerre, il y a eu ce qu’on appelait l’«effort de guerre», auquel tout le monde était soumis,surtout les cultivateurs.On leur imposaitd’apporter telle quantité de pahnistes,telle quantité de maïs,etc On menaitles gensà la trique; alors ça n’a pasplu du tout ! Cela a et6 le soulagement general quand la periode de la guerre est pasde. Ça a donc CtetrRs different de la Côte-d’Ivoire.

- Q - L%ffort & guerre avait-il été le même dans ht p&iode gaulliste et dans la période vichyste ?

- L’habitude avait ete prise pendant la périodevichyste, mais ças’est aggravé ensuite.

- Q - On m’a parlt! de hmrdes @ùsitions alors que, en 1944 surtout, ht récolte avait été mauvaise pour cause de sécheresse : les gens étaient oblig& d’acheter du mais d un franc le kg, pour le revendre d dix centimes à L’Administration... - C’estexact. Mais c’etaitjuste un an, pendant la p&iode gaulliste.

46 - Q - D’autre part le commet maritime ktait d peu pr& a~&& On n’avait plus qukne dizaine de batww par an, au lieu de 400 d l’époque de hz prosphittf : donc k @aires devaient aller assez mal ; les gens ne devaient pas être dans une situation konomique bien jlom, à Lomé ?

-En effet, pendant la périodevichyste, on n’avait plus de bateaux.Nous avons entendu parler de paquebotscoules pas loin d’ici.

- Q - Pendant ce temps, la Goid Chast voisine, qw’ 6tai.t grand% productrice & cacao (eC la Anglais avaient besoin de cacao pour payer leur guerre) était, eik, jlo* ?

- Nous allionsacheter tout et tout à Accra,ou memejuste à côté d’ici,à Denu, le premier village (9).

- Q - Quelles étaient, d’après vous, les retombh sur la psycho@ie des gens, de h comparaison entre ce marasme Bconomique du Togo et de la prospérité de la Gold t3ast ?

- La conviction que les Anglais gbraient mieux leur territoire que les Français.

- Q - Pourriez-vous nous parkr de la vie d Lomk penhnt cette seconde guerre mondiale ? Comment vivaient lès gens ? Est-ce qu’ib avaient vraiment des dificultés d s’approvisionner ou est-ce qu’ils arrivaient à mener kèur vie tranquilhnent ?

- Il y avait desdifficultks parcequ’on ne pouvait passe procurer le nkcessaire. Il y avait descartes de rationnement. Il fallait aller cherchercette carte pour acheter œ qu’on avait librement avant. cela constituaitune restrictionqui était assezmal suppor- t&.?.

-Q- CWzient bien stI.r lès produits dY.mportution qui manquaient. L.es produits alimentaires t%aient-iLF suffiamment abondants ?

- On en avait ; mais, pendant cette période, il y a eu la famine suite à une mauvaiserkcolte, et çacompliquait tout.

- Q - Il n? avait pas de privikgih ?

-Bien sur, il y avait desprivilegi&s, pour obtenir une cartede rationnement du pain europeen, pour acheter aussidu vin, pour acheter le peu desarticles d’importa- tion qui arrivaient et qui n’etaient distriiuds que contre les bons de rationnement..

(9) 6 bn b l’ou& de la ji-ontit?rc Top-Ghana

47 - Q - Ceux qui baient citoyens frangais avaient-ils ces privilèges ?

- Il n’y en avait que pour les citoyensfrançais.

- Q - Sans cela, les gens continuaient-ils d mener leur vie normalement, d aUer danser d TonyéFiaaji, au ctima ?

- La vie continuait, mais elle n’était pastrès abondante, pastrès heureuse.

* * *

- Q - Vous même, en ces années-là, vous étiez maintenant un homme jeune. Aviez-vous déjd votre propre maison ?

- Oui, j’étais dejà ici. J’avais ma propre maison.Auparavant, ce quartier n’etait que de la brousse.

- Q - Comment est-ce que vous êtes arrivé d avoir ce terrain ?

-Les gensont abandonne leurs cocoteraies,c’est-à-dire qu’ils ont fait deslots pour les vendre. C’était de meilleur rapport que d’avoir descocoteraies. Le prix du coprah était tombe definitivement. Alors les proprietairestrouvaient qu’il etait meilleur de lotir les terrains, de les vendre cher pour desconstructions plutôt que de continuer à tenir à bout de bras une cocoteraie qui nedonnait presque plus rien.

- Q - Les cocotiers étaient-ils déjà attaqués par la maladie de Kaïnkopé (10)

- Oui, il y avait deja cettemaladie de Kaïnkop4 qui attaquait les cocotierssur la route d’Aneho. Tout n’etait pasattaqué. Les gens ont continue à r&olter, maisla chute du prix du coprah faisaitque l’exploitationde la cocoteraiene donnait plus rien du tout, ou pasgrand’chose.

- Q - Etiez-vous l’un des premiers à s’implanter ici ? - Nous étions deux : M. Brenner et moi.

- Q - Qui était lè propriétaire du terrain ?

- La famille Adjalle, qui l’a vendu à d’autres,qui l’ont revendu aussi.

- Q - 03 habitikz-vous pendant IA guerre ?

- J’habitaisici. Mais cetteguerre, vous savez?nous la connaissionssur le papier,

(10) Wus ingukrissable qui a ravagi la cocoteraie togolaise (du nom du village aujourd’hui quamèr- de Kagnikop!, denit?re le port). 48 nous ne l’avons pasvraiment subie. Même si nous avons souffert desrestrictions, ce n’etait pasune aventure dangereuse.

- Q - Pendànt ces ann&s dé la guerw, nous sommes presque vingt ans après vdre arr&% d Loua&. Qu%st-ce qui VOI~S a frappé dàus les &J@O~- mations de Lomé entre 1926 et 1945-46 ?

- P&ais dejà un vieux Loméen, habitue à Lame. Je ne remarquaispas les grands changementsqui intervenaient. Ce n’estqu’apr& que l’on disait : «Oh ! c’estvraiment changé,il y a ceci,il y a cela...»,surtout la multiplication deshabitations, des maisons. Les Togolais sont desbâtisseurs ; les gensbâtissent : ils setracassent beaucoup pour œla.

- Q - Dans les andes 1930, il y avait eu, pour les fonctionnaires, la crdutibn du quartier d’Hanoukopé. N’aviez-vous pas été tenté de vous faire attribuer un terrain Ià-bas ?

- Non, parœ qu’il fallait ttre marie, p&re de famille, œ que je n’etaispas encore au moment du lotissementd’Hanoukop4 (11).

- Q - Il ne suffwait donc pas de payer un terrain ou de se le faire attribuer; il fallait aussi être un Monsieur instaué dans la vie ?

- Oui ! @est1’Administration qui octroyaitces terrains ; alors il fallait repr&enter quelquechose. Ce n’etait pasterrible, mais tout jeune, sansfamille, je ne pouvais pasy prétendre.

- Q - Après k guerre, hnt? va connaître un «boom» dè la construction au- delà du Boulevard circulaire, vers Octaviano-Nhimé, vers Lom-Nava... Comment avez-vous vécu cette explosion spatiale de Lomé ?

- Avec plaisir ! Et toutesles nouvellesrues qui sefisaient ! Je m’amusaisà faire, le soir, le tour desnouvelles rues,des nouveaux quartiers. J’en étais fier !

- Q - En v& ou en voiture ?

- En voiture.

- Q - A quelkè date avez-vous eu votre propre voiture 1 - Jen’en ai jamaiseuàœtteépoque-là. Il yavait toujours lavoituredeserviœ.

- Q - Quel modèkè? -Une Peugeot203.

(II) 1928, 0VtX CzlZembn du C&C 02 In voie f&e en 1934.

49 -Q-EtkgouwneurMontagn4 ?hnmentse&pkça&il?envohux?ou, comme Bonnecarrére hors des heures de service, b bicycktte ? - En witure. Mais quelquefois,le soir, il montait à bicyclettepour sepromener, mais il n’allait pasen ville : il faisaitjuste le tour du parc du palais du gouvernement.

-Q-OnaditCoutdl’lre~c;ombien&foLsla~&la~av

- Eh bien, nous avons tous vécu dans l’attente d’un progr&s de l’institution politique que nous avions. Tr& t&, nousavons eu un gouvernement autonome, qui n’existaitnulle part ; c’&ait une Ctapeimkrsible pour nous.Nous nous attendionsà œ qu’on franchisse les &apes. Le gCnCra1de Gaulle est venu, et il a octroyk l’IndCpen- danœ, mais nous avions d6jjà le gouvernement autonome, et nous en Btions très contents.Nous savionsque la France n’&ait paspour l’Indépendance,car la Rbpubli- que est indivisible ; c’Ctaitsimplement l’autonomie interne.

- Q - A cette @oque de Pautonomie, k premier ministre s@eait aàrw ce qui est aujourd’hui k minis& dès Affaira étrangères, n’est-ce pas ?

- C&.ait le bâtiment le plus apte à recevoir le premier ministre à œ moment-l&

- Q - h’t les autres ministères, avaient-ils déjd leurs propres bureaux ? Le nombre des bdtiments admiuistrat~s était encore bien faible.

- Chaque ministre avait sesbureaux dans les immeublesadministratifs.

- Q - Qu’ixt-ce qrre l’on avait fait des services des Chemins-de-fer qui occupaient autrefois ces bdtiments ?

- Non,œ n’était pasles Chemins-de-fer qui occupaient le bâtiment. C’était le directeur des «Travaux-neufs», c’est-àdire la prolongation du rail au-delà d’Atakpa- mé,jusqu’I1 Blitta, sur une subventionde la France,tout a fait à part desChemins de fer. Il y avait un directeur pour les Travaux-neufs qui habitait dans œ bâtiment (œ directeur, autant que je sache, n’a pas beaucoup habité là-bas) (12). Ce sont les Tmvau~~~& qui ont fait le tmvail de prolongation d’Atakpam6à Blitta. Ils avaient des crédits à part. On nevoulait pasque les ressourcesdu Chemin-de-fer du Togo aillent à cestravaux On voulait savoir combien çaco0tait. C’était un crédit à rembourser.

(12) L.cv travaux de prdongatio~r sbdtent -~proviso~- d Blitta en 1933-34. Ils ne recomnunc~nt jamais L.c bdthent propre aux Travaux ncufi at l’actuel minidre ak l’Information.

50 - Q - De même, après la guerre, il y a eu les crédits FIDES (131, qui ont permis beaucoup d?nvestissements au Togo.

- Oui, les crédits l?IDEs ont finance beaucoup d’oeuvres sociales,des oeuvres &onomiques aussi.

-Q- Vous-même, pendant fou& ces annt?es, avez-vous contiku? d mon- ter dans la hit+archie administrative ? Etiez-vous toujours au cabinet du commissaire de la Rt@blique ?

- Je n’étaisplus la-bas.J%ais membredu gouvernement autonome.

- Quel& êtait votre tesponsabilitt! ?

- D’abord quelquesjours à l’Enseignement, charge de la jeunesse,et ensuite aux Finances.

- Q - Vous avez vu donc Lomé entre 1926 e.t 1986 : cela fait soixunte ans. En dehors de h croissance simplement spatiale, qukst-ce qui vous paraît le plus diffknt dans ha manière de vivre des gens ?

- Je croisqu’il y a, pour la population, deshabitudes nouvelles. Ils ont beaucoup profité desnouveaux temps de l’économie pour construire, pour acheter deslotisse- ments.Il y a eu une maturation d’ordre genéral, et d’ordre politique aussi.

- Q - Est-ce que, durant cette p&iode dè votre carrière, vous vous êtps spécialement attachk aux travaux de Lomé, ou est-ce que vos fonctions ktaient toujours nationales.

- Non ! Non ! Je n’étaispas attache aux travaux d’urbanismede Lomé. Ce n’était pas de mon rayon, mais cela m’intéressait beaucoup, parce que je voyais ma ville grandir, s’embellir...

- Q - Vous disiez que, quand vous étiez très jeune et que vous voyiez de vos fenêtres kè train qui partait vers An.&, vous en aviez la nostalgie. A partir de quel moment est-ce que vous vous êtes senti dkfinitivement Loméen ? - Assezt&., assez t6t ! la nostalgiequand je voyaispasser le train, ça a dure un ou deuxans, et puis j’ai et6 pris dansla m&lée: je suisdevenu un vrai Lomeen...

(13) Fond~ d’hves- pour le D&eloppemmt Economique et Social, amibu& par la France d ses &nitoires d+ique de 1947 b 1958.

51

no5

UN ENSEIGNANT M. Jean Ayikoé SI’ITI (né à Aného en 1907)

-Je suisvenu tout jeune a Lame, en 1917.Lame etait alors une petiteville sur la côte du Benin, formée de quelquesquartiers :Adawlato, Anagokomé, Aguiarkomé, Assivito,Amoutive, Hanoukop6, Zongo et Yovokomé (la résidencedes Blancs).

- Q - Quel @e aviez-vous ?

-J’avais une dizaine d’années.Je suisné le 4 juin 1907à AnCho.

- Q - Venant d’%ru%o, oh vous btiez sous ompation française, vous avez donc franchi la frontit?re. Qu’est-ce qui vous a amené d Lomé sous domination angkàke, en pleine guerre ?

- Cest mon oncle qui m’avait sollicité.Il était employéde commerceà LomC, et il avait voulu quejevienne rester chezlui pour aller à l’ecole, et en méme temps pour le se&.

- Q - Est-w que vous aNez déjd d Bcole d A&MI ?

- Les soeursallemandes nous avaient recrutesdans leur maison.On allait pour s’amuser,apprendre les couleurs,la forme desobjets... Mais œla n’a pasdure, car mon p&re m’avait emmeneavec lui à Lagos,où j’ai V&X de 1913jusqu’a 1916.J’etais encore tout petit. J’ai fréquente un peu l’école anglaise à Lagos.A œ jeune Ige, je n’ai pas retenu grand’chose...

- Q - Vous aviez donc wmmencb d apprendre un peu l’allemand avec kks soeum d Adlo, puis un peu kngkàlk d L@IS...

- Ce n’etait pasen langue europ&nne que nousavions étudié. On nousparlait mina, et on nousdemandait la couleur et la forme desobjets qu’on nous presentait,et puis on chantait.En œ temps-là,t’étaient les soeursallemandes qui nousfournissaient les habits. On donnait pour les paresseuxun vêtement rouge ; ceuxqui travaillaient bien ou qui aimaient l%cole, on les changeait d’habits. Il y avait toute une varieté d’habitsqu’on nous donnait.

53 - Q - Et vous-&me, que portiez-vous ?

- Je n’ai paseu les vetements rouges...

- Q - Lorsque vous arrivez alors d Lomé, à quelle kole vous met-on ? Et dans quelle kàngue avez-vous commencè d étudier ?

- 1916-17,c’est le temps où le restedes Allemands, les pasteurs,les bons p&rtu, allaient partir, parce que, aprks la guerre, ils ont du rejoindre leur pays.Moi, j’ai frequenté l’tkolede la cathedrale. Acetteecole, nousétions les tout-petits ; on nous groupait dansune sallede classesous l’étage. C’est la que nous apprenions à compter et à syllaber en allemand. Ça n’a pasdure : les peres ont et6 expulsesde Lame.

- Q - Quand les d&ieu.~ alhnanh ont été expulsés du Togo, fur 1917 et début 1918, qui a pris en ce moment-& le relak de l’école ?

- Ce sont les Anglais qui ont pris la succession.On a envoye du Ghana (autrefois Gold Coast) desmaîtres pour Lomé. Il existaitl’école catholique, et puis l’tkole du gou- vernement. Il y avait aussil’&ole de la missionprotestante.

-Q- Vous-même, pourquoi allia-vous d 1’Zcoik catholique ? - Parœ que mon oncle était catholique.

- Q - A 10-11 ans, vous &ez bien jeune pour avoir une opinion politique, mais peut-ih vous est-ii arrivé dkntendre votre oncle en parler. Est-ce qu>d ce moment-12 ks gens de Lomé espéraient le retour des Akwwuïs ou est-ce qu’ils lk craignaient ?

- Non, les gensde Lomé -comme tous les Togolais, d’ailleurs- souhaitaient le retour desAllemands. Je connaisdes familles qui ont refuse d’envoyer leurs enfants à l’École parce qu’elles espéraient le retour desAllemands : œs camaradesd’enfance sont restkstr&s longtemps sansaller à Wole.

-Q- Vouwn&ne, vous cwnmencez une scohrisation en anglais et pu& deux-trois ans plus tard, catk&rophe ! : les Anglais partent et il faut tout twommencer. C’est ce que vous avez fait ?

- En fait,j’avais rejoint mon p&reà Aneho en 1918.Malheureusement, mon père est mort le 31 mars 1921.Ce n’estqu’aprés que j’ai cornmenckI’écolc française,à lYcole regionale d’An6ho.

-Q- Vous y avez alors suivi le wlè complèt, et vous avez contiru& ensuite au cours compkhentaire de Lomtf. -Oui, j’y ai suivi le cyclecomplet. J’ai commencepar le CPl. Avant, on l’appelait «petites classes».On s’asseyait:sur les troncsde roniers, à Adjido. Puisj’ai continue à

54 l’tkole de Zkbevi et termine ma scolaritéélémentaire à Aneho-Kpota, avec le maître Léopold Bandolph. C’estawc lui quej’ai obtenu le certificatd’études. Avant il n’y avait pasbeaucoup d’tkoles ; le certificat d’etudesse faisaitseulement à Lomé : nous Ctions venu d’Aneh passeravec ceuxde Lomé. Quelques rares el&vesvenaient de Kpalime et d’Atakpame.En œ temps,il ny avait pasque les maîtresqui faisaientpartie du jury des examens,il y avait aussi des militaires. Je me rappelle un grade, le capitaine Sergent,qui nous a fait la dictée pendant mon examendu certificat d’etudes.

-Q- En quelle an& avez-vous obtenu ce certificat d’tkdes ? - En 1928.J’ai donc obtenu le œrtitkat et j’ai eu la chancede passer,parœ qu’il fallait avoir une certaine moyenne pour quevous alliez au cours complementaire de Lame. Ce touts complementaireexistait depuis longtemps.Ma promotion, qui etait la huitième,comptait vingt eleves.Vous le savez,c’est le gouverneur Bonnecarrbrequi a fait construireœt établissement(1).

- Q - Il s@it du bâtiment qui est aujourd’hui L’Ecole Nationale d’Admi&- tratha, en face de la poste. Il &ait donc déjà achevk à ce moment-là ?

- Oui, il était déjà construit. C’estnous qui avons Cteles premiers à frequenter œt établissement,qu’on appelait le «Petit-D&am. Nous portions un petit calot, avec l’uniforme kaki ; ça nousdifferenciait un peu de noscamarades, les élèvesde œ temps- la.

- Q - Vous avez donc eu la chance d’ouvrir le «Petit-+ devenu plus tard le Lycée Bonnecarrère.

- Oui, parœ que c’estau tempsde Bonnecarrerequ’on a construit œ b$timent, Lui-même s’interessaitbeaucoup à nous ; il venait desfois voir ceque nous faisions. C’estainsi qu’une fois, il nous a surpris pendant qu’on Ctaità laséanced’etudes ; il est venu nous voir : «Mes enfants, vous êtes heureux ; vous vous éclairez à l’Clectricite», et il a commenceà poserdes questions : «Qu’est-ceque l’&ctricité ?»...alors que nous n’avions pas cela dans notre programme. Le lendemain, M. l’inspecteur primaire, Monsieur hnbert, est venu nous donner descours sur l’&ctricité...

- Q - C’était en quelle atu& ?

- En 1929ou 1930.

-Q- Est+e qu’il y avait déjd des maisons autour du col&&, d’autres b&iments, ou est-ce qu’il y avait beaucoup d’espaces vules ?

- Le courscompl&mentaire a Cteconstruit à un emplacementoit il ny avait, tout autour, que deschamps, des champs de manioc ; il n’y avait aucunemaison.

(1) En- 1927-B. - Q - Purlez-nous WI peu de Loti à l’tfjwque.

- Il n’y avait pasde bâtimentsà etage,sauf la cathklmle de la missioncatholique, la maison des soeurs de la plage et l’tkole professionnelle, que nous appelions &ro&r hum& (2) : c’etaitune tkole où l’on formait desartisans, des cordonniers, des menuisiers,desforgerons,dessculpteurs,desébénistes;ilyavait aussiuneimprime- rie. Les Allemands nous envoyaient desartistes ici, pour preparer l’avenir desgens...

- Q - tilmment la vi& avait-t-elle t!voluk entre 1918 et 1928 ?

- Jevoudraisvous parler desrues de L.omC: en general, les chosesont changé. On ne peut pas comparer Lame d’autrefois à Lomé d’aujourd’hui. Je vous parlais des maisonsà etage: il y avait aussiune maisonà etageà la missionprotestante ; on peut voir aujourd’hui sesruines (3). Avant les nouveaux bâtiments,il y avait une maisonà étage sur pilotis, qui était en mauvaisÉtat, en ruines (4). Il y avait aussi1’Ambassade de France d’aujourd’hui ; c’etaitles Domaineset le servicede topographie ; l’etageetait habite par le chef de service desDomaines.

- Q - Od habitiez-vous ?

- J’habitaisà la place Van Vollenhoven (5), avec mon oncle,à l’emplacementde la CICAactuelle. Les Ewéavaient desmaisons à soubassementClevé qu’on appelait «haZf-deckm (6) ; il y avait quelques petits ahalf-decks# que vingt personnes ne pouvaient pashabiter; on ne peut pasentrer nombreux dansces petites maisons ! A l’est de la cathkdrale,vous aviez le grand-marche de Lomé. Il n’était pasvaste comme aujourd’hui et entoure de maisons Je me rappelle qu’à l’emplaœmentde la gendarme- rie du marche, il y avait une maison appartenant a la firme A.G.T., qui fabriquait des tonneaux pour l’exportation de l’huile, ou bien pour l’importation du vin. Le marche Ctait divise en deux par la route d’Amoutivé, qui sedirigeait vers la plage. Vous aviez au bout, à la plage,l’abattoir, ou l’on a construit ensuite la gare routière. Il y avait aussi là-bas les premiers bâtiments administratifs,la toutepremibredouane (7). Quand le marche etait divise en deuxpar la route d’Amoutive, il y avait, à l’ouest,des hangars sur plusieurs rangees.C’est là que les vendeusesde tissusétaient installees,avec d’autres revendeusesde produits manufactur& Il y avait au milieu de œ marche une construo tion en pyramide,qui abritait une pompe aspiranteet refoulante avec sur chaqueke, un robinet.

- Q - Vous venez de dire qu’il y avait des femmes qui vendaient des tissus. D’apks vous, d quel moment est devenu importunt ce commerce

(2) En but : &.a makon des Frkw. (3) L’&O~? rrés aWabr& à cbti du bloc synodol, rue Foch (Voir chapitre 15). (4) Ancien ~~TPMTU de la Mission de B&u, remplact! vers 1975 par l’actuel bloc synodal (5) Aujourd’hui en grande partie occupte par la banque VTB et l’agence Air-Afique. (6) *Demi-ponts, demi-ttage. (7) Datant de 1893, agandù avec là promotion de Lomc comme capitale.

56 féminin ? Parce que, h lbrigine, k wmmexe tbil en& les mains dès hommes, n%st-ce pas ?

- Auparavant, il y avait aussides femmes qui vendaient.Ma mère aussia vendu dansœ marché,depuis longtemps.Des femmescomme Mesdames Ames, Hum, Akue, Agondzé, Vandéet d’autres,venaient d’AnChovendreleurs tissusà Lomeet acheter d’autres produits ; ellesallaient jusqu’en Gold Coastapporter despagnes. Effective- ment les femmesont tenu t& longtempsœ commerœ,qui prospkait. @estpourquoi nous les appelons couramment les &kzuw.

- Q - Quelles sortes ou quek types & pagnes vendait votm mère ?

- Ma mere a vendu deswu~-.ti, puis les qualit& infkieures, qu’on appelait etchivivow (8).

-Q- Peut-être vous rappelez-vous quelles étaient ks couleurs de ces pagnes ? Avez-vous k sentiment que t’étaient ks mêmes qu’aujourd’hui, ou est-œ que k go& a changtf ?

- Vous savez,les pagnesanciens differaient peu de ceux d’aujourd’hui. Les vendeuses de tissus,celles dont les parents avaient dejà des tissus,demandent aux maisonsde commercede leur faire venir cestissus-là C’estpourquoi l’on retrouve les m&mescouleurs, les couleursde l’ancien temps...Moi-méme, j’ai un complet boubou qui est de l’ancien temps,du tissude l’ancien temps.Et puis j’en ai encore d’autres, parœ que ma mere avait laissequelques tissus avant de mourir. Je m’en suisservi pour confectionner les habits que je porte quelquefois, dont le gout n’a pas tellement changé.Ce que les gensaimaient il y a 50 ansest toujours appr6ciC aujourd’hui. Il y a des pagnes qui n’existent plus, mais il y a quand meme maintenant beaucoup de vari&&, varietks de couleurs, vari&& de dessins...

- Q - C.lunment est-œ que ks gens s%abiUaknt, en œ temps42 ?

-Moi, en tant que petit kolier, je me mettais un pagne au cou. Ça me suffisait quandj’allais à l’ecolt~ Lesenfànts de mon âgefaisaient comme ça. Ce n’estpas comme aujourd’hui, où les enfants se chaussentet portent des habits comme des grands. Autrefois œ n’etait pasainsi : nos vêtementsétaient modestes.

* * *

- Q - Revenons d Lumb dàns ces atan& 1930, au spectack de la vi&. comment~Ipsnu?senœmoment-b?

-Les rues Ctaientsablonneuses. Plus tard, on a misde la lateritesur une petite largeur. Ckla permettait aux cyclistesde circuler. Je voudrais vous parler de quelques

(8) wPetit prix% alors que les wm: (surtout irqorth des Pays--Bar) mnt &s tisus les plus chers. 57 anciennesrues de Lomé. Nous avons une rue qui va du grand-marché jusqu’au palais desgouverneurs, celle qui passedevant la cathédrale, devant l’église évangelique et qui va jusqu’au fond de LomC, d’oh vous voyeztrès bien le gouvernement (9). Je crois que les Allemands ont pris certainespr&autions, car toutesles rues convergent vers le gouvernement.Il n’y en avait pasbeaucoup, mais il y en a une qui passaitpar Kokétimé, d’où vous voyiezl’hôpital, et, plus loin, le palais (10). Il y a une troisième rue, «Sunger~ Sww~e»,devenue aujourd’hui l’avenue du 24-Janvier. Du bout de cette rue, vous pouviezapercevoir, tr&sloin dansles arbres, le palais du gouvernement; et puis, il ya la rue du Chemin-de-fer, qu’on appelait «Gakpodziu : c’etait une rue sablonneuse, maisles rails passaientpar œ chemin-lapour aller de Lomé à Aného. C’estpourquoi on lui a gardé le nom de rue du Chemin-de-fer.

- Q - Que& &aient les véhicules en circulation ? Est-ce qu’il y avaiC dé@ beaucoup de voitures, de vélos, de motos ? Ou bien nJ, avait-il qùe des piétons ?

- Vous voulez savoir quels etaient les moyens de transport ? Autrefois, je suppose que, si on vous envoyait à Agoenyive, vous marchiezjusqu’au faubourg de Lomé ; vous alliez à pied ou à bicyclette.On allait aussià cheval. Vous savez,je parle du temps où les grandes familles étaient de grands commerçants.Elles avaient des employes qui les transportaient en hamac, ou bien les accompagnaient à pied. Ils emportaient les produits manufactures: alcool,tabac.., qu’ils vendaient à l’interieur. Ils ramenaient de l’interieur le cacutchouc (1 l), qu’ils vendaient aux Europeens de la place.Voilà donc leurs moyensde transport.Ici, à Lomé, quelqu’un m’a parle une fois de pousse-pousse: une petitevoiture à trois roues...On faisaitse deplaœr ainsi, aliteeS, quelques personnes fortunees. J’en ai vu à Lame, de œs petites voitures, pas beau- coup ! Je saisqu’un Syrien (12) venait à Nglise en pousse-pousse.Il y avait aussides automobilespriveeS, en dehors de cellede I’Administmtion. Certainesfamilles comme lesAjavon-commeAhyiviDoki~u,onl’appelaitainsi(13)-,enplusd’autresquejene peux pasciter... Ils avaient les premieres voitures de la ville de Lomé. Vous savez,je n’etaispas assez grand pour savoir les nomsde tous cesgens-là, mais jesavais qu’il y a beaucoupde grandesfamilles ici, à Lomé, commeAmegbor, Tamaklo6, Shalley,Agbe- ko...Oui, je ne peux pastout citer. Vous pouviezdoncaller sansrisque devous faire écraser par une voiture... 11n’y avait pas encore de voitures quand on a mis de la latérite sur quelques tronçons.On rencontrait surtout desbicyclettes. Je me rappelle qu’un Monsieur avait mis un petit moteur à sabicyclette et, quand il passait,le petit moteur faisaittant de bruit que çaattirait l’attention de tout le monde sur le cycliste! Le gouverneur Ekmnecarrèreavait une petite voiture Renault, qu’il conduisaitlui-meme. Il allait à Aneho, et partout où il voulait, avec saRenault.

(9) Avenue du Maréchal-Foch et avenue de la Présidence, jusqu’uu vieux palais aes gouverneurs. (10) Rue des Kokdti (tx-Mar~k), qui se prolongeait dam le quariier administraiif: (II) Caoutchouc naturel, cueilli dans les for& de la R@ien de.~ Plateaux jusque vers 192.5. (12) Libanak Avant I’independance du Liban (1943), on ne faisait pas la a?ffkrence. (13) Emmanuel Ajavon -infirmier, dM le surnom de ndocteur»- a eu trt?s t8t une automobile personnelle. 58 D’autres souvenirs de quand je suisvenu ici comme Cleve du cours comple- mentaire ? Il y avait dejà les&ungalowsu, les maisonsdes fonctionnaires des Chemins- de-fer, rue du Champ-de-course (14). Il y avait l’usine d’egrenage de la Swanzy(15), un egrenagede coton, juste avant le Boulevard circulaire en venant du centre-ville. C’estun grand domaine qui appartient aujourd’hui à la UAC.

- Q - Qukt-ce qu’il y avait encore de remarquable dans cette ville de L.om4 des anntb 1928-30 ?

- Les chosesse développaient vite. On construisaitbeaucoup : voyezle Centre culturel français,avec sonétage. Il a ete construit par M. Augustino de Souza(16).

- Q - CVtait une résidence ? - Il n’a pashabité cettemaison, je crois.Je ne saispas quelle etait son intention. Je crois qu’elle était destineeà sesenfants,ou bien à la location...

- Q - Autour de la vil&, vous pouviez voir Lomé tout entour& de cocotiers

- Oui, il y avait beaucoup de cocotiers.Il y en a qui avaient profite de l’occasion pour avoir de grandschamps de cocotiers.I-e vieux Timothy Anthony Agbetsiafa,OG taviano Olympio, Monsieur Augustino de Souzaavaient desplantations partout. En 1928,il n’y avait pasde maisonsici. 11y avait descocotiers partout. I-es famillesAgama, Lawson,beaucoup de familles...,avaient deschamps de cocotiers.I-orne était entourée de cocoteraies.C’est après, quand la ville s’estdkveloppk, que les gensont commen- cea lotir cescocoteraies, Ijour en faire desmaisons d’habitation.

-Q- IL faut préciser que nous sommes ici tout prés de la poste de Nyékonakpot!, dans un quartier qu’on appelait autrefolF «TSF» ou «Sans- Fil». Aviez-vous, d l’époque, visité la station de radio (instauée pr& de l’actuelle Direction générak des Postes) ?

- La TSF, la «télégraphiesans fil>>, etait tout près de moi. Je connaissaisceux qui travaillaient là, 1’Indigèneaussi bien que l’Europ&n. Comme nous n’étionspas encore nombreux ici, on était peu de gens,donc nousnous frkprentions. J’allais là-bas,le soir, pour écouter la radio chezeux. Le Noir s’appelait M. Hedegbé, qui travaillait avec l’agent européen.

- Q - Quelles étaient les informations qu’on vous donnait ?

- Quand vous passiezlà-bas, vous ecoutiez ce qu’ils disaient et un bout de chant...Nous nous intkssions auxchants.

(14) Logements de fonction (toujours habités) constrth en 1926 à W&rtkkw@j~ (15) En face de l’actuelle Caisse d’Epargne. La vieille jüme Swanq s’aFt fondue dans la V.A.C. vers 1930. (16) En 193% Apr& la guerre, le bdtùnent servait au+ rkeptionz et jëtq puis, L I’lndtpen- dance, de mairie. ci9 - Q - hiais ce nWait pas un lieu od tout le mon& pouvait allèr voir ou tkouter ?

- Oh non ! C’etait parce que nous Ctions proches, descamarades du quartier, que j’y allais.Ce quartier est né vers les annees193@1931. Mais avant, ici, detait partout descocoteraies. La posten’existait pas. Ce terrain devant ma maisonetait vaste,vide lui aussi...le boulevard passait devant ma maison et allait tourner ici, c’était l’ancien Boulevard circulaire (17).

- Q - En que& aut& avez-vous commencé cet& maison ?

- Je l’ai construiteen 1939.J’avais achete le terrain et commenceà bâtir en 1934.

- Q - Qui etait lè premier propriktaire du terrain ?

- Le chefAdjaUe d’Amoutiv& C’estlui qui m’avendu le terrain. Celuici Ctaitplus grand que la portion que j’occupeaujourd’hui : il s’etendaitjusque là...Tout cecipour 150livres. Avant d’aller acheter le terrain, il fallait donner desboissons : une caissede gin, du whisky. On aurait dit que c’etait quelqu’un qui allait se fiancer à une femme ! Vous donniez tout ça, et on vous fixait la date. Le chefvenait voir l’endroit qu’il vous donnait ; vous faisiez encore une cérémonie ; vous lui ouvriez encore quelques bouteilles de gin ; les gensbuvaient, et aprb il disait : «Jevous vends ce terrain». Il avait fUtéle prix à 150 livres.

- Q - CWait d l’époque des Français, mais on vendait encore les terrains en livres sterling ?

- C’étaitl’habitude. LesAnglais avaient et6 ici, et on avait continuéà utiliser leur monnaie bien aprèsleur depart.

J’avaispris le terrain un peu plusgrand que celui quej’ai maintenant.Ensuite j’ai eu des affectations ailleurs : j’etais à Sokode quand quelqu’un est venu s’installer derrière ma maison.Cette personneétait une connaissance; aussi, je ne pouvais pasla renvoyer. Derriere elle, iI y a eu un copain aussi...Mon terrain setrouva ainsi diminue. Je ne pouvais rien faire ;j’avais les id&s d’un enfant ; je me disais :je n’ai besoin que d’un petit morceau, un petit coin pour m’instalIer. Cest pourquoi je suisreste sur une surfacea) sur 20,un carre mesurant20 mettessur Xl metrcs.Voyez-vous, je n’avais pas d’experience, en ce temps-là...

- Q - Ce ta+hwnial se faisait-il uniquement avec les Adjallk, ou bien &a& ce &t?ml pour tous ceux qui vendaient les terrains à Lomé ?

- Cetait uniquement avec les Adjalle : je connaisd’autres personnes qui ont fait commemoi.

(17) Actuelle avenue Nicolas-Grunitdy, qui marque la limite entre le quartier administratif et l’ancienne cocoteraie OrVmpio.

60 Vous voyez,auparavant, depuis chezmoi, ici, vous aperceviezle petit-marche (18), et c’estnous-m&mes les habitantsde cequartier, qui avion trace la pistejusqu’au terrain de football, lUas (19). * * *

- Q - Pour revenir à vous-même et d votre txnih, jusqu’à quand avez- vous suivi le cours comphnentuire d Lomk ? Comment en ï%es-vous sorti ? - Le courscomplt5mentahe de Lom6, je vous l’ai dit, existaitdéjà au tempsdes Al- lemands,depuis 191L..J’ai un cousinqui avait frequentk œ courscompk?mentaire, qui a cessependant la guerre. Cétait les pretres allemandsqui enseignaientdans œ cours compl&nentairecatholique (20). Quand les Françaissont venus, apr&, on a repris le courscomplementaire dans le bâtiment qui abrite aujourd’hui la SNI (21). Cétait l’anciencours complementaire, où l’on faisait deux ansquand le nouveau courscomplementaire a et6 cr&, en faœ de la poste(qui n’existaitpas la-bas à cetteepoque). C’estalors que l’enseignementest passe à trois ans. Cest nous qui avons commence à fréquenter œ cours complémentaire, avec les trois ansde scolaritk J’y suisentre en 1928et j’ai eu mon diplôme en 1931.On l’appelait «diplôme de fin d’étudescomplementaires».

- Q - Qu’avez-vour fuit d ce moment-12? -Vous savez,auparavant,les Français ne preparaient que desfonctionnaires. Vous sortiezde l’école : on vous engageaitsoit aux Chemins-de-fer, soit dansl’Ensei- gnement, soit dans la Santé. Je me rappelle que, trks souvent, nos camarades qui n’avaient paseu leur diplôme du cours complémentaire ont et& envoyésà l’hôpital, parœ qu’on avait besoin de genspour y travailler. On les prenait sur les bancs de l’ecole, les certifiés comme les non-certifies. Si vous saviez lire et ecrire, on vous engageaitdans tous cesdomaines. Pour moi, à la sortie du courscomplementaire, la situation était compliqke On avait seulementbesoin de trois instituteurs.J’Ctais troisième à notre examende sortie, derriere les collègues Ameganvi Louis et Honassou. Me voilà donc le troisième candidat à Ctreengage dans l’enseignement, et la question descrédits s’imposait.On n’avait descrédits que pour deuxplaces, et on m’a dit d’attendre. Alors j’ai passedeux concours,l’un aux Chemins-de-feret l’autre à la SCOA, et j’ai éte engagéà la SCOA (a la &.B. Ollivant», a l’époque), et on m’a affecte a Kpalimk J%ais à KpalimC quand le

(18) Assivimt (carrefour de la SGGG). (19) Actuel yami aaak (20) En face de 1’mchcvCchC. (21) A h?poque cdemmde, école profwiowkde officielle @our former ahc+&x et compta- bles pour IX~ation). 61 gouverneur Bonnecarr&e est revenu de sescongks en France. Il a demandé après moi, chez mon oncle. On lui a dit que je me trouvais à Kpalimé, et il a envoyt5me chercher. Le commandant de cercle de Kpalimé est venu me prendre de force, me mettre dansune voiture pour aller à Lomé. Aniv~ à Lomé, on m’a remis une décision d’engagement: j’&ais engagéen qualité de «moniteur auxiliaire». J’ai été, ici au Togo, le premier moniteur auxiliaire qu’on a engag& Si vous voyez le Journal officiel de 1931,vousverrezquej’étaisle toutpremier moniteurauxiliaire,payk 1OOFparmois (pendantlescong&,onnemepayaitque50Fparmois).

- Q - La dèw premiers avaient été engagés d quel titre ?

- Ils Ctaient engagéscomme «moniteurs de l’enseignement», parce que nous avions la possibilitéde nousP@arer pour devenir instituteur par la suite.Et moi, je suis pas& par cesvoies-là : d’abord moniteur auxiliaire,apr& moniteur, ensuitej’ai passéle pré-concours pour devenir instituteur. J’ai eu encore bien desexamens à passerpour devenir instituteur du cadre suerieur...

-Q- Ces premiers moniteurs, combien gugnuient-ils ? - Je croisentre 400 et 600F par mois : même leshauts fonctionnaires gagnaient 600 - 700 Fpar mois.Et c’&ait bien, bien pour vivre. J’ai V&U comme cela.Je me suis mari6 en 1935.Je donnais à ma femme 25 F pour notre nourriture. Mes parents ont trouve que c’était trop, que je g&ak ma femme...

- Q - Est-ce qu’elle faisait déjd un petit commerce elhnême ?

- Non. Quand nousavons commencé,elle etait menagere,puis couturière : elle cousaitdes pagnes, de petites robes.C’est tout. Mals après,ça s’estvite améliore parce que j’ai progressédans mon service; j’ai eu de bonnes rkmun&ations. J’étais estimé par mes chefs, et on m’a demande de suivre les cours de pédagogie. Il y avait des anciensinstituteurs-directeurs qui nous preparaient. Il y en avait un, particulièrement, qui etait très bon. Je l’ai eu au coursde pédagogie pendant deux ans,et çam’a forme. Ce qui fait que j’ai toujours tmvaillk correuement dansl’enseignement. Tous mes chefs m’ont appréaé.

-Q- Dans quelles écoles avez-vous exercé en premier lieu ? - Quand on m’a engagetomme moniteur auxiliaire, on m’a envoyé à Ankho. C’estdonc lit quej’ai commencéik travailler. Malheureusementil s’estpassé un incident.. On m’avait confie une petite classe: le CPl. Il y avait de petits enfants de 6 à 7 ans. (CVtait mixte,garçons et filles). Un jour où je faisaisla classe,il y avait une fille -c’était la fille d’un militaire qui s’amusait,taquinait les autres. Je l’ai interrogkeapreS, et elle n’a passu me kpondre. Moi, jeune: maître sansexpérience, je lui ai mis une croix sur le front pour dire qu’elle était paresseuse.Rentrée à midi à la maison,elle pleurait, si bien qu’elle a retüskde manger. Son lkre &ait un adjudant de nationalire française,venant du Dahomey (aujourd’hui B&in). C’&ait un mercredi,et jeudi &ait jour de congé: on ne venait pas à l’École. Vendredi matin, je suis dans la cour (j’étais de semaine et je

62 m’occupaisde la propreté de l’école, et je devrais sonner la rentrke). Brusquement, l’adjudant arrive et demandeà mon directeur : - «oIl est-il ? Où est-il ?D et le directeur lui disait : -«Quiça?Quiça?» Il fonce sur moi, lui qui &ait citoyenliançais : - «Qui c’est? Qui a misunecroix sur le front de mon enfant ?» Il étaitvenu armk,un pistoletà main ! P&ais bien étonné,&ant fraîchementsorti de l’école.Je n’ai pasaccepd ses menaces, et mon directeur m’a dit de me taire : c’était un homme exp&imenté; je me suistu.. Je suisall6 inunédiatementvoir le commandant de cercle, appelé Decouture. Je lui ai exposeles faits, et il m’a dit de lui Ccrire. J’ai fait un petit rapport au commandantDecouture, qui I’a transmisau gouverneur Bonnecar- r&eàLomé. J’aiaussiécrit immédiatementaugouverneurpourluidemanderdeme faire affecter à L,omC.C’est œ qu’il a fait. Ce qui fait que j’ai enseigne à Aného seulementun mois.

-Q - Et savez-vous comment cela s’est temint! pour ce caporal irrascible ? Est-ce qdil a reçu une sanction ?

- 11n’a pas&é sanctionne.Mais commeDieu fait bien les choses,quand œt ami a étC affect6 A Lomé, safille est venue frequenter l’kole chezmoi, et c’estavec moi qu’elleaeusonœrtificatd’Ctudes... Ellevit encore.

- Q - Donc elle n’érait pus si paresseuse que ça...

- C’est son père qui avait voulu la rendre paresseuse! Parœ que moi, vous savez,jeveux travailler ;j’ai l’amour du travail.

- Q - Vous voici donc affèd de force d Lord. Au fait, ça vous arrangeait plutôt...

- Ça m’a arrange parœ que, arrivé à Lomk, le chef deservice m’a d’abord mis dans son bureau. Quelques temps plus tard, il m’a affecté aux cours de pédagogie. J’&ais le seul qui avais eu deux ans de cours de formation en pédagogie, et ça m’a rendu grand service.

- Q - Ainsi donc kè gouverneur Borumxurère connaissait individuellement chacun dès jeunes kSt& togdak ? Il suivait leur carrière ? - Le gouverneur Bonnecarrèrem’avait connu particulièrement parœ qu’il était ami avec mon oncle. Quand il commandait desmeubles ou bien desobjets en ivoire, c’estmoi qui les lui portais.C’est comme ça qu’il m’a connu.Je me rappelle qu’à Andho, il est venu dansma classe,j’avais mis un dotiu, un pagneà trois couleurs, bleu, blanc, rouge. Il m’a demandéœ que çareprésentait ; je n’ai su que lui rkpondre. Il m’asignal6 à mon oncle, qui m’a fait une remontrance...

63 - Q - Après ces deux ann&s dè formation p~fes.Gmnelk wmphentaiy d quelle école êtes-vous @ectté ?

- J’ai été d’abord à l’&rle regionale de la route d’AnCho. La, j’ai fait deuxans. Ensuiteà l’&ole dite Marius-Moutet (22), ou &ole de la petite-vitesse.J’ai enseigneIà- baspendant un certain temps,et puis on m’a envoyé dansune autre, l’école Sanoussi, où j’ai et6 directeur.

- Q - Pourquoi appelait-on certains &ablissements uécoks r&ionaks» ?

- Parcequ’il n’y avai t pasbeaucoup d’écolesau Togo, et ZILomé, ici, il y a une Ccoleofficielle pour la region. Il en a étC creée aussiaux chefs-lieux des cercles.A Atakpame et à Sokodé, il y avait des&oles régionales ; tandis que les autres Ccoles etaient des 6colesde village, qui envoyaient leurs Clevesà l’École régionale pour y terminer leurs etudes,à partir du cours moyen ou du coursClémentaire.

- Q - Donc l’&ok de h rot& d’%&o avait plus d’importance que tout& ks autres koks de la vilk ?

- Ah oui ! C’etait la plus grande6cole ! Les Allemands avaient,je crois,fait cette École (23) parce que le sol est en plancher, en bois : c’estle style allemand. Il y avait beaucoup de classes,beaucoup de maîtres aussi. J’avais enseigné là-bas sous les ordres d’un directeur.

- Q - Quant d LVcok dite aujourd’hui Marius-Mo&t, que vous appeliez petite-vitesse, ça ne voulait pas dUe que ks enfants travaillaient mal ; cVtait à cause du train b petite vitesse, je suppose ?

- On l’appelait école de la petite-vitesseparce que, vous voyez,elle etait située à cote du chemin de fer, en face de la «petite vitesse».Plus tard, on a rebaptise cette &ole quand Marius-Moutet était ministre descolonies. A l’origine, on l’appelait école annexe,c’est-à-dire la Premiere école apr& celle de la route d’Aného. Voilà pourquoi on l’a appelee «&ole annexe de la petite vitesse»...

- Q - LVwk Bohn (24) esistait-elk &jd ?

- Plus tard ! l’&ole Bohn est venue plus tard. Une fois l’ancien cours complé- mentaire abandonne pour cr4er le nouveau (celui que j’ai frequente), l’etage de cet ancien cours complementaire a servi de logement pour le directeur de l’&ole mena- gère,qui en occupaitle bas.L’6cole Bohn a éte crééeplus tard, car c’étaitnotre jardin quand nous etions au cours complementaire. C’est plus tard qu’on y a construit une dcole à trois classes; moi-mCme,j’ai dirige cette école pendant longtemps. Il y avait deuxcours moyensII. J’ai dirige Il’&ole avec un adjoint qui faisait le coursmoyen II B.

(22) Du nom d’un minhre des Colonies des anntes 1934 puis 1945. Le bkhent est oucmand (1901). (23) En 1903. (Voir chapitre suimt) (24) Du nom d’un fmdateur de la (CFAO. 64 - Q - Et l%cok Sanoussi, qu’est-elle devenue ?

- L,‘&ole Sanoussiest devenue une banque (25). C’estla banque qui fait face au Centre culturel français.

-Q- Et l’école dite aujourd’hui Boubakar-N’Diaye ? L’avez-vous vu construire ?

- Apres l’&ole annexede la petite-vitesse,on a construit l’école Boubakar. M. Boubakar et moi avons travaille ensemble,puis j’ai enseignédans cette &ole. On m’a promette un peu partout entre cesCtablisscments...

- Q - Donc, dans les aides 1930, l’hfrastructm scolaire offikidle à Lad était composée de l’école régionale et des trois t?coles primaires, qui servaient, elles, uniquement aux enfant de la vilk ?

- Oui, c’estcela ; plus le cours complementaire, qui servait pour le paystout entier.

- Q - A quel moment avez-vous pris votre retraite de l’enseignement O&ie1 ?

- Au début de 1%2

- Q - Ce qui ne veut pas dire que vous êtes resttfs d la maison d vous reposer...

- Vous savez,j’avais auprés desgens une bonne réputation. J’éduquais bien leurs enfants.J’etais un maître degourdi, et je faisaisplaisir aux parents.Des gensont placé leursenfants chez moi, en payantleur nourriture. Tout celam’a obligé à cr6er un internat d’abord, et puis,ensuite, une 6cole primaire, qui, plus tard, est devenue une école secondaire. J’etais aidé par des amis, des camarades ; nous avons travaille ensemble,en Ctroite collaboration.

-Q- Od étdelk, votre première Bcok priv& ? - Mon école est devenue, aujourd’hui, le ly& de Nyekonakpoe. Je l’ai vendue à 1’Etat.Je suismaintenant avanceen age; il faut avoir beaucoup de patience pour rester avec les enfanta, même s’il faut se fâcher des fois... Tout ça, si j’avais continue, peut-&treque je n’existeraisplus...

(25) A l+uque le fonds de la CEDEAO, aujourd’hui les assurances SICA-RE.

65 -Q- Avez-vous Se. de combien d’enfants, au cours de votre longue carrike, vous avez pu amener jusqu’au niveau du certifkzal ? Est-ce que vous pouvez en faire le compte ?

- Cette question me depasse,elle est plus forte que moi...Mais, vous voyez,j’ai éduqué beaucoup d’enfants; je ne lesconnais meme pas ! Des fois, je passe,quelqu’un vient me dire : «Maître !» Je m’étonne : «Qui es-tu ?» - «J’ai Ctevotre élève en telle annee, a tel endroit, Tsevié, ou bien Amlame, Mango, Sokode...»Car, vous savez,je me suispromené danspresque toutes nosvilles de l’intérieur...

- Q - Est-ce que beaucoup de vos anciens h%ws sont devenus ensuite des personnalith importantes ?

- Il yen a beaucoup,beaucoup ! Il y a eu parmi euxdes juges, desministres, des docteurs,des architectes... Trop pour que je puisseles citer...

66 no 6

L’ECOLEDELAROUTED’ANEHO, PREMIERE ECOLE PUBLIQUE DE LOME.

M. Nassirou GERALD0 (Né en 1922 à Lomé) assisté de Mme Baï Faustine de SOUZA (née en 1943 à Savalou, au Bénin)

- Q - Pourriez-vous nous évoquer le passé de cette école, la doyenne des écoles primaires publiques de Lomb ?

- L’ecole de la route d’Aneh a été creee en 1904, soit sept ans après l’arrivée des Allemands à Lame. Elle a été fermee pendant la première guerre mondiale et reOu- verte le 13 mars 1926 par l’administration française, sous la denomination de «l’école regionale de la route d’Aného». J’ai appris qu’elle aurait ete destinee à devenir le dispensaire de la ville, quand elle avait éte fermée. Il ressort de ces informations que 1’ecoledelarouted’Aného est laplusancienneinstitution scolairedenotreville(1). Pendant la période coloniale, l’École a éte dirigee par des Français, dont plusieurs se sont singularisés parleur dévouement envers les premières generations scolaires de notre pays.

-Q- Connaksez-vous le nom du premier directeur de l’école de I’éjwque allemande ?

- Non, les vieux temoins de la vie de cette &ole ont tous disparu, et les quelques informations que nous avons aujourd’hui ont éte glanées un peu partout ; personne n’a pu me donner le nom des premiers directeurs de cette Ccole. Après les Français, les directeurs étaient des instituteurs d’AOF,sortis de Victor-Ballot de Porto-Novo, de Dabou et Bingetvilleen Côte-d’Ivoire, de William-Ponty ou Sebicotane au . Au nombre de ces prestigieux pionniers, figurent les regrettes Boubacar N’Diaye, Tokou Michel, Atayi Salomon, Henri Ajavon, Randolph, Marna Fouss&i et, parmi ceux qui sont encore vivants, Atayi Ayayi et Ap&lo-Amah Moorhouse (2)... C’est grâce à œ dernier que nous avons eu des informations sur la genèse de notre école.

(1) En fait cette prendre kole officielle a occupé de 1902 b 1904 l’actuelle tkole Marius- Moutet, prb de la voie fede. Il y avait une tkole catholique a% les andes 1895. (2) Tous deux d&&&% aèpuis cet entretien.

67 - Q - M. Geraldo, vous avez dirigé un moment cette école, n’est-ce pas ?

Apres Apédo-Amah Moorhouse, c’estmoi qui ai dirige cette École,de 1966 à 1977.A mon arrivée, en 1966, je me suis rendu compte que l’étage (qui servait de chambresà coucher aux directeurs) allait s’effondrer ; alors il a fallu le réparer et le transformer en deux classes,avec une nouvelle direction. Tout le rezde-chausséeest restéintactjusqu’àcejour. Quantàl’etage,ilaétéseulementréhabilitécar,aucours destravaux, on a constatéque les fers qui lesoutenaient étaient encore très solides.

- Q - L’École avait-elle beaucoup changé entre la période oh vous y étiez élève et celle 03 vous y êtes revenu comme enseignant ?

- Quand je suis revenu à l’École de la route d’Aneh comme enseignant, en 1948,j’ai trouvé tout de suite que les effectifs avaient beaucoup augmenté. Quand j’etais élève danscetteecole, on était unevingtaineou une trentaine dansles classes. Leseffectifsen 1948étaient de40à50parclasse: c’était deseffectifsdejàelevésence temps-là. Les estradesdes classesont disparu, cesestrades d’où le maître pouvait, depuis son bureau, regarder jusqu’au fond de la classe;le maître doit maintenant se promener pour suivre les enfants. J’ai remplace M. Apédo-Amah en 1966.Je n’avais que 10 classes.J’ai fait alors construire deuxclasses et un bureau pour le directeur. En 1948,on avait meme un Europeen, M. Verne, au nombre des enseignants; il etait charge d’une classe. J’avais commencemes etudesà l’kcoleMarius-Moutet, qu’on appelait autrefois «&ole de la petite-vitesse»ou Écoleannexe. J’ai continue à l’ÉcoleBoubacar et, par la suite, à l’École de la routed’Aneho en 1930,au cours elementaire deuxième annee.

- Q - Vous avez donc fait le tour des écoles de h ville...

- Presque! Autrefois, il n’y avait pasbeaucoup d’écolesà L.ome.Les écolesqui existaientétaient cellesque jevous ai citées: Marius-Moutet, Boubacar,Bohn, Route d’Aneho...

-Q- Pouvez-vous nous expliquer cette dénomination des écoles ? - Marius Moutet est le nom d’un ancien ministre françaisdes Colonies (3). Cette &ole s’appelaitaussi «petite-vitesse» parœ qu’elle etait dansl’enceinte du Chemin-de- fer. Pour l’kcole Boubacar,c’est le nom d’un ancien instituteur de nationalite sénéga- laise, qui a beaucoup travaille au Togo. Quant à l’École de la route d’Aneho, c’està causede sa localisation,bien sur.

Sij’ai traverse toutes ces&oles c’estparœ qu’on n’avait pastous les coursdans une même école. J’ai fait, par exemple,les CPI et CP2 à l’kole de la petite-vitesse; à l’kole Boubacar,j’ai fait le CE1 et CE2. J’ai continué avec le CE2 à l’kcole de la route

(3) 1936-37, puk d nouveau a2.m les andes 1945

68 d’Aného, jusqu’au CMl. Par la suite,c’est à l’tkole Bohn (Bohn, si j’ai bonne memoire, c’estle nom de la rue qui passaità ci%&de cetteecolelà) (4) que j’ai tait le COUTSmoyen II et qu’on m’a pressenteau certificat de fin d’etudes primaires. Toutes cesécoles avaient un seul directeur,qui passaitregulièrement danschacune pour les visiter. A la tête de chaque école, il y avait un «chef de groupe».

- Q - Qui était votre premier maître, un Noir ou un Européen ?

- Un Noir, un Togolais, M. Ap&lo-Amah Moorhouse. Il m’a fait faire le CPl, à l’école de la petite-vitesse.

- Q - Et ensuite ?

-Ensuite j’ai continué mesCtudes jusqu’au cours supérieur, parce qu’à l’epo- que, aprèsle certificat,il fallait entrer au courssuperieur avant d’aller au courscomplé- mentaire, sur concours.Après 3 ansd’etude au courscomplémentaire, on partait à Dakar, d’où l’on sortait instituteur,commis d’administration ou médecin.Ce concours, dont les épreuvesétaient corrigéesà Dakar, sepassait aux mêmesdates dans toutes les coloniesde l’AOF.

- Q - Vous étiez donc venu dans cette école au CE2 et au CM. Est-ce que l’école a gardé les mêmes bâtiments, ceux que nous voyons aujourd’hui ?

- Quand j’étais Bève,il y avait tout justesix classes et le cyclen’etait pascomplet. Aujourd’hui, vous avezdouze classes. Autrefois cetteécole donnait directementsur la mer, c’est-àdire qu’il n’y avait pasde rue entre la mer et Wcole : pour aller à Aného, il fallait passerentre l’kole et la maisonTonyeviadji ; c’étaitla seuleroute qui conduisait à Aneho (5).

La cour était plantée de beaucoup de cocotiers souslesquels on jouait à la toupie, a Sucoto ou escargot,à la corde, auxbilles surtout...Aujourd’hui, tous cesjeux n’existentplus, et pourtant c’était desjeux intéressants.Beaucoup d’enfantsne s’occu- pent plus que du ballon rond,..Entre l’écoleet la SCOA, il y avait un grand depotoir et l’abattoir ; le premier abattoir etait par là (6), justeentre l’Écoleet la maisonSCOA Si je me souviens bien, il y avait un bâtiment à Ctages,où logeaient Madame Herdieux, une ancienneinstitutrice de l’kole, et Monsieur JohnsonSamuel.

- Q - Quand vous @tes arrivb ici, en 1948, est-ce que la cocoteraie avait encore sa vigueur ?

- Il y avait beaucoup de cocotiersdans la cour de l’école,et l’on vendait les noix pour le compte de la mutuelle scolaire : c’estpar la suite que cescocotiers ont eté

(4) Du nom du fondateur de la CFAO, dont le siège esl tout proche. (5) Cons@uite abs les ann&s 1925, aYte aujourd’hui wzcienne route d’An&oM. (6) A l’époque allemande. LMplact? par la suite pr& de l’actuel MAROX, avant de rtfjoindre le port b l’ouverture de celui-ci

69 abattus,parce que devenustrop vieux : ils tombaient à chaquegrand coup de vent. J’ai dû demander au service de la voirie qu’on les abatte.

- Q - Est-ce qu’il y avait une rivalité entre vous et l’école de hz mission catholique qui était d côté ?

- C’etait une petite école,juste à l’emplacementdu supermarcheHollundo. On travaillait bien ensemble; il n’y avait pasde rivalité entre nous. On s’entendait, on se comprenait très bien. C’était une école à deux classes,qui n’avait pas beaucoup d’élèves.Lagrandeécoledelamissioncatholiqueétaitàlacathédrale.

