En Passant Par DUERNE Toutes les informations contenues dans ce livret sont issues d’archives départementales ainsi que d’écrits de divers ouvrages dont les titres ou les auteurs sont à chaque fois cités. Vous trouverez des textes qui ont fait l’objet d’un long travail de recherche sur des événements qualifiés d’historiques et d’autres qui relatent des histoires véhiculées par la mémoire collective. L’objectif de ce recueil est de susciter l’intérêt du lecteur sur ce que l’on croit savoir de l’histoire et du patrimoine duernois. Alain GERIN Jacques Rivoire est un des fondateurs de l’Araire. Il a consacré cinquante ans de sa vie à un immense travail d’historien sur le Pays Lyonnais. Dans son livre ‘’Soucieu en Jarez et ses environs’’ un chapitre est dédié à la Poste aux chevaux de Duerne. Grâce à ce travail de recherche, nous connaissons aujourd’hui cette famille Presle qui pendant un siècle a été chargée d’assurer le transport et l’hébergement de voyageurs en diligence. Nous apprenons aussi beaucoup sur Duerne, sur ses habitants. Leurs vies furent rythmées par des chamboulements révolutionnaires et soubresauts incroyables ; une instabilité politique des plus confuses et une insécurité chronique. La famille Presle Antoine Presle, père de : Ivan Presle, père de : Claude Presle, père de : François Presle, 1er maître de Poste, père de : Marguerite Presle, épouse de Fleury Chantre, parents de : Anne Chantre, épouse de Claude Peyrachon, dernier maître de Poste, *Fleury Chantre étant l’aïeul à 5 générations de Jacques Rivoire. Fleury Chantre père de : Jean Marie Chantre, père de : (et frère d’Anne Chantre, l’épouse de Claude Peyrachon) Marguerite Chantre, mère de : (et épouse d’Antoine Assada) François Assada, père de : Anne Angèle Assada, mère de : (et épouse de Maurice Rivoire) Jacques Rivoire LA POSTE AUX CHEVAUX (Jacques Rivoire auteur de : ‘’Soucieu en Jarez et ses environs’’ - Edition 1995) Village haut perché, formant une sorte de col entre Forez et Lyonnais, Duerne fut depuis longtemps un lieu de passage. C’est là que vivaient les ‘’Presle’’. Les archives paroissiales témoignent de leur présence vers 1650 : « Le 19 juillet 1674, baptême d’Ivan Presle, fils d’Antoine Presle, hôte de Duerne et de Madeleine Métra. Le parrain a été Ivan Garin, bourgeois de Lyon et la marraine Marguerite Métra ». Dès lors il est facile à travers les actes de naissance ou de décès, de retrouver la généalogie de la famille. La fonction d’aubergiste reste d’ailleurs héréditaire : on trouve plus tard un Claude Presle, marchand et aubergiste à Duerne, puis le sieur François Presle aubergiste au bourg. Vers 1770, un grand événement vint bouleverser la vie monotone du village. L’intendant de la Généralité du Lyonnais décida de faire ouvrir la grande route qui joindrait Lyon à Bordeaux à travers le massif central. La première étape de Lyon à Feurs, passait à Alaï, Yzeron, Duerne, les Halles-Fenoyl et Saint Martin Lestra. Une fois la route établie, il fallut installer dans chaque village-étape un relais de poste où l’on pourrait trouver des chevaux frais. A Duerne ce fut François Presle qui obtint la charge de Maître de Poste. Ils étaient environ 1400 en France et possédaient de nombreux privilèges : Exemption de certains impôts, suppression de la corvée, droit de ne pas loger les soldats de passage, etc. Le maître de poste portait un uniforme de drap bleu roi, avec collet écarlate, veste unie à la française, culotte, gros et petits boutons aux armes du roi. Les postillons avaient eux aussi un habit de commande et portaient bracelet de cuir aux initiales de la poste. Du coup, l’ancienne auberge devint top petite. François Presle fit construire, au centre du bourg, une immense bâtisse qui portait à son fronton la date de son achèvement : 1776. Une vaste écurie permettait de loger au moins 8 chevaux, chambres et salles servaient à recevoir les voyageurs, Un grand buffet chargé de plats d’étain couvrait le fond de la cuisine d’auberge, près de la cheminée où pendait la marmite de cuivre. Un immense abreuvoir de pierre placé à l’entrée de l’écurie, était utilisé pour faire boire les chevaux. On avait capté une source pour l’alimentation en eau et un conduit creusé dans le tronc d’un buis amenait l’eau de la montagne jusqu’à l’intérieur de la maison. Mais François Presle était encore garçon ; il lui manquait femme pour donner vie à ce nouveau logis. Cela ne tarda guère, et en 1781 le maître de poste épousa Marguerite Peillon de Soucieu. Ce furent alors pour la famille Presle de belles années de prospérité. Une statistique dressée en 1788 signale François Presle comme le plus gros propriétaire du pays. Il possède 3 domaines qu’il fait valoir par fermier, son auberge, ses chevaux de poste Auprès de lui, la noblesse locale fait plutôt piètre figure. Cette statistique fournit par ailleurs quelques