Le neuvième art, légitimations et dominations Jacques-Erick Piette To cite this version: Jacques-Erick Piette. Le neuvième art, légitimations et dominations. Sociologie. Université Sorbonne Paris Cité, 2016. Français. NNT : 2016USPCA081. tel-01541603 HAL Id: tel-01541603 https://tel.archives-ouvertes.fr/tel-01541603 Submitted on 19 Jun 2017 HAL is a multi-disciplinary open access L’archive ouverte pluridisciplinaire HAL, est archive for the deposit and dissemination of sci- destinée au dépôt et à la diffusion de documents entific research documents, whether they are pub- scientifiques de niveau recherche, publiés ou non, lished or not. The documents may come from émanant des établissements d’enseignement et de teaching and research institutions in France or recherche français ou étrangers, des laboratoires abroad, or from public or private research centers. publics ou privés. Université Paris 3 – Sorbonne nouvelle Ecole doctorale 267 : Arts et médias CERLIS, UMR 8070 Sorbonne Nouvelle / Paris Descartes / CNRS / USPC Thèse de doctorat en Sociologie par Jacques-Erick Piette Le neuvième art, légitimations et dominations Sous la direction de Bruno Péquignot Soutenue le 13 septembre 2016 Jury : Serge Chaumier, professeur de sociologie, université d’Artois Eric Dacheux, professeur en information et communication, université Blaise Pascal – Clermont-Ferrand, rapporteur Jean-Louis Fabiani, Directeur d’Etudes en sociologie, EHESS, Paris, rapporteur François Mairesse, professeur d’information et communication, université Sorbonne Nouvelle Paris 3 Alain Quemin,; professeur de sociologie, université Paris 8 Bruno Péquignot, professeur de sociologie, université Sorbonne Nouvelle – Paris 3 1 Résumé En France, la bande dessinée est exposée dans des musées et des bibliothèques, ses dessins originaux sont vendus dans des galeries dédiées et par de prestigieuses maisons de ventes, mais est-elle pour autant réellement légitimée en tant qu'art au sein de ces champs ? Qui a initié et participe aujourd'hui à ce processus, et selon quelles stratégies ? Cette thèse s'attache à répondre à ces questions en mobilisant les concepts de champs et de légitimité développés par Pierre Bourdieu mais aussi par des emprunts théoriques et méthodologiques à différents sociologues de l'art comme Howard Becker, Serge Chaumier, Jean- Louis Fabiani, Nathalie Heinich, Bernard Lahire, Eric Maigret, Raymonde Moulin, ou Alain Quemin. En venant questionner les trois pôles que sont les artistes, les institutions et le marché, nous établissons un corpus d'évènements et de dessinateurs valorisés par ceux-ci, mais aussi des producteurs de ces évènements. En étudiant leurs déclarations et en allant à leur rencontre lors d'entretiens, nous analysons leurs motivations. Nous parvenons finalement à établir la relativité de la légitimation de la bande dessinée, tant en qualité qu'en nombre d'individus concernés. Malgré la mise en valeur d'un phénomène générationnel dans l'évolution du statut de la bande dessinée et de sa reconnaissance, nous concluons que l'acquisition d'une semi-légitimité (pour reprendre le mot de Jean-Louis Fabiani) du neuvième art est davantage d'un état de fait que d'un processus dynamique en cours d'évolution. Mots clefs : bande dessinée ; neuvième art ; légitimité ; artification ; distinction ; beaux-arts ; musée ; exposition ; marché de l'art 2 Abstract In France, museums and libraries exhibit comics, galleries devoted to them sell their original drawings and renowed art auction houses do too, but does it mean thereby that comics are truly legitimated as art within these fields ? Who initiated the process and today who keeps participating in it, and in doing so, according to which strategies ? This thesis seeks to answer these questions by gathering together the concepts of fields and legitimacy developed by Pierre Bourdieu but also by borrowing theories and methodologies from art socioloists such as Howard Becker, Serge Chaumier, Jean-Louis Fabiani, Nathalie Heinich, Bernard Lahire, Eric Maigret, Raymonde Moulin, or Alain Quemin. By questioning the three poles formed by the artists, the institutions and the art market, we have established a corpus of events, of strip cartoonists highlighted by these events and of the producers of these same events. By studying their declarations and by meeting them to interview them, we have analysed their motivations. We have finally come to establish the relativity of the legitimation of comics both for their quality and the number of the individuals concerned. Despite the fact that a generational phenomenon has been given prominence in the evolution of the status and the recognition of comics, we can conclude that the acquisition of a semi-legitimacy (to employ Jean-Louis Fabiani’s own word) by the ninth art is more of a fact than a dynamic process in development. Keywords : comics ; comic trip ; ninth art ; legitimacy ; artification ; distinction ; fine arts ; museum ; ehibition ; art market 3 « Non les bandes dessinées ne conduisent pas les enfants en prison. Elles ont leurs œuvres de qualité et leurs exploitations mercantiles. Leur succès ne suffit pas à les rendre "éducatives" ; on comprend qu'il intéresse les sociologues, les artistes et quelques snobs. »1 1 DUBOIS Raoul et Jacqueline ; Journaux et illustrés ; Gamma ; 1971 ; p32 cité dans MORGAN Harry ; Principes des littératures dessinées ; Angoulême ; L'an 2 ; 2003 ; p.217 4 Remerciements Mes premiers remerciements vont à mon directeur de thèse, Bruno Péquignot. Dès le jour où je lui ai présenté ce sujet et demandé d’être mon directeur de thèse, il m’a accompagné de ses conseils. Son soutien bienveillant m’a permis d’aller de l’avant et de surmonter les inévitables embûches qui jalonnent le parcours du thésard. J’ai beaucoup appris de nos échanges. J’espère que nos conversations sociologiques se prolongeront au-delà de ce travail de thèse. Mes remerciements vont ensuite à tous ceux qui m’ont consacré du temps pendant mon travail de recherche et m’ont apporté de précieuses informations. Ce sont notamment les commissaires d’expositions qui ont accepté de me rencontrer et de partager avec moi leurs souvenirs et parfois leurs documentations. Je pense tout particulièrement ici à Thierry Groensteen, à Véronique Liévin et Dominique Paysant, à Thierry Prat ou à Jean-Marc Thévenet. Je remercie ensuite mes amis qui m’ont accompagné, soutenu et supporté – dans tous les sens du termes – pendant la phase de recherche et d’écriture de la présente thèse. Merci à Benjamin et Christophe pour nos nombreuses et enrichissantes discussions sur la bande dessinée, sur la culture, et sur la méthodologie à adopter ; merci à Margot pour avoir été ma camarade de bibliothèque pendant de nombreuses soirées ; merci à Chloé, Léonore et Marie pour avoir été mes premières camarades thésardes et m’avoir montré le chemin vers la soutenance. Merci à mes parents qui m'ont donné le goût de la culture et du travail scientifique. Une pensée particulière pour ma mère qui a traduit mon résumé ; une autre pour mon père qui m’a donné le goût de la bande dessinée, ; ce travail n’aurait sans doute jamais vu le jour sans les lectures du Journal de Tintin et des albums du Lombard à dos toilé – entre autres – de mon enfance. Un remerciement tout particulier à mon épouse qui m’a permis de me libérer du temps et a supporté mes absences pendant les longues séances de bibliothèque, et m’a aidé à triompher de mes doutes. Puisque cette thèse ne sera pas mon seul accouchement en 2016, une pensée pour mes enfants à naître en octobre ; timing parfait pour laisser papa terminer sa thèse ! 5 Sommaire Introduction p.7 Partie 1. Emergence d'un 9e art p.33 1.1. La quête d’une identité p.35 1.2. Histoire de la bande dessinée p.44 1.3. Représentation sociale de la bande dessinée en tant qu’objet p.62 éditorial 1.4. Art de masse, industrie culturelle et divertissement p.73 1.5. Apparition d'un discours d’érudition p.85 1.6. Les festivals, premiers dispositifs de célébration p.103 1.7. Formations p.118 1.8. Distinctions p.133 1.9. Emancipations p.147 1.10. Déclarations p.157 1.11. Accessions p.165 Partie 2. Dominomorphisme et légitimations en neuvième art p.171 2.1. Portrait de l’auteur en artiste p.173 2.2. La constitution d’un marché de l’art p.189 2.3. Institutionnalisation p.216 2.4. Les expositions temporaires p.231 2.5. L'impact sur la carrière/les créations des dessinateurs qui font le p.263 pari de l'institution et/ou du marché 2.6. Des légitimations concurrentes ? p.272 2.7. Légitimation et dominomorphisme p.281 Partie 3. La bande dessinée sous domination symbolique p.287 3.1. Lecture et relectures p.289 3.2. Stratégies instrumentalisantes p.303 3.3. Politique culturelle et bande dessinée p.341 3.4. Bande dessinée et art contemporain p.368 3.5. Une légitimation partielle p.382 3.6. Entre illégitimité et domination symbolique p.399 Conclusion p.405 Table des matières p.427 Bibliographie p.432 Annexes p.461 6 Introduction La bande dessinée apparaît comme un art. Ses dessinateurs sont, pour beaucoup (63%), inscrits à la maison des artistes ou à l’AGESSA 2 et sont classés dans la rubrique 35-31 de l’INSEE des professions artistiques 3. Le médium a gagné en 1964, sous la plume du critique du cinéma Claude Beylie 4, le qualificatif de « neuvième art », appellation qui sera rapidement popularisée, notamment en étant reprise pour titre d’une rubrique sur l’histoire de la bande dessinée tenue par les auteurs Morris et Pierre van Keer 5 au sein du Journal de Spirou de 1964 à 1967. Pourtant, au milieu du XXe siècle, la bande dessinée semble au ban de la société. Aux Etats-Unis, un psychiatre Frederic Wertham va s’y attaquer à plusieurs reprises.
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