-Q- LVcole de kà route d’Ynéhe n’était-elle pas une école modèk, OP chaque enseignant voulait travailler ?

- Parceque c’etait la plus grandeécole d’antan. Tout le mondevoulait passer par là, où se faisaient !es cours de pédagogie. Pendant les vacances,les instituteurs europeens réunissaientles maîtrespour la pédagogie.Nous abandonnions nosclasses pour aller suivre les cours de pedagogie, desclasses modèles, et ceci même après les examensprofessionnels. C’est là où tous lescandidats admissibles allaient passerleurs Cpreuvespratiques et orales.

- Q - C’est une tkole qui a garde un grand prestige, n’est-ce pas ? - Oui, elle a gardé son prestige. C’est avec plaisir que je revois cette école, surtout parce que j’y ai ete comme CIève, et que j’y suisretourne comme enseignant, puis directeur d’école. Chaque fois que je passepar là, je fais un tour pour voir les enseignantset les elevesqui s’y trouvent.

- Q - Mme de Souza, en fouillant vos archives de la période coloniale, vous avez retrouvé ‘le registre matricule de 2939. Est-ce que vous pouvez nous donner le nom du premier ék?ve inscrit dans ce registre ?

- Le premier elève de ce plus ancien registre conserve s’appelle Agbigbi Kokou, inscrit le 6 mars 1939 ; il est sorti nanti de son CEPE avec d’excellentes appreciations.Je vous rappelle que l’&ole a eté cr&e en 1904,mais jusqu’a 1939,nous n’avons conserve aucun registre pour vous donner de plus amples informations sur notre &ole. Neanmoins,selon Scertainstemoignages, cette école a toujours ete une tres bonne &ole, où les enseignantspassaient leur plus beau temps.

- Q - Monsieur Gerahio, t2 l’École Bohn, en dehors de la classe du cours moyen deuxième année, est-ce qu’il y avait, pour les enfants qui n’avaient pas la chance d’entrer au cours complémentaire, moyen de trouver d’autres voies d’éducation ? - Vous savez,en ce temps-là, on avait besoin de ces anciens eleves pour travailler soit à l’h6pital commeinfirmier soit commecommis quelque part Ils trouvaient toujours quelque chosea faire. Les jeunes ne chômaient pasdu tout...

70 Toutes les &oles de Lomé, commeje l’ai dit plushaut, formaient un seulsecteur. Al’&ole Bohn il y avait une forge et un grand jardin. Il y avait un calendrier établi, si bien que toutes les écolesde Lomé envoyaient leurs enfants à desjours donnes soit à la forge, soit à la menuiserie, et on leur apprenait à travailler le fer ou le bois, ou à travailler au jardin. Il y avait aussiun grand champ scolaireà l’emplacementde l’&ole de Tokoin-Ouest.On y cultivait le maniocpour le comptede toutesles &oles de Lomé, qui avaient une mutuellecommune Deux instituteurs,MM. Sinzogaet Barriga,etaient chargesde la forge et du jardin scolaire.Quant au chefde secteur,c’etait d’abord un Européen, M. Soboua,puis, après, Monsieur Aquerebutu Par la suite,chaque École a eu sadirection.

-Q- En quelle ama& avez-vous eu votre Certifxat d’&des et combien dWt?ves &iez+ous au CM2 ?

- En 1937,nous etions 24 pn5sent.6par notre maître,Monsieur Kwamvi Laurent. Voyez-vous,pour toutes les ecolespubliques de LomC, il n’y avait qu’un seul cours moyen deuxibme anru%,à Y&ole Bohn. Nous, les 24,nous avons tous ete admis. On Ctait tellement content de nous qu’on nous a offert descarnets de caissed’epargne. Chacunavait 10F dansson carnet! Celanous avait fait grandplaisir. J’ai encore le mien, que j’ai gardé en souvenir.

- Q - Et votre fonds wntinue d rouler dans ce carneC ?

- Non, je l’ai garde parœ que je n’avais pasd’argent à l’epoque, et quand j’ai commenceà travailler, j’ai trouve que c’etait inutile de continuer avec œ carnet.Je l’ai mis de côté; je le retrouve de temps en tempsen fouillant mesaffaires... En œ temps,on avait dix centimespour aller à l’école ; avec les 10 c,on mangeaitbien pendantla r&r&ion, on etait bien rassasie: les dix centimessuffisaient largement pour manger...

- Q - Comment passait-on les examens du CEPE et comment prochmait-on les n%ukals ?

-La premièrematiere Ctaitla dictée.AussitBt aprèsla dictt!e,on ramassait les copies pour la correction. Pendant celle-ci, les candidats faisaient leur devoir de r&laction. Tout de suite avant la fin desrt%lactions, on passait dans les salles pour &niner tous ceuxqui avaient fait cinq fautesà leur dictée.Il ne restait dansdes classes quelquefois que dix, quatre, trois Clèves...Pour les candidatseliminés, c’était difficile ! Que faire pour sortir de l’enceinte? Parœ qu’il y avait desvoyous qui criaient sur eux. Certains jetaient leurs dossiersavant de sortir. A la fin desepreuves 6critcset orales, on donnait les resultats.Il y avait deux centres : a la cathedrale et à l’ecole Bohn. Au centre de la cathedrale par exemple, c’estdu haut de la maison à Ctages(7) qu’on proclamait les r&dtats. On appelait les dix premiers,auxquels on serrait la main. On donnait le nom de leur &ole et leur origine ; aux autres,on disait : «Allez, vous t?tes

(7) Archevtfchl.

71 admis».Notons qu’apr&r l’ecrit, il y avait desadmissibles qui passaientles epreuves orales (lecture, r&itation, lpns, histo-geo,l’education physique où il fallait lancer, sauter,grimper, em).

En cetemps (je veux parler desannees 1937-38), aprb l’examen de certaines Ctudes,les 30 premiers du Sud constituaient le cours supérieur de Lomé ; les 30 premiers du Nord allaient au courssupérieur qui setrouvait à Atakpamé. Par la suite, les 60 Clèves de LomC et d’Atakpamé se réunissaient à LomC pour le concours d’entree au courscomplementaire. Je parle de 1938,juste l’année où le courscomplé- mentaire qui etait au Bénin (8) estrevenu à Lame. Nous étions,sur les 60 candidats,14 admis,qui constituaient la Premiere annee avec ceuxqui étaient revenus du Daho- mey. Nous étions 14 en Premiere année. En deuxième an&?, il y avait tout juste 12 &?ves,et 7 seulementen troisiemeannée, tels que Ekué Martin, Amorin C%ar, Edorh Joël, Djabakou (le pharmacien)... Voilà ceux dont je me souviens. Ils Ctaient nos surveillants. En deuxièmeannée il y avait Mme Sivomey (9), l’ancien maire de LomC, Monsieur Osseyi,l’actuel chef d’AmIame,Djeri Gbati. Il y a beaua~~pde nomsque j’ai oublie, mais nous n’étions pastellement nombreux.Apres trois ansau courscomplé- mentaire, il fallait passerun examende sortie. Un diplûme était decerneaux laureats. II y avait aussi un concours d’entree à I’ecole normale superieure du Sénegal, un concourspour toute l’Afrique OccidentaleFrançaise, avec partout les mêmesepreu- ves. Nous étions 14 candidats,et il y a eu, je crois, 8 admis pour continuer à Dakar. Notre «Petit-Llukam, le courscomplementaire de Lame, estaujourd’hui 1’EcoleNatio- nale d’Administration, à cote de la grande poste.

- Q - M. Geraldo, comment étiez-vous entr6 dans la vie ? La vie était-elle aisb B I+$oque pour un jeune instituteur ?

- J’ai été embauchéen mars 1942dans l’Enseignement, en qualité d’instituteur- adjoint stagiaire, au salaire mensuel de 325 F. En ce temps-là, une somme de 150 F suffisait largementpour la nourriture du mois.

Aujourd’hui, on se rend compte qu’on gagnait presque rien, mais on vivait aisement,et on faisaitmeme deséconomies.

Lorsque, en 1944,j’ai Cteaffecteau Nord, lesvéhicules s’arrêtaient à Mango. Gomme il n’y avait aucune«occasion» pour rejoindre mon nouveau poste,Nano (pr&s de Dapaong), j’ai du faire cevoyage à pied, avec desporteurs : environ 60 km... L’inspecteur primaire, M. Champion, qui Ctaitle chef du Service de l’Enseigne- ment au Togo, pour visiter les &oles de la ville de Lomé, allait à bicyclette.Vous voyez quec’est pourtout lemondequecen’étaitpasfacile...

(8) Pour raison &conomiq le cours compkmentaùe de Lomé? avait &t? f& I 1934 b .1937 et ses tltves transftrts b celui de Porto-Novo. (9) voù chapitre 16 72 no 7

LESARBRESALOME

M. Michel Amakoé Robert AHYI (né en 1923 à Abomey, au Bénin)

- Q - Qn est surtout habitue à entendre Michel Ahyi parler de la pharma- copée africaine et en particulier des plantes médicinales : c’est dans ce domaine qu’il est bien connu au Togo (et au-delà), au moins autant que son frère, le fameux peintre et sculpteur Paul Ahyi. Pourtant aujourd’hui, vous alhz nous parler de ht ville de Lomé, car vous êtes de ceux qui ont contribue à lui donner sa physionomie actuel& par ce quWle a de plus beau, c’est-à-dire les arbres. Quelhz était autrefois votre fonction à Lomé ?

- A ma sortie de l’école d’agriculture de Porto-Novo, j’avais et6 demandé, en 1943,par la direction desChemins-de-fer du Togo et c’estpour celaqu’on m’a envoyé directementde Porto-Novo ici. Je suisrentré pour m’occuperd’abord desconcessions desChemins-de-fer, et puis desjardins publics qui etaient sur cesconcessions dans les garesdu Togo. C’està cetitre que je me suisoccupé de meubler un peu l’espacevide qui existait entre cesconcessions, et puis à l’intérieur de celles-ci,d’essayer de créer des espacesverts.

- Q - On peut tout de m&ne s’en étonner : en 1943, on était au plus dur de P&ort de guerre. N’était-ce pas un luxe d’utihser un agronome à faim dès plantes d’ornement plutôt que d’essayer d’accroître la production agricole ?

-Vous savez,je ne l’ai pasfait longtemps :j’ai place une équipe qui a continué l’oeuvre, et je la visitais de tempsen tempspour voir si le projet que j’avais laisse.avec plan à l’appui- Ctaitbien suivi. A cetteepoque, nous avions comme soucid’embellir un peu les garestout au long du Chemin-de-fer, pour donner un peu plus d’agrement en reboisant,et puis pour permettre à ceuxqui attendaientle train d’être à l’ombre.

-Q- Pour ht gare de Lomé et son environnement, quelles ont été vos realkations ? Qu’est-ce qu’il y avait avant vous, qu’est-ce qu’il y avait après ?

- Avant moi, dansles gares, et notamment dansla gare de Lomé, il n’y avait rien. Par exemple,il y a un espacequevous pouvez observer aujourd’hui et qui se trouve

73 juste en face du ministere desAffaires etrangeres, qui etait l’ancienne direction des Chemins-de- fer (c’était M. Garnier qui Ctait le directeur géneral à l’époque). Tous ceuxqui ont connu cet espaceentre les rails et la route qui passedevant le ministère se rappellent que c’etait vide. Et j’ai pris sur moi de cr6er une parcelle d’espacevert là. C’est comme çaque, le ler dkembre 1943,j’ai eu à terminer la mise en place de ces Cussiusiamea que l’on voit aujourd’hui encore et qui font paisiblement leurs presque cinquante ans...

- Q - Effectivement, nous avons retrouvé des photos de ce bd.timent aùns les tznnéh 1930 : il &ait lout nu au milieu dè son terrain. Donc ckst de votre faute si l’on ne peut plus reprendre hz même photo aujourd’hui parce qu’il y a des arbres qui cachent presque complètement le bâ%ent ?

- Bien sur... Il fallait meubler œt espaceet surtout créer de l’ombrage pour rafraîchir un peu l’atmosphere, parœ qu’on n’avait pasdeclimatiseurs à l’époque, et qu’on recherchait activement l’ombrage qui pouvait rafraîchir l’air avant son entree dansle bâtiment.A l’iiterieur mêmede la concessionde œ bâtiment,j’ai eu à mettre pas mal de plantes en place,dont certainesse trouvent encore là, maigre les destructions qu’il y a eu avec les nouvelles constructionset les diverses interventions d’urbanisme.

- Q - Quelles ont &f vos autres interventions dans le périmètre des Chemins-ik~er d Lomé ?

- D’abord j’ai eu le terrain dont on vient de parler, et puis l’intérieur même de la gare : j’avais installe une parcelle dont les fleurs krivaient le nom de la ville de Lomé, qu’on taillait r@uli&rement.A la placedes murs que l’on voit maintenant,il ny avait que deshaies vives de faux-campêchiers,de bougainvill6es, deshaies vives de toutes ces plantes qui pouvaient entrer dans l’agrément de ceslieux. Ça a et6 quelque chose d’assezpassionnant, pour moi et pour le directeur desCheminsde-fer d’alors.

- Q - A côté, d l’ouest, il y a actuelknent ha Makon du RFT (1) et la phzce de l’lndépendance. A l’époque, qu’est-ce que c’était ?

- C’etait le domaine des Chemins-de-fer.D’ailleurs on aperçoit encore les con- cessionsdes Cheminsde-fer qui entourent œt espacevide, et on voit encore les vieux bâtimentsqui longent la route jusqu’aurond-point. Ces immeublesqui vont toucher la gare appartenaient tous aux Chemins-de-fer : on me les avait confiés à l’époque pour essayerde meubler l’espace. Les routes que vous voyez entre les concessionsdes Cheminsde-fer et la Maison du RPT sont bordes de Stercubiz fmtidiz, cesplantes qu’on voit aussiderriere la prison de LomC : œ sont desStexulia fmhiia. On n’en connaissait pasle nom scientifique; j’ai eu moi-mêmeà identifier cetteplante apr&smon retour de la Chine de Formose, parœ que, là-bas, j’ai constaté que c’est une plante que les Chinois de Formoseont multiplié B outrance et qu’ils exploitentpour lesbois d’oeuvre et les bois de charpente. Cette ruelle a donc 6tb bordée par moi, et j’ai introduit aussi

(1) Aujourd’hui Palais des Con@

74 l’arbre-à-la-pluie, dont vous avez un certain nombre encore dans la concessionde roRsToM,lepithé COlb6 ium suma,dit l’«arbre-&la- pluie»,qui donne beaucoupd’om- brage.

-Q- Pourquoi l’appelle-t-on lkrbre-&la-pluie» ? - On pense que c’est un arbre qui retient les nuages quand il y en a un peuplement.

- Q - 1943-44, c’est lè moment 03 l’on a perck l’avenue du Ghh&de- Gaulle ; est-ce que vous êtes intervenu Ià aussi, pour y phnter les arbres qu>on y voit encore ?

- Non, je n’ai pasagi là, parce que, entre temps,j’etais parti dansI’armke de la Francelibre. Quand je suisrevenu, en 1945,j’ai et6 immédiatementaffecte à Atakpamé, comme agent d’extensionagricole.

- Q - Quel est l’arbre qu’on appelle à Lamé le «kokéti» ? D’O~ vient-il ?

- C’est le Sterculia foetida qu’on appelle en 6~6 le kokéti et qu’on trouve là, derrière la prison, tout à c&e de l’ambassadede France, puis à côté du PNUD. Cet arbre était là et garnissaitl’espacevide. C’estune plante d’origine asiatique.Je crois savoir qu’elle est introduite ici depuis le tempsdes Allemands, comme les eucalyptus. En cequi concerneceux-ci, il y avait desterrains markcageuxau quartier administratif. Comme les eucalyptusassèchent les etangs (un pied adulte évapore 8OOà1000 litres d’eau en 24 heures),les Allemands s’enetaient servispour lutter contre cesmarkages. Mais leSterculiafoetida, qui est appele kokéti, est Cgalementune plante médicinale. C’est une plante d’avenue, une plante qui par son port plaît beaucoup, et que l’on pourrait même mettre en place à cote desteckaies (car on ne dit plus uteckeraieu, nous disonsmaintenant deckah). C’estune bonne plante, que les Eaux-et-Foretsont pris pour faire desreboisements.

- Q - Ce kokt%, qu’on trouve notamment sur l’ex-rue du Lieutenant- colonel-Maroix, était-il déjà utilisé comme plante d’ornement avant que vous vous en occupia, ou est-ce que c’est vous qui l’ava imphrtté ?

- Jevous ai dit que c’était une introduction du temps de la colonisation alle- mande.

- Q - Mais on n’en avait pas fait l’inventaire botanique ?

- Non, on n’en avait pasfait l’inventaire botanique,ou bien son nom botanique existait quelque part dansles archives,mais personne ne le connaissait...

75 - Q - Il vous a fi aUer jusqu’à Taiwan pour en mtmuvet lh@ine...

- Ça a et6 une rencontre un peu fortuite, parce que je n’y étais pas parti spkitïquement pour œtte plante. Mais c’estau touts d’une missionofficielle la-basque j’ai constate,au cours de mes pdregrinations, qu’il y avait de très vastesBtendues de Sterculiafuezkia, et qu’on lui attachait beaucoup d’importance : on I’exploitait ample ment

- Q - A Lad il y a une rue qu’on dhmmait à l?&wque alkmwuk «Sangera S&asse» (2), estee que vous pouva nous dire h quel moment k Saqu&a estin.troduitauTogo.9

- Sungu&u ou Zmgz&a designe communement au Sud-Togo le Cassis du Siam.Cette plante aurait ete introduite au temps de la colonisation française; c’estune plante d’ombrageet une plante d’avenue en même temps.C’est une plante qui sert es- sentiellementau boisementpour la production du boisde chauffage : comme il y avait la nkcessitéd’alimenter les locomotives en bois de chauffage,on a pensequ’il fallait l’introduire. Mais je ne peux pasvous dire avec suffisamment de prdcision qui l’a introduit et à quelle epoque.A lkkole, j’ai eu une leçon la-dessus.A mon arrivee ici, je l’ai vu sur place. J’ai cru devoir en faire une parcelle, qui survit encore, maigre les interventions de la cogn6eet de l’homme.

- Q - Autre arbre qu’on trouve beaucoup d Lmnt! : k neem (3) ; d’o3 vknt- il? - Le neemest egalement une plante asiatique,venue desIndes. Elle est d’intro- duction assezrkente parcequ’a l’epoque où nous mettions leCas& Siameaen place, on n’avait pasdeneem. Peut étre yen avait-il quelques uns, mais en tous caspas avec cette densitb qu’on lui connaft maintenant, avec le peuplement qu’on en fait pour pouvoir donner non seulement de l’ombrage aux gens,mais egalement du bois de chauffage, parœ qu’il y a des parcelles de neems un peu partout sur l’etendue du territoire, et sur ies placespubliques. Vous voyezvous-meme l’ombrage que œla vous procure. Mais du coup le citadin, ou bien le citoyen, a aussitrouve en cette plante des usagesmkiicinauxdont il jouit maintenant. Leneem a pour nom scientifiquerlzadi- rach hdica. - Q - Le jlamboyant est peut &v k plus beuu de nos arbres d’ùrnement. On dit quel n9cst pus d3ntmduction tr& ancienne au Togo. - Oui, le flamboyant n’est pastr&s ancien, mais on l’a introduit à causede ses fleurs, de son inflorescencequi est tr&sbelle. Mais on ne s’enest r&llement occupe que tout rt’kemment, pour l’agrement que cela donne aux emplaœments où cette plante est mise.Autrefois, au temps colonial, on avait penSequ’il y avait desretenues

(2) ActueUc aunuc du 24Jmvicr. (3) -6 aYti?na.

76 d’eau dans les creux des branchesde cet arbre, et on a pensequ’il fallait limiter sa propagation pour emp&cherla proliferation desmoustiques. Mais maintenant je crois que cetteconsideration ne peut plusnous empêcher de multiplier les flamboyants.Tout le monde sait que le long desavenues, surtout sur la route d’Ago&nyive,le flamboyant embellit notre ville en debut de saisondes pluies.

- Q - Il y a donc une grande diversité & plantes dkaement à Lomé, alors que le milieu naturel est quand même d@ikik : ckst du sabbz, et le climat est bien sec...

- II importerait de prendre les dispositionsrequises pour adapter à ce milieu les variétés de plantes qui sont capablesd’y survivre avec un minimum d’entretien.

- Q - Le neem a fait ses preuves, mais il a aussi ses inconvénients : ses racines cassent le bitume et mtke les fondations qui sont à côté. Est-ce qu’il n3 a pas d’autres phuates qui ont tes mêmes effets @àstes ?

- C’est une Ctudeà faire. Personnellement je saisqu’on peut selectionner un certain nombre de plantes.On a à demanderà tous les propriétaires de concessionsà Lame de mettre en place un certain nombre de plantesqui ne nkessitent pastellement de soins, mais qui peuvent secomporter très bien. Que chacun prenne sur lui d’en mettre le long de sespalissades, et puis de l’entretenir pour embellir sacloture. Ceci se voit très bien. J’ai rapporte ici, deFormose, le «gazonde Chine», et puis leChysopo- gon aciculutus, que l’on appelle à tort le Puspafum. Eh bien, ce gazon de Chine, introduit ici par moi, en 1961, s’estrepandu non seulement au Togo mais dans les territoires voisins.

- Q - Les gens veuhxt certainement plks de sécurité pour leur maison en mettant des palissades solides, des épineux infranchissables aux voleurs. On peut faire des haies vives aussi bonnes protectrices qu’un mur en parpaings, n’est-ce pas ?

- Oui, mais toute palissadeque l’on fait en dur, en mur, peut êtreconvertieen chambres, en magasins.Personne ne veut que son prochain regarde chez lui. On s’enferme dansune enceinte en dur, parceque -je nesais pas- on a quelque choseà se reprocher, ou bien on croit qu’on est beaucoup plus à l’abri desvoleurs. Mais les voleurs,ce sont dessavants ; ils ont tous les moyenspour vous atteindre...

- Q - Donc la végéation de Lomé telle qu’on hz voit est largement une création de l%omme, consciemment ou inconsciemment, et vous y avez une bonne part. Pourtant, il y a aussi quelques restes de ht forêt primitive : ckst la forêt sacrée & Bè. Est-ce que vous vous y êtes intéressé ?

-Ilyalavégetationanthropique,dueàl’homme,quiest cequ’elleest.Maisce que je regrette, c’estdevoir regresserà une allure inquiétante la superficie de cette belle forêt de Bè. Et le nom de Lame même ? Ne nousdit-on pasque Lame setrouvait

77 dans une foret : .~Alotirn&+ou uAfomé» (4), qui est devenuLomt?aujourd’hui ?C’est dommageque l’homme en soit venu ii détruire ce que la naturea misà sadisposition d&s sanaissance pour le rendre heureux.Les couchesdu terreau ont leur importance dans la protection du sol et desespecesvegetales en place. Vous avez beaucoup de plantes qui sont m&licinales et qu’on pouvait avoir à la pot%%de la main autrefois, mais aujourd’hui, h&s !, œt environnement est completementdegm& au nom de l’urbani- sation, de maniere inconsciente...

- Q - Quand vous &a arrivê à Lomé, d IB fm de vos pmrni&s &uk, en 1943, avec votre regard de jeune botaniste, comment se présentait ha vég&ation dans la ville et surtout autour de la ville. Tout était-il en cocotiers ou est-ce qu’il y avait encore de grandes étendues de forêt naturelle ?

- Il y avait beaucoup de axoteraies. C’estpourquoi je parlais de vegétation an- thropique. La cocoteraie a contribué à faire reculer la forêt, à dégrader cette forêt, à l’annuler complètement même,parœ qu’on a cru qu’on devrait cultiver le cocotier, pour exporter du coprah. Ça faisait partie de la richessedu pays,mais œ faisant, on a fait beaucoup de tort. En 1943, Lomé n’etait rien ; elle etait limitée à l’est par la cocoteraie, à l’ouest par Atlao, au sud par le littoral et au nord par Tokoin. Apres Tokoin, c’etait une vegetation assezluxuriante, avec beaucoup de baobabs : on pouvait y chasserdes lievres,des biches, des perdreaux, etyrecolter, pour lesbesoins de la sante,des plantes médicinales,avec respect. Au fur et à mesure que l’homme a commence par Ctendrel’urbanisation, il y a eu une destruction assezrapide de cette vegetation caract&istique,avec œ peuplement un peu extraordinaire de baobabssur le promotoire de la terre de barre.

- Q - Ces baobabs &aient d la fois nalurels e.c anthropiques : ils &Gent utiles aux agriculteurs. L.e plateau de terre de barre était humanisé, cukk!, depuis longtemps, tandis que sur le cordon littoral, apparemment, hz eocdwaie s’est mise en pkce entre 1890 et 1920-1930 ; c’est b ce moment Ih qu’a dû se faire cet& dewuction de la for&. Vers 1940, il y avait-il encore des lambeaux de forêts qui pouvaient se voir aux alentours de LmIlê ?

- Bien sur, la cocoteraien’avait pasencore tout occupe.C’est avec cettehistoire de l’»effort de guerre», qui mettait beaucoup de gensdans l’obligation de faire des cultures plus ou moins vivritres, que la deforestation destructive a connu une allure n&ste. On a mis a la place de la tigetation naturelle une flore anthropique, qui n’a pas comblele vide climatique.

(4) En but : SXZU mil& &.v arbumî ala, (Sorindeïa wameckei Engi.).

78 * * *

- Q - Voas-même, ane fois d&nobil&k api& la guenz, avez-voas npris votre place aux Chemins-de-fer, d orner les gares ? if% ensuite, comment @es-vous devenu ce que vous vous êtes aujourd’hui ?

- A mon retour de l’armt!e,j’ai repris auxCheminsde-fer, et j’ai m&metenté d’y rester en voulant devenir un «cheminot». C’est Monsieur Tavera, du Service des voies et bâtiments,qui m’a decourage.Il m’estimaitbeaucoup, et il m’a dit : «Non, wus avezune formation dont le paysa besoin»,et il m’a encourage à reprendre le chemin -la clé deschamps, si vous voulez-,à aller faire de la vulgarisation agricole.C’est œ que j’ai fait, mais pasbeaucoup non plus,parœ que, desjuillet 1946,j’ai passeun concours pour aller à l’Institut de Recherchedu Coton et desTextiles exotiques à Bouaké,pour me spécialiserdans la culture du coton et descultures «exotiques».A mon retour, j’ai eu à aider à faire le choix de l’actuel Kolokopé (5) avec Messieurs Corre et Duveau. C’est avec les gensde I’IRCTque j’ai déblayele terrain pour l’actuel Kolokope. J’ai servi à Atakpame,à No&$ dansla circonscriptionagricole. En 1949,j’ai éteaffecte à SO- touboua pour construirela ferme agri~le qui est la maintenant J’ai du encorequitter le Togo en 1950,pour aller à l’Institut Françaisd’Afrique Noire, à Dakar et, de la, je suis revenu en Coted’Ivoire, au servicede I’ORSTOM, pour suivre ma formation. Je suis passeau centre de recherche agronomique de Bingerville ; de la, je suis parti pour 1’Ecolenationale de la Santépublique, à Paris. Je suisrevenu en Côte-d’Ivoire pour être nomme chef de cabinet du ministre de la Santé publique et de la Population, specialement chargé des travaux de recherche sur la m&lecine traditionnelle, la pharrnacop& aliicaine,la lutte anti-alcooliqueet la lutte contrele trafic desdrogues. Et c’estde œ poste que j’ai Cte rapatrie en 1958,à l’issuedes emeutes qu’il y avait eu à cetteépoque (6), et je suisrevenu prendre mesfonctions ici, au Togo, avec œpendant encore beaucoup de missions à l’exterieur pour des raisons de formation et de recherche.

- Q - Ne pensez-vous pas que l’urbanisation reprt%ente une trt?s grosse perte de cet& somme des connaissance populaires qui étaient liées d la vie du milieu rural ?

- L’urbanisation,c’est peutêtre tr2sbien. Maii je croisqu’il faut reconsidererla façon dont nous urbanisons nos villes. On penserait peut-être que je suis un peu attarde, mais j’ai ma façon de voir... J’ai toujours conseille de ne pasdetruire œ qui existait,mais d’essayerde l’aménager au mieux possible,et de l’entourer de œ qui est nouveau. Si l’on prend un village, je croisque tout œ qui est ancien doit etre pr&erve, et qu’il faut créer de nouveaux quartiers avec tout œ qui est moderne, afin que les gens qui viennent en touristes cheznous puissentconstater la differenœ qu’il y a entre œ qui existaitet œ qui seréalise. Mais lorsqu’on d&ruit absolumentœ qui est traditionnel,

(5) Toujours principal centre de recherche et de vulgarhation du coton de I’IRCI; d 30 km d’Atakpamt!. (6) En 1958, de violatres anerueS xhophobtv cm d Abidjan les Lhhamtm et les Togvllarr, 4” .&ùnt &.Y nombrtx rfyoccupcrdcspchnes~chniqucs. 79 au bout de quelquesannées, qu’este que nous allons prkenter aux touristes ? Ils ont vu des buildings chezeux, des maisons en dur chez eux, mais ils veulent retrouver quelque chose qu’ils ont perdu, et que nous sommesen train de détruire ici en les imitant :c’est un snobisme outré. C’estla paillote, la vie au village, le tam-tam, dont l’organisation n’a pasfait l’objet de tellement d’etudes; c’estpourtant une science,un art, qui permet devoir commentles gens,par petitsgroupes, ont penseà cr&r un tam- tam, et ont &aboré un programme qui s’estétendu à tout un ensemblede villages qui participent, animent, composentdes chants : ceuxqui sont retenus en disent long de la vie du village. Voyez-vous, ce que nous faisons aujourd’hui, c’estbien beau, mais lorsqu’on prend la musiqueet l’art negres,je croisqu’il y a desconsidkations subtiles, imperceptiblespar les visiteurs non avertis,qui entrent en jeu. La guitare sonore, c’est intekssant, maispourquoi abandonnons-nousles instrumentsde musiqued’antan ? Il faudra nkcssairement moderniser les instrumentsde musique,sans laisser disparaître nos instruments traditionnel. Il en estde même pour la construction,l’urbanisme. Je saisque nous avons à traœr desroutes, mais nous ne devonspas détruire absolument, par l’urbanisation, œ qui peut encore &tre representatif pour notre culture. 11est regrettable que nous n’y refhkhissions pasassez.

- Q - Je crois quïl r(9 a pas que les touristes d être conceruh, il y a aussi ks jeunes, tous ceux qui ont véku dans le morade iudifférencié des villes, qui ont d counaîcre leur propre identit6 par la pr&erv&on du pas.& Je crois que ce nht pas &re un conservafeur forcené que de prétendre 484% fau$ maintenir ce qw. fait l’orighüté du pays, et pas seulement pour les étrangers...

-Jepartageentièrementvotrepointdevue,etc’estœquej’ai toujoursditaux jeunes, car je suis en contact avec beaucoup de jeunes. Ces jeunes genérations m’intéressent parœ qu’ils perdent tout et neveulent pass’interesserà œ qui est chez eux.Je leur rappelle souvent qu’il faudrait faire un effort pour être d’abord soi-meme, être de chez soi, avant de vouloir paraître de chez les autres. J’ai souvent posé la questionaux jeunes de savoir quelle est la longueur du Mono (7). Ils ne la connaissent pas, mais ils connaissentla longueur du Nil, la longueur du RhBne et la longueur du Rhin... Et même,des fois, quand je leur pose un piege : «Quelle est la longueur du chemin de fer qui va de Blitta à Dapaong ?», il y en a toujours qui me trouvent une longueur...,alorsquelechemin de fers’arrêteàBlitta !

- Q - Pour en revenir et@ d Lom4, quel sont les arbres les plus vies que l’on puisse voir actuelhue.nt ? Est-ce que ce sont ceux de Béniglato, le vieux ucimet2re de la plàgw ?

- Oui ! Ces arbresde B&riglato,des Tmzimh catap& ont un certain age,mais il y a Cgalement les Sterculia cordijXh que l’on voit derrière l’ancien Bureau des Finances(S), devant le centrede formation de I’OMS : il y a une parcellede plantes,par

(8) Ac6udk Llùection de la .Wth~e scolah? (ancien hspital allemand).

80 exemple les Termi~&iu, les badamiers de Malabar... Tout ça fait partie des plus anciennes plantes qu’on a misesen place Ià ; le Sterculia fmtida dont on a parle, le kokéti, fait partie de cesplantes, ainsi que l’arbre-à-la-pluie. Aux temps coloniaux allemandset français,on a misen placeces plantes, et aussiles eucalyptus,qui sont non seulementdes plantes pour assécherles solshydromorphes, les emplacementstnaré cageux,mais aussiune plante de grande valeur m&iicinale : l’essenced’eucalyptus se vend dans les pharmacies.Les gensont reconnu cette valeur thérapeutique et s’en servent dans les rhums, les toux, et puis dans les grippes, en infusion, ou bien en decoction,en boisson,ou en fumigation, en bain de vapeur... Et le badamier, dont j’ai dejjaparlé, c’estune grande plante médicinale, qui intervient dans les diarrh&s, les dysenteries,et dansbeaucoup d’autres maladies.Mais à Lom6, les gensse contentent desfeuilles, qu’ils ramassentpour leursjardins potagers,et puis les enfantssont friands desamandes. L’ecorœ de cette plante est hautement antidiarrhetique, parœ qu’elle contient beaucoupde tanin. De plus,la racine de cetteplante lutte contre la blennorra- gie. Tout ça, il faudrait l’enseignerà la population, qui passesous œt arbre et ne serend pas compte, et ne s’en sert pas comme il faut. Il y a beaucoup d’autres, comme le caïlu5drat(Mtaya senegulensfil,plante le long de l’avenue du General-de-Gaulle, qui passedevant I’ORSTOM. Vous voyezdes gens qui viennent même de Kpalimé, des villages environnants, pour &orœr cesarbres. Quand j’etais haut-commissaire au Tourisme, j’ai du intervenir pour que l’on protège cesplantes, qui sont maintenant entourees de grillage, mais Dieu seul sait s’ilsn’ont pasenvie de détruire cesgrillages pour prélever lesécorces... Il y a rarement une plante qui soit ornementale sansen être en même temps médicinale, ou bien une plante qui soit fruitière et qui ne soit pasen m&metemps médicinale.

- Q - Est-ce que vous avez en tête d’autres cas concreh d’arbres particu- lièrement anciens dans la ville ?

- Oui, avecœuxque j’ai signaletout à l’heure, les Sterculiufoetiab très anciens derrière la prison, il y a ceux le long de la rue du Colonel-Maroix (rue des Kokéti aujourd’hui), qui est,elle aussi,bordée de Stmulia foetida.

- Q - Quel dge peuvent-ih avoir ?

- Oh, ils ont déjà depasséles SOou 90 ans,puisqu’ils ont et6 plantésau tempsdes Allemands. Il en est de méme pour lesSterculia cordifoh derrière l’ancien Bureau des Finances; on voit bien de quel figesont cesplantes. En dehors de ceux-là,il y a l’arbre- à-la-pluie et le filao qui est resteen place : il y avait une grande parcelle de filaos entre l’ancienpalais de gouverneurs (qui est maintenantle palais desHBtes de marque) et la ville, mais ceux-là ont tous disparu. C’estbien dommage.Il estsouhaitable de refaire d’urgence un inventaire de la végetation de la ville de Lame, pour serendre compte de son importance et de la nécessité de la proteger. L’espace vert est un bien inestimablepour tous lespays. Nous nousdevons de lui accorder plus d’attention pour l’enrichir dans la perspective de l’amelioration de l’environnement. Je crois qu’il s’avère indispensable d’eduquer tous les Togolais dans œ sens,et notamment ceux desvilles.

81

no 8

LES CHEMINS-DE-FERDU TOGO EI’LE QUARTIER GBADAGO

M. Etienne DEKPO (né à Glidji en 1911)

- Jesuisnéà Glidji; j’aiét~àl’&oledelamissioncatholiquede 1923jusqu’en 1928.Mon patron, le père Pklophie, le cure de la paroisse,voulait que je devienne moniteur, et il d&ida de m’envoyer à 1’6colenormale du Saint-Esprit de Togoville (1). Mais je n’avais pas voulu, car mes parents n’avaient pas d’argent pour payer ma scolarité.Alors je suisvenu à L.omk,le 29 octobre 1930,pour apprendre un mktier.

- Q - Qu’est-ce que vous avez appris d ce moment-là ?

- J’ai appris le métier de tourneur, de raboteur et de fraiseur.

- Q - Dtzjà aux Chemins-de-fer du Togo ?

- J’ai toujours travail16aux Chemins-de-fer.

- Q - Il y a rà, d votre mur, un cert&U de travail délivré par les Chemins- de-fer du Togo du 30 avril 1968, reconnaissant que vous avez rendu & bons et loyaux services pendant trente-cinq ans d’activik!. Vous êtes aujourd’hui l’un des plus anciens des cheminots des Chemins-de-fer du Togo, et vous pouvez donc nous parler de ce que c’était que les Chemins- de-fer dans ces années 1930, d l’époque 012 vous commenciez comme apprenti, puis comme ouvrier professionnel.

- J’avais d&ide moi-même de quitter la fonction de moniteur à Agouk pour apprendre un métier.

- Q - Qui vous a conduit à Lomé ?

- Mon grand frère, Kpadk Robert. 11y a longtempsqu’il était fi Lomk On l’avait fait venir de Cotonou.

(1) C&e en 1927, ancêtre du grand colkge actuel

83 - II Ctaitmaître ajusteur auxChemins-de-fer et on les avait tous appelesici.

- Q - Je suppose que l’i&ier des Chemhdè-jk t?Iait d l’époque l’un des plus mo&rnes de h Vi&, et 1% dis m&lkèurs centres de formation ?

- C’estla qu’on recevait lesgens qui voulaient apprendre un métier. Mais on ne vous liberait pas avec un dipltime, car ce n’était pas autorisé. On ne vous délivrait qu’une attestation

- Q - Combien de temps passait alors un apprenti hs un atelier ?

- Moi, j’ai fait trois anset sixmois.

- Q - Et c’&it s@Zwnt pour &re un bon ouvrier 1

- Oui ! Vous pouviez vraiment aller exercervotre metier après...Nous étions au nombre de quatorze.

- Q - Etiez-vous en& sur concours ?

- En effet, sur concours.Mais, à causede la crisequi battait son plein, les autres, ne pouvant r&sister,sont tous partis,au Cameroun ou ailleurs. Et nous n’avonséte que trois à rester auxCFP.

- Q - Comment se man~èstuàt cette crise dont vous parlèz ?

-En ce moment-là,il n’y avait pasd’argent. Quand j’ai été libere, je gagnais62 francs par mois ; ceuxqui sont partis ne recevaientque 6 francs.C’est pourquoi tout le monde partait.

- Q - La criw hwwmique des annth 1930 avait donc amen& une forte dhction de l’actàviti! des chemins dè fer ? - En 1935,pour trouver une solution à cette crise,le directeur, M. Lescanne, avait diminue les tarifs destrains : par exemple,un aller-retour LoméAneho à 5 francs, au heu de 25 à 30, pour pouvoir concurrenœr les transporteursroutiers. Pourtant, à œ moment-là,il n’y avait pasde toute commodepour Aneho ; la route n’était pasgoudron- nec.

- Q - Il y avait déjd des camions, des autocars, &s taxis ?

-Non, il n’y avait pasde taxis.Seulement deuxou trois camions.

84 - Q - Mais jusqu’en 1934, là construction de la ligne nouvelle AUpam& Sokodé (qui SI~% alors d Blitla) a dt2 quand mhe vous apporter une actîvitd ti impoltante ?

- Ça n’a pas eté confi aux Chemins-de-fer. C’étaient le role des «Travaux- neufs».

-Q- C’étuit donc une administration d@hmte des Cheminsdefet du Togo ?

- Oui, il y avait les Travaux-neufs d’un c&C, les Chemins-de-fer de l’autre. Le capitaineBillet commandaitles Travaux- neufs,le capitaine DalaiseCtait directeur des Chemins-de-fer.

- Q - Mais votre atelier devait aussi travailler pour les Travaux-ne@ ?

- Non ! non ! Mon atelier setrouvait au c

-Q- Donc hrrêt dès Travaux-m@, en 1934, n’a pas reprhenté une baisse d’activité pour vous ? -Non, non ! Pasdu tout ! Nous avions cinqseries de locomotives. Nous avions les machines13 tonnes,qui font desmanoeuvres dans la ville pour les commerçants(2), et même pour PAdministration. Nous avions, commedeuxièmeserie, la machine 15 tonnes, puis les machines anglaises,les Mikado, et puis les Oresten-etXope2, des machinesallemandes...

- Q - Que& était, dans les annkks 1930, la proportion du matkiel qui étair encore allemand ?

- 11n’y avait que deux machineschez nous, la locomotive @[email protected] a écrit là-dessus«O et IL, mais il faut prononcer «Orestenet Kopel».

- Q - Pour les wagons, je crois qu’il en mte toujours ?

- Oui, il y a beaucoup de wagonsqui sont venus d’Allemagne.

- Q - Je parle des wagons qui datent de l’époque O~S les Allemad ktaient ici.

- I-a série Oresten-et-Kopel et puis deswagons, des locomotives de gros et de petits boggies,oui : on peut en trouver encore douzeou treize...

(2) Pour desservir les compagnies commerciale-s sifwks rue de Commerce, que parcourait une petite voie fmf!e.

85 - Q - Est-ce que ceh ne posait pas un problthe quand ces locomotives alkmandes Ment en panne ? 03 trouver les pièces de rechunge ?

- Nous fabriquions tout ici même,à la machine-outil.Quand on vous présentele modèle, vous le reproduisez. S’il est en acier, vous fabriquez. S’il est en bronze, on sort du magasin du bronze brut, et vous moulez votre pièce.

-Q- Y avait-if encore avec vous des cheminots >?s qui avaient ét6 ouvriers sur 153 chemins & fer allemank ?

- Les gensqu’on aimait sont morts actuellement.Oui, yen ai connu beaucoup...

- Q - Qu’est-ce qu’ih vous racontaient sur les chemins de fer dé L&oque allèmande, compar6 à ce qu’ils vivaient dans les ann&zs trente ?

- Ils ne recherchaient que le retour des Allemands. Même mon patron (il se nommait Athanase Messan ; c’estlui qui m’a appris mon metier), il voulait que les Allemands reviennent. Tout le temps,il parlait desAllemands, que les Allemands sont bonset qu’il faut qu’ils rwiennent. Et il croyait que, demain,les Allemands allaient &re la. On semoquai& de lui...

- Q - Et vous, vous I(V croyiez pas, à ce moment 12 ?

- Que les Allemands reviendraient ? Non, je n’y croyais pas !

- Q - Pourquoi I

- Il y a une histoire que je vaisvous raconter.En 1936,37ou 38,il y avait un avion qui a survolé la ville de Lomé. A œ momentla, le terrain d’aviation était ici, à l’hôpital (3), là où setrouve la morgue maintenant.L’avion sepose. Tous les Lomkens s’apprêtaient à aller le voir, puisquec’était la première fois qu’ils voyaient atterrir un avion. Moi aussi, je suisa116 la-bas. Nous y avonsvu une jeune fille allemande qui pilotait l’avion ; elle a étéaccueillie par le directeur de la DTG, qui l’a escorttkjusqu’à samaison (4). C’estœt avion qui m’a donné l’idée qu’il y allait avoir la guerrevers la fin de l’année 1938.

- Q - Quand h guerre a Mat4 pour de bon, qu’est-ce que pensaient vos camarades, et vous-même ? Certains espéraient-ils le retour des A&- ma&, certains le craignaient-ils ?

- Il y avait les vieux qui l’espéraient. Mais nous qui Ctions dessujets français, nous ne l’avons pas espéré. Qu’est-ce que nous serions devenus ? Les vieux l’ont esptré.

(3) De 1931 h 1945, I’adroport a?? Lomk ttait d 1kmplacement de Pactuel CHU. (4) Probablement alhsioti au voyage Cie I’aviabice alkmande Dingeirietter, en juin 1933, d aavers I’Afnque de l’Ouest et a& Centre (c$ lean Martet : «Les batisseurs de royaumes», 1934, qui y voit une amende subversive* allemande). La DTG est la principale jïrme alkmande d l’+oque Jknçaise. 86 * * *

- Q - Quand a commencé le peuphneru du quurtier 03 vous habitez, ici, d Gbadago ?

- C’est à partir de cet avion-là que nous sommes alles voir : les gens ont trouve que ces lieuxvides, couverts de forêts, etaient habitables.

- Q - A quelle forêt avait-on aflaire d Tokoin .*

- Une grande forêt ! Si vous êtes dans le train, vous n’allez pas demander à descendre ici avant Lame...

- Q - Il y avait donc encore de la forêt. Etait-ce sur le plateau lui-même, ou bien sur les pentes, en montant de hz hzgune vers le plateau ?

- Elle commencait à Tokoin, avec des noms differents : Tokoin Octaviano Olympio, Tokoin Gbadago... Gbadago, lui, il est venu de L&e, de la prefecture du Zio, à côte d’Abobo. C’etait un chef feticheur. Il est venu s’installer d’abord à Ahanoukope, avec son couvent et ses adeptes. Ahanoukopé n’etait pas encore peuplé à ce moment- là (5). Au moment où Ahanoukope a commence à se peupler, il ne pouvait plus rester là ; il Ctait oblige de deménager pour venir à Tokoin, avec l’accord du chef Jacob Adjallé(6).Alors tout lemondeestvenu ici. Quandvousvouliezvenirici,vousalliez voir le chef Adjallé, qui vous donnait une parcelle, avec l’accord de Gbadago.

- Q - Nous sommes ici tout en bus du quartier Gbadagw, au bord de la lagune. Je pense que vous avez été dans les premières familles d s’installer par ici. Quand êtes-vous venu bâtir votre maison ?

I Le 7 aoQt 1939.

- Q - Est-ce le moment où vous avez commencé à construire, ou le momer~ où vous avez habit6 ?

- C’est le debut de la construction. Avant de venir ici, j’etais à la caserne des Chemins-de-fer, le quartier des cheminots à Wetrivikondji.

- Q - -4 l’époque, en 1939, y avuir-il ici d’autres habitants ?

- ;P&ais le premier ici, tout Pri?s de la lagune. Il n’y avait personne d’ici jusqu’aux rails, personne aussi jusqu’à la route là-bas. J’etais seul...

(S) Il le sera b partir de 1928-30. On dit aujourd’hui Hanoukopt (6) Chef d’Amoutivt de 1907

87 - Q - Vous êtes donc le premier occupant de cette partie du quartier. Quand a-t-il wmmenc6 h se peupler ?

- Oh...à partir de 1942deja, il était formidablement peuple. Avant, on ne savait pasqu’on pouvait habiter ici. Pour ceuxqui n’avaient pasd’argent pour acheter, pour nous,les pauvres, qui venions ici en demandant une parcelle au chef Adjalle, on vous faisait payer une bouteille de gin, de schnappset desodabi (7), et 30 F ; c’esttout !

- Q - Est-ce ce que vous avez payé vous-même pour avoir ié terrain ?

- Nous avons demandétr& tot à payeren argent.Mais on nous a dit d’attendre. C’estmaintenant que nousavons comme& à payer,suivant les dimensionsde nospar- celles.

- Q - Combien avez-vous de mètres cari-65 ici ?

- 25 mètressur 25

- Q - A Gbadap, c’est une grande parcelle : ici, la moyenne est plutôt autour dè 300 m2, d’aprh nos cakuk.

- On m’a autorisea aller jusque Ià où je voulais, puisquej’Ctais le premier à venir ici. Ce sont les ministresd’Adjall4 : Dadji, Klomegan et Tridji, qui sont venus me tracer la parcelle.

-Q- Actuellement avez-vous fini de payer votre parcelle ou vous êtes toujours locataire ?

- Je suistoujours locataire.

- Q - Ma& ce n’est plus un Ioyer compté en bouteilles d’alcool maintenant ?

-Non, non, en effet...

- Q - Comment est-ce que leJ gens traversaient lu @une en 1939-42 ? Est- ce qu’il y avait déjd là rue du Champ-de-course ? - Quand je suisvenu ici, il n’y avait pasde route ii partir d’Ahanoukop6 jusqu’à notre prolongement,lUas. Cest à œ momentqu’un commandantde cercleavait voulu organiser une fête pour lesjardiniers à Ahanoukopé. A œ moment-la dejjà,Gbadago etait a Tokoin, et il était en même tempschef, parœ que c’estlui qui reoevaitles impôts. Quand le commandantetait venu Wxis, à Ahanoukopé, il demanda:

(7)Alcooldcdidationduvinde,palme.

88 - «Où est le chef? - Le chef n’a pasde route pour venir», lui a-t-on repondu.

On est a116le chercher, et il est venu, avec son parapluie. C’est a partir de ce jour-la que le commandanta donné l’ordre de commencerà mettre desordures dansla lagune pour faire une route.

- Q - Et vous-mhne, wnunent &-ce que voas faisia pour mkr dàm vobz &maine, ici ?

- On passaittant& par les rails, tantôt par un petit sentier, 18où on a fait la rue maintenant. Il n’y avait pasde route pour aller à Tokoin. Vous pouvez le demander A n’importe qui : quandvous sortiezle jour et que vous ne rentriez pasvite avant la nuit, vous étiez embêtéspour passer(8).

-Q- C’était sans doute, une des raisons pour lesquelles les gens ne voukàbt pas venir de ce côté de la lagune pour wtstruim leurs maisons. Par eumplè-, wmment fuim pour amener des sacs de ciment ?

- Il ny avait pasde cimenten œ moment-la ; détaient desmurs en terre de barre. Nous n’avons connu leciment qu’à partir de 1945,et il n’y en avait pasbeaucoup.

- Q - Avez-vous construit vous-tnhe votre muison ou avez-vous fait appel d des maçons ?

- J’ai fait appel à desmaçons pour une partie, mais la partie en terre de barre, en argile,a et6 faite par moi-meme.

- Q - 03 allia-vous chercher cette argile ?

- Oh, il y en a partout, méme la où je suis.Vous creusiezun trou et vous en trouviez Mais on allait surtout la-bas,derriere les rails...

- Q - En effet, il y avait une grande mrriè~~ en& les rails e& la mute de Kpaümé, qu>on a wmbl& il y a dèux ans.

-C’estlàqu’Ctaientlechantieretlabriquete~ed’Octa~anoOl~pio;c’estlà qu’on allait prendre desbriques cuitespour travailler dansles quartiers du centre. Il y avait desouvriers qui fabriquaient les briques.

- Q - Cktte briquemè est déjd indiquk sur un ph dè 1891. El& kit donc encore ld, sous le rebord du phteau, 03 il y avait la carrith pour la transformation de l’argile en briques.

- C’étaitbien la-bas.

(8) Le quarnkr trait nfputt dan-

89 - Q - De l’autre c6tt! du chemin de fer, cW&dire d quelques dizaines de mètres d?ci, c’était un terrain qui appartenait d Octaviano Olympia, avant d’êrre loti. Est+e que c’était aussi une phntation de cocotiers, comme au SUddï?larlagune?

- Cétait sacocoteraie, qu’il a lotie pour sesenfants.

- Q - Et & ce côté-ci, au nord de la lagune, son terrain était également planté de cocotiers ?

- Non, non ! 11n’y en avait pasici ! Au moment où moi j’étais venu ici, on ne pouvait pasmettre le pied là-bas : il n’y avait qu’unegrande for&.

- Q - C’était une forêt naturelle ? -Ou& tout4-fit.

- Q - Dans les années 1950, avez-vous vu construire l’hôpital ?

- Bien sOr,puisque j’&ais d6jjàici.

- Q - A l’époque cWait kè bout du monde, n’est-ce pas ? Ça ne vous a pas étonné qu>on wnstruise un hôpital si loin de la vit% ?

- C’était un terrain d’aviation là-bas.Personne n’y habitait.

- Q - C’est donc la c&Uha de l’tipital qui a duré entre, en gros, de 1948 d 1954 qui a provoqué ié peuphent de tout ce quartier.

-Oui,oui,çasevoit.

* * *

- Q - Monsieur Dekpo, je vois d votre mur, aff%+é et encadré, un papier qui est orné d’un ruban aux couleurs de L’Allemagne fédérale et d’un superbe tampon de CI%, et je lis : «L’ambassade de la République fédérale d’Allemagne exprime sa vive gratitude h l’égard de monsieur Dekpo Etienne, qui a sauvegardé la plaque représentant I’eftïgie du docteur Wolf. Ce geste, tout en rendant un grand service au gouvernement de la République fédérale d’Allemagne, symbolise la vieille amitié germano- togolaise». Est-ce que vous pourriez nous raconter cette anecdote ?

90 - Personne ne m’avait demandé de faire ça.J’btais responsable des fondeurs aux Chemins-de-fer. On a amen6 une plaquette de bronze à découper et à fondre. Mais quandj’ai vu la qualite du brome et l’effigie,j’ai emballela plaque et je l’ai ca& dans un magasin. Même le chef de service ne le savait pas, jusqu’a l’arriv6e des Allemands qui sesont occupesdu chemin de fer. Personne ne le savait, pasmeme le magasinierqui est sur la photo avecmoi.

- Q - Il y a sur le mur une phot& +xtrêmement p& aujourd’hui- qui représente deux hommes de part et d’autre d’une grande plaque de bronze.

- Elle représentele docteur Wolf, qui a fondé la station de Bismarckburget qui a exploré le nord du Togo. Il est mort dansle nord du BCnin en 1889.Il avait fonde Bismarckburgen 1888.Il est enterré au cimetièrede la plage (B&iglato). Ccst bien de celui-ci qu’il s’agit.

- Q - La plaque était-elle pkux?e au rond-poînt de PEditogo, sur la petite phce ronde ? (9)

- Oui, oui ! Au momentde la guerre,on a dit que la FranceCtait en&& en guerre avec PAllemagneet qu’on ne voulait plusvoir cetteplaque. Cest pourquoi on I’a mise en prison, on l’a lais& dansla prison, et puison me l’a donn& pour fondre. Moi, j’ai vu la qualité du métal et j’ai refuse.

- Q - Pendant combien de temps avez-vow gardé cette plaque & bronze?

- On me l’a apportée en 1946,et on esivenu me la redemander en 1%7,à mon depart pour la retraite.

- Q - Comment a-t-on su que vous aviez gardi! cette phque ?

- Je ne saispas. Des Européens -on dit que œ sont desemissaires- sont venus avec un appareil-photo. Ils sont venus demander le chefde service, un Allemand, M. Lit. Il n’etait pas là, alors ils sont venus me voir et me parler de l’effigie. Je les ai emmenésau magasinet j’ai sorti l’effigie. Ils sont repartis. Et puis un, deux,trois mois apr&s,1’Ambassade a envoyé notre directeur me chercher. Je suisa116 un samedià 11 heures. On m’a mis à une table pour me remettre œ certificat, avec une bouteille de whisky uBfuck-and- whifew. C’est tout, et je suisrevenu.

- Q - Qu’est devenue etuuile cette plaque ?

- On l’a répar&. Avant de meI’apporter,on avaitvoulu ladecouper, la mettre en deuxmorceaux. On n’avait paspu. Maintenant,un Allemand etait au Chemin-de-fer, monsieurHeissude, un soudeur; c’estlui qui l’a r@ar&, et puis on l’a emportde.Je ne saisplus où I’on I’a lais&. Mais jki appris qu’on l’a misemaintenant à l%Spital.

- Q - Elle esf dans le kil d’en&& de l’Insti&ut d’Hyg2ne Ernst-Rodenwult, au quairtier admCWf$

- Peut-bre bien.

92 no 9

LEWHARFDELOME M. Joseph Amouzou KPODAR (né à Anfoin en 1928)

- J’ai commenceà travailler au wharf de Lomé le 12juillet 1945,d’abord comme dockerjournalier, titularise un an aprèscomme pointeur permanent. Intégre dans le cadre local de pointeur de 48 classeen janvier 1948,j’ai successivementtravail16 au magasincale, au magasin materiel, sur le debarcaderepour les navires, puis comme caissier du wharf. J’ai eté nommé en 1966 adjoint au chef de service du wharf ; ceci jusqu’en 1968,annee denotre évacuation sur le port delorne.

- Q - Quand vous enhz en service au wharf, celui-ci existe donc depuis 17 ans. Est-ce que les vieux qui vous accueillent en ce moment-là vous ont raconté un peu l’histoire de ce whatf et de celui qui l’a précédé, d l’époque allemande ? Qu’avez-vous gardé comme souvenirs de cette histoire ?

- Oui, on m’en a beaucoup parlé, surtout du premier wharf allemand, construit en 1904,sur une longueur de 304m Il a fonctionne normalement avant d’etre abîîe au bout par une tornade en 1911,puis porté à 330 m (1). Dès l’arrivée desFrançais, on a constateque cewharf ne pouvait tenir ; aussile gouverneur Bonnecarrérea-t-il d&idé defaireconstruireunnouveauwharfde330m,de 1925à 3928.C’estsurcewharf, qui a commenceà fonctionner à partir de 1928,que j’ai travaille jusqu’en 1968.

- Q - Est-ce que ‘la construction de ces wha&z en pleine mer, au milieu des vagues, avait présenté des difficultés techniques particulières dont on avait gardé le souvenir ?

-Çan’apaspo&d e p roblè mes particuliers. Seul l’Étatde la mer conditionnait les activites.Si la mer estcalme, le travail marchaitbien. Après,dans les anneeS 1950-55, les activités S’&aientaccrues, ce qui posait de serieuxproblèmes. Aussi le gouvernement decida de prolonger le wharf de 45,5 m et d’augmenter le nombre de grues de six à neuf, dont trois de 10tonnes et sixde3 tonnes (2).

- Q - On dit que c’est le seul whatf de la côte ouest-qfricaine qui était équipe pour travailler la nuit et qu’il ne s’arrêtait jamais, même les week-ends... Est-ce que c’était te cas ?

(1) En fair, il avait &I! allong! en 1908-09, pu13 emportk par les vagues dkrte tempête le 17 mai 1911. Il rouvrit en novembre 1912 avec une pwerelle provisoire, qtd durera jusqu’d l’ou- ver-are du wharf français. (2) Èn 1954. 93 - Au debut, on travaillait de 6 heures à 18 heures. Mais, aprés 1950, avec l’augmentationde la cadence,on commençaà travailler vingtet-une heures sur vingt- quatre, douze heures les dimancheset lesjours fëriés.

- Q - Pouvez-vous )IOË*F mconter en quoi wnsistuit votre travail ? Qu’est- ce que ceLa voulait dite qu’utiliser un whatf pour charger ou décharger les marchandises ?

