Par Bernard Bastide Un Film D'agnès Varda

Par Bernard Bastide Un Film D'agnès Varda

un film d’Agnès Varda par Bernard Bastide LYCÉENS ET APPRENTIS AU CINÉMA SOMMAIRE Avant-propos, synopsis ..................... 1 Agnès Varda, la femme sur la route ........... 2-3 Varda et la Nouvelle Vague ................. 4-5 Puissance des images fixes ................. 6-7 Genèse et fabrication du film .................8 Découpage séquentiel ................... 9-10 FICHE TECHNIQUE Un plan : les trapézistes sur la plage ............ 11 LES PLAGES D’AGNÈS Un film en forme de collage ............... 12-13 France, 2008 Le principe de l’installation ............... 14-15 ¬ Scénario et réalisation : Agnès Varda ¬ Collaboration artistique : Rosalie Varda Une séquence : les miroirs sur la plage ........ 16-17 ¬ Assistants réalisateurs : Benjamin Blanc, Julia Fabry ¬ Images : Alain Sakot, Hélène Louvart, Julia Fabry, L’autobiographie dans le cinéma documentaire .. 18-19 Jean-Baptiste Morin, Agnès Varda ¬ Son : Pierre Mertens, Olivier Schwob, La réception critique ......................20 Frédéric Maury ¬ Musiques originales : Joanna Bruzdowicz, Références bibliographiques ................. 21 Stéphane Vilar, Paule Cornet ¬ Montage image : Agnès Varda, Jean-Baptiste Morin, Baptiste Filloux ¬ Montage son : Emmanuel Soland ¬ Etalonnage : Serge Antony, Bruno Patin ¬ Mixage son : Olivier Goignard ¬ Régie : Nathalie Dages, Jean-Noël Felix ¬ Production : Ciné-Tamaris, Arte France Cinéma ¬ Directrice de production : Cécilia Rose ¬ Distribution France (2008) : Les Films du Losange ¬ Procédés image : 35 mm, couleurs, format 1.85 ¬ Sortie française : 17 décembre 2008 ¬ Durée : 110 minutes ¬ Avec : Agnès Varda, Blaise Fournier, ERRATUM Il nous a été signalé que des sources de citations avaient été négligées dans Vincent Fournier, Andrée Vilar, Stéphane Vilar, l’édition papier du dossier pédagogique consacré au filmLes plages d’Agnès. Nous avons Christophe Vilar, Rosalie Varda, Mathieu Demy, rétabli ces sources dans la version numérique du dossier. En conséquence, la version Christophe Vallaux, Mireille Henrio, Didier Rouget, numérique doit seule être reproduite et citée. Gerald Ayres, Patricia Knop, Zalman King La direction de la publication AVANT-PROPOS Autobiographie et/ou autoportrait ? Dans Les plages d’Agnès, Varda a choisi à la fois de raconter sa vie et de recomposer sa figure en utilisant la forme du puzzle. Pour se livrer à cet exercice, SYNOPSIS elle s’est placée sous le patronage de deux maîtres prestigieux : Montaigne pour l’autobiographie et Rembrandt pour l’autoportrait. À l’aube de son quatre-vingtième anniversaire, la cinéaste Agnès Varda prend la décision de raconter son parcours de Afin de structurer son propos, elle avait besoin de trouver un dénominateur commun à tous vie, personnel et professionnel, à travers les différentes les lieux divers et variés – Bruxelles, Sète, Paris, Los Angeles – où elle a vécu. Elle aurait pu choisir plages de sable qui ont marqué sa vie. les maisons, elle a préféré les plages. Pourquoi ? « Si on ouvrait Pour évoquer son enfance en Belgique, la cinéaste installe, les gens, on trouverait des paysages, dit-elle. Moi si on sur la plage de Knokke-le-Zoute, une série de miroirs, puis m’ouvrait, on trouverait des plages ». À l’inverse de la maison – part à la recherche de sa maison natale à Bruxelles. Suite à qui connote un repliement sur la cellule familiale – la plage l’exode de 1940, elle et sa famille se sont réfugiées sur un symbolise un lieu de croisements et d’ouverture à l’autre. bateau ancré dans le port de Sète (Hérault). Adolescente, Pour composer son film, Varda a utilisé un matériau elle avait pour amies et compagnes de jeu les trois sœurs Schlegel, ses voisines. hétérogène : photos, tableaux, extraits de ses films, En 1951, elle achète rue Daguerre (Paris XIVe) deux bou- reconstitutions, etc. Comment classe-t-elle cette masse de tiques vétustes – une épicerie et un atelier d’encadrement – documents ? En suivant le fil d’une mémoire sinueuse et séparées par une impasse. C’est là qu’elle s’installe avec le pleine de lacunes. « Mes souvenirs m’entourent comme des cinéaste Jacques Demy et domicilie sa société de production mouches, qui s’embrouillent (…) qui virevoltent, des bouts de films, Ciné-Tamaris. À l’aide de quelques tonnes de sable de mémoire en désordre », dit-elle. Face à cette mémoire qui détournées de l’opération Paris-plages, Varda transforme fait du souvenir un fragment local et flottant, Varda avance une portion de sa rue en plage improvisée. à coup de collages, de digressions, d’associations d’idées, Pour s’y reposer ou y écrire, le couple Varda-Demy avait aussi coutume de fréquenter régulièrement les plages de d’analogies et de mise en abymes. l’Atlantique, plus précisément celles de l’île de Noirmoutier Le résultat est le contraire d’un film nostalgique ou où ils avaient acheté un ancien moulin. testamentaire. Les plages d’Agnès est une