FJ0B764 Histoire de la culture francophone en Amérique du Nord 1. Une province, un pays ? «Nous t’en ferons voir de grands espaces», chantait-on au moment de l’Exposition universelle de 1967. L’espace, dans sa générosité naturelle et humaine, est une donnée habituelle au Québec, dont certains aspects sont bien ceux du continent nord-américain, étalement des banlieues largement gazonnées, voies pénétrantes des grandes villes reliées par des autoroutes confortables; on oublie pourtant que des villages de la Côte-Nord sont encore reliés seulement par cabotage et que le Nord-du-Québec n’est accessible que par voie aérienne. Sa superficie Péninsule — à l’échelle continentale —de l’Amérique du Nord, le Québec est baigné au nord par la grande mer intérieure de la baie d’Hudson et à l’est par l’océan Atlantique. Au sud, le Québec a pour voisins le Nouveau-Brunswick et les États-Unis, et à l’ouest l’Ontario. Au nord-est, le Labrador, territoire de la péninsule qui a été rattaché à Terre-Neuve en 1927, n’est donc pas inclus dans la superficie québécoise ni dans les chiffres qui suivent. Avec 1 700 000 km2 (terre et eau douce), le Québec couvre: • 15,4% de la superficie totale du Canada (9 976 147 km2); • 7,7% de la superficie de l’Amérique du Nord; • 4,3% de la superficie des Amériques Sa population était estimée par Statistique Canada, en janvier 2009, à 7 750 500 personnes. Elle représente 23,3% de la population du Canada. Le Québec est la plus vaste province canadienne (l’Ontario représente 10,7% du Canada). À l’échelle européenne, le Québec à lui seul équivaut à la superficie de six pays: l’Allemagne, la Belgique, l’Espagne, la France, le Portugal et la Suisse (ou encore 3 fois la France ou 54 fois la Belgique). Adossé à des voisins souvent plus riches que lui (États-Unis, Ontario), le Québec, par l’immense voie maritime que constitue le Saint-Laurent, permet les communications entre l’Amérique du Nord et l’Europe. Son relief Dans cet immense espace, on distingue trois grandes régions géographiques: • Au nord s’étend le bouclier canadien, appelé aussi bouclier laurentien, région montagneuse en fer à cheval autour de la baie d’Hudson. Ce sont les plus vieilles montagnes du monde: elles datent du précambrien, donc d’avant l’ère primaire (mont Belle-Fontaine, 1 295 m). Dans les monts Torngat, au nord-est, le mont D’Iberville culmine à 1 620 m. • Au sud, les Appalaches, ancienne chaîne de montagnes mais de formation plus récente, offrent un paysage de plateaux vallonnés (Beauce, Estrie) qui devient plus escarpé en Gaspésie (mont Jacques-Cartier, 1 268 m, dans les Chic-Chocs). • Entre ces deux systèmes montagneux, la vallée du Saint-Laurent, où s’est installée et vit encore la très grande majorité de la population, contraste avec l’espace quasi inoccupé du nord du Québec. À la très pauvre végétation de la toundra, caractéristique des sols gelés plus ou moins en permanence, succède, en descendant vers le sud, une forêt boréale d’abord clairsemée qui se transforme peu à peu en zone forestière exploitable. Ce manteau forestier qui couvrait le pays à l’arrivée des Blancs est constitué, au nord, de bouleaux et de conifères, puis se mélange vers le sud à d’autres feuillus (chênes, hêtres, érables, etc.) dont les couleurs automnales réservent aux visiteurs d’admirables paysages. Son hydrographie Ce relief plutôt montagneux est troué d’un million de lacs et de rivières, dont certaines se dirigent vers le nord (baie James, baie d’Hudson et baie d’Ungava). Les plus connues sont celles qui se jettent dans le Saint-Laurent. Les eaux intérieures, vestige de l’époque des grandes glaciations, sont si nombreuses et si étendues qu’avec le Saint-Laurent elles représentent 21,5% du territoire entier. Les lacs les plus importants sont le lac Saint-Jean, le lac Mistassini et les lacs-réservoirs Gouin, Manicouagan, Caniapiscau, Manouane et La Grande, qui alimentent de grandes centrales hydroélectriques. Cette richesse énergétique (le Québec vend de l’électri cité à ses voisins, Nouveau-Brunswick et États-Unis), et cette réserve apparemment inépuisable d’eau douce (l’or bleu) font l’envie de bien des pays à l’heure d’un réchauffement climatique inquiétant pour la planète. Le Saint-Laurent Long de 3 680 km (dont 1 200 km au Québec), avec un débit de 8 776 m3/sec, le Saint-Laurent traverse le territoire du sudouest au nord-est. Son gabarit exceptionnel en fait un des plus grands fleuves du monde. Son estuaire est si important que les océanographes le subdivisent en trois: maritime, fluvial et intérieur. Il atteint par endroits une très grande profondeur — jusqu’à 300 m, le long de la Côte-Nord — et abrite plusieurs variétés de