- Nous, nous travaillions avec les grues. Les agentsdes chemins de fer nous envoyaient les wagonsavec desproduits locaux4 décharger,ou bien desvoitures, des fers, du ciment, du sel...,à charger sur les plates-formes que nous employions pour travailler. Nous avionsune locomotiveà notre dispositiondu matin jusqu’a la fermeture du wharf, le soir.

-Q- Les nuu&andises d txporter arrivaient donc au wharf dans les wagons ; comment est-ce qu’on les mettait dans les j%ts ? Etait-ce d la main, par k hommes, ou bien pouvait-on, avec une grue, prendre les choses di- rectement dans les wagons ?

- Pour l’importation, on charge les filets à bord desnavires ; on les met dansles bouts (S), qui arrivent à quai ; les grues les prennent pour les déposer sur les plates- formes-tombereaux ou dans les wagons. Pour les wagons couverts, les grues les deposent sur le debarcadere ; les dockers les rangent dans les wagons couverts, et ensuite on les ferme avec un cadenasou desfils de fer, pour les acheminer au magasin cale.

Pour les produits, les commerçantsles chargent dans les wagons et nous les amènent sur le quai. Les gruesles déposentdans les boats qui les acheminent,avec des chaloupesqui les tirent pour aller le long desnavires.

- Q - Il fallait donc une main-d’oeuvre importante. Combien étiez-vous d travailler en permanence, aux heures de travail normales, au bout du WhaJf ?

- Il faut huit personnespar grue et par &@pe, six personnesdans les boa& Les bouts sont des canots qui amènent les marchandises,les produits aux navires ou du navire au wharf. Ce sont deschalands. Il y a desbouts dc 7, h ct 10tonnes.

- Q - Il fi prt?cker qu’un wharf d Ia différence d’un port, ne permet pas aux bateaux de s’amarrer, parce qu’ils auraient tout arraché. Donc les bateaux restaient au large, et t’étaient les chaloupes qui faisaient la navette entre les deux. -On recevait jusqu’à plus de trois centsbateaux par an !

(3) Gm chalnndr sans moteur.

94 - Q - Quelles étaient les nwdtandb qui arrivaknt k plus 7

- Le ciment.

- Q - En quelk ann& k cimenI a-t-il commencé d abonder sur k ma1&2 togolais ?

-A partir de 1948.A œ moment-là,le gouverneur augmentaitnos salairestous les six mois.Alors les gensont penséà construire des maisons.En œ temps-là aussi, l’@ise St,-Augustind’Amoutivé etaitdejà implant6e(4), et Adoboukomé commençaità sedévelopper. Des gensdemandaient desterrains gratuits, que le chef Adjallé leur donnait. Ainsi, tous les six mois, quand on recevait les salaires,on commandait du ciment,qui arrivait en abondance.

-Q- Les gens voyageaient-ils beaucoup par bateau, et dans quelles conditions 1

- Pour voyager, même d’ici à COtOnOU, certaines personnes :e fairaient par bateau.Les principaleslignes (Congo, Cameroun,Abidjan...) Ctaienten pleine activite à œ moment-la. 2s Togolais allaient là-bas; ils revenaientfaire leur mariage ici, et ils repartaient. Les paquebots embarquaient beaucoup de gens. Pour aller en C&e- d’ivoire, le bateau prenait desfois jusqu’à 160 passagers! Il en venait deux par mois, desChargeurs-Reunis ou de la compagnieFratssinet, depuis Marseille. Ils prenaient despassagers d’Abidjan pour venir ici, puis ils allaient de Lame à Libreville, Pointe- tioire, Port-Gentil... C’etait &ns cespays que les Togolais allaient le plus souvent.

- Q - Comment est-ce que vous h embarquiez ?

- On les embarquait dansdes chaises, une sorte de caisserenforceede fer d’en basjusqu’en haut, appeleepanier. La chaisepouvait heurter le bout de la barque, ou plonger dans la mer, mais vous ne pouviez pas tomber, une fois que vous teniez les cordes, parœ qu’on avait serre avec des maillons. En temps normal, on prend six personnes par panier, mais quand il y a beaucoup de passagersou que le bateau est pressé,on en embarque jusqu’à dix :six assiset quatre deboutsau milieu.

- Q - On peut citer ici un &t des anta& 1930, fort pittoresque dans sa dwription du wh& C’est estrait du livre «Les bfitisseurs de royaumes», de l’écrivain Jean Martet (5) qui a visité k Togo en 1933.

uLomé appanrt : des maisons, une petite ville bâtie sur cette côte basse d’or2 s’avance perpendiculairement une chose noire, qui est le wharf: A Lomé, il y a même deux wha#s - l’ancien et le nouveau, l’allemand et le fiançais. L’allemand tombe en ruines et le fiançais se hérisse de six grues, magnifiques.

(4) Elle date en fait de 1934. (5) Paris, A. Michel, 1934, 314 pages (ici pp. 39-44). Qu ‘est-ce qu ‘un wharf ? C’est une jetee, - alorspourquoi dit-on : le wharf Ipourquoi au Togo les autos observent-elles la conduite h gauche ? - une jetee en fer, haute sur l’eau, qui n ‘a pour but que & jouer un sale tour à la barre. La barre, ainsi que nul n’en ignore, est une grosse, grosse vague, - à de certains jours et de certaines heures, très, très grosse, - qui est composée en principe & trois rouleaux et qui vient se briser sur le rivage, sans treve, ni repos, en faisant un potin de tous les diables (...). Le wharf supprime ce dt!sagrt!ment. Il s’avance en mer jusqu ‘au-dela de la ban-e et il vous cueille avant que vous soyez jkacass4 (...).

On me montre une petùe barque blanche que traîne une chaloupe à vapeur et qui se dùige vers notre bateau (...), Elle accoste (...). Le supplice du upaniem com- mence.

Le panier n ‘est naturellement pas un panier. Le panier est une espèce de cake en bois, sans couvercle ; on dirait un peu une a2 ces balancelles comme il y en a dans les manèges de chevaux de bois. Seulement, dans les manèges de chevaux de bois, c’est habituellement peint en rouge, avec des dessins d’or. Ici c’est peint en gris, comme les torpilleurs. De plus, c ‘est muni par en dessus d’une armature de fer : les anses de ce panier.

Je suis donc monté la dedans. Je me suis assis sur lune des a’eux banquettes dont la balancelle estgarnie, legrand Bernard est montéh son tour; s’est assissur l’autre banquette, en face de moi et, sur un commandement du capitaine, les gars qui la-haut, font marcher les treuils et les mats & charge, ont «envoy&

C’est-a-dùe que le grand Bernard et moi, nous avons été enlevés dans les aùs, arrachés du pont, balancés au-dessus des flots, nous avons tourné trois ou quatre fois surnous-mêmesetqu’aprèsavoùheurtédeuxou troisfoisla coquedu Hoggar,- boum ! boum ! boum ! - nous nous sommes retrouvés en bas, tout en bas, au fond de la petite barque blanche aux six matelots noùs, vêtus de bleu.

J’ai dit à Bernard : - On n’aurait doncpaspu trouver quelque chose de plus pratique ? - Ça ? m’a-t-il répondu. Qu ‘est-ce que vous voulez de plus pratique ?

Sur quoi le gros crochet de fer qui nous suspendait au mât de charge s’est décroché ; il est tombé sur le criine de Bernard, a’e tout le poids de ses quarante kilos. Bernard a un peu crie, agitéses grands bras, et, la petite chaloupe à vapeur nous ayant jeté une cor&, nous avons gagné le whar$ h la traîne. Arrivés au wharf la même comédie a recommencé, une des grues est venue nous pêcher au fond de notre petite barque, nous a promenés par les espaces, déposés doucement - boum ! - sur le tablier du wha$ nous sommes sortis de notre panier. , Bernard et moi, nous sommes montés sur un petit wagon que deux messieurs togolais se sont mis à pousser, joyeusement, d’un bout à 1 ‘autre du wharf et, bientôt, nousprenionspied sur une terre rouge où un autre monsieur togolais m ‘invitait h payer quelquesj?ancspour couvrir en partie les frais d’établissement du wharfk 96 Voüd donc comment l’on débarquait à Lomé en 1933 (hz sï%ne devait d’ailleurs être pratiquement la même en 1953...). Mais revenons aux souvenirs de M. Kpodar. * * *

-Q- Est-ce que les tfquipages des chaloupes fdnt partie du person- nel ? Est-ce que vous alliez dè temps en temps sur les chaloupes ou &ùt- ce des groupes de travailleurs très diffkrents ?

- Ils faisaientpartie du personneldu wharf. Il y a le patron, qui est au volant, en plus du m&anicien et du chauffeur,celui qui met le charbon ou le bois dans le feu. Le brigadier jette la corde au bout pour y être attach& et tirée le long du navire ou du navire au wharf. Ils sont donc quatre à bord.

- Q - Donc, c%?.taient dès sp&&tes. Eux ne venaient pas travailler sur ié wh& et vous, vous n’alliez pas travailler sur kès bateaux...

- Il y avait desspecialistes pour leschaloupes, pour lesbout3 aussi.Sur les quais, il y a des dockers, que nous appelons manoeuvres, les grutiers, qui sont deux (un chauffeur et un conducteur de grues).

- Q - A l’@oque alièmande, avant l’ouverture du wharf, c’était une activité tds spttkiale que ce dkhargement des chaloupes : t’étaient des «krumen» (6) qui faisaient ça, qui venaient du Libéria ou de CGte-d’lvoire. Est-ce que nous en avez encore connus ?

-Oui, à la fin de la guerre 1939-45,j’avais vu deskrumen qui étaient installes à Lomé, logesdans l’ancien magasin allemand. C’est eux qui travaillaient. Ils quittaient le wharf pour aller auxnavires et rentraient à Lomé une fois le servicetermine. Vers la tïn de 1945,ils ont Btéévacu6sversleur paysd’origine et remplacespar les autochtones, pris sur place.

- Q - Ils n’ont appawmment pas lai& de descendants. Vous ne wnnuissez pas d%&itie~ de ces krumen qui ktaient venus travailler d Lomé ?

-Non, je neconnaispas les descendantsqu’ils ont laissesici.

- Q - Selon la Marie d’un ethnologue allemand, Tobias Wendel, ce seraient eux qui auraient introduit kè culte de «Mami-Wata» sur toute kà côte ouest-qfricaine, une divinité marine qu’ils vhéraient particulière- ment : ce serait cela kèur htwqe...

(6) L.cs krumen -en &n&al dkthnù Km, d’o3 le jeu de mot mr liangiaîs wxewm (+ipa@- > ontcontinuctrLslott~~banbarquerwIcs navira comme équipas d’appoint.

97 hiais menons au personnel du ww. Il dépendait des Chemins-de- fer, mais il était autmwme ?

-Le personnel du wharfétait différent decelui du rkseaudes Chemins-de-fer. Nous avions cependant un seul directeur general, mais le wharf avait son chef de service.

-Q- Est-ce quel &it plus prestigiew d’être au wha@ que d’être un cheminot ordinaire ?

- Sur le wharf, il y avait beaucoup de risques. Aussi le gouvernement avait instauré desprimes, desprimes de tonnages,des heures supplémentaires,en plus des salaires,pour encourager les ouvriers.

- Q - Vous parla de risques. Est-ce que vous avez arsisté d des accidents ? Est-ce qu’il y avait des grues qui tombai& dans la mer ?

- Quand il y avait la mark? hauteou la tornade, lesbouts s’6chouaient Il arrivait parfois aussique les pirogues qui dechargeaient les fers à beton ou du ciment soient prises par de grossesvagues qui roulent : les pirogues coulaient.Alors on envoyait des spécialistessous la mer, récuperer cesmarchandises coulées. Avec desfils de fer, ils les attachaient, avec desboulons ;la chaloupe les traînait jusqu’au long du wharf. On jumellait les grues de 10 tonnes pour les ramener à la surface de l’eau. On etablissait ensuite le proci verbal, pour l’assurancequi supportait les frais...

- Q - Si c’était des jèrs d béton, ils &Gent &uphabks ; mais si c’était du ciment qui coulait, c’&ait bel et bien perdu...

- Oh ! Les fers à beton, souvent, on ne les récupérait pas,ou parfois en petite quantitéseulement. Ce sont lesvoitures qu’on rkcupbrait facilement, si l’on réperait l’endroit, et aussiles caisses,ou les paquetsde tûles...

- Q - Est-il arrivé d certaines voitures de partir d kà mer et & n’avoir pas été récupérées ?

- Oui. Je me souviens d’une voiture qui a échoue à la mer : en descendantdu navire, la voiture avait heurte le rebord du bout ; les roues sont sorties du filet ; elle a glisse;elleest tombe& lamer... Quand cesrisques survenaient, ceuxqui arrivaient à secourir soit les marchan- dises,soit les personnes (parce qu’il y a desgens qui ne savent pas nager), alors ceux qui les repêchaient avaient descadeaux ou desprimes, pour les encourager.

- Q - On pouvait être embauché sur lès chaloupes sans savoir nager ?

- Oui, il y avait desgens qui etaient engagessans savoir nager...

98 - Q - Vous parlez hi dtuxidèm surtout mai&& : une voiture qui tombe d l’eau, l’assurance peut la remplacer... Est-ce qu’il y avait aussi des accidents de personne ? Est-ce que vous avez tks collègue qui son2 morts en faiwnl çe travail ?

- Lors des operations de déchargement du materiel pour la construction de KpémC (7), il y a eu des accidents.Un patron de boat que je connaissaisen a eté victime : une charge l’avait cognéà la tete,mais, heureusement pour lui,la médecine avait fait tout son possible: il a surv&u, avant de mourir quelques annéesplus tard. Cependant un ouvrier qui avait reçu,lui, un gros chocau ventre était mort L’accident venait des boa&, parce que les palans qu’on debarquait avait glisse sur le c&e. On couplait les boats à deux ou trois pour les colis lourds ; cela dependait... Pour les locomotives,on couplait même trois boafs pour les decharger.On bloquait les essieux, la chaudiere,la cabine.C’est au coursde cesopérations que surviennent les accidents.

- Q - Quel a étt! l’objet le plus lourd que vous ayez vu débarquer ?

- Le plus lourd, c’etait la locomotive diesel de STRABAC (8). Il y avait deux dieselsqui faisaientles navettesde rochesd’Agbélouvé (9) au wharf. Il n’y avait que les essieuxqu’on avait détachesde la locomotive. On avait attacheles cordesqu’on tirait à la troisièmevoie desrails, pour pouvoir placer la locomotive sur la première voie. Cela avait Cte trèspenible pour nous.

- Q - Ainsi donc c’était un métier di$icile, dangereux, même sU y avait peu d’accident @ce aux mesures que vous preniez. Rehztivemeti bien payés, vous étiez doue en quelque sorte une élite ouvrière. Est-ce que vous aviez une organisation spécifique ?

- Oui, en 1946nous avions le syndicatdes cheminots qui nous couvrait à l’epo- que. Le Service de la Main-d’oeuvre n’etait pas developpe, mais le gouvernement avait instaure quelque chose de ce genre, qui venait sur les lieux de travail faire des constats,voir comment les chosesmarchaient et fixer le taux qu’on devait payer aux personnesvictimes d’accidents.

- Q - Vous aviez donc déjà une skcurité sociale bien développke ? - Oui, on a eu une sécurité socialebien développee à partir de 1946.

-Q- Est-ce que vous aviez uue organihon pour défendre vos intérêts, votre salaire vis-d-vis de l’administration ? Est-ce qu’il y a eu des bav diflïiles, des httes qu’il a fallu mener ? Est-ce que ça s’est toujours bien passé ?

(7) Wuuf pour kporîation des phosphates, d 35 km d l’est aè Lo&, construit b kxtr&e jIn de la pkriode coloniale. (8) En 1964. (9) Carri& b 60 km au nord de Lomé, 03 l’on a extrait les blocs de gneiss pour la construction des digues ai4 porL 99 - En 194930, on avait supprime les primes d’heuressupplementaires aux fonc tionnaires, c’est-à-direaux agentsdu cadre,pendant dix mois.En novembre 1950,on a fait une gr&ve avec suc&. Et puis en 1954 aussi,une autre grêve, qui dura six jours. C’està cemoment qu’on a affecte le camaradeDekpo au Service desTravaux publics et M. Banza au Service du TrQor. Le gouvernement fut obligé de faire appel aux piroguiers de la prefecture des Lacs (que nous appelions alors le cercle d’Anecho) pour remplacer les grevistes.Ils venaient desrivieres d’Agbanakin et d’Avt?ve (10). La gr&ve prit fin au sixièmejour ; le gouvernement avait accordé aux grevistes ce qu’ils r&zlamaient.Le camaradeDekpo revint aux Chemins-de-fer, mais pasM. Alomenou Banza, age, qui etait sur le point de partir en retraite. Les camarades piroguiers r&up&és d’Aneh pour nous remplacer,delaisses, s’agitèrent eux aussi,et le gouver- nement décidade les reprendre.C’est à œ moment qu’on instaura la troisi&mevacation de 21 heures sur 24 heures,en 1954.

- Q - Il y avait eu encore un certain tr@i dè bateaux en rade d’Wu!ho jusqu’en 1938, mais il n’y avait pas Id-bas, par ample, de gens qui savaient manoeuvrer les grues. Ces piroguiers ne pouvaient pas manipuler vos grues ?

- Non, bien sur ! Mais quelques-unsparmi nous avaient refuse de «grever» et avaient ete au service travailler avec les piroguiers venus d’Agbanakin et d’Av&e. Alors, un pointeur avait pris une chaloupepour travailler ; elle est a& s’echouerlà- bas,à la Poudrière (11). Après la reprise du service,on envoya desspécialistes pour la r&up&er. On attacha les cordagesd’acier et deux autreschaloupes l’entraînèrent, les canotiers creusant le sable qui entourait la coque de la chaloupe. Ainsi, on a pu la sauver...

- Q - Est-ce que, parmi ces dirigeants syndicaux du wharJ; il y en a qui, par la suite, sont devenus des leaders des confédhations syndicales ghéra- les du Togo, puis ont pas&, avec hn~ïation, d la CNTT (12) ? Est-ce qu’il J J eu une tradition syndicale qui s’est maintenue du wharf d la CNTT actuelle ?

- Oui, mais j’ai oublie le nom de œ syndicat.C’est le syndicatque M. Akouété Pauliu avait dirige.

(M. Kpodar va alors chercher une carte syndicaledatée de 1948 : rconfédération générale du travail, (CGT) Ville de Lomé ; Syndicat des cheminots et des agents autochtones du wharf et phare du Togo. M. Kpodar, pointeur de première classe, wharfde Lomé, néen 1928 h Anfoin. Carte no 276).

(10) Sur le basMono. (II) A 2 km plus à lkst, acnrel carrefour du Boulevard circulaire et de la Marina (on y stock& la poua%e d l’&oque akmande). Une école en occupe aujourd’hui lkmplacenm~ (12) Conf~dtbtion Nationale des Travailleum du Togo, fondée en 1973.

100 - Q - Nous avons ici un monument historique, une carte qui a presque quarante ans...

Pour Compt%%erle whatf il y avait bien siJr la gare, les atelier dès Chemins-de-fer, etc. Il y avait aussi un phare pour guider les bateaux. 03 était-il ? A quoi ~embkzi.6il ?

- Il y avait deux phares. Le grand Ctait au bord de la route principale, là où se trouve l’hûtel Le Bénin ; le petit était au bout du wharf.

- Q - A l’inauguration du port & Lomé, le trafi ne s’est pas arrêté tout de suite au whurf ; ça a di2 être ~II transfert progressif 3

- En 1%7,le wharf travaillait surtout le cimentet le sel,et le port aussifaisait ses activités. C’esten 196Squ’onafermélewharf.

- Q - Et les dockers ont tous été repliés au port ?

-Non, les agents,pointeurs, dockers,canotiers jusqu’à l’âge de45 ansCtaient envoyésau port, et les autres,de 46,50 ou 55 ans,étaient envoyésaux Chemins-de-fer.

- Q - Vous même, avez-vous pris votre retraite à ce moment-ld ?

- Non, j’étaisen fonction depuis23 ansau wharf ; il me restait15 ans à terminer au port...

- Q - Alors, est-ce que lè travail était beaucoup plus facile au port qu’il n’était autrqfok au wha$ ?

- C’est très facile au port, parce que les bateaux accostentle long du quai. Les marins du navire prennent les marchandiseset les jettent à quai, et les chariots et les grues viennent les chercher.

* * *

-Q- Vous même, 03 habihz-vous d cette époque-h ? - C’estdepuis 1953que j’ai construit ma maisonici.

- Q - Ici, nous sommes d Souza Nètimt?, tout près de la seconde forêt sacrée de Bè et dè la «Savonnerie & Bè». Quand vous vous êtes instaué ici, en 1953, y avait-il déjd des maisons autour, ou est-ce que vous étiez l%r des pmmiem d venù wnstruire ? - La savonnerie a et6 la première à s’installer ici. Après moi, il y a eu mon petit frère, Pierre Kombelota, et M. Adze.

101 - Q-Et lafort%sacde ? Comment étnit-ellè en ce temps& ? Etait-elle plus grande qu’aujourd’hui ?

- Elle Ctait plus grande. Avec le nombre de gensqui s’accroît,la foret sacke a recule de 50 m environ, puisqu’on jette les ordures aux abords de la foret, qu’on les y brftle... Cequifaitque laforêtserétrécit.

- Q - Pourquoi &iez-vous venus ici, si loin de là vil& et même loin du marché & BS, qui &ait ha partie habitée la plus proche ?

-Nous sommesles premiersvenus à Pa-de-Souza.Augustino de Souzaavait commence à lotir premièrement à partir d’ici, jusqu’à cette rue, puis aprèsjusqu’au marchede Be,qui n’existaitpas àl’époque. Il n’y avait quela gare deBè (13),avecdes mouvements à 7 heures.

- Q - Le lotksement s’est donc fait d partir de la route de Bè et de la forêt sac& ; d partù & la savonnerie, il a remonté vers le murchd.

- Oui, c’està partir de la savonnerie,vers la forêt sacree,qu’a commence le lo- tissement,jusqu’a aboutir au marchéde Bi?.

- Q - Auparavant cela avait été une cocoteraie en pleine production. Est- ce qu’il restait encore des cocotiers à cette époque ?

- Il y en avait ! Mon lot contenait mêmequatre cocotiers,que nous avonsabattus par la suite,avec la permissiondu fils d’Augustin0 de SOU~~,M. Kwaouvi de Souza,car les noix tombaient sur les enfants.

- Q - Donc vous biez votre maison, mais l’ancien propriétaire venait encore exploiter les cocotiers...

- Si vous vouliez qu’ils deviennent votre propriété, vous deviez payer 1OOO francs.

- Q - A combien aviez-vous adet& ce terrain, en 1952 ?

- 75 000 F, plus5 000 F pour le geOm&re,soit 80 000 F.

- Q - Pour vous, c’etait une forte somme, d @oque ?

- Cetait une forte somme,parce qu’en 1952,mon salaireetait de 18000 francspar nKk

(13) Aujourd’hui poste de police, en face du marché de Bk. Souza NMmd &ir la plus vaste cocoteraü des alentours de Lomk, progressivement lotie par Augustino de Souza et ses alfmts cnlrc 1950 et 1970.

102 - Q - combien la wnstmction a% la maison vous a-t-elle coûté ?

-Plus cher que le terrain ! 24 000 briques à 1200 Fet les frais de transport : l2OOFpourles~OCObriques. Ilavait falluaussi20000fBncspour lemaçon,maisœlui- ci a pris le large...Il a fallu chercher un autre maçon pour terminer le travail !

- Q - Vous êtes donc chez vous depuis 1953. A quel moment est-ce que le quartier s’est peuplt! autour de vous ?

- Vers 1956.

- Q - Comment s’appelle Ia rue 03 nous sommes ? - La rue Kombelota,un cheminotforgeron ; c’&ait aussiun griot, qui jouait de la flute locale,un amuseurpublic.. Comme tout le monde le connaissait,on a don& son nom à la rue où il habitait.

103

no 10

LZS ECOLES CATHOLIQUES EJYLES MISSIONNAIRES

R.P. Jean GBIKPI-BENISSAN (ne à Aného en 1913)(l)

- Q - Père Gbikpi, nous voudrùms aborder avec vous l’hktoire des écoles catholiques, qui ont fond une parti& importante des gens de Lomé, de leurs tS!itex Quel&?s ont 412 les premières ~CO~S, dans quels b&nents et avec quels responsables ?

- Faut-il parler d’une méthode d’apostolat durant cespremibres annkes? 11n’y avait pasde choixunique, mais,consciemment ou non, on donnait plus d’importance à tel ou tel point, Des les débuts, on accordadonc une place de choix aux écoles : les baptemesd’adultes se multipliaient en grandemajorité parmi les élèvesde cestkoles. Le catekhumenatdes adultes n’etait pasnegligé, mais œla posait tellement de proble- mesà causede la polygamiequi regnait à peu près partout sur la côte ! Dans les koles, on soignait particulièrement I’enseignementreligieux

TrZ?ssignificatif de œt apostolatest la demanded’un descheik togolais (2), desla toute Premiere rencontre avec le premier père superieur (3), fraîchement debarque, le 27 aoQt 1892.Nos chefs de Lame arrivbrent dejà chezle délegue imperial pour prendre desrenseignements sur les missionnairesnouvellement débarqués.Lepro- prefet setrouvait justementlà ; ils firent connaissanceet l’on pria le Père d’ouvrir une &ole desla première rencontre. Le 2 septembre,deux enfants assistaientdejjà à la première messe,cinq à la seconde.Le dimanche 4septembre, ils étaient douze.Avec quelle piete ils restèrentà genouxdurant toute la messe! C’estdire l’importanceque les etints avaientdans l’apostolat des tout premiersmissionnaires A la fin de l’année 1893, on notait 135enfants tXquentant les écolesde Lame, Adjido et Togoville. Le nombre deschretiens se montait a 180,œlui descat6chumènes à 160.Dejà en l’an 1893,c’est-a- dire quelques mois apr&sI’arrivee despremiers missionnaires,le PCreDier, retour- nant à Steyl(4), amenaitavec lui deuxenfants africains : cecimontre l’importance qu’il attachait dèsces débuts à l’éducation desenfanta. Malheureusement, il n’a pasdonné

(1) DtXgnt aa’minktiateur apostolique de l’archia!i&se de Lord le 13 f!wier 1992 (2) Octaviano Oiympio, 0 Lord depub 1882 Lors de cet entretien, le RP Gbikpi a beaucoup citk ou paraphmt «L’Histoire de I’Eglise catholique au Togo» du RP Karl Miller (kiition fiançake, Lomt$ 1968, 253 p.), ainsi qu’une plaquette de souvenirs en hommage du RP Riebtein (Lomt$ 1974, 20 p.). (3) Le RP Johann Schaefer ; sa santt! l’obligera à repartir &j&tivement deux ans plus tard. (4) Aur Pays-Bas, d la jFontit?re allemande, &ge des missionnaires de la Soc&! du Verbe Divin. 105 les noms de ces deux petits. A la fin de 1893, on avait dejjà 150enfants dans les écoles. L,‘importanœ de l’apostolat par Mcole provoquera des 1894 la mefiance des féticheurs. Nous lisons en effet que les centres de fétichisme de Grand-B& (5) et de Togoville relevaient la tête. A Grand-Bè, on chercha à se debarrasser du missionnaire quand il entreprit de construire une école. A Togoville, écrit le Père Dier, la population est mefiante, entièrement vouée au fetichisme et ne veut pas entendre parler de la mission. Les enfants sont nombreux, mais aucun nevient à l’école. Les féticheurs sesont bien rendus compte que l’apostolat par l’instruction des enfants cloignait ces enfants d’eux et les amenait à la nouvelle religion.

Dans les statistiques de cette annee 1895, on mentionne que 485 enfants fré- quentaient les &oles catholiques. En 1899, ils sont SO3kcoliers. Enfin, dans le rapport officiel du gouvernement au parlement allemand, le «livre blanc» de 1909, on men- tionne l’heureux developpement de l’enseignement du Togo. A Lomé, on vient de construire un bâtiment de 30 mètres de longueur, à deux etages ; c’est l’école profes- sionnelle, dirigée par six freres allemands. Un grand nombre de Togolais se forment dans les neuf ateliers : des menuisiers, des charpentiers, des maçons, des serruriers, des cordonniers, des tailleurs, des peintres, des sculpteurs sur bois, des couvreurs, des imprimeurs... C’est une belle oeuvre, non seulement pour la mission du Togo, mais pour le pays tout entier.

- Q - Vous rwus uvez parlé des effectifs des écoles, mais on ne sail pas dans quel3 endroits ces écoles se trouvaient.

- Ces kcoles étaient d’abord sur l’emplacement de la première mission au Togo, là où se trouve aujomdhui le magasin «Nouvelle Hollande», dont la moiti6 du territoire est aujourd’hui detruit par la mer. Les ecoles se trouvaient là, mais des 1898, on a transfere l’ecoledes garçons là où ellese trouve actuellement, près de la cathédrale.

- Q - Quel& a été la date de lu création de l’école professionnelle ?

- La premièreécole~professionnellese trouvait à Adjido, à Aného, parce que, dejà en 1893, le Père Dier avait transferé la residenœ du supérieur de la mission à Adjido; c’était alors Aneho qui etait lacapitaleduTogo, et les embarquements pour l’Europe se faisaient plus souvent à Aného qu’a Lome. C’est ainsi que nous avons eu la première école professionnelle g Adjido. Mais, ensuite, le grand b$timent à etages dont on parle a Cte construit ici, à Lomé.

s Q - Le bârimerrt que l’on a détruit récemment et qui se trouvait en face de l’archevéché, qu’est-ce que c’était au juste ?

- En faœ de l’archeveche, côté nord (coté sud, il y a toujours le grand batiment scolaire), c’était le cours complementaire, qui est venu plus tard (6).

(5) Lk? (opposd à Petit-B6 : Amoutivt?). (6) vers 1910

106 - Q - On a cr& par la suite une deuxième école catholique dans kà partie nord du quartier d’Ynagokom4, nk+ce pas ?

- L’École deKok&iméest venue un peu plus tard, apr& l’arrivt!e desreligieu- ses.C’etait la garderie, le jardin d’enfants.Plus tard, a l’arrivée despères de la mission française,comme il n’y avait pasassez de religieuses et de placespour les écolesdéjà developpées, on a transformé cettegarderie d’antan en école primaire, en agrandis- santle b&iment.

- Q - Et L’aCokè des filles dès soeurs de là rue de ià Mission, est-ce qu’eh% date également de l’époque allemande ?

- Oui, bien sur.Reprenons notre récit.A la premiere fête de Noël en 1892,alors qu’on comptait déjà 48 écoliers, on pensait dejà à la necessitede faire venir des religieuses pour s’occuper des petites filles, préoccupation notée des le quatrieme mois de l’apostolat missionnaire.En 1896,la question devient decisive.Le Père Büc- king va bientôt aborder dansses lettres la questiondes soeurs. Il y a desannees que les pourparlers avec Steyltraînaient ; rien n’aboutissaitparce que le supérieur avait des exigencestrés strictes au sujet des soeurs et parce que le Père Dier n’etait pas du même avis que le Père Bücking. L’un voulait dessoeurs pour Adjido, l’autre pour LomC. Le pere superieur general envoya des instructions précisesconcernant la clôture desreligieuses :

Le 8 janvier 1896,il Ccrit au Père Bücking : «J’ai déjà quatre soeurs pour le Togo, et j’en aurai bientôt six,ce qui permettra d’occuper deux postes».Ceci à cause de la divergence qu’il y avait dansles opinions : certains voulaient tout pour Adjido, tandisque d’autresvoyaient l’évolution future de Lomé et voulaient avoir tout de suite dessoeurs pour Lame. Donc il dit qu’il a dessoeurs pour deux postes,mais il Ctait n&essaire que toutes les soeurs restent d’abord un mois ensemble. Sur le plan eccl&iastique,l’ensemble de la questionrelevera du pi?reDier, administrateur aposto- lique. Une fois encore, les chosestraînèrent plus d’une année. Les quatre premières religieuses,les SoeursBernarda, Fratuisca, Vicentia et Margareta arriverent le 6 mars 1897. Elles furent accueillies avec l’enthousiasme qu’on devine, et elles se mirent immediatement a la tache où elles sont irremplaçables : la formation humaine des chretiensde la jeunessefeminine. La première supérieure,Soeur Bernarda, etait une religieusetout a fait remarquable.Elle reussitadmirablement auprès des jeunes filles et desfemmes africaines, ce qui explique l’affluence des enfants à l’École des les pre- miersjours.

107 Les Cpreuves n’allaient pourtant pastarder. Au mois de mai, la mort emporta Soeur Ekrnardaet le Père Hoffmann. Celui-ci avait beaucouptravaillé pour la mission. Particulièrement doué pour les langues,il avait écrit plusieurs ouvrages en éwé : catechisme,histoires bibliques, livres de priére, grammaire,dictionnaire... L’arriv&e de quelquesmissionnaires put heureusementcombler cesvides et la situation s’améliorera sensiblement. De cespremibres missionnairesallemandes, certaines ont eu des relations tout à fait privil&kks avecma propre maman,qui lescitait continuellement.Lors de mon or- dination saœrdoçale,en 1942,à Rome, lessoeurs de cettecongregation allemande ont tenu à œ que je vienne dans leur couvent c&brer une de mes toutes premiCre.s messesparœ que, comme les pères,elles avaient l’oeil sur moi :j’étais le fruit de leur missiond’il y avait 50 ans(de 1892à 1942).Et j’ai su que,dans cette communauté, il y en avait une qui avait fait le Togo et mémeAneho, et q i avait connu ma mère. Ma mke effectivement parlait de cette religieusequi l’avait pfis e en affection, et a laquelle elle etait restee trèsattachée dansson coeur. Ça a été une grande joie pour elle. Apres la messe,nous nous sommespresentes, malgré la clôture de leur couvent, et elles nous ont offert un petit dejeuneret une conversation très agreables.(On parlait l’italien). C’est là que cette soeur a evoque la memoire de ma mere ; je lui ai dit que ma mère parlait souvent d’elle. Ce sont dessouvenirs qui ont enchanteson vieil âge...

* * *

-Q- Revenons, si vous voulez bien, d l’histoire des religieux. Assez curieusement, au début de la première guerre mondiale, les Anglais laissent en place tous les missionnaires allemands. Mais quand même, progressivement, la situation se radicalise, et ils décident jïn 1917-début 1918 d’évacuer, de déporter tout le clergé! allemand qui &ait encore dans kè pays. Comment se fait alors h relève ?

- Nous avons desdocuments prkis : le 11 fevrier 1918,le vicaire apostolique de la Gold Coast(7) fut nommé administrateurapostolique du Togo, qui venait de perdre tous sesmissionnaires. Les premiers pr&tresarriv& de la Gold Coastà LomC furent le Pere Reymannet le Père Riebstein.Celui-ci passeravingt-neuf ansà Lame (8). Il était devenu un pretre légendaire, et le pbre des traditions de la mission de LomC. Je retrouve dans une de sespremières lettres, l’historique de sapremière rencontre à Lame : «En grimpant au premier étage,je me suis trouve devant un premier étre vivant : un gros chien blanc-noir, pasméchant, qui, en voyant ma soutane blanche, semblaitreconnaître un de sesanciens maîtres. De saqueue touffue, il me souhaita la bienvenue».

(7) Mgr Hummel (18701924), Mque de Cape Coast (d’origine akacitmne). (8) De 1918 b 1947. Il partit emuite au Canada. 108 Quant auxécoles,le Père Riebstein écrit : «Le lendemain de notre arrivée, nous fûmes présentés au gouverneur anglais(9) et auxautorites administratives. Le fonctionnaire charge de l’enseignement me dit alors : «Père, je veux que les Ccolesallemandes de la mission deviennent anglaises.Débrouillez-vous». A Lomé, il y avait alors 600 elèves avec 16 moniteurs ; Mgr Hummel leur ajoignit un maître d’ecole de la Gold Coast.Je me suisdonc mis à l’oeuvre. La sortie de l’école ayant lieu à 16 heures, je prenais les moniteurs de 16 heures à 18 heures pour leur enseigner les leçons qu’ils devraient donner à leurs elevesle lendemain.Deux autresinstituteurs de la Gold Coastfurent envoyésà Lame un peu plus tard, pour les autres classes,si bien qu’à la fin de l’annee scolaire, nous reçumes les felicitations du gouverneur anglais et une subvention de 300 livres ster- ling, sommequi fut doublee l’an& suivante.Les soeursde Notre-Dame-des-Ap&res n’arriverent que deux mois plus tard, le 4 mars 1918.En attendant des moniteurs allemands assuraientl’enseignement desfilles qui, d’ailleurs, ne frequentaient alors queles petites classes». Pour comprendre l’opération desmissionnaires, faisons un rappel historique pour voir le Togo au point de vue politique.Des lesdcbuts des hostilit&, au mois d’août 1914,Anglais et Français avaient partage le Togo en deuxzonesd’influente. La plus grande partie de la colonie allemande,cote ouest(avec Lome, la capitale) fut retenue par les Anglais et l’est avoisinant le Dahomey fut laisse,avec Aneho, Atakpame et le Nord, à la France.

D&@e par Mgr Hummel, Monseigneur Steinmetz,de Ouidah, acceptad’ad- ministrerla partie française.Le Pere Beauvin et quelquesautres confrères du Daho- mey s’occupèrent des chrétiens de cette région. Le Père Beauvin était le premier prêtre que j’ai connu dansmavie d’enfant, à Aneho, avecsagrande barbe. Gertaine- ment j’ai rencontré les pèresallemands :j’ai etc baptisé par eux,mais je n’en ai pasde souvenir, comme pour le Père Beauvin avec sa grande barbe : il m’a beaucoup impressionne. C’est le premier prêtre qui m’a scandalise,qui m’a ahuri quand il a annonce à nous,enfants de choeur, que nous pouvions devenir prêtres. Je me disais en moi-même : «ce gbévouvi, ce petit gbévou (10) pouvait monter aussi à l’autel, devenir prêtre ?» Je ne pouvais pasle concevoir... Gela nous avait scandaliséà cette epoque. C’était vers 1922-23que j’ai entendu pour la Premiere fois qu’un petit nègre pouvait devenir prêtre.

A la signaturedu traité de Versailles,le 28 juin 1919,Lame et la partie principale du Togo, son front de mer, le port de Lame et les voies ferrées qui en partent, furent cedésà la France et placessous mandat de la SDN.

Les Anglais ne garderont que Ho, Kpandu et Bla, les @ions de Kete-Krachi et Yendi. Cette partiede l’ancien Togo fut alors rattachee tout simplement auvicariat apostoliquede la Gold Coast.Le Saint-Siègenommait, le 11janvier 1921,un administra- teur apostolique en la personne de Monseigneur Jean-Marie Cessoupour le Togo français.Mais le Pere Riebstein mentionne :

(9) L.e major Rave. (10) xpelit chien de la brouseN, pression aifsignanr les gamins des rues.

109 «Revenons à Lame, où le gouvernement français s’est etabli apres le partage definitif du territoire. D&s que les Anglais eurent quitté Lame, le ler octobre 1920, le directeur de l’enseignement vint faire unevisite rapide à l’ecole de la mission et me donner ses instructions : «Mon PCre, me dit-il, votre école anglaise va devenir une 6cole fran@se ; débrouillez-vous». Je lui objectais : «Ce serait une fausse manoeuvre, mal vue par la population, que de supprimer brutalement l’enseignement de l’anglais. Laissez-nous continuer avec les hautes classes afin de conduire ces élèves jusqu’au standard seven, la classe terminale des écoles anglaises. Les petits se remettront tout de suiteau français». Ces objections furent jugées raisonnables et l’écolecontinua pour un temps, mi-anglaise, mi-fran@se».

.J’ai connu, moi-même, plusieurs personnalités qui ont fréquentéI’&ole de la mission à cette epoque-là. Je vois encore dans ma memoire des personnes vivant actuellement, ici, à Lomé, qui m’ont raconte qu’elles ont eu leurs certificats à la fin de cette amr&Aà. Ils avaient fait cette école bilingue. Je vois parmi eux Louis Amegee, qui est president du comite fédéral des paroisses de Iome. II a plus de 84 ou 85 ans : il m’a raconte qu’il a reçu le certificat à cette epoque-là. Il y a M. Denis Lawson, plus qu’octogenaire lui-aussi, qui est un des grands organistes qui ont succkdeauxgrands organistes des pères allemands. Il etait alors elève du fameux musicien Gordon : il lui a succkdé ; il vit encore.

- Q - Qui était ce fameux Cordon ?

- Vous qui savez tout, vous ne connaissez pas Gordon ? C’etait un génie ! C’est l’un des rares ékves qui ont profité de l’enseignement de l’allemand, mais si simple que, instituteur bien apprécié, il a continué l’enseignement de l’allemand, puis, rapidement, il s’est fait instituteur anglais, à l’arriveedu Père Riebstein, comme ce dernier l’avait raconté. Il est devenu ensuite instituteur français. Il maniait aisement l’allemand, l’an- glais et le français : un genie polyvalent, qui avait une belle kriture gothique et dressait de belles calligraphies ; il décorait les choses. C’est le plus grand musicien que le Togo ait connu, je crois. Il avait l’oreille fine ! C’est lui qui jouait dans les grandes circonstan- ces ; c’est le grand organiste que les pères allemands ont laissé ici, au Togo. Monsei- gneur Cessou,àson arrivée, a été subjugue par cet homme-là. Il l’adorait et voulait à tout prixen faireun prêtre. Il l’envoya àStey1 pour parfairesesétudes. Malheureuse- ment sa sante etait deficiente : le pauvre homme n’a pas pu suivre. Il paraît que, la-bas, le froid trop vif lui a fait du mal. 11 est revenu mourir ici, au Togo. C’etait une personnalité don? les anciens de Lame parlent toujours avec beaucoup d’admiration.

Le Pere Riebstein nous a dit qu’il avait dû se remettre à l’ouvrage, avec ses moniteurs, avec la même methode employee pour l’introduction de l’anglais trois annees auparavant. Mais les progrès furent moins rapides, d’abord parce que le français est bien plus difficile que l’anglais, et puis les maîtres etaient las, fatigués de ce continuel changement de langues. Ils en etaient alors à la troisième langue euro- péenne, sans parler de leur propre langue... En 1923-24, on raconte que l’anglais fut brusquement supprime, avec le resultat que les hautes classes sevidèrent complete- ment : durant les vacances, les élèves s’etaient fait inscrire dans les Ccoles anglaises de la Gold Coast toute proche, à Denu. Ici, on continuait avec le français seul.

110 «Ici, raconte encore le Pere Riebstein,en 1935,si messouvenirs sont exacts,je fus heureux d’accueillir à l’école de LomC, les deux fils, Alex et Robert Dosseh, enfants du brave catechisteCasimir, de Vogan. Je ne me doutais pasalors que 27 ans plus tard, en 1%2, le petit Robert allait devenir le premier archevêque togolais,et son frere, Alex, le grand maître de musique de la cathédrale et du lycée français de Lomé» (11).

-Q- Père Gbikpi, pouvez-vous rwus parler des activitks des missionnui- t-es, et ausi des kvénements qui ont marqué la vie d la cath&drale de Lomé.

- Jevais surtout vous citer lessouvenirs du Pere Riebstein et encore l’histoire du Père Müller. «A partir de 1922,les missionsde l’intérieur animéespar desprêtres nouvelle- ment arrives, moi-même,puis par le Pére Rimli, arrivé le 8 décembre1919, furent réou- vertes, en même temps que les écoles, qui avaient grandement souffert durant la guerre, par manque de personnel et de ressources». Le Père Riebstein mentionne aussil’arrivee successivede plusieurs mission- naires. «Le 25 septembre 1921,Mgr Cessou,nommé administrateur apostolique du Togo français dès janvier, était arrivé sur place, accompagne du Très Rd Père Chabert, superieur general desMissions africaines. Avec lui, débarquèrent les révé- rends PèresBedel et Ollier, qui rouvrirent Agou et Kpalime, puis les Frères Gerard (tailleur), Louis, Odulphe (l’imprimeur) et le Frère Benoît (mecanicien).La foule des chrétiens fut heureused’accueillir cesnouveaux missionnaires.Dans la même année, le 12 d&embre, arriva le bon Père Gerard, expert imprimeur, qui reprit en main cette grande imprimerie, si longtemps unique au Togo. Le père Ctait accompagne de M. l’abbe Henri Kwakoume,qui revenait de Lyon pour continuer sesetudes clericalesà Ouidah, au séminaireSaint-Gall». (Plutôt au séminaireSainte-Jeanned’Arc, parœ que le nom de Saint-Gall n’a et6 donne à œ seminairequ’un peu plus tard, en 1930).

Vous m’avezdemande quelques evenements qui ont pu marquer le souvenir de la cathédrale de LomC. Au mois de mars 1923, le vendredi-saint, Mgr Cessou reçut sa nomination episcopale de vicaire apostolique du Togo français, tandis que le Père Auguste Hermann était nomme vicaire apostoliquedu Togo britannique, avec résidenceà Keta. Monseigneur Cessoufut sacréà Lomele 13juillet 1923par Mgr Steinmetzdu Daho- mey, assistéde Mgr Terrien et Mgr Broderick, du . Ce fut un sacred’évêque de grande classe,de grande ampleur. Mgr Cessou lui-même fut un évêque d’une puissance de travail extraordinaire et d’un zèle dévorant. Il reussit à trouver des missionnairesanciens et nouveaux,qui lui permirent de reprendre rapidement en main la chretiente. Je veux citer encore cette note du Père Riebstein : «Mgr Cessoum’avait donné comme consigne pour mes vacancesde mettre à jour une grammaireet un bon vocabulairede la langueewe. Je fis œ travail en 1923-24, et les deux livres furent imprimes en 1925à Rome par la Solidarite de Saint-Pierre- Claver. Une secondeédition de la grammaire éwé parue en 1947,prefacée par le RP Kwakoumé».

(II) Il est &akment l’auteur de l’hymne national «Terre de nos aïeux...»

111 Mgr Cessouparcourut fkquemment son vicariat, encourageant les fidéles à revenir à la pratique dessacrements. Ça a Cte difficile. Il s’efforça de développer les oeuvres existanteset d’en accueillir de nouvelles. Mais il s’estsurtout devoué aux écoles. Vous voyez donc, c’est l’ekole qui a Cte la Premiere preoccupation des missionnairesà cette@quel& Les missionnairesimitèrent sonexemple, et plusieursmoururent jeunes,exte- nuesde fatigue. C’estainsi que le Père Ledis mourut après un séjour de neuf mois à AnCho (j’ai assistéà son enterrement en 1922), le Pere Hervouet apriS trois ans à Lomé, le 4 juin 1924.Leur enterrement a donne lieu a de grandes manifestations d’affection et de sympathie de la part de toute la population en faveur desnouveaux missionnaires,qui marchaient genéreusementsur les tracesde leurs vaillants prtklé- cesseursallemands. Je me souviens bien de l’enterrement du PCreLedis à AnCho. Ce sont desévénements qui ont marqué notre memoire de la prime jeunesse.Le Père Riebstein dira plus tard qu’il ne regrette qu’une chose, de n’avoir plus les forces physiques necessairespour se rendre une dernière fois au Togo et revoir une fois encore cette chèreet sympathiquepopulation du Togo, et il achevait (sa lettre date de 1%9) : «Qu’il me soit permis de leur envoyer messalutations emues a l’occasionde œt heureux anniversaire de ma premiere arrivée à LomC» (Bénédiction que je vous transmetsà vous aussi,chercheur historien et auditeursde la ville de Lomé...).

- Q - Ce Père Riebstein a en effet connu une carrière assez extraordinaire, notamment quant aux diff&entes nationalité% qu’il a pu avoir. Il est né, d’après ha petite biographie que vous nous avez montrée, en Alsace en 1891, donc d ce moment-là il est sujet allemand. Il s’enr6le dans la SocieU des Missions africaines en 1913 ; il a sans doute du, wmme beaucoup d’Alsaciens de Pkpoque, quitter l’empire allemand et se réfugier en France, et sans doute prendre à ce moment-& la nationalité franqaise. Mais il est envoyé se former comme prêtre en Man.&, ou il est ordonné prêtre en 1917. Il est donc d ce moment-la trilingue : l’allemand, sa langue maWnehi~, le francais, ensuite l’anglais appris en Irlànde... C’est d ce titre qu’il est envoyé d’abord en Gohl Coast, en 1918, puis, très rapidement, à Lomé sous domination anglaise, alors qu’il devrait être th&oriquement sujet alkmand. Et l’on vient d’expulser les missionnaires allemands ; c’est pour cela qu’on l’envoie h& alors qu’il a un statut disons mi-français, mi- anglais. Il a fallu donc des gens comme ça, qui étaient d cheval sur plusikus natùmalités, pour assurer cette transition, avec en plus, klemment, une foi, une char-i&!, une ardeur ùrfatigables. Il est resté au Togo jusqukn 1947, administrateur du diocèse de Lomé d la mort de Mgr cessOu. Il a pris sa retraite en 1969 et il est dZced& en 1974. Le te& que nous a lu le Père Gbihpi est edrait dlur petit m&norial qui a 6t-k imprimd sur cette imprimerie de l’tkole des Frères de «Brother-home+ en homma~ au Père Riebstein. - Il est bien dit qu’à partir de 1918,on a repris l’oeuvre missionnairescolaire. Le Père Riebstein s’occupaitde l’kcole desgarçons, tandis qu’en 1919 arriverent de Gold Coast trois religieusesirlandaises pour s’occuper,à partir de œ moment-là, de l’ecole des filles. Une annee aprks, c’estI’arrivke des premières missionnaires françaises.

112 Quelques-unes de leurs anciennes C&es m’ont aide à trouver des anecdotes de l’&lu- cation sous leur apostolat.

Je peux vous donner la liste rapide des premieres soeurs qui ont laisse un souvenir assez bien imprimé dans les memoires de leurs plus anciennes elèves. La première, c’est la M&e Galhcan (12), qui était la mère supérieure de l’unique institution religieuse à LomC, appek dksormais Notre-Dame-des-Ap&res, à «laPlage», à Adawlato, presque enclave par legrand-marcheactuellement. Sousson autorité, il y avait une douzaine de religieuses. Citons, entre autres, la Soeur Ischyrion (13), la plus âgée aprks la M&e Gallican. Elle était alors la surveillante générale de l’internat, chargee des problemes de l’economie domestique : entretien des internes, alimenta- tion, cuisine des soeurs et des internes, lessive et repassage, linge de l’eglise et habits des prêtres, des freres et des soeurs, mise en place et entretien des jardins potagers.

Autres soeurs memorables : Soeur Agathonique (14) on l’appelait «la Gkante» et les anciennes eleves disaient qu’elle avait pr&s de deux metres... non ! un metre quatre-vingtdix : peutêtre la mémoire des enfants qui ont approche cette religieuse a- t-elle un peu hisse la toise... Quoi qu’il en soit, on l’appelait la Geante ! Assistante secretaire de la mbre superieure, elle etait sacristine principale, charg6e de l’entretien de la cathedrale et de la chapelle de l’internat, du service de la messe à la chapelle des soeurs, Elle était alors secondée par quelques unes des anciennes élèves, dont j’ai connu la Soeur Vincent-Marie (Xi), la grande intellectuelle de l’institution. Elle a Cte la directrice de l’kcole primaire de Notre-Dame-des-Ap&res, chargée d& relations avec l’évkché et avec les cures de la cathedrale, enseignante du cours moyen II A et B. Comme Soeur Melanie, Charg&e de la chorale pour la cathedrale et l’organisation des fêtes, etait sacristine principale adjointe. Soeur Judith était venue principalement pour diriger alors le cours superieur qui Ctait en création, transformé un peu plus tard en cours secondaire. Elle a donc Cte la Premiere directrice du cours supérieur, qui a eu aux examens d’excellents résultats. Trois laurkates sont restkes sur la liste des premiè- res intellectuelles du Togo, en 1936.

- Q - Y a-t-il ch anciennes él2ve.s dè ces soeurs qui sont aujourd’hui des personnalités connues d Lomé ?

- J’ai connu d’anciennes filles des soeurs qui, durant toute leur vie, sont fières d’avoir rq cette kiucation des religieuses. Je connais par exemple Madame Isabelle Amedzogbé, d&&l6e il n’y a pas longtemps, Mme Pablo, qui très petite etait déjà enfant des soeurs, Il y a Mme Laura Onissa, connue sous le nom de Mme Doe-Bruce, une qui fait veritablement honneur aux soeurs. Elle a conserve sa foi, sa pratique religieuse, une foi Ch&ienne gkante, comme sa propre personne d’ailleurs (elle sort d’une famille de g6ants...). C’est elle qui a donne le bel exemple d’avoir cr&de toute piece une paroisse ici, a LomC, sur un terrain immense qu’elle a acquis de ses deniers.

(12) A Land depuis 1919, &ctWe en 1954, entede au cimeti&e de Bhiglato. (13) A Lmd depuis 1920, d&t!dke en 1950. (14) Au Togo aé 1923 d 19SO. (15) Au Togo de 1931 b 1938.

113 Ellea eu l’audacede demander de faire une église,et elle a construit une belle eglise sur le terrain, un presbytbre à côté et elle a même installé des orgues dans l’eglise : toute une paroisse, creée et donnee à l’evéche, qui a installe un prêtre : un bel exemple, rbultat de l’éducation des religieuses. D’ailleurs son papa était un des premiers de cesgens qui ont éte deschretiens de grande tenue, d’une grande int@rite Ch&ienne à Lomé. Il y a Véronique d’Almeida, devenue Mme Bandeira, Locke Brenner-von Doering (son papa a etele dernier gouverneur du Togo), Mme Nicolas Agb&iafa, originaire de la famille Aklassoude Lame, Mme Marie-Marthe Adjangba, nt?eAmegan, la soeurdu ministre Amegan.Leur papa etait un grand maître catéchiste à Lomé, qui a fait de la traduction pendantplusieurs annees. Il a éte d’abord catkclriste avec les pères allemands et anglais, puis, à l’arrivée de Mgr Cessou,il a ete un des soutiensde la mission,et le grand interprête dessermons de Mgr Cessouà la cathe- drale de Lomé, du françaisen eWe,un petit bout d’homme...Moi, je l’ai connu comme interprête à la cathedralede Lame. Citons encore Mme Marguerite Adjoavi Tr&ou, nkeThompson, et sagrande soeur,Mme Kodjo, excellenteepouse et mère de famille, aussisoigneuse de satoilette de belle dameque scrupuleusementfidèle à sespratiques de dévotion Ch&ienne... JC ne peux pasles citer toutes...

Oui, il faut dire que cessoeurs là ont fait un travail magnifique, dont j’ai pu connaître les fruits. Aujourd’hui, beaucoup de leurs anaennes elevessont fières de parler d’elles (16).

(16) L.a parole leur est donde au chapitre 18.

114 no 11

UN INFIRMIER D’ETAT

M. Emmanuel Koffi AGBOKA Infirmier retraité, à Tokoin-Habitat (né à Atakpamé en 1931)

- Q - Aujourd’hui, nous sommes chez M. Agboka, un ancien infirmier, qui IWS a tt5Vphan.é l’autre jour pour nous parler d’un fait que nous avions évoqué dans une autre émission, quand nous visitions le cimetière de la plage, à Béniglato : nous rwus étions arrêtés devant la tombe du docteur Polîtzer, où il est précisé qu’il est mort en 1951, à l%îge de 26 ans, d’une morsure d’échis (1).

M. Agboka, que pouvez-vous rwus dire de ce drame ?

- Le docteur Politzer était un vétérinaire actif, qui voyageait beaucoup à l’in& rieur du pays. On venait de construire son nouveau bâtiment -qui est toujours la direction du Service v&érinaire-, qu’il a integré. Quelques jours après, une nuit, il descendait dans son garage, et là, il a été mordu par un serpent, plus pr&%ment par un échis. Le bruit a couru que ce serpent n’existait pas à Lom6, et qu’il avait dQ l’amener dans ses effets depuis l’interieur. Nous avons dit aux gens de pro&der à une fouille. On a mis les prisonniers dans les terrains vides tout autour, et on a découvert qu’il y avait un gîte d’&his. A ce moment-là, il n’y avait pas de s&um anti-échis, nulle part en Afrique. On a cherche partout, sans rien trouver. Ce qui a fait qu’on n’a pas pu sauver le Dr Politzer : il est mort. Il &ait le v&&inaire-chef du Service de 1’Elevage du Territoire, et il faisait beaucoup de tourn&s dans l’interieur.

-Q- Donc cet échis, ckst-à-dire une sorte de vipère, était, rS l@oque, inconnu ou du moins rare au Togo. L’échk est un petit serpent, mais l’un des plus venimeux. Au téEphone, vous nous avez dit que vous en aviez déjà vu chez vous.

- Oui, on ne le connaissait pas ici, mais chez moi, à Atakparne, j’en avais dejà vu dans les ann&s 1940, quand j’étais encore enfant. Nous en avions tu6 un dans le jardin scolaire. Ce qui m’a marque, c’est qu’au moment où on allait le tuer, il n’&ait pas 3g6 : il n’a pas file comme les autres serpents ; au contraire, il s’est laisse tuer. J’ai alors remarque que son ventre était tacheté de points noirs. Quand j’ai vu le spécimen qui

(1) Nom scientifique : Echis carinatus (PrononcC ékis). Setpent qui vit surtout en zone de savane ; sort au crépuscule; 1~2s agressif et venimeux ; 85 cm aé longueur au maximum ; beige avec aks taches noires. 115 avait mordu le docteur, le serpent que nous avions tue dansles anntks 1940(et que les gensde chezmoi appellent a@um&%)m’est revenu à l’esprit. (K&maZéveut dire qu’il vous abat quand ilvous mord : il est certain quevous en mourrez).

- Q - Quand vous l’avez vu, vous, pour la première fois, c’était sam doute avec votre instituteur. Est-ce qu’il connahxait d@ ce setpen& ou bien est- ce qu’il le daCouvrait en même temps que vous ?

- Il n’a rien manifesté.Pour lui c’étaitun serpent vulgaire. Il n’y connaissaitrien en serpents...

- Q - Celui-ci n’avait donc pas été répertorié jusqu’alors. Dans un livre du docteur Lupessonnie, qui a été médècin au Togo, d Mango, dans les ann&x 1948-50, celui-ci raconte que ce serpent serait probablement arrivé ici pendant la seconde guerre mondiale, avec les troupes qui circulaient entre le Moyen-Orient et l>Afri4ue du Nord et à travers le Sahara ; il serait originaire d’rlsie et pas présent en Afrique de L’Ouest auparavant. Qu’est- ce que vous en pensez ?

- Ce n’estpas vrai, puisqu’on le connaissaitdans mon village, à Atakpame,où on l’appelait «kpamaf& Ce qui veut dire qu’il y en avait dansla region, mais il n’etait pas répandu. Beaucoup de gensne le connaissaient pas, mais il n’est pasvenu avec les troupes comme on dit dansce livre.

- Q - A quel endroit du service vétérinaire avait-on trouvé ce gîte ?