renseignements intéressants sur le village : « Duerne, 317 communiants ; 90 feux ; 49 propriétaires ; 17 fermiers ; 24 locataires ; 34 pauvres à l’aumône ; Terre, prés, bois et broussailles, quelques prés passables et le reste très mauvais. La dime se perçoit sur tous les grains on donne la 14e gerbe. Hameaux importants : Pitaval, le Blanc ». Trois enfants naquirent au foyer de François Presle : Magdelaine, Marguerite et Antoine. Deux seront emportés par une épidémie en 1789. Seule survivra la petite Marguerite, née en 1784. La tourmente révolutionnaire approchait et sa vie entière dut être marquée par les rudes événements qui bouleversèrent son enfance. En 1791, les habitants de Duerne défendirent vaillamment leurs idées. Une fois passés les premiers moments de liesse en 1789, dès que la Constitution Civile du clergé eut désorganisé le culte catholique, ils manifestèrent franchement leur hostilité au mouvement révolutionnaire. Pour commencer, ils refusèrent de recevoir le nouveau curé constitutionnel ; puis, celui-ci étant arrivé de force, ils édifièrent dans une grange un nouveau lieu de culte où l’ancien curé, Monsieur Calemard, continuait à célébrer la messe. Par contre, le curé constitutionnel, devant la mauvaise volonté des habitants, dut déloger, et il écrivit au Directoire Départemental force lettres violentes contre ses paroissiens. En septembre 1792, les autorités révolutionnaires décidèrent l’envoi de troupes dans les villages rebelles ; à Duerne quatre prêtres réfractaires furent découverts dans le village ; l’autel construit dans une grange fut détruit par les soldats, un membre de la municipalité fut arrêté. C’est sans doute au cours d’une expédition de ce genre que François Presle fut mis en état d’arrestation : le fait d’abriter des prêtres réfractaires était un motif suffisant pour être incarcéré. Une tradition orale conservée dans la famille Chantre, raconte que François Presle aurait été emmené à Feurs. Son épouse serait alors allée trouver le représentant du peuple Javogues, « Le Néron du Forez », pour lui demander la délivrance de son mari. Javogues lui aurait demandé : « Es-tu une bonne sans-culotte ? » Et de répondre : Meilleure sans-culotte que toi ! » En relevant sa jupe jusqu’aux genoux. Cette réponse pleine d’humour aurait amusé le révolutionnaire et entraîné la libération de Presle. Ce qui est certain c’est qu’en mars 1793, les habitants de Duerne se signalèrent dans leur hostilité à la révolution par un acte peu banal. Devant désigner 5 soldats pour les armées nationales, ils procédèrent à un vote public et désignèrent cinq fameux révolutionnaires avec à leur tête, le curé constitutionnel, M. Ballyat. Les actes municipaux de cette époque ont été conservés ; ils sont écrits de la main de François Presle qui était procureur de la commune de Duerne, c'est-à-dire l’homme d’affaires de l’Assemblée Municipale : « Tous les garçons de la commune, écrit-il, se sont assemblés en Maison Commune afin d’exécuter les lois sur le recrutement des soldats, suivant la lettre envoyée par l’administration qui ordonne d’assembler les garçons et veufs sans enfants. Le citoyen Pierre Ballyat, curé constitutionnel est venu à l’assemblée se cherchant des excuses qu’il n’était point sujet à tirage avec les garçons et en troublant la réunion. Au scrutin, le citoyen Ballyat a obtenu 33 voix, il a été proclamé soldat ». Furieux de se voir ainsi berné, le curé Ballyat envoya aux autorités une lettre de protestation et de dénonciation : « les paroissiens de Duerne sont tous aristocrates, à l’exception du Maire, du Procureur de la commune et de P. Chervolin qui sont des patriotes et encore qui n’osent pas parler devant les fanatiques… ». Il raconte ensuite les mauvais traitements qu’’il a subis: le boulanger refuse de lui vendre du pain, on l’injurie publiquement. Devant tant d’hostilité, il a cru bon de quitter le pays en cachette. Les administrateurs blâmèrent la conduite des autorités de Duerne, leur manque patriotisme et invitèrent les membres de la municipalité à venir expliquer leur conduite. En tant que procureur de la commune, ce fut François Presle que l’on délégua à Lyon. On était alors en avril 1793. Lyon allait bientôt se révolter contre la convention et soutenir le fameux siège qui dura jusqu’en octobre. A son arrivée à Lyon, François Presle fut emprisonné dans les salles de l’Hôtel de Ville. Il approchait alors de la soixantaine et cette deuxième arrestation compromis à jamais sa santé. Un bulletin de santé du 31 août signale que le citoyen Presle vient de faire une rechute et estime qu’il a besoin de secours prompts et efficaces qu’on ne saurait lui donner dans sa prison. Il mourut sans doute quelques jours plus tard, loin de son village et ne put connaître la dernière joie, celle de reposer près de ses aïeux.
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