LE NATURALISTE VENDÉEN N° 12 : 3-33 3 Les Dactylioceratidae du Toarcien inférieur et moyen de l'Ouest de la France récoltés par Marc Bécaud Pierre LACROIX & Louis RULLEAU Abstract: Investigations made by Marc Bécaud on the Toarcian Dactylioceratidae of Vendée and Deux-Sèvres have signifi- cantly advanced the knowledge of this fauna of western France. In this article, we present the main part of his observations. Mots-clés : Toarcien, stratigraphie, Ammonites, Dactylioceratidae. Key-words: Toarcian, stratigraphy, Ammonites, Dactylioceratidae. AVANT-PROPOS Prématurément décédé en 2009, Marc Bécaud (fig. 1) a laissé en chantier un important travail sur les Dactylioceratinae. D'après ses notes que nous avons pu récupérer, grâce à la bienveillance de son épouse, il envisageait non seulement une étude sur les ammonites qu'il avait collectées lui- même dans le Centre-Ouest, mais aussi une révi- sion plus ambitieuse de l'ensemble de la sous- famille des Dactylioceratinae. Il avait donc réuni la documentation sur les genres et espèces décrits dans le Toarcien inférieur et la base du Toarcien moyen et nous pensions étendre cette étude aux genres et espèces cités dans la partie supérieure de ce dernier sous-étage, au sommet duquel la sous-famille disparaît. Soucieux de ne pas laisser sans suite ce tra- vail qui avait nécessité, de la part de notre ami, Fig. 1 – Marc Bécaud faisant des relevés dans le Sud-Vendée en 2007 (photo : M. Cougnon) une recherche bibliographique considérable et de nombreuses sorties sur le terrain, nous avons donc repris les notes de Marc Bécaud et nous où une partie de la collection Bécaud est dépo- sommes immédiatement heurtés à de sérieuses sée. Ce n'est que récemment que nous avons pu difficultés. Tout d'abord, ces notes, certainement en réunir la plus grande partie. claires dans l'esprit de leur auteur, nous sont ap- Les notes de Marc étaient donc impubliables parues bien incomplètes et dispersées et faisant dans l'état où il les avait laissées et il nous a paru l'objet de plusieurs versions, dont il était parfois plus judicieux de les intégrer – au moins partiel- difficiles de déterminer laquelle était la plus ré- lement – dans une révision ou plutôt une mise à cente. Ensuite, plusieurs des figures annoncées jour des connaissances disponibles sur les Dacty- dans le texte n'ont pu être retrouvées, n'ayant lioceratidae toarciens, ce travail ayant débouché peut être pas encore été composées. Enfin et sur- sur un ouvrage édité en 2013 par les éditions Dé- tout, nous avons eu beaucoup de mal à retrouver dale. Parallèlement, il nous a paru intéressant de la série de Dactylioceratidae recueillie par Marc regrouper dans un article plus bref l'essentiel des en Vendée, malgré les recherches effectuées par observations de Marc sur les faunes de sa région. Mme Bécaud, plusieurs de ses amis, dont M. Cougnon et S. Régnault du muséum de Nantes Louis RULLEAU © Les Naturalistes Vendéens 4 Pierre LACROIX & Louis RULLEAU LE NATURALISTE VENDÉEN N° 12 INTRODUCTION LOCALISATION DES COUPES ÉTUDIÉES PAR MARC BÉCAUD Parmi toutes les ammonites toarciennes, les Dactylioceratidae constituent indubitablement la Les recherches entreprises par Marc Bécaud famille qui a donné lieu à la création du plus ont surtout porté sur quelques gisements jusque grand nombre "d'espèces" depuis le début du là peu ou pas du tout connus situés soit en Ven- XIXe siècle jusqu'à nos jours. En effet, il n'existe dée, soit dans le département des Deux-Sèvres pas moins de 43 genres décrits et 230 noms d'es- (fig. 2 et 3). Cette région présente peu de reliefs pèces proposés par les différents auteurs ! Il ap- et il n'y existe donc aucune coupe naturelle qui paraît cependant que beaucoup de ces "espèces" facilite l'étude de l'étage toarcien ; les observa- ne peuvent être retenues, parce que décrites ou tions ne peuvent donc s'y faire qu'à l'occasion de figurées de manière insuffisante, ou à partir d'un travaux agricoles ou industriels. matériel de médiocre qualité ou disparu, ou en- En Vendée, Marc Bécaud a pu profiter de core parce que tombant en synonymie évidente l'opportunité offerte par la réalisation de la roca- avec d'autres. de nord-est de Chantonnay et surtout du creuse- L'importance biostratigraphique du groupe ment de deux réservoirs au Bernard. L'agrandis- est remarquable, car dès leur apparition qui mar- sement récent (2012) de l'un de ces réservoirs que l'extrême base du Toarcien, les Dactylioce- [n° 2, BÉCAUD, 2006] a permis à l'un de nous ratidae se diversifient très vite et les genres se (PL) de confirmer les observations de Marc sur succèdent rapidement jusqu'au sommet du Toar- ce gisement et d'en étendre les récoltes. Il a éga- cien moyen où se situe l'extinction du groupe. lement revisité quelques coupes décrites par GA- Aussi, ces ammonites ont été à plusieurs reprises BILLY [1976] dont celle de l'anse Saint-Nicolas à utilisées comme indices de zone dans diverses Jard-sur-Mer. Dans les Deux-Sèvres, l'essentiel échelles stratigraphiques. Cependant, et malgré de ses recherches s'est concentré sur les carrières de nombreuses études détaillées du groupe, la de la Gouraudière, à Mauzé-Thouarsais, et d'Air- grande proximité morphologique des différents vault. genres de Dactylioceratine toarciens, que vient compliquer l'existence de plusieurs séries mor- CONTEXTE PALÉOGÉOGRAPHIQUE phologiques distinctes dans les différents domai- nes paléogéographiques, a été la cause de nom- L'étude des brachiopodes [ALMÉRAS et al., breuses erreurs de détermination ou de datation. 