- C’etait aux alentours.Tout le terrain etait vide, jusqu’au stadede foot-ball. Il y avait descactus. C’est dans ces cactus qu’ils secachaient.C’est pour çaqu’on a donne le nom d’échkà œ quartier (2) : en œ moment-la,on construisaitdes logements dans les parages.Je ne saispas si vous connaissezce quartier...

-Q- Il s@# de ce qui est au nord de l’avenue de Duhbourg, dans Yovokomé, entre l’avenue de Duisbourg et la place Maman-N’Danida et l’hôtel du L-Février, autour de ce qui est donc toujorus la direction de PElevage, un bâtiment construit en 1950, comme vous nous l’avez rappel&

- C’esteffectivement ça, le.quartier desEchis, là où le docteur a et6 mordu, à la direction du Service de 1’Elevage.

- Q - Il semble que ce jeune docteur a mis du temps à mourir. Combien de jours ?

- Sessouffrances ont dure deuxsemaines. On lui faisaittous les anti-hémorragi- ques, parce que la morsure d’echis provoque des hemorragies. Tout le sang est

(2) Il y a une me des Echk, parallde 13 l’avenue de Duisbourg

116 hémolysé ; alors, si vous avez une cicatrice -qu’elle soit accidentelle, esthétique ou ethnique-, tout ças’ouvre d’un seulcoup. Alors on lui faisait desanti-hémorragiques, mais celane s’arr&ait pas,durant quinzejours ; il en est mort. A cemoment-là précisément est arrive au Togo le docteur Giboum, un cher- cheur qui venait de Bombay et s’était passionnépour les plantes. Il commença par monter desherbiers. Les samedisapreS-midi &ant chômes,il quittait chezlui, là-bas,sur la rue de Duisbourg ; il allait à la douane et remontait le no-man’s land ; il donnait rendez-vous à son chauffeur à l’aviation (3) ; jusque là, il recoltait des plantes. La semaine suivante,on faisait les herbiers. Quand l’accident duserpent est arrivé, on a abandonné l’herbier : il s’estla& dansla recherche pour trouver une solution. La premieresolutionpreconiseeétaitdedetruirelenid,parcequ’onn’en trouvait nulle part ailleurs que là-bas, sauf ceuxque desgens amenaient quelque fois de Baguida, d’un peu de partout...On a supposéqu’il n’y en aurait plussi on d&ruisait cenid. Mais les genscontinuaient à en amener parcequ’il y avait une prime de destruction de 500 francs pour unserpent, mort ou vivant. 5OOFà l’époque, c’Ctaitgros ! Alors ça avait incité les gens,même jusqu’à l’interieur du pays,qui amenaient même cesserpents vivants. Il y avait,à cette+oque, un Institut Pasteurà Kindia, en Guin&. On leur a &rit pour demander s’ils pouvaient recevoir des&hantillons. Ils ont accueilli favorable- ment la proposition et on leur a envoyé les serpents.Bien avant l’envoi desserpents eux-memes,on avait préconise de faire le pr6lévement de venin pour l’envoyer à l’Institut Pasteur,mais ça n’a pasreussi : c’était difficile de pr6lever le venin ! On présentait les cristalliseursaux serpents,qui ne crachaient pas...C’était le moyen de récolter le venin : on leur pr&entait les cristalliseurspour qu’ils y crachentleur venin, mais ils ne le faisaientpas... C’est alors qu’on a d&idé d’envoyer les serpentsà Kindia, où l’on faisaitles prél&vements,qu’ils envoyaient à 1’InstitutPasteur à Paris,où le sérum était preparé. Gr$ce à ce système,nous avons aujourd’hui du st%umanti-&his. Cet 6chisqui décimait beaucoup la population rurale de cheznous, ici et partout où on le rencontrait. Quand on a réussi cetteoperation de sérum,on nous a envoye tout le stock, comme &ant les promoteurs, et c’estnous qui en distribuions aux autres territoires, jusqu’à ceque le stocksoit important et qu’on penseà la commercialisation.

Le Togo ne leur fournit plus de specimensde serpents,mais il paraît qu’ils en trouvent en Extrême-Orient,et aussivers Djibouti et d’autrespays. C’est ~CI qu’ils s’ap- provisionnent maintenanten serpents.

- Q - Combien de temps a-t-il fauU entre la mort du docteur Politzer et le moment oh l’on a disposé d’un skrum effîace ?

- Trois à cinq ans.Nous pouvons dire que c’estgrâce à cet accidentmalheureux du docteur Politzer que nous sommesaujourd’hui en possessionde sérum pour échis. Maintenant, on ne le présente plus que sousforme polyvalente, en melange avec des

(3) Terrain de i’adroport.

117 venins d’autres serpents dangereux, tels que les bitis et les dendroaspis, réputés les plus dangereux. On préfere le serum polyvalent parce que, quand les gens arrivent aux centres medicaux, ils ne peuvent pas determiner par quel serpent ils ont et6 mordus. Et le traitant qui est là se trouve embarrassé, ne pouvant pas savoir de quel serum il peut seservir : gros problème ! D’où maintenant ceserum mixte, polyvalent pour tous les serpents, que ce soit echis ou vipère, ou autres serpents venimeux.

- Q - Il y a donc eu à Lomé un travail de recherche sur le venin de serpent et les sérums anti-venimeux ?

- On n’a pas fait précisement des recherches. C’était une trouvaille fortuite ; on ne s’y attendait pas... C’est quand l’accident du docteur est survenu qu’on s’est dit qu’il fallait maintenant trouver quelque chose pour les casà venir. Lui, il Ctait dejà mort, mais il fallait essayerde trouverquelquechosepourlesvictimesfutures.

* * *

- Q - Vous êtes vous-même infirmier depuis 1945, et vous nous avez dti que vous êtes à Lomé depuis 1949. Vous êtes donc venu ici au moment où l’on a commencé les travaux du nouvel hôpital, l’actuel CHU-Tokoin.

- Ah oui, j’étais arrive tout juste au moment où on avait commence les travaux. J’avais commence a travailler dans l’ancien hopital, qui est actuellement le service des TP (4). Nous avons même assisté a la pose de la première pierre de cet hôpital. Nous etions encore jeunes en ce temps-là...

- Q - Il s’agissait de l’«hôpital général du Territoire>>, que ks gws de l’époque considéraient peut-être comme beaucaup trop grand pour leurs besoins (même si aujourd’hui il est largement dépassé). Mais est-ce que les gens ne pensaient pas aussi que c’était trop loin du centre de Lomé ?

- Oui, en effet, les gens pensaient que c’etait très loin, et ils n’aimaient pas venir ici, à Tokoin. Ils disaient que c’était trop loin : comment les malades pourraient-ils faire pour venir jusqu’ici, puisqu’en œ temps-là, il n’y avait pas de moyen de transport ? Il n’y avait pas de taxi : on allait à pied. Je me rappelle que le premier moyen de transport urbain qui est arrivé était un omnibus d’occasion, qu’un Européen avait amené ; il faisait Lame-Tokoin à 10 francs,et les gens se plaignaient : - «Comment depenser pour aller à Tokoin ? - A pied, je ne depe,nserai pas 5 Favant d’arriver...»

Et les gens allaient à pied. Meme si on hospitalisait les malades ici, la plupart du temps, les parents venaient la nuit les emporter : c’etait trop loin, et donc iLs n’auraient pas de soins : les gens allaient mourir...

(4) Aujourd’hui direction de la Planification scolaire d Mage, de la Documentation a2 la Fonction publique au rez-de-Chaum!e. (Voir chapitre 13). 118 - Q - Est-il vrai que, comme b d&ait kà rumeur publique en ce temps-là, les @ns mouraient en masse d l’hôpital ?

- Non, c’etaitdes effectik faibles.Les chiffres de la population et de la mortalité n’etaientpas aussi importants que maintenant,où l’on en sort chaquefin de la semaine une dizaineou une vingtaine de la morgue de l’hôpital. C’etait rare : au plus quatre ou cinq d&ks par semaine,une dizaine par mois plutôt...

- Q - En prùzcipe, on venait aè tout iè pays pour se faim soigner à Tokoin. Il n’était pas prkvu seulement pour les gens de Lomk - Oui, ils venaient de tous les coinsdu pays,principalement les maladesde la tu- berculose,parce qu’il n’y avait pasd’autre centre de tuberculose à l’intérieur du pays: c’etait à Lomé seulement qu’il y avait un service de contagieux pour les tuberculeux. Quant auxautres malades, ils étaient traitéssur place : il y avait toutesles infrastructures, la chirurgie, la maternite et autres...Les malades qui venaient à Lame étaient les quelques privilf!gi& quivenaient pour desanalyses de laboratoire, c’est-à-dire pour faire ceque nous appelons un checkup,c’est-à-dire le contrôle desconstantes, pour les diabetiqueset les nephrétiques,et autres...

-Q- Vous-m&ne, d quel moment êtes-vous venu travailler dans ce nouvel hôpital, qui a été construit entre 1949 et 1954. (Il y avait chaque année de nouvelles tranches inaugurdes).

- Avant l’inauguration finale, on avait dejà amené le service descontagieux ; je croisque c’etait en 1953,sinon en 1952: I’anciencentre était insuffisant.Les infirmiers venaient assurerla garde,car ceuxqui Ctaient detachésici ne pouvaient pasassumer seulsles gardes.

- Q - C’est comme cela que vous y êtes venu pour là première fois...

- Oui, en effet. J’&ais venu d’abord comme infirmier, puis on m’a detachédans un service spécialise,au laboratoire desexamens biologiques, et j’y suis reste long- temps.C’était le seul laboratoire de tout le territoire. Il y avait deslaboratoires de parasitologie et de bacteriologie disskminksun peu partout dansle pays.Mais pour le laboratoire de biologie, il n’y avait que celui-là. On l’appelait «laboratoire de chimie» parce qu’on y faisait presque toutes les rechercheset tous les examens,même les examensindustriels : pour l’agriculture,les huiles,les arachides,maniocs, et aussipour la douane : les dosages,le titrage en alcool des boissonsimportees (pour pouvoir dédouaner). Et même quand il y avait descas d’empoisonnement, quand il y avait des saisiesde produits,ou bien qu’il y avait eu descas mortels : on faisait despr&vements pour rechercher les produits dans les visc&es de cescadavres...

119 * * *

- Q - Dans CRT débuts des an&s 1950, quand vous commenciez h venir h l%&piM de Tokoin, qu%st-ce qu’il y avait autour ? Ou tftaient les maisons les plus proches ?

- Les.plusproches etaient au-delà de la lagune, vers Lomé. Il y avait aussides villages,des fermes un peu BloigneSde l’hôpital, dissimulésdu côté du college protes- tant. Gbadago n’était pasaussi developpé que maintenant.On etait très loin, derrière les arbres.

- Q - Des arbres en bordure de la lagune ? On nous a clique qu’il y avait une forêt entre la lagune et le plateau.

- Ce n’etait pas une foret, mais plutôt une brousse, avec de grandes herbes qu’on ne pouvait traverser parce que les lieux etaient marecageux. Les quelques grands arbresqui etaient la y sont encore : ils ne sont paspartis. Il y avait une pépinière pour le Service de l’Agriculture en descendantà droite (5). C’était aussi le jardin d’essai; les arbresqui sont là-basy etaient depuis longtemps.

- Q - Vous veniez d l’hôpital par h route de kpalime, qui, bien sûr, n’etait pas goudronnée à l’époque. Comment veniez-vous, à pied, à bicyclette ?

- On venait d’abord à pied, puis à V~O.Il n’y avait pas de vélomoteurs et les voitures etaient rares; seule l’ambulancecirculait entre l’hôpital et la ville.

- Q - Progressivement le quartier s’est construit autour de l’hôpital, car c’est bien lui qui a provoque le peuplement de cette partie de Tokoin, n’est-ce pas ?

- Oui,vousvoyez, cequartier avait ete,paraît-il, l’aviation d’antan (6), et per- sonne nevoulait s’approchera causedu bruit desavions ; il n’y avait pasde sécurité...

-Q- Vous-même, vous habitez maintenant ce qu’on appelle «Tokoin- Habitat~, qui s’appelait, à l&wque de la construction, la «cité de 1’Avenirw C’est une cr&um du Crxfdit du Togo, l’ane& de la Banque Togolaise de Développement, dans les année 1962. Est-ce à ce moment-là que vous &S venu habiter ici ?

- En effet, nous sommesici à Tokoin-Habitat, créé dans les années 1962-63. Nous étions,à l’époque,trés loin de la ville, et on y etait harcelepar les voleurs. La nuit, on ne pouvait passortir : ceuxqui s’absentaientretrouvaient leurs maisonssaccagées le

(5) Ancien jardin botanique b l’époque allemande ; aujourd’hui encore Dùection a& Parcs et Jardins. (6) De 1931 d 1944-45. 120 lendemain, en rentrant, parce qu’on est à proximite du Ghana, d’où venaient ces voleurs. Je me rappelle qu’un de mescamarades, qui habitait derriere la lagune, hi-bas, a et6 assassin6froidement par un voleur qui avait pknetre chezlui. Il S’&ait réveille en sursaut pour le poursuivre et quand il l’a pris, les bras le long du corps,levoleur en a profite pour lui ouvrir le ventre, et il en est mort.

- Q - Etewous venu ici pour dès raisons dè commodité, pour être près & votre lieu de travaii ?

- @estvrai que c’etaitbien commode; c’étaitaussi un quartier moderne ; il y avait de l’eau courante comme il n’y avait paspartout à Lame. Ici on nous a dit : «Si vous payezpendant un certain temps,vous devenez proprietaire». C’est ce qui a incité beaucoup de gens,et noussommesvenus...

-Q- Combien avez-vous payé, et pendant combien de temps ? D’après vous, avez-vous fait ainsi une bonne affaire ?

- On a fait une bonne affaire, quoi que, au debut, on aît cru que t’en était une mauvaise.Les gensnous disaient : «Mon cher,si vous achetezun lopin de terrain, vous n’allez pas dépenser la moitié de cc que vous avez investi ici, et vous serez mieux logé».Aujourd’hui, comparativementaux camarades qui ont construit eux-mêmesleur maison,nous ne nous estimonspas l&&, parce que nous avons Peau courante ; les eauxus&s sont évacuéespour certainsd’entre nous.Et puis le quartier est bien situé, en Uvation : il n’y a pasd’inondation quand il pleut, pasd’eau stagnante; les rues sont dCbarass&sdes ordures...

- Q - QueLfe proportion de votre salaire mensuel représentait ce rembour- sement ?

- Le tiersde notre salaire mensuel,pour 100mensualités.

- Q - 100 mensualith, donc huit ans environ, c’était donc quand même tràr lourd. Mais si vous aviez dtl construire vous+n.he, quelle pourcentage de votre salaire auriez-vous dû y mettre 7

-Pour rachat et tous les travaux on aurait mispeutêtre environ 50 mensualités.

- Q - Ces gens qui ont ucqub fes maisons en même temps que vous, autour d’ici, est-ce qu’il sont toujours Id ?

- Ils sont toujours Ià ; maiscertains ont vendu leur maisonpour s’installerailleurs, parce qu’ils ont beaucoup d’enfants et que la maison devenait trop exigu&.C’est un quartier où chacun se respecte et respecte les consignes qui ont Bté donnees au debut : ne pasélever desanimaux, surtout les chiens,les moutons et les poulets, parœ que cesderniers peuvent aller endommagerle jardin du voisin... Jusqu’à aujourd’hui, cesconsignes restent en vigueur, sauf que quelques uns ont passéoutre pour avoir deschiens. Quant aux moutons, ceuxque nous rencontrons dans nos rues viennent desquartiers voisins. 121 * * *

- Q - J’aimerak que vous uous parliez aussi de la formation des infmb à votre époque.

- Il y avait d’abord le recrutement, qui sefaisait sur concours,à basedu CEPE. On le passaitdans tous les centres du pays,et les dpreuves étaient corrigées à Lomé. Les 1aunZat.sdescendaient ici, à Lom6, pour suivre la formation. Le matin, on faisait les courspratiques dans les pavillons, commeinfirmiers : on faisaitdes injections, des pan- sements,les brancardages,et tout... Le soir, les médecinsnous rassemblaientpour les cours thkoriques.

Au début, c’ktait pour une dur6e d’un an ; à la fin, vous passiezun examen de sortie. Ceuxqui ne rkussissaientpas continuaient encore six mois, même un an pour ceuxqu’on voulait retarder. Alors ils passaientl’examen de sortie avec la nouvelle pro- IllOtiOtL

- Q - En quelle année avez-vous eu votre dtp&ne ?

-J’ai eu mon diplôme en 1949.

-Q- Etiez-vous dé@ membre du personnel médical auparavant ? - Non, cen’&ait qu’aprèsla formation, quand on avait passél’examen de sortie.

- Q - Combien de lauréats par promotion, en ce temps Ià ?

- Une cinquantaine, en deux sections : section des infirmiers et section des agentsd’hygiène.

- Q - A l’hôpital de Lomé et dans tous les services qu’il y avait auto&, est- ce que la totaLté des infirmiers était togolais, ou est-ce qu’il y avait encore des étrangers ?

- A ma connaissance,tous les infirmiers etaient togolais ; je n’ai pas connu d’ktrangers.Les étrangersétaient les médecins.

- Q - A quel moment a-t-on commencé à avoir des médecins togolais dans lu fonction publique ? Pedro Olympia avait été lè premier médecin, mais il était resté privé.

- Avant que je ne vienne ici, en 1949, il y avait déjà des médecins que nous appelions les «médecinsafricains». Ils Ctaient tous togolais. Parmi eux le Dr Hospice Coco,M. Johnson Samuel,et puis les Dr Trenou et Fiadjoe...

122 -Q- Les médecins africains étaient formh dans une école spéciale de Dakar en quutre ou cinq ans, nkst-ce pas ?

- Ils étaient formés en trois ans.

- Q - Quand sont arrivés les premiers docteurs «complets», c’est-à-dire ayant une formation en sept années, se terminant par un doctorat eu médecine ?

- Si j’ai bonne mémoire, ils sont arrives entre 1956 et 1960. Les premiers Ctaient le Dr Kpotsra, et puis Kekeh, Vovor...

- Q - Ils sont venus immédiatement exercer d l’hôpital ?

- Oui, ils sont venus exercer à l’hôpital. Ils ont tous éte fonctionnaires de l’Etat. Ils ne se sont pas installes à leurs frais.

- Q - D’après vous, quelles ont été les réactions des malades à voir arriver des médecins togolais, qui se présentaient comme les égaux des médecins militaires français qu’il y avait avant ? Est-ce que les gens ~III été plutôt contents ou plutôt m&hnts ?

- Ces premiers medecins togolais ne sont pas arrivés aussitôt apres leur sortie des facultés. Ils sont restes en Europe, où ils ont travaillé quelque temps ; alors leur écho nous parvenait : on entendait dejà parler d’eux. «Voilà, il y a tel docteur togolais qui travaille dans un tel hôpital, et qui va arriver...» Alors les gens étaient contents d’avoir quelqu’un des leurs, qui comprendra mieux leurs problèmes parce qu’ils pourront s’exprimer dans leur langue : ils n’auront plus besoin d’interprète. Les interprètes disent souvent le contraire dece quevous leur avez dit...

- Q - Et est-ce que les infirmiers ont eu aussi les mêmes réactions favora- bles, ou est-ce qu’ils n’étaient pas un peu jaloux de ces médecins qui étaient leurs compatriotes ?

- Les infirmiers étaient plutût satisfaits. Comme la plupart du temps, au Togo, nous sommes presque tous cousins, c’était une fierté pour eux : «Voilà un tel, mon cousin, qui vient de rentrer». Ils donnaient de leur mieux pour satisfaire les cousins...

123 - Q - Est-ce que les gens -comme, d vrai dh, enwte wjourd%ui- Conti- nuaient d pratiquer simultanément deux m6decines, c’est-d-dire, conti- nuaient à se soigner à la mhnle traditionnelle tout en allant d I’luSpital et en prenant les médicaments modernes ? Est-ce que vous avez vu une évolution importante dans ce domaine ?

- Lesgens sesont toujourssoignés à la mkthode traditionnelle, sanstoutefois refuser les produits europkens ; il y a longtemps qu’ils utilisent lesdeuxensemble.

124 no 12

LA FONCTION PUBLIQUE ET LA NAISSANCE DU SYNDICALISME

M. Félix Folikpo AWOUTEY (né à Agou en 1923)

-Q- Nous allons aborder maintenant un tout autre aspect de l’histoire socio-économique du Togo : le syndicalisme, avec M. Awoutey, ancien fonctionnaire du Service des Finances.

M, Awoutey fut d’abord le secrétaire général de l’Union des Syndicats Confédérks du Togo en 1959, puis secrétaire confédéral de la CNTT, eha@ du secteur public, d partir de 1973. M. Awoutey a pris sa retraite en 1978, après un long parcours fructueux dans le syndicalisme togolais.

Monsieur Awoutey, parlez-nous tout d’abord de votre enfance.

- Je suis arrive tout jeune à Lame, en 1930, et j’ai commence mes études primaires à l’ecole publique de la petite-vitesse, qu’on appelle aujourd’hui Marius- Moutet. J’étais avec mon grand-frère, qui a et6 fonctionnaire ici jusqu’en 1933, avant d’être affecte à Kpalimé, où j’ai termine mes études, en 1937. Ensuite je fus admis au cours supérieur d’Atakpamé, pour un an, avant d’entrer à l’école Victor-Ballot, puis au college protestant au Dahomey. Je suis revenu à Lame en 1945, et j’ai commence à travailler.

- Q - A quoi avez-vous été alors affecté ?

- J?%ais engage comme commis d’administration au Service des Finances.

- Q - Dans quel bureau travailliez-vous ?

- Dans la section «apurement» du bureau des Finances.

- Q - Où était ce bureau ?

- Dans le bâtiment actuel de la direction génerale des Douanes, l’ancien Trksor public. C’est là que j”ai commence mes fonctions, dans la section apurement, qui s’occupait de régulariser les etats des soldes payees à l’intérieur par les agences. Ces

125 états étaient régularisés à L.omk en émettant des manda& pour régulariser la situation avec les agences.

- Q - Combien gagnait un commk débutant en 1945 ?

- Le ajmmis stagiaire avait 650 F, plus les allocations familiales. Cela lui faisait -A peu près- quelquechosecomme 850à 9OOF.

- Q - Est-ce que c’était un bon sahire, avec lequel on pouvait bien vivre-?

- Ah non ! Cela ne suffisait pas, parce que, après la deuxième guerre mondiale, le coût de la vie a sensihlemcnt augmenté, immedialement. Mais avant p suffisait : les fonctionnaires qui gagnaient 500,600 Fou 1000 F etaient des «gros bonnets».

- Q - Commenf vous logiez-vous ù ce momenf ?

- On payait des loyers qui n’ktaient pas tellement chers.

- Q - Quel était votre loyer ?

-Moi ?Je payais 200 Fpar mois.

- Q - Pétait toast de mhe le quart de voire revenu...

- Er. vffet,ç’était lequart de mon revenu.

- Q - Etiez-vous d@à marié ?

- J’Ctais encore célibataire.

- Q - Donc pas d’autres ressources que votre salaire ?

- Oh, non ! Je n’avais pas d’autres ressources.

- Q - P~ur un célibataire? Ncombien fallait-il compter pour se nourrir pendant un mok ?

- Il fallait au moins 400 F, à peu près...

- Q - Vous, vous aviez le salaire d’un agent d’Etat tituluire. Combien gagnail un agent dit permanent, dans les années 1945 ?

- Les salaires des agents permanents n’étaient pas harmonisés. Ça variait entre 6 F, 8 F et 10 F par jour. Comme le salaire n’était p”s hiérarchk? ni harmonisé, chaque chef de serwe engageait les gens au taux qu’il voulait. On n’ktait pas classe en catkgories, comme aujourd’hui.

126 - Q - Quand a-t-on organisd le cadre des agents permunents ?

- C’est a partir de 1948 qu’on a commence à organiser les agents journaliers, tem- poraires ou permanents, puis à intégrer certains agents permanents ou auxiliaires dans les cadres des fonctionnaires.

- Q - Sur que,% critères ?

- Ils devaient d’abord compter au moins cinq ans de service et remplir certaines conditions, des fonctions qui sont devolues a des agents des cadres... Ceux qui n’avaient pas cinq ans de service pouvaient passer un concours professionnel, s’ils avaient au moins deux ans de service.

- Q - Etait-il diffikile, ce concours ?

- Oui, il etait difficile, et pas seulement sur le plan professionnel ! C’etait un concours base sur l’enseignement général, c’est-à-dire, les mathématiques, le français, et beaucoup d’autres choses... On vous posait en plus certaines questions d’ordre pro- fessionnel.

-Q- Vous-mime, vous avez continué votre carrière en progressant régulièrement ?

- J’ai progresse régulièrement dans le cadre des commis d’administration. Vous savez, au depart il n’y avait qu’un seul cadre, qu’on appelait à l’epoque le «cadre local». Ce n’est qu’à partir de 1954 que les cadres actuels que nous connaissons ont eté cr&s. 11y avait, comme je vous l’ai dit, le cadre local rkserve aux Africains ou Togolais, et le cadresupérieur qui etait reservé auxEuropéens. Aussi, les gens qui revenaient avec des diplômes elevés n’etaient pas engagés dans un cadre ; ils étaient obligés d’obtenir un contrat ou une decision. On les engageait comme «dkcisionnai:e.w.

- Q - Quelle était, par exemple, la proportion des cadres togolais dam l’administration des Finances au cours des années 1950 ?

-En principe aux Finances, nous etions tous des agents d’exécution, doncdes Togolais, ou du moins des Africains. On comptait qaratrc ou cinq Européens qui nous encadraient, qui ttaient les chefs de section.

- Q - Il n’y avait pas de chef de section togolais ?

- Si, il y en avait.

- Q - Quels ont &,C le* premiers à accéder à ce niveau de responsabilité ?

- Il y avait, dans la section apurement, un certain monsieur Gbéde Robert, qui etait un Bktinois ; au Service du Matériel, il y avait M. Brenner, un métis. .?vf.Quashie était aussi chef de section... Le reste, t’étaient des Europeens.

127 - Q - Quelles étaient les conditions de travail, les horaires, le mat&ieL ?

-Les conditions de travail étaient pénibles parce qu’il n’y avait aucune machine : tout sefaisait à la main Il fallait faire travailler le cerveaupour pouvoir arrêter la comptabilité...C’etait très difficile.

- Q - Et les horaires de travail ?

- Au départ, quand les chosesn’étaient pasbien organisees,on travaillait de 7 heures à midi, puis de 14 h à 18 h. Apres, on a change : on reprenait à 2 heures pour terminer à 5 heures.C’est ainsi qu’on travaillait tous lesjours. On n’avait pasla semaine anglaise,à l’epoque: ce n’estquevers 1952que la semaineanglaisea été introduite.

- Q - C’est-à-dire qu’avant, vous n’aviez de libre que le dimanche ?

- Oui, on n’avait que le dimanche.On travaillait tous les autresjours.

- Q - Pourquoi parlait-on de «semaine arzghkee» ?

- Parceque, dans les colonies anglaises,ils avaient le samedi libre. Ils avaient commencepar la demi-journ~, puis ensuitetoute la joumf% du samedi.Ils travaillaient jusqu’à vendredi soir, puis sereposaient le samediet le dimanche. C’estce que nous appelions ici la semaineanglaise, introduite auxenvirons de 1952,mais à moiti6 : c’est- à-dire qu’on ne sereposait que dans l’après-midi du samedi.

- Q - Comment s’habilht kè jeune fonctionnaire ?

-Ah, c’était la consigne ! Il devait s’habiller correctement tous les jours, avoir une tenue impeccable ! Souvent, si vous veniez au service en tenue debraillée, on vous renvoyait à la maison. Et je me souviens bien qu’un de mes camarades a été renvoyé un matin : notre patron de la section solde, aux Finances, M. Loké, lui a demande de rentrer immediatement à la maison parce qu’il l’avait trouve dans une tenue «déplorable»...

- Q - Le bâtimeti dtx Douanes où YOUF travailliez en ce temps-là date des années 1913-1914. Est-ce qu’il était bien entretenu, régulièrement retwvé, repeint, ou est-ce que c’était un peu vétuste ?

- L’actuelle direction desDouanes ?Je crois qu’on avait repeint un peu...Il y avait deux services dans le même bâtiment : les Finances et le Tresor. Quand les Financesont integré l’ancien hôpital, le Trésor est restelà, jusqu’à la construction du nouveau batiment du Tr&or, au CASEF (1).

(1) En 1981.

128 - Q - Quand, tout jeune, vous aviez intt.!&r~ le bâtiment, comment LSez- vous trou& ? Est-ce qu’il &-tait beau ?

- Oui, c’était tr&s beau, et j’etais très content de me trouver dans ce grand bâtiment,parmi les vieux cadresfonctionnaires.

- Q - 03 habitiez-vous h ce mïment-ld ?

- J’étaisdans le quartier à c&é de l’@lise d’Amoutive.

-Q-AAdoboukomt!?

- Oui, à Adoboukomé, c’est-à-dire le quartier où l’on construisait en terre de barre...

- Q - Aviez-vous loué, ou aviez-vous déjà bai votre propre maison ?

-J’ai loue une chambre avecvérandaà Adoboukome, où je suisreste pendant deuxans,avant de changer de domicile, parceque jevoulais m’installer un peu plus à I’aise.

- Q - 03 i?tzs-vous a&! d ce moment-ld ?

- AAmoutiv6, ou j’ai trouve un bâtiment trèsspacieux

- Q - Et quund avez-vous pu construire votre propre muhon 1

-Apartirde 1956.

-Q- Ici même 03 nous sommes, sur le Boulevard circulaire, près de l’ancien Zongo ?

- Oui, la où noussommes en œ moment.Je m’ysuis installe à partir de 1958.

- Q - Donc il vous a falh une douzaine dhnées de carrike pour arriver d construire votre maison... - Oui, j’ai misdouze ans avant d’avoir une maison.

- Q - Ckst une honorable moyenne !

- (Rire). Je croisbien...

129 - Q - Mais, à Hpoque, il y avait beaucoup moins de circulation devaN votre véranda (2) ?

- A l’epoque le boulevard n’était pastrace, mais le chemin de fer Lomé-Aného passaiten facede ma maison(3).

. - Q - Combien de trains par jour ?

- Il passaittrois fois par jour.

- Q - II faisait beaucoup de bruit 7

- Oh oui, il faisaitbeaucoup de bruit ! Il y avait même une petite halte à côté,là- bas : le bâtiment existe encore ; si les trains Ctaient en retard, ils rentraient avec beaucoupde bruit la nuit... Mais,ici, on etait bien.

- Q - Comment aviez-vous acquk ce lot ?

- Je l’ai achetéà la famille Adjalle.

- Q - A combien ?

- A l’époque, cen’était pastellement cher ; celacoûtait SO000 francs.J’ai verse 40 000 francs à l’achat,et le restepar mensualités.

- Q - Mais c’était bien une vraie vente : pas une location à 500 F et deru: bouteilles de schnapps par an...

- (Rire). Non, parce qu’à l’epoque,mon salaire etait dejà un peu plus eleve.

- Q - A combien était-il arrivé ?

-J’avais déjà près de22 000 Fpar mois.

- Q - Vous étiez partis de 800 francs...

-Je suisparti de 650F, 800 F, 1200F, et ainside suite...Apres la guerre, il y avait eu beaucoupde mouvements,et on avait commenceà revaloriser les salaires,surtout le traitement desagents de cadres.Dès qu’il y avait un petit mouvement en Europe -ou plus precisément en France-, çase répercutait egalement sur les salaires au Togo.

(2) Assez bruyanre au moment de lknregistrement. (3) De 1947 à 1967.

130 - Q - C’était une pKnie & forte in$àtion, oii la monnaie perdait très vite sa valeur.

-@tNça!

- Q - Mais quand même, cela reprhentait une nette amélioration de la qualité & la vie, ce.& augmentation des salaires ?

- Oui oui !

- Q - Ce n’était donc pas seulement un progrès nominal ?

- Non ! Ce n’&ait pasnominal ; celarepr&entait quand même une am&ioration, parcequ’au fond, quand on Ctaitsorti de la période de la guerre, l’inflation &ait telle que les gensne pouvaient pasvivre, et il y a eu beaucoup de remue-ménage, dans la fonction publique surtout...

- Q - Essayons par txemple de mesurer le coût de la vie pendant ces années 1955. A combien est-ce que l’on se nourrissait, pour un repas ?

- Pour un repasà l’africaine,le petit déjeuner,par exemple,nous coûtait 100F à lSOF,et lerepasdemidi,200Fà250_F,ainsiquepourlerepasdusoir.

- Q - Vous aviez donc besoin d’au moins 500 F par jour pour vous nourrir. Le loyer était d combien ?

- Quand j’Ctaisà Amoutivk, je payais600 F, et après 800 F. A Hanoukopé, je payais1200 F.

- Q - Combien coûtait un vélo, daus les années 1955 ?

- Ça dépendait de la marque. Il y avait les Rodges, les Ralluys et les Peugeots. Par exemple,unPeugeotcoûtait à peu pr& 3000 Fà 4000 F.

- Q - Donc votre salaire vous permettait de vous acheter cinq ou six vélos par mois...

- II faudrait savoir egalementque, pendant cetemps, le coi%de la vie avait aussi augmentdtrès sensiblement; car si, au départ,on pouvait depenser200 ou 300 F pour le petit déjeuner,on pouvait aussidépenser banalement 500 F le matin. Et puis,comme je me suismarie, la dépensea ét6 egalement doublée. Je mangeaisbeaucoup d’igna- mes,parce que je suisde la region de Kloto, où l’on en mange beaucoup. Un igname coûtaitàpeuprès2OOF;onenavait pourdeuxou trois jours...

- Q - Est-ce qu’il était alors fdquent de manger du riz, à Lomé ? - Beaucoupde gensne mangeaientque rarement du riz. On mangeaitplutôt le

131 maïs. Ce n’est qu’apr&s que les gens y ont pris go&, et ont commence à manger beaucoup de riz.

-Q-Apartir&que&unn&dpeuprès?

- A partir de la grande crise alimentaire de 1976-77 : il y a eu la pénurie des denrées alimentaires, et il n’y avait que le riz sur le marché, du riz importe, bien entendu. Alors les gensont pris le go& à la consommationdu riz et c’estentré dansles moeurs,surtout pour les enfants,qui aiment beaucouple riz Au départ, le riz Ctaitun aliment de luxe,en somme...

- Q - Il n’était pas spécialement cher, mais il était perçu comme étranger. C’est bien cela ?

- Oui, ce n’était pascher, mais perçu comme étranger. Ce n’etait que dansde raresoccasions, les fêtes,les mariagesou autresc&monies, qu’on préparait du riz Ce n’estpas comme aujourd’hui, où les enfants veulent en manger tout le temps,où le riz est devenu un aliment de basepour certainesfamilles.

* * *

- Q - Venons-en au syndicalisme d Lomé. Quand avez-vous commencé votre carrière de syndicaliste ?

- Dès mon engagement,en 1945.C’est à cemoment que le mouvement syndical estvenu au Togo, et je me suisengagé immédiatement dansce mouvement.

- Q - Comment &-il venu ici ?

- La Confederation Generale desTravailleurs français, la CGT, a Cte la pre- mièrecentraleàveniràLomC,pouryorganiserles tout premierssyndicats.

- Q - Elle avait donc dékgut! des syndicalistes français pour organiser lès travailleurs togolais ?

- C’est ça ! Ils etaient d’abord venus pour sensibiliser les gens, pour faire connaître le mouvement syndical.Evidemment, nous l’avions appris dansla presseet par la radio : on connaissaitdejà œ que c’étaitque le syndicalisme,mais on ne savait pas exactement comment ça fonctionnait, parœ que les syndicatsn’etaient pas encore autorisesen Afrique francophone.On savaitqu’au Ghana (la Gold Coastà l%poque),il y avait dessyndicats, mais, au Togo, celan’existait pasencore.

- Q - Ces envoyés de kà CGT française, comment avaient-ils été accueil&: avec méfiance ou avec enthousiasme ? - Ils étaient bien accueillisparœ que tout le monde attendait d’avoir une organi- sation de défense.Alors donccesenvoyesavaient organiseun meeting populaire, où 132 l’on avait convie tous les travailleurs. Tout le monde Btait là ! Ils ont donné des indications,comment il faudra s’organiserpour avoir un syndicat...Il y avait un statut- type qu’ils avaientamet& et inunediatementles camaradess’etaient r6unis et organises.

- Q - Çrr n’a pas dû faine plàidr aux vieux CO~S...

- Ah non ! Les colonsn’etaient pas tellement contents! Mais ils Ctaient obliges, parce que c’etait Pr&i&ment le geneta de Gaulle qui, à la conferenœ de Brazzaville, avait pris la dkision d’autoriser les travailleurs africains a s’organiser en syndicats. Donc les colons n’etaientpas contents(surtout le secteurprive), mais ils etaient bien obliges de l’accepter.

-Q- Le tgvulicalisme s’est-il développé en mhe temps dàns k secteur privé et dans k secteur public ?

- Oui, immkdiatement! Le secteur privé commele secteurpublic s’étaientorga- nisesparœ que, avant la naissancedu syndicalisme,il y avait dejjàdes associations d’entraide parmi les travailleurs. Donc le syndicalismeavait trouvé un terrain dejjabien prépare. Alors les gensse sont retrouves pour pouvoir s’organiser en syndicats.Mais œ n’etait pasla meme chose qu’en Europe ; c’est-a-dire que, cheznous, nous avons organise les syndicatssur la base des services, et non pas par metier, comme en Europe, ou du moins commeen France.Par exemple,en France,prenons les Chemins- de-fer : vous avezles ouvriers qui ont leur syndicatet les employ& qui en ont un autre; alors que, cheznous, c’etait le méme.

-Q- Tous les gens travailhnt au Cheminsde~er, ouvriez et empky&, haierat dans k même syndicat ?

- Dans l’administrationg&Aale, pour un agent,quel que soit son niveau, tout le monde etait dansle merne syndicat.

- Q - Agents titdàb et agents wntmctuek @kment ?

-Tout le monde !

- Q - Esbce qu’il y a eu kt@emps un seul syndicat au Togo ou est-ce que rupidementilyenaeupluskuts?

- Par branchesprofessionnelles ?

- Non. Jusqu’en 1949,il n’y a eu qu’un seul syndicat.

133 - Q - Comment s’appelait-il ?

- L’Union desSyndicats Conf<Ws du Togo (4), qui était affïlitk Bla CGT.

- Q - Et qui en était le secrétaire ghhl ?

- Le camaradeAkoueté Paulin (5) a Cte le secretaire géneral de l’Union des Syndicatsdu Togo depuis 1947.Il estreste à la t&tedu syndicatjusqu’en 1958.Apres les electionsde 1958,il a éd nomme ministre du Travail et de la Fonction publique, donc il ne pouvait plus faire fonction de secretairegénéral du syndicat.Alors on a proc&lC a un changement, et moi-même j’ai et6 elu comme secrétaire géneral en 1959, en remplacement de M. Akouete. Mais, à l’epoque, on avait gardé M. Akouété comme secrétaire general non permanent : on lui avait conservé son poste de secrétaire general à titre honorifique.

- Q - Savez-vous combien il y avait de cotisants ?

- Non ! Mais je peux dire que c’estl’enthousiasme qui emportait tous les tra- vailleurs : à l’époque,pratiquement tous les travailleurs cotisaient.Au début, la cotisa- tion etaitfïx6e à 10F : cen’était pas cher. Elle a etéensuite portee à 25 F, et ainside suite

Quand l’administration coloniale a senti que les syndicatsCtaient devenus trop forts, alors ils ont commenceà nousbousculer. En 1948,la toute premiere grkwefut or- ganiséedans le pays,pour protestercontre la lenteur que 1’Administrationmettait pour revaloriser les salairesdes agents journaliers (ceuxque nousappelons aujourd’hui les agentspermanents). Leurs salairesétaient vraiment très bas,et l’administration colo- niale ne voulait pas les reviser, alors que, de temps en temps, la revalorisation des salairesen France avait desrépercussions automatiques sur le relévement dessalaires desfonctionnaires. Pour les agentsjournaliers, cela dépendait de Iavolonte du gou- verneur sur place.Ces gensétaient vraiment lésés.Alors les travailleurs ont décidé de déclencher une grève de protestation de 24 heures, après avoir fait des démarches auprès du gouverneur.

- Q = Que& corps de mbtier ?

- Tous les travailleurs !

- Q - L.Q gdve ghtfraiè ? - Oui ! Toute l’administrationCtait paralys&, et pour la Premiere fois,d’ailleurs. C’était mon baptême du feu : je n’avais encore participé à aucune greve. Mais notre greve n’a duré que 12 heures,parce que, avant midi, le gouverneur avait demandé aux responsablessyndicaux de faire arrêter le mouvement : il ordonnait de relever les salaires.Alors on a repris le servicedans l’après-midi...

(4) Pat la suite : Union Nationale du Travailleurs Togolak (5) Nt en 1907. Fondonna~ Me ah gou- OLympio a2 1958 b 1963. W jusqu ‘en 1971. 134 - Q - Donc un dhoueme~ rapide ?

- Oui, çaa été rapide !

- Q - Alors, en ce moment-&, là riposte de I’Administration va être d’essayer de diviser pour régner ?

- Oh oui ! Justement,l’Administration, à partir de œ moment,avait commeno à s’htflltrer dansnos rangsen pr+arant des«jaunes», comme on dit en syndicalisme.Ils perturbaient, rapportaient,assistaient a toutesnos rtkmionspour aller raconter tout œ que nous disions.Mais, maigre tout œ chantage,les syndicalistesavaient tenu bon.

- Q - Mais ces atu& 1947-48 en France, c’est aussi la rupture de l’unité de kà CGT, IB crthtion dè FO (6)... Il y avait aussi le syndwme chr&ien, qui est resté puissant. Est-ce que ces divisions ont eu des retombées au Togo ?

- Oui, parœ qu’en 1949, la CFTC (7), le syndicat des Ch&iens, &ait venu installer une sectionau Togo (8). Mais FO n’a pastrowe de terrain ici La CFTC avait pris les enseignantscatholiques et protestants. La presque totalite de la branche chrkienne et quelquescheminots s’etaient egalement affili& à œ syndicat.

-Q- Quelks étaient les relations ente les cheminots des deux syndicats 2

- Les cheminotsdu syndicatchrétien etaient en nette minorité : ils n’étaient pas nombreux, ainsi, il n’y avait pasbeaucoup de problbmes. Les camaradesde la CGT l’emportaient largementpendant les Clcctionsdes délegués du personnel.Par la suite, les relations etaient devenues tendues, mais il n’y avait pas une sorte de doctrine, commeen Europe oil les gensfont le syndicalismesur la basede la politique g&&ale. Ici, çane posait pasde probleme.

- Q - Quel&s ont t% encore les grandes heures du syndicalisme dans hz dernière décennie de Pépoque coloniale ? On nous a pari2 d’une grève des dockers, en particuüer au ww (9).

-Oui ! Vous savezque le wharf et le chemin de fer travaillaient ensemble. Il y avait de temps en temps desgrevcs au chemin de fer et au wharf, sur lesquelsreposait la forœ syndicale: le cheminde fer qui assuraitle transport,le wharf qui servait d’inter- m&liaireentreI’exterieur et le pays.L’aviation n’etait pasaussi organiseequ’aujour-

(6) Force Guwi&, syndicat ami-comwniste qui s’est skpan! de la C.G.T. en 1948. (7) Conftddration F~(UI~& des Travaillem Chrbtiens. (8) Lu ConfMmtion syndicale des TravaiKeurs du Togo, branche togolaise de la Conft!d&a- tion Ajkicaine des TravaiUeurs crqvants (9) C& ci-akuq chapim 9. 135 d’hui : tout passaitpar le wharf, tout le trafic, mCmeles passagersdébarquaient par le wharf. Alors, de temps en temps,quand il y avait gr&ve,cela sefaisait sentir, surtout quand il y avait beaucoup de bateauxen rade...

- Q - Dans ces arantk-ld, quelles étaient les relations de ce syndicat, qui était puissant, avec les partis politiques qui commeizgaient d s?omiser ?

- Vous savez,à partir de 1951,le syndicattogolais s’estdésaffilié de la CGT française: c’était le premier syndicatafricain qui a quitte la CGT française.

- Q - Pourquoi l’avait-il fait ?

- Compte tenu du statutparticulier du Togo, qui etait un paysplack sous la tutelle desNations-Unies. Les Togolais estimaientqu’il ne fallait pass’affilier sur le plan inter- national : çaaliènerait notre sptWicit6. Alors les responsablessyndicauxont estimé que nous devions rester autonomes. C’est pourquoi nous avons quitté la CGTfran- çaiseen 1951, mais nous sommesrestes solidaires avec nos camaradesde l’Afrique Occidentale.Car la CGT avait créé deuxcomités de coordination : comitéde coordina- tion AOF-Togo, et comitéde coordination AEF-Cameroun.Alors, on seretrouvait dans lecadredececomit~decoordination,surleplanafricain.

- Q - Est-ce qu’il vous est arrivé de mener des actions communes d 1’tMeUe de l%OF plus le Togo ?

- Oui ! Nous avions menCune grève généraledans toute l’Afrique, au moment où le code du travail etait bloqué depuis six ans devant le parlement français. On a déclench6 une gr&ve génkrale en novembre 1952 dans toute l’Afrique. C’Ctait le comitédecoordinationquiadirig6cettegr&ve.

- Q - 03 ktait-il bask, d Dakar ?

- Oui, à Dakar. Cette grève avait abouti à l’adoption du codedu travail d’outre- mer. L..agr&ve a eu lieu en novembre, et le 15 décembre,dkja, la loi a été votée.

- Q - Ce code était-il favorable aux travailleurs togolais ?

- Ce n’était pastellement favorable, mais un«Tiens»vaut mieux que deux«Tu l’auras»...

- Q - C’était la règle du jeu, qui devait éviter I’awchie précédente. - C’estça ! Il n’y avait aucuneprotection pour les travailleurs à l’tlpoque, avant 1952,et tout le monde faisaitn’importe quoi,surtout dansle secteurprive, où les patrons etaient libres de faire tout cequ’ils voulaient.

136 - Q - Que d&mentuit çe CO& du travail ; les horaùw ? Les gril de sahire?La~~sociakè?

- Il y avait beaucoup de chosesdans ce code, qui nous permettaient de fmer les normes du travail.

- Q - Je suppose que son application pratique a dû se heurter, 12 encore, h de nombreuses rkticences...

- Beaucoupde retiœnœs ! Je me souviensbien qu’il y avait un jeune inspecteur de travail qui etait anime de bonne volonte, avec beaucoup d’enthousiasme.Il voulait faire hâter les chosesen préparant certainstextes rapidement, des circulaires, tout ça.. Mais le gouverneur l’avait vide commeun malpropre...

- Q - Etait-ce un txpatrù! ou un Togolais ?

- Gétaient tous desexpatries, à l’epoque.Celui-ci s’appelaitM. Petit.

- Q - Et on l’a remplacé par quelqu’un de plus docile aux voeux de L’Administration...

- Ah oui ! Vous savez,avec l’administrationcoloniale, tout sedkcidait ici : Paris ne savait pasexactement œ qui sepassait. Le gouverneur était tout puissant.Il pouvait prendre desdkisions ; alors, il avait demande tout simplement le rapatriement de œ monsieur-là,et c’étaittout.

-Q- La syndicalisation et la bonne application du code de travail con- cernait-il l’ensemble du territoire, ou était-ce un phénomène propre d Lmlb ? - Ça concernaitl’ensemble du territoire, mais l’action sefaisait surtout à Lame, parœ que le mouvement était plus efllcaœ à Lomé qu’a l’intérieur. Vous savezque, à l’intérieur, les commandantsdes cercles étaient souvent encore plus puissantsque le gouverneur...

- Q - Et le secteur privé ? Je pense ici d ce qu’il devait y avoir de plus loin de Lorntf, le «domaine Gravillow, d côté de Mango. Est-ce qu’on pouvait faim appliquer k code du travail sur la plantation Gravikw ?

- C’etait la croixet la bannière que de faire reflechir œs messieurs-là!

- Q - Et puis &-bas, les sala&% n’étaient peut-ih pas tr8.s conscie~ de lem droits ?

-Justement : beaucoup de travailleurs les ignoraient. Vous savez,l’Africain prenait l’employeur commeun chef de famille. Et dansnotre coutume, c’estle chef de famille qui doit voir œ qui se passe.Jusqu’ici, beaucoup de gens conservent cette

137 mentalit& Et s’il y a desprobl&mes, ils vont le voir... Ils ignorent qu’on ne les a engag& que pour un travail, et que c’està eux-mêmesde s’organiser.

- Q - Vous-même, quelle a étt! votre carrière dans ce syndicalisme togolais nu~ant, qui prenait rapidement de la force ?

-J’ai commenc6comme délCguc!du personnel desFinances, puis membre du bureau confkdéral, au congrèsde 1948.

- Q - Du bureau confédéral togolais ?

-Alors quej’étais un simple délégukde mon syndicat,aux Finances... Par la suite j’ai été Clu secrétairegénéral du syndicatde I’Administration g&Grale, à partir de 1954.

- Q - Avez-vous continué d exercer votre métier ou étiez-vous devenu un permanent du syndicat ?

-J’ai continu6à exerœr mon métier,aux Finances.Ce n’est qu’aprèsque j’ai et6 muté desFinances aux Chemins-de-fer du Togo.

- Q - L’Administrafion n’a pas essayé de vous faire quelques misères ?

-Ah ! On a tellement souffert...trop souvent meme !

- Q - Qu’est-ce qu’on vous fakait ?

- Ah ! J’ai connu la prison, un peu de tout... De tempsen temps,quand il y avait grève, on venait vous chercher, là... Et souvent, c’était très grave. Ils m’ont même révoqué une fois, aprés une gréve, en 1957. Et c’estgrâce aux camarades,qui ont repris la grèvele lendemain matin, pour exiger ma reintegration, que j’ai étCrepris.

- Q - Et on n’a jama& essayé de vous donner une promotion, puis de vous expédier à Baj&, ou d Pagouda, ou à Mandouri..., le plus loin possible ?

- On craignait qu’en m’envoyant à l’intkieur, je pourrais plut& y empoisonner l’atmosphère...Alors il valait mieux me cloisonner ici, à Lomé. Parœ qu’ils ont essaye de faire déplacercertains camarades, et ils ont vu que c’étaitplutôt dangereux.Il fallait plut& les mettre tous à Lomé ; comme ça,on pourrait mieux les surveiller.

-Q- Etes-vous finalement devenu permanent syndical, ou êtes-vous toujours restt! dans lkdmin~trahn des Finances ?

- Je ne suisdevenu permanent qu’aprèsla constitution de la nouvelle centrale, en 1973.On a alors demand6 mon dktachementà la CN’IT (10).

(10) Confkdkration Nationale des ~ravaillem du Togo, fonde en janvier 1973.

138 - Q - 03 vous avez fmi votre carrière 7

- Oui, rai fini ma carrière la-bas.

- Q - A quel poste ? -J’étais secretaireconfederal charge du secteur public.

- Q - Quand avez-vous pris votre retrait% ? -J’ai pris ma retraite en 1978,mais je n’ai quitte le syndicatqu’en 1981.

- Q - Ce qui faisait une carrière bien remplie... Comment est née la bourse du travail, à Lmd ? - La première bourse du travail etait installéedans un bâtiment loué à la famille Occanseysur la rue d’Amoutivé (aujourd’hui avenue Maman-N’Danida).

- Q - Quelles étaient ses fonctions ? - Organiser l’administration du mouvement, et ensuite recenserles problemes qui seposaient, et tenir les reunions.C’etait le bureau du syndicat.Ce n’estque quand le secretaire géneral a été détache qu’il est devenu permanent à la bourse du travail. Nous avons quitte ce bâtiment pour louer celui de De Souzasur la rue Aniko-Pallako (Alsace-Lorraine à l’epoque). Puisnous avons fait desdemarches aupr&s des autorités pour obtenir l’ancienbâtiment desPTT (aujourd’hui le Ministèredu Commerce),après la construction de la nouvelle postecentrale (11). Nous y avons installe nos bureaux pour une courte du&, car on devait le reprendre pour nous affecter une annexedes PTT situde dansla rue d’Alsace-Lorraine (Aniko-Pallako), à côté de l’école évangéli- que. Ce n’est que plus tard que le secretaire général a demande un logement à Hanoukopé, logementque nous avonstransformé en bourse du travail. C’està côté de œ bâtiment que la nouvelle boursedu travail a été construite(12). Quant aux Ch&iens, ils avaient leur bourse du travail dans la rue de France, où ils sont restesjusqu’à la fusion desdeux centrales,et noussommes restes ensemble jusqu’ici.

* * *

- Q - Revenons, si vous le vouk bien, d vos souvenits d’autrefois. Quel t’aient les loisirs du fonctionnaire togolais dans les annhs 1945-50 ?

- Vous savez,à l’epoque il n’y avait pasbeaucoup de bistrots, ni de lieux de re- jouissance.Mais de tempsen temps,on organisaitdes bals populaires à l’hôtel Tonye- viadji (13), où l’on allait danser,surtout lesjeunes... Il y avait aussibeaucoup de clubsde

(11) 1957. (12) En 1974 (13) En face dc I’Ccolc r&ionale de la route d’Atu!ho~ 139 dancing,où l’on s’entraînait aux dansesclassiques et modernes (hotte, quirt, blues...). Beaucoup de jeunes S’&aientinscrits dans des cercles d’etudcs : il y avait beaucoup de cerclesd’etudes organisespar desEuropeens, surtout par desenseignants.

- Q - C’étaient des wws du soir ?

-Oui, descours du soir.

- Q - Qui y enseignait, et quoi ?

- C’etaient desenseignants du primaire et du secondairedes missions catholi- queset protestantes.Il y avait aussile caf6 Nassar,à uStCdu grand marche, et aussile cercle de l’Union française, où les Français, les travailleurs europeens, allaient se divertir. C’étaient leurs lieux de divertissement.

- Q - Les Africains np &ient pas aukwistfs ?

- Les Africains n’etaient pasautorises, sauf ceuxqu’ils appelaient «lesévolués», desTogolais naturalisesFrançais, qui Ctaient peu nombreux.

- Q - Oti y avait-il de la musique ?

Il n’y avait pasbeaucoup d’orchestresici à Lomé. On faisaitvenir les orchestres du Ghana (de Gold Coast), tel que le fameuxorchestre qu’on appelait ~Tempos Ban& qui venait de temps en temps mettre de l’ambiance dansnos coeurs. On sedéplaçait nombreux a l’hôtel Tonyeviadji ou à l’hôtel Adjangba...

- Q - Combien payait-on pour une etaMe ?

- Oh ! Ce n’était pascher : à peine 200 francs ou 300 francs le couple, et 500 francs à l’occasiondes grandes fetes, où l’on ne voulait pasavoir trop de monde. Les grandsmeetings se tenaient aussià l’hôtel Tonytiadji, parœ que le bâtiment que nous avions loue, la bourse du travail, Ctaitsur la rue : il n’y avait pasd’enclos pour accueillir les gens.

-Q- Combien de petsonnes pouvait-on rkunir simuctanhent d Tony& vtiji ? - 11pouvait contenir jusqu’a 5000 personnes ! C’etait trés grand : une grande cour et un bâtiment où les musicienspouvaient s’installer.

- Q - Vous t%iez descendu de Kpakünt! tout jeune, dans les années 1930. -J’avais 7 ans.

140 - Q - Venant donc de R&+ieur, comment aviez-vous trouvé Lomé ?

- J+%aistr& emetveille le premier jour, très content d’etre à Lomé parce qu’au village, quand mon grand-frère m’aannoncé qu’il voulait m’emmenerà Lomé, j’ai sauté de joie, j’etais tellement content ! Quand je suisarrivé, la première choseque j’avais demandeà mon grand-frere, c’etait de m’amener à la plage :je voulais voir la mer ! Et mon grand-frère me demandaitsi j’étais venu pour voir la mer ou pour resteravec lui... Le lendemain,il m’amenaà la plage : j’ai vu la mer, j’étais t.& satisfait...

-Q- Est-ce qu’il y avait d’autres merveilles pour vous, en dehors de la mer ?

- Pastellement, en dehors de l’electricité,qui n’etait pasdans tous les quartiers. Il n’y avait que les principales rues qui Ctaient eclairees,à moiti6 IA cathédraleaussi attirait ma curiosité. Je me disais : «Qui est-cequi a pu monter si haut pour faire ce travail ?».Quand mon grand-frere m’a emmeneconnaître la mer, cela m’a suffi : je n’y allais plus ; j’avais peur de l’océan. J’avais vu de jeunes enfants de mon âge nager. Ils utilisaient de vieux pneus de véhicules pour pouvoir partir à la nage.Comme je ne connaissaisrien de tout ça, celam’inquietait, et je ne m’adonnaispas à cesactivittk

- Q - Pour vous, comment se prtfsentait la ville au COIUS de ces années 1930 ? .

- La ville n’était pas tellement grande, mais c’etait vraiment pour moi mer- veilleux, parcequec’etait la première fois que j’avais pris contact avec une cite où il y avait beaucoup de circulation, desvélos,desvoitures...

-Q- Pouvez-vous nous dh comment un jeune fonctionnaire pouvait se marier au cours des annt?es 1945 ?

- Vous savez,à notre époque, le mariage ne sefaisait pas comme ça, au petit bonheur, ou au petit hasard...Il fallait se preparer, avoir beaucoup d’assisesavant d’avoir une partenaire. J’avais trente ansavant de me marier. On a c&bré le mariage mpalink

- Q - Pourquoi avez-vous attendu si longtemps avati de vous marier ?

- Ah ! @estsur les recormnandationsdes parents : il ne fallait passe lancer dans une aventure, faire les chosesau hasard...Les parents disaient : «Commevous avez commendà travailler, il faut vous preparer, avoir une assisesuffisante avant d’avoir une femme». C’estainsi que noussommes restes si longtemps ; il yavait beaucoup de jeunes gensqui sont restesaussi longtemps avant de semarier.

141 - Q - Vous avez donc u?&b& votre murîuge d XCpali& avant de revenir h Lomé. Est-ce que votre femme s’est vite in@& d Ia soci& ihn&enne ?

- Oh oui ! Elle s’estvite integrée parce qu’elle connaissaitdejja Lomé pour y avoir vécu avec un de sesparents. Elle était enseignante.Comme nousn’avions pasde boy, c’estelle-même qui faisait le ménage,tous les travaux domestiques. On selevait très t6t ; elle prkpamit saclasse et moi je l’aidaisà la cuisine,parfois, puisqueje la faisais assezcorrectement quand j’étais cklibataire...

- Q - Revenons aux a.nn&s 1945, qui marquent votre en&& dans la vie pratique, au lendemain de la guerre mondiale. Est-ce que vous pouvez nous dire les restrictions qui étaient encore imposées d la ville de Lomé au cours de ca années 1945-46 ?

