Les Nemrods De La République. Relations De Pouvoirs Et D'influence

Les Nemrods De La République. Relations De Pouvoirs Et D'influence

Les Nemrods de la République. Relations de pouvoirs et d’influence sur les élites lors des chasses présidentielles en France, de 1870 à 1995 Louis Garrido To cite this version: Louis Garrido. Les Nemrods de la République. Relations de pouvoirs et d’influence sur les élites lors des chasses présidentielles en France, de 1870 à 1995. Histoire. 2018. dumas-02088037 HAL Id: dumas-02088037 https://dumas.ccsd.cnrs.fr/dumas-02088037 Submitted on 2 Apr 2019 HAL is a multi-disciplinary open access L’archive ouverte pluridisciplinaire HAL, est archive for the deposit and dissemination of sci- destinée au dépôt et à la diffusion de documents entific research documents, whether they are pub- scientifiques de niveau recherche, publiés ou non, lished or not. The documents may come from émanant des établissements d’enseignement et de teaching and research institutions in France or recherche français ou étrangers, des laboratoires abroad, or from public or private research centers. publics ou privés. Université Paris 1 Panthéon-Sorbonne UFR d’histoire – Centre d’histoire sociale du XXe siècle Louis Garrido LES NEMRODS DE LA REPUBLIQUE Relations de pouvoirs et d’influence sur les élites lors des chasses présidentielles en France de 1870 à 1995 Mémoire de Master 2 préparé sous la direction de Pascal Ory, professeur émérite Juin 2018 Université Paris 1 Panthéon-Sorbonne UFR d’histoire – Centre d’histoire sociale du XXe siècle Louis Garrido LES NEMRODS DE LA REPUBLIQUE Relations de pouvoirs et d’influence sur les élites lors des chasses présidentielles en France de 1870 à 1995 Mémoire de Master 2 préparé sous la direction de Pascal Ory, professeur émérite Juin 2018 « Les chasseurs, au contraire, présentent toujours à la république des corps robustes et des ressources positives. Ils font la guerre aux bêtes, les autres la font aux amis. » Xénophon, Cynégétique, chapitre XIII Remerciements Je tiens d’abord à remercier M. Etienne de l’Estoile qui m’a rappelé que derrière une titulature pouvait se cacher un trésor. Il convient également de remercier M. Claude Garrido pour la relecture attentive de ce mémoire et Mme Anne Léoty pour son assistance technique. Enfin, j’exprime ma gratitude à M. Pascal Ory pour la liberté de recherche et les conseils avisés donnés au cours de ces deux années de direction. Sommaire Introduction I) La place des chasses présidentielles au sein du pouvoir 1. Les chasses présidentielles, dernier joyau de la Couronne ? A. Les chasses royales au Moyen-Age (dynastie carolingienne et XIIIe siècle) B. Le moment de cristallisation : Louis XIV et l’étiquette C. Le tumulte du XIXe siècle : l’héritage direct 2. Radiographie d’une chasse présidentielle A. Les invitations et les préparatifs B. La journée de chasse (battues et déjeuner) C. Le suivi (envoi de gibier et budget d’une journée de chasse) 3. Les chasses présidentielles : le pouvoir en représentation A. Analyse des reportages photographiques et du service photo de l’Elysée B. La dimension symbolique d’une culture de classe C. Le Président d’une France rurale ? II) Les chasses présidentielles : outil d’influence des Présidents 4. Une influence sur la politique intérieure A. Les Grands corps d’Etat : le Président comme clef de voute des institutions B. Les parlementaires : rencontre entre l’exécutif et le législatif C. Le Gouvernement 5. Les élites culturelles et économiques en ligne de mire A. Les élites économiques : du « copinage » de classe à l’Etat stratège ? B. Les élites culturelles : Existe-t-il une culture « officielle » ? C. A la croisée des chemins : les patrons de presse. 6. Guerre et Paix : « Terror belli, decus pacis » Le corps diplomatique et les organisations militaires A. Les militaires et grandes organisations internationales, symbole de deux mondes B. Les relations diplomatiques lors des chasses sous la Troisième République C. Les relations diplomatiques lors des chasses présidentielles depuis 1945 III) Les chasses, les élites, les Présidents et les Républiques : un rapport complexe 7. Elites des Républiques, Républiques des élites A. La « républicanisation » des invités et des institutions B. Les élites cynégétiques correspondent-elles aux élites françaises dans leur ensemble ? C. Comment relier les élites appartenant aux chasses présidentielles ? 8. Présidents « monarque » contre Présidents « arbitres » A. Présidents « monarque » : velléités de puissance B. Présidents « arbitres » : un sens du devoir affirmé C. Présidents « fantômes » : une absence omniprésente 9. Régimes parlementaires contre régime semi-présidentiel A. Les chasses dans les régimes parlementaires : une prérogative constitutionnelle B. Les chasses dans la Cinquième : une énième corde à l’arc présidentiel C. Les chasses contestées : une scorie monarchique Conclusion Annexes Introduction « Homme fait, la chasse me délaissait de tant de luttes secrètes avec des adversaires tour à tour trop fins ou trop obtus, trop faibles ou trop forts pour moi. Ce juste combat entre l’intelligence humaine et la sagacité des bêtes fauves semblait étrangement propre comparé aux