Au Pays D'ubu Ben

Au Pays D'ubu Ben

EXCLUSIF Kapitalis.com 1 * Quand nous voulons anéantir une cité, nous ordonnons aux opulents d‟entre eux d‟obéir à nos prescriptions. Mais ils se livrent à la perversion et justifient ainsi la sentence prononcée contre leur cité. Aussi la saccageons-nous de fond en comble. Coran, le Voyage nocturne (V. 16). * EXCLUSIF Kapitalis.com 2 Table des matières 1 – Avant-propos ………………………………………………………………………………. 2 – Introduction………………………………………………………………………………… 3 – Néron ou Arsène Lupin…………………………………………………………………….. 4 – Les lendemains qui déchantent …………………………………………………………… 5 – Le RCD, ses comparses et ses opposants…………………………………………………… 6 – Une nouvelle occasion perdue……………………………………………………………… 7 – L’Islam politique : vraie menace ou alibi commode……………………………………….. 8 – Quadrillage, intimidation et répression…………………………………………………….. 9 – On achève bien l’opposition………………………………………………………………... 10 – Le triomphe de la médiocratie…………………………………………………………….. 11 – L’ère du mensonge et du faux-semblant…………………………………………………... 12 – Ploutocratie administrative surpuissante …………………………………………………. 13 – Une presse aux ordres ……………………………………………………………………. 14 – Une schizophrénie rampante ……………………………………………………………… 15 – Le soutien hypocrite des partenaires occidentaux…………………………………………. 16 – Un ami des juifs pro-israéliens …………………………………………………………… 17 – «Une si douce dictature» …………………………………………………………………. 18 – Arbitraire, concussion et corruption ………………………………………………………. 19 – Un trou de près 18 milliards de dollars ………………………………….……………… 20 – L’irrésistible ascension de Leïla Ben Ali …………………………………………………. 21 – L’insatiable Belhassen Trabelsi ………………………………………………………… 22 – Imed, un plouc endimanché ……………………………………………………………… 23 – Sakher El Materi rafle tout ……………………………………………………………….. 24 – La mise au pas des réfractaires : le cas Bouebdelli ……………………………………….. 25 – La république des lâches ………………………………………………………………….. 26 – Leïla Trabelsi s’y croit déjà ………………………………………………………………. 27 – Lettre ouverte à monsieur le président…………………………………………………….. 28 – Epilogue ……………………………………………………………………………………. EXCLUSIF Kapitalis.com 3 Avant-propos Durant les vingt dernières – très subrepticement – des mutations, tant dans l’ordre politique que dans l’ordre moral, ont conduit, dans une première étape, à un musellement du Tunisien. Un musellement au cadenas ! Et on veut faire mieux. Le Tunisien sera métamorphosé en perroquet. On veut faire de lui un papegai qui répètera ce qu’on lui aura ordonné de dire. Aussi, depuis la réélection présidentielle du 10 octobre 2009 prépare-t-on celle de 2014 et le modelage des consciences présente-t-il quatre variations: il prend de la vitesse ; il se donne de belles apparences ; il prétend répondre au vœu de l’unanimité populaire. Unanimité tellement unanime qu’en grand tralala, la voix du rigoureux Gouverneur de la Banque Centrale de Tunisie ainsi que celle du distingué Grand Rabbin de Tunis se sont jointes au grand concert démocratico-trabelsique. Honni soit qui mal y pense ! Vouloir comprendre sur quelle surface épineuse nous voguons depuis plus de deux décennies, c’est vouloir saisir les tenants et les aboutissants de la mésaventure de notre patrie depuis qu’on a appelé le Changement et c’est vouloir connaître le vrai portrait du pourvoyeur de ce tournant politique ainsi que le bilan de son travail. C’est ce qu’on se propose de vous révéler. Des recherches nous mèneront à une réflexion sur le pouvoir autocratique, sur les limites de l’action tyrannique et sur le devoir de hurler «Non !» et d’agir en conséquence. Ce hurlement commence d’ailleurs à se faire entendre à travers les mouvements de contestation qui se multiplient aux quatre coins du pays, de Redeyef à Sidi Bouzid, en passant par Ben Guerdane. Nous assistons visiblement à une fin de règne, qui risque d’être longue et, peut-être aussi, violente. Notre devoir est d’aider à démonter les rouages d’un pouvoir qui a déstructuré le pays, freiné sa transition démocratique et éteint l’espoir dans le cœur de ses enfants. PS – Ce livre a été achevé le 31 décembre 2010. Les manifestations déclenchées dans tout le pays par le suicide par immolation de Mohamed Bouazizi à Sidi Bouzid, deux semaines auparavant, n‟ont pas encore abouti à la Révolution du Jasmin qui allait contraindre l‟ex- président à fuir la Tunisie pour se réfugier en Arabie Saoudite, seul pays à avoir accepté de l‟accueillir. Nous avons décidé de ne rien toucher au manuscrit achevé, car il constitue un témoignage de la situation tunisienne à la veille de la chute du régime: blocage politique, désespoir populaire et absence totale de perspective. Ce sont ces causes profondes, explicitées dans ces pages, qui ont amené l‟explosion ayant surpris les observateurs dans le monde entier, y compris les Tunisiens. EXCLUSIF Kapitalis.com 4 Introduction «L‟espérance de vie d‟un