- Vous savezque, pendant la guerre, tout etait rationné. Il yavait descartes de rationnement pour acheter les produits importés,sucre, p&role, tissus,etc. Toutes ces cartesde ravitaillement portaient desnumeros, et vous deviezvous présenter avec ces cartesdans les maisonsde commerce.Tous les citoyens,tous les gensde la cité avaient une cartepar famille et par personnepour acheterdans les boutiques. Et c’estlà où s’est installé le marché noir. Tout le monde ne pouvait pasaller dans les boutiques pour acheter les articles.Il y avait surtout desfemmes qui pouvaient accéderà cesarticles et les revendre. Ainsi, il y avait beaucoup de difkultés pour se ravitailler, et ce n’estque vers les annees 1947que cespratiques ont disparu.

- Q - Est-ce que vous aviez aussi une de ces cartes ? Qu’est-ce qui était écrit dessus ?

- La carte était numérotée; chaque numéro correspondait à un article que le porteur connaissait. Quand vous entrez dans la boutique, le boutiquier coupe le numeto qui correspondà l’article.Tout etait rationné ; il savaitla quantite qu’il avait à sa disposition pour vendre, et il devait les reunir pour justifier savente. Souvent, vous aviez desgens quivenaient vous prendre les cartespourvous acheter les articles : ils réunissent tous les numéros, qu’ils remettent auxboutiquiers parce quevous n’avez pasde tempspour aller attendre à la boutique, car il y avait beaucoup de monde : pour un paquet de sucre, par exemple, vous n’alliez pas perdre votre temps à attendre longtemps.Au niveau de certainsservices, on ramassaitles cartes, qu’on remettait à un planton, ou bien on s’arrangeaitpour faire la liste desfonctionnaires, qu’on envoyait dansles magasinspour prendre les articles...

-Q- Est-ce qu’il falluif déposer un fonds avant d’avoir une carte de ravitaillement ?

- Non ! non ! 11n’y avait pas de depot de fonds. Vous aviez à faire tout simplement la liste de la famille, quevous présentiez,et onvous livrait les cartesen conséquence.

142 - Q - Quelques exemples de difficultés d’approvisionnement ?

- Avant la deuxieme guerre mondiale, les choses coûtaient moins chers. Par exemple, le kaki coûtait 50centimes leyurd. Il y avait beaucoup de facilite ; on vivait bien. Mais très rapidement, il y a eu pénurie de ces articles, car il n’y avait plus de bateaux qui venaient ici. Alors, tout Ctait rationne, même le carburant. Les voitures ne circulaient plus avec de l’essence, sauf les grandes personnes : le gouverneur ou les autres personnes qui pouvaient avoir ac&?s à l’essence. Tous les autres vehicules Ctaient condamnes à rouler au charbon, ce qu’on appelait à l’epoque les gazogènes : on utilisait le charbon pour chauffer les moteurs. Moi, j’avais voyage pour la Premiere fois en gazogene de Cotonou à Lomé en 1942, et c’etait difficile à l’epoque ! J’avais aussi voyagé en gazogène pour aller à Kpalimé aussi bien qu’à Sokode ; j’avais mes habits complètement brûles avant d’arriver à Sokode... C’était moins cher pour un tel voyage. D’abord on prenait le train jusqu’à Blitta et c’etait de la gare de Blitta qu’on prenait un vehicule pour l’interieur du pays. Il y avait des camions gazogènes qui partaient de Lomé pour l’intérieur, mals c’etait trop lent, aussi, les gens preferaient le chemin de fer. Les gazogènes ont étesupprimes à partir de 1945-46, au moment où le ravitaillement d’essence était redevenu abondant sur le marché.

-Q- M. Awoutey, durant votre carrière, avez-vous abordé ou approchk certains gouverneurs, et gardé de quelques uns une impression durable?

-J’ai connu beaucoup degouverneurs, mais le plus celèbre, pour moi, s’appe- lait M. Noutary (14). Il y avait aussi les gouverneurs Digo (15), C&lile (16)... Celui que j’ai aborde pour la première fois, c’était le gouverneur Digo. Nous l’avions saisi pour les augmentations de salaires. Je vous ai deja parlé d’un inspecteur de travail qu’on avait rapatrié parce qu’il avait demandé l’augmentation des salaires, après avoir reuni la commission paritaire pour la révision de ces salaires. Cette commission avait travaillé et nous étions allés voir le gouverneur avec les resultats. Il nous a tenu un langage, ce jour-la, qui m’a fait peur. Il a tape sur la table et dit : - «Ma décision est imperative, catégorique ! Non ! Je ne sors pas un franc du coffre ! ».

Alors nous avions discute ; vraiment, c’etait chaud !

Finalement, les syndicalistes ont decidé de passer à l’action : on a «grève». Et il a fait rapatrier l’inspecteur du travail.. Il a fini par oéder, et par donner satisfaction aux travailleurs.

(14) Jean Noutary, commmaire ak la Rt’publique de 1944 b 1948, redoutable organisateur de 1‘*effort de guerre*. (15) Yves Digo, 195&1952 (16) Jean Chiile, 1948-1950. 143 -Q- Et quelle impression avez-vous gwd& de Noutmy ? - Ah ! Vous savez,le gouverneur Noutaty, c’bait un homme tr&sautoritaire. Mais cequi a caract&i& son +oque, c’estaussi qu’il aimait beaucoup les petitsverres et les fêtes : de temps en temps, il rkunissait les musiciens, et on dansait jusqu’au lendemainmatin...

144 no 13

LES HOPITAUX DE LOME ET L’UN DES PREMIERS MEDECINS TOGOLAIS

Le Docteur Pierre Dosseh Nicoué MIKEM à Tokoin-Hôpital (né à Agbodrafo en 1915, décédé à Lomé le 30 août 1990)( 1)

- Q - Dr Mikem, vous êtes I%n des doyens des médecins togolais, mais tout de même pas l’un des premiers. A quelle génération appartenez-vous ?

- Je suis de la huitième géneration. J’ai commence à travailler au Nord du Togo, en 1945, à Pagouda (2), dans la subdivision sanitaire qui traitait de la trypanosomiase, la maladie du sommeil. Tout le Nord était organise en secteurs de dépistage. Les malades dépist& étaient envoyés en traitement à l’hôpital de Pagouda. Par la suite, la mortalite par la trypanosomiase ayant beaucoup regressé, on y a traite aussi des malades atteints des autres grandes endemies : le pian, les parasites intestinaux, l’onchocercose, la bilharziose...

En 1949, je suis revenu à Lomé, où j’ai éte affecte immédiatement au service de la chirurgie, au bloc operatoire de l’hôpital de Lome, qui etait alors en bas, à l’emplace- ment des batiments actuels des Quatre-ministères et du grand bâtiment qui abrite le ministere de la Fonction publique (3). Le bloc chirurgical etait le petit bâitiment à cote, aujourd’hui occupé par la Main-d’oeuvre.

- Q - Comment se présentaient alors ces bcîliments ?

- L’hôpital, dans le temps, prksentait les structures suivantes :

A l’emplacement actuel de la direction générale de la Main-d’oeuvre et de la Skcurité sociale, se trouvaient le service de la médecine et les pavillons de l’hospitali- sation. Le pavillon actuel de la Main-d’oeuvre, juste en face, servait de bloc opératoire. C’etait un bâtiment à deux ailes pour soigner les malades souill& et les non souilles. Le

(1) Nous saluons ici la mlmoire de ce grand homme de coeur. Ceux qui l’ont connu rewouve- ront ici sa voix avec émotion. (T&e revu par Mme Mikem). (2) A 500 km au nord de Lomé, pr& de Kara (3) Ancien hôpital allemand («Reine-Charlotte de Württemberg»), construit en 1908-09, puis agrandi jusqu’en 1914. 145 service de la p&iiatrie se trouvait A l’emplacement actuel du service d’hygiene de la ville de Lame, tel qu’il existede nos jours. La maternité occupait les locauxactuels de la gendarmerie nationale, en facedes bureaux de l’ambassadede France.

Le service de contagieux se situait a l’emplacement du grand bloc nord des Quatreministères, avec la sallede conferenœ desdits ministères. Le servicedes sp&ialit& etait au premier niveau du grand bâtiment allemand, affecte jusqu’a cesderniers temps à la direction desTravaux publics et desFinances, tandis que l’etage servait d’hospitalisation pour les expatries. Il y avait aussi, là, un service de maternite pour l’accouchementdes femmes enceintesdes expatries. En- suite,il y avait les servicesd’administration de l’hôpital, qui setrouvaient en bas, dans une aile du meme bâtiment.

Le service de pharmacie genérale de l’hôpital (qui Ctait en même temps la pharmacie d’approvisionnement de toutesles formations sanitairesdu Togo) setrou- vait dans le petit bâtiment situé entre le building du ministbre de 1’Equipement et le pavillon de la Main-d’oeuvre. Le long de la voie bitumée qui Separeles deux blocsdes Quatre-ministères setrouvaient quelquespavillons qui s’egrenaient là-bas ; ils abri- taient les malades prives, qui avaient un certain niveau devie. L’echelon central du Service de Santéau Togo, œ qu’on appelait dansle temps la Direction générale de la Santé,était dansles bureaux de l’ambassadede France. Lesservicesse trouvaient au premier niveau, tandis que, à l’etage,le directeur genéral de la Santéqui Ctaittoujours un m&lecin-colonel destroupes coloniales-avait son appartement.

-Q - Il en &it néjd ainsi d I’époque aUemande. Comment se phentait tout le bloc ? Y avait-il une clôture qui regroupait tout ceci ou est-ce que c’étuit ouvert d tous vents ?

- C’était ouvert à tous vents ; il n’y avait pas de clôture, aucune protection. Souvent, les malades avaient leurs parents avec eux, pour leur préparer à manger. Cependant il y avait une cuisine centrale de l’hôpital, qui s’abritait sousdes baraques, entre le servicede la pediatrie d’alors et la matemite.

- Q - Quelkè hait la capa&% d’accueil dè cet ensemble hospitalier ?

- Je n’ai pasle chiffre exacten t&te.Cet ancienhfipital pouvait accueillir jusqu’à deuxcents lits,ehviron. Il yavait desmouvementsd’entr6eet desortie, œ qui fait que le niveau semaintenait a peu pr& sauf&idemment les urgencesqui arrivaient, et qu’il fallait prendre coute que conte. Quand on a transfere l’hopital de son ancienne implantation a sesnouveaux locaux,à Tokoin, on a du faire partir tous les maladesde l’hbpital, et n’en garder que sept,pour monter avec euxà Tokoin. Je m’en souviens : c’etaitun certainjour du mois d’août 1954.

146 - Q - Dans ces annh 1948-50, est-ce que l’hôpital était très saturé ou est- ce qu’il tipondait encore aux besoins de la population de ce moment Ià ?

- Plusou moins,pas enticrement... De toutes les façons,la plupart desmalades étaient heberg6sà l’hôpital et ils etaient nourris sousla rubrique des indigents. Ils avaient tous les soinsgratuits, sauf,evidemment, pour les gens hospitalisesdans les pavillons à une ou deuxchambres, des gens à niveau de vie un peu plus clevé, et pour ceux hospitalisés à l’étage de l’ancien bâtiment des TP et Finances : les malades expatriés.

- Q - Quel était kè personnel médical ? Combien étiez-vous de médecins ? Combien y avait-il dT@mktx, de sagRF-femmes ?

- Je ne saurais vous donner un chiffre exact.Je sais qu’à cette epoque tra- vaillaient le médecin-commandantChavenon, destroupes coloniales,le medccin Le- poncin, et d’autresm&lecins qui venaient mais ne restaientpas longtemps. Le docteur Chavenon s’occupaitde la chirurgiegcnérale,et le docteur Leponcin de la médecine gt%&aleet de la pédiatrie. Madame Bru, une sage-femmeeuropt!enne, s’occupaitde la mater&?, avec cinq ou six sages-femmesafricaines. II y avait à l’époque le medecin- colonel Lot, qui étaitlà au momentdes transferts de l’hôpital ; le commandantChavenon, de la chirurgie,&ant parti, le médecin-commandant Moran etait venu le remplacer : c’estlui qui a assumele transfert de l’hôpital dansses nouveaux locaux,à Tokoin.

- Q - Est-ce qu’il y avait d’autres spécialités : des denktes, des ophta&rw- logues, des radiologues ?

- Des radiologues ? Non, il n’y en avait pas à ce moment-là. Le chirurgien s’occupait de ce problème, plus ou moins. Il y a eu quelques radiologues qui sont pas&, avant les docteurs Chavenon, Leponcin, tels que le docteur Petit, et d’autres m&lecins,qui ont laisséleurs nomset dont vous entendrezparler. Moi, je n’&ais paslà quand ils sont passes.Quand je suisrevenu ici, en fevrier 1949,je n’ai trouve sur place que ceux que je viens de vous citer.

- Q - Si vous aviez mal aux dents, où est-ce que vous alliez vous faire soigner ?

- Il y avait une chirurgie dentaire.Je vous ai déjà parle desservices sp&5alis&, tels que les servicesde la chirurgie dentaire, d’ophtalmologie pour les yeux,d’ORL pour les narines et la gorge, quise trouvaient au premier niveau du bâtiment ensuite affect6 à la direction gencrale desTP.

-Q- Combien étiez-vous alors de médecins togoluis ? - Comme médecinstogolais, il y avait le docteur Coco Hospice -j’espère que vous avez entendu parler de lui (4)-, le docteur Yebovi, le Dr Samuel Kokoroko

(4) Né en 1902 Ministre du gouvernement Olympia de 1958 à 1963. 147 Johnson et moi : on etait à la chirurgie. En médecine g&érale, il y avait des agents techniques qui secondaient les médecins. Les m&kcins togolais étaient surtout affectés dans le nord du pays ; ils venaient à tour de rôle faire un moment à l’hôpital de Lomé, puis ils repartaient. Le docteur Edorh a travaillé aussi un moment à PMpital de J-orne. Il y avait également un mCdecin qui s’occupait des services de la polyclinique, qui est rest6 à son emplacement actuel.

- Q - Ld, on n’hospitalisait pas...

- Non, on n’y hospitalisait pas. La polyclinique etait chargée de depister les malades, puis de les envoyer sur l’hôpital quand il s’agissait des cas graves. Mais les cas légew étaient trait&, soignks et suivis par la polyclinique, jusqu’à leur guérison.

- Q - Et .quelks étaient les relations avec lu clinique Bon-Secours du docteur Olympia ?

- Le docteur Olympio travaillait wmme médecin privé. Chaque fois qu’il y avait des cas graves, il pouvait les &acuer sur l’hôpital. Mais il y avait dkjà, à la clinique du docteur Olympio, un service de radiologie bien klabork et qui servait à beaucoup de malades : nous pouvions envoyer des malades là-bas pour faire un dépistage néces- saire. Le service de radiologie de l’hôpital aussi faisait son travail : alternativement, le docteur Chavenon de la chirurgie pouvait faire ses dépistages, aussi bien que le docteur Leponcin de la médecine gérkrale.

- Q - A propos du secteur privé, il y avait aussi une phurmacie, ci Kokétimé.

La pharmacie Lorne? Ah oui ! Il y avait, plus exactement, lc bâtiment appel6 Eungsway,qui est encore là prksentement (5). C’était dans ce bâtiment que se trouvait la pharmacie Lorne qui a travaillé longtemps. Elle desservait plusieurs hbpitaux, aussi bienqueles malades particuliers : les gens à qui on prescrivait les produits pouvaient les trouver là-bas.

- Q - Mak pouvait-on les acheter à la pharmacie de l’hôpital ou bien est-ce qu’on était obligé d’aller d la pharmacie Lorne ?

- Je vous ai déjà signalé que les malades etaient considtkés comme indigents et donc traités, soignks et nourris, gratuitement.

- Q - A que& époque s’était ouverte cette première pharmacie privée ?

- Apr& la fin de la deuxième guerre mondiale, c’est-à-dire autour de 194550.

(S) Angle rue Aniko-Pallakohue d’Amoutiv6.

148 -J---Ce b&iment, qui a une architecture très curieuse (6), porte une plaque avec la dute de 1924. Qu’est~ que cVtait aqnuwant ?

- Cetait une maisonde commerozJe croisqu’elle a eu5construite au moment ou les Anglais Ctaient à Lomé, ou peu apr&s.Le pharmacien Lorne n’a fait que louer œrtainsappartements pour y installersa pharmacie. Le ptopri&aire etait une personne de ma connaissance.

- Q - Ensuite, il y en a eu une dèuxi&ne, ktuelkè phurmacie du Grand- mans ?

- La pharmacie de Lavaissière ! Elle est arrivée quelques annéesaprès L.ome.

- Q - Et ensuite est arrivt! Ie premier phurmucien togolais, M. Djabakou

- C’estça ! Qui,d’abord, s’estinstalle sur la rue du Chemin-de-fer, non loin de l’école professionnelle, avant de construire la Pharmacie centrale telle que nous la voyonsmaintenant, en facede la SGGG (7).

* * *

-Q- Docteur Mikem, pouvez-vous nous parler & la crkution de ce qui est aujourd’hui le CHU & Lomk et du trun.$ert dè lkncîen tipitul au nouveau ? Cela a dtI rep&senter quelque chose d’assez compliqué, VO~N traumutisunt pour les gens qui l’ont vtku. Savez-vous comment hz décision a été prise d’établir ce nouvel hôpital général ? Et pourquoi Id ? Pourquoi de telles formes ? Enfin, comment este que tout ceci s’est pr&ark ?

- L’ancien hôpital ne n$ondait plusaux besoinsde la population, en matibre de servicede santétout au moins.Quant à l’hospitalisationdes malades, les lits devenaient de plus en plus encombrt%,et on estimait que la capacitehospitalibre Ctait en dessous de ce qu’il fallait à cette Cpoque.Alors, il a et& décidé, vers la fin des annees 1940, d’entreprendre la constructiond’un nouvel hôpital, qui repondrait mieux auxbesoins de la population, L’ancienterrain d’aviation de Tokoin a ete choisipour l’installer,et les travaux ont debuté avec l’aide du paystutellaire, c’est-à-dire la France, qui avait le Togo sousmandat. Vers la fin de l’an& 1950,les travauxetaient tr&savances; aussi, au debutde l’& 1950-51,il y a eu l’inauguration,tout au moins la visite d’un ministre de la Franced’Outte-Mer, qui estvenu voir l’hôpital et ainsi pro&der à l’inauguration. Des 1952-53, les autorites compétentes avaient décidé de faire transférer l’ancien h6pita.l.Apres accordentre les m&.cins, ils ont fïxt?au mois d’août 1954le transfert de tout le personnel et matériel, avec quelques malades pour demarrer dans le nouvel hôpital. La clinique actuelle etait encore en plein chantier : elle a eté terminee un ou deuxans plus tard.

(6) Co~ite sur celle de l’h&pital Ko&-Bu d’Accr@ conshuit en 1922-23. (7) Aujourd’hui f& 149 -Q- Pourquoi l’avait-on instaU si loin du centre ville ? Est-ce qu’d l’tjmque cela ne vous paraissait pas le bout du monde ?

- En effet cet hôpital n’a pas Cte acceptede bon coeur tout de suite par la population, qui a trouve que c’etaitun peu trop loin de la ville, alorsque l’ancienhôpital était presqu’aucentre, ou dansles environs immédiats ; l’ac& en etait t& facile : on y entrait à tout moment,de jour et de nuit... Et il y avait une telle facilite que beaucoapdc parents de maladespouvaient coucherà l’hôpital avec leur malade.Tandis qu’avec le nouvel hôpital, il a Cte décidequ’il y aurait desheures de visite pr&ises. Et les f&lités que les malades avaient -la gratuite dessoins et de l’alimentation- ont et&vraiment compl&ementmodifi&s. Ainsi, d’une part le nouvel hôpital était trop éloigne de la viIle, et d’autre part on y avait etabli un certain nombre de contraintes qui ne leur conve- naient pas.Alors, au début les maladesne venaient pas !

Et la route de Kpalime, qui mene de la ville au nouvel hbpital, etait peu sure : c’était un chemin souvent frequenté, la nuit, par lesvoleurs, les brigands, les malfai- teurs... Il y a eu, dans les premiers mois d’activite du nouvel hûpital, une tentative d’assassinat,et le type a réussi à s’échapper ; et même un membre du personnel d’entretien de l’hôpital a eteassassiné par desvoleurs. Il habitait non loin de l’hhôpital,au bord de la lagune,sur la route de Kpalimé (8). Il faut reconnaître que les gensavaient raison,parce qu’ils etaient habituesa venir voir leurs maladesmême la nuit. Par ailleurs, il n’y avait pasun seultaxi dansla ville : c’estavec l’h6pital que les taxissont n&sà Lame. Avant, les gensse déplaçaient à pied ou àvelo (il y en avait beaucoup en ce moment là) ; les gensne pouvaient pas, avec cesmoyens, se deplacer aussi loin de la ville. Si bien qu’au debut il n’y avait presque pasde malades... Nous sommespartis de LomC avecsept maladesseulement, les plus graves,qui devaient constituer le premier lot de malades à être traites dans le nouvel hôpital. Signalons que, trois ou quatre ansavant, le service descontagieux avait déjà mis ses malades tuberculeux à Tokoin ; le personnel venait de Lame pour les suivre et les soigner. Ce sont eux, pratiquement, qui ont inaugure les activites sanitairesà Tokoin. Cest finalement au mois d’aout 1954que tout le reste,le gros matériel, le personnel,a ete amene. Tout etait en vrac le jour où nous avions demarré le travail à Tokoin. Au servicede la chirurgie, alors qu’on n’avait encore rien installe au bloc op&atoire, nous recevions des la première nuit une urgence chirurgicale : c’etait une hernie etran- gl&z..Je m’en souviens,le malade Ctaitvenu d’Attitogon (dansla préfecture desLacs). Il a Ctesoigne et guéri et tout le personnelqui l’avait soignea pris une photo souvenir aveclui, photo qu’on peut retrouver dansles archives (9). On a dQ travailler dansdes conditionsimposstbles, mais nous etionstreS contents parœ que, finalement, on a r&ssi à le tirer d’affaire...

- Q - Les usagers de l’hôpital t?Iaient donc plutôt mtkontenk3 de ce tran.fert. Mais pour vous, les praticiens dè lMpù24 est-ce que vous n’aviez pas là

(8) Cf: ci-dcsrus, chaph 11. (9) Elle est aujourd’hui b la salle des admiaùq h la dùwdon du CHU 150 un outil technique dkne qualité qui justifkxit les d&agn$neuts du transfert ?

- Bien sQrque le personnel etait satisfait,parce qu’il pouvait travailler dansde meilleuresconditions, avec du mat&iel m&lico-chirurgicalmeilleur ! Les installations, les structuresetaient Cgalementplus accueillantesque ce qu’il y avait à Lome.

- Q - Ce système d’hôpital par pavillons séparés, par espace.~ libres reliés par des galeries couvertes, cela vous paraissait-il le meilleur choix architectural possible ?

- Oui, celarepondait mieux auxbesoins. Comme il fait chaud en Afrique, c’était mieux ventile, et les maladesse sentaient plus à l’aise.Le personnel pouvait travailler dansde meilleures conditions. On a du resetver certaineschambres et certainssetvi- cesoù l’on a misdes climatiseurs. Au début,quand nous avonscommence à op&er au bloc opératoire du nouvel hûpital, c’étaitdans une sallecomplètement fermée et sans climatiseur...On a travaillC ainsipendant plusieurs ann&s avant qu’on ait pu installer les ClimatiseUrS.

- Q - Ainsi donc, au dkbut, ia population est rt%icente devant cet hôpital Comment a-t-elle éti apprivoiske ? Comment est-ce que les gens, progres- sivement, ont pris le chemin de ce nouvel Epita ?

-D’abord un premier fait s’estimpose : commecentre d’intervention pour les ur- gences,tant médicalesque chirurgicales, on ne pouvait venir qu’à Tokoin. Alors les formations sanitaires, les polycliniques en ville, quand elles recevaient des malades graves qu’elles ne pouvaient pas traiter comme externes,Ctaient obligées de les évacuer.Leurs parents Ctaient aussiobligés de les suivre, tout au moins devenir aux heures de visite. Alors, petit à petit, les gens ont commence à se familiariser avec l’hbpital ; ils ont trouvéque,quand même,cela pressentait de bons c&és.Par ailleurs, beaucoupde maladesévacués des formations sanitairesde l’intérieur du paysvenaient àTokoin.Donctouteslespopulationsdelomeetdel’intCrieuryvenaient,et,petità petit, les lits ont eté remplis. Les premiers mois, le service etait vide, les lits étaient complètement vides... Pendant un long moment, on n’a eu a traiter que quelques dizainesde malades,alors que la capacitéhospitaliere atteignait au moins 1ooOlits... On n’avait pasbeaucoup de travail ! Par contre,actuellement, ça s’est rempli ! On n’a plus assezde lits, cequi oblige à faire encore beaucoupd’autres installationspour augmen- ter la capacitéhospitaliere.

- Q - Oui ! Mais, vers 1954, Lomé avait 60 000 habitants ; aujourd’hui, on approche les 600 OOO...

- Bien sur,evidemment...

151 - Q - Combien de temps aura-t-il fallu, d peu près, pour qu’il tourne en plein régime ?

- Au moins un an.

- Q - Il y a des services qui vous ont rejoint plus tard, comme la maternité, n’est-ce pas ?

- Quand nous avions déménagé, le service de maternité se trouvait encore en bas, dans la gendarmerie nationale actuelle. Et un service provisoire de protection ma- ternelle et infantile etait installe dans les locaux r6serves pour les petits contagieux ; et on y a amenage un serviced’hospitalisation pour les expatriés malades, et également pour les expatriées en état d’accouchement, surtout aussi pour les cas graves d’accou- chement, necessitant une intervention chirurgicale telle que la cesarienne. Il faut signaler que, le jour même du transfert de l’hôpital de Lame dans ses nouveaux locaux de Tokoin, mon epouse et moi avons et6 nommes, l’un médecin resident, et l’autre sage-femme résidente du nouvel hôpital. Moi, je m’occupais des services médicaux et chirurgicaux, tandis qu’elle s’occupait des services de la protection maternelle et infantile. Le même jour, nous avons donc eté obliges de deménager de notre ancien domicile pour venir habiter un logement preparé pour nous dans le voisinage immédiat du nouvel hôpital.

- Q - Qu’est le ri& d’un «médecin réshienh ?

Le medecin résident est attache à un hôpital pour y accueillir les malades qui arrivent soit en urgence, soit pour se faire consulter parce qu’ayant une maladie grave. Il réside toujours non loin de la ported’entree,où il y a du personnel qui reçoit,et qui appelle le médecin pour qu’il vienne examiner le malade et indiquer le service où il doit être hospitalise.

- Q - Combien a% temps a duré ce système ?

- Pour moi, jusqu’à mon départ pour Aného. Après mon départ, il y a eu encore des medecins residents, parexemple le docteur Fiadjoe et ledocteur Ohin...

- Q - En ce temps-là, les médecins ne motiaient donc pas lu garde ?

- Il y avait un service de garde la nuit dans les services, pour les malades hospitalises ; tandis que le médecin r&ident doit recevoir surtout les nouveaux malades qui entrent, s’assurer de ce qu’ils ont et établir un diagnostic sommaire, pour pouvoir l’admettre dans un service déterminé. Le lendemain, le malade est pris en charge par le medecin-chefduservice,qui,alors,établit undiagnosticdefinitifetprescrit lessoins qu’il lui làut

- Q - Vous aviez donc un logement de fonction ?

- Oui, construit en meme temps que l’hôpital, pour le medecin résident, dans l’enceinte même du CHU. 152 - Q - Pour revenir d l’hôpital de l’époque, dont on avait doublb la capacitt! d’accu& est-ce que l’on avail accru autant le nombre de médecins ? Y avait-il des Togolais dans ces nouveaux médecins ?

- Au depart, il y avait quand même un personnel bien fourni. Le personnel medical a été augmente, mais pas en grand nombre. Il y avait au moins quatre ou cinq Togolais qui avaient commence ; par la suite, ce personnel togolais a augmente progressivement. C’est le personnel d’entretien qui a été sensiblement augmenté, pour pouvoir maintenir la propreté, l’hygiène dans tout cet ensemble. Cependant le person- nel du ministère n’était pas nombreux, du fait qu’au debut les malades ne venaient pas nombreux Mais, par la suite, la necessite s’est faite sentir d’augmenter rapidement le personnel ; alors on a fait venir des médecins, habituellement des m6kcin.s des troupes coloniales, des médecins militaires - pas en très grand nombre quand même... Alors que les médecins togolais n’étaient pas très nombreux non plus. Ce n’est que progressive- ment, avec le retour des m&lecins formes à l’étranger, qu’on a pu augmenter le nombre du personnel médical. Et egalement le personnel infirmier,avecl’installation d’une école de formation creee sur place, a pu aussi se completer progressivement. Quand l’hôpital etait en bas, au centre-ville, il etait dirigé par un medecin-chef, souvent le médecin militaireexpatrie leplusgrade.Avecl’ouverturedunouvel hôpital,ilyaeu nomination d’un directeur d’hôpital. C’etait le docteur Amen Lawson (de la clinique privée située dans le bloc synodal protestant) qui a assumé cette tache de direction. Il a été remplacé par un agent technique du laboratoire, Monsieur Adjangba, qui est mort actuellement.

-Q- Vous, les jeunes médecins togolais, comment aviez-vous été accueillis par les jeunes infirmiers, quand vous étiez revenus de Dakar ?

- La solidarite dans le travail ne s’est pas instaurf.k immédiatement. @est avec le temps, petit à petit, qu’on s’est familiarise, car, quand nous sommes arriv&, il y avait des anciens infirmiers qui faisaient fonction d’assistants des médecins de l’epoque, et qui travaillaient très bien. Il y a eu des noms cklebres comme les Kpadenou, les Adigo, qui ont été des infirmiers réputes dans le temps, qui assistaient vraiment correctement les médecins dans leur travail ! Quand nous étions arrivés, il est vrai que l’entente ne s’est pas établie tout de suite, mais, petit à petit, on a appris à se tolerer, et l’entente a fini par prédominer.

- Q - Et vous-mêmes, les uDakaroi.w, quand les jeunes docteurs formés en Europe sont revenus, comment les avez-vous accueillis ?

- En tout cas, nous les avons bien accueillis, tout au moins pour moi ! J’ai trouve là la possibilite d’avoir encore du personnel médical ; ce qui permettait de partager la tâche, car, quand j’etais medecin rksident, il y avait un seul mklecin pour la chirurgie, le docteur Brimbusson, qui, avec le docteur Moran, assumaient les taches dans tout le service chirurgical. J’etais littéralement sollicite à chaque instant, pour les urgences médicales comme pour les urgences chirurgicales ! La tâche etait enorme... Donc c’&ait un plaisir pour moi de pouvoir partager ces tâches avec des confrères nouvellement arrives. Cks nouveaux etant d’ailleurs plus ou moins de la famille, parce que la plupart des medecins avaient envoyé leurs enfants pour la relève... 153 Au début, avec le nombre très faible desmalades, on pouvait suffire à la tâche. Mais au fur et à mesureque le nombre desmalades a commenceà augmenter,nous ne pouvions plus assumerseuls la tache.Il m’arrivait, quand j’étais appelé en urgencepar exemple à 4 heures du matin, de ne finir les operations que 24 heures après ! Les urgences se succèdaienttellement qu’une fois qu’on en finissait une, il fallait en reprendre une autre. Pour m’alimenter, j’étais parfois oblige de sortir un petit quart d’heure, pour me faire passerde la bouillie dansla bouche,parce que, m’etant pmparé pour faire une intervention, je ne pouvais plus rien toucher...C’est une autre personne qui me passaitla bouillie ! Si bien que, quand de nouveaux confrères sont arrives, de France et d’ailleurs, j’en etaistrès heureux, parce que j’ai au moins despersonnes qui pouvaient partager cestâches avec moi. Alors l’accueil de cesnouveaux venus a éte, de mon u%e,très cordial...

* * *

- Q - Cet hôpital, à l’époque, était situé au milieu d’un désert, n’est-ce pas?

- C’estça ! A Epoque, autour de l’hôpital, il n’y avait que la brousse...

- Q - Et, progressivement, cet hôpital a provoqué la construction de ce quartier.

- Oui. L’installation de l’hôpital a provoque l’arrivée de la population dans les environs immédiats.Le personnelaussi a tout de suitecompris qu’il fallait construiresa maisonà côté,pour accéderrapidement au travail.

- Q - Oui, dans ce quartier de Tokoin-Hôpital, entre l’hôpital, la voie ferrée et la hgune, les enquêtes que nous avons menées montreti que 10 % des habitants ont des activités liées à la santé. Et vous-même, vous habitez cette même partie de la ville, sur le rebord du plateau. Quand vous êtes-vous installé ici ?

- Il faut vous dire qu’aprèsavoir étC m&lecin r&ident ici près de quatre ans,j’ai ete affecte comme medecin-chef à la subdivision sanitaire d’Aneh (prefecture des Lacs),où j’ai entrepris une activité m&lico-chirurgicaleet, en même temps,la supervi- sion desformations sanitairesde Vogan et de TabligboCest au cours desannees où j’ai V&U comme médecin résidentà Tokoin que j’ai pu acquérir ce terrain, et commen- cer la constructionde mon domicileactuel Quand j’ai été affecté,les travaux ont ralenti, et je n’ai pu les achever que quand je suis revenu à Lomé. C’est depuis 1964 que j’habite ce quartier ; avant, j’étais au centre-ville, dansle quartier Aguiarkomé.

-Q- Effectivement, c’érait très loin si vous deviez venir à 19Mpital de Tokoin.

-Ahoui! Cestça!

154 - Q - En 1964, y avait-il déjd beaucoup de maisons autour de l’hôpital-?

- Quand je me suisétabli ici, en l!X4, il n’y avait que quelquesrares maisons tout autour, surtout cettegrande maisonen face,qui abrite actuellement le Service de la mét6o (elle appartenait à un particulier, qui est mort maintenant), et puis un autre bâtiment en face,habite par un Allemand retraite qui l’a achete...

- Q - Il np avait alors ni eau, ni ékctrkitté ?

- Nous avons dQfaire venir le fil électrique jusqu’ici, cheznous, à grands frais.

- Q - Et l’eau, quand Pavez-vous eue ?

- Quelques anneesplus tard.

- Q - Dans ces années-ld, vos enfants étaient encore à l’école. Où alfaient- ils fréquenter ?

- Mes enfants allaient fréquenter en bas,chez les Franciscains. Ils partaient d’ici tous les matinspour aller à l’école,et on les r&.tp&ait à midi. Ils y allaient égalementle soir.

- Q - Ah-s, dans ces annde&, la route de hTpalitnk était-eue enfin devenue sûre ? Il n)r avait plus d’agression d craindre ?

- Cest lorsquela circulationa augmentesurcette route, car avant, il n’y avait que quelquesrares voitures qui circulaient,qui allaient vers Kpalimé. C’etait une route peu fr&Iuentde. Ce n’estqu’avec l’installation de l’hôpital que la circulation a considérable- ment augmente.Petit à petit, le taxi s’estinstallé : lesgens ont compris qu’il y avait une possibilité d’en tirer profit, d’obtenir des souspar ce moyen de transport... Alors, rapidement,le mouvement destaxis a augmenté.

- Q - Combien coûtait à l’époque un déplacement en tari ?

- Je n’ai aucuneidée sur les tarifs de transport de l’époque, parceque je n’avais passouvent l’occasiond’en prendre. Il s’estfait que, à notre arrivée à Tokoin, j’ai pu acqu&ir une voiture de secondemain, qui nous permettait de transporter les enfants à l’école, et de nous deplacer aussipour aller au centre-ville.

- (intervention de Mme Mikem : A l’époque, le tarif était de 15 francs).

- Q - C’kst le moment où vous venkz de vous installer dans votre nouvelle maison ? - Oui. De la termsse,ici, on pouvait voir presquetout Lom6, jusqu’aujour où on a construit une nouvelle maisonen face,pour me couper la vue...

155 - Q - Est-ce que, comme vous étiez instaués dans la brousse, ça ne pouvait pas poser quelques problèmes, par exemple des serpents qui risquaient de s’introduire dans la maison ?

- Oh, il y en avait beaucoup les premiers temps ! II n’était pas rare, en sortant le matin, de rencontrer un serpent dans le jardin. Et jevous dirai qu’à l’hôpital même, quand j’étais médecin résident, en allant de mon domicile au service des entrees, je rencontrais souvent des serpents, qui passaient à l’interieur même dc la maison. Le python etait très repandu.

- Q - Mais celui-là est inoffensif !

- Heureusement ! Il y avait quand même aussi des serpents venimeux qui passaient...

* * *

- Q - Quelle a été la suite de votre carrière, après An& ?

-Je suis revenu à LomC dans le courant de 1964.

- Q - Et vous avez repris vos fonctions au CHU ?

- Oh non ! Je n’ai plus éteaffecteà l’hôpital, mais à la Direction gCnCrale de la Santé, après un bref stage à l’Institut de la SantC publique. J’ai donc pris la direction de l’implantationdesinstallationssanitairesà travcrsleTogo,etj’aieuàassumercette tâche où j’étais obhge de faire souvent des sorties dans l’intérieur, pour Ctudier le terrain et voir comment implanter les nouvelles formations sanitaires pCriphériques, en vue d’assumer une couverture sanitaire correcte de toute la population. J’étais encore à ce travail quand j’ai pris ma retraite, en 1974.

- Q - Pour un médecin dont la vocation est de soulager les gens malades, est-ce que ce n’était pas cruel de n’avoir plus qu’à s’occuper que de ciment et de dossiers ?

-Non. C’etait là aussi une tâche harassante, mais passionnante quand même, parce que, à l’epoque, il n’avait de formations sanitaires que dans quelques points précis à travers le Togo. Il fallait rapprocher les structures sanitaires des béné- ficiaires : c’est ce que nous avons entrepris à ce moment-là. Si bien que ça a ete une tache passionnante. Nous avons vu combien la population souffrait du manque de formations sanitaires.

- Q - Pour vous, ce chungemenl de t&che est-il un couronnement d’une carrière bien remplie, une récompense des services rendus, ou bien était- ce plutôt une autre carrière ? ’

156 - C’etait une autre carrière, sanitaire elle aussi, mais qui demandait des volontai- res, du moins la volonte d’un médecin qui doit penser à la nkcessité de mettre aux côtés des malades une formation sanitaire qui puisse leur permettre de continuer à rester près de leur habitation.

- Q - Au lieu de faire venir les gens d Lomé... C’est-à-dire que, après avoir aidé au développement du CHU, vous avez tout fait pour en limiter la clientèle...

- Oh ! Ce n’était pas seulement à l’époque que l’on apprenait que la prevention devait prendre le pas sur la medecine curative, parce que, si l’on arrive à prévenir beaucoup de maladies en rapprochant la médecine au plus près de la population, on diminuera ainsi le nombre de malades. Par exemple, un blesse qui a besoin qu’on lui fasse un serum anti-tetanique, s’il est possible de lui faire juste au moment où il est blessé, eh bien, ça empêchera le tétanos de se déclarer et d’obliger à une evacuation sur l’hôpital... Si on le faisait, on diminuerait donc l’effectif des malades, et cela permet- trait de travailler avec une capacité hospitalière moyenne, suffisante pour couvrir les quelques cas graves qu’on doit vraiment soigner en milieu hospitalier.

* * *

- Q - Dr Mikem, vous étiez tout jeune quand vous êtes parti en formation à Dakar. L’établissement que vous aviez quitté s’appelait le «Petit-Dakar». Est-ce que vous pouvez nous rappeler comment vous êtes en&-é au «Petit- Dakarn, avant de partir au grand ?

- Cest apreS l’obtention du CEPE que j’ai Cte admis, sur concours, au cours com- plémentaire, le «Petit-Dakar» de Lame. Par la suite, certains services du Togo ayant été transférés au Bénin (le Dahomey d’alors) ; en 1935, le cours complementaire et même la Direction de la Santé ont et6 aussi transférés là-bas. Nous avons et6 donc formes à l’école Victor-Ballot de Porto-Novo. De là, nous avons passe un concours qui nous a permis d’etre admis d’abord à l’école normale supérieure de Sébicotane, puis, parlasuite,grâceàunautreconcours, nousavonseteadmisàl’ecoledemedecinede Dakar.

-Q- Combien d’années demandait cette école de médecine ?

- A l’époque, on faisait quatre annees de formation.

- Q - Donc vous étiez parti en 1935 au Bénin. En quelle année êtes-vous aUédDakur?

-En 1938, d’abord à Sebicotane, puis à l’École de médecine en 1940.

157 - Q - Combien y avait-il de Togolak dans le groupe ?

- Comme Togolais de ma promotion, nous etions deux. Par la suite, il y a eu d’autres promotions qui nous ont suivis, où il y avait egalement des Togolais. Dans ma promotion, il y avait le feu docteur Kpotsra, avant nous le docteur David Sanvee, decédé, et le docteur Ohin, qui est à la retraite ; il a travaille lui aussi à l’hûpital de Tokoin comme chirurgien.

- Q - Vous avez donc passé toute la guerre au Sénégal ?

- Je l’ai passée à Dakar, et je ne suis revenu au Togo qu’en 1945.

- Q - Par txempfe, en décembre 1940, quand il y a eu l’attaque de Dakar par la jlotte anglaise, vous étiez 152 ?

-A Dakar, mais à distance ! Nous avons surtout V&U cette époque, ainsi que nous l’appelions, comme une epoque de pénuries.

- Q - A l’époque, vous étiez très jeune, donc vous aviez certainement des sentiments politiques ewcerbés. A quel camp allait l’espoir des jeunes de William-Ponty de Sébicotane, de l’école de médecine de Dakar ? De qui espéraient-ils la victoire ?

- Ilsesperaient lavictoiredela Liberte.

- Q - En 1940, ce n’était pas évident de savoir où allait h victoire...

- Oh non ! Mais après, oui ! Ce que nous appelions le camp de la Liberté, c’était les alliés.

- Q - Dans la petite colonie de Togolais que vous formiez au Sénégal, est- ce que vous aviez le sentiment d’être diflérents des autres ressortissants de L’AOF (parce qu’il y avait le mandat de la SDN) ? Est-ce que vous aviez le sentiment d%?tre comme les autres Africains, ou bien pensiez-vous que le Togo devait être une unité d part ?

- Nous, nous nous sommes considérés comme les autres, à égalite. II faut dire que cette école a permis de brasser l’elite en formation de I’AOF. Ça a Cte une très bonnechose,en cesens que, jusqu’à nos jours, nous nous connaissons à travers toute I’AOF. Nous avons tisse entre nous des liens qui sont rest& durables.

- Q - Quand vous revenez d Lomé en 1945, cela fakait dk ans que vous aviez quitle IA ville. Qu’est-ce qui vous a frappk comme changement ?

-Jusqu’en 1945, il n’y avait pas eu beaucoup de changements par rapport au moment où j’avais vécu à Lame. Le changement notable, c’est après 1945, c’est-à-dire apr& la guerre. C’est à partir de ce moment que l’extension de la ville a commence, et

158 nous l’avonsvécue quand nousquittions Lame pour venir nous installer dansle nouvel hôpital de Tokoin, il n’y avait que la cocoteraie tout le long, depuis cequ’on appelle aujourd’hui le Boulevard circulaire,jusqu’au bord de la lagune.Pas de maisons! On ne trouvait, de tempsen temps,que quelquesrares paillotes au fond de la cocoteraie.Et la lagune etait tout à fait marécageuse,avec des arbres, de hautes herbes infestees de moustiques, si bien que, quand on a commenceà travailler à l’hôpital, chaque soir, quand on allumait l’électricite le long desgaleries, on voyait beaucoup de moustiques nousenvahir, et les maladesen étaient derang& Heureusementqu’au debut, on avait mis desgrillages aux ouvertures... Et, en quelques annees,toute cette brousse est devenue la ville !

159

no 14

LES SAGES-FEMMES

Mme Marie-Louise Kokoé MIKEM (née AHYEE en 1926, à Agoué)

- Q - Après avoir fait parler longuement le docteur Mikem sur la méa2xine d’autrefois d Loti, c’est maintenant Mme Mikem, son épouse, que nous allons interviewer, au titre des anciennes sages-femmes du Togo, et qui nous racontera Ià un aspect de la santé à Lomé que rwus n’avons pas encore abordé.

Madame Mikem, quelles ont été les premières sages-femmes du Togo ?

- Je dois d’abord vous dire que les premières sages-femmes du Togo ont été formees à Dakar. (Vous savez que Dakar etait la capitale fédérale de l’ancienne AOF). La toute première promotion en est sortie en 1923. A l’epoque, leur nombre etait tr&s limite. (Une soeur cadette de mon père faisait partie de cette première promotion). fl y a eu ensuite unesuccession d’autres promotions. Je crois qu’elles etaient choisies, à l’epoque, en fonction de leur niveau d’instruction. Par la suite, on les recrutait sur concours. Nous avons actuellement à LomC une de ces anciennes, en la personne de Mme Wilson, née Olympio, très avancée en âge et qui ne sort presque plus. Nous avons d’autres anciennes, mesdames Beker, Kponton -les plus anciennes-, Fumey, Klocuh,et puis tant d’autres... J’ai eulachancede travailleraveccesaînéesen 1949.

-Q- Oà avez-vous t?t4 formée vous-même ?

-A Dakar, comme mes aînées, mais c’était pendant la guerre, à un moment où il n’y avait ni avion, ni bateau... On était obligé de faire la route jusqu’à Dakar ! Je me rappelle bien que, dans l’ann6e où je me suis pr&etm?e, on était une dizaine; j’etais la seule admise du Togo. C’était un concours qui se faisait dans toute l’AOF le même jour. Dans l’annee où l’on m’a recrutee, nous étions une trentaine d’élèves : il y en avait de partout. Mais alors, pour rejoindre Dakar, il fallait y aller par la route, avec des gazogènes, des vehicules qui marchaient à l’aide de charbon... On passait près d’un mois avant d’y arriver ! Nous prenions le train de Lomé jusqu’à Blitta ; de Blitta, un vehicule venait de SokodC nous prendre jusqu’à Lama-Kara, où il fallait prendre le gazogene. Et, Dieu le sait !, nous avons eu à l’epoque beaucoup de pannes. Quand ces pannes nous arrivaient, nous passions les nuits dans des campements très isoles, qui sont souvent visites par des lions et des serpents, mais Dieu nous gardait la nuit... Et quand on se reveillait, on se disait : «Ah, on a donc passé la nuit, et on n’a pas étC inquiété ?». Mais œ qui était vraiment triste, c’est qu’on etait aussi sujet à des accidents de la route : nous avons eu à déplorer ainsi la perte de plusieurs camarades... Apres la 1 163 travers& de tout le Togo, on arrivait en HauteVolta (amune on dit alors),et de Ià on continuait sur le Mali (le Soudan à l’époque), si bien que nous connaissionstout cet itineraire pour l’avoir fait plusieursfois. On était soulagéà Bamako, car on savait que, de Bamako, on prendrait le train pendant trois jours, pour être le troisième jour a Dakar. On a traverse beaucoupd’épreuves et, pour nous qui en sommessorties, et qui avons eu la chancede connaître la vie active,je crois qu’il faut vraiment rendre grâce à Dieu...

-Q- Combien dknnbes fallait-il pour former ane sas-femme ? -Trois ans.A la fin, il y avait un examen desortie pouravoir le diplûme.

- Q - A qael moment êttzwous revenue au Togo ?

- Je suis revenue en 1947.

- Q - Quel a étb alors votre premier poste ? - Mon premier poste,c’était Pagouda, dans le Nord. Je me rappelle à l’epoque, quandje me suispr&ent6e au medecin-coloneld’alors, il m’a dit : «Ma fille, il faut partir dansle Nord, parcequ’on y a besoin de personnel.Il ne faut pas perdre le temps...»Et j’ai obéi tout de suite,pour aller prendre mon poste.

- Q - Le Dr Mikem était déjd à Pagwda ?

- Il y etait, evidemment.Je suisrevenue à LomC avec lui en 1949,dejà mariée,et c’esten ce temps-là que j’ai eu le privilège de travailler avec les anciennes sages- femmes.Je peuxvous affirmer que j’ai béneficiéde leurs experiences,et que cela m’a bien profité... A l’epoque, les conditions de travail n’étaient pas du tout faciles ; la guerre venait de finir et il y avait p6nurie de produits.En œ temps,Dieu seulle sait !, il y avait beaucoup d’infections,et pratiquement pasd’antibiotiques. C’etait l’époque du Dugenan, de la Thiuzomide et, à la maternité, on recevait surtout les evacuées,descas graves, des femmesqui venaient tres infectees...

- Q - Ces femmes arrivaient-elh de loin ? - De loin, et aussides villages avoisinants, et surtout de la Gold Coast. Ces femmesetaient transportéesdans des conditions tr&s difficiles. On les transportait dans les hamacset, quand ellesarrivaient à nous,elles etaient tr& fatiguées.A œ moment-la, il fallait intervenir vite, il fallait faire appel auxm&lecins : c’estpeut-être une u%arienne ou une ambrotomie,ou alors un forcepspour quelquesunes. On etait souventvraiment impuissantparœ qu’ellesarrivaient trop tard : par exemple,dans les casd’hémorragie, on n’arrivait pasà leur faire grand’chose; on les voyait s’eteindre...C’etait un moment vraiment dur...

162 -Q- Vous n’avia pas toujours des cas dramatiques comme ça : vous assuriez aussi le tout venant des accouchements & la villè. Est-ce que, dans ces années 1949-50, les femmes avaht souvent recours à la mater- nité, ou est-ce que, en @éral, elles se débrouillaient toutec~ seules ?

-Je dois d’abordvous parler un peu de notreorganisation d’antan. On n’était pas nombreuses comme sages-femmes,a la maternite. On était quatre, et j’&.ais la quatrieme,la plus jeune, la benjamine du groupe. A I’Cpoque,on prenait une semaine de garde :VOUSquittiezvotre foyer un samedipour ne rentrer que lesamedid’après... La sage-femmede garde Ctait chargéede toutes les entrees, de tout ce qu’il y avait commetravail, de nuit commede jour. Elle était ta responsableLes trois autresvenaient dans la journée, rien que pour s’occuper des soinsdes accouchees et des nouveaux- n& Nous etions secondéespar une infirmière, et on avait la chancede travailler avec desanciennes infirmières comme Mesdames Anna Wood, Anna Iawon, Adigo, et tant d’autresquisont encoreenvie...

- Q - Vous formiez donc équipe avec une injùmière qui travaillait toujours avec vous ?

- Oui ! Elle travaillait avec nouset, quand il y avait un casgrave, on faisait appel aux medecins.Vous examinezvotre femme et vous faites le diagnostic; vous voyezsi elle peut accoucher normalement ou pas. Car on avait aussi des accouchements normaux :certaines familles ont vite compris la necessitéd’aller coûte que coûte à la maternite pour s’y faire accoucher.D’autres sollicitaient plutôt les sages-femmeset demandaient a ce q~kiics viennent les accoucherà domicile. Elles accouchaientdonc chezelles sous la sutveiiiance de la sage-femme.Mais, à uStede cela,il y avait aussides femmesqui s’yprenaient au dernier moment, qui accouchaientavant d’arriver; elles s’amenaient avec leurs nouveaux-nés,et on leur faisait les soins qu’il fallait. Elles faisaient un séjour de quelquesjours. A l’epoque, on lesgardait jusqu’à la tombée de l’ombilic ; donc elles avaient un sejour plus ou moins prolonge. A l’époque, je me rappelle, il y avait beaucoup de prematurés, qu’on enveloppait dansdu coton carde pour les maintenir à un certain degréde chaleur.

-Q- Est-ce que toutes les femmes pouvaient solliciter ainsi le concours d’une sage-femme d domicile ?

- Oh ! je dirai que t’étaient desfemmes d’un certain standingqui demandaient cela,parœ qu’ellesarrivaient à réunir tout œ qu’il fallait pour accoucherà domicile. Ce n’était pasn’importe quelle femme qui noussollkitait...

-Q- Est-ce que c’était uniquement -disons- les femmes 4iévolut%w, qui avaient compris l’importance de l’accouchement. d la nm$ern&?, ou e&ce que, rapidement, toutes les couches de hz société ont comprk cet intérêt ?

-Je dirai que toutes les femmes n’avaient pasencore compris cettenécessid; les évoluees venaient bien plus souvent que les femmesde la campagne.Je dis &VO- lufZes»et ça me rappelle que, à l’epoqueoù les premièressages-femmes etaient sorties

163 de Dakar, on les considéraitcomme l’élite féminine. Ellesétaient les toutespremières à faire de la bicyclette: comme,en ce temps-la,il n’y avait pasde moyensde transport,ces sages-femmessorties de Dakar allaient à bicyclette. Pour le public, c’etait un événe- ment : on les applaudissait,evidemment. Par la suite,partout dans les campagnes,on a vu les gensaller à ~210,mais c’étaitbien les toutes premieressages-femmes qui avaient donne l’exemple...

-Q- Combien d’accouchements pouviez-vous avoir dans lu semaine ? -Une trentaine,sanscompter lenombrede faussescouches, qui etaient de 5 à 6 par semaine.

.- Q - Qu’en était-il des vaccinations préventives qu’on demande aujour- d’hui aux jeunes femmes enceintes ?

- On faisaittoujours le BCG auxenfants n&s a la mater&& Pour les femmesqui avaient accouchéà domicile avant de venir cheznous, on leur faisait le sérum anti- tetanique.La vaccinationami-tétanique n’etait pasgénéralisée parce qu’on n’avait pas la possibilitéd’avoir facilementle produit. Mais on faisaitle serum anti-t&anique, pour prevenir le tetanos chezla mère et chezl’enfant.

- Q - LA maternité de l’époque, c’était ce qui est aujourd’hui la gendarmerie territoriale, en face de l’ambassade de France (1). Quelle en était la capacité d’accueil ? Combien y avait-il de lits ?

-On pouvait compter quand meme 503 60 lits. On avait unesalle d’isolement pour les casvraiment infectés : on devait les isoler. Je crois qu’il y avai t ainsi au moins soixante lits. Je voudrais aussi souligner que, à côte de la maternite, il y avait la polyclinique, où deuxsages-femmes assuraient les consultations pre-natales et post- natales. il y avait toujours deux sages-femmesaffectees là-bas pour la protection maternelle et infantile. II faut donc compter,en tout, six sages-femmesà Lame.

- Q - Et à la clinique Bon-Secours, y avait-il aussi une sage-femme ?

-Bon-Secours etait une clinique privée, et elle n’avait pasde sages-femmes.II n’y avait pas de cliniques privees pour les accouchementsà Lame, à I’epoque colo- niale. Ce n’estqu’après I’Independance que les gensont comprisqu’il fallait ouvrir soi- meme une clinique d’accouchement,si bien que, maintenant,elles se sont multipliees en ville. Avant, ça n’existaitpas du tout.

-Q- En quelle année cette ancienne maternité a-t-elle été fermée et ses services transfrt% au CHU actuel ? - On vous a déja dit que le nouvel hûpital a été ouvert en août 1954.Le sort a voulu queje soisnomm& à cemoment-là sage-femmerésidante. La nouvelle maternid

(1) Créée en 1923, sous Qide de Mme Bonnecanhz, l’dpuse ah gouverneur.

164 n’étant pas encore construite, mais il y avait aussi beaucoup de femmes blanches qui venaient accoucher à l’hôpital, et j’etais à leur service. En plus, comme le blocopéra- toire avait ete transfere à Tokoin, tout ce qu’il y avait comme cas difficiles, césariennes, interventions chirurgicales à faire..., les collègues d’en bas les évacuaient sur Tokoin, et je m’en occupais. Je faisais appel aux médecins, si bien que je m’occupais à la fois des accouchements des épouses des expatriés et des soins des opérées, avec une aînée, Madame Adjangba. Elle venait assurer le travail du jour, s’occupait des soins des accouchees et des enfants qu’on hospitalisait au service des petits contagieux, la salle d’accouchement étant en face du bloc opératoire, avec le service de gynecologie. Apres, quand la clinique a éte construite, on y a amenagé une salle d’accouchement. Mais il a fallu attendre deux ans, jusqu’en 1956, pour avoir le batiment de la vraie maternité, et tout le groupe des sages-femmes a ete alors transfere à Tokoin.

- Q - Cela représentait-il une importante amélioration de vos conditùms de travail, d’être dans les nouveaux bâtiments ?

- Oh oui, forcement, parce que, quand on etait en bas (jevous ai signale tout à l’heure le problème des cas d’infection), il n’y avait pas de gants; on travaillait avec les mains nues, si bien qu’à chaque accouchement, surtout quand il s’agissait des cas d’infection, nous avions du mal;ce n’etait pas agréable... Mais àTokoin, il y avait des gants et, jusqu’à maintenant, les jeunes soeurs travaillent dans des conditions que je dirais faciles, et qui n’existaient pas avant. Il faut dire qu’un grand pas a été fait : elles sont beaucoup plus à l’aise pour travailler. Maintenant, il y a un autre aspect : il y a plus de monde, plus d’accouchements ; les salles sont toujours remplies. Aussi le sejour des accouchees est-il maintenant d’à peine 24 heures : il y en a d’autres qui attendent, et il faut faire sortir celles qui sont déjà délivrees.

- Q - Actuellement la presque totalité des accouchements de Lomé se fait en milieu hospitalier, n’est-ce pas ?

- Non, il y a quand même des accouchements à domicile, et aussi certaines femmes qui attendent trop longtemps avant de se présenter, et qui accouchent en cours derouteavantd’arriverauCHU..

- Q - C’est parce qu’elles ont mal évalué le temps et le distance, mats elles auraient voulu accoucher d l’hôpital.

- Voilà ! Et elles accouchent dans le taxi... C’est des cas qui se produisent regulierement. Ce sont des femmes -je dirais- insouciantes...

-Q- Vous nous avez dit que, jeune sage-femme, vous aviez pris conseil auprès de vos aînées. Mak quelles étaient vos relations avec les matrones traditionnelles, qui s’occupaient autrefois des accouchements. Est-ce que vous en avez connues ? Est-ce que vous avez pu tester leur expérience, leurs compétences, et éventuellement en tirer profit ?

- Oui,dans le Nord par exemple. Nous avions,à la maternitedePagou- da, deux matrones qui étaient vraiment vieilles. Il faut reconnaîtreque ces matrones 165 n’etaient pasformees pour faire faceà tous les problèmesqui seposaient aux femmes pendant l’accouchement;elles n’arrivaient pasà repérer les casdifficiles. C’étaient vraiment de braves femmes.Nous les avions prises en affection, mais,pendant que nous,nous étions là, nous n’avons pasvoulu les laisserfaire le travail, puisque nous, nous etions formees pour ce metier. Même si ellesdevaient faire quelque chose,elles etaient supervisees,parce qu’il fallait quand même leur montrer les bonsprockdks. Et c’estce que nous avons fait. AIorne, quandje suisarrivke ici, il n’y avait pasde matrones,mais plut& desin- firmières,qui nousont secondeesvalablement. Et meme,dans le temps,il n’y avait que desinfirmières qui faisaientles accouchements, parce qu’il n’y avait pasassez de sages- femmes.Mais quand le nombre dessages-femmes a grandi, cesinfumières travaillaient bien, en collaboration avec nous,et,il y avait une entente parfaite.

