Articles, Emmanuel N’A Pas De Famille ! C’Est Quelque Chose Que Je Supporte Très Mal S’Exclame Sa Mère Françoise

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L'en-même temps de l'image en marche Le portrait officiel Cette étude du portrait officiel d'Emmanuel Macron1 se propose d'actualiser les liens entre image et pouvoir. Si ces liens sont le fruit d'une construction ontologique, ils ne sont pas figés pour autant. L'effectivité particulière du pouvoir macronien reposerait d'abord sur ce que l'on se propose de nommer l'en-même temps de l'image. L'ambiguïté idéologique de Macron, reposant sur un braconnage d'idées de droite et de gauche, aurait été largement supportée par une ambiguïté iconique. Le candidat s'est appuyé sur sa carrière de banquier d'affaires chez Rothschild pour forger l'image d'un homme disruptif, au-delà des clivages politiques classiques. Une fois élu, la construction de son image officielle montre bien la statique et l'autorité du pouvoir de l'image et de l'image du pouvoir. « Macron a fondu un modèle absolutiste en un cadre où tous les codes et habits de la modernité conquérante étaient reproduits, du corps idéal au costume bien taillé en passant par l’humeur constante, l’ambition démesurée et l’incapacité à l’échec, et ce en une époque et une société où ces prestations ont une fonction ordonnatrice écrasante, le tout sans pour autant renoncer au moindre des attributs du pouvoir classique, tel que cela aurait dû lui être exigé, et que lui-même le promettait2» (Juan Branco). L’élection de 2017 marquerait ce moment où la politique aura définitivement été dévoyée, réduite à une gestion d’entreprise, où l’image ne serait supportée que par une infrastructure marketing, où le corps politique ne serait qu’une coquille vide. Cependant, les changements opérés par Macron ne sont pas tant imputables à sa personne qu'à des changements sociétaux globaux. L’élection et la présidence d’Emmanuel Macron n’auraient fait qu’accélérer des phénomènes qui se manifestaient déjà mais qu'il aurait assumés sans vergogne et essentialisés. Dans le système global, l’image ne jouerait plus un rôle de représentation mais se constituerait en un environnement total qui tiendrait lieu de réalité. Ce décor totalisant masquerait le véritable lieu de la gouvernance qui se situerait dans l'organisation technique du monde. Si l’État peut avoir un rôle régulateur, la politique macronienne se range du côté du système technique. La politique d’Emmanuel Macron porte l’idéologie du progrès technique dont on cherche pourtant le sens aujourd’hui. Macron n’a pas le monopole de la technocratie ni celui de la technophilie mais rompt néanmoins, en la matière, avec les dirigeants qui l’ont précédé. Il s'agit alors de considérer l'image en marche dans un système plus vaste dont elle ne serait qu'un rouage. Se restreindre à une analyse de la symbolique du portrait semble insuffisant. Le portrait peut-être analysé comme une image éminemment technique (liée à un appareillage et un dispositif photographique qui rompt avec celui de ses prédécesseurs, et à l'apparition de symboles du capitalisme technique) et dont la portée n'a de valeur que par le système qui la supporte (sa circulation physique et numérique). Il faut envisager que le corps de l'image et le corps de Macron par l'image incarnent le stade suprême d'autonomisation de la technique : la cybernétique. En cela, la technique le gouverne autant qu'elle nous gouverne. Cette analyse du 1 « Macron » ci-après. 2 Branco, Juan. Contre Macron. Éditions Divergences, 2018, p.125. 1 portrait se propose donc de soulever les problèmes politiques que posent l'image et le pouvoir à l'ère du capitalisme avancé. * Le portrait officiel de Macron s'inscrit d'abord dans une tradition excessivement classique et verticale de l'incarnation du pouvoir en France. Dans la plupart des démocraties européennes aujourd’hui, les « deux corps du roi3 » sont séparés : d’un côté un(e) monarque ou un(e) président(e) sans pouvoir décisionnel, un premier ministre de l’autre. Par là, ces régimes ont voulu protéger leurs incarnants en les éloignant des processus décisionnels. La société française a pris un risque différent, en mêlant pouvoir de représentation, d'incarnation et gouvernement. La Constitution de 1958 s’inscrit dans une continuité culturelle et institutionnelle avec l’Ancien Régime. Si le pouvoir et l’image entretiennent des liens indissolubles, la structure du régime politique français renforce ces liens en confiant au président l’incarnation et l’exécution du pouvoir. La Constitution a permis une incarnation forte du pouvoir par l’intermédiaire de son bâtisseur, le général de Gaulle dont la figure émerge comme épicentre de l’univers symbolique républicain. Macron a, sans doute, voulu résoudre la crise de la représentation entraînée par la présidence « normale » de François Hollande. C’est en rédigeant un travail sur Machiavel sous la direction d’Étienne Balibar, qu’il aurait abandonné la