Tunisien est de… deux présidents et demi». Cette boutade attribuée au poète Sghaier Ouled Ahmed ironise sur l’immobilisme de la scène politique tunisienne, marquée, depuis l’indépendance du pays en 1956, par deux présidences, celle d’Habib Bourguiba, qui a duré 30 ans, de 1957 à 1987, et celle de Zine El Abidine Ben Ali, qui promet de durer encore autant sinon davantage. Car si l’on en juge par ses manœuvres pour faire le vide politique dans le pays et assurer ainsi son maintien à la tête de l’Etat au-delà de toute limite, ce dernier semble en effet bien parti pour dépasser le record de longévité de son prédécesseur. Aujourd’hui âgé de 74 ans, Ben Ali a déjà rempilé, en octobre 2009, pour un cinquième mandat de cinq ans, à l’issue d’une énième mascarade électorale montée et mise en scène par ses services. Ce mandat, qui devrait être constitutionnellement le dernier, annonce déjà, aux yeux des Tunisiens, habitués aux amendements constitutionnels et aux tripatouillages électoraux, un sixième, en 2014, qui amènera le président sortant – à moins d’une catastrophe nationale – jusqu’en 2019. Ben Avi – joli sobriquet dont les Tunisiens affublent désormais leur président – aura alors, avec l’aide de Dieu, dépassé 83 ans. Il aura aussi, en trente-deux ans de règne sans partage, enterré le rêve de transition démocratique caressé par plusieurs générations de Tunisiens et de Tunisiennes, condamnés à subir indéfiniment les abus et distorsions d’un système politique archaïque, mélange d’autoritarisme, d’affairisme et de voyoucratie. On sait comment Bourguiba a pu se maintenir aussi longtemps au pouvoir. Leader nationaliste, il a conduit son peuple à l’indépendance au terme d’un combat marqué par plusieurs arrestations, emprisonnements et éloignements. Celui que ses compatriotes appelaient le Combattant Suprême a eu le mérite de mettre les bases d’un Etat moderne et d’initier, souvent dans l’adversité, de grandes réformes politiques et sociales: abolition de la monarchie, proclamation de la République, vite transformée en autocratie comme on le verra plus loin, promulgation d’une constitution moderne, émancipation de la femme, généralisation de l’enseignement, etc. Ce sont autant d’actes fondateurs, souvent audacieux qui ont renforcé sa légitimité historique et façonné la Tunisie contemporaine, qu’ils ont dotée des attributs de la souveraineté, de l’authenticité et de l’ouverture sur le monde. Rattrapé par l’âge, miné par la maladie et trompé par une cour aussi obséquieuse qu’intéressée, et qui se battait déjà pour sa succession, le premier président de la République Tunisienne a eu cependant la faiblesse de se croire au-dessus des lois et des institutions. C’est ainsi que, dès les premières années de son règne, il a fait taire toutes les voix discordantes, interdit les partis politiques, verrouillé le champ public et imposé un contrôle strict sur les médias. Conséquence : pour ses compatriotes, l’indépendance – si chèrement acquise – n’a finalement pas élargi le champ des libertés. Au contraire, plus le nouveau pouvoir – pompeusement appelé républicain – se renforçait dans le pays, plus ces derniers se voyaient délester de certains droits dont ils bénéficiaient pourtant sous le régime du protectorat, comme celui d’exprimer une opinion différente, de fonder un parti, de créer un syndicat, de publier un journal ou de s’organiser en association, sans avoir à quémander une hypothétique autorisation du ministère de l’Intérieur, comme le stipule aujourd’hui les lois de la République Tunisienne. Bourguiba, son parti, le Néo Destour, devenu le Parti socialiste destourien (PSD), son gouvernement, et toute la clique au pouvoir allaient bientôt imposer un régime tout à la fois nationaliste, paternaliste, autoritaire et quelque peu débonnaire, où les épisodes de répression aveugle alternaient avec les phases d’ouverture durant lesquelles, le Combattant Suprême, jouant les pater familias, se montrait indulgent à l’égard de ceux qui bravaient son pouvoir EXCLUSIF Kapitalis.com 5 personnel, ces « fils prodigues » qui ne tardaient pas d’ailleurs à rentrer dans les rangs. A ceux qui se montraient plus récalcitrants, ils n’hésitaient pas à infliger les souffrances les plus terribles: tortures, procès iniques, emprisonnements… C’est au sein de ce régime que l’actuel président a fait son apprentissage. Homme d’appareil, il a fait l’essentiel de sa carrière au ministère de la Défense nationale, puis à celui de l’Intérieur, en tant que haut responsable de la sécurité, Ben Ali n’a rien renié de l’héritage bourguibien: le réformisme social, le libéralisme économique, le rejet viscéral des mouvements religieux et l’attachement, plus pragmatique qu’idéologique, à l’Occident… Autant de choix qui sont en vérité inscrits dans la tradition d’ouverture

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