- Q - Mal-F dans kè savoir véritablement traditionnel, est-ce qu’il nJ, avait pas des pratiques qui seraient encore utilisables aujourd’hui ? Je pense notamment aux pratiques envers le tout nouveau-né pour le masser, le faire respirer, le faire bouger... Est-ce qu’il a Ià un savoir traditionnel qui soit encore utilkable ?

- Non ! Je crois que tous lesproc&l& que nosanciennes matrones pratiquaient sont desprockdb à proscrire, parceque, souvent, ellescoupaient le cordon ombilical -qui est d’ailleurs, vous le savez,souvent source d’infection chez l’enfant- avec un tessonde bouteille, et elles recouvraient le cordon avecdes feuilles ou de l’huile de palme. Or,souvent cesfeuilles n’etaient paspropres, et çadonnait plutôt occasionà l’infection, surtout au tetanos.Je ne pensepas qu’il faille les encourager...

- Q - Est-ce que vous avez une organisation entre vous, les anciennes sages-femmes, et avec les nouvelles ?

- Oui, nous avons crée notre associationen 1966.Mme Kponton en a été la Premiere pksidente. En 1%7, la présidencem’est revenue. Jusqu’à maintenant, je suis la presidente dessages-femmes du Togo.

On seréunit de temps en temps,ou on seretrouve pour faire de petites fêtes. Notre associationa surtout pour but de nousentraider, d’être solidairesentre nous,et ausside parfaire notre métier : souvent nous demandons qu’on nous organise des recyclages.Il nous arrive de faire desaides sociales. A l’epoque, on organisait même pour la fête desmères un bal, par exemple,et les produits de ce bal nous servaient à faire une action sociale.Si bien qu’une fois,on estmême allé à Mango : on a achetéle matériel pour aider la maternite de Mango. Il nousest arrive d’aller à l’hôpital psychia- trique de Zébevi,a Aneho, pour aider les maladesmentaux. Je nevoudraisvous citer que cesactions-là, car nous en avons fait tant d’autres...Regulièrement, à Noël, nous allons à la pkliatrie ; nous visitons les enfants malades,qui n’ont pasla chanced’aller fêter Noël chezeux. Nous leur offrons de petits cadeaux.Nous apportons aussides cadeauxaux orphelins du village S.O.S..Nous le faisonsen silence,sans publicite... Et quand une colleguepart en retraite, il y a toujours une fête de famille qui nous réunit,

166 et l’on fait un cadeauà la partante. Je crois que c’estun bon prockdé, qui contribue certainement à consolidernos relations fraternelles.

-Q- Voyez-vous souvent des jeunes -et des moins jeunes- qui vous tetrouvent et vous disent que c’est vous qui les avez mis au monde ?

- Eh oui, ça m’arrive trèssouvent ! Ou alorsœ sont les meresqui vous le disent, Vous savez,dans nos milieux, on a l’habitude d’appeler les sages-femmes«Maman». Alors, quandvous sortez,vous tombezsur desconnaissances, ou desfemmes incon- nuesqui vous disent : - AIantan, çava ? C’estvous qui m’avezaccouchée de mon fils. Il est maintenant professeur ! - Maman,mon 6ls estmédecin ! - Mon fils estinstituteur !» Vraiment, moralement,ça me fait plaisir.On saitqu’on a fait quelquechose pour la nation...

-Q- Vous avez efl&tivement exerc4 un très beau métier Merci, Mme Mikem.

167

c

no 15

L’EGLISE EVANGELIQUE

Pasteur Emmanuel AYIVI Ancien modérateur de 1’Eglise évangélique du Togo (né en 1930 à Notsé)

- Q - Aujourd’hui, nous allons parler d’une autre communauté spirituelle de Lomé : l%glise évangélique. Nous sommes donc avec Monsieur le Pas&eur Ayivi, ancien modérateur de I’EgLke évangélique du Togo, qui va nous en parier, dit-il, avec modestie, parce qu’il estime qu’il n’a pas lui- même une trè% grande connaissance du passe de L’EgCke à Lomé.

Il est vrai que ce n’est pas à Lomé que 1’Eglise évangékque a fait ses débuts au Togo, alors que L’Eglise catholique y a démarré (1). Il faudrait donc, tout d’abord, que vous nous retraciez un peu cette longue hktoire de 1’Eglise évangélique avati son implantalion à Lomé.

-Le travail missionnaire a commenc6 dans l’ancienne Gold Coast, à Peki (2), puis sur la côte. C’est à partir de là que les missionnaires ont travaillé dans divers villages, et qu’ils sont arrivés dans ce que nous appelons aujourd’hui notre Togo. Ils se sont installésainsi en 1893 à Mission-Tove (c’est pour cela d’ailleurs, que levillage s’appelle Mission-Tove, et non plus simplement Tové).

- Q - Peut-être que vous pouvez nous retracer cette hktoire depuis encore plus haut, depuis l’installation de la Mission de Brême d Keta, en 1853.

- C’est ce que je vous disais tout à l’heure en vous parlant de Peki. Ça a &é le début : c’est là, en 1847, que les premiers missionnaires sont venus dans le pays 6~6 annoncerI’évangile (3).

- Q - C’était des misssionnaires de la Miwion de Bûle, je crok ?

- Non, de la Mission de Brême, mais qui ont travaillé, commevous le dites, un moment en commun avec la Mission de B$le, mais pour un temps seulement. De Peki et deKeta, ils sont allCs dans desvillagescomme Waya, Anyako, Amedzope, Ho, etc...

(1) En 189X (2) A l’est de la Volta, non loin de l’actuel barrage d!4kosombo, au Ghana. (3) Cette premi8re implantation n’a pas dut! à cause du ai%% rapide des premiers mksion- naires allemands. La Mission ak Br&ne sy réinstallera en 1877. 169 - Q - 03 iLF vont se mettre d transcrire l’éwé ?

- En effet, ils vont transcrire l’ewe, en particulier à Anyako, près de Keta (4).

-Q- Ce qui est toujours la base de l’éwé littéraire que nous uhïsons actuellement.

- Oui ! Et c’est à partir de Ià qu’ils sont venus ici, au Togo, en 1892-93.

- Q - Qu’est-ce qui les a plus spécialement attirés d Mission-Tové ?

-Oh ! Jenepeuxpas ledire...Maisdelàilsontpoursuivi leur travaild’evange- lisation de -disons- l’espace ewe, notamment à Agou. C’est comme cela qu’ils sont arrivés ici, à Lome, en 1895.

- Q - En ce temps-là, ih disposaient déjà d’une liturgie en éwé, des textes principaux de la Bible transcrits...

- Ils avaient déjà une partie de ces textes 6crits en ewe ; mais c’est seulement en 1913 qu’ils ont fait sortir la toute première Bible traduite dans son ensemble.

-Q - Ainsi donc, il aura falh un demi-siècle,pratiquement, pour venir au bout de cette traduction.

Mission-Tové, c’est à environ 30 km au nord-est de Lomé, n’est-ce pas 7

-Oui!

- Q - En quoi consistait cette implantation ? Est-ce que c’était une équipe de missionnaires importante ?

- Non ! C’était un seul pasteur togolais qui est venu s’installer là-bas. Autrefois ils plaçaient soit un missionnaire, soit un catechiste ou un pasteur togolais quelque part, qui travaillait seul dans la région. C’est le catechiste togolais Albert Binder, futur pasteur, qui a été le premier à y travailler, certainement avec des missionnaires qui l’ont laisse la- bas.

- Q - Et quel a été le fondateur de la mission de Lomé ?

- Le pasteur Andreas Aku (5), alors catechiste. Les missionnaires allemands s’y installeront l’ann& suivante, en 18%.

(4) Sur la rive nord de la @me a2 Keta Leptwnie~peti Jyllabave CM et le premier recueil de candques (aik au mkionnak L. Wolf) remon.!ent d 1848-49. J. B. Schle& n!aI&ra hpmm2nzgrammuire ch2 en 1857, à Anyako. (5) 1863-1931. LegouvemeurBormecarrère,tVe,sonam~ feradsamonunélogefûn2brevibranr:«hrsquevotre peuple aum plusieurs hommes d’un tel caractère, M-JUS n’aumm plus le. droit maai de vous gouvemenk Sonj7& le Dr Martin Aku (1913-1970), zzra lepremier dtpuh!du Togo b lXswnbléenadonalefkan+se (de 1946 d 1951). 170 - Q - Quelles sont alors leurs implantations à Lomé ? Est-ce que c’est déjà l’endroit 03 se trouve kè bloc synodal ?

- Oui ! C’estlà ou sont aujourd’hui le temple et le bloc synodal.Ils ont travaillé ensuiteà B&,puis, après, à AvepOzo(6). C’estcomme ça qu’ils ont commencele travail. C’estbien longtemps apresquevous avezeu les paroissesde NyekonakpoC,Tokoin- centre,Collège protestant,AblogamC, etc..

- Q - Restons sur les débuts de 1’Eglise 4vangSque à Lomé. Que pouvez- vous nous raconter & ce vieux batiment très délabré qui se trouve en face du tempk, rue Foch ? - Cevieuxbâtiment est le restedel’installation desmissionnaires. Il y avait la deuxb$timentsB&age;l’autreaetCrase,etc’est àsaplacequ’ona elevel’actuel bloc synodal.

- Q - Est-ce qu’il y avait, comme ailleurs, le @ement à Péta@ et l’école ou les bureaux au rez-de-chaussée ?

- Effectivement.Ce b$timent qui tombeactuellement en ruines comprenaitun lo- gement à l’étage et l’école en dessous.A cemoment là, c’était le jardin d’enfants et quelques classesde l’écoleewé. Ce vieux bâtiment avait aussiabrite le cours comple- mentaire évangélique (créé en 1947),jusqu’en 1954-S. A cette epoque, le rez-de- chausséedu b$timent qu’on a rasé abritait les bureaux de 1’Eglise de Lomé et de la Direction des écoles evangeliques du Togo. L’étage était un logement, habité à l’origine par les missionnairesallemands.

- Q - L%glise t%[email protected], à Npoque la Mission de Brême, avait tout de suite enseignk à la fois le catéchisme et l’alphubétisatkm en éwé ?

- Oui ! Et elle tient beaucoup à ce que les gens Ccoutent la Parole dans leur propre langue, et puissent aussila lire et l’écrire. C’està causede ce grand souci de pouvoir faire lire l’Evangile et les Ecrituresaux gensqu’on a vite travaillé l’&ve, qu’on a tout fait pour le repandre...

- Q - Ce qui fait que, à l’époque allemande, ça a posé quelques problèmes avec I’Adminktration, qui ne comprenait pas que les missionnaires a&% mamis ne mènent pas le jeu d’une politique coloniale alkèmande, rwtam- ment par l’enseignement de sa langue.

- Peut-êtreque çaavait posedes problèmes, mais pastellement, parce que nous savonsce qu’a eté M. Westermann(7), un desgrands traducteurs en ewé,l’homme qui a tellement travaille sur cettelangue et qui, avec d’autres missionnaires,a fait naître la

(6) Aujourd’hui banlieue de Lom4 sur la C&e, au-deld de Ba&h (7) Au Togo de 1900 b 1907. Il publie dictionnaires et grammaire en 1905-07.

171 littérature ewé : nous n’avons jamais appris que le gouvernement allemand l’ait haï ou poursuivi...

- Q - Quand, en 1906, le gouvernemeti allemand a exigé que l’on enseigne l’allemand dans toutes les écoles, sous peine de couper les subventions, comment avait réagi I’Eglise évangélique 7

- Vous le savez, de tous temps, l’Eglise n’accepte pas des choses comme ça aussi facilement, surtout lorsqu’elle travaille dans le sens de l’evangelisation. Pour nous, ce qui compte, c’est l’Evangile d’abord, et c’est ça qui fait que nous acceptons facilement les persecutions. Les Eglises protestantes, d& le debut, ont ete pers&ut&s à cause de l’expansion de la parole de Dieu. Donc, si les Allemands ont demande qu’on enseigne l’allemand dans les écoles primaires, ce qu’a fait I’Eglise, c’est qu’elle avait à enseigner à la fois et l’allemand et l’ewe. Par exemple, de mon temps (je ne suis pas né pendant la colonisation allemande), j’ai du faire quatre ann&s à l’école primaire pour étudier rien que l’éwe, et après entrer à l’ecole primaire française, où l’on m’enseignait le français ; on continuait à m’apprendre les deux langues parallèlement. Donc on apprenait et l’allemand et Wwe, comme de notre temps nous apprenions et le français et l’kW6.

- Q - Pour revenir à Lomé, le monument de votre Eglise le plus impression- nant, c’est évidemment le temple. Qu’avez-vous en mémoire sur sa construction ?

- Eh bien, on nous a dit -et vous lirez œla sur une plaque qui est poske sur le mur de la façade- : Le temple a été construit grâce aux dons des enfants aIlema&&, donc des enfants des écoles du dimanche. Il a eu’5construit de f&rier 1906 à août 1907. On l’a inaugure le Ier septembre 1907.

- Q - Il n’avail pas alors exactement la silhouette qu’il a aujourd’hui : kè clocher étaif plus haut, et l’on a ajouté des bas-côtés il y a quelques années ~ (S), n’est-ce pas ?

--C’est bien vrai que le clocher était plus haut. Mais malheureusement, il a eu.2coupe à cause des cloches, qui pesaient beaucoup sur lui et provoquaient des fissures. Alors on a été obliged’enleverles cloches et de casser une partie du clocher, ce qui a diminué sensiblement sa hauteur. Le seecond malheur, après, est que la communauté d’Apégamé (9) a envisage d’elargir la maison, parce qu’il y avait beau- coup de fidèles qui ne trouvaient plus de places dans le temple. C’est vrai qu’on avait besoin de places pour les fidèles, mais, à vrai dire, les travaux d’élargissement ont quand même faussé quelque chose de l’image première du temple. Ce n’est plus beau comme avant

(8) En 1977-78. (9) NLa Grande maisort» (de Dieu).

172 - Q - Ah non ! Je trouve, moi, que cela a été une adjonction remarquabh+ ment discrète, qui se fond très bien dans l’architecture ancienne. Evidem- ment, je n’ai pas les souvenirs personnels que vous pouvez avoir de ce temple...

Un autre bâtiment important dans hz vi& c’est L’école de Kokétimé. A quand remonte-t-elle, cette vieille ecole aux piliers particulièrement élevés ?

- Je ne peuxpas vous dire exactementà quand remonte la constructionde cette école (10). C’était déjà une Écoleà l’arrivée du pasteur Maître (1 l), un Français qui a continuéà travailler là-bas.Apres le pasteurMaître, lesautres directeurs de l’enseigne- ment protestant,qui étaientdes missionnaires français, ont habite cet étage; et il y avait en dessousdes ecoles, comme vous le trouvez aujourd’hui encore. Ils y sont restés jusqu’en 1958,Cette maison a éte habitee par le pasteur Eilfried Kpotsra, qui Ctait secretairesynodal de I’Eglise evangelique à cemoment. Après lui, les pasteursNome- nyoet Awoumé,secretairessynodaux,l’onthabitéeeuxaussi. C’est depuis lepasteur Awoumé, que les secrétairessynodaux ne logent plus là-bas.

- Q - Revenons, si vous Ie voulez bien, aux débuts de I’Eghke à Lomk.

- Je peuxvous dire que la toute première communautede 1’Egliseévangélique de Lame, dpégumé», a et6 creée,sous la supervision desmissionnaires allemands, en 1895par le pasteurAku, qui etaitalors cat&histe.Le templedont nousavons parlé a et6 inaugure en 1907,et la dépensefaite avait ettépay6e en grandepartie par les cotisations desenfants des écolesdu dimanche d’Allemagne. Il faut dire que la majorité de la communauted’Apegamé, ce sont les Anlo, venusde l’autre côté de la frontière. Mais ils n’etaientpas seuls. Ils ont eu à accueillirnos freres d’Aneho, de 1’Eglisemethodiste, qui, à causede leur travail, devaient vivre à Lame. Ils ont travaille vraiment ensemble,avec beaucoup d’ardeur. Ce n’est qu’après -il n’y a pas longtemps- qu’ils se sont separes pour former aujourd’hui la paroisseméthodiste que vous connaissezà Hanoukopé. En dehors de nos frères d’Aného, il y avait aussides Nigerians de 1’Eglisebaptiste, qui faisaient partie de cette même paroisseApegamé de Lame. Donc, vous levoyez un peu, cetteparoisse n’&ait pascompos& uniquement desEwe en tant que tel, mais aussi de gensd’autres ethnies, qui vivaient en fréres, et qui separtageaient les responsabi- lités sansfaire casdes provenances ethniques ou desdénominations religieuses.

- Q - Ainsi, tés méthodistes et les baptistes étaient tous à Apégamé, avant de se séparer ensuite pour créer leurs paroisses. Est-ce que la collabora- tion de base est toujours restée aussi solidaire ?

- Oui, c’etaitbien ça.Les baptistessont partis,puis les methodistesaussi, et il ne resteque 1’Egliseévangelique du Togo. Mais on s’estrapproché beaucoup les uns des autres.Je peux même dire qu’il y a un lien de fraternite tresprofond, parce que ça ne

(10) ConsbuiIe en 1914 rasde en 1990. (11) En 1929, 173 fait pas longtemps -disons trois ou quatre ans- toutes les Eglises de dénomination protestante au Togo se sont &Unies dans ce que nous appelons le «Conseil chrétien», donc nos relations sont très bonnes, très fraternelles.

* * *

- Q - Qu’est-ce qui s’est passé pendant la guerre de 1914 ? Fin 1917 et début 1918, les Franco-Anglais décident l’expulsion complète du Togo de tous les missionnaires allemands. Pour les catholiques, le père Gbikpi nmts a raconté qu’on a fuir venir d toute vitesse de Gohi Coast un petit nombre dè religieuses et de prêtres qui parlaient quehue peu l’allemand, mais en fait surtout des gens formés en milieu anglais. Qu’est-ce qui s’est passé pour lit7glise évangélique 7

- Pour l’Egliseévangélique, le travail a été confie à Monsieur Bürgi (12), qui &ait Suisse, d’un pays neutre. C’est lui qui a dirige tout le travail au Togo. A ce moment, vous savez, 1’Eglise n’&ait pas allée loin : c’était seulement Lom6, le Kloto, l’Akposso et Atakpamé, c’est tout, et aussi ce que nous appelons aujourd’hui la Volta Region du Ghana actuel. Nous etions donc de là jusqu’ici la même Eglise de Christ 6~6, qui deviendra 1’Eglise évang6lique que vous connaissez aujourd’hui. M. Bürgi a travaille jusqu’en 1921,avantdepasserl’administrationdel’EgliseaupasteurAku,quienest devenu le premier pr&ident. Des ouvriers de 1’Eglise nous venaient toujours, comme avant, de Keta et de l’actuelle Voltu Region du Ghana, la region parlant l’éwt5.

- Q - Où le pasteur Aku avaif-il été formé ?

- Chezlui, à Waya, dans l’ancienne Gold Coast, puis au seminairedeKeta, et après il a reçu lerestedesa formation en Allemagne, à Westheim (13),où il avait été envoy6, avecdeux autres, en 1890. Il a et6 consacre pasteur en 1910.

- Q - Il était donc à hz fois germanophone et anglophone ?

-Oui!

- Q - Et ensuite il a fallu qu’il se mette au français comme tout le monde...

-Ehoui!

- Q - C’est donc l’originalité majeure de cette Eghse : eUe avait déjd formé suffiamment de cadres, en un demi-siècle, pour pouvoir affronter l’indé- pendance pratiquement dès lu première guerre mondiale.

(12) (1859-1925). Au Togo de 1880 d 1921. (13) Centre de formation for& en 1890 par la Midon de Brtme Une vingtah? de Togolais y passeront de 1890 d 1914. 174 - Oui, c’estce que nousadmirons beaucoup. Vous demandiezce qui s’estpas& apr&sla guerre, et jevous parlais du pasteur Bürgi et du pasteur Aku : c’estvrai qu’en 1922, Aku a pris la direction de YEglise,mais, un peu plus tard, le gouvernement français a demandé aussiqu’il y ait desmissionnaires français, pour que les relations puissentse faire comme il faut. Et nous-memesaussi, on avait desdifficultés ici,dans 1’Eglise. Aussi s’est-on adresséà la Mission de Paris, qui a envoy6 son premier missionnaireen 1929.C’est le pasteurCharles Maître, dont j’ai par16tout à l’heure (14).

- Q - Est-ce que dans ces années 1920, l%glise évangélique du Togo arrivait à s’auto-sufft jkaucièrement, ou est-ce qu’elle avait besoin du soutien des Eglises d%urope ? Est-ce que L’Allemagne continuait à envoyer son aide, ou est-ce que 1’Eglke évangélique de France a pris le relais sufiiamment vite ?

- Je peux dire que, pendant les toutes premières annees de l’absence des Allemands, l’Eglise a fait beaucoup d’efforts : elle sesoutenait elle-même financière- ment, maispas suffimment. Je croisaussi que c’estl’une desraisons qui ont pou& nos préd&esseurs de s’adresserà la Mission de Paris, mais la Mission de Paris n’a pas toujours tout payé à elle seule : ]*Eglise a fait un effort, et elle continue à faire des efforts.

-Q- Mais est-ce que L’Eglise d’Ah!emagne a continué à aider I’Eghe évangélique du Togo ?

- Oui ! Dès que le brouillard de la deuxième guerre mondiale a disparu et que nous pouvions avoir à nouveau descontacts avec les Eglisesen Allemagne, elles ont repris les relations, et elles ont continue à nousaider. Je peux dire que leuraidea été toujours fort apprkiable, et toujours appr&i&

- Q - Pour la formation des pasteurs de [a nouvelle ghhztion, ceux des années après 1925, est-ce que vous pouviez ‘bs envoyer en France ?

- Disonsque, entre 1929et 1948,la formation despasteurs n’a plus&.T ce qu’elle devait réellementetre. II y avait un s&ninaire (1’Ecolebiblique, crééeà Amedzope(15), puis transférée à Agou-Nyogbo, puis à Gobe et enfin à Atakpame), avec un niveau assezélevé par rapport au primaire, qui formait les maîtresd’école, &ang&stes et pr& dicateurs responsablesde paroisse,qui, aprèsplusieurs annéesde service, passaient un examenqui leur conférait le titre de catkhiste. Parmi cescatkhistes, on choisissait un à un, après des anndes, et selon certains critères, ceux que I’Eglise pouvait consacrerau minist&repastoral. Il faut reconnaîtrequ’il y a eut un tempsoù le niveau de la formation biblique au sdminaire avait baissé,alors qu’il aurait dû &oluer avec le temps. Ces études-là ne

(14) II seru secondé par le pasteur Jean Faure cf partir de 1933 (auteur d’une petite histoire de IlEglise &ar@lique au Togo). (15) Aujourd’hui en Volta Region, prt?s de Ho. 175 suffisaient plus pour l’exerciceefficace du ministere pastoral. En 1946-47,et pour la première fois depuis nos relations effectives avec la Mission de Paris, depuis 1929 (et maigre la reticence de certains responsablesde I’Eglise, et de certains missionnaires français),l’instituteur Eilfried Kpotsraa éte envoyeen Francepour son baccalauréatet sa formation en theologie. A partir de 1948,il y a eu formation dans les ecoles de thkologie de Ndoungué (au Cameroun) et de Porto-Novo (au Dahomey),et à la faculte de theologie de Yaounde. Ces étudespouvaient être poursuivies en France.

- Q - Et comment étaient formés fès instituteurs des écoles primaires ?

- Les instituteursCtaient form& aussiau seminaire,à Atakpame.En œ temps-là, lorsquevous entriezau seminaire,vous étiezappelés a devenir instituteur dans une école en français ou dansune écoleéwé,jouant le roledecatéchiste. C’est dire qu’au moment où l’on vous donnait une formation biblique, on vous donnait aussi une formation pédagogique.

- Q - Ceci pour le Togo sous mandat frayais ?

-Oui!

-Q- Mais f’autre partie, f’angfophone ? A-t-elle dû s’organiser de jàçon autonome ?

-Ah, la partie anglophonea continuetrks rapidementavec la Missionkcossaise. Ainsi, ils n’ont paseu longtempsà souffrir de nosproblèmes de formation despasteurs, comme je vous l’ai raconté.Ils n’ont pasconnu œ trou là : tout de suite, les Anglais les ont aides à aller tout seulsdel’avant,sans beaucoup desouffrances.

-Q- Mais au début fe pasteur Aku était responsable de l’ensemble des Eglises évangéliques, pour fes deux parties du Togo ?

- Oui ! II semble.

- Q - Quand y a-t-if eu une séparation institutionneffe ?

-Je ne peuxvous le dire precisement. Ça devrait être dans les annees1930-34. Le pasteurAku estmort lui-mêmeen 1931.Je croisque c’està partir de œ momentqu’il y a eu la separation.

- Q - Qui a succédé au pasteur Aku ?

- Le pasteurQuist (16).

- Q - Lui-même était de quelle r&ion ?

(16) OrabnnC pasteur en 191.X Il a pas.~? l’essentiel de sa cardre duns la paroisse de Kpalimd.

176 - Il était du Ghana, de l’ancienne Gold Coast, mais il avait de la famille dans 1’Agou.

- Q - Dans iès temps allemand& &ait toujours le Togo, mais on voit que le gros e$ort de l’t5wn&isation avait eu lieu dans L+u%&?e Gohi Coast.

- Oui, mais il ne faut pas parler de Gold Coast, mais de l’autre cote du Togo allemand. Effectivement l’autre côté, l’ancien Togo Britannique, fait partie aujourd’hui du Ghana (c’est la Volta Region). Mais spirituellement nous sommes restr3 fortement attachés les uns aux autres.

- Q - Aujourd’hui, quels sont les liens qui rattachent l’Eg&e évangélique du Togo d L’Eglise resttfe de l’autre côté de la frontière ?

- Vous savez, nous continuons à avoir chaque trois ans un synode, que nous appelons le «Grand synode», et là nous d6cidons de l’avancement de 1’Eglise dans son ensemble ; nous refléchissons théologiquement à ce que 1’Eglise doit faire en ce moment, comme temoin à notre Cpoque. Donc, dans ce synode, nous donnons un rapport genéral, mais surtout nous prenons des d&isions th6ologiques concernant la vie et le temoignage de 1’Eglise.

-Q- En fait, la base principale de cette Eglise, ce n’était pas tellement Lomé ; c’était plut& le Kloto actuel ?

- Oui, c’etait le Kloto actuel, et principalement Agou-Nyogbo.

- Q - Aussi bien pour le nombre des écoles que pour le recrutement des pasteurs, Lomé était un peu wginale...

- En effet !

- Q - Mais c’est quand même Id que résidait le pasteur Aku d’ubord, et ensuite le pasteur Quist ?

- Oui, c’est ici qu’ils ont r6sidé.

- Q - Où vivaient-ils ? Dans ce qui est aujourd’hui le bloc synodal ?

- Non, dans le bâtiment à etage à oSte, dont on a parlé tout à l’heure Ils logeaient la-bas. Mais il paraît que Quist est reste à Kpalimé, et je peux dire qu’à leur époque, le modérateur n’etait pas obligé d’etre à Lomé. Par exemple, le pasteur Godlieb Kpotsra (17) Ctait à Atakpame quand il a et6 nommé moderateur. II n’a pas quitte tout de suite Atakpamé. C’est plus tard qu’il est venu ici. Ça a ete un peu la même chose avec le pasteur Ataklo. C’est pour vous dire que, auparavant, le modérateur n’était pas neces- sairement à Iome.

(17) P2re du futur pasteur Eilfied Kpotsm 177 - Q - A quel momerrt va se développer 1’EglLFe à Lomé, notamment par la création de nouvelles paroisses ?

- Mais elle s’estdeveloppée desle début ! Je peux dire que le developpement de 1’Eglise à LomC a correspondu au developpement social de la ville. Au fur et à mesureque Lame évolue, s’agrandit,l’Eglise aussis’agrandit et évolue, et de nouvelles paroissesse créent dansles nouveaux quartiers.

- Q - Quand a été cr&?e la deuxième paroisse ?

- La deuxième paroissedevait être la paroissede Bè. Il y avait depuis longtempslà-bas (depuis 1901,je crois),une communautéqui n’etait pasencore organi- séeen paroisse. Elle est devenue une paroissevraiment organisee en 1952,sous le nom d’Amoutiv&Lom Nava.

- Q - Et la troisihne ?

- C’est la paroissede Nyekonakpoè, qui est maintenant aussi une grande pa- roisse.Elle est créeeen 1954.

-Q- Est-ce que cette Eglise de Lomé progresse surtout pur des conver- sions ou surtout par des immigrations de protestants de l’itiérieur.

- Surtout par desprotestants immigrant de l’interieur.

- Q - Et l’amalgame se fait bien entre ceux qui arrivent et ceux qui étaient déjd Id ? - Oui ! Il n’y a pasde problème.

* * *

- Q - A quand remonle la fondation du collège protestant ?

- Le collège protestant a été crée en 1947.

- Q - A quelle volonté cela a-t-il correspondu ?

-Parce qued’abord 1’Eglisedoit etveut evolueravecle temps.Commevous le savez,les Eglisessont soucieusesde la formation de ceuxqui devraient etre responsa- bles plus tard. C’estça qui a pousse1’Eglise catholiquecomme 1’Egliseprotestante à cr6er d’abord des ecoles, et ensuite des collbges. C’est leur souci de former une generation qui pourrait prendre la relève. Mais aussi-et avant tout- les ecoleset les collègessont le lieu et le moyen de l’evangelisation de la jeunesse.

178 - Q - Atakpamé, cVtait essentiellement une École de catr?chistes et une éwk? normukè des instituteurs. ce n’était pas un wll&e A8Twdah ?

- Non, ce n’était pas encore un college secondaire, mais dejja ce que nous apprenions la-bas allait un peu dansle sensdu secondaire,sansqu’on lui en donne le nom.

-Q- Le collège protestant de Lomé est donc la première institution secondaire de PEglise évangelique au Togo ? - oui.

- Q - Ou était-il instalh! d l?w&itze ?

- Jevous l’ai dit, au rez-de-chausdede cevieux bâtiment à étagequi s’écroule en ce moment.

- Q - Et quand s’est-il déplacé d son emplacement actuel ?

- En octobre 1955.

-Q- Donc au moment 03 1’Eglise se met à multiplier Ies nouvelles impbantations ?

-Oui!

- Q - Actuellement, la communauté de Lomé représente, par rapport à l’ensemble de l%glise évangélique (d’après le recensement de 1981), d peu près 22 90 de tous les protestants du Togo. Est-ce qu’elle n’est pas plus cohérente que celles de l’intérieur, qui sont nécessairement dispersées dans l’espace ?

- Elle estplus cohérenteque cellesqui sont dispersées,et aussielle a maintenant le courage et le désir de s’etendre, et elle y a travaille. C’est ainsi que vous avez actuellement de petites paroisses dans la péripherie, dans les villages proches de Lomé. Donc, il y a une cohérence,un nouveau désir d’évangelisation qui est en train devoir le jour.

-Q- Aussi bien pour la population urbaine elle-même que pour ses environs ?

-Oui!

- Q - Est-ce que ta jeunesse en milieu urbain ne vous pose quand même pas de trt?s gros problèmes ?

179 - Mais bien sur ! Et c’est là aussi que nous pouvons penser à vous parler du r6le que joue le college protestant. Je crois qu’il a Cte longtemps, meme jusqu’à maintenant, un endroit sur lequel nous pouvons compter pour la formation des jeunes de la ville. Mais je ne voudrais pas dire qu’avec le college, tous les problemes des enfanta ou de la jeunesse soient rksolus, pas du tout ! Lecollege protestant nous aidedans cesens. En dehors de cette Ccole, je peuxvous dire qu’il y a un fort mouvement de jeunesse, qui a beaucoup travaille, et qui travaille encore. Il avait été cree en 1903 par le pasteur allemand Emil Funke (18). Apres lui, je ne sais pas qui a pris la relève, mais à partir de 1929, c’est le pasteur Maître, de la Mission de Paris, qui a continué le travail.

- Q - Le pasteur Maître a donc été l%omme& de L’Eglise é[email protected] dans les années 1930 ?

- Oui ! Disons qu’à partir du moment où nous sommes entrés en relations avec la Mission de Paris, il etait cet homme-ch& celui dont nous avons garde beaucoup de souvenirs... A un moment donne, vu la position du gouvernement togolais, on ne parlait plus de ces mouvements de jeunesse. Maintenant ils ont repris le travail dans le domaine qui leur est permis. Ils travaillent beaucoup, et puis je peux dire aussi qu’à cause de ces mouvements de jeunesse, plusieurs paroisses ont tenu, et tiennent bon jusqu’à maintenant

- Q - Si l’on parle des paroisses, il faut aussi parler de ce qui en fait l’animation la plus remarquable : les chorals. Je crois que, dans ce domaine, ce sont en fait les églises évangéliques qui ont commencé, qui ont donné l’exemple aux autres ?

- Oui ! Je peux dire qu’en rbalite la colonne vivifiante de nos paroisses, ce sont les chorales, et ceci est bien vrai. 11fut un temps où les vieux pasteurs pensaient qu’il fallait chanter seulement les airs européens. Mais il y a eu une personne, M. Amou, du Ghana (de l’ancien Togo britannique), qui a et6 le premier à composer des chants dans unrythmeéwé,avectoutcequecelacomporteenmusique...

- Q - A quelle époque ?

- Dans les ann6c.s 19-30,ou même un peu plus Ut. Au début, on ne l’a par accepte facilement ; c’est-à-dire que les dirigeants de 1’Eglise n’ont pas accepte facilement. Mais après, eh bien, ils ont compris que ce n’etait pas un reniement de I’Evangile qui nous est apporte, mais que c’etait plutôt l’expression de sa foi en Atikain. Ccst ainsi qu’aujour- d’hui, vous avez partout des paroisses avec leurs chants sur des rythmes africains et même,denosjours,vouspouvezentendredes tam-tamsaucultedansletemple...Ce qui ne pouvait pas se passer avant, et maintenant cela se fait ! Et c’est la vie même de 1’Eglise. C’est en cela que le Togolais africain exprime sa foi en Africain, réellement.

(18) Au Togo de 1902 à 1918. L%ce%! en 1923.

180 -Q- Est-ce que ça se pratique aussi chez vos frères du Bénin, par exemple ?

- Je ne saispas ! Je ne peux pasvous le dire...

- Q - Par contre, avec lè Ghana, vous avez toute une tradition commune. Avez-vous aussi des échanges de musiques ?

- Oui ! Nous avons presque la même musique, et beaucoup de chants qui se chantent ici, dansnos chorales,sont venus du Ghana. Il y a bien cet echange-là.

- Q - Je crois que cette animation musicale des paroisses est quelque chose de tout d fait remarquable, et de très particulier en Afrique de L’Ouest. A ma connaissance, il n) a guère qu’au Togo et au Ghana qu’on trouve cette intense vie musicale, cette créativité dans les Eglises. Est-ce que vous pouvez nous parler des premiers animateurs des chorales à Lomé ?

- Je ne peuxpas parler despremiers, mais quand je suisvenu ici à Lomé, en 1947 (comme instituteur), c’estM. Moorhouse Apedo-Amah qui s’occupaitde la chorale d’Apégamé ; après lui, il y a eu le catcchisteE. Agbenou, et M. Gilbert Fiawoo. Maintenant, c’estle jeune Gerson Agbenou qui anime la grande chorale d’Apkgamé. En dehors de cette grande chorale, vous avez d’autres groupes fameux comme Christian choir,qui a fête dernièrement ses80 ans...C’est un Cameroucaisqui l’a animé longtemps ; aprèslui, c’estM. Essienqui a pris en main la chorale,jusqu’à nosjours.

-Q- Vous nous avez beaucoup parlé du pasteur Aku, alors que, dans l’hktoire du Togo, on par& plus souvent du pasteur Baeta. Quel était son r&è dans L’Eglhe ?

-Le pasteur Baeta (19) a étCle premier secretairesynodal de notre Eglise; il a travaillé avec le pasteur Aku.

- Q - Les deux &aien$ par ailleurs membres du conseil des notables de Lomé, n’est-ce pas ?

-Eh,oui!

- Q - Elus par la population de LA~&...

- Elus par la population ! Le pasteur Bacta,comme vous le ditesvous-memes, a aussiéte une figure de proue de 1’Egliseévangelique du Togo, de cesgens qui ont consacretout cequ’ils pouvaient consacrer pour quevive notre Eglise.Si je parle de lui, je penseen m@metemps aussi au pasteurA~U, qui s’esttant donné lui aussi.

(19) 1883.1944, pasteur en 1917.

181 - Q - L&UIS les wmptes rendus de ces wnseih, on voit que, jusqu’d Ia fur, eelùi qui &fend le plus lès in&& & la popuhtion, des petites gens, ckst toujours le pasteur Baeta.

- Il faisait son devoir.

- Q - En feuilletant kès nweih & cantiques, on retrouve le nom de Bueta au bas dè certah d’entre euz..

- Oh, il n’etait pas le seul à traduire ou à composer des cantiques.Plusieurs autres de nospremiers catéchisteset pasteurs,et aussides laïcs, se sont consacresà la tâchede traduire les cantiquesqui leurs avaient etedonnt%par la Mission de Breme, ou des cantiques qu’ils ont trouves ailleurs, des cantiques desEglises protestantes comme la leur. Là aussi,ça a et6 un travail qui a maintenuen vie notre Eglise,parce qu’il y a eu desmoments difficiles où nousdevions tout perdre, tout oublier, mais,à cause m&mede cescantiques traduits et memecomposes par cesanciens, 1’Eglise a tenu bon, et elle est restéeEglise jusqu’à nosjours, parœ que, effectivement,s’iE n’y avait pas eu cescantiques... Tout le monde ne savait pas lire, mais,lorsque vous savezau moins chanter, cela fortifievotre foi. Ainsi œla faisait-il partie desprières : œ n’était pasla moindre deschoses dans la vie spirituelle.

182 no 16

DU “PETIT-DAKAR” A LA MAIRIE DE LOME

Mme Marie Madoe SNOMECY (née GBIKPI-BENISSAN, en 1922 à Aného) ancien maire de Lomé

-Q- Ce soir, nous sommes avec madame Sivomey. Nous avons encore rencontrk peu de femmes dans cette émission, et pourtant Dieu sait si les femmes sont importantes dans la vie de Lomé! dans sa vie économique, sociale, spirituelle... L.a plupart des femmes sont commerçantes, mais Mme Sivomey a eu une carriére tout d fait différente, puisqu’elle a été haut fonctionnaire -l’une des premières femmes à accéder à ces responsabili- tés- et qu’elle a été maire de la ville de Lomé; donc un itinéraire assez exceptionnel...

Pourriez-vous, Madame, nous raconter quelle a été votre vie ?

- C’est à partir de 1938 que j’ai commenceà resider à Lome. J’avais fait mes etudes primaires à Anèho et commence mes etudes secondaires,celles que nous appelions E.P.S.(«études primaires supérieures») à l’ecole Victor-Ballot de Porto- NOV~,au Dahomey. A la reouverture du cours complementaire de Lame (qui était restéfermdpendantquelquesannees),lesélèves togolaissont revenusauTogopour y continuer leurs études. Si, en deuxième annee, je me suis retrouvee toute seule parmi les garçons,c’est que mescompagnes, quelques semaines auparavant, S’&aient embarquéespour constituerla première promotion de l’école normale de jeunes filles de Ruhsque,au Sénegal.J’ai eu quand même la joie de trouver deux nouvelles compa- gnes,qui entraient en Premiere annke,et, I’annke suivante, encore une autre, qui etait elle aussila seule de sapromotion : ainsi nous nous sommesretrouvees, à I’E.P.S., quatre filles parmi une trentaine de garçons.

- Q - Comment se faisait le recrutement ?

- Sur concours.

- Q - Quelle était votre place, à vous, les quatre jX!es, et d vous-même particulièrement ?

- Ah ! Cela nousfaisait beaucoup de plaisir de rivaliser avec les garçons.Comme vous posezla question,je vous répondrai en toute modestiequ’à l’examende sortie du

183 coumcomplémentaire, j’étais plat& major de ma promotion. Cela m’a stimul& : ainsi, au lieu de rejoindre mescompagnes à Rufisque,je suisrestée sur place pour travailler dans l’administration g&tSrale. C’etait un casassez rare, parce que, dans le temps, apr4s les etudesprimaires, soit les jeunes filles etaient monitricesou institutrices,soit ellesallaient à l’6oAedes sages-lkmmes, à Dakar. Le fait time que desfilles restentsur place, dans la plus grande école du Togo, a fait beaucoup de bien, et ça a un peu influence la scolarisation des jeunes filles : de me voir seule dans l’administration generale, c’était un stimulant pour les autres, et même pour les parents quivoyaient qu’on pouvait quand mêmeorienter les filles vers l’administrationsans pour autant être obligé de les envoyer à I’exterieur. Car les parents auraient aimé avoir leurs filles sur place pour continuer desétudes supérieures, mais ce n’était pasle cas.Maintenant, j’en etaisle premier exemple.Entrer dansl’administration génCrale,ce n’était passi facile. Il fallait passerun concours,et il y a eu une forte oppositionde la part de la Direction du personnel : on n’avait jamaisprévu qu’une femme soit fonctionnaire dansl’administra- tion genérale. On a donc rejet6 ma demande de candidature ! Vousvoulez peut-être me demander pourquoi ?

- Q - Exactement !

- On a trouve qu’être oom.misd’administration, ce n’etait pasune carriere acces- sibleà une femme.Les commis d”administmtion étaient lesauxiliaires des commandants de cercles; la tacheétait rude : il fallait aller en tournée, procéder aux recensements... Ils étaient vraiment polyvalents, et on trouvait que cemetier neconvenait pas à une femme.Mais, finalement,on m’a quand même lais& me présenterà cet examen,et j’ai 6% admise.

- Q - D’or) sont venues les intervenfions qui ont débloqu4 ces oppositions?

- C’etait au niveau du gouvernement : le chef du personnela defendu ma cause. J’ai eu de la chance,à ce moment-la, parce que le chef du Service du personnel avait et6 précisémentmembre du jury de l’examende sortie du courscomplémentaire, et il sesouvenait du travail quej’avais fait.

- Q - Quand VOI(S &iez au cours complhnentaire, est-ce que ça n’avait pas déjd susci.&+ des tvktbns, des jalousies ?

- Non C&ait plut& une sorted’admiration. L’une despremières bachelieresdu Togo m’a confie ceci : «VOUSavez et6 pour quelque chosedans ma vie : quand je vous voyais passer en uniforme, avec le casque,je me disais :je dois moi aussientrer danscette &ole». ParceWqnous étions en uniforme kaki,avec fermeture bleue et chaussuresen toile (les filles qui allaient Al’&ole primaire ne sechaussaient pas). Alors dejà nous etions chauss&s, avec le casquecolonial, et quand on nous voyait penetrer dans la concession,gravir les marchesde cetteimposante batlsse, eh bien, p impressionnait 1 Les gensrestaient longtemps B nous regarder monter les escaliers,tout surpris : C

184 siegedes grandes écoles de l’AOF), Donc ce n’etait pasde la jalousie ; c’était plutôt un stimulant pour les autresjeunes filles.

- Q - Et de la part des garçons ?

- Les garçonsn’etaient pas tendres pour nous,à l’école ! Mais celanous a tait du bien. Je n’aimaispas beaucoup le dessin,et j’avais un camaradeparticulièrement gentil qui acceptait de me faire les croquis desleçons de chimie ou de physique, mais les autres n’étaient pasdu tout contents : ils protestaient et menaçaient d’en parler au directeur. Ça veut dire qu’ils voulaient que nous combattionsà armes Cgales: «VOUSêtes desfilles, vous voulez rivaliser avec desgarçons, donc on ne fait pasde pitié, vous allezvous soumettreà la discipline commenous»...

- Q - Quelle était la réaction du corps enseignant ? Etaient-ils plutôt fiirs d’avoir des jZ&~s, ou au contraire considéraient-ils que ça ne servait à rien?

Le corpsenseignant etait particulièrement severe pour les filles. Je ne saispas pourquoi. Je me rappelle Monsieur Better, il etait tr& sévere,de même que Monsieur Ay-ih,et puis le surveillant...Avez-vous dejà entendu parler de celui qu’on surnommait Monsieur-à-boucles ?

- Q - Pourquoi ?

- Il Ctait un excellentprofesseur d’kctiture ; alors,il reprenait souventles lettres à boucleset plusieursgenérations d’etudiants lui ont gardece nom : «à-boucles». Il etait tr&sestimé, bien que très sevère ! Il y avait une discipline de fer, et notre école avait bonne réputation. Nous n’étionsque quatre filles, je vous l’ai dit, et nous avions toutesune bonne conduite. J’Ctais la seule fille dans ma promotion, en deuxième année. En première annee, il yavait Madame Lawson, néeBerthe Mensah, et Louise de Medeiros, future épouseVanlare, et puis Mme Behanzin,alors Lkontine Pietri...

-Q- Est-ce que vous vous retrouviez entre vous les week-ends, ou pendant les vacances ?

- Oh, on seretrouvait plut& dansnos activités confessionnelles.Nous faisions partie de l’associationdes Enfants-de- Marie : les dimanches,nous allions à la reunion, soit chezles Soeurs,soit ii la cathedrale; et puis,une fois par mois,nous avions la messe communautaire : il fallait se rendre à la cathédrale. A la sortie de nos reunions du dimanche,nous aimionsbien nouspromener g la plage.Pendant le mois de novembre, nous fn!quentions les cimetieres; celanous amusait beaucoup d’identifier les tombes : c’etait pour nous une curiosite de lire les noms allemands sur les tombes dans le cimetieredes Etrangers (1).

(1) Bdniglato. 185 - Q - Pourquoi n’aviez-vous pas été tentée d’aller comme les autres d l’école de Ruflque ?

- J’ai eu le désir de suivre mes compagnes, parce que c’etait le premier recrute- ment dans toute I’AOF, et c’est parmi les elèves de 1’E.P.S. qu’on avait recrute les premières candidates. Yavais donc bien le desir de me présenter au concours, mais ma famille s’y etait opposfk : j’étais à I’epoque assezfragile, alors on ne voulait pas que je m’eloigne trop loin de la famille,. Mais ça a et6 une scène poignante pour moi le jour où mes compagnes se sont embarquees pour aller au Sénégal, à cette école de Rufisque qui venait d’être cr&e (c’etait la toute Premiere promotion). Mais elles m’ont garde une grande fidélite : nous avons maiiitenu une correspondance très regulière entre nous et quand mes lettres leur arrivaient, la directrice, Mme Le Goff, leur posait souvent cette question : «Mais pourquoi n’est-elle pasvenueavecvous ?»Ainsi, sans m’avoirvue, elle me connaissait... Aussi, bien plus tard, a-t-elle tenu, au cours d’un voyage à Lomé, à venir me saluer à la mairie. Je la connaissais de loin et eIIe également. Oui, p a éte un grand regret pour moi de n’avoir pas et6 du nombre des premières institutrices de I’AOF. Mais c’est comme ça que j’ai fait carrière dans l’administration génerale.

- Q - Vous avez sans douhe ouvert ainsi plus de portes aux femmes que si vous étiez restée simplement une bonne institutrice.

- Oui, je crois. Dans mon discours d’investiture à la mairie, j’ai dit que, si je reussissais cette mission, eh bien, de nouvelles portes seraient ouvertes à d’autres filles : mon succi serait le sutxks de toutes les femmes. Je crois que cette idée m’a guidke tout au long de mon mandat.

- Q - A l’époque, que faisaieti les filles de votre âg?, je veux dire toutes celles qui n’aL&ient pas d Pécok ? De nos jours, elks sont commerçantes ou couturières. Dans ces années 1930-1940, que faisait une fille de Lomé entre 15 et 18 ans ?

- Elle aidait la maman à la maison, notamment dans les soins aux plus jeunes ; et puis elle l’aidait dans sa profession, si elleétait revendeuse au détail :elle apprenait ; elle la remplaçait. On pouvait même l’envoyer s’approvisionner dans les marches à l’in- térieur. Si la maman fabriquait des galettes ou des beignets, très tot elle l’apprenait... et puis, à la maison, elle devait faire le ménage, faire la cuisine, la corvée d’eau, aller chercher du bois... Tri% tot, e.lle se preparait pour son r61e de future maîtresse de maison, de ménagere et de commerçante. Elle commençait tr& vite à vendre de petites choses, des allumettes -quelques fois même quelques brins d’allumettes, attachés en petits fagots-, des boîtes de conserves, des fruits et des bonbons, et elle se promenait avec, de maison en maison... Après, elle pouvait stationner devant l’etalage à la devanture de la maison ou aller s’asseoir dans un marche. C’est ainsi qu’elle pouvait acqukir cette habilete que l’on reconnaît aux femmes togolaises.

186 - Q - Cbt dire que déjà, d l’époque, toutes les femmes avaient une activité tfconomîque en plus de leur a42ivitk ménagère ?

- Oui, mais on peut dire que, à partir desann6es 1945, ap& la fameuseconfe- rente de Brazzaville, il y a eu cephénomène qui a été d’une grande importance dans la vie economique du pays : le systèmedes rappels. Il y avait eu la réforme de la fonction publique, et on a releve le salaire des fonctionnaires ; cela a donne lieu a d’importants rappels pour les moins-perçus.Du coup, les chefs de familles sesont retrouvésavecd’importantes sommes en main,et la plupart ont financ6 ainsiles activités commerciales de leurs femmes. Ça a éte très bon. Si les femmes sont loyales, elles reconnaîtront que le capital de leurs activit& commercialesest venu ainsi, desrappels dessalaires des maris fonctionnairesau coursdes annees 1945,1946... Cela avait aussi beaucoup élevé le niveau de vie desfamilles.

-Q- Est-ce que, à l’époque, les gens avaient déjd l’obsession de lu construction ? Aujourd’hui, tout le monde engloutirait cet argent dans des parpaings et des tôks, n’est-ce pas ?

- Mais oui, le Togolaisavait déjàl’ambition d’habiter sapropre maison @étaità l’époque un scandaledevoir quelqu’un s’acheter une voiture alors qu’il n’avait pas encore samaison personnelle : il sefaisait ridiculiser...

* * *

- Q - Revenons à cette ville de Lomé des années 1938-1945, pendant que vous alliez d 1Vcole. Quels sont les souvenirs qui vous reviennent pour évoquer cette ville ?

- J’habitais Hanoukopé, rue Georges-Mensah. C’était un quartier tout neuf. Pour me rendre à Ecole, je prenais un sentier parmi les hautesherbes, qui debouchait sur la rue qui passedevant le foyer Pie-XII. Il y avait desfromagers, desbaobabs sur tout le parcours. Pour aller à la plage, il y avait la grande rue qui s’appelait...... ?: ce n’etait pasencore l’avenue de la Lib&ation.

- Q - Lu rue Thiers ? C’était l’ancien nom de l’avenue de la Libération.

- Oui ! C’estcurieux que j’ai oubli6 œ nom, puisquec’est moi qui ai eu l’honneur de couper le ruban quand on l’a rebaptisceavenue de la Lib&ation...

- Q - C’est donc tout d fait normal que vous ayez effié de votre mémoire son ancien nom... (Rires). - Comme élèves,nous aimionsnous promener à la pcpinière (c’està l’emplace- ment de la Gendarmerie actuelle), où nous allions cueillir desfleurs et preparer nos herbiers pour l’école, au niveau du Cin6ma Le Togo, tout au bout de la Gendarmerie.

187 - Q - Mais il y avait quand même déjà un camp militaire à cet endroit ? Dès L%$oque allemande, et pendant l’occupation anglaise, c%tait déjd un camp militaire. L’avait-on rendu aux civils d Npoque frangake ?

-Je ne me rappelle plus. En tout cas,lorsque j’etais elève, nous avions décou- vert là une pépinière; l’accèsnous Ctaitpermis et nous la fréquentions souvent. Plus loin, il y avait la ferme Piquelin.

- Q - Sur le plateau de Tokoin ?

- Non, à l’emplacementde l’actuelcollege Notre-Dame&-Apôtres. A Tokoin, il n’y avait pasde maisons: à partir du bord de la lagune,il ny avait que desmanguiers, desfromagers et desbaobabs...

- Q - Et cette ferme Piquelin, que fakait-elle exactemenl ? De l’élevage ?

- Oui, l’élevagedes boeu,fs. M. Piquelin Etaitun Antillais. Comme autressouve- nirs, j’ai aussien mémoire celui du phare. Vous en avez entendu parler ?

- Q - A lkmplacemeti de l’hôtel Le Bénin, n’est-ce pas ?

- Oui ! Il projetait la lumière trèsloin : on pouvait l’apercevoir depuisAneho, sur la lagune ! Nous aimions bien voir le phare la nuit... Il y avait aussile wharf, où, pour s’embarquer,il fallait s’installerdans un panier. Ce n’était pasagréable de traverser la mer jusqu’auxbateawt, mais c’etait impressionnant ! Voilà quelquessouvenirs qui m’ont marquée...

- Q - Vous habitiez donc toul près de la &une. Est-ce qu’il y avait déjd des problèmes d Gwruiation, au moment des pluies ?

- Non. A l’époque,nous n’avions pasconnu d’inondations.Et je me demandesi ce n’estpas le fait que desnouvelles constructionsont et6 edifieeSsur les terrains à aStC de la lagune qui a provoqué cesinondations que nousavons connues par la suite ; elles revenaient,disons, tous lesdix ans: en 1962,il y avait eu une tr&sforte, et lorsquej’étais maire, j’ai eu aussia faire face$1 de fortes inondations.

- Q - Jusqu’oh arrivait l’eau, dans la ville ?

- Elle arrivait, disons,à une centainede métresdu Boulevard circulaire, derrière la CN’IT (2). Toutes les maisonsau nord dc la CNTTétaient inondées.

- Q - CWait donc Hatwulkop4, Amoutiv6 et Bt? qui étaieti les pieds dans l’eau ? - Nyékonakpoe aussi: t’eut le long de la zone lagunaire.

(2) Bourse du Travail, si& G!C la CortfWration Nationale de.~ Travailleurs du Togo.

188 * * *

-Q- Reveno~ si vous voukz bien, d vos diverses activités. N’aviez-vous pas été tentée de vous expatrier, comme certains des cadres de cette époque ?

- Je suis restée à Lomé pendant huit ans, de 1938 à 1946. Après mon mariage, j’ai dti quitter Lomé pour la ]Haute-Volta (le Burkina-Faso d’aujourd’hui), où j’ai vécu pendant douze ans.

- Q - Toujours dans l’administration ?

- Dans l’administration des Finances, puis au Service des Imp6t.s.

- Q - Vous aviez donc quand même trouvé un poste qui ne vous obligeait pas à courir la brousse vingt jours par mok..

I C’est ça. Quand je suis rentrée au Togo, je me suis fait réintégrer dans l’administration togolaise, et j’ai accu@ un poste d’inspecteur des ImpGts. Ironie du sort, j’ai dû un jour me rendre à Ganavé (3) pour faire le recensement de tout le matériel de la feculerie. Jesuis partieavecun chauffeur, à bord d’unevoiturede I’Administra- tion, et je me suis rappelee les difficult& que j’avais dQ affronter pour passer mon examen. Ce n’était pas, disait-on, un travail pour une femme. Et voilà qu’une femme, vingt ans plus tard, se rendait toute seule en tournée en brousse, pour recenser une usine ! Ça m’a fait quelque chose...

- Q - Dans cette fin des années 1950, y avait-il désormais un nombre tout de mhe important de femmes fonctionnaires, ou est-ce que vous restiez toujours à peu près unique ?

- Non ! Entre temps, un secteur avait recrute très t6t des jeunes filles : c’&ait les Postes et TUcommunications, qui avaient attire beaucoup de filles.

- Q - Mais pas dans des fonctions de responsabilitt% ?

- Si, cela avait commencé. On avait envoyé quelques stagiaires en France. Elles etaient devenues les premiers cadres feminins de l’administration des PTT. Il y avait aussi des secrétaires, mais pas d’un niveau assez élevé pour en faire des secrétaires de direction. C’est par la suite, dans les ann&s 1960, que les premières sont apparues.

J’étais revenue au Togo avec le grade de contrôleur des impôts, mais on m’a affecte à un poste d’inspecteur : j’avais donc à m’occuper du BIC (l’impôt sur les b&&ices industriels et commerciaux), les patentes, la taxe sur les transactions... Là

(3) Féculerie Cie manioc, entre Ankho et Anfoin, d 60 km de LomC

189 encore, on trouvait curieux devoir une femme faire ce travail. Et, de fait, c’etait dur pour une femme, et j’ai eu beaucoup d’ennuis. Imaginez que j’ai eu la témérité d’imposer les femmes,pour la toute première fois, de les soumettre à l’impôt sur les bénéfices...

- Q - Sur les femmes commerçantes ?

- Ou& sur les commerçantes.

- Q - Avaienhdles une comptobilitk que l’on pouvait évaluer ?

- Justement ! Comme il n’y avait pas de comptabilite, il fallait appliquer un systèmed’imposition par forfait. Mais encore fallait-il partir d’une baseimposable forfaitaire, et un minimum de renseignementsetait indispensable: le montant du stock au début de l’annee, le montant des achats, des ventes... Quand j’ai envoyé ces imprimes de renseignement,que n’a-t-on pasdit..! «Mais qu’est-ceque c’est? On n’a jamaiseu cespapiers ! Qu’est-cequ’elle nous amenede Haute-Volta, cettefemme-là ?B Je me suisrendue très ilmpopulaire...

- Q - Mais est-ce que ça a marchk ? Avez-vous pu obtenir des statistiques fiables ?

- Le systemeest reste parce que c’était une decision du gouvernement. Jus- qu’ici, les femmesetaient soumisesà de petitespatentes, jamais il l’imp& sur le revenu, ni à l’impôt sur le b6nelIœ. Alors on a d&ide, en 1959,de créer la cartede revendeuse. Cellesqui faisaientun chiffre d’affairesinferieur à 10 millions de francsétaient considé- r&s comme revendeuses; au-dessusde 10 millions, ellesetaient consideréescomme commerçanteset, à ce titre, elles étaient assujettiesà toutes les autres impositions auxquellesétaient soumisles commerçants.Mais c’était du nouveau ; et elles etaient scandaliséesqu’une femme comme elles puisseleur faire cela ! J’ai donc quitté les Impôts. On a trouvé que je seraiencore plus utile auxAffaires sociales.Cest ainsi que j’aiete nommee première femme, passeulement la première femme mais le premier chef de service des Affaires :socialesau Togo. Et là, j’ai eu une expérience fort enrichissantedans les quartiens,avec les jeunes, Ilesfamilles... Cétait exaltant.