embûches des hommes. Empereur, mes chasses en Toscane m’ont servi à juger du courage ou des ressources des grands fonctionnaires : j’y ai éliminé ou choisi plus d’un homme d’Etat. Plus tard en Bithynie, en Cappadoce, je fis des grandes battues, un prétexte de fête, un triomphe automnal dans les bois d’Asie. » Femme du XXe siècle, se glissant dans la peau d’un empereur mourant au second siècle de notre ère, Marguerite Yourcenar tient le style dans la main d’Hadrien pour le faire revenir dans des Mémoires fictives mais dont les notes graves résonnent avec les accents de la vérité sur son existence, ses souvenirs et sa pratique du pouvoir. Pratique s’exprimant tant dans les palais de marbre que dans les forêts boisées de l’Empire. Cet empereur philhellène, disciple d’Artémis-Diane, possède en partage cet amour de la pratique cynégétique avec certains des présidents de la République française. D’Adolphe Thiers en 1871 jusqu’à François Mitterrand en 1995, la Présidence de la République a organisé des chasses présidentielles au cours desquelles étaient invitées les élites politiques, économiques et culturelles. Les chasses présidentielles ne naissent pas républicaines, elles le deviennent. Héritage de la monarchie, elles charrient dans leur sillage un ensemble de traditions, de pratiques, de territoires emprunts des sceaux royaux et impériaux. Ces chasses ont lieu entre le début du mois d’octobre et la fin du mois de janvier. En une journée, parfois deux, des invités de la présidence de la République se retrouvent pour chasser sur les domaines nationaux du château de Rambouillet, de Marly-le-Roi dès les débuts de la Troisième République, complétés par celui de Compiègne durant le mandat d’Emile Loubet (1899-1906) et du domaine de Chambord sous la Cinquième République. Cette journée se compose d’un déjeuner, de plusieurs battues, d’une collation et parfois d’un dîner pour les chasses sortant du cadre annuel, celles, exceptionnelles données en l’honneur des chefs d’État en voyage officiel ou officieux. Les chasses sont définies par l’institution auxquelles elles sont attachées. Traditionnellement, c’est le corps diplomatique qui ouvre la saison, viennent ensuite les membres du Sénat et de la Chambre des Députes (devenue en 1946 l’Assemblée nationale), chaque chambre ayant sa chasse. Celles du Gouvernement et des grands corps de l’Etat suivent ainsi que les chasses pour les « amis personnels » et les Maisons civile et militaire de la Présidence de la République. Convoquer la figure biblique de Nemrod pour qualifier les 10 présidents de la République est d’autant plus juste que ce « chasseur devant l’Eternel »1 présent dans la Genèse est le premier roi. Selon le Zohar, le terme chasseur est à entendre comme chasseur d’hommes et comme roi ayant conquis son peuple par la force. La figure de Nemrod est significative car, selon Hegel2, elle représente l’immanence du pouvoir, le premier pouvoir terrestre qu’il oppose à Noé et Abraham, des bergers se plaçant sous l’autorité divine, au cœur d’un pouvoir transcendant. Le qualificatif Nemrod s’applique donc aux présidents de la République pour plusieurs raisons. Tout d’abord, certains, parmi les premiers magistrats de France furent effectivement de grands chasseurs (Félix Faure ou Valéry Giscard d’Estaing par exemples) et remplirent leur présidence de nombreux trophées de chasse. Ensuite, comme le roi biblique, certains présidents sont des chasseurs d’hommes, voire des « chasseurs de tête », au service d’une stratégie de renforcement de leur influence personnelle au-delà de la circonscription des pouvoirs qui leur sont dévolus par la Constitution (Vincent Auriol en est la figure idéal-typique). En outre, comme Grégoire Chamayou l’explique pour Nemrod : « Le pouvoir cynégétique rassemble l’épars, le centralise et l’accumule dans une logique d’annexion sans limite. [...] La dynamique du pouvoir cynégétique est orientée par ces deux vecteurs : centralisation par l’annexion des ressources extérieures, verticalisation par l’accumulation des prises sur le territoire intérieur.3 » Les chasses présidentielles répondent parfaitement à cette analyse, contrepoint de l’analyse foucaldienne du pouvoir pastoral, où ce qui compte ne sont pas tant les prises animales que les prises humaines, dont la capture se font par les cartons d’invitations. Le Président de la République centralise les forces vives de la politique, de l’économie, de l’élite intellectuelle et culturelle, des forces apparaissant comme « les ressources extérieures », extérieur au domaine de compétence et au champ d’intervention présidentiel par des moyens plus traditionnels. Verticalisation également par le Protocole, héritage de l’étiquette monarchique de l’Ancien Régime, subtil rappel de la place qu’occupe chacun sur une échelle de valeurs, le président toujours au-dessus. Cette verticalisation se fait sur le « territoire intérieur » du Président, c’est-à-dire sur les domaines présidentiels (Rambouillet, Marly, etc.). Le Président possède l’avantage de connaitre le « terrain », il reçoit en maître chez lui, impliquant une subordination symbolique entre lui, sa famille et ses invités.

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