Année 1989. - No 84 S. (C. R.) ISSN 0755-544 X Mardi 21 novembre 1989 DÉBATS PARLEMENT C 3 JOURNAL OFFICIEL DE LA RÉPUBLIQUE FRANÇAISE DIRECTION DES JOURNAUX OFFICIELS TÉLÉPHONES : 26, rue Desaix, 75727 PARIS CEDEX 15. STANDARD: (1) 40-58-75-00 TELEX 201176 F DIRJO PARIS ABONNEMENTS : (1) 40-58-77-77 PREMIÈRE SESSION ORDINAIRE DE 1989-1990 COMPTE RENDU INTÉGRAL 28° SÉANCE Séance du lundi 20 novembre 1989 3480 SÉNAT - SÉANCE DU 20 NOVEMBRE 1989 SOMMAIRE PRÉSIDENCE PRÉSIDENCE DE M. JEAN CHAMANT DE M. PIERRE-CHRISTIAN TAITTINGER MM. Jacques Golliet, Michel Poniatowski, Jacques Chau- mont, Louis Jung, Jacques Larché, Yvon Bourges, le ministre d'Etat, le Premier ministre. M. Daniel Hoeffel. 1. Procès-verbal (p. 3481). Suspension et reprise de la séance (p. 3505) Explications de vote (p. 3505) 2. Politique générale. - Débat et vote sur une déclaration MM. Etienne Dailly, Robert Pontillon, Marcel Lucotte, du Gouvernement (p. 3481). Ernest Cartigny, Robert Vizet, Josselin de Rohan. MM. Michel Rocard, Premier ministre ; Roland Dumas, Approbation, au scrutin public à la tribune, de la déclara- ministre d'Etat, ministre des affaires étrangères ; Jean tion du Gouvernement. Lecanuet, président de la commission des affaires- étran- gères ; Daniel Hoeffel, Christian Bonnet, Maurice Couve M. le Premier ministre. de Murville, Jean Garcia, Jean François-Poncet, Claude Estier, Jacques Habert. 3. Communication du Gouvernement (p. 3510). Suspension et reprise de la séance (p. 3496) 4. Ordre du jour (p. 3510). SÉNAT — SÉANCE DU 20 NOVEMBRE 1989 3481 COMPTE RENDU INTÉGRAL PRÉSIDENCE chacun des participants a ressenti samedi, mieux que jamais DE M. PIERRE-CHRISTIAN TAITTINGER, et avec presque autant de surprise que d'émotion, l'unité pro- vice-président fonde de notre Communauté. Bien des questions subsistent naturellement, bien des diffi- La séance est ouverte à dix-sept heures. cultés aussi. Mais l'autorité impressionnante avec laquelle le M. le président. La séance est ouverte. Président de la République a su fédérer les volontés et faire converger les préoccupations permet plus d'optimisme qu'on n'en avait naguère. C'est en grande partie grâce à lui que sera épargnée à l'Eu- 1 rope l'humiliation de devoir aller frapper à la porte des super-grands, puisque ce sont MM. Bush et Gorbatchev qui PROCÈS-VERBAL ont tous deux exprimé non seulement le désir - ce qui ne serait que flatteur - mais surtout le besoin - ce qui est autre- M. le président. Le compte rendu analytique de la précé- ment plus important - de rencontrer rapidement François dente séance a été distribué. Mitterrand, président en exercice des Communautés euro- Il n'y a pas d'observation ?... péennes. Le procès-verbal est adopté sous les réserves d'usage. Cela sert l'Europe autant que cela fait honneur à la France, et vous comprendrez sans doute, mesdames, mes- sieurs les sénateurs, que le Premier ministre que je suis trouve de la fierté et de la joie à servir cet homme-là. 2 De la même manière, je crois que fait honneur à la France et au Sénat le débat d'aujourd'hui, qui se conclura par un POLITIQUE GÉNÉRALE vote. Vous êtes la première assemblée parlementaire européenne, Débat et vote sur une déclaration du Gouvernement mesdames, messieurs les sénateurs, à vous saisir et à vous prononcer au fond après la rencontre de samedi, et après les M. le président. L'ordre du jour appelle une déclaration changements si soudains de ces trois dernières semaines dans de politique générale, portant sur la politique étrangère de la au moins trois, bientôt quatre, des pays de l'Europe de l'Est. France à l'égard de l'évolution des pays de l'Europe de l'Est, suivie d'un débat et d'un vote sur cette déclaration. Il y a ici suffisamment de séfieux, de talent et de compé- tence pour que cette assemblée soit digne de l'enjeu. La parole est à M. le Premier ministre. (Applaudissements sur les travées socialistes.) Si nous avons choisi de mettre en oeuvre le dernier alinéa de l'article 49 de la Constitution sur un aspect de politique M. Michel Rocard, Premier ministre. Monsieur le prési- étrangère, comme cela s'était déjà fait le 10 juin 1975, c'est dent, mesdames, messieurs les sénateurs, au milieu des parce que nous pensons qu'ici on sait s'élever au-dessus des drames et des souffrances dont le monde nous offre chaque enjeux étroitement partisans pour être à la hauteur des événe- jour le spectacle poignant, il arrive parfois que l'Histoire ments historiques que notre continent est en train de vivre. nous procure de grandes joies. Je ne serai malheureusement pas en mesure, pour des Tous, nous avons partagé celle de l'ouverture du mur de raisons que vous connaissez tous, d'assister à l'intégralité du Berlin, qui est venue, de manière symbolique et exaltante, débat - en clair, je vais vous quitter dans quelques instants ponctuer l'évolution en cours dans les pays de l'Est. pour rejoindre l'Assemblée nationale - et je le regrette, même Habitués à les voir depuis des décennies immobiles et si, naturellement, je reviendrai parmi vous ce soir. menaçants, nous les avons soudain découverts mouvants et Mais à quelque chose malheur est bon, car c'est à quelque peu désemparés. M. Roland Dumas que revient le soin d'exposer le détail de Alors, une fois passé le premier moment de bonheur, une notre action et de nos orientations, et vous pourrez ainsi dia- fois exprimée la satisfaction profonde et durable que suscite loguer avec l'artisan infatigable et talentueux de la' politique toute grande victoire de la démocratie et de la liberté, il qu'il vous est demandé d'approuver. revient aux responsables que nous sommes - exécutif et légis- C'est donc le ministre d'Etat, ministre des affaires étran- latif - de nous interroger sur les suites. gères qui, au nom du Gouvernement, va vous adresser la Ces questions sont fécondes, moins simples mais bien plus déclaration de politique générale portant sur la politique porteuses d'espoir que le statu quo ante, hérité de Yalta, qui, étrangère de la France à l'égard de l'évolution des pays de d'une certaine manière, offrait une sorte de terrible confort. l'Europe de l'Est. La France et l'Europe, cependant, ne sont pas prises au C'est sur cette déclaration, éclairée par le débat qui suivra, dépourvu. D'abord parce que, si nul n'avait prévu une telle que vous aurez à vous prononcer par un vote. rapidité, certains avaient anticipé sur le cours des événe- Ce vote, mesdames, messieurs les sénateurs, ne portera pas ments, avaient noué les contacts et mené la réflexion qui sur l'ensemble des affaires gouvernementales. C'est clair. autoriseraient une réaction adaptée et rapide. Connaissant la majorité politique du Sénat, nous savons tous J'ai eu le privilège d'en être le témoin samedi soir. Le qu'elle ne pourrait y être favorable. Non, le vote portera seu- vieux militant européen que je suis, mais également l'habitué lement, comme en 1975, sur un aspect considérable mais des discussions interminables et des chicaneries de toutes cependant circonscrit. Bien sûr, il ne vous engagera pas au- sortes qui, traditionnellement, occupent les rencontres com- delà de son objet. munautaires, peut vous affirmer qu'il s'est passé quelque Voilà des années, mesdames, messieurs les sénateurs, que chose d'inédit et qu'on a perçu là une volonté commune, nous n'avions pas eu le sentiment de vivre des événements j'allais dire une communion d'esprit et de volonté, un souffle d'une telle importance, porteurs d'un tel espoir de liberté. Ils dont le souvenir avait à peu près disparu depuis l'époque de peuvent, si nous le voulons, être un stimulant considérable Robert Schuman et Jean Monnet. pour l'unification européenne. Ils peuvent être l'occasion Certains, autour de la table, pouvaient avoir des doutes, d'une manifestation de notre unité nationale, par-delà nos des réticences, sur tel ou tel aspect, qu'il soit diplomatique divisions durables et naturelles. Ils peuvent donc marquer ou financier, futur ou immédiat. Mais tous ont su les une pose dans nos querelles intestines, juste le temps d'ex- dominer et je ne crois pas m'avancer beaucoup en disant que primer à l'Europe un message d'union, un message d'espoir 3482 SÉNAT - SÉANCE DU 20 NOVEMBRE 1989 et un message de paix. (Applaudissements sur les travées socia- Vous le savez, je reviens de Hongrie et de Pologne ; le pré- listes, du R.D.E., ainsi que sur certaines travées de l'union cen- sident de la commission des Communautés européennes triste et de l'U.R.E.I.) m'accompagnait dans ce déplacement. J'ai entendu, comme vous sans doute, l'appel angoissé de M. Mazowiecki : « Ne M. le président. La parole est à M. le ministre d'Etat. laissons pas-se perpétuer une "Europe des riches" et une (Applaudissements sur les travées socialistes.) "Europe des pauvres". De cette division naîtraient de nou- M. Roland Dumas, ministre d'Etat, ministre des affaires veaux périls. » Cet homme émouvant disait des choses étrangères. Monsieur le président, mesdames, messieurs les simples. Entendons-les. Il ajoutait : « Nous sommes sénateurs, l'ampleur des événements qui se déroulent à l'Est condamnés à réussir dans un délai de six mois. » Il nous de l'Europe a justifié, comme vient de le rappeler M. le Pre- demandait d'accélérer le rythme et l'ampleur de notre aide mier ministre, cette demande de débat. Un autre débat sur la sans laquelle les réformes courageuses qui ont été entreprises politique extérieure du Gouvernement aura lieu dans tourneraient court.
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