- Q - Quelles Rtaienl d lV poque les activih de ces toutes jeunes Affaires sociuiks ? - D’abord il Edllaitcréer le service Il existaitdéjà de nom ; en fait, les activitésse résumaienten distribution de vivres aux necessiteux,en secoursd’urgence et surtout de l’alphabetisation, de IWuc~tion desmasses. Le gouvernement a demande l’assis- tance technique d’un expert e,nAffaires sociales,une Israélienne, que les Nations- Unies ont miseà la dispositiondu Togo. J’ai travaille avec elle comme une homologue, et j’ai donc et6 nomnu%chef du servicedes Affaires sociales.J’ai eu la joie d’implanter le premier centre social.

190 - Q - Lequel ?

- Nous l’appelions la <&rLwnpourtous», route de Kpalimé, à gauche un peu avant la lagune. Puis nousen avons crée un autre à BC,et ensuite un à Nyekonakpoe. C’etait à l’époqueoù le PAM (le ProgrammeAlimentaire Mondial) sefaisait connaître. Il a été proposé à plusieurs paysafricains, mais le Togo a été l’un destout premiers à accepter le PAM, et des experts de I’UNESCO sont venus t%udier l’experience togolaise.Nous avonsvoulu demontrer commenton pouvait seservir desproduits de PAM pour promouvoir la scolarite.Nous avions cr& un village-pilote à Kambole (4). Avec les vivres PAM, nous avons essayed’implanter une cantine scolaire. Vous voyez : les enfants, à l’époque, ne pouvaient pasquitter le village pour aller en ville suivre une &ole sup&ieure, car il y avait un problème d’alimentation qui seposait : ils Ctaientsous-alimentes. J’ai recruté les premières assistantessociales, pour les envoyer à l’ecole de formation sociale d’Abidjan. En 196364, j’ai donc ete chef de service des Affaires sociales; et puis apr2son m’a affectéeà nouveau à la Direction desFinances. Il faut dire quej’avais comme& ma carrière, en tant que jeune femme, au Service desFinances; j’etais au Service desPensions à Bobo-Dioulasso, en Haute-Volta. J’ai continue à travailler d’abord dansla même section,avant d’aller à l’administration des Impôts. A Lomé, aux Finances,j’ai donc servi, de 1965 à 1967, aux Affaires r&servees,aux dépensesengagees au Budget. Comme si Dieu me preparait ce rodage en vue de la missionqui devait m’etreconfiee à la têtede l’administrationmunicipale...

- Q - Par rapport aux Affaires sociales, c’était sans doute une promotion, ma&, s’occuper ainsi de r&uhwiser des comptes, ça devait être beaucoup moins passionnant que de créer des centres d’activité par quartier ou d2s villages-pilotes...

- Oui, mais,vous voyez,tout celame préparait à assumerles fonctions de maire. J’ai donc fait les In$%, les Affaires socialeset le Budget.

-Q- Comment faire rentrer l’argent, et comment kè d&enser utilement... - Oui, c’estça... (Rires).

- Q - Et wmment donc êtes-vous devenue maire ?

-Je ne m’étaisjamais imaginee qu’un jour je pourrais être maire de la commune de Lomé. Vous savezque, selon la loi, lorsque les CollectiviteSlocales sont dissoutesà la suite d’un changement de regime, on met en place un conseil appelé «délegation sp&iale», pour un temps,le tempsde preparer deselections. Mais nous,notre délega- tion spécialea dure 7 ans.J’y ai etepropos& en même tempsque quatre hommes; lors de notre premièrereunion, nous devions proc&der à l’election du maire. L’un de mes coll&guesm’a prise a part et m’a dit :

(4) Prkfecture de Tchamba 191 «VOUSsavez, nous avonsparmi nous deuxmédecins et un enseignant retraité. 11se trouve donc que vous paraissezêtre toute indiquke pour remplir les fonctions du maire, parce que vous y avez et6 preparée par les différents postes que vous avez occupes,des Imp6ts aux Affaires sociales,puis aux Finances...»

J’étais effrayee. Je n’avais jamais vu cela : une femme maire d’une capitale, surtout au momentoù l’on parl,aitde Renouveau...N’oubliez pasque c’étaiten 1%7, le g&t&al Eyademavenait de prendre le pouvoir, et partout c’était les grandstravaux qui commençaientdans la capitale.

- Q - Quoi, par exemple ?

- Oh ! De nombreux immeublescommençaient à sortir de terre. Beaucoup de routesetaient bitumtks.,..@étail.la grandemétamorphose de Lome.

- Q - Quelles sont tout de suite vos responsabilitek, face d cette vih ?

- Immédiatement apres mon investiture, par hasard,cc fut, desle lendemain, l’ouverture du grand-marché.E(t les femmes,qui ne connaissaientpas les fonctions de maire,disaient : «On nous a donné un grand marché, et on a nommé une femme pour nous l’administren>...

Elles ont cru que c’etaitle principal travail du maire ; et, en fait, j’y ai beaucoup travaille... J’ai commencé mon mandat de maire avec desactivites intensespour ce marché : organiser les femmes,les grouper par nature de marchandises(les marchan- desde tomatesensemble, les marchandesde tissusensemble, etc.). Les emplacements étaient bien indiquessur lesmurs, maisça a ete n-63diflïcile de maintenir la discipline,et il fallaityaller doucement, notamment avecles revendeusesde tissus,qui trouvaient qu’ellesn’avaient pasassez de place pour exposertous leurs pagnes.Alors on a fait un compromis ; on leur a donne encore un peu plus de place : on a rogné un peu sur les all&s ; et nous avons commeno à travailler ensemble...Elles se sont erigeesen vraies policièresdu marche,meme quand il fallait ramasserles epluchurcsde bananes...Elles m’aidaient vraiment à a.dministrer le marche et, de fait, elles etaient mesmeilleures conseillères.J’ai comprir qu’on ne pouvait passigner une reglementation municipale - du moins de cellesqui doivent @itreappliquées dans les marchesou dansles quartiers- sansdemander conseil aux femmes.

- Q - N’y en avait-il pas, parmi elles, qui gardaient l’horrible souvenir de votre initiative pour prendre des imphts sur des bénéfies des commerçan- tes ? -Ah oui ! Et même mesproches, les gens de ma famille, ont tremble pour moi au momentde mon Bection : «Toi encore ! Tuvas encore travailler avecces femmes...!»me disait-on.

192 Mais je vous assure que ma première experience m’avait servi de leçon. Il fallait gagner leur confiance, donc j’allais les consulter : «Est-ce qu’on ne pourrait pas faire ceci, est-ce qu’on peut faire cela ? Que pensez-vous de telle mesure, est-cequ’elle ne serait pas trop impopulaire ?»... Avez-vous entendu parler de la réglementation des convois funèbres ? Vous savez, autrefois, on allait à pied de la maison mortuaire à l’église, puis de l’église au cimetière. C’etait long de traîner ainsi un convoi funèbre qui embarrassait toute la circulation... Il fallait trouver un remède, et nous avons eu la ternerite, à la suite d’une delibération du conseil municipal, de prendre une loi municipale pour interdire les cortèges à pied ; les gens etaient très mécontents, mais finalement, aujourd’hui, ils nous rendent cet hommage. Au même moment, nous avons pris une loi non moins impopu- !aire : la réglementation des veillées funèbres. Les funcraillcs donnaient lieu à des tam- tam : toute la nuit, il fallait faire du bruit ! On ne quittait la maison mortuaire qu’après une veillée qui avait duré toute la nuit, qui finissait vers cinq heures du matin, et on avait juste le tcmpsde rentrer à la maison se prcparer pour aller à la messederequicm à six heures, après une nuit de tam-tam, et ensuite il fallait se rendre à son service... Car, en ce temps-là, on n’attendait pas le week-end pour faire les cCr6monies funèbres : la veillée et la messe avaient lieu huit jours après le deces, donc souvent en pleine semaine. Il fallait quand même protéger le repos des paisibles citoyens, et aussi, de même, contre les bruits dans les bars, les instruments sonores, les bruits à midi aussi : les charpentiers qui réparaient les toits et qui faisaient beaucoup de tapage, les moulins à maïs qui travaillaient entre midi et deux heures...

- Q - Et les taxis ? Est-ce que, à l’époque, ils étaient déjà organisés avec les lignes ,fuces, comme mainlenant ?

- Justement, les taxis étaient de terribles concurrents pour les bus de la munici- palité. Nous avions aménagé des emplacements pour les stations des bus. Mais, tandis que nos clients attendaient, eh bien, t’étaient les taxis qui venaient les ramasser. C’etait inévitable : imaginez que, pour se rendre cn bus depuis Bè jusqu’à Kodjoviakopé, le trajet durait une demi-heure, avec de nombreux arrêts ! C’était bien plus rapide pour unpassagerdeprendreun taxiqui,dixminutcsaprès,était rcnduàdestination.C’est ainsi que, petit à petit, nous avons perdu nos clients : on les ramassait à nos stations parœ qu’il fallait y attendre trop longtemps. Pour être rentables, les transports urbains devraient tout faire pour etrc rapides. On attend volontiers un bus quand on sait que, quand on a raté le precedcnt, un autre suivra dix minutes après. Dix minutes ou un quart d’heure, oui, on pouvait attendre ; mais plus, œ n%tait pas possible. Petit à petit les taxis ont pris le dessus et c’est ainsi que lc transport municipal, finalcmcnt, s’est arrête.

- Q - Pourquoi l’interdiction des «k6kévi» (5) ?

- En l’absence des taxis et des mxis-bagages, c’était uneaffaire très florissante, qui rapportait beaucoup. On comprend que Ics pousscurs aient Cte mécontents à l’ap-

(5) Pcria chariots b quatre roues, poussés par des jeunes (les «kékévitm), qui vt?hiculaienr les marchnndises b la detnandc. 193 parition de cet arrêté; municipal. Mais, par contre, ça a permis aux transporteurs d’introduire l’usage des taxis-bagages.

Pendant que nous parlons des transports et des taxis-bagages, cela me fait penser à la question de l’identification des taxis. 11est apparu que, parmi les transpor- teurs, il y avait de nombreux fonctionnaires qui, après les heures de service, faisaient le taxi avec leur voiture perscmnelle. Par ailleurs, il a éte prouve? qu’on avait parfois utilise des taxis pour commettre des meurtres, ou bien des tawUnen avaient &k impli- ques dans des vols à mains armees. Donc la police pensait qu’il était nécessaire d’identifier les véhicules qui faisaient le transport en commun en leur donnant un numéro d’immatriculation de taxi, et aussi en les identifiant par la couleur. Mais ils s’y sont purement et simplement opposés, aussi bien les proprikaires devkhicules que les tuximen. Il a fallu arrêter : nous avons laissé tomber. Et puis, quelques années après, quand le chef de 1’Etat a bien Imûri la question, il dit un jour au ministre des Travaux publics : Allez-y !B. En moins de deux semaines, la peinture jaune est apparue sur tous les vbhicules utilisés pour les transports en commun. Et, du coup, on a pu identifier les vehicules qui faisaient le taxi. C’était dur au début, mais, ensuite, ça a étk accepté comme une très bonne chose. Notre exemple a et6 suivi par la ville de Cotonou, et par d’autresvilles encore.,.. C’ktait en 1971-72, où on a beaucoup embelli laville pour la réunion de I’OCAM (6). Jusq,ue là, Lomé ressemblait encore beaucoup à un grand village...

- Q - Quelles ont été, dans vos années passées d la mairie, les grandes réalisations urbaines que vous avez impulsées ou inaugurées ?

- En premier lieu, la multiplication des bornes-fontaines. C’&ait très émouvant de voir la population jubiler àl l’ouverture du robinet, quand, pour la première fois, l’eau coule dans un quartier : cfest un souvenir qui m’est resté gravk dans la mémoire. La Premiere fois, c’était, je crois, en 1970, au quartier Forever (7), où il n’y avait pas d’eau. Les dklégations se succklaient pour demander à la municipalitk d’installer des fontaines dans les quartiers. On ne pouvait pas les planifier parce qu’on n’en avait pas les moyens. Nos réalisations &Gent dispersées : deux ou trois si, à la clôture du budget, nous enregistrions un bilan positif. Et puis nous avions aussi un compte hors budget, alimente par la taxe de péage (perçue par la douanesur les marchandises qui entrent dans la capitale; c’ktait assezsubstantiel). Ça nous permettait d’étendre les réseaux d’eau et d’klectricitk, de rt5parer des rues... Et justement, dans le cadre des grands travaux, depuis 1967, les rues bitumees sesont multipliees. On croyait que c’ktait la municipalitk qui les prenait en charge, et tous les kloges jaillissaient sur la femme-maire, alors que c’était une ccGncidence : c’était le gouvernement qui supportait ces grandes depenses... Par contre, pour l’eau et l’électricitd, l’extension des rkseauxdedistribu- tion &ait bien fmancke par la municipalitk, et ça faisait vraiment plaisir aux habitants. Justement jevous parlais du cas de Forever: un matin, j’arrive doncdans lequartier pourvoir l’emplacement de la, nouvelle borne-fontaine. Quand on m’a aperçue, des cris ont retenti :

(6) Organisation Comm~e Africaine et Malgache, qui rkndssait les pays francophones. (7) A Tokoîn, en face du garage central Ce quartier tient son nom d’un dancing alors c&?bre: *Forever week-ends. 194 «Elle est là ! Elle est là ! Eva do ! Eva do L..»

Et de toutes les maisons les genssortaient... Quand on leur a annonce que la borne-fontaine installt?eallait être mise en service,les femmessont venues ; certaines sesont agenouilléesà mespieds, d’autres me prenaient,m’embrassaient : «Merci pour le cadeau! Nous allons avoir de l’eau à boire pour le Nouvel an !» (On etait à la veille du Nouvel an). Il y en a qui pleuraient de joie...

- Q - Ces années-ld, c’est la p&ùnle de la grande extension de Tokoin : en 1967, la ville s’arrêtait pratiquement au collège protestant et au camp militaire. En 1974-75, on atteint Cassablanca, Doumasséss~, Wuiti...

- Vous êtesparfaitement au courant del’evolution de la ville... 11a aussifallu équiper les quartiers en marches.Celui d’Hanoukope n’était vraiment pasun marché : les femmes y etaient installeespêle-mêle. Il y avait aussile marche de Bè et le grand- marché. Apres l’ouverture de celui-ci, il fallait déplacer toutes les vendeuses de l’ancienmarche, devant la gare.Ça a et6 tr&sdifficile ; certainesvoulaient y rester,et on voyait desvendeuses eparpillées un peu partout dansla ville. Il fallait lutter contre cet état de chose,envoyer toutes les revendeusesau grand-marché,parce que la, il y avait de la place pour tout le monde.

- Q - Vous parlez ici de ce petit-marché, devant la SGGG, qui était en fait plus important que le grand-marché, avant la construction du bdtiment actuel 1

- Oui ! On l’appelait le petit-marche, mais finalement il Ctait devenu le plus important. Il y avait aussiun autre petit marche pr2s de l’abattoir.

- Q - C’est-d-dire près de l’actuel centre MAROX ?

- Oui. Apres l’ouverture du grand-marché,il fallait faire en sorte que toutes les vendeusesaient quitte lesrues, car il y avait desmarches qui setenaient dans les rues, notamment prèsde Peglised’Amoutiv6. La ligne du cheminde fer passaitpar Amoutivé (S), et il y avait une petite gare au niveau de l’egliseSaint-Augustin d’Amoutive. Alors les revendeusesde poissonsdescendaient là du train : c’etait plus court pour elles de gagnerle marche à pied.Les menagèresvoulaient du poissontr2s frais, descrevettes... Elles les forçaient à leur vendre devant cette petite gare. Et petit à petit, un marchC s’etaitconstitue : à côté desmarchandes de crevettess’etaient installeeSles revendeu- sesde condiments : piments, tomates,oignons . . . ; c’estainsi que cemarche a occupe carrement la devanture desmaisons. Et pendant cetemps, le marché Saint-Michel (9)

(8) Le long du Boulevard circulaire, avant de rejoindre l’actuelle avenue Houphouët-Boigny au commksaCat du IIIf?tne arrondissement (de 1947 b 1967). (9) A iQkht!nou. 195 était abandonné, les hangars vides, inoccupés... II a fallu y deplacer ces vendeuses d’Amoutivt5, où les lieux ne se prêtaient vraiment pas à un marche.

- Q - Et celui d’Ytikpodji ? C’était, je crois, l’endroit où les femmes du grand- marché étaient venues provisoirement pendant que l’on construisait le nouveau b&nent. Elles s%taient implantées Id, d côté du cimeti&e, et, en fait, elles n’ont plus jamab évacué les lieux.

- Ce n’était pas encore un marché ; c’était un terrain de jeux pour les jeunes. II était dejà décide que, après l’ouverture du grand-marché, lorsque les femmes se seraient installees, celles qui n’auraient pas pu trouver de places dans le bâtiment pourraient être installees sur ce terrain, qui serait donc transforme en annexe du marché. Dès le lendemain de l’mauguration du grand-marché, l’agent voyer est donc allé voir les femmes qui n’y avaient pas de place pour leur dire de se presenter sur le terrain de jeux, pour qu’on leur indique leurs emplacements respect& et ces femmes ont toutdesuiteretenulesplacesavecdevieuxpaniers... Mais, trèsvite,ils’est avéré que ce marché ne leur convenait pas : elles ont presque toutes quitte les lieux pour aller s’installer dans les rues. Nous avons essaye d’en faire un marché du soir : on y vendrait du poisson, les salariées pourraient y aller faire leurs emplettes à la sortie des services... Mais les femmes n’ont pas VOUA~,sauf deux ou trois qui sont restées, fidèlement. Et finalement, celles-là ont triomphe. Les marchandes d’emaillés n’avaient pas de place aux alentours du marche : elles ont demandé à construire elles-mêmes des magasins au marché du cimetiere,et, peu à peu, cela a amenedu monde...

- Q - Mais les jeunes qui jouaient auparavant sur ce terrain, qu’en pen- saient-ils ?

- Oh, ils ont été tout à fait furieux, et m’accusaient violemment d’ignorer leurs besoins ! C’est vrai que, comme.je prenais tout juste mes fonctions, j’étais encore bien ignorante dans ce domaine. Mais, pour eux, nous avons donc cherche immédiatement unautreemplacement :nousenlavonstrouvéundel’autrec6teducimetière,quej’ai fait aménager sur-le-champ avec des camions et des camions de laterite... Et les jeunes l’ont adopté avec enthousiasme. C’esl ce qu’on appelle aujourd’hui le stade des AiglOIlS.

- Q - Atikpodji semble être plutôt comp&nentaire du grand-marché, sur- tout pour les produits tradilionnels, le bois, la poterie, les herbes médici- nales, n’est-ce pas ?

- Oui, et surtout pour le maïs ; c’est vraiment le marche au ma& de la ville.

- Q - Est-ce que vous pourriez nous expliquzr à quoi ressemblait le grand- marché avant qu’on ne construise le bâliment actuel ? Qu’esr-ce qu’il y avait d cette place ?

- Le grand-marche ? c’était un peu semblable aux marchés que vous voyez encore dans les gros villages en dehors de Lame.

196 - Q - Mais il y avait des hangars construits en dur ?

- II y avait des hangars construits par la municipalité : les piliers en dur et la toitureen tâles. Les revendeuses elles-mêmes avaient construit leurs petits hangars, couverts en tûles. (On n’acceptait pas la paille).

- Q - Il occupait d peu près fa sutjbce du marché actueJ mais sur un seul niveau ?

- Oui, un seul niveau. C’etait des hangars rectangulaires construits sur les quatre côtés, par intervalles, et aussi latéralement ; et puis, à côté, dans les espaces libres, les femmes qui n’avaient pas trouvé de place sous les hangars construits par la municipalité se fabriquaient elles-memes des hangars de fortune, avec des pieux plus ou moins tordus...

- Q - Et l’assainissement, comment se fakait-il ? Est-ce qu’il y avait une borne-fontaine, des toilettes publiques ?

- Il n’y avait pas de toilettes, mais il y avait quand même de l’eau potable. On avait construit unesorted’enclos où les femmes pouvaient verser les dcchets ; ça servait de voirie parce que chaque jour on vidait cet enclos.

Tel etait à peu preS le visage du grand-marché de Lame avant la construction du nouveau, en 1%7.

- Q - Merci, Madame le Maire, d’avoir tant fait pour notre vi& et ses habitants.

197

no 17

LE QUARTIER KOD JOVIAKOPE

M. Isidore Zidou DE SOUZA chef du Conseil de régence de la famille de Souza (né en 1916 à Kodjoviakopé) et M. Dotsè DE SOUZA secrétaire (né en 1922 à Kodjoviakopé)

- Q - Cette fois-ci, nous n’allons pas faire l’histoire d’une profession, mais celle d’un quartier de la ville de Lomé : Kodjoviakopé, un grand quartier qui fait près de 20 000 habitants, entre le centre administratif, l’océan et la frontière du Ghana. Nous voici donc d ht «maison royale» de Kodjoviako- pé, avec M. de Souza Zidou, qui est le chef du conseil de régence de la famille a’e Souza, et M. de Souza Dot&, qui fait fonction de secrétaire, et qui est le seul des deux à parler su@iiamment le français pour oser se lancer ,a parler dans le micro : c’est lui qui nous traduira ce que dit son cousin.

Messieurs de Souza, est-ce que vous pourriez nous parler de kit fondation de Kodjoviakopé ?

- Kodjoviakop6 est né en 1830. Nos ancêtres sont venus d’Adatïanu (1).

- Q - Un village qui est à une dizaine de kilomètres à l’ouest de Lomé ?

- Oui, sur la route de Keta, après Denu Ils sont venus dans les environs de X379- 1880.

- Q - Qui étaient ces ancêtres ?

- Il y a Togbi Equagoo (2).

(1) Tous les noms originaires de la zone unglophone sont d prononcer d l’anglaise (en particulier u = ou). (2) Autre orthographe d &poque @I XIXs?me sikcle) : Eguagu Dans le vieux Lomk, il a poss&i.k des terrains entre le grand-marchC et la plage. Togbi : Titre honotifigue pour les chefs de fam.ille ag& @grand-pérew). 199 - Q - Equagoo; c’est un nom que l’on trouve parmi les fondateurs de lhmé; autour de 1880 ; il avait des terrains dans kx tout premiers propriétaires de Lomé.

- II y a aussi To&i Tsipohor, To@i Ehodu, To@i Kutsanu, toujours de la famille E4pagoo.

- Q - Qui étaient ces @us ? Etaient-ils des commercanh, des p&&ws ?

- Ils étaient p&chcurs. I:I y avait aussi To@i Dogbé Liggie, DotsC Koumani Apéke...

- Q - Etaient-ils apparentés entre eux ?

-Ahoui,ilya unefiliationentrecux...

- Q - ILS étaient frères ou cousins ?

- Oui, c’est ça ! Ils Ctaient tous cousins.

- Q - Ce qui complique le ,problhe, chez les Anlo (3), c’est qu’on y trouve aussi des jZi&ions mutrilitu~aires, c’esr-à-dire que l’on hérite de son oncle maternel.

- C’est ça, c’est comme vous le dites.

- Q - Ce qui fait que l’établissement des Jiliations est parfois très diffiib, parce que ce n’est pas toujours de père en jik que cela se passe, mais aussi d’oncle en neveu.

- Chez nous, vous savez qu’on appelle un cousin un frCre.

- Q - Mais il faut essayer Id d’être pré& pour mieux comprendre.

- C’étaient bien des cousins. Ce sont eux les premiers à être venus ici. Ils ont passe par la mer, pour venir faire de la pêche artisanale.

- Q - Est-ce que le site est particulihemeti bon ?

- Vous savez, ce sont les Alicmands (4) qui étaient ici à ce moment-là. Ils ont demandé au grand-tire Equagoo a cc que ses p&heurs viennent p&hcr ici, pour que les Allemands aient du poisson.

(3) Ewt man’times, autour de Keta, de Lomd jusqu ‘d l’estuaire de la Volta (On dit aussi, d tort, Ahoulan). (4) Sans doute des commerçants allemands, prdwnts rf Lom6 depuis 1881-82 200 - Q - Est-ce que vous savez si, quand vos ancêtres sont venus s’&ablir ici, ils ont demande la terre h quelqu%r, ou s’ils se sont instant% sans rien demander à personne ?

- Ils ont demande la terre au vieux Dadji d’Amoutivé. Et ce terrain a été donné par le canal de Kodjovia, qui est le fondateur de Kodjoviakope.

- Q - Alors qui est ce Kodjovia ? Lui, ce n’est pas un An& puisqu’il s’appelle de Souza...

- Kodjovia de Souza est un neveu de Togbi Equagoo.

- Q - II est par ailleurs un petit-JiLF du Chacha Francisco-Feiix de Souza, le grand Chacha (c’est-à-dire le vice-roi de Ouidah, pour le compte du roi d’tiomey), qui est mort en 1849 et qui, auparavant, avait fait souche en 1798 à Am%e, où il avait créé le quartier Aa’jùio.

- Exactement.

- Q - Le père de Kodjovia avait donc épousé une soeur d’Equugoo ?

- Son père a epouse une fille de Togbi Aguto, qui est le fils de Tsri Dapensu, le fondateur d’Adalïanu.

- Q - Alors quel rapport avec Equagoo ?

- Cette Agbalé était la grande-soeur d’Equagoo et la mère de Kodjovia. C’est elle qui a epousé Antonio de Souza, le fils de Chacha.

- Q - Donc Kodjovia est par son père afro-brésilien et par sa mère anio ?

-De Some.

- Q - Comme nous sommes chez des gens qui sont matrilin6aires, il est donc anlo pour les A&.

- Oui ! Mais attention, il y a une différence entre les An10 et les Somb.

-Q- Les Son~?, ce sont Ies gens d>Agbozumé! près dtidqfranu, mais d quelques kilomètres d l’intérieur des terres.

- Exactement !

- Q - J’ai lu que Ies Semé se sont séparés des Anlo à la firi du KW& sit%, mais ils sont de t’a même souche et ils parlent d peu près la même langue.

- Exactement !

201 - Q - C’est même l’éwé que l’on parle dans cette région qui est devenu I’éwé écrit, n’est-ce pas ?

- Oui, c’est ça.

-Q - Kodjovia est donc votre grand-père ?

- Oui, c’est notre grand-père, le père de nos pères.

-Q- uKodjoviakop&, cela veut dire «ht ferme du petit Kodjo». Est-ce qu’il a lui-même vkcu ici ?

- Il etait agent commercial chez un commerçant allemand, à Baguida. Après, comme les choses n’allaient pas bien à cette epoque-là, son oncle maternel Equagoo a demandé qu’il vienne ici. Vous savez que nos aïeux sont venus d’Adafianu : ils ne comprenaient donc pas l’allemand ni l’anglais. Kodjovia est devenu automatiquement l’interprète de ses oncles.

- Q - Lui même, était-il lettré ?

-Oui ! Il avait fait sesetudes à Accra, en Gold Coast.

-Q- Il servait donc d’intermédiaire entre cette communauté de pêcheurs et l’administration. II est donc devenu ainsi, de fait, chef de village, alors qu’il n’était pas pêcheur lui-même ?

- Il etait pêcheur, et aussi planteur et commerçant.

-Q- Cest-à-dire qu’il possédait des filets et des bateau.

-Toutes les plantations d’ici lui appartenaient.

- Q - A ce moment-la, à quoi ressemblait Kodjoviakopé ? C’était bien lù où nous sommes aujourd’hui, les maisons qui sont au bord de l’océan, à mi- chemin entre hz frontière et l’ancien palais des gouverneurs ?

- Cetait un tout petit village !

- Q - Qui allait d’où d ou, à peu près ? Est-ce que ça partait de la frontière?

- De la frontière jusqu’à l’ambassade d’Allemagne.

- Q - Il y avait des maisons de bout en bout ?

- Des maisons en banco.

202 - Q - Et les pêcheurs d’%blhgamé, près de l’hôtel Sarakawa ? Ce sont, je crok, vos cousins ?

- Ils sontvenus d’Adafianu euxaussi.

- Q - Est-ce qu’ih sont venus d’ici, de Kodjoviakopk ?

- Non ! Pas du tout.

- Q - Mak ils viennent comme vous d’Adafiinu ?

- Oui

- Q - Est-ce qu’ils sont venus au même moment ou plus tard ?

- Ils sont venus plus tardivement.

- Q - Est-ce que vous avez une idée de la date approximative ? A l’époque allemande ou après ?

- Ça doit être en 1885 ou 1886.

- Q - Donc un peu plus tard que vous. Mais vous vous connaiksez de parentés ? Savez-vous qui est votre cousin, et comment ?

- Oui ! Nous avons un oncle L%as, qui &ait le chef Wogormebu Agbezudor, qui nous est apparente.

- Q - Par exemple, pour les cérémonies de jümilfe, vous vous réunissez avec eux ?

- Exactement.

- Q - Dans les textes d’il y a juste cent ans, on désignait Kodjoviakopé par l’expression «New-Sierra Leone». D’après vous, d’o3 cela venait-il ? Est- ce que cette expression a subsisté ?

- «Nouvelle-Sierra-Leone» pour Kodjoviakopé ? Ah, sans mentir, je n’ai jamais entendu parler de ça !

- Q - Je l’ai trouvé en particulier dans le premier récit d’un voyageur alhnand, qui date de 1884. L’auteur, Hugo Z&Yer, vient par la mer ; il parle de New-Sierra-Leone en dkant que c’était un villa@ de l’autre côté de la frontière, d AJkw, et que les gens de Lomé leur ont dit de venir s’abriter de ce c&&ci, pour échapper aux douanes anglaises. D’aprt?s kès premiers documents que l’on a, c’était un tout petit hameau commercial, quelques cases en paillottes. C’est vraisemblablement le Sierra-lkonais G.B.

203 Williams (resté Woullams dans la tradition orale) qui avait fondé lù un poste de commerce im~diatement au-de# de la frontière anglaise. On trouve aussi Little-Sierra-Leone ou NewSierra-Leone sur les premières cartes du Togo, dressées par tes Allemands dans les années 1885. On voit d’ailleurs aussi indiqué Da Suza, c’est-à-dire Kodjoviakopé, entre la fronth et Lomé. Donc té toponyme a complètement disparu ?

-Oui

- Q - Et la douane, comment était-elle autrefois, en particulier à l’époque allemande ?

-C’estaprèslaguerrede 1914-1918queladouaneaétécré6e. LesAllemands allaient jusqu’à Keta.

- Q - Non, la frontière a été fï’e à son emplacement actuel en 1879 ; les Anglais ont annexe Denu et AJlao en décembre 1879.

- Vous êtes sûr ?

- Q - Oui, et quasut Nachtigal vient d Lomé; le 6 juil& 1884, il fait planter à tir frontière un grand poteau en bois, de trots mètres de hauteur, peint aux couleurs impériales (c’est-d-dire : noir, blanc, rouge), à quelques mètres en face du drapeau anglais qui marquait la fin de la colonie de Gohl Coast, la où aujourd’hui se font face les bâtiments modernes des douanes togolaises et ghanéennes.

Ainsi Joseph Antonio Kodjovia de Souza, le fondateur de ce quartier a représenté cette symbiose entre une famille mina d’Anéh et ces pêcheurs a& qui a donné sa personnalîte au quartier. Né vers 1830, il meurt en 1911 et il est enterré ici, au cimetière familial des de Souza, qui porte une plaque de marbre à l’entrée : «$A, Kodjovia de Souza, 1830- 1911~. Ces dates nous situent dans le temps (même si la première n’est pas très sûre) : il appartient à cette g&ration des aventuriers qui parcou- ratent alors toute cette côte. Il ne faut pas croire que les gens étaient fig6s, qu’il y avait ici des uAn(o~, Ih des «Mina~, etc. En fait, les gens bougeaient, s’intégraient les uns au autres, se mariakwf ici et l.5, et les peuples se recomposaient sans cesse.

Kodjovia est donc enterré dans ce petit cimetière, 03 il a une belle tombe, sans aucune inscription (c’est simplement la plus grande), avec sa famille tout autour de lui.

Qui est-ce qui lui a succédé comme chef de quartier ?

- C’est son fils, Henri Mensa de SOU~~.

204 - Q - Plus tard membre du conseil des notables de Lomé.

- Q - Et vous-même, quel est votre père ?

- Mon pkre était son aîné, de même père et de même mère que le pere de Zidou.

- Q - Et pourquoi n’est-il pas devenu chef ?

- Ah ! On lui a fait la proposition. II a refuse, et il a demande que son petit-frere devienne chef.

- Q - Alors que dans les générations précédentes, on lu%-itait de l’oncle au neveu, Id on a hérité du père au jïk ?

- Vous savez, œ sont les Ashanti et les Fanti qui font ça. Mais chez nous, les Ewe et les Anlo, cela n’existe pas.

- Q - Jusqu’à quand a vécu Henri Mensa de Souza ?

- HenriMensadeSouzaest nevers 1886,et il est mort en 1949.

- Q - Et depu&, c’est M. Zidou qui est le chef ?

-Non ! non ! C’est l’oncle Joseph Zuzen Kodjo de Souza.

* * *

- Q - Dans les années 1950, à quoi ressemblait Kodjoviakopé, quand vous étiez petits garçons ou jeune5 gens ?

- En 1950, le quartier commençait à grandir.

- Q - Il y avait beaucoup de maisons, en partant de la mer ?

- C’est dommage que je ne puisse pas vous donner une repense satisfaisante parce que j’etais en Guinde à œ moment-là. C’est mon grand-frère qui peut vous repondre. Le boulevard de la Republique existait dejà ; derrière, il n’y avait que des pistes et des rues de peu d’importance.

- Q - Juste un rang de maisons le long du boulevard, et derrière : lès cocotiers.

-Oui!

205 - Q - Donc le cimetière Rcait IsoM au milieu des cocotiers ?

-Non, il y avait dejja des maisons dans les cocotiers.

- Q - Malr le cimetiètz lui-même était-il toul seul, ou y avaic-il déjd des maisons autour ?

- Non, il n’y avait pas de maisons autour, à ce moment-là, seulement des cocotiers.

- Q - Y avait-il des mui~ons le long du Boulevard circulaire ?

- Oui, il y avait des maisons depuis l’ambassade d’Allemagne jusqu’à la frontière, à la douane, des maisons en dur et des maisons en banco.

- Q - Et quand est-ce que le quartier a vraiment commencé à se dévelop- per ?

- Le développement du quartier a commence dans les annees 1954.

- Q - Et comment est-ce que ça a commencé ?

-Par des maisons en briques cuites.

- Q - C’était des gens de Lomé qui venaient demander les terrains ?

- Non ! Ce sont les autochtones. Au moment de l’urbanisation, certains proprié- taires ont vendu leurs parcelles aux gens de Lame, et avec cette somme ils ont construit sur leurs terrains.

- Q - En principe, tout le quartier formait un seul titre foncier, détenu par Henri de Souza.

-Oui!

-Q- A-t-il parta& le terrain entre ses fils pour que ceux-ci puisseti vendre ?

-Ah non ! Le titre foncier 31, vous savez, a et6 cree au nom de Kodjovia pour qu’on puisse nommer un administrateur pour le gérer, mais ce n’etait pas sa propriété.

- Q - Ceux qui ont vendu k faisaient-ils en plein accord avec la communau- té ou est-ce que lès gens ont commencé, par appât de l’argent, à vendre un peu n’importe comment ?

-Apres la mort de Kodjovia, œ sont sesenfants qui payaient I’irrqxSt foncier pour le terrain du titre 31; les gens de Kodjoviakope ne payaient pas. Alors nos Peres ont

206 demand6à prendre une partie de leursterrains et ont lai& le resteaux autres. C’est ça qui a 6té tit.

- Q - Quand a-t-on vmiment commenc4 les ventes en nombre important ? Est-ce qu’il y en avait dtja beaucoup avant l’lndépndance ?

- D& 195557. L.esvraies ventes ont d6but6 de 1958jusqu’à 1960.

- Q - Mais kès constructions ont eu heu surtout apnès l’Inde@endance ?

- La constructiona debut fort avant Hndkpendanœ.

- Q - D?tprès nos enquêtes sur le terrain, le quartier s’est essenttèlkment peuph! dans les ann& 1962 d 1968. Auparavant, c’était des cocoteraias. Il s’est peuple’ très vite, et pas vraiment sous forme d’un front de colonisation, qui avancerait rue après rue : disons qu’en cinq ans, l’essentiel de Pespace était occupe, en laissant encore beaucoup de terrains vides, qui se sont peuples par la suite. Aujourd’hui, il n y en a plus guère. La densite de ce quartier est de l’ordre de 120 habitants par hectare, ce qui est là densité moyenne du vieux Lomé. Mais un caractère particulier de ce quartier, comme d Nyékonakpoè, c’est la présence du lycée français depuis une quinzaine d’ann&s, ce qui a amené une concentration de belles maisons destin& d la location aux étrangers, qui ont tous scolan3 leurs e@mts dans cette école et ne souhaitent pas faire des transports longs et compliqués.

Ici, quand avez-vous commencé à avoir une école pour le quartier?

- Vers 1920.

- Q - Où- étaibellè située ? - Dans la maisond’Ahadziesso.

-Q- L%êole publique d’aujourd’hui n’est pas l’h.eritiere de cette &ot& ld?

-Non!non!

- Q - Quand est-ce que l’école publique a été construite ? - L’École&ait dansla maison.Dans les annkes1930, on avait aussiconstruit une chapelle, danslaquelle on faisait l’&xAe.

-Q- Une chapelle catholique ou protestante ? - Catholique!

207 - Q - Les Anlo t.%aient pourtant plutôt protestants ?

- Nous, nous sommes des catholiques.

- Q - Quand a-t-on cr& la paroisse actuelle, «Christ-RoL, ?

- La paroisse a été creee dans les environs de 1949-50 : chaque dimanche, les prêtres venaient à tour de r61e pour y chanter la messe (5).

- Q - Et il y a quelques annhs, on a construit l’églke actuelle ?

- C’est en 1967 que sont arrives les prêtres comboniens (6). Mais l’eglise Christ- Roi actuelle a ete terminke en 1982.

-Q- Tout dernièrement, on a réaménagé Pécole publique, en faisant un grand bâtiment qui pouvait réunir les deux anciennes écoles.

- Oui. Ça fait environ trois ans.

- Q - A quand remonte le CEG ?

- Le CEG ~HO~@U%~» (7) ? A 1981. Quelques ann&s après, on lui a ajoute un etage.

- Q - Donc vous êtes un quartier bien équipé en infrastructures sociales, et il y a Peau, l’électricité...

- Oui. Mais nous avons encore beaucoup de rues qui ne sont toujours pas amenagkes, et cette situation perturbe la circulation automobile dans le quartier.

- Q - Et au bout, vous avez la frontière, qui représenfe une activité très importante (quand elle est ouverte). L.e Togo est, en fa& toujours au coeur des activités commerciales le long de IQ côte. C’est quelque chose de frappant de voir comment, ici, on vit en permanence dans un grand courant d’tkhunges qui va du Ghuna et même de la Côte d’ivoire, au Nigeria, voire au Tchad. Donc d ce poste frontière, il se passe énormement de choses, activités commerciales et puis aussi activités de loisir, de plaisir, activités de distraction (notamment pour les gens qui y passent la nuit), plus ou moins recommandables, mais qui *font vivre beaucoup de gens.

- Ah, si la frontière est fermee (8), le commerce est paralysé, il n’y a plus d’activitks... Mais quand elle est ouverte, ah là, il y a des activités ; il y a, des marchandi- SesquiviennentduGhanaet quivontdeLomeauGhana.

(S) Erection officielle en paroisse en mai 1964. (6) Pt?res italiens, aks Missions af?icaines de Vt!rone. (7) ~Les clakw, qui entouraient ti l’origine les batiments. (8) C’était notamment le ~cas en if98383. 208 m Q - Hécas, il np a pas que les man%mdis~ honnêtes qui viennent du Ghana, mais awsi dès traf@ants de taules sortes.

- On paye des fois la douane, mais les trafiquants sont nombreux. Il y en a qui passent par la mer, et ailleurs... * * *

- Q - Et les pêcheurs ? Sont& encore nombreux ? On voit beaucoup de pirogues en bord de mer : est-ce qu’il reste encore beaucoup de familles de pêcheurs ?

- Je pense qu’il y a sept kquipes ici, sans compter ceux qui font la pêche à la ligne, et puis des filets dormants, et les autres.

-Q- Combien une équipe compte-t-elle d’hommes ?

- Une équipe compte 30à 40 personnes.

- Q - En comptant ceux qui partent sur les pirogues et ceux qui restent d terre d tirer les filets ?

- Ceuxqui partent sur la pirogue pour pagayer et aller jeter le filet dans la mer sont au nombre de 12 à 13. C’est un mktier kpuisant.

- Q - Ça veut dire donc qu’environ 250 adultes travaillent à la pêche ?

-Ah,jevousaiparlédesept kquipes,n’est-cepas?Vousavezdoncmultiplié?

- Q - Oui.

-Ah bon ! D’accord ! Ça peut êtrevrai...

- Q - Avec hrs femmes et kurs enfanh : ça fait donc plus de 1000 personnes qui sont nourries par la pêche.

- Oui ! Les femmes, ce sont elles qui achetent pour aller revendre. Il y en a qui fument, il y en a qui sèchent les poissons, pour aller les vendre dans les marchés de Iamf5.

- Q - Ce qui m’a frappé, en dkcutanf avec les pêcheurs de h%djoviakop& c’est leur txtrême fiirté. Ils sont fîîrs de leur métier, qui est un métier d’hommes libres, qui peuvent bien gagner leur vie grâce à leur technicité et à leur courage, grâce à leur connaissance de la mer. ILY me disaient qu’on peut envoyer les filles d Pécole, ce n’est pas grave ; mut%, pour les garçons,

209 il faut qu’llr apprennent trt% tôt la mer, qu’ils sachent se débrouiller, parce qu’un bon pêcheur -surtout s’il possède son file& peut toujours vivre.

On a donc ici, en plein milieu urbain, kà persistance très forte d’un noyau vilhgeois, non pas rural mais pêcheur, qui a gardh tout d fait su cohérence et sa personnulitt$ son patriotiwne & communauté, en se mêhnt assez peu aux autres, et ayant pendant longtemps, d’ailleurs, entretenu une certaine peur dans le quartier, parce que ces solides pêcheuts sont réputés particulièrement impitoyables quand un voleur se faisait pren- dre... D’oh une shri&! qui ajoute aux avantages de ce quartier que vous nous avez aidés d dkcouvrir.

210 no 18

L’EDUCATION DES JEUNES FILLES : LES ANCIENNES ELEVES DES SOEURS DE NOTRE-DAME-DES-APOTRES

Maître Marguerite Adjoavi THOMPSON-TRENOU (née à Tsévié en 1921)

avec ses amies,

Mmes Olga LAWSON, Symphorienne KOSSM-BENISSAN, Claire KRUEGER, etc.

- Q - Aujourd’hui, nous avons plusieurs interlocutrices : des dames qui ont en commun d’avoir été dans leur jeunesse, internes à l’école des soeurs, dite de la rue de lu Mission...

- C’est-à-dire «Notre-Dame-des-Apôtre», ou «Lome-Plage...».

- Q - Comme ~US sommes muitienant au début des fêtes de Noël (11, nous souhaiterions que vous nous évoquiez la manière dont on pouvait célébrer Noël à Lomé autrefois, c’est-à-dire avati la seconde guerre mondiale, et en particulier comment vous, les internes d’une école religieuse, vous pouviez fêter Noël.

-Autrefois disons entre 1930 et 1940-à l’internat «Notre-Dame-des-Ap&re&, la fête de Noël était l’evenement le plus grand, le plus solennel qu’il pouvait y avoir dans une année. Quand levent de l’harmattan commençait à souffler, nous sentions dejà que Noël approchait, avec une atmosphère de joie et de gaieté. Alors nous commencions à apprendre des chants de Noël, des chansons de divertissement, des petites cantates..., sans oublier les préparatifs pour nos habillements et nos parures.

Le24décembre,nousvoici toutaffairéesenpetitsgroupes,parci,parlà,dans la grande cour, chantant et dansant, courant et tapant des mains aux rythmes des danses nago (2) : «ballona tchéina...~~.(Rires).

(1) 1987. La seconde partie de l’&n~ion a &tt diffusée uMrieurernent. (2) Yoruba 211 - Q - Pourquoi des danses nago ? N’étiez-vous pas pour hz plupart des Togohî.w du Sud ?

- Oh, il y avait à l’internat desfilles nago, fon, guin, anlo, de GSte-d’ivoire, du Sertegal...

- Q - Pourquoi était-ce alors plutôt des danses nago qui avaient votre préférence ?

- Nous aimions beaucoup les dansesnago parcequ’ellessont trèsgracieuses.

- Q - Est-ce qu’on lès danse encore d Lomé ?

- Bien sur ! tout le temps !

-Q- Est+e qu’elles sont passkes dans le patrimoine loméen ou bien les gens d’aujourd’hui savent-ils encore que ce sont des danses nugo ?

- Oui ! Et les goumbé ! Le goumbe est aussiune dansede forme nago. Nous avions aussila dansedes Guin que nousappelions «touméwé».

- Q - Danse qu’on e.w!cute surtout avec les bras en haçant les coudes par derrière, n’est-ce pas ?

- Oui, par derriere ! C’est ça ! (Rires) Le soir de ce 24 decembre, avant 17 heures, les soeurspreparaient descadeauxde Noël,qu’on étalait sur la grande table. Il y avait toutes sortes dejouets : despoupees, des parfums, deseffets de cuisine, de jardinage, de couture.

-Q- Hormk lès poupkes, t’étaient plutôt des cadeaux utile.~~ quand même ?

- Parce qu’en cestemps-là, on nous faisait faire des petites robes pour les poupées...(Rires).

Après notre grand-maman,«MotM Gallican» (3), et la Soeur Ischyrion(4) nous preparaient desmorceaux d’etoffes que nous appelions wssLssunw.Alors quand vous aviez fait quelque chosede mal ou bien quand vous aviez manqué à fairevos devoirs, on nevous donnait pasd’assissan : c’estquevous ne méritiez pasde cadeaux.

- Q - Et qu’est-ce que l’on faisait avec des assissan ? Etait-ce uniquement des esp&es de bons points ou bien cela servait-il d faire quelque chose ?

(3) Religieuse ahacienne de la congrkgation de Notre-Dame-des-Ap&res, trés longtemps a!irectrice de l’tcok des Soeurs de bmt! ; au Togo de 1919 rf sa mort, en 1956 (4) Religieuse suisse ; au Xogv de 1920 b sa mort, en 1950.

212 - Oui, ça nous servait à faire de petites robes. Nous assemblions les «ussassan» (Rires). C’est levrai mot. C’est la soeur européenne qui les nommait «assissan» (5) (Grands rires). Nous assemblions ces petits 4zhantilIons pour faire de petites robes, des caracos.

Quand tout le monde avait pris son cadeau, vers 19 heures (déjà il faisait nuit), alors nous voici affairees au feu d’artifice, qui illuminerait toute la grande cour.

- Q - Qui est-ce qui le tirait ? C’était votre école ou la municipalité ?

- Non, c’etait notre école, c’était notre feu d’artifice.

-Q- C’est-à-dire de petites fusées de couleur ?

- Oui. Des feux qui illuminaient toute la grande cour, et des pétards qui crépi- taient de toutes parts. A 21 heures déjà nous nous pressions dans les salles de bain, les dress-rooms, pour nous parer de jolies robes de soie, de parures, de grands foulards... Il fallait nous voir avec nos souliers, quelle fierte nous avions ! En ces temps-là, quand nous etions fières, nous disions : on fait la«grandeuse» (Rires).

Au loin, on entendait la grande cloche de la cathedrale, qui sonnait à toute volee. En route, sous la conduite des soeurs ! Il y avait Mat/~er Gallican, Soeur Ischyrion, Soeur Germana (6), Soeur Vincent-Marie (7), et les autres...

A minuit, nous sommes dejà devant l’Eglise. Mgr Jean-Marie Cessou et tout le clergé Ctaient là, en grande tenue ; toute la chretiente aussi etait là. A la messe, les chants nous egayaient beaucoup. Et de la grande tribune tonnait le «Minuit, Chréhèns~~ chanté par feu papa Armerding (8) et la voix de basse de papa Télagan, qui secouaient toute la chrétienté.

- Q - C’étaieti les plus beUes voix de lu ville ?

- Oh oui, alors ! (Rires) Et on jouait du violon, en ces temps-là, et de la guitare... et l’organiste etait aussi un de nos anciens : c’etait M. Lawson Têtêvi (9) qui jouait l’orgue à l’epoque.

- Q - Cordon était-il encore 12 ?

- C’est après Gordon qu’est venu M. Lawson Têtevi. Nous etions du temps de M. Lawson.

(5) D&igne en mina une graisse de poisson... (6) Au Togo a2 1933 à 1941. (7) Au Togo ak 1931 d 1938. (8) P2re de Mme Olga Lawson. (9) Fut~ mari de cette demière.

213 - Q - L’église d’hutivé a eh? construite d cette t?poque, en 193334. Est- ce qu’on y disait aussi (a. messe de minuit, ou bien tout le monde se retrouvait-il d lu cathédrale 1

- La messede minuit etait faite à la cathedrale.Des gensvenaient de Cotonou et de Keta pour assisterà cette messeparce qu’il y avait de grands chanteurs.

- Q - Quelle était la décoration ?

- II y avait un comitéparoissial qui deuxait l’égliseavec desbanderoles. Ce sont les messieursqui décoraient les autels. Les soeursapportaient aussides fleurs pour leur decotation (et cecijusqu’à maintenant).

Apres la messede minuit, nousretournions à l’internat et la fête commençait, anim6e par de jolis chants,comme cettechanson de l’ancientemps :

Noëh noël, Ave maria ! Noël, noël, Ave maria ! Qu ‘il soit joyeux ! Quel doux mystère ! Paix sur la terre Et dans les cieux..

- Q - Tout ça se chantait à lWern& ?

- Oui. A la sortie de la grand-messede minuit, nous revenionsà l’internat, et tout celase chantait là-bas,pas au dehors.Et nous avions toutessortes de jolies chansons; en voici encore une :

En cette nuit D’O~ vient donc sur cette terre Cette vive lumière Qui nous éblouit ? Ne craignons pas ! Pressons nospas ! Bergers, c’est le Messie Qui vient ici bas. Courons, joyeq Voir de nos yeux Jésus, né de Marie Tout près de ces lieux

(Rires). Vous voyez..

- Q - Est-ce que vous aviez une chorale qui chuntait aussi d la cathedrale? - Oui, nous avions une chorale paroissiale,fondée par Mgr Jean-Marie Cessou.

214 - Q - Et vous-mêm, les jeunes j5%s des soeurs ?

- Oh, nous avions une petite chorale au sein de l’internat.

- Q - Et vous chmtitz à h messe ?

- Nous chantionssurtout les messesde requiem à la cathédrale.

- Q - Pour des jeunes jL!les, était-ce ce qu’il y avait de plus gai ? - Nous partions de l’internat tous les matins avant 6 heures pour aller à la cathedraleassurer la messede requiem. C’etaitcomme ça, autrefois : c’etaitles filles des soeursqui chantaientles messesde requiem. C’etait une bonne formation.

Maintenant que nous étions revenues à la maison,après la messede minuit, notre grand-maman, la révérende mere que nous appelions Mother Gallican, avait penseà nousen dressantdes tables. Nous nousmettions alors à table,devant nostasses de chocolat au lait, tout chaud,avec desbiscuits, et nousvivions cegrand moment de rejouissanceentre camarades.Par groupes, car il y avait à l’internat les grandes, les moyennes et les petites, et toutes sesentaient très unies dans une grande famille à I’intemat

- Q - Quel ii@ avaient les plus petites ?

- Les soeursaccueillaient les enfants à partir de trois ansdéjà.

-Q-Etksplwgrandes? - Les plus grandesavaient 15,16 et 18 ans,et même plus,jusqu’à 20 à 21 ans,les moyennesentre 14et 16ans,lespetitesde3ansjusqu’àSans.

Après le réfectoire, nous allions nous coucher. Au petit matin, nous nous réveillions pour aller à la chapelle. (Nous avions une chapelle à l’internat, où nous allions prier tous les matins)( Nous allions doncà la chapelle pour continuer la messe: c’etait l’habitude cheznous. Les soeurs,qui avaient une petite chorale au sein de l’internat, assuraientcette petite messe.Il y avait SoeurVincent-Marie, SoeurJulie- Louise, etc.,qui entonnaient deschants avec leursvoix angeliques. Ecoutezceci :

Berger, berger, vois-tu U-bas, là-bas, Id-bas, Berger, berger, c’est là le temps, va-t-en le temps, Rien qu’en voyant cet humble étable, 03 E’on a dit : c’est le Sauveur !

(10) Elle y est toujours

215 (Rires). Je voudrais ressemblerun peu à SoeurJulie-Louise lors de cesrejouis- sanws,maisjen’aipasdevoixcetaprès-midi... (ll).Lessoeursavaient préparécette messepour nous egayer à l’occasion de cette fete de Noël, rien que pour la fete de No& Nous devionsaussi assister à la grand-messede 9 heures.Apres la chapelle,nous nous preparions donc pour la grand-messedu25 decembreà la cathedrale.

Apres celle-ci, nous retournions à l’internat. C’est alors que notre revérende mère nous donnait l’autorisation d’aller fêter à la maison,avec nos parents, qui nous donnaient dejolis cadeaux...,sans oublier telle tante et tel oncle qu’on devait visiter parce qu’il faut toujours denicber un cadeauou quelquessous quelque part... Alors, c’etait la grande vie à l’internat H

- Q - Et celles qui n’avaieti pas leurs parents d Lomé 7

-Voussavez, nouseti0n.stoutesenamitie, àl’internat. Des fois, nouslesame- nions dansnos familles. Celles qui nevoulaient pasrestaient à l’internat, pour continuer leur fête avec les soeurs.

-Q- Quelle était la provenance des cadeaux qu’on vous donnait d 1’internai ?

- Les soeurs,aussi bien que leurs parents,avaient desbienfaiteurs qui leur four- nissaient cescadeaux, qui arrivaient de France.

- Q - En sortant dans Ia ville, est-ce qu’on retrouvait partout les jules de l’internat ?

- Non, nous n’avions pas beaucoup de temps pour nous promener. Nous aimions mieux rester à la maison, en famille. C’était pendant les vacancesque nous avions ce privilege. Alors, pour cebref lapsde temps,nous profitions pour rester avec nos parents, discuter deschoses interessantes ou bien visiter une tante ou un oncle à côte. Nous devions être à l’internat à 18 heures, et dejà à 17 h 30 nous y étions, parce que c’était la regle, autrefois. Alors finissaient à moitié les festivites de Noël, la nais- sancedu Seigneur. Je dis cela parce que tout n’etait pasfini : les festivites ne s’arrê- taient pasavec Noël : il y avait aussile jour de l’An, l’autre moitié.

- Q - Entre Noël et le jour de l’An, vous restiez d l’internat 7

-Oui!

- Q - Mais cVtaient ks vacances ; vous n’aviez pas de cours. Comment vous occupiez-vous ?

- Nous restions à l’internat parce que nous y Ctions nourries : au debut de la rentreescolaire, le taux desfrais de l’internat etait fixe pour chaque mensualite. Nos

(11) Les auditeurs auront h,ti d’eux-mbnes...

216 patents ne nousdonnaient que de la petite monnaie pour l’argent de poche.Mais pour la subsistance,c’etaient les soeursqui s’en occupaient. Nous avions le dejeuner, le repasde midi et le repas du soir.

- Q - Avez-vous une id& de ce que vos pBrents payaient pour çet intwnat?

- Oh, oui ! En cestemps-la, c’etait 60 francs; bien avant, c’était20 à 21 F par mois pour chaquetete.

- Q - Est* que c%.tait une somme importante ?

- Oui, c’etaitune sommeimportante, en cestemps-là, car qui pouvait gagner21 francs, 100francs, 60 francs ? Cétait beaucoup !

Il y avait deux sortes de cuisine, la cuisine des soeurs, «Sisterskitchen», et la cuisine desinternes, pour les filles. Alors il y avait une maman que nous appelions ~4ssimeto bémudame» (12), unevieille damechrétienne choisie pour preparer nos mets.C’est unegrande interne qui s’occupaitde la cuisine dessoeurs. - (Mme Lawson) - VoyezMadame Adjoavi Tr&ou ; c’estelle qui préparait la cuisine dessoeurs...

-Q- Mme Trérwu, pourquoi vous-même, par exemple, étiez-vous en&& à L’internai ?

- Mes parentsont décidé de m’envoyera l’internat parceque j’ai et6 tr& malade en 1931. Ma mère a eu tr&s peur. Ils ne savaient pas si j’allais survivre, et comme t’étaient toujours les«azetou (13) qui rendaient maladesles enfants,on a décidéde me mettre chez les soeurs, sousla bonne protection de Notre-Dame de l’Immaculee- conception(c’est la statuequi gardait l’entr&ede la porte). Ainsi,mes parentsont pense que, sousla garde de l’Immacuh%conception,aucun mal venu du dehors ne pourrait plusm’atteindre

- Q - L.e père Gbikpi nous a par& de la vie d lWern& suivant les premiers pères allemands : un btî!timent entourt! d’une haute muraille avec une seule porte. N%%iez-vous pas gêrufes d’être ainsi cloîtr6es dans cette enceinte?

- Non, on n’était pasgenees. Croyez-vous que les filles sortaient comme elles voulaient, dansl’ancien temps ?Non ! Chezsoi, à la maison,les filles etaient tenues comme si ellesetaient dansdes internats. Moi, je me rappelle très bien, mes parents n’ont jamais autorisé que nous regardionsmême par-dessusle mur de la clôture de la maison quand passaient les gens avec leurs orchestres. Parce que, autrefois, les

(12) *La dame qui va au marchb (13) Sorcitires.

217 orchestres,avantd’alleràTony&iadjiouàAdjangba, faisaient le tourdelaville (qui n’était pasgrande), et, au fur et à mesure,les gensles suivaient déja.Je ne me souviens pas d’avoir jamais regarde par-dessusle mur un cortège qui passait devant notre maiml.

Nous Ctions donc bien protégees à l’intérieur de cesmurs. Il y avait le mythe que, à l’intérieur de cette enceinte, rien ne pouvait vous atteindre. C’est pour cette raison-là que mesparents m’avaient envoyee a l’internat chezles soeurs.

- Q - Revenons un peu aux périodes des fêtes. Est-ce qu’il arrivait aux jeunes internes de préparer des saynètes ?

- Ah ! Pour ça, c’etaient les chrétiens d’AgouC qui venaient jouer à Lomé la naissancede J&us-Christ, au tempsde Noël. Au temps pascal,nous preparions des saynètesà l’internat, surtout quand il y a une grande fête, la fête dessoeurs, et celle de Monseigneur, et aussides directeurs. Nous préparions aussidu theâtre et je me souviens encore du the$tre sur la guerre de Cent-ans que nousavons joué à l’internat au moment de la fetede Jeanne- d’Arc

-Q- Cela disait vraiment quelque chose aux jeunes Togokses, cette vieille hktoire de Jeanne-d’Arc et de guerre de Cent-ans ?