œuvre solaire et En 1967–1968, ils mettent le cap sur les plages califor- débordante de vitalité incitant à la rêverie et au voyage, dans niennes. Installés à Los Angeles, ils se lient d’amitié avec laquelle Varda ne cesse de nous surprendre et de nous Jim Morrison, le chanteur du groupe The Doors, et le comé- émouvoir. dien débutant Harrison Ford, futur interprète d’Indiana Jones. Après sa séparation avec Demy, Varda y retournera Bernard Bastide vivre en 1980–1981, accompagnée de son fils Mathieu. Elle revient sur la plage de Venice Beach en 2007 et y retrouve ses anciens amis producteurs, scénaristes ou artistes. Devenue plasticienne en 2003, Agnès Varda a créé à Bernard Bastide est docteur en études cinématographiques et la Fondation Cartier (Paris XIVe) l’exposition L’île et elle, audiovisuelles, enseignant à l’Université Sorbonne Nouvelle-Paris 3. nouvelle variation sur le thème des plages. Dans une de Auteur d’une thèse sur Cléo de 5 à 7, il a signé Les Cent et une nuits ses installations, elle a transformé la pellicule d’un de d’Agnès Varda (Pierre Bordas & Fils, 1995) et collaboré à Agnès Varda, ses films, Les créatures, en cabane de pêcheur. « Quand le cinéma et au-delà (PUR, 2009). je suis là, j’ai l’impression que j’habite le cinéma, que c’est ma maison », dit-elle. 1 AGNÈS VARDA, LA FEMME SUR LA ROUTE1 uand je pense à Agnès Varda cinéaste, c’est l’image d’une femme marchant sur Et elle devant ! Pour avoir été cette hirondelle qui annonçait le printemps du cinéma français, la route qui s’impose à moi. Une route qui est déjà longue de plus de soixante ans certains l’affubleront du titre de « mère », puis de « grand-mère de la Nouvelle Vague », de cinéma, balisée par deux bornes-repères d’une création féconde et protéiforme d’autres du titre de chef de file d’uneleft bank (Rive gauche) qui réunirait Alain Resnais, qui navigue entre récit classique et patchwork kitsch. Chris Marker et Armand Gatti. Mais, inclassable parmi les inclassables, marginale s’il en est, À une extrémité de la route on trouve la blonde Cléo, héroïne de Cléo de 5 à 7, Varda ne sera jamais là où on l’attendait. La grand-mère de la Nouvelle Vague ne sera jamais Q marcheuse des villes, effectuant à travers les rues de Paris un voyage vers son destin. la mamie-gâteau de la profession, ni le chef de file d’aucun groupe. La pérennité de son œuvre, Poupée de luxe offerte à la convoitise des hommes, Cléo la chanteuse en a assez il faut la chercher ailleurs. Peut-être dans le simple constat qu’aujourd’hui, quand une femme d’être une déesse sans consistance, une apparence vaine. L’imminence du danger, la peur sort un film en salles, on parle de l’œuvre elle-même et non du fait que c’est une femme qui d’abriter en son sein un cancer qui la ronge, la métamorphose en une autre femme. Dans un l’a réalisée. geste à la fois théâtral et, pour la première fois, vraiment sincère, elle arrache sa perruque et s’échappe, envoyant au diable musiciens, servante et amant. Cléo va vers la lumière et s’ouvre au monde. Devenu un être pensant, elle prend le temps d’écouter ce beau parleur et joli cœur Indépendance et diversité qui lui apprend que la vie n’est pas si moche, à condition de savoir la regarder. Faisant fi des modes et des courants dominants, Varda a toujours alterné films nés d’une inspiration personnelle (L’Opéra-Mouffe) et films de commande (Du côté de la côte, T’as de À l’autre extrémité de la route, on trouve Mona, la vagabonde de Sans toit ni loi, marcheuse beaux escaliers... tu sais), courts et longs métrages, œuvres de télévision (Nausicaa, L’univers des champs, image en kaléidoscope d’une marginale qui a refusé d’emboîter le pas à la société de Jacques Demy) et de cinéma, avec des durées variant entre une minute (la série Une minute de consommation. « Une jeune fille errante meurt de froid : c’est un fait d’hiver », écrivait pour une image) et près de deux heures (Lions Love), nourrissant ses fictions d’une observation Varda2. C’est aussi le point de départ de son film sec, hiératique et digne comme les ceps des aigüe des êtres (Sans toit ni loi), bâtissant des documentaires subjectifs (Daguerréotypes, vignes languedociennes qui lui ont servi de décor. Une fois lancée la machine à remonter le Ulysse) avec le même soin artisanal que ses fictions (Le bonheur, Kung-fu master), posant sur temps, nous découvrons peu à peu Mona, ce « miroir qu’on promène le long d’un chemin »3 les « gens de peu » et les marginaux un regard toujours bienveillant et jamais condescendant et qui reflète ceux qui l’ont un jour croisée. Parfois généreux, d’autres fois radins, serviables (Les glaneurs et la glaneuse). mais jusqu’à un certain point, désintéressés, mais jusqu’où ? Leurs témoignages mis bout à La force de Varda aura aussi été de comprendre très tôt que l’indépendance artistique passe bout s’efforcent de recomposer l’image de cette morte de froid, SDF avant l’heure.

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