cétacés (du béluga au grand rorqual bleu). Sa largeur — le premier pont possible est à la hauteur de Québec — ne simplifie pas les communications entre ses deux rives. L’eau devient progressivement salée en aval de Québec, où l’amplitude moyenne des marées est encore de 4,50 m; cette marée remonte sur plus de 1 000 km à l’intérieur des terres jusqu’au lac Saint-Pierre, à mi-chemin entre Québec et Montréal. L’amplitude du mouvement perpétuel, le trafic fluvial et les techniques actuelles empêchent le fleuve de geler en hiver (mais autrefois les communications entre les rives et certaines îles se faisaient — comme cela se fait encore parfois — par ponts de glace). Sur tout le réseau hydrographique, l’accumulation des glaciels5 peut créer des embâcles juste avant le dégel. Puis se produit la «débâcle», soudaine et spectaculaire mais dangereuse pour les riverains. Un mugissement souterrain, comme le bruit sourd qui précède une forte secousse de tremblement de terre, sembla parcourir toute l’étendue de la Rivière-du-Sud, depuis son embouchure jusqu’à la cataracte d’où elle se précipite dans le fleuve Saint-Laurent. À ce mugissement souterrain, succéda aussitôt une explosion semblable à un coup de tonnerre, ou à la décharge d’une pièce d’artillerie du plus gros calibre. Ce fut alors une clameur immense. — La débâcle! la débâcle! Sauvez-vous! sauvez-vous! s’écriaient les spectateurs sur le rivage. En effet, les glaces éclataient de toutes parts, sous la pression de l’eau, qui, se précipitant par torrents, envahissait déjà les deux rives. Il s’ensuivit un désordre affreux, un bouleversement de glaces qui s’amoncelaient les unes sur les autres avec un fracas épouvantable, et qui, après s’être élevées à une grande hauteur, s’affaissant tout à coup, surnageaient ou disparaissaient sous les flots. PHILIPPE AUBERT DE GASPÉ, père, Les Anciens Canadiens, 1863. Le Saint-Laurent a joué un rôle de voie de communication dès les débuts de la colonisation: ce fut la première voie de pénétration des colons comme des envahisseurs. Il est maintenant navigable jusqu’à Montréal toute l’année et, par la voie maritime qui contourne les rapides de Lachine, il relie les Grands Lacs à l’océan Atlantique. Parmi ses affluents importants, notons l’Outaouais (1 110 km), le Saint-Maurice (520 km), le Saguenay (760 km), la Manicouagan (500 km), sans oublier le Richelieu qui relie le bassin de l’Hudson (État de New York) et celui du Saint-Laurent en passant par le lac Champlain. L’ordre de la fluvialité Je vis dans un pays qui a la forme d’un triangle se tenant à cloche-pied sur l’une de ses pointes, un pays qui porte un nom amérindien évoquant la présence de l’eau: Québec, le bout de la mer, là où l’eau se rétrécit. À ce nom qui désignait au départ un lieu singulier, on a donné par la suite une extension presque vertigineuse, jusqu’à ce qu’il s’épuise dans les baies, détroits, golfes, lignes de partage des eaux et coordonnées géographiques qui en régentent les contours. J’appartiens à ce vaste territoire, trois fois grand comme la France, dont la colonne vertébrale, l’artère génératrice, l’axe magnétique prééminent se nomme le Saint-Laurent où toute la vie puise, s’étire et se dégorge. LUC BUREAU, La Terre et moi, 1991. Le fleuve a, de tout temps, joué un rôle primordial dans le développement du Québec. C’est une voie idéale de commerce, donc de développement. Porte continentale dont l’importance n’a pas échappé aux Britanniques. Pour les Québécois, il est presque toujours au centre de la vie (80% de la population du Québec habite dans le quadrilatère Montréal, Sherbrooke, Québec, Trois- Rivières). Il est donc naturel qu’il soit l’un des thèmes favoris de l’expression culturelle, qu’il s’agisse de littérature, de peinture ou de cinéma. Le fleuve charrie de lourdes charges émotives: il est le cordon ombilical des origines; les artistes ont bien saisi la place qu’il tient aussi bien psychologiquement que physiquement dans la vie des Québécois d’hier et d’aujourd’hui. Le climat Le climat est rude, souvent excessif dans ses froids et chaleurs extrêmes, caractérisé par la rapidité de certains écarts de température; sur les bords du Saint-Laurent, il peut pleuvoir un matin d’hiver et faire – 25 oC la nuit suivante. Nos faces brûlent dans l’air vif d’hiver Et l’été est un soleil impatient de mourir. Dans mon pays tout est excessif et lointain Nous dirons cette terre attachée à nos corps Et le flot farouche du fleuve Et le vent vaste qui vient des trois océans Nous dirons la peine qui nous prend [chaque soir Et le pas dur des hommes dans la neige GATIEN LAPOINTE, Ode au Saint-Laurent, 1963.
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