- Ah oui ! La guerre de Cent-ans, où la France a failli perir (Rires). C’etait au XIVe siècle(Rires). Nous l’avons bien jout%,hein ? On avait invité même le gouveme- ment, les officiels, qui sont venus voir notre théâtre.

- Q - Comment ça se passait-il ? -Oh, trèsbien !

-Q- Pouvez-vous nous décrire comment vous l’aviez préparée ? - Ça a été une grande fête : il fallait nous voir jouer Jeanne-d’Arc, la «Berg&e de Donrémyw. Moi-même je l’ai jouee. Vous voulez une chanson de la Bergère de Donrémy pour terminer ?

- Q - Bien sûr ?

Joyeux N&I, chantons sans Fein, Le refrain plein d’entrain. Déjd la bergère immortelle, Du pays de Moselle, A tous les tlchos des grands bob, Que 1‘on voit h la fois, Chanter la tique-tournelle.

218 On chantait autrefois Jeanne de la Lorraine, C’est elle qui, sespetits pie& dans ses sabots, Enfant de la plaine, Filait en gardant ses troupeaux, Qui, dans son jupon de laine, Avec ses sabots dondaines, Oh!Oh!Oh! Avec ses sabots, Sion allait sans émoi, le coeurplein de foi Pour défendre son roi Chers enfants de la Lorraine, Des montagnes à la plaine, Oh!Oh!Oh!...

Vous voyez! (Rires).

- Q - Et vous montiez à cheval ?

- Mais oui, on montait à cheval ! Il y avait Jeanned’Arc preparée sur son cheval, et son page,avec l’armure, hein ? son armure et son oriflamme...

* * *

- Q - Mme Trenou, voudriez-vous twus parler un peu plus de ces soeur de la Plage

- Nous étions avec dessoeurs européennes, rien que dessoeurs europtknnes, qui venaient d’Alsace et de Lyon, de la sociétédes Missions Africaines de Lyon. Ces soeurs, et déjà la Mère Gallican, etaient venues de Keta avec d’autres, dès 1918. Cetaient dessoeurs anglaises (14), parcequ’elles parlaient l’anglais.Une interne les avait suivies.C’etait mademoiselleAmorin (aujourd’hui Mme Gaba, Patricia Gaba). Alors a commencel’internat Notre-Damedes-Ap&res. Avant, les soeursallemandes n’etaient pasde la congrégationNotre-Damesdes-Ap&res ; ellesetaient SW ,

-Q- C’étaient les soeurs de la Société du Verbe Divin, de SteyL Les bâhnents de l’école datent de 1907. Est-ce que c’était d& un internai, de la naême manière ?

- Oui

- Q - Donc en 1918 arrivent des soeurs anglaises, mis les t%?ves restent?

- Oui ! Elles sont restées.C’est de la que nous avons garde les nomsde«roomu, ndress-room+ etc.

(14) En fait une Françake et ahu Irlandaisq arrivées en murs 1918.

219 - Q - Les noms des pièces sont restés en anglais depuk cette époque Id ?

-Jusqu’à notre sortie de l’internat, nous disions toujours «parfoum, «church, «dress-room» (Rires).

- Q - Qui receviez-vous au parloir ?

- Oh ! On recevait les visiteurs. Quand nos parents nous visitaient, on leur donnait un siège au parloir, puis on vous appellait. Gare si vous aviez fait quelque chose de mal ! Vous n’irez pas aux festivites, vous n’aurez pas de cadeaux... Alors quand nos parents venaient, on nous appellait :

«- Ton père est venu - Oh ! ma Soeur !... - Mais ne dis pas «ma Soeur» ; ton pere est là... - Ah bon, ma Soeur, excusez-moi si j’ai mal fait : prochainement je ferai mieux !»

Nous avions et6 bien formees, à l’internat, et cette formation nous a beaucoup aidees, jusqu’à maintenant. Et c’est de la meme manière que nous avons eleve nos enfants. -e- Est-ce que vous pouvez caractériser cette formation ? - C’est surtout à l’obeissance. Quand on vous dit de faire ceci ou cela, il faut l’exécuter, rester à sa place. Nous n’avions pas le droit de quitter l’internat sans la permission de nos parents et des soeurs. Si nous etions malades et que cette maladie devait nous conduire jusqu’à l’hospitalisation, les parents devaient venir demander l’autorisation. Nous etions à l’internat sous une bonne garde, mais pas très sévère, car on nous a élevees avecamour : on nous faisait comprendre quec’est pour notre bien et pournotreavenir.

A l’époque, l’éducation etait telle que nous pouvons encore, sur bien des plans, nous enorgueillir d’avoir rqu cette education, que, dans l’ensemble, nos filles, aujour- d’hui, ne reçoivent plus. Elle etait speciale : par exemple, pour l’enseignement de l’économie domestique, nous faisions de la broderie, et on nous initiait aussi à la cuisine européenne (car nous devions preparer pour les soeurs). On nous delèguait à tour de role pour faire la cuisine à nos compagnes, parce que, au début, il n’y avait pas de cuisinière salariee. Donc les eleves etaient classees en trois groupes, les petites, les moyennes et les grande,s ; à tour de role, une grande et une moyenne étaient de service à la cuisine pour les eleves, pendant une semaine, et un autre tour venait ensuite pour la cuisine des soeurs. Là, chez les soeurs, il y avait une soeur chargee de la cuisine qui nous initiait, et nous preparions leurs repas. Voyez par exemple, moi, j’étais sacristine : c’est nous qui fabriquions les hosties, celles de la communion qu’on distribuait aux gens. On preparait la pâte et on faisait les hosties. Je ne sais pas si actuellement, c’est fait mkcaniquement, à la machine... Mais à l’epoque, pendant toute une journée, nous fabriquions les grandes hosties, et les petites. On était heureuse de

220 le faire. Nous lavions les linges,nous savionsapprêter le linge, faire les repassages,ou bien passerpour le repassageau rouleau, ou bien le linge apprêté, empesk.C’est nous qui repassions tous les linges qui servaient pour l’eglise, pour orner l’autel à la cathédrale,et puis nos chapelles,etç

- Q - Donc toute une éducution pratique ?

Les soeursont penseque, à côté de l’instruction pure que nous recevions,nous devions être prépartks comme de futures meres de familles et que nous devions joindre à cetteinstruction notre éducation à la vie familiale, pour plus tard. Au jardin potager, c’est nous qui plantions les plantes potagères,et tout. Nous crééions les parterres. Nous faisions tous les travaux (même repugnants), ceque les filles aujour- d’hui n’accepteraientjamais de faire. Par exemple,les vidanges : c’estencore à tour de role que nous faisionsles vidanges, que nousdeversions dans le jardin, un vaste jardin qui setrouvait à cote,et, plus tard, quand c’etaitdevenu fumier ou engrais,alors nous y plantions deslégumes. Il y avait tous les genres de travaux qu’on peut demander plus tard à une maîtressede maison,broderie, reprises deslinges, etc.Nous faisions tout cela,allie au travail scolaire.Naturellement nous perdionsles matinéesd’une semaine, deux ou trois fois par an, quand nous étions de cuisine. Nous n’allions à l’ecole que l’après-midi.Mais çan’a pastellement agi sur les résultatsde l’année scolaire.Peutêtre parce que nous avions desheures d’etude fvres,auxquelles étaient astreintesles filles du dehors ; c’est pour rattraper cestemps-la avec les autres qu’on avait des heures d’etudes. Nous avions ausside l’t5ducationreligieuse. Non seulement l’éducation reli- gieuseetait donnée avec les autres,pendant les heures de classes,mais nous encore les dimanches,à la sortie de la messede la cathédrale,il y avait une demi-heure à trois- quarts d’heure de commentaire de l’évangile du dimanche. De notre temps,la piete Ctaitexigée aussi bien à l’intérieur de nous-memesqu’à l’exterieur. Il faut éviter toutes les distractions, etc. On ne devait pas attirer le regard des gens avec des tresses spéciales.Si vous étieztête nue, vous vous couvriez la tête pour aller à la communion. Nous, nous etions en uniforme, habillees de la même façon ; tout etait prepare ; personnene faisait d’extra.Et puis,à l’époque,il n’y avait pasces tresses-là : autrefois, pour lesjeunes, c’était assez strict ! Mais nousaimions ça, parce qu’il n’y avait pasautre chose : on n’avait pas d’élements de comparaison pour dire «on aurait été mieux». C’Ctait habituel de tresserles filles, maisil y avait aussides parents qui faisaientcouper les cheveuxras, et çan’avait rien de mortifiant : c’etait la vie normale.

-Q- Combien étiez-vous d%!&es simulta’ment ? - Trente ! quarante ! cinquante ! jusqu’à soixante...

- Q - Mais ça s’échelonnail surtout entre 6 et 18 ans, c’est-â-dire que cela faisait d’ussez petits unités pur trunche d’âge ?

- Oui. Il y avait aussides petites qui ont perdu leurs meres,qui arrivaient. Alors on les gardait jusqu’à la maturite -18 ans- à l’internat. Il y avait aussicertaines dont les

221 parents n’arrivaient pasa payer,alors les soeursacceptaient quand meme cesfilles-là jusqu’a la fin de leursktudes ; ou bien,souvent, on les arrêtait au coursmoyen première annke et on leur demandait de remercier pour le temps passe sans payement à l’internat. Elles faisaientalors un an ou deuxans comme monitrices dans l’école.

-Q- Est-ce qu’il y avait des externes à Notre-Dame-des-Apôtrtx ? - Oui ! Nous parlons toujours de l’internat, mais il yavait aussides externes, et nous Ctionsmklangées pour les cours.Après les classes,nous regagnionsl’internat et les autres, les externes,rentraient chezelles.

-Q- Est-ce que vous, les internes, vous décrochiez systématiquement les meilleures places ?

- Ah, oui ! Le pourcentage était elevf5.Vous savez,les soeurs nous parlaient déjà en français.Ce n’estpas comme maintenant,où l’on peut parler le mina à l’Île. On &ait oblige de rkpondre en françaisà la soeurqui posait une question. C’estce qui nous a beaucoup aidées.

- Q - Dans les annk 1930, je pense que bien peu de jùmilles parlaient français chez elles.

- Oui, en effet.

- Q - Donc, dans l’école, vous parliez fraqak bien davantage que duns les familles de la ville, où, si l’on parlait une langue européenne, c’était l’allemand ou l’anglais.

- Eh oui ! L’allemandou l’anglais...Mais tout de mêmeaussi le français,dkjà bien avant nous.Mon père n’avait jamais fait l’école française,mais l’école allemande et anglaise. Il a dû suivre descours du soir pour apprendre le français.

- Q - C’est-à-dire qu’il a appris le frayak en étant déjà à l’âge adulte ?

- Oui, il l’a appris en s’enlrainant auxcours du soir desadultes, à la maison.

- Q - Ma& plus tard, lui arrivait-il de parler couramment le français d la maison, en famille, ou est-ce que c’était uniquement un moyen de travail pour l’extérieur ?

- Mon papa,à la maison ? Des fois,mais on n’en avait paspris l’habitude.C’était quand nous rentrions à l’internat que nous devions parler le français.

- Q - D’O3 la grande avance des internes, qui avaient une pratique beaucoup plus quotidienne de la langue française, par rapport aux externes ?

222 - Oui, parce que nous étions obligées : les soeurs etaient fiançaises et elles nous parlaient toujours en français.

- Q - A quelle classe s’arrêtaient les cours, d l’école des soeurs ?

- Au cours moyen deuxième année ; puis, après, on a fait le secondaire, le cours complementaire,

- Q - C9esr-àdùe d égalité de niveau wec le cou.~~ comphaentaire offikh le futur lycée Bonnecarrère ?

- Ce n’etait que le commencement.

- Q - Et ensuite, pour continuer, qu’est-ce qu’il fallait faire ? Où fallait-il aller si l’on voulait continuer les études ? Par txempk pour vous, Mme Tr&ou, qui avez continué fort loin ?

- Au début ça s’arretait au CM2. Ensuite elles ont cr& le cours supérieur, qui a commence avec ma promotion. Nous n’etions que trois ! Il y avait Mme Véronique Ekué (née d’Almeida), feue Mme Marie John-Ayi et moi. Mais après notre certificat d’etudes, nous avons prefere passer l’examen au niveau national, comme les autres eleves de l’École laïque et des ecoles catholiques et protestantes. Comme c’était nouveau, on avait un peu peur ; on se demandait où cela allait aboutir... Nous avons préfere continuer à l’école Victor-Ballot. Je dis Victor-Ballot parce que, l’année precédente, le cours complementaire deLorne avait eté jumelé avec celui du Daho- mey, à la suite du jumelage des administrations du Togo et du Dahomey. La promotion precedente avait fait sa première annee à Porto-Novo, et nous aussi nous avons dû y aller. Peut-être etait-ce aussi par curiosite d’adolescentes qui n’ont jamais vu l’exte- rieur, n’est-ce pas ? : pour une fois, onva quitter le Togo ! Nous ne nous sommes pas pose la question du «pourquoi» ni du «comment»... Il s’est trouvé que deux de nous trois avons souhaité continuer avec les autres Togolais qui allaient au Bénin.

- Q - Quel a été le plus gros chungement pour vous ? Sortir de l’école des soeurs et arriver dans un collège laïque (en plus du changemeti de pays, bien stîr) ?

- Premier changement, nous avions été à l’école rien qu’entre filles et,du jour au lendemain, on se trouvait avec les garçons, d’abord pour passer le concours du cours superieur. Nous étions deux filles de chez les soeurs, et il y avait deux filles de l’écolelaïque.Ehbien,ils’est trouvéqu’onavaitfixélenombredefillesetdegarçons à recevoir. Nous etions donc quatre et on n’en voulait que deux, et il s’est fait que ce sont les deux filles de chez les soeurs qui ont passe. Vous voyez, on n’avait pas de complexes du tout... Nous avions elimine les autres, et nous etions dejà fières ! Arrivees à Ballot, nous avions été également des têtes de promotions : Mme Sivomey &ait @te de sa promotion, j’etais tête de la mienne. On n’avait aucun complexe : l’enseignement qui étaitdonnéchezlessoeursétait très, trèssolide.

223 Nous étions donc entrées à Ballot en octobre 1937. L’année suivante, en 1938, normalement nous devions revenir ici pour continuer, mais, mon amie Veronique Ekué et moi, nous avions suivi un autre concours : on venait d’ouvrir l’ecole normale de jeunes filles de Rulisque, au S&tegal. Alors, admises, nous sommes parties. C’est ainsi que nous, nous n’avons pas terminé avec nos camarades du cours complementaire à Lomé, où lis étaient revenus en 1938.

- Q - Vous aviez au& chez les soeurs un encadrement de discipline assez strict. Une fois ce cadre dkparu, vous devriez peut-être vous sentir un peu perdues ?

- Oh, non 1 Ça nous était bien entre dans la peau, jusqu’à présent. Je suis encore esclave de cette discipline, une discipline joyeuse ! Vous nous voyez ensemble aujourd’hui : c’est bien assimilé, on est heureuses d’être disciplinks.

- Q - Et ceci, c’était donc surtout grâce d lu Mère Gallican. Est-ce qu’il y avait d’autres soeurs qui ont été particulièrement importantes dans votre fol-mal~n a

- C’est en tête Mère Gallican. Il y avait beaucoup d’autres soeurs comme Soeur Ischyrion, Germana, les Soeurs Marie, Mélanie, Blanche,... etc.

- Q - Que sont-elles devenues ?

- Certaines, comme les Soeurs Ischyrion et Dionysius et la Mère Gallican, sont déddées et enterrées ici, au cimetière de la Plage. D’autres sont rentrées vivre leur retraite dans la congregation mère, en Europe.

- Q - Est-ce qu’elles ont fait des émules parmi vous ? Il y a de vos anciennes condisciples qui sont devenues religieuses enseignantes ?

- Oh, on n’y pensait pas tellement. Nous n’y étions pas forcees, et la mentalite, à l’epoque, ne s’y prêtait pas. Je crois qu’elles ont dû se plier à cette mentalité. Je me rappelle que, dans les années 1936-37, les soeurs nous disaient :

- «Les enfants, priez pour qu’on trouve parmi vous des soeurs». On se lorgnait et on disait : - «Petit Jésus, pourvu que ce ne soit pas moi ! ». Nous, on ne s’y int&essait pas, mais on nous aurait bien voulues...

- Q - Est-ce que vous avez envoyé vos propres jZes à cet internat ?

- Ma fille n’a pas fait l’internat, mais elle a fait l’école des soeurs parce que nous aimons $a, que nos filles frequentent l’école des soeurs. Car, awrt, il y avait l’enseigne- ment du catéchisme (mais maintenant le catechisme se fait partout). J’ai une fille et un garçon qui ont fr6quente l’École laïque. Mon fils a fait le collège St-Joseph, et nous en avons envoyés à l’école laïque comme dans les ecoles religieuses. J’ai même une fille

224 qui a fait l’école protestante, bien qu’il n’y ait pas de protestants dans ma famille. Mais, nous, pourvu que l’enfant prenne bien la première communion, qu’il aille à l’école laïque ou chez les soeurs... Il faut quelavie religieuse ne soit pas négligée, pas du tout alors ! Mais, indifféremment, on envoie les enfants dans n’importe quelle école.

-Q- A l’école des soeurs, toutes les élèves étaient-elles catholiques, ou bien y avait-il d’autres religions ?

- II y avait d’autres religions, mais la grande majorite etait catholique. On recevait aussi des protestantes @a Sylva, par exemple, était protestante). Elles se contentaient de bien mener œttevie commune avec nous. Il y avait même aussi des musulmanes, des filles quivenaient du Nord. C’etait la même chose. Ça ne posait pas de problème. On pouvait avoir dans une même famille deux ou trois personnes qui vont à l’eglise catholiqueetd’autresquivontàl’égliseprotestante. Iln’yapasdegrandsproblèmes religieux au Togo...

-Q- Parmi vos condisciples des années 1930, et peut-être surtout des années suivantes, apr& la guerre, quelles sont celles qui sont afies le plus loin sur le plan scolaire ?

- Je n’ai pas les noms en tête, mais comme, dès 1937, on a cr& le cours comple- mentaire, plusieurs eleves y sont allees. Il y en a qui ont fait le cycle complet, sans chercher à travailler dans la fonction publique. II y en a qui sont devenues de simples mères de famille et maîtresses de maison.

-Q- Vous-même, Mme Trénou, en quelle année êtes-vous entrée dans l’enseignement ?

- J’ai suivi l’école normale de 19-38à 1940. Et comme mes autres collègues Mme de Camps, Mme Ekue, Ckcile Kpodar et bien d’autres (comme Mme Creppy, qui a et6 longtempsdirectri~del’~coledelaMarina),noussommes trèsnombreusesàyêtre entrées. Mais moi, j’ai été affectée à 1’Ecole normale, si bien que je n’ai pas commence à travailler au Togo avec elles. Je suis restee encore pour sept ans au Sénégal, où j’ai eté chargee de la surveillance generale de 1’Ecole normale de jeunes filles de Rufis- que, et en même temps comme maîtresse de gymnastique, parœ que j’avais passe mon brevet sportif.

- Q - Et quelle a été la suite de votre itinéraire ?

-C’etait très interessant,œr61ed’educatriœ,responsablede 120jeunesfilks venues de toute I’AOF, mais j’ai eu aussi envie de voir autre chose. J’ai fait d’autres etudes, par correspondance (c’est ainsi que j’ai eu mon bac en 1959), et j’ai pu assurer les fonctions de secretaire génerale de 1’Assemblee territoriale du Togo, puis à I’OMS (15) à Brazzaville, ensuite au Grand-conseil de I’AOF à Dakar et, enfin, de 1959

(15) Organisation Mondiale L la Sa&

225 à 1976, à la Chambre de commerce de Lomd, ceci tout en assumant mes charges de mère de famille et de citoyenne. De 1969 à 1974, j’ai fait mes études de droit, tantôt à Abidjan, tantôt à Lomtl, et je suis devenue avocat (stagiaire en 1974, titulaire en 1976), la premi&re femme du Togo. Pour tout cela, il fallait savoir travailler et s’organiser, et c’est à l’école des soeurs et à 1’Ecole normale de Rufisque que je l’ai appris.

* * *

-Q- Est-ce que vous avez encore entre vous, les anckw élèves des soeurs, une structure qui vous réunit, ou est-ce simplement l’amitié, les souvenirs des années d’enfance passées ensemble ?

- C’est seulement le souvenir des annCes passkes ensemble, mais on est liées comme si on &ait dans une amicale. On ne se voit pas périodiquement, mais, quand on se retrouve, c’est tout comme hier. C’est la joie, les chansons anciennes, toutes les pitreries que nous avions faites... On se rappelle nos fantaisies... On est très gaies, pour la discipline qu’il y avait ; même nos enfants n’ont pas cette gaité. En plus, nous avons gardé un ci3te enfant, qui nous est restC malgré l’âge.

- Q - Quand vous étiez jeunes filles, est-ce vous étiez parfois convoitées par les jeunes gens de votre entourage ?

- Oh, on en parlera plutôt apr& l’émission... Mais si, on ne peut pas nier ça ! Ce n’était pas comme aujourd’hui : on ne cherchait pas la compagnie des garçons. On n’en avait pas le besoin : notre vie était très remplie. Peut-être aussi parce que on se mariait jeune : entre 16,20 et 22 ans pour celles qui ont étk à l’kole. Sinon, en pays mina, le mariage, c’est entre 28 et 30 ans pour la jeune fille, parce qu’il faut qu’elle apprenne un mktier : si elle est chez une vendeuse de tissus, il faut qu’elle apprenne à vendre pour celle-ci, et ensuite à vendre pour elle-même, à aller rkgulièrement travailler au marche.

- Q - Comment se présentait alors le marché de Lomé ?

- Le marche de Lomé était comme le marché de certains de nos villages d’au- jourd’hui. Il y avait un c&k cimenté, avec toit en t8le. C’était là où étaient les anciennes nanas qui vendaient les tissus. lElIes nUaient pas nombreuses, et, à c&k d’elles, il y avait les hommes qui, avec leurs machines à pied, cousaient dans le marche. Vous pouviez acheter un tissu ;VOUSle donruiezau tailleur à côté, qui cousait tout de suite. Mais, en dehors de ça, chacun faisait son ugbado (16).

- Q - Est-ce que les femmes étaient déjà nombreuses d faire ce commerce de pagnes ?

- Oui. A Lomé, c’était les femmes. Ma mère était dans le marché à côté d’une dame très renommk, qu’on appelait Afïaviglo, épouse d’Augustino de Souza. Il y avait

(16) Abri, protégeant Nventaire. 226 une grand-mi?re qu’on appelait Lissassi,la femme de papa Ayivor, l’un des grands richards de l’+oque... Elles étaient rares : une vingtaine, pas plus ! Ces damesqui vendaient destissus avaient beaucoupde filks pour les servir. II y avait une chose qui se passait autrefois dans l’Éducation de la jeune fille. Cette éducation devait être tri3 sévère,et les parents qui n’avaient pasà coeur d’&ver eux- mêmes leurs enfants les confiaient à certains parents, car c’est chercher le bien de l’enfant que de l’élever avec beaucoup plus de sévérité que de faiblesse.Alors, en géntral, les filles étaient &v&s par leurstantes. Comme les tantespaternelles étaient toutespuissantes, c’est elles qui dkcidaient que tellesou telles enfants de leurs frères seraient élevées par telle ou telle tante. Là, il n’y avait pas de tendresse qui tienne. Donc, de même que celles qui n’ktaient pas vendeuses de pagnes elevaient leurs nièces,leurs petites-filles, les autres aussiélevaient leurs nibceset les initiaient à la vente destissus de pagne.Et comme on en amenait toujours plusieurs, unevendeuse de pagnespeut avoir forme beaucoup de nièces,10 320 futuresvendeuses de pagnes. Elles allaient à la foire de Vogan, à Vo-KoutimC, àAgouCgan (17), etc.Elles allaient vendre les pagnessoit avec les patronnes, soit envoyées par les patronnes, et elles revenaient faire les comptes.Et plus tard quand ellesdevenaient independantes,ou se mariaient, ellescontinuaient le commercede pagnes.C’est comme çaque çaa prolifé- ré. Toutes les nanas d’aujourd’hui n’ont pas eu une mère ou une grand-mère ven- deuse de pagnes.

- Q - En gtfm’ral, la jeune fdfe pouvait se marier avec un garçon de quel âge ? - On exigeait que les garçonssoient un peu plus âgesque les filles. Il etait rare de voir, à Wpoque,qu’un jeune homme de 25 anssoit d6jà père de famille. Il Edllaitqu’il travaille, qu’il konomise, parce que c’était l’homme qui était responsable de sa maison; il s’occupaitdes gosses qu’on lui donnait. Il ne s’enfuyaitpas, comme on en voit aujourd’hui... Il était responsable, donc il lui fallait travailler, gagner de l’argent. Il veillait sur sesparents. L’autorité parentale &ait encore extraordinaire : à 25-30ans, il obkissaitencore à son père, n’est-cepas ? Comme son père avait obkit à son propre père... CWait trèslie, un genre de pactefamilial. Donc le jeune homme ne hisait pasce qu’il voulait. Il fallait aller demanderla main de la fille, etc.Je peuxvous raconter le cas d’une amie et de son fianck ; on l’avait demandéeen mariage,mais le mariagen’était pas encore fait, et ils ont enfreint les règles.Ils n’en ont jamais parlé à personne; le fiancé a gardé le linge nuptial pendant dix ans,et ils sesont mari& ap&, pour aller semettre à genouxdevant les tantes pour demander pardon : «Voilà, c’estmoi-même qui ait dkfloré ta fille, pasun autre».

(17) Gros marchb du pays mina-ouatchi, à une cinquantaine a’e km à l’est de Loti

227 Ils ont tenu pour qu’on ne puissepas dire que cettefillelà a Cte 6pouskepar un autre,qu’iiyalongtempsqu’ellefaisaitsavie...Non ! L’hommenevoulaitpasporter cetteresponsabilitélà

- Q - Ces mariagts très tardifs kuènt-ik propre au milieu ch&kn ou &a& cedànstou&lasociétémina?

- Ça ne venait pasde l’Eglise ; c’etaitsurtout la sociétémina.

- Q - Est-ce quV y avait encore, chez vous, une d& h l’@icaine, c’est-& dire que Aè mon dhnuit aé h-gent aux parents de la jeune filh, pas simplement pour faire une fête, mais une vraie uwmpensadon math- niab?H ?

- Non ! Ce n’était pasune compensation. Il devait pourvoir aux objets dont la femme aurait à seservir en arrivant chezlui ; donc il donnait despagnes, des habits, etc @&a&surtout pour la Iille. Il donnait de l’argent aussi,mais c’était symbolique. C’est plus tard que tout œla s’estfalsifie, qu’on n’a plus rien respectC.D’abord, les gensn’avaient pastellement d’argent à l’epoque ; on n’etait pastellement porte sur l’argent.

- Q - Lkuas beaucoup de SOC~&& en Afrique, cette compensation matrho- . . . mule avart un r6le symbolque ; ça pouvait aussi être dès boeufs, des tiges de cuivre... Ça permettait d un garçon de la famille d’épouser une autre fui? : en fait, cWait une équivahce d’une épouse contre une autre.

- Non, cette compensation n’existait pas cheznous, pas au Sud-Togo. Je ne pensepas que œla existait dans la région maritime du Bénin non plus, ni du Ghana d’ailleurs...

- Q - Félix Couchoro, dim son livre «L’héritage, cette peste? parle de pagnes, une ahzaine de tiws de pagne pour la dot. Est-ce qu’d votre éjwque cela se passait encore de là même manière ?

- Oui ! Cetait pour la fille, et vous verrez que, dansces miliewt, on continue Le soir du mariage, les parents de la fille venaient la prendre avec sesmalles pleines, et la fille partait avecsesaffaires. Ce n’etait paspour habiller sambre, ni son père, c’était pour s’habiller plus tard : c’etaitbien pour la fiancée.

- Q - Pour le choix des t!poux, faisait-on soi-ohne ce choix, ou la famille avait-elle un poids important dans la sdèction ?

- Ils sechoisissaient, mais la famille avait un poids important. Quand les parents n’en voulaient pas,en gent%a&çs ne sefaisait pas.Le plus souvent,c’était toujours avec leur b&ddiction.

-Q-Pasdemariagesuruncoupdek%e?

228 - Oh ! Pouviez-vous vivre ainsi ? Vous aviez besoin de l’affection de vos parents,de leur soutien...Ce n’estpas comme aujourd’hui, où les jeunes,s’ils n’ont pas le soutien de la famille, ont celui de leurs amis,peut-&tre, des copains. Ce qui pr&alait à l’epoque, c’etaitle sentimentdes parents. Maintenant, on vit beaucoup en groupes. Donc, à supposer que vos familles vous lâchent, vous avez vos copains : vous avez d’autres familles qui ne vous lâchent pas.

- Q - Si l’on prend vos condiwiples -je ne vous dèmandè pas d’établir une statistique-, est-ce que vous pensez que, dans l’ensemble, votre gt?nt?ra- tien a fait de bons mariages ?

- Oui, en gtnéral, oui ! Notre genération a fait de bons mariages,parce qu’on était instruit aussi: on avait reçu une 6ducationà la vie familiale.On nousdisait que la vie n’estpas aisee, que le mariage est une croix et qu’il faut la porter indéfiniment. On se disait : «Oh ! Sij’ai de la chance,jeserai heureuse.Si je n’ai pas de la chance,il faudra que je resteà causedes enfants». Voyez-vous, l’id6e desenfants prédominait, comme but du mariage.Donc on souffrait, maison restaitlà ; et c’estpourquoi le divorce n’&ait pastellement fr6quent.

- Q - Quand il existait, était-il très mal vu ?

- Absolument ! Tri?smal vu !

- Q - Donc, si des femmes se mariaient tard, vers 26 d 28 ans, cela veut dire que le nombre d’enfants était plus r&reint qu’aujourd’hui ?

- Même plus tot, c’était comme ça. Parcequ’en reglegénerale (je ne parle pas desintellectuelles), la femme, dèsque son enfant arrive au monde, doit s’eloigner de son mari pour donner tout sonlait à l’enfant. On pensait que les rapports conjugaux frelataient le lait - œ qui n’est pasvrai, mais c’estœ qu’on croyait. Donc les enfants n’etaient passi nombreux : on faisaitmoins d’enfantsrapprochés.

- Oui, ils étaient espacés de deux ans au moins.

- Voilà ! Dans n’importe quelle famille, vous verrez que l’espacementétait a peu pr& de deuxans. Et puis alors,je croisque maintenant,avec l’évolution, les sentiments, le cï3techarnel s’estdeveloppe beaucoup plus. Mais si les filles ont pu se dominer jusqu’à l’âge de 18 à 20 ans, elles sont rarement folles : elles se dominent, elles se maîtrisentbeaucoup plus qu’une petite de 12-14ans qui commenceles activitésgénita- lest6t

- Q - Donc il y avait, pour vous maintenir dans le droit chemin, d la fois le poids de ht famille et celui de l’éducation que vous receviez ?

- Oui, c’estça. Et la famille etait beaucoup plus solide que de nosjours, et elle n’avait pasbesoin d’autant de papiers...

229 - Q - L’&ut civil fonctionnuit4l d4jd ?

- Ça devait certainement exister. Mais on serendait compte de son existence uniquement le jour où vous deviezpasser le concourssup&ieur ou le CEPE Aupara- vant personne ne vous demandait les pièces.Je ne saispas si vous vous rendezcompte qu’autrefois, vous pouviez avoir six fils ou filles d’un même p&re qui, aujourd’hui, continuent a porter desnoms différents ! Tout cequ’on voulait, c’&ait que les gens viennent à l’&ole, et il n’y avait jamaisassez : comment faire desdifficultés ? On ouvrait grandesles portes: «Venezà l’&ole !w.Tu arrives et on te demande : «Et toi, comment t’appelles-tu?n Ou bien la personnequi t’a tenu la main pour venir à l’écoledécline ton nom, ou bien c’està toi-même qu’on le demande.Moi, je me rappelle, quand je me suis all& à l’&ole, au CPI, on a deman& mon nom et j’ai dit : - EJem’appelle Marguerite - Et ton p&re ? Il s’appellecomment ? - Mon pCre, il s’appelle Messanvi». Alors, pendant longtemps,j’ai été appelée Marguerite Messanvi...Mensavi, c’estle pr6nom de mon p&e ! C’estcomme ça que j’entendaisl’appeler à la maison...A l’école, on ne vous demandait pasd’apporter votre carnetde baptême.Tout le monde n’avait pasdecarnet de baptême. Moi j’avais le mien. Si on me l’avait demande,on aurait vu dansmon carnetque mon père s’appelaitRudolph MessanThompson. Il n+yavait pas de certificat de nationalid. Quand on avait besoin de votre acte de naissance,votre père sesouvenait que, à votre naissance,à Ts&ié ou à Aného, il y avait telle ou telle personne...,et on va trouver le maire ou le commandant de cercle pour qu’il fasse le jugement. On appelait çales «actesde notoriét6 tenant lieu d’acte de naissance».Mais, pour ceuxqui avaient le carnet de baptême, c’était facile. Moi, j’avais mon carnet de baptéme, où il y a tout ; avec ce carnet, nous sommesall& à Ts&iC où j’étais née et, avec les amis de mon p&e (comme le vieux Djabakou, et les autres), ils ont port& tkmoignage que j’étais bien n6.eà Tsévié...

- Q - Avançons jusqu’à votre vie dè jeune fil&, apr& l’école des soeuz~ Vous aimiez quund même bien sortir, aller vous amuser ?

- Oui, bien stlr.On allait danser- à pied naturellement: il n’y avait pasde taxisà Lomé, dans les ann&s 1950.On traversait la ville avec sesbeaux habits. Les hommes, pour aller danser,avaient l’habitude de porter les habits à queue. Ils s’habillaient avec toute sorte d’habits, bien plus (que maintenant, comme des Blancs ! Il y avait des chapeauxhaute-forme, etc.Ils avaient le chicde toujours mettre leur veste. On allait à Tony&iadji, à Adjangba, à pied,,et on rentrait aveclesbelles demoiselles...

- Q - Que dànsait-on ? - A côté desdanses européennes tels que tango, valse anglaise lente et valse française,marches,... il y avait aussila danseab&, qui Ctait tr6s en vogue à 1’Cpoque. D’ailleurs, c’estavec cette abék! que les orchestresramassaient leur monde dans les rues. Il y avait la rumba, les javas, qui venaient de sortir... Et on recevait aussi les disquesde Tino Rossi.Et il y avait constamment desconcours de danse.C’Ctait tr&s animé ! Alors, mon cousinm’amenait avec sesfr&es et sessoeurs ; on allait ensemble,

230 euxplus 4g& que moi qavais alors 17ans). Il ne seraitjamais venu à l’idke que œ soient descamarades dequelque part quivous y amettent.Pas du tout !

- Q - Terminons, si vous k voukz bkn, sur un d&ùl dè l?hi&i~~ de cette partie de Nytfkonakpoè, uTSFH, oi2 vous habitez maintenant avec votre mari, k Dr T&~U. Il y avait, non loin d’ici, un puits f&neu.x qui attirait beaucoup de gens de Lomé. Est-ce que vous aussi, vous veniez puiser dè Peau chez Gbado4 ?

- Comme petite fille, jy venaisdeux ou trois fois par semaine! Notre maisonse trouvait exactementla où setrouve aujourd’hui la h4’ki-&zsserie(18). Il fallait faire la cor&e d’eau a 3 heures du matin, au chant du coq, et je venais chezGbadot5 (un vieil &&niste qui avait samaison là, sur sapropriété, à ci%5de papa Creppy). A l’epoque, il y avait t& peu de gens: ici, œ n’etait que descocoteraies, avec desbouviers que les genspayaient pour y faire élever leurs boeufs (jevous parle desannees 19%30...). Il fait bien noir, à 3 heuresdu matin ! Et on avait peur desombres et de tout,...Et c’estça qui m’a galvanisk Pai œs& d’avoir peur trèst6t dansma vie ; j’ai fini par me convaincre qu’il n’y avait rien dans le noir... Vous voyez une palme avec l’ombre, de grandes ombres,comme desfantômes, avec de grandesailes... Et puis,comme vous ne pouvez pas faire autre choseque d’y aller, alors vous avez peur, mais vous finissezpar vous apercevoir que c’estuniquement cettebranche de cocotier qui vous a fait peur. Voilà qui forge le caractère pour lavie...

(18) Rtstaurant sùut tue de la Gare, à AM

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INDEX DES NOMS PROPRES l/PERSONNAGES Adigo : 153 Amou: Adigo (Mme) : 163 Anatey(Mgr) 5-12 Adjalld @mille) :4S@l,130 Anthony @mille) : 13-24 Adjalld (chef Jacob): 12,60,87,88,95 Anthony (Tiithy A) : 14,17,21,41,59 Adjama: voir Edjami? Antonio :21 Adjangba : 153 AptUo-Amah (Georges) : 37-51 Adjangba(Mme) : 114,165 Apddo-Amah (Moorhouse) : 24,67,68,69, Ad& : 101 181 Afiaviglo (Mme) : 226 Aquereburu : 71 Agama(famille):59 Armerdiig : 213 Agathonique (SC): 113 Ataklo (pasteur): 177 Agbale : 201 Atayi (Ayayi) : 67 Agbéko : 58 Atayi (Salomon): 67 AgMtiafa (Mme) : 114 Awou& (pasteur) : 173 Agb&w (E) : 181 Awutey (Fc%x): 125-143 Agbénou (Gerson) : 181 Ayih:185 Agbigbi (Kokou) : 70 Ayivi (pasteur) : 169-182 Agboka : 33,34 Ayivor (Charles) : 227 Agboka(Emmanuel) : 115-124 Baéta(pasteur Robert) : 41,181,182 Agondzé (Mme) : 57 Banza(Alomenou) : 100 Aguto:201 Barriga : 71 Ahadziesso: 207 Beawin (RP) : 109 Aholu (Andréas) : 12 Bedel(RP) : 111 Ahyi (Michel) : 73-81 Behanzin-Pietri(L&ntine) : 185 Ahyi (Paul) : 73 Beker (Mme) : 161 Ajavon (Emmanuel): 1%58 Benoît(Fr) : 111 Ajavon (Henri) : 67 Bernarda (Sr) : 107,108 Aklatxou (faille) : 114 Berton : 28 Akodd (Paulin) : 100,134 Better : 185 Aku (pasteurAndr&s) : 170,173,174,175, Billet (capitaine): 85 176,177,181 Binder (Albert) : 170 Aku(DrhCutin):lM Blanche(Sr) : 224 Akué (Mme) : 57 Bonnecarrère (gouverneur) : 39,40,41, Almeida (Franciscod’) : 12 43,55,58,62,63,93,170 Almeida-Ekue (Veronique d’) : 114,223, Boubacar (Ndiaye) : 65,67 224,225 Bourgine (gouverneur) : 44 Amkdjogbd (Isabelle) : 113 Bozi : 16 Amegan: 114 Brenner : 48,127 Ameganvl (Louis) : 61 BreMer-von Doering (Louise) : 114 Amegbor : 58 Brimbusson(Dr) : 153 Amegee(Louis) : 110 Broderick (Mgr) : 111 AmEs(Mme):57 Bru (Mme) : 147 Amorin (cesar) : 71 Bücking(RP) : 107 233 Bürgi (pasteur) : 174,175 Eyadhna (gthhl) : 192,194 cllmpos(Mmede):225 Faure (pasteur) : 175 Mile (gouverneur) : 143 Fïadjoe (Dr) : 122,152 Cessou(Mgr) : s, 14 11,109,110,111,11~ Fnwoo (Gilbert) : 181 114,213,214 Fti (RP Wrard) : 10 ClKlbert(RP):111 Fraruisca(Sr) : 107 Champion : 72 Frdau (Henri) : 42 Chavenon (Dr) : 147,148 Fumey(Mme) : 161 Cl&menœau: 46 Funke (pasteur) : 180 Coco (Dr Hospice) : 122,147 Gaba-Amorin (Patricia): 219 Corre : 79 Gallican (h4&re) : 113,212,213,215,219, Couchoro (Ft%x): 228 224 Creppy : 231 Garnier : 74 crepw (Mme) : 225 Gaulle (g&&al de) : 18,46,50,133 DaSylva(Mlle):225 Gbadago : 87 Dadji (chef) : 201 Gbadoe (Paul) : 15,231 Dalaise(capitaine) : 84 Gbtklé (Robert) : 127 David (Me) : 24 Gbikpi : 12 De Gaulle : voir Gaulle(de) Gbikpi (RP Jean) : 10,105114,174,217 De Souza: voir Souza(de) Géraldo (Nassirou) : 67-72 Decouhlre (commandant): 63 Gérard (Fr) : 111 Dekpo (Estienne): 83-92 G&ard (RP) : 111 Dier (RP) : 107 Germana(Sr) : 213,224 Digo (gouverneur) : 143 Giboum (Dr) : 116 Dingelrietter (Mlle) : 86 Gardon : 110,213 Dionysius(Sr) : 224 Gordonville : 18 Djabakou : 71,149,230 GrWer (Hans) : 39 Djéri (Gbati) : 72 Guise (gouverneur de) : 41,43,44 Djondo (Andti) : 12 Gustave : 16 Doe BruceOnissa @aura) : 113 Hédegbé : 59 Doering (gouverneurvon) : 114 Heissude : 91 Dogbe Liggie :200 Herdieux (Mme) : 69 Dogli (RP Anastase): 10 Hermann (Mgr) : 111 Dosseh(Casimir) : 111 Hervouet (RF’) : 112 Doseh (Alex) : 111 Hitler (Adolf,) : 7 Dosseh(Robert) : 111 Hofhnann (RP) : 108 DotseKoumani:m Honassou: 61 Duveau : 79 Huedako (Ambroise) : 39 Edjami?: 21,22 Hurnmel (Mgr) : 8$X3,109 Edorh (Godfried) : 28 Hunkpati (Louis K.) : 39 Edorh (Dr J&l) : 71,147 Hunt (Mme) :57 Ehodu:2al lmbert (Robert) : 55 Edy: 17 Jschyrion(Sr) : 113,212,213,224 Eklu-Nathey (Gabriel) : 25-36 John-Ayi (Marie) : 223 Ekuk (Martin) : 24,72 Johnson (SamuelK) : 69,122,147 Eqlagoo : 21,199,200,2Ol Judith (Sr) : 113 Essien: 181 Julie-Louise (Sr) : 215,215,216

234 Kekeh (Dr) : 123 Minet0 (Louis) : 30 Bocuh (Mme) : 161 Montagne (gouverneur) : 45,46,50 KIomegan : 88 Moran (Dr) : 153 Kodjo-Thompson(Mme) : 114 Moutet (Marius) :64,68 Kombelota (Pierre) : 101,103 Müller (RP) : 105,111 Kossivi-Benissan(Mme) : 211 Nachtigal (Gustav) : 204 Kpade (Robert) : 83 Nomenyo (pasteur) : 173 Kpadenou : 153 Noutary (gouverneur) : 143 y& cymT2Z : 10 Occansey: 139 Qdulphe (Fr) : 111 Kpodai (Josepe& 93-103 Ohin (Dr) : 152,158 Kponton (Mme) : 161,166 Ollier (RP) : 111 Kpotsm(Dr) : 123,158 Oloff : 17,21 Kpotsra(pasteur E) : 173,176,177 Olympia (Qctaviano) : 12,59,89,90,105 Kpotsra(pasteur G) : 177 Olympio (Pedro) : 122,147 Krüger (Ernest) : 39 Olympio (Sylvanus): 134 Krüger (Mme) : 211 Osseyi: 72 Kutsanu: 200 Pablo(Mme) : 113 Kwakume (RP Henri) : 9,10,111 Pelophie (RP) : 83 Kwami (Laurent) P&ain : 18,46 Lapessonnie(Dr) : 116 Petit (inspecteur): 137 Lavaissiere(Mme de) : 149 Petit(Dr) : 147 Lavwon (famille) : 59 Piquelin : 188 Iawson (Dr Amen) : 153 Politzer (Dr) : 115,116,117 Lawon (Anna) : 163 Quashie: 127 Lawson(Olga) : 211,217 Quist (pasteur): 176,177 Lawson (‘I%%i Denis) : 110,213 Randolph (Léopold) : 55,67 Lawon-Mensah (Berthe) : 185 Rewe (major) : 109 Ledis( 112 Reyman(RP) : 108 Le Goff (Mme) : 185 Riebstein(RP) : 105,loS, 109,110,111,112 Leponcin (Dr) : 147,148 Rimh(RP): 111 Lescanne: 84 Sanvee(Dr) : 158 Lissassi(Mme) : 227 Schaeffer (RP) : 105 Lit:91 Schlegel(pasteur) : 170 Lot-ne: lq149 Sergent(capitaine) : 55 Lot (Dr) : 147 Shalley:58 Louis(Fr):lll Sinzoga: 71 Maillet:28 Sitti (Jean) : 53-66 Maître (pasteur) : 173,175,1&0 Sivomey(Mme) : 72183197,223 Mama (Fous&) : 67 soboua : 71 Margareta(Sr) : 107 Souza(famille de) : 5,139 Marqueissac(Dr de) : 45 Soum (Antonio de) : 201 Martet (Jean) : 86,95 Som (Augustino de) : 12,41,59,102,226 Melanie (Sr) : 113,224 Souza(Dot& de) : 199210 Messan(Athanase) : 86 Souza(Mme Faustinede) : 67-72 Mikem (Dr) : 145-159 Souza(Felicio de) : 12,41 Mikem (Mme) : 152,155,161-167 Souza(F. Fehx de, «Chacha») :201

235 Souza(Henri Mensa de) : 204,205,206 Tsri Dapensu : 201 Souza (Kodjo Joseph de) : 205 Vande (Mme) : 57 Souza (Kodjovia de) : 201,202,204,206 Van Lare-de Medeiros (Louise) : 185 Souza (Kwaouvi de) : 102 Verne : 68 Souza (Zidou de) : 199-210 Vincent-Marie (Sr) : 113,213,215,224 Steinmetz (Mgr) : 109,111 Vinœntia (Sr) : 107 Strebler (Mgr) : 10, 11,12 Vovor (Dr) : 123 Tavera : 79 Westermann (pasteur) : 171 Telagan : 213 Williams (G.B.) : 203,204 Terrien (Mgr) : 111 Wilson-Ofympio (Mme) : 161 lhompson (Messan) : 230 Wogormebu : 203 Thompson-Trenou (Marguerite) :114, wolf (Dr) : 91 21 l-231 Wolf (pasteur) : 170 Tokou (Michel) : 67 Wood (Anna) : 163 Trenou (Dr) : 122,231 Yebovi (Dr) : 90,91,147 Tridji : SS ZiXler (Hugo) : 203 Tsipohor : 200

2/NOMS DE LIEUX ET D’ETABLISSEMENTS A LOME

Ablogamé : 203 Bohn (kcole) : 64,6& 70,71 Adawlato : 14,15,53,113 Bonnecarrère (ly&e) : voir «Petit-Da- Adidogome : 21 kar» Adjangba (dancing) : 140,217,230 Boubacar-Ndiaye (ecole) : 24,65,68 Adoboukomé : 95,129 «Brother Home» : 8,55,106,112 Aguiarkome : 14,53,154 Cassablanca : 195 Ahanoukopé : voir Hanoukopc! Cathedrale:6,8,11,16,56,71,141,213, Albert-Sarraut (avenue) : voir Presi- 214 denœ (av.) Cathedrale (écoles de la) : 9,11,25,54,61, Amoutive : 11,12,26,38,53,87,106,129, 91,106 131,178,1s& 201 Champde-course (rue du) : 59, SS Amoutive (@lise d’) : 12,29,95,129,195, Chemin-de-fer (rue du) : 40,58,149 214 CHU : 86, !Xl, 11% 119,120,146,147, AmoutM (toute d’) : 55,139,148 149-152,154,157-159,164-l& Anagokome : 14,15,53,107 Circulaire (boulevard) : 6,49,59,100,129, Aneho (route d’) : 24 130,159, lss, 206 Aniko-Pallako (rue) : 139,148 Commerce (rue du) : 6 Archevéché : 8,9,106 Cours complementaire : voir Petit-Dakar Assigamne : 14,16,55, SS, 5% 19& l%, 197, Douanes (direction des) : 125,128 199,226 Doumasséssé : 195 Assivime/Assivito : 14,15,53,61,195 Ecole : voir au nom Atikpodji : 1% Ecoles evangéliques : voir Mission de Bi? : 11,21,77,101,10& ‘106,170,178,188, Brême 191,193,1% Ecole professionnelle catholique : voir B&iglato : S, 14, SO, 91,115,185 «Brother homb

236 Eglise (rue de 1’): 5 Neems (av. des) : 40 Foch (av. du marechal) : 9,16,17,58,170 New-Sierra-Leone : 203,204 Forever : 194 NicoIas-Gnmitzky(av) : 60 France (ruede) : 139 N#konakpoe : 11,15,38,48,59,178,188, chwni (Ne) : 13 191,2#,231 Gbadago: 87,88,120 Gctaviano-Nétime: 49,60 Gbadoe (chez) : 15,231 Pade-Souza: 101 General-de-Gaulle (avenue) : 17,75,81 «Petit-Dakar» : 38,55,72,157,183,184, George-Mensah(rue) : 187 223 Gouverneurs (palais des) : 17,40,42,44, Petit-marche: voir Assivime 45,58,81 Poudr&e (&ole de la) : 19,2l,lClCl Goyi Score : 16,40 Pr&dence (av. de la) : 17,40,41 Grand-marche: voir Assiganme République (Bd. de la) : 100,205 Grand-marche(rue du) : 6,17 Route-d’AnCho (ecole de la) : 64,67,68, Habitat (‘Iokoin) : 115,120,121 69,70,139 Hanoukope : 6,11,13,21,49,53,87,88, Saint-Augustin: voir Amoutive (Qise d’) 131,139,173,187,1ss,195 Saint-Joseph(cohege) : 11 Hedzranawoé : 11 Saint-Miche1(marche) : 1% HoIIando : 10,41,70,106 Sanoussi(école) : 24,65 H6pital (ancien) : 16,80,118,122 Sarakawa(av. de) : 40 145-147,149,150 Soeurs de la Plage (&ole des) : 8,9,11, Houphouët-Boigny (Bd) 13,107,112 113,211,215-219 Kagnikopé : 48 SGGG : 13,61,149,1% Kodjoviakope : 11,193,199,201,202,204- SNI:38,61 207 SouzaNetime : 101 Kokéti (rue des) : 11,58,75,81 Temple : 172,173,181 Koketime : 11,13,14,58,107,148,173 Thiers (av.) : voir Lib&ation (av. de la) KpalimC(route de) : 150,155,191 Tokoin : 11,78,86-89,118,120,146,150, Libération (av. de la) : 9,187 154,159,188,194,1% Iom-Nava : 2649,178 Tonyeviadji (dancing) : 41,69,139,140, Maman-Ndanida (av.) :voir Mission(rue 217,230 de la) TSF : 15,16,59,231 Marina :voir Republique (Bd de la) UNELCO:23 Marius-Moutet @ole) : 15,24,64,68,125 Victoire (av.) :voir av. de Sarakawa Maroix (rue du Lt.-col.) : voir rue desKo- Vingtquatre-Janvier (av. du) : 16,58,76 keti Wetrivikondji : 21,59,87 Mission(rue de la) : 811 Wuiti : 195 Mission de Brême (Ccoles): 23,56,171, Yovokome : 17,53,116 173,178 Zongo : 3a,53,129

3/LIEUXHORSLOME Abidjan (RCI) : 79,95,191,226 Adéta : 10 Abomey(Bénin) : 73,201 Adjido : 10,54,105,106,107,201 Accra (GH) : 18,33,34,43,47,149,202 AtliiO:78,204 AdatIanu (GH) : 21,3O,199,201,2tB Agbanakin : 100 Adangbe : 25,35 Agbelouvé : 99

237 Agbodrafo : 13,145 Kara : 44,45,145,161 Agbozume (GH) : 201 Keta (GI-I) : 21,111,169,170,174,199,200, Agobnyive : 11,58 204,214,219 Agou : 9,111,125,143,170,177 Kete-Kratcbi (GI-l) : 109 Agou-Nyogbo : 175,177 Kindia (Guinée) : 117 Agoué (Bénin) : 30,83,161,218 Kloto : 131,174,177 Agouegan : 227 Kolokopé : 79 Aképé : 9 Kpalime : 5,8,9,10,13,55,61,62,81,111, Akossombo (GI-I) : 169 125,140,142,143,176 Akposso : 174 Kpandu (GH) : 109 Amedzopé (GI-I) : 169,175 Kpémé : 99 Alhlll6:72 Lagos (Nigeria) : 53 Aného : 5,6,8,10,37,38,40,53-55,57,58, Lama-Kara : voir Kara 62,63,84,100,105,106,108,109,112,130, Lebe : 87 155 154,156,183,1~ 189,201,230 Libreville (Gabon) : 95 Anfoin : 93,100,189 Mandouri : 138 Anyako (GI-I) : 21,169,170 Mango : 72.,116,137,166 Atakpame : 5,9,10,50,55,64,71,79,85, Mission-Tové : 169 109,115,116,125,174,175,177,179 Nano : 72 Attitogon : 150 Ndoungue (Cameroun) : 176 Avépodzo : 170 Noti : 79,169 Aveve : 100 Ouidah (B&ut) : 9,10,11,30,111,201 Bal20 : 138 Pagouda : 45,138,145,165 165 Baguida : 117,202 Peki (GI-I) : 169 Bamako (Mali) : 162 Pointe-Noire (Congo) : 95 Bingetille (RCI) : 67,79 Port-Gentil (Gabon) : 95 Bismarckburg : 91 Porto-Novo (Bénin) : 30,44,67,72,73, Blitta : 50,80,85,143,161 125,157,176,183,223 Bobo-Dioulasso (Burkina F.) : 191 Porto-Seguro : voir Agbodrafo Bouake (RCI) : 79 Rufisque (Sénegal) : 183,184,185,224, Brazzaville (Congo) : 133,187,225 =%=6 Cotonou (Benin) : 83,95,194,214 Savalou (Bénin) : 67 Dalwu (RCI) : 67 Sébicotane (Sénégal) : 67,157,158 Dakar (S&u$@) : 69,72,79,123,136,153, Sokode : 11,6O, 64,85,143,161 157,158,161,104,184,225 sotouboua : 79 Dapaong : 44,72,80 Tabligbo : 154 Denu (GH) : 47,110,199,2.04 Togoville : 9,83,105,106 Djibouti : 117 Tsévie : 25,35,211,230 Ganave : 189 Vogan : 10,111,154,227 Gbi-Bla (GI-I) : voir Hohoé Vokoutime : 227 GIidji : 83 Voha Region (GI-I) : 174,175,177 Gobé : 175 Waya (GH) : 169,174 Grand-Popo : 30 Yaoundé (Cameroun) : 176 Ho (GH) : 5,109,169 Yendi (GI-I) : 109 Hohoé (GI-I) : 8,9,10,109 Zébe : 55,166 Kambold : 191

238 SI LOME M’ETAIT CONTEE .. .

Tome I

TABLE DES MATIERES

Introduction ...... 3 l- Le doyen des prêtres catholiques : Mgr ANATEZY ...... 5

2- Une vieille famille de Lomé : les ANTHONY _...... 13

3- Un artisan maçon : M. EKLU-NATEY _...... 25

4- Un fonctionnaire et homme politique : M. APEDO-AMAH _...... 37

5- Un enseignant : M. SIlTI “...,...... , 53

6- L’école de la route d’Aneho : M. GERALD0 et Mme de SOUZA -.... 67

7- LesarbresàLome:M.AHYI _...... 73

8- Les chemins-de-fer du Togo et le quartier Gbadago : M. DEKPO _.. 83

9- Le wharf de Lame : M. KPODAR _...... 93 lo- Les kcoles catholiques et les missionnaires : RP GBIKPI-BENISSAN -...... 105 ll- Un inhrmier d’Etat : M AGBOKA -...... 115

12- La fonction publique et la naissance du syndicalisme : Ma AWOUTEY I...... 125

239 l3 Les hôpitaux de Lomé et l’un des premiers médecins togolais : DrMlKEM -...... 145

14 Les sages-femmes : Mme MIKEM I...... ,...... 161

15- L’Eglise évangélique : Pasteur AYIVI -...... 169

16 Du «Petit-Dakar» à la mairie de Lame Mme SIVOMEY -...... 183

17- Le quartier Kodjoviakopé : MM. de SOUZA - ...... 199

18 L’éducation des jeunes filles : les anciennes élèves des soeurs de Notre-Dame-des-Ap&res : Me THOMPSON-TFCENOU -...... 211

Index des noms propres ...... 233

240 --“-* i-“..- .-

I__ L 9

S P E 2 1

31401 3a 3lllA Vl 1: Palais du gouverneur. 2 : Présidence de la République. 3 : Hôte-l Le Bénin. 4 : Ancien palais de Justice. 5 : “Goyi Score”. 6 : Temple Apégamé. 7 : Archevéché. 8 : Cathédrale. 9 : Grand-marcbé. 10 : Ancien dan&g Tonyeviadji. 11. Ecde de la route d’Ané%a 12 : “Holhudo” (première mission catholique). 13 : Ecole des Soeurs de la plage. 14 : Ancien danchg Adjangba. 15 : Ecole Boubacar N’diaye. 16 : Eglise Saint-Augustin d’Amvutiv& 17 : Ecole évangélique de Kokéthné. 18 : Ecole professionnelle catholique. 19 : Centre culturel français. 20 : Poste centrale. 21: Ancien lycée Bonnecarrère (ENA) ; 22 : Ecde Bohu. 23 : S.N.I. 24 : Ancien petit- marché. 25 : “SGGG”. 26 : Ecde Marius-Moutet 27 : Ancien hôpital Reine-Charlotte. 28 : Direction des Douanes. 29 : Hôtel du 2-Février. 30 : Palais des Congrès (ex-RPT). 31: Gare. 32 : Hôtel de ville. 33 : Puits Gbadoè. 35 : Wharf allemand. 36 : Whad français.

_ __- -- - -.- -I ~ -.__ _ __I _.__ .__ ^_ _ .“- .-_.. ~. _ .” _. __ _ -. - _. - s. _ _ _ - _ ._ _...... ^_._._ -..- _,I __ ^._ _. . _s. _.” -.--s --.- PLATEAU DE \\ .i II II ‘11,.

ANTHONY NETIME

?yy-77-‘:’ ” :;. .:, Hbtels de ,a--,x ::‘:: .,,;. : .’‘. .‘. .,‘. et Sarakawa

;tN i Ht - VILLt orstcfll ,1992 ISBN 2-909886-01-8

Achevé d’imprimer sur les presses de l’Imprimerie C.T.C.E. B.P. 378 Lomé - Togo 4ème trimestre 1992