métaphysique pour la philosophie politique. En 2015, alors ministre de l’économie, il répond à une question sur la démocratie en affirmant que « la démocratie comporte toujours une forme d’incomplétude, car elle ne se suffit pas à elle-même. Il y a dans le processus démocratique et dans son fonctionnement un absent. Dans la politique française, cet absent est la figure du Roi, dont je pense fondamentalement que le peuple français n’a pas voulu la mort4 ». Très tôt, Macron a affiché son attachement à la verticalité du pouvoir. Une fois élu, son portrait officiel a permis de donner la couleur de sa vision politique. La puissance du portrait officiel tient d'abord intrinsèquement à la puissance de la représentation. Louis Marin dans Portrait du roi5 donne deux sens au mot « représentation » du pouvoir à l’âge classique : une valeur de substitution et une valeur d’intensification. Représenter c’est d’abord exhiber, exposer devant les yeux, intensifier, redoubler de présence. Représenter sera toujours se présenter représentant quelque chose. Le préfixe -re a ici une valeur de substitution. Quelque chose qui était présent mais ne l’est plus est maintenant représenté. La tradition française d’afficher le portrait officiel du président dans les mairies illustre l'effet de présence de la représentation. Par ailleurs, « pouvoir c’est instituer comme loi la puissance elle-même conçue comme possibilité et capacité de force6 » mais qui ne s’exerce ni ne se dépense pas forcément (L. Marin). Ainsi, le dispositif représentatif opère la transformation de la force en puissance, de la force en pouvoir. La représentation est donc un moyen de signifier la puissance qui n’est pas démontrée. À ce titre, sur le portrait officiel de Macron, deux drapeaux sont soutenus par des faisceaux de licteurs dorés que l'on retrouve aussi sur l'emblème de la République Française. À l’origine, il s’agit d’un objet de nature symbolique porté par le licteur, officier au service des magistrats sous la 3 Le roi posséderait deux corps : l’un mortel, humain, soumis aux aléas du temps, et l’autre immortel, permanent de l’État. E. H. Kantorowicz analyse le fonctionnement du modèle politique monarchique comme transposition du modèle eucharistique. Kantorowicz, Ernst Hartwig. Les deux corps du roi : essai sur la théologie politique du Moyen-Âge. Gallimard, 1989. 4 Propos recueillis le 8 juillet 2015 dans le 1 Hebdo. 5 Marin, Louis. Le portrait du roi. Éditions de Minuit, 1981. 6 Ibid. p.11. 2 République romaine, pour exécuter les sentences. Il symbolise l’imperium, le pouvoir de contraindre et de punir. Les drapeaux sur le portrait répondent à la tension de son corps, par la position de ses bras « armés » et à ses mains veinées resserrées sur le bureau. La représentation met la force en signes, il faut juste que les signes soient vus pour que l’on croit en la force. La représentation agit donc par ses effets. Par l'image, Macron lie pouvoir d'incarnation et pouvoir d'exécution. Dans le portrait, la puissance recherchée par la représentation est décuplée par le déploiement délirant d'une symbolique sans égale dans l'histoire républicaine. Macron s'appuie littéralement sur le bureau Louis XV en acajou et sur les objets qui y sont posés : l'horloge de la salle du conseil des ministres, l'encrier coq en or, Les mémoires de Guerre du Général de Gaulle notamment concernant la symbolique républicaine. L'autorité de cette représentation solennelle et verticale de l’incarnation républicaine est redoublée par la tyrannique symétrie de l'image appuyée par la dualité des éléments : drapeaux, encrier et horloge, téléphones, alliance, fenêtres etc. Au centre de cette symétrie, la personnification excessive de son statut à l'image, l'aplomb de son corps et la frontalité de son regard construisent la figure d'un président « jupitérien7 » et laissent entrevoir une affirmation égotique qui pourrait faire siennes les premiers mots des Confessions de Rousseau : « Je veux montrer à mes semblables un homme dans toute la vérité de la nature ; et cet homme, ce sera moi. Moi seul. Je sens mon cœur, et je connais les hommes. Je ne suis fait comme aucun de ceux que j’ai vus ; j’ose croire n’être fait comme aucun de ceux qui existent. (...) Être éternel, rassemble autour de moi l’innombrable foule de mes semblables ; qu’ils écoutent mes confessions, qu’ils gémissent de mes indignités, qu’ils rougissent de mes misères. Que chacun d’eux découvre à son tour son cœur au pied de ton trône avec la même sincérité, et puis qu’un seul te dise, s’il l’ose : je fus meilleur que cet homme-là.8 » Le dispositif scénographie et photographique préfigurent une gestion politique autoritaire. Tandis que la plupart de ses prédécesseurs avaient commandé leur portrait à des photographes-auteurs, Macron a choisi de confier l’image à sa jeune photographe de campagne, Soazig de la Moissonnière, qui l’a vraisemblablement exécuté plus que réalisé.

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