2010] et dans une moindre mesure des ammoni- Marc Bécaud s'était surtout intéressé aux tes a montré sans ambiguïté que la faune régio- Dactylioceratidae du Toarcien inférieur et a été nale réunissait à une faune de caractère nord- l'auteur de la découverte en Vendée d'une faune ouest européen des éléments plus franchement d'Eodactylites inédite en France [BÉCAUD, méditerranéens, à l'instar de ce que l'on peut ob- 2005 ; 2006]. À la suite d'une consultation quasi server au Portugal et au Maroc. On distingue ac- exhaustive de la littérature relative à ces ni- tuellement [MOYNE et al., 2004] pour les ammo- veaux, il avait entrepris de clarifier la systémati- nites trois grands domaines paléogéographi- que du genre Dactylioceras (dont les Eodactyli- ques : le domaine boréal, restreint aux plus hau- tes) et de réinterpréter le genre Kedonoceras jus- tes paléolatitudes (Alaska, Canada arctique, Si- que là assez peu connu. Il a également récolté bérie, Groenland), le domaine téthysien s.l. oc- une importante faune de Nodicoeloceras, tant en cupant la plus grande partie du globe de part et Vendée que dans les Deux-Sèvres, ainsi qu'une d'autre de l'équateur et enfin le domaine pacifi- faune, plus réduite il est vrai, de Porpoceras. que (ou circumpacifique). Chacun de ces domai- Nous présentons essentiellement ici les exem- nes, avec ses plates-formes associées, est divisé plaires collectés par Marc Bécaud. Toutefois, selon les auteurs en un certain nombre de pro- lorsque l'état de conservation du matériel ne per- vinces, différenciées également par leur contenu met pas une représentation taxonomique satisfai- faunique. Ainsi PAGE [1996] en distingue une sante, des exemplaires provenant d'autres collec- douzaine dans le seul domaine téthysien (dans tions de la même région sont figurés. À ces figu- lequel il inclut, il est vrai, le Circum Pacifique). rations s'ajoutent celles de quelques formes qui Ces provinces, dont la définition et la délimita- ne proviennent pas de l'Ouest de la France mais tion sont souvent élastiques, peuvent se chevau- qui permettent d'étayer le chapitre dédié à la sys- cher ou rester sans contact, et peuvent elles- tématique. mêmes être subdivisées en secteurs. Les Dactylioceratidae du Toarcien inférieur et moyen de l'Ouest de la France récoltés par Marc Bécaud 5 Fig. 2 – Situation géographique des principaux profils étudiés [BÉCAUD, 2006] A : couverture jurassique ; B : coupe du stratotype et coupe complémentaire de référence [GABILLY, 1973, 1976] ; C : sites nouveaux décrits dans Bécaud (op. cit.); D : localités citées dans Bécaud (op. cit.) Fig. 3 – Le Toarcien inférieur et moyen jusqu'à l'horizon XV à Haugia variabilis [BÉCAUD, 2006] En gris foncé, le secteur à dominante marneuse de plate-forme externe. En gris clair, la zone de haut-fond oolithique, essentiellement calcaire. Le Toarcien basal n'y est représenté que sous la forme de rares lentilles gréseuses (la Rousselière, la Roussière) 6 Pierre LACROIX & Louis RULLEAU LE NATURALISTE VENDÉEN N° 12 LE DOMAINE TÉTHYSIEN réellement nombreux qu'à partir de l'horizon à Dactylioceras crosbeyi, mais Marc Bécaud à su Par faunes téthysiennes, on entend en général mettre en évidence une faune plus ancienne. des associations à cachet tropical ou subtropical, riches et bien diversifiées [DOMMERGUES, Sous-zone à Protogrammoceras paltus 1994]. Ces faunes sont connues sur une étendue (horizon I de Gabilly). Les Eodactylites, quoique considérable à l'échelle mondiale et sont citées peu nombreux, sont bien présents à la base de la depuis le Maroc et le Portugal à l'ouest jusqu'aux zone dans l'Ouest de la France (Vendée : Le Ber- façades occidentales des Amériques à l'est. Ce- nard, Saint-Nicolas à Jard-sur-Mer) où ils pendant, plusieurs provinces peuvent être distin- coexistent avec Protogrammoceras (Paltarpites) guées. paltum (Buckman). 1 – la province nord-ouest européenne Les faunes nord-ouest européennes sont les Sous-zone à Dactylioceras semicelatum plus anciennement connues, en particulier grâce (horizon II de Gabilly). Elle n'est bien représen- à l'étude des riches gisements du Yorkshire par tée, comme la précédente, qu'en Vendée. Au les auteurs anglais de la première moitié du XIXe Bernard, il a été possible d'individualiser les siècle.
Details
-
File Typepdf
-
Upload Time-
-
Content LanguagesEnglish
-
Upload UserAnonymous/Not logged-in
-
File Pages